CAPTURES DES ISTIOPHORIDÉS PAR LA PÊCHERIE ARTISANALE IVOIRIENNE ET EFFORT DE PÊCHE DE 1988 À 2004

Transcription

1 SCRS/2005/ Col. Vol. Sci. Pap. ICCAT, 59(1): (2006) CAPTURES DES ISTIOPHORIDÉS PAR LA PÊCHERIE ARTISANALE IVOIRIENNE ET EFFORT DE PÊCHE DE 1988 À 2004 N. N Goran Ya et J. B. Amon Kothias 1 SUMMARY Istiophoridae hold and important place among the fish caught by the artisanal fishery with drift gillnets in Ivorian coastal waters. They are: blue marlin (Makaira nigricans), sailfish (Istiophorus albicans) and, of minor importance, white marlin (Tetrapturus albidus) which sporadically occurred in the catches since The total and specific annual catches, the catch per unit of effort (CPUE) and the size frequency distributions of these three species are available from 1988 to Sailfish sizes are between 110 and 210 cm with a nodal value of 180 cm. For blue marlin, the size of individuals is between 145 cm and 385 cm with a maximum of 200 cm. For white marlin, the size of the individuals caught is between 145 cm and 210 cm with a maximum of 180 cm. Fishing effort has multiplied by 10 from 2,908 canoe trips in 1988 to 27,876 trips in On the other hand, the yields showed a large decrease during the first six years followed by stabilization. RÉSUMÉ Les Istiophoridés occupent une grande place parmi les poissons capturés par la pêcherie artisanale au filet maillant dérivant dans les eaux côtières ivoiriennes. Ce sont : le marlin bleu (Makaira nigricans), le voilier (Istiophorus albicans) et dans une moindre mesure le marlin blanc (Tetrapturus albidus) qui n a commencé à apparaître sporadiquement dans les prises qu à partir de Les captures totales et spécifiques annuelles, les captures par unité d effort (CPUE) et les distributions des fréquences de taille de ces trois espèces sont disponibles de 1988 à Les tailles des voiliers sont comprises entre 110 cm et 210 cm avec une valeur modale à 180 cm. Pour le marlin bleu, la taille des individus est comprise entre 145 cm et 385 cm avec un maximum à 200 cm. Quant au marlin blanc, les rares individus capturés ont la taille comprise entre 145 cm et 210 cm et un maximum à 180 cm. L effort de pêche a été multiplié par 10 en passant de sorties de pirogues en 1988 à sorties en En revanche, les rendements ont dans leur ensemble enregistré une forte baisse dans les six premières années, suivie d une stabilisation. RESUMEN Los istiofóridos ocupan un lugar importante entre los peces capturados por la pesquería artesanal con redes de enmalle a la deriva en las aguas costeras de Côte d Ivoire. Estos son aguja azul (Makaira nigricans), pez vela (Istiophorus albicans), y con una importancia menor, aguja blanca (Tetrapturus albidus), que aparece esporádicamente en las capturas tan sólo a partir de Se dispone de datos de capturas totales y específicas anuales, captura por unidad de esfuerzo (CPUE) y de distribuciones de frecuencias de tallas de estas tres especies desde 1988 hasta Las tallas del pez vela se sitúan entre 110 y 210 cm, con un valor modal de 180 cm. Para la aguja azul, la talla de los especimenes oscila entre 145 y 385 cm, con un máximo en 200 cm. En cuanto a la aguja blanca, la talla de los especimenes capturados se sitúa entre 145 y 210 cm, con un máximo en 180 cm. El esfuerzo pesquero se ha multiplicado por diez, pasando de salidas al mar de las canoas en 1988 a salidas en Por otro lado, los rendimientos han registrado en general un fuerte descenso durante los primeros seis años, seguido de una estabilización. 1 Biologistes des pêches, Centre de Recherches Océanologiques, B.P. V-18, Abidjan (Côte d Ivoire). 245

