Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 janvier et 13 février 2015, M. A..., représenté par Me C..., demande au tribunal :
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1 TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL N M. B...A... Mme Marie-Christine Mehl-Schouder Présidente-rapporteur Mme Sophie Roussier Rapporteur public RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le tribunal administratif de Montreuil (8 ème chambre) Audience du 13 mai 2016 Lecture du 27 mai C + Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 janvier et 13 février 2015, M. A..., représenté par Me C..., demande au tribunal : 1 ) d annuler la décision en date du 4 novembre 2014 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny a refusé l effacement de la mention le concernant dans le système de traitement des infractions constatées (STIC) ; 2 ) d enjoindre au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny de procéder à l effacement de la mention du fichier ; 3 ) de mettre à la charge de l Etat la somme de 960 euros en application des dispositions de l article L du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision attaquée méconnaît les dispositions de l article 3 du décret n du 5 juillet 2011 ainsi que celles du premier alinéa de l article du code de procédure pénale ; - elle méconnaît les dispositions du premier alinéa de l article 1 er du décret n du 5 juillet 2011 ;
2 N elle méconnaît les stipulations des articles 6-1 et 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnaît les stipulations de l article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l homme, comme celle de M.K. c. France du 18 avril 2013 ou la décision Brunet c. France du 18 septembre 2014 ; Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 août et le 8 octobre 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - le requérant a fait l objet d une condamnation pénale du chef de violences par jugement du tribunal correctionnel de Bobigny du 15 mai 2008, ce qui fait obstacle à un droit à l effacement de la mention correspondante dans le fichier ; que ce motif doit se substituer à celui, erroné, retenu par le procureur de la République de Bobigny, en ce qu il aurait pris la même décision s il s était fondé sur ce motif légalement justifié ; - que l article 6-2 de la convention européenne des droits de l homme, relatif à la présomption d innocence, est sans application en présence d une décision de condamnation ; - que les décisions invoquées de la Cour européenne des droits de l homme, en date du 18 septembre 2014, ne concernent pas au premier chef les personnes ayant fait l objet d une condamnation ; - que les stipulations de l article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des citoyens ne sont pas méconnues, eu égard à la finalité du fichier et à la mise en place de durées de conservation différentes selon la nature de l infraction reprochée. Par ordonnance du 27 juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 21 août Par ordonnance du 14 octobre 2015, l instruction a été rouverte. Par un jugement du 30 novembre 2015, le tribunal administratif de Montreuil a saisi le Conseil d Etat d une demande d avis sur le fondement de l article L du code de justice administrative ; Vu l avis n du 30 mars 2016 du Conseil d Etat, communiqué aux parties ; Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales ; - le code de procédure pénale ; - le décret n du 4 mai 2012 ; - le décret n du 5 juillet 2011 ; - le décret n du 5 juillet 2001 ; - l arrêt de la Cour européenne des droits de l homme Brunet c/ France (n /10) ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l audience.
3 N Ont été entendus au cours de l audience publique : - le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente, - les conclusions de Mme Roussier, rapporteur public. 1. Considérant que M. A..., né le 19 mai 1986 à Diabaguel (Mali), a sollicité par un courrier du 10 février 2014 adressé au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny l effacement d une mention le concernant dans le système de traitement des infractions constatées ; que, par une décision du 4 novembre 2014, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny a rejeté sa demande au motif que l intéressé avait fait l objet d une procédure pour des faits commis en Seine-Saint-Denis le 7 juin 2005 qui ont donné lieu à l inscription d informations dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires qui n entrent pas dans le champ d application des articles 230-8, et R40-31 et suivants du code de procédure pénale ; que Monsieur A...demande l annulation de cette décision ; 2. Considérant, en premier lieu, d une part, qu aux termes des dispositions du 1 de l article 1 er du décret n du 5 juillet 2001 pris pour l'application des dispositions du troisième alinéa de l'article 31 de la loi n du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et portant création du système de traitement des infractions constatées, alors en vigueur : «Le ministère de l'intérieur (direction générale de la police nationale) est autorisé à mettre en œuvre une application automatisée d'informations nominatives dénommée «système de traitement des infractions constatées» (STIC), dont la finalité est l'exploitation des informations contenues dans les procédures établies par les services de police, dans le cadre de leur mission de police judiciaire, aux fins de recherches criminelles et de statistiques. ( )» ; qu aux termes des dispositions de l article 3 du même décret, alors en vigueur : «Le traitement des informations nominatives s'effectue sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent qui peut demander leur rectification ou leur effacement, ou que soient ajoutées certaines des informations mentionnées à l'article 4. Pour l'application de l'article 37 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, le