MÉTAMORPHOSES BLEUES ET AUTRES POÈMES

Transcription

1 MÉTAMORPHOSES BLEUES ET AUTRES POÈMES

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3 Jean-Jacques Liard Métamorphoses bleues et autres poèmes Éditions Persée

4 Consultez notre site internet Éditions Persée, 2016 Pour tout contact : Éditions Persée 38 Parc du Golf Aix-en-Provence

5 COMME DE LONGUES ANTALGIES Premiers Poèmes

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7 «C est bien la pire peine De ne savoir pourquoi, Sans amour et sans haine, Mon cœur a tant de peine» Paul Verlaine

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9 À LA RECHERCHE DU BONHEUR «Voilà mon état, plein de faiblesse et d incertitude. Et, de tout cela, je conclus que je dois donc passer tous les jours de ma vie sans songer à chercher ce qui doit m arriver» Pascal, Pensées Mais où donc le bonheur peut-il être passé? Le bonheur, ô mon Dieu, me l avez-vous donné? Comme au premier instant de ma première année, Je m étonne toujours et reste infortuné, Et ce temps palpitant, où l enfance éphémère Déborde encore en moi comme un torrent amer, Achève de mourir, cruel enlèvement! Quand, du prochain bonheur, connaîtrai-je le temps? Et il nous faut pleurer cet âge, où la jeunesse, Plus folle que jamais, sans espoir qu elle renaisse, Se fane mollement sous les feux de midi. Des beaux jours disparus subsiste le reste aigri, Et les enfants, déjà, dans leurs années en fleurs, Se tournent lentement vers la fuite des leurs. / 9

10 Ainsi donc, ô mon Dieu, la vie n est que pénombre, Du berceau de lumière au tombeau rempli d ombre! J ai donc ainsi vécu et comme Vous, j ai été! J ai bu de ce calice que la vie m a donné, Et ai-je été heureux? Répondre serait folie ; Voilà de quel breuvage la coupe était remplie! Mais qu est-ce donc que la vie, quand il y a la mort? Aux soleils angoissés du passé nécrophore, Regrettons tous ensemble nos jeunes années ravies, Et soufflons d une course après le temps qui fuit Mais où donc le bonheur peut-il être passé? Le bonheur, ô mon Dieu, me l avez-vous donné? 10

11 SOLITUDE Ah! Est-ce vraiment l aube que l on voit éclore? Le ciel est bien trop noir pour y voir bien encore. Ah! L anxiété croît de moment en moment : Est-ce déjà la fin, ou le commencement? De quel nom t appeler, heure trouble où je suis? Tu me laisses trop seul ; vois : tous les autres ont fui! Dans mon âme et dehors, effrayant crépuscule, Une force inconnue me pousse et je recule! Ô homme, mon frère! Vois de ce combat brutal Un destin des dieux à l issue trop fatale : Je ne puis plus souffrir, et ma raison s inquiète ; Comprends, de mon angoisse, l espérance défaite. Ô homme, mon frère! L ombre de ma solitude Est assez forte encore pour des orages rudes ; Veux-tu, de son abri, partager les malheurs, Et éponger ainsi les noirceurs de mon cœur? 11

12 COMBAT Par-delà l horizon que le regard n atteint, Par-delà les espaces qui ne mènent plus à rien, Devine un peu, soudain, les splendeurs infinies De l immortelle aurore des spectres de la vie! Que chacun juge ainsi la nature tout entière Et qu il revienne à lui, pour se sentir moins fier! Il se verra de suite comme une chose étrange Qui veut tout gouverner, et qu un rien ne dérange. Par-delà l horizon que le regard n atteint, L univers reposé est un songe divin Et les ébats de l homme agitant son repos Sont de longs candélabres où s accrochent ses maux. Dans ce vaste conflit, en ces sphères éveillées, Où les bruits des mortels, aux ondes opposées, Comme un chaos montant sont un long crescendo, Un combat de titans anime les échos 12

13 LYRE «Ainsi je touche encore ma lyre, Au moment même qu elle expire.» Voltaire, Stances Ô lyre! Qu y a-t-il de plus doux que ta complainte! Toi seule sais animer, en ton chant mélodieux, Le souvenir infâme des heures déjà défuntes, Et tes hymnes fidèles sont, du temps, l adieu. Chaque pleur, chaque joie, sous ta belle auréole, Devient un doux mystère en ces lieux de délire Et ta plainte, à genoux, afflige et me console, Quand lasse, tu t endors, incitant au plaisir. Lorsque, de mes douleurs, tu repousses l obscur, À toi, toujours à toi, je dédie quelques vers, Car mon destin est bon sous ta douce prière. Comme un songe discret, réconfortant séjour, Adresse un peu, ma lyre, ton élogieux discours Aux endroits des Cieux où le repos est sûr 13

14 HIER «Les belles choses N ont qu un printemps, Semons de roses Les pas du Temps.» Gérard de Nerval Hier, la nuit d été, comme un parfum flottant, Sur nos tendres années, veillait en souriant, Et le ciel étoilé aux astres infinis Débordait de lumières qui s étalaient en pluies. Que son calme était frais, Et son repos limpide! L obscurité cachait Quelques ombres livides. Hier, quand le bonheur m illuminait de joie, J épousais la beauté, posée auprès de moi, Et envahis du souffle des rumeurs apaisées, Il pleuvait en nos âmes d amoureuses rosées. / 14

15 Instant de ma jeunesse, Laisse-moi couronner L espoir de ma vieillesse D un amour regretté! Hier, comme un enfant que l on prend par la main, Le temps qui passe et fuit me tirait vers demain, Et chaque rêverie en mon cœur commencée, Sur la tombe, à genoux, bientôt était penchée. Sous le feu de ma vie, Mon cœur s est desséché Et la mort qui sourit Colore mes pensées. Hier, c était hier, Et au fond du mystère, Le temps, charmant mes yeux, M enlève vers les Cieux 15