2 KEYWORDS Artisanal fishery; Drift gill net; Capture; Yiel;, Côte d Ivoire 1. Introduction Les poissons «porte-épée» dont le marlin bleu (Makaira nigricans), le marlin blanc (Tetrapturus albidus) et le voilier (Istiophorus albicans) se rencontrent régulièrement dans les prises de la pêcherie au filet maillant dérivant opérant dans les eaux côtières ivoiriennes. Cette présence atteste que ces poissons fréquentent les eaux ivoiriennes de manière sédentaire ou saisonnière. Leur comportement devrait refléter celui des porte-épée dans l atlantique oriental. Le but du présent document est de mettre en évidence les captures totales et spécifiques des trois istiophoridés rencontrés de même que les gammes de taille et l évolution des rendements (cpue) des engins au fil des années depuis Méthodologie La détermination des tailles des poissons pêchés nécessite des mensurations sur les individus pêchés. De même l estimation des quantités pondérales requiert la connaissance des poids individuels des poissons débarqués. Pour y parvenir, les tailles des poissons (trop grands) d une part et les conditions de débarquement (vente aux enchères) d autre part, ont imposé l usage du matériel et des méthodes suivants. Toutes les pirogues qui débarquent quotidiennement au Port d Abidjan ont été répertoriées. Elles sont toutes contrôlées chaque matin. Un échantillonneur est chargé de compter et de mesurer tous les istiophoridés au centimètre inférieur. Le ruban centimétrique souple est appliqué sur le flanc du poisson depuis l extrémité de la mâchoire inférieure. Les données sont regroupées par mois, les mensurations sont regroupées par intervalles de 5 cm (inférieur) et l effort de pêche qui correspond au nombre d opérations de pirogues (nombre de pirogues sorties) est calculé. Cet effort a été corrigé en multipliant l effort nominal (nombre de sorties) par un coefficient correspondant à l augmentation de la longueur des filets par les pêcheurs par rapport à la longueur initiale en début de pêcherie (Bard et N goran, 2000). Lorsque certaines pirogues ne débarquent pas directement, ceci est noté et des corrections sont faites dans le traitement des données de captures totales annuelles. Il est difficile (voire impossible) à l enquêteur de peser les poissons qui sont trop gros et par conséquent difficiles à manipuler. C est pourquoi les mesures de taille sont directement converties en poids à partir des relations Taille/poids de chaque espèce (Tableau 1). Tableau 1. Relations longueur-poids utilisées. Espèce Equation Auteur Voilier (Istiophorus albicans) W = 1,2869 E-6* Ljf ** Prager et al., 1991 Marlin bleu (Makaira nigricans ) W = 1,1955 E10-6 *Ljf** Prager et al., 1991 Marlin blanc (Tetrapturus albidus) W = 5,2068 E-6 Ljf* Prager et al., 1991 Note :Ljf: Longueur du bout de la mâchoire inférieure à la fourche caudale. Les données de base ont été rassemblées dans des fichiers sous EXCEL. 3. Resultats Sur la base des chiffres relevés (décompte des sorties, captures en nombre et mesures des longueurs des poissons), ont été estimés les quantités capturées et les rendements sur toutes les années allant de 1988 à Ces chiffres donnent une description des résultats de la pêcherie et des indications sur l état d exploitation des ressources exploitées. 246

3 3.1 Les captures Les captures sont relevées en nombre mais la plupart des poissons sont mesurés. Les captures des pirogues n étant pas pesées, elles sont calculées en sommant les poids individuels des poissons mesurés dont on calcule le poids selon des relations longueur poids établies par ailleurs. Les équations utilisées et leurs sources sont portées au Tableau 1. Le Tableau 2 résume les captures annuelles enregistrées en poids des espèces d istiophoridés débarqués. Les distributions des fréquences de taille de ces trois espèces sont disponibles de1988 à 2004 et illustrées par la Figure 1. Les tailles des voiliers sont comprises entre 110 cm et 210 cm avec une valeur modale à 180 cm., Pour le marlin bleu, la taille des individus est comprise entre 145 cm et 385 cm avec un maximum à 200 cm. Quant au marlin blanc, les rares individus capturés ont la taille comprise entre 145 cm et 210 cm et un maximum à 180 cm Tableau 2. Prise (tonnes) d istiophoridés et effort (nombre de sorties pirogues) de la pêcherie artisanale au filet maillant dérivant en Côte d Ivoire. Effort Voilier Marlin bleu Marlin blanc nb sorties I. albicans M. nigricans T. albidius ,6 130, ,5 82, ,9 88, ,2 105, ,8 79, ,5 139, ,4 211, ,3 176, ,6 157,4 0, ,1 222,1 1, ,3 182,4 0, ,1 275,5 5, ,5 205,9 1, ,0 196,0 2, ,4 77,9 1, ,0 109,0 3, ,6 114,7 0,9 247