procureur de la République transmet au gestionnaire du fichier les informations relatives aux décisions de relaxe ou d'acquittement devenues définitives. Il transmet également les décisions de non-lieu ou de classement sans suite motivées par l'insuffisance de charges à l'encontre du mis en cause. Les informations directement ou indirectement nominatives relatives aux personnes mises en cause sont supprimées par le gestionnaire du fichier en cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive. Les informations directement ou indirectement nominatives relatives aux personnes ayant bénéficié d'un non-lieu font l'objet d'une mise à jour, sauf dans le cas où le procureur de la République territorialement compétent en prescrit l'effacement. Les informations directement ou indirectement nominatives relatives aux personnes mises en cause sont complétées par les décisions de classement sans suite motivées par l'insuffisance de charges à l'encontre des personnes concernées. L'autorité judiciaire fait connaître au gestionnaire du fichier les faits couverts par une mesure d'amnistie. Le gestionnaire du fichier procède alors à leur effacement. Toute personne initialement mise en cause lors d'une enquête préliminaire, de flagrance ou sur commission rogatoire d'une juridiction d'instruction peut exiger que la qualification des faits finalement retenue par l'autorité judiciaire soit substituée à la qualification initialement enregistrée dans le fichier. Toute personne ayant bénéficié d'une mesure de classement sans suite visée au deuxième alinéa, d'une décision judiciaire de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive peut demander au procureur de la République territorialement compétent, soit directement, soit par l'intermédiaire de la Commission nationale de l'informatique et des libertés à l'occasion de l'exercice de son droit d'accès, que le fichier soit mis à jour dans les conditions prévues au deuxième alinéa compte tenu de ces suites judiciaires.» ;
4 N Considérant, d autre part, qu aux termes des dispositions de l'article du code de procédure pénale, le traitement des antécédents judiciaires a pour finalité de «faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement de preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs» ; qu il a également pour finalité, en application des articles L à L du code de la sécurité intérieure, «dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation», de contribuer à mettre en œuvre des mesures de protection ou recueillir des renseignements pour la prise de décisions administratives relatives à des emplois ou activités mentionnés à l article L du même code, par l'intermédiaire de consultations autorisées, ainsi que, en application de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995, de faciliter l'instruction des demandes en matière de nationalité, de titres de séjour et ordres nationaux ; 4. Considérant, enfin, qu aux termes des dispositions de l article du code de procédure pénale portant sur les données qui peuvent être collectées par ce traitement, il peut contenir des informations sur les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission de certaines infractions mentionnées au 1 de l article 230-6, sur les victimes de ces infractions et sur les personnes faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes de la mort ; qu aux termes du premier alinéa de l article du code de procédure pénale : «Le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent qui demande qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire. La rectification pour requalification judiciaire est de droit. Le procureur de la République se prononce sur les suites qu'il convient de donner aux demandes d'effacement ou de rectification dans un délai d'un mois. En cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l'objet d'une mention. Lorsque le procureur de la République prescrit le maintien des données personnelles relatives à une personne ayant bénéficié d'une décision d'acquittement ou de relaxe devenue définitive, il en avise la personne concernée. Les décisions de non-lieu et, lorsqu'elles sont motivées par une insuffisance de charges, de classement sans suite font l'objet d'une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles. Les autres décisions de classement sans suite font l'objet d'une mention. Lorsqu'une décision fait l'objet d'une mention, les données relatives à la personne concernée ne peuvent faire l'objet d'une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues aux articles L , L à L du code de la sécurité intérieure et à l'article 17-1 de la loi n du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité.» ; que le décret n du 4 mai 2012, pris sur le fondement de ces dispositions, et qui fusionne dans un fichier unique, celui du «traitement des antécédents judiciaires» (TAJ), des données jusqu alors réparties entre le STIC et le JUDEX, encadre la mise en œuvre du traitement des antécédents judiciaires ; que l article R du code de procédure pénale fixe enfin la durée de conservation des données concernant les personnes mises en cause dans le cadre des procédures établies par les services chargés des opérations de police judiciaire ; que cette durée est modulée en fonction de l âge de la personne mise en cause, de la gravité des infractions et de l inscription de nouveaux faits dans le fichier ; 5. Considérant qu il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu décrire entièrement les possibilités de radiation, correction ou maintien de données dans le fichier «traitement des antécédents judiciaires», offertes à l'autorité à laquelle il a confié la
