SEANCE 0 : AMORCE DU COURS

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1 SEANCE 0 : AMORCE DU COURS A. C est quoi la Francophonie? Question toute simple pour commencer ce cours en ligne : c est quoi, la Francophonie? C est au géographe français Onésime Reclus ( ) que l on doit l invention du mot «francophonie», apparu pour la première fois dans son ouvrage France, Algérie et colonies publié en Toutefois, il n a pas défini le terme «francophonie» mais plutôt celui de «francophone». D après l auteur, sont francophones : «tous ceux qui sont ou semblent destinés à rester ou à devenir participants de notre langue» (Reclus Onésime, France, Algérie et colonies, Paris : Hachette, 1883, p. 422). Pour ce géographe, le terme «francophonie» faisait référence à un constat de géographe : existence des populations hors Hexagone parlant le français comme langue maternelle ou langue de communication dans la société. Il estimait à plus de 47 millions de «parlants français» dans le monde. Source : Bibliothèque nationale de France, La date de l invention du mot par Onésime Reclus renvoie à une situation historique de diffusion mondiale de la langue française, conséquence à la fois de l expansion coloniale française et belge dans le monde et du rayonnement français, en Europe notamment, ce qui avait fait du français la langue des cours royales. Ce constat linguistique et géographique correspond à la première francophonie, la francophonie purement linguistique et coloniale. Source : ssiers/d la-francophonie/les-peres-de-la-francophonie - 1 -

2 Tombé dans l oubli, ce mot a été ressuscité en 1962 dans le numéro consacré au «Français, langue vivante» de la revue Esprit. Sous des plumes diverses et prestigieuses, entre autres celles de Léopold Sédar Senghor, Norodom Sihanouk, Jean Lacouture, Jean- Marc Léger, Georges Guggenheim, Kateb Yacine, Sélim Abou, les potentialités de l avenir de la langue française sont décrites et analysées. Léopold Sédar Senghor, ancien président du Sénégal, y a défini ainsi son projet de francophonie : «La francophonie, c est cet humanisme intégral, qui se tisse autour de la terre : cette symbiose des «énergies dormantes» de tous les continents, de toutes les races, qui se réveillent à leur chaleur complémentaire.» Léopold Sédar Senghor Source : Page couverture de la revue Esprit (novembre 1962). Il est important de souligner que nous sommes alors en pleine période postindépendance. Le projet de francophonie internationale voulu par ces auteurs traduit, en fait, la volonté de plusieurs pays d établir une nouvelle forme de relations entre la métropole et ses anciennes colonies. C était d ailleurs ce qu avaient affirmé dès le début des années 1960 les quatre présidents le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, le Tunisien Bourguiba, le Nigérien Hamani Diori, et le Cambodgien Norodom Sihanouk leur désir de : «poursuivre avec la France des relations fondées sur des affinités culturelles et linguistiques»

3 Ainsi, pour les pays naguère sous une forme ou une autre d influence politique française, il s agit de réussir leurs nouvelles indépendances. Le partage de la langue française dans le contexte postcolonial, est perçu comme un moyen d établir une coopération d égal à égal avec la France. Mais il s agit aussi de faire fructifier l héritage laissé par la France et la Belgique, ainsi que le dit, une fois de plus très clairement Senghor : «Au moment que par totalisation et socialisation, se construit la Civilisation de l Universel, il est d un mot, question de nous servir de ce merveilleux outil, trouvé dans les décombres du régime colonial. De cet outil qu est la langue française.» Léopold Sédar Senghor Du point de vue de la France, et même si cela n a pas été évident d emblée, la fin de son Empire colonial ne signifiait pas son déclin. Il est question, pour son rayonnement futur, d établir des relations nouvelles avec les parlants français dans le monde. Pour le Québec, la francophonie doit l aider à affirmer sa personnalité internationale sur fond de «Révolution tranquille», de «faire résonner la langue française sur la place publique», comme un signe des particularismes qui sont les siens. Source : Parti libéral du Québec ( Source : Sous la direction de Michel Plourde, Le français au Québec : 400 ans d histoire et de vie, s.l., les Éditions Fides et Les Publications du Québec, 2000, p