4 600 Voilier (I. albicans ) Marlin bleu (M. nigricans) Marlin blanc (T. albidius) Figure 1. Distribution des fréquences de taille des istiophoridés capturés par la pêcherie Artisanale au filet maillant dérivant en Côte d Ivoire. 3.2 L effort de pêche Les chiffres de base d effort de pêche sont les nombres de sorties de pirogues. Ce qui constitue un effort dit nominal, qui a été corrigé par l évolution des puissances de pêche. Un des facteurs de puissance de pêche est la taille des filets. Or il est apparu que les pêcheurs ont toujours eu tendance à augmenter la taille des filets (Bard 248

5 et Ngoran, 2001). Une enquête a permis de reconstituer l évolution de la taille moyenne des filets sur les années Les taux d augmentation a permis de corriger les efforts annuels qui sont dans les Tableaux 2 et Les captures par unité d effort (cpue) Les séries de valeurs (effort et captures) ont permis de calculer les rendements annuels exprimés en kilogramme de chaque espèce par sortie de pirogue. Les valeurs concernant les trois espèces étudiées sont consignées dans le Tableau 3. Tableau 3. Captures par unité d effort, cpue (kg/sortie) d istiophoridés par la pêcherie artisanale au filet maillant dérivant en Côte d Ivoire. Effort Voilier Marlin bleu Marlin blanc nb sorties I. albicans M. nigricans T. albidius ,56 44, ,44 33, ,82 30, ,68 21, ,10 12, ,13 18, ,26 16, ,69 12, ,26 10,87 0, ,06 17,25 0, ,41 17,66 0, ,26 18,07 0, ,66 16,95 0, ,36 14,01 0, ,01 5,96 0, ,41 3,97 0, ,60 4,11 0, Evolution annuelle des rendements Les rendements exprimés en captures par unité d effort (cpue) sont inscrits pour les trois espèces, dans le Tableau 3. L évolution dans le temps des cpue spécifiques, est illustrée par les courbes de la Figure

6 25,00 20,00 Voilier (I. albicans ) 15, , 0 0 5,00 0,00 50,00 45,00 40,00 35,00 Marlin bleu (M. nigricans) 30,00 25,00 20,00 15, , 0 0 5,00 0,00 Figure 2. Evolution des cpue (kg/sortie) annuelles des voiliers (I. albicans) et des marlins bleus (M. nigricans) par la pêcherie artisanale au filet maillant dérivant en Côte d Ivoire. 4. Discussion et conclusions L observation des tendances comparées des rendements et des tailles moyennes des poissons peut fournir des indications simples sur l état des ressources exploitées. Or, on observe des situations contrastées selon les espèces. La situation la plus simple se produit lorsque les tendances des rendements et les tailles moyennes baissent simultanément avec l accroissement de l effort de pêche. Ceci suggère un effet direct de la pêche des pirogues sur les ressources locales, en particulier par l élimination des plus grands poissons, ce qui correspondrait à une modification de la structure démographique des populations côtières isolées à caractère sédentaire. A l inverse, si les rendements et tailles moyennes sont relativement stables ceci correspond à la situation d espèces migratrices, qui comportent des échanges vraisemblables entre la zone côtière ivoirienne et le reste de l Atlantique. Selon le degré de mobilité et de tendance à la migration de chaque espèce, les effets de l exploitation par les pêcheries lointaines sur l abondance locale seront plus ou moins marqués. Enfin, la réalité peut se situer entre ces deux hypothèses extrêmes et ceci doit être discuté selon les espèces et la connaissance que l on a des stocks en Atlantique et des tendances migratrices. Par rapport à cela, on observe pour les deux espèces (M. nigricans et I. albicans) qui ont bénéficié d une plus longue série de données (marlin bleu et voilier), que la baisse des rendements n est pas suivie de la baisse des 250

