La maintenance des vannes, ni vue, ni connue

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1 Maintenance prédictive La maintenance des vannes, ni vue, ni connue L usine de Total Solvants à Oudalle sous-traite la maintenance de ses installations, en particulier celle des vannes automatiques. Dans le cadre d un contrat de service, le fournisseur Fisher-Rosemount s appuie sur le concept de maintenance prédictive et s aide des auto-diagnostics des positionneurs intelligents. Et tout cela est géré par le logiciel AMS. Objectif imposé : ne jamais arrêter le process pendant au moins cinq ans, pour cause de panne ou de maintenance. Un chef de quart, un opérateur et un chimiste Trois personnes font tourner l usine Total Solvants à Oudalle (76). Une équipe de trois personnes pour trois unités d hydrogénation, six colonnes de distillation, un mélangeur et pas moins de 100 bacs de stockage qui contiennent au total quelque m 3 de solvants. Et tout cela réparti sur une vingtaine d hectares. Trois personnes pour une installation classée, entièrement en zone dangereuse, soumise à la directive Seveso. Et qui tourne 24 heures sur 24, tout au long de l année. Sur la rive du canal de Tancarville, l usine fabrique ainsi quelque tonnes de solvants ou fluides spéciaux issus d hydrocarbures provenant du raffinage de pétrole : solvants hydrogénés, fluides pour le dégraissage industriel, le forage, la cosmétologie ou encore les applications phytosanitaires. Au total, 120 produits. A quelques kilomètres, au Havre, la raffinerie de Normandie (du même groupe Totalfinaelf) joue le rôle de la mère nourricière. Via trois conduites, elle alimente en partie le site d Oudalle en produits de base. «Nous produisons en un mois ce que l usine du Havre produit en jour», souligne modestement Loïc Lescop, directeur de l usine d Oudalle. Club automation Page 1/5 09/06/02

2 Mais quelle que soit la taille, les différentes usines du groupe adoptent des politiques communes comme l externalisation de la maintenance ou des pratiques communes comme la méthodologie maison pour la gestion des alarmes (voir article zéro alarme ). Avec 53 personnes (dont 21 en quart) sur le site d Oudalle, on comprend que beaucoup d activités soient sous-traitées. La maintenance tout particulièrement pour l électricité, le système de contrôle, les équipements statiques ou les machines tournantes Il en va ainsi pour les vannes dont la maintenance est entièrement prise en charge par le fabricant Fisher-Rosemount. Un parc de plus de 200 vannes de régulation. Fournisseurs, prestataires de service sont mis hautement à contribution. Les contrats sont rédigés avec un cahier des charges à la hauteur du niveau de sécurité imposé sur le site. «Rien n est laissé au hasard. De toute façon, la Drire surveille tout, explique Pierre Piquenot, responsable en automatisme, électricité et réseaux informatiques. Nos contrats prévoient une astreinte pour le prestataire qui doit pouvoir se déplacer en urgence. Quant à la maintenance, nous leur demandons d intervenir de manière tout à fait transparente pour l exploitation. Notre objectif est de ne jamais être obligé d arrêter la production». Pour les opérations à l arrêt, elles doivent être réalisées lorsque l unité ou une partie de l unité est rendue disponible pour des raisons d exploitation, notamment à l occasion des changements de catalyseur. «L exploitant ne nous connaît plus, on travaille en temps masqué», souligne Jean-Luc Legal, responsable adjoint en automatisme et électricité et dont les compétences en vannes de régulation lui permettent de suivre étroitement la collaboration avec Fisher-Rosemount. Les contrats fixent également des objectifs d amélioration. Dans le cadre du contrat de maintenance et de diagnostic des vannes signé avec Fisher-Rosemount, le pourcentage de vannes ayant suscité une action est ainsi passé de 90 % en 1999 (62 % pour des actions mineures et 28 % pour des actions majeures) à 63 % en 2000 (43 % pour des actions mineures et 20 % pour des actions majeures). Avec des gains significatifs grâce à la réduction des pièces de rechange, de la main d œuvre et des déplacements sur site. Ainsi, la totalité des coûts de maintenance des vannes a représenté, en 2000, 2,5 % de la valeur du parc de vannes installé, contre 5 % en Se déplacer le moins possible Cette nette amélioration est liée en grande partie au concept de maintenance prédictive (appelée aussi maintenance préventive conditionnelle) qui se met en place progressivement. Le principe consiste à détecter un défaut avant même que celui-ci ait pu avoir des conséquences sur l équipement lui-même ou sur le procédé. Il s agit alors de suivre au plus près ces équipements par des diagnostics appropriés. Cette maintenance prédictive prend une nouvelle tournure depuis quelques années avec l apparition d équipements dits intelligents qui sont capables de réaliser eux-mêmes un certain nombre de diagnostics. Ceux-ci sont programmables et peuvent être gérés à distance via un logiciel sur PC. Plus besoin de se déplacer. Les opérations sur site sont réduites au strict nécessaire, lorsqu il faut intervenir physiquement sur l équipement. On gagne évidemment par rapport à une maintenance curative où l on intervient lorsqu il est trop tard. On gagne aussi par rapport à une maintenance préventive qui impose des interventions régulières sans tenir compte de l état réel de l équipement. On gagne en main-d œuvre et en pièces de rechange, en temps et du coup, en argent. A Total Solvants, le ton de la maintenance prédictive a été donné en 1994, au cours d un revamping (rénovation) du site qui devait aboutir au doublement de la capacité de production. Alors que l instrumentation intelligente en était à ses tout premiers débuts. «Nous devions faire face à deux contraintes, explique M. Piquenot. La première était l objectif que nous nous étions fixé de n accepter aucun arrêt de production pendant une période minimale de 5 ans. La seconde venait de la directive Seveso, pour laquelle il faut minimiser tous les risques de fuites. De ce fait aucun bipass n a été installé au niveau des vannes ce qui bien sûr reçu l approbation de la Drire». Difficile alors d intervenir sans arrêter le process. L usine retient la proposition de Fisher-Rosemount d installer une instrumentation intelligente capable de réaliser des tests de diagnostic sur elle-même. Dès 1995, 75 vannes et 350 transmetteurs ou analyseurs sont dotés d un signal numérique Hart qui est superposé au signal de process analogique 4-20 ma. Les deux signaux 4-20 ma et Hart sont séparés à l aide d un mutiplexeur. Dans le cas d un transmetteur, le signal 4-20 ma qui véhicule la donnée de process est dirigé sur le système numérique de contrôle commande (SNCC Foxboro) Club automation Page 2/5 09/06/02