5 N responsabilité de contrôler sa mise en œuvre ; que les dispositions de l article du code de procédure pénale citées au point 4 ne prévoyant de règles particulières relatives au maintien ou à l effacement des données du traitement des antécédents judiciaires qu en cas de décisions de relaxe, d acquittement, de non-lieu ou de classement sans suite, le législateur doit être regardé comme n ayant entendu ouvrir la possibilité d effacement que dans les cas où les poursuites pénales sont, pour quelque motif que ce soit, demeurées sans suite ; que, hors cette hypothèse, les données ne peuvent être effacées qu à l issue de la durée de conservation fixée par voie réglementaire et le procureur de la République ne peut alors que refuser une demande d effacement avant ce terme ; 6. Considérant que pour se prévaloir d un droit à l effacement de la mention le concernant dans le STIC, le requérant soutient que les faits commis n ont donné lieu à aucune condamnation, une décision de classement sans suite motivée par une insuffisance de charges ayant été prise ; qu il ressort toutefois des pièces du dossier que, par jugement du tribunal correctionnel de Bobigny du 15 mai 2008, M. A...a été déclaré coupable de faits commis le 7 juin 2005, qualifiés de violence aggravée par trois circonstances suivie d incapacité n excédant pas huit jours et d intrusion dans l enceinte d un établissement scolaire et a été condamné à une peine six mois d emprisonnement assorti du sursis simple ; que si le magistrat référent, se fondant sur ces mêmes faits, a justifié le maintien de l inscription dans le fichier STIC en précisant, de manière erronée, qu il y avait eu un classement sans suite fondé sur une insuffisance de charges, il y a lieu de faire droit à la demande du ministre tendant à une substitution de motifs sur ce fondement, l intéressé, qui a été condamné, n étant privé d aucune garantie procédurale liée au motif substitué ; qu il suit de là, que M. A...ne peut utilement justifier qu il a bénéficié de l une des mesures prévues à l article du code de procédure pénale et ne peut ainsi se prévaloir des dispositions de l article 3 du décret du 5 juillet 2001 pour demander l effacement des mentions le concernant dans le système de traitement des infractions constatées ; que, par suite, M. A...qui ne soutient, ni même n allègue que les données personnelles le concernant, inscrites dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires, seraient en elles-mêmes erronées, n est pas fondé à soutenir que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny aurait méconnu les dispositions de l article 3 du décret du 5 juillet 2001 et de l article du code de procédure pénale ; 7. Considérant, en deuxième lieu, qu il résulte de ce qui précède que M. A...n est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait la finalité du système de traitement des infractions constatées au sens des dispositions précitées du 1 de l article 1er du décret du 5 juillet 2011 ; 8. Considérant, en troisième lieu, qu aux termes de l article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales : «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l accès de la salle d audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l intérêt de la moralité, de l ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte
6 N aux intérêts de la justice» ; qu aux termes de l article 6-2 de la même convention : «Toute personne accusée d une infraction est présumée innocente jusqu à ce que sa culpabilité ait été légalement établie» 9. Considérant que M. A...soutient que le maintien d une mention au STIC fait peser sur lui une présomption de culpabilité qui méconnaît le droit à un procès équitable au sens des stipulations précitées de l article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales ; qu il doit être regardé comme invoquant également une atteinte à la présomption d innocence au sens de l article 6-2 de la même convention ; que toutefois l'enregistrement de données nominatives dans le SITC ne porte par lui-même aucune atteinte au principe de la présomption d'innocence ; que les faits commis par M. A...ayant fait l objet d une mention au STIC ont donné lieu à une déclaration de culpabilité par l autorité judiciaire et à une condamnation, le requérant ne saurait par ailleurs, en tout état de cause, se prévaloir du principe de présomption d innocence pour demander l effacement de cette mention ; qu il suit de là, que le requérant n est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les articles 6-1 et 6-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales ; 10. Considérant, en dernier lieu, que M. A...soutient que le maintien des données le concernant dans le STIC porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée au sens de l article 8 de la convention susvisée ; que toutefois, en l absence de demande relative à l effacement d une décision de relaxe, d acquittement, de non-lieu ou de classement sans suite, les stipulations de cet article sont inopérantes à l encontre d une décision par laquelle le procureur de la République territorialement compétent refuse de faire droit à cette demande ; 11. Considérant qu il résulte de tout ce qui précède que M. A...n est pas fondé à demander l annulation de la décision attaquée ; que doivent être rejetées, en conséquence, ses conclusions à fin d injonction, ainsi que celles tendant à l application de l article L du code de justice administrative ; D E C I D E : Article 1 er : La requête de M. A...est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B...A...et au Garde des sceaux. Délibéré après l'audience du 13 mai 2016 à laquelle siégeaient : Mme Mehl-Schouder, présidente, M. Ablard, premier conseiller, M. Iss, conseiller.
7 N Lu en audience publique le 27 mai La présidente-rapporteur, Le conseiller le plus ancien dans l'ordre du tableau, Signé Signé M.-C. Mehl-Schouder T. Ablard Le greffier, Signé E. Fraise La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l exécution de la présente décision.
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