7 tailles. La pêche artisanale au filet maillant dérivant n aurait pas d effet direct sur les stocks de ces poissons pélagiques. Le voilier est un Istiophoridé de taille relativement modeste qui fréquente préférentiellement les milieux côtiers de tout l Atlantique tropical, bien que l on le rencontre aussi au grand large où il constitue une capture accessoire des grands senneurs (Gaertner et al. 2002) et des palangriers (Uozumi, 1995). Dans la pêcherie d Abidjan, les tailles moyennes de ces poissons restent remarquablement constantes sur l ensemble des années observées. A l inverse, les rendements ont continuellement diminué depuis le début. Cette baisse est confirmée par les chiffres cités par Mensah (1994) pour la pêcherie identique du Ghana qui indiquent une décroissance nette des rendements de voilier de 1984 à Cette situation s explique par le fait que le voilier est un poisson à croissance très rapide et de faible longévité. La pêcherie piroguière exploite donc la seule classe d âge dès qu elle est recrutée dans la pêcherie. Et donc la baisse continue des rendements correspondrait à une baisse du recrutement des voiliers dans les eaux ivoiriennes, qui pourrait être soit la conséquence d une exploitation intensive, soit d un changement des conditions environnementales, des upwellings notamment. Le marlin bleu est un grand Istiophoridé océanique qui se rencontre de façon dispersée dans tout l Atlantique tropical où il constitue une prise accessoire des palangriers (Yokawa et Uozumi, 2000) et des senneurs (Gaertner et al. 2002). Sa croissance initiale est rapide et il possède une longévité notable. Tout ceci fait qu il atteint assez souvent de grandes tailles, de plus de 500 kg. Les plus gros individus sont des femelles. Les tailles moyennes des marlins bleus capturés par la flottille piroguière sont remarquablement constantes les rendements n ont que modérément diminué de 1988 à 1992, et se sont même stabilisés depuis La stabilité des rendements, des tailles et l observation constante de grands poissons dans les captures suggère que l abondance des marlins bleus dans les eaux ivoiriennes n a que légèrement décru sur la période Cette relative stabilité pourrait correspondre à un mélange constant avec des poissons issus du reste de l Atlantique comme le suggère des récupérations de marlins bleus marqués. Quant au marlin blanc, sa faible proportion dans les prises ne permet pas de conlure sur son écologie dans les eaux côtières ivoiriennes. La seule explication serait que cette espèce vivrait beaucoup plus au large que les autres. 5. Bibliographie BARD, F.X. and N. N GORAN YA Increase of fishing effort of canoes using gill net for large pelagic fish along the coasts of the Gulf of Guinea. Col. Vol. Sci. Pap. ICCAT, 52(2): GAERTNER, D., F. MENARD, C. DEVELTER, J. ARIZ and A. DELGADO de MOLINA By-catch of billfishes by the European tuna purse seine fishery in the Atlantic Ocean. Fish. Bull. Vol. 100, No. 4, pp MENSAH, M. A The catch statistics of the billfish fishery in Ghana. Col. Vol. Sci. Pap. ICCAT, 41(1): PRAGER, M. H., D. W. LEE and E. D. PRINCE Bias-corrected length-weight relationships for Atlantic blue marlin, white marlin, and sailfish. Col. Vol. Sci. Pap. ICCAT, 39(3): UOZUMI, Y Preliminary analysis on the distribution of sailfish and longbill spearfish in the Atlantic Ocean in 1993, based on the logbook data. Col. Vol. Sci. Pap. ICCAT, 44(3): YOKAWA, K. and Y. UOZUMI Analysis of operation pattern of Japanese longliners in the tropical Atlantic and their blue marlin catch. Col. Vol. Sci. Pap. ICCAT, 53: