A quoi rêvent les enfants en temps de guerre? (titre provisoire) Cie LOBA/Annabelle Sergent Extraits en cours de Catherine Verlaguet

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Eugène Ducharme
il y a 6 ans
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1 A quoi rêvent les enfants en temps de guerre? (titre provisoire) Cie LOBA/Annabelle Sergent Extraits en cours de Catherine Verlaguet Ils ne sont pas de la même famille Nous avons volontairement enlevé les prénoms pour ne pas influencer des images trop fermées sur Les personnages sont encore en cours de définition, ce texte est un extrait de travail. Le récit et les personnages vont évoluer, ce ne seront pas nécessairement 2 ados fuyant la guerre, mais possiblement 1 ado «d ici» et 1 ado de «là-bas». C est quoi par-là? C est la frontière. Tout le monde veut aller là-bas. Beaucoup de gens y sont déjà. Mais on ne peut pas être deux pays à vivre dans un seul, tu comprends? Alors maintenant, ils ne laissent plus rentrer personne. On a longé le mur de barbelés. Les champs de coton blanc. Qui nous piquait les fesses. Baisse-toi! On entendait tirer. Il faut attendre que la nuit tombe. On s est allongé sur la terre, au milieu du coton. On a bu un petit peu, pas trop, il fallait garder l eau pour la route, qu elle dure le plus longtemps possible. On a mangé, un peu. C est bête que le coton, ça ne se mange pas. On a regardé la nuit tomber. On aurait fait des provisions! Quand la nuit a été bien installée, la lune faisait briller le coton blanc, sur les tiges. Nour, regarde! Chut! 1

2 Nour écoutait les craquements. Il les suivait d abord des deux oreilles ; Il les a repéré - et puis, à petits pas, on a rejoint les craquements. «Qu est-ce que vous faites là, les gosses?» «Laissez-nous vous aider!» Des hommes, des femmes, rampaient presque à travers le champ. Ils portaient sur leur dos des bidons bleus, des gros. On aurait dit des escargots, ces gens, avec leurs bidons sur le dos. Donnez-moi un bidon à porter : emmenez-nous avec vous, faites-nous passer! «C est trop dangereux. Allez-vous-en!» Mais Nour les a suivis. Et il tenait si fort ma main que ça me faisait mal. Nos pas collés serrés aux semelles des autres «Allez-vous-en on vous a dit!» On vous suit, on ne reste pas là. C est une femme finalement, qui s est attendrie : «C est des enfants, voyons! On ne va pas les laisser là!» «C est trop dangereux!» «Donne leur un bidon. A force de s énerver, on va finir par se faire repérer». ( ) Même si c était la nuit même s il faisait noir on entendait régulièrement des rafales de tirs depuis les miradors. Je me disais que nous au moins, s ils nous voyaient, s ils se mettaient à nous tirer dessus on avait le coton. Je me disais que le coton amortirait les balles et qu on était en sécurité. A la sortie du champ, des hommes attendaient. Eux aussi, ils se faisaient discrets. Ça puait l essence. Personne ne parlait. Et quand il y avait quelque chose à dire, ça chuchotait. Les escargots ont échangé leurs bidons vides contre des bidons pleins. Des sous sont passés d une poche à une autre. Le bidon de Nour était si lourd que je me suis glissée dessous, pour l aider. Et puis les escargots sont repartis avec leurs bidons plein qui puaient l essence Fallait pas qu on les perde de vue! Ils allaient vite, plus vite que nous Allez Laya 2

