Jean du Bois de Gaudusson
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- Laurent Robillard
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1 Jean du Bois de Gaudusson Agrégé des Facultés de droit, Professeur émérite de droit public à l Université de Bordeaux, Président honoraire de l Agence Universitaire de la Francophonie(AUF), Ancien professeur à l Université de Madagascar, Ancien conseiller en service extraordinaire à la Cour constitutionnelle de l Union des Comores. 66 Rue Descartes, Bordeaux Mobile : +33 (0) Jdegaudusson@gmail.com Consultation établie pour le compte de la Commission de l Océan Indien (COI) sur l évolution de l appellation de l organisation régionale et sur l inscription dans les statuts d une «Conférence des chefs d Etat et de gouvernement» 1
2 1 - Objet de la consultation : La consultation a pour objet d examiner les perspectives d évolution du statut de la COI sur deux points : - La modification de l appellation «Commission de l Océan Indien» en «Communauté des Etats de l Indianocéanie» ; - L inscription dans les statuts d une «Conférence des chefs d Etat et de gouvernement» chargée de déterminer les grandes orientations politiques de la COI. Il est demandé au consultant d aborder les principales problématiques, notamment juridiques, induites par ces propositions d évolution de la COI. 2 -Objectifs et contexte des modifications envisagées. Les deux modifications envisagées sont liées et participent de la volonté plusieurs fois exprimée de donner à la COI une nouvelle dimension. Depuis sa création en 1982, la COI a constamment réaffirmé ses ambitions de mener une diplomatie d influence au sein de la région, de compter dans les instances internationales, de créer un partenariat et d ouvrir de nouveaux champs de coopération ; elle s est tout au long de ses trente-cinq années d existence efforcé d atteindre ces objectifs. La révision statutaire envisagée constituera, si elle est adoptée, une nouvelle étape de l histoire de la COI qui fera suite à une série de modifications en 1984, en 1986 et surtout en On rappellera que le 2
3 protocole additionnel du 14 avril 1989 a été adopté pour répondre au désir des Etats-membres «d' améliorer et de compléter leur engagement, à la lumière de l expérience et en vue de permettre de nouveaux développements dans la coopération entre les iles de l 'Océan Indien, de conforter formellement les mécanismes instaurés par la pratique et d'instituer les organismes nécessaires à un développement satisfaisant des activités de la C0I». Les évolutions des textes et la pratique confortent le caractère d organisation internationale de la COI et progressivement en ont modifié la nature. De technique et sectorielle qu était la «commission technique multilatérale de niveau ministériel», la COI est devenu un acteur de la construction de l espace régional océan indien et de ce qui est présenté comme l identité indiocéanique, avec ce que cela signifie d émergence d une conscience régionale et du sentiment d appartenance à un ensemble commun géographique, économique, socio-culturel et politique. Les deux modifications envisagées concourent l une et l autre à adapter la COI à une réalité qui a changé et à une volonté politique plus engagée. Elles posent des problématiques et des questions juridiques qu il convient d examiner tour à tour avant de présenter des observations sur les modalités de révision des statuts. 3 - Sur la modification de l appellation de la COI en «Communauté». Exprimé dès 2014 par le Secrétaire général et lors du 4 ème Sommet des chefs d Etat et de gouvernement, le changement d appellation correspond à une volonté de donner une plus grande visibilité à l Institution et d aller plus avant dans la coopération prévue par les statuts. A nouvelles ambitions, à nouveaux partenaires, à moyens renforcés, une nouvelle appellation. D ordre essentiellement politique, ce changement n a pas en lui-même de portée juridique. 3