4 En ce qui concerne les pays du Monde arabe membres de la Francophonie, les uns naguère protectorats français, les autres placés sous mandat de la France, protectorats et mandats à durée relativement courte, il s agit d assumer un héritage culturel et d ouverture sur le monde qui leur a historiquement permis de contrebalancer la mainmise absolue de l empire ottoman sur la région. Avec ce numéro de la revue Esprit, une nouvelle conception de la francophonie est ainsi née, une deuxième francophonie, postcoloniale, marquée par la vision des pères fondateurs : celle de la construction du projet politique francophone et de son institutionnalisation, dont l aboutissement se fera au Sommet de Hanoï en 1997 avec, entre autres, l élection du premier secrétaire général de l Organisation internationale de la Francophone, Boutros Boutros-Ghali. Boutros Boutros-Ghali (Source : OIF, Boutros-Ghaliancien,25824.html?pagePhotoNb=1&ordre=total_p oints&indice=2) Au troisième millénaire, la Francophonie s affirme comme un acteur du système international et relève les défis de la mondialisation. Il s agit de la francophonie mondialisée ou de la troisième francophonie. On passe des communautés postcoloniales aux ensembles mondialisés d échange et de dialogue interculturel. C est aussi un espace de solidarité au niveau monde. Ce concept de troisième francophonie permet de répondre affirmativement aux interrogations sur l utilité géopolitique de la Francophonie institutionnelle. Aujourd hui, le mot «francophonie» apparaît comme de plus en plus polysémique. Xavier Deniau en a retenu quatre significations dans son ouvrage La Francophonie (collection «Que sais-je?»). D abord, il y a un sens linguistique : qui renvoie aux 274 millions de personnes capables aujourd hui de parler le français. Il s agit, en fait, du sens étymologique du mot «francophonie» et de l adjectif «francophone» qui signifie «personne parlant français». A ce niveau, la langue française est devenue un réel facteur de rapprochement entre des peuples dont l histoire, la géographie et la culture, au sens anthropologique du terme, sont différentes. Page couverture du Que sais-je? sur la Francophonie de Xavier DENIAU, 2003, 126 pages

5 Il y a ensuite un sens géographique : la francophonie englobe les territoires dans le monde où le français a le statut de langue officielle, courante, administrative, d enseignement ou encore de culture. La francophonie a aussi un sens spirituel, selon Xavier Deniau : le sentiment d appartenance à une même communauté et la solidarité entre francophones. Enfin, la francophonie possède un sens institutionnel : qui désigne les institutions œuvrant dans le cadre de la Francophonie institutionnelle telles que définies par la Charte de la Francophonie, la Francophonie avec un grand «F». En fait, désormais, quand on veut parler de l ensemble des locuteurs qui utilisent le français, le mot francophonie s écrit avec un «f» minuscule. Mais aussi pour parler des domaines de coopération francophone, par exemple : la francophonie éducative, la francophonie économique, et cetera, soit pour désigner les activités francophones de la société civile. La Francophonie avec un «F» majuscule, quant à elle, désigne le regroupement sur une base politique des États et gouvernements qui sont membres de l Organisation internationale de la Francophonie (OIF), cette Francophonie institutionnelle qu évoque Deniau. Source : 15e Sommet de la Francophonie, à Dakar (2014). Francophonie,45323.html?pagePhotoNb=1&ordre=total_points&indice=13 En somme, si le mot «francophonie» est polysémique, c est non seulement en raison des différentes significations que l on vient de fournir, mais aussi parce qu il est connoté différemment selon l époque, le lieu du monde où l on se trouve, ainsi que l histoire individuelle et collective

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