3 Mes jambes ne suivaient pas. Sors de là. Sors de là, dépêche-toi. J ai laissé Nour porter le bidon. Seul, il allait plus vite qu avec moi. J avais peur que son dos se casse. J avais peur que le bidon finisse par l écraser. Tout près de la clôture métallique : un endroit ou le métal avait été écarté, sectionné ; un endroit où il y avait un trou et qui ne semblait pas être surveillé. «Passez-moi les bidons, allez! Le jour va se lever!» Les bidons sont passés. On est passé. Youhou! J ai glissé dans ma boîte une fleur de coton, celle qui m avait protégé, et le visage de Nour, heureux. Ce soir-là, on a mangé de la soupe chaude. On a dormi dans un vrai lit. «Vous n allez pas pouvoir rester là les gosses, hein! On pourrait se faire arrêter si on vous trouvait là.» Ils ont rechargé nos sacs d eau potable, de nourriture. Ils nous ont même donné des sous. *** 3

4 Dans le camp, il y a Zaïd. Zaïd joue avec des mouches, pour s occuper. Pour tuer le temps, on dit. Tuer le temps. Parce qu ici, même le temps, on le tue. Tout ce qui bouge, tout ce qui avance, tout ce qui est libre, tout ce qui marche autrement, tout ce qui pense autrement Zaïd joue avec des mouches parce qu il n a rien d autre que le temps, à tuer. Il attrape la mouche des deux mains. Ce n est pas facile mais lui, à force de s entraîner, il y arrive très bien. Il garde la mouche comme ça, un moment, dans ses mains refermées comme une bulle prison. Il la sent s énerver, paniquer, se cogner contre ses doigts Il attend. Il n a pas à s énerver, lui, à s inquiéter : il a la force pour lui, franchement, une mouche, pfft! Alors, il la laisse s énerver toute seule, et il attend. Quand elle se calme, quand elle est fatiguée, il la fait glisser sous un verre. Ça, c est pas évident : c est là qu elle peut s échapper le plus facilement. Mais à force de s entraîner, maintenant, plus aucune mouche ne lui échappe ; il est passé champion du transfert de mouche, Zaïd! Une fois qu elle est sous le verre, c est gagné. Il faut attendre encore un peu, qu elle se fatigue encore un peu. Plus elle s énerve dans le verre, plus elle consomme de l oxygène. Plus elle consomme d oxygène, moins il y en a. Quand l oxygène commence à manquer, elle se calme, la mouche, parce qu elle n a plus le choix - elle a du mal à respirer. Quand elle n a plus la force d être en colère, Zaïd enlève le verre. Mais au moment ou elle essaye de s envoler, il l attrape d une main. Il faut faire attention à ne pas la broyer. Ensuite, il la pose sur une planche en bois. Il la maintient d un doigt, le temps de prendre un petit clou, de le placer sur son sternum et, avec un petit marteau, il enfonce le clou. Et ben la mouche, tu le crois, clouée sur la planche en bois, elle continue à se débattre. Alors Zaïd lui arrache les pattes, l une après l autre, et puis les ailes Jusqu à ce qu elle arrête de bouger. Certaines sont plus résistantes que d autres. Quand la mouche arrête de bouger, c est terminé. Et Zaïd, il recommence à s ennuyer. 4

5 Un jour, j avais huit ans, mon père a dit : «On s en va». «Non,» j ai dit. «Prend quelques affaires», a dit mon père. «Non», j ai dit. «Alors ne prend rien. C est bien aussi,» il a dit. «Je prends mon lit.» «Tu ne prends pas ton lit.» «Tu m as dit : prends quelques affaires.» «Il est trop grand, ton lit. Comment est-ce que tu vas le porter?» «Je le mets dans ma valise, avec le reste.» «Quel reste?» «Je prends tout ou je ne prends rien. Je prends toute ma chambre. Je la mets dans ma valise et ensuite, je la serre très fort, je l écrase jusqu à ce qu elle devienne toute petite et que je puisse la porter.» «Choisis une poupée. Une.» «Je prends mon train aussi. Electrique. Quand on en aura marre de marcher, on pourra monter dedans ; prendre le train, ça va plus vite.» Et j ai tout pris. et j ai tout mis là dedans. Là-dedans, il y a tout tout bien plié en quatre tout bien rangé. 5

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