4 Le statut des organisations internationales n est pas lié à leur dénomination. En droit international, les appellations retenues par les organisations internationales - et la COI en est incontestablement une- sont très diverses : elles prennent nom : commission, conférence, communauté, union, pacte, association, organisation Et la différence de dénomination s explique avant tout par le contexte, les origines et les conditions de leur création ainsi que par l intention de ceux qui ont imaginé et crée l institution. Le changement de dénomination d une organisation internationale n est pas non plus en lui-même significatif d un point de vue juridique ; il n est pas, de ce seul fait, susceptible d entrainer des conséquences sur le statut juridique. La pratique internationale le montre à l envie. C est au niveau politique et symbolique et non juridique que peut se situer la différence entre telle ou telle appellation. Il en va ainsi dans le cas de présent de la COI en devenant «Communauté». De ce point de vue, le changement n est pas neutre. Il convient cependant de noter que cette transformation n est pas, ici, purement sémantique dans la mesure où il est, aussi, proposé de procéder à un autre changement qui revient à donner un contenu, concret et réel, à la nouvelle appellation. 4- Sur l inscription dans les statuts de la COI d une «Conférence des chefs d Etat et de gouvernement». La création d une telle instance participe de l évolution, ci-dessus retracée, tendant à renforcer le rôle de la COI. Elle n est pas totalement innovante cependant dans la mesure où déjà avaient lieu des réunions de chefs d Etat et de gouvernement. A plusieurs reprises, parfois non sans difficultés, se sont tenues de telles conférences. L idée en avait été lancée dès
5 Quatre sommets ont eu lieu et il a paru utile de l officialiser et d en rendre régulière la pratique en la faisant figurer dans le texte statutaire. A cet égard, la COI n est pas un cas unique. Plusieurs sont les organisations internationales à avoir prévu une telle conférence non seulement ab initio, au moment de leur création mais aussi bien après leur naissance et à la faire figurer dans leurs statuts comme ce fût le cas pour l Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ou l Union Européenne. Les rôles et la place que ces conférences occupent dans l édifice institutionnel sont très variables. Dans le cas qui nous est soumis, la révision envisagée par la COI consiste à instituer une Conférence des chefs d Etat et de gouvernement dont le rôle est de définir les grandes orientations politiques de la COI; il s agit de consacrer une pratique et, telle que présentée, la révision n a pas pour objectif de créer une nouvelle organisation.elle dote l organisation d une direction politique de haut niveau et fixe un cadre général d ordre politique aux instances existantes de l organisation ; mais tant pour la commission interministérielle que pour le Secrétaire général elle n entraine pas de modification de leurs fonctions et compétences initiales. Il n est pas non plus porté atteinte aux mécanismes de prise de décisions fondés sur le consensus et l unanimité. Restent ainsi inchangés l article 7 du statut de la COI et l article 8 du règlement intérieur du Conseil des ministres. La définition de la périodicité des réunions de la Conférence des chefs d Etat et de gouvernement est ouverte ; le rythme d une conférence tous les quatre ans a été évoqué ; il reviendra aux Etats-membres de le définir au moment des négociations en vue de la révision ; rien n empêchera par la suite les Etats-membres, au regard de l expérience d y revenir et de prévoir une périodicité plus courte. Le même pragmatisme et recours à la pratique observée jusqu ici valent pour les modalités d organisation de la conférence (désignation du Président, préparation de la conférence, ). 5
6 5 -Sur les modalités d adoption des modifications envisagées 1. Les modifications institutionnelles des organisations internationales s effectuent selon diverses formes qui font l objet de débats dans la doctrine qui distingue deux types principaux de procédure, la succession et la révision. En ce qui concerne le cas de la COI, au vu de leur contenu, de leur portée ainsi que des intentions poursuivies, les modifications envisagées relèvent, de notre point de vue, de la révision et ne nécessitent pas d engager une procédure de succession ; celle-ci est lourde nécessitant la dissolution de l organisation existante à laquelle se substitue une nouvelle organisation à créer ; elle apparaitrait dans le cas d espèce inutile et inadaptée Il en va ainsi, sans hésitation, pour le changement d appellation. L inscription de la Conférence des chefs d Etat et de gouvernement, nous parait aussi relever de la procédure de révision, Pour plusieurs raisons : En premier lieu, l inscription de la Conférence ne remet pas en cause, ainsi qu on l a indiqué précédemment, les dispositions des statuts relatifs aux compétences et fonctions d aucun organe de la COI, en droit comme dans la pratique. Telle qu elle est envisagée, cette inscription n opère pas la «transformation profonde» -qui nécessiterait en principe le recours à la procédure de la succession - des fonctions et compétences de la COI et de ses instances ;en définitive, elle transcrit dans les textes une pratique qu il s agit de rendre plus régulière qu elle n était. Elle n est pas non plus, en deuxième lieu, de nature à porter atteinte aux objectifs et aux fondements même de ce qui fait l originalité de la COI et assure sa durabilité : la volonté sans cesse exprimée d approfondir l identité indiocéanique et le respect du consensus et de l unanimité pour les prises de décision et aussi, il convient de le préciser,pour la définition des grandes 6
7 orientations politiques à laquelle gouvernement procèdera. la conférence des chefs d Etat et de En troisième lieu, dans la réalité, le droit international et sa pratique admettent que les Etats peuvent procéder à des modifications institutionnelles, y compris fondamentales comme ce fut le cas pour Union Européenne -et il y a d autres exemples- sans recourir nécessairement à la dissolution de l organisation et à sa substitution par une autre. On ajoutera enfin que la procédure de révision, plus rapide, apporte toutes les garanties aux Etats-membres, ainsi que l on va le voir. 2 La procédure de révision : La procédure de révision applicable est celle prévue par les articles 14-1 et 14-2 de l Accord de Victoria aux termes duquel : «Tout ou partie du présent Accord général ainsi que de ses protocoles d application peut, à la demande de l une des parties faire l objet de négociations en vue d une révision» (article 14-1) «Si les autres parties ne donnent pas leur réponse dans un délai de deux mois ou si les parties ne parviennent pas à un accord dans un délai de six mois à compter du début des négociations, les dispositions pour lesquelles la révision a été demandée sont réputées abrogées» (art.14-2) Cet article n appelle pas de commentaires particuliers sauf qu il subordonne toute révision à une initiative d un Etat-membre, qu il exige que soit entamé un processus de négociation et qu il rend nécessaire un accord de l ensemble des Etats-membres. On ajoutera que l initiative de la révision peut être entreprise par la Commission elle même qui a la possibilité d émettre comme le lui reconnait l article 9-2 de l Accord une recommandation aux Etats-membres dont l un d entre eux pourra se saisir pour formuler une demande de révision conformément à l article 14. Dans tous les cas, la révision proposée nécessite l accord unanime de tous les Etats-membres de la COI. 7
8 En conclusion : Au vu des documents communiqués et de la demande formulée par la COI, le consultant conclut que la substitution de l appellation «Communauté» à «Commission» et l inscription dans les statuts d une «Conférence des chefs d Etat et de gouvernement» traduisent une volonté d adapter le droit à une réalité, aux besoins croissants tant dans le domaine politique que celui de la sécurité et du développement économique de la région et à l aspiration à une communauté de destin tout en respectant strictement les principes de solidarité, de consensus et de commun accord entre Etats-membres qui constituent les fondements mêmes de la COI. En application de la procédure de révision, procédure conforme aux règles du droit international et à la pratique des organisations internationales, les statuts devront être modifiés d un commun accord dans plusieurs de leurs dispositions : notamment l article 3-3 de l Accord de Victoria en ce qui concerne l appellation, l article 1 du protocole de 1989 aux fins de compléter la liste des instances ; l article 2 du protocole pourrait être modifié dans le sens suivant : pour d une part inscrire :«1 la conférence des chefs d Etat et de gouvernement définit, d un commun accord, les grandes orientations politiques de l institution. Elle se réunit tous» (Par exemple : tous les quatre ans) et d autre part préciser à la fin de l actuel alinéa 1 que «La compétence [du conseil des ministres] s exerce dans le cadre des grandes orientations politiques définies par la conférence des chefs d Etat et de gouvernement et s étend à toutes les activités se rapportant aux objectifs».(le reste sans changement) Professeur Jean du Bois de Gaudusson Bordeaux le 14 février
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