3 dédié à la gestion du procédé en salle de contrôle. Pour une vanne de régulation, le signal de commande fait le trajet inverse, du SNCC à l équipement. Les signaux Hart qui utilisent un codage binaire par modulation de fréquence, circulent, quant à eux, entre l appareil et une station de travail en local technique pour la gestion des équipements. Dans un sens (de la station de travail vers l appareil), il s agit de données de configuration ou de paramétrage. Dans l autre sens, les informations de diagnostic réalisées par les équipements eux-mêmes sont rapatriées sur la station de travail. Sur le site d Oudalle, les avantages vont se faire ressentir dès le revamping pour la configuration en ligne des équipements (réglages de zéro ou d échelle pour les transmetteurs, auto-étalonnage et signature des vannes ). Une surveillance des équipements se met en place avec des alarmes en cas de dépassement de seuils, par exemple. Sous-traiter aussi le diagnostic Depuis, la solution s est étendue. Aujourd hui, 19 multiplexeurs Hart et 450 équipements Hart ont été installés. Parmi eux, 110 vannes de régulation : «Ceci représente près de 50 % du nombre de vannes de régulation installé, souligne M. Piquenot. Notre objectif à terme est de mettre des positionneurs intelligents sur toutes les vannes, sans qu il s agisse forcément de vannes de Fisher-Rosemount». En 1998, les deux logiciels propriétaires utilisés ont été abandonnés au profit du logiciel AMS. Ce logiciel de Fisher-Rosemount permet la gestion (maintenance, configuration, gestion de parc) de nombreux équipements (transmetteurs, vannes) de différents fournisseurs, du moment que ceux-ci sont dotés du protocole de communication Hart ou du bus de terrain Foundation. Gros plan sur une des vannes Les responsabilités du fournisseur s amplifient également. Depuis 1998, le contrat implique Fisher- Rosemount dans le suivi des vannes avec l analyse des diagnostics réalisés dans le cadre de cette maintenance prédictive via AMS. Les résultats des différents tests (tarage à sec, force de plaquage, frictions, signature ) sont envoyés au centre de diagnostics des vannes en Angleterre. Pour chaque vanne, ce dernier établit un rapport qui fait état de l équipement (exemple : contact siège : OK ), de l actionneur (exemple : tarage à sec semble légèrement faible ), de ses performances (exemple : hystérésis dynamique OK, performance faible et décrit les recommandations (exemple : Club automation Page 3/5 09/06/02

4 augmenter le tarage à sec de 5 Psi, ajuster le tuning pour de meilleures performances ). Toutes les vannes sont ainsi validées, le plus régulièrement possible. «Nous nous obligeons à deux signatures au minimum par an pour chaque vanne, explique M. Piquenot. Lorsqu une unité ou une partie d une unité est arrêtée pendant deux ou trois heures, on lance nous-mêmes certains tests (ceux qui nécessitent l arrêt de la vanne) sur les vannes disponibles. Pour des arrêts sur une journée ou plus, Fisher-Rosemount, prévenu à l avance, se déplace et prend en charge l ensemble des diagnostics possibles». M. Piquenot se souvient d un jour, ou plutôt d une nuit, où 80 signatures de vannes ont pu être ainsi réalisées. Mais il reste également attentif à ce que le fournisseur ne puisse intervenir sur le process : «Parce qu il est possible de mettre une vanne hors service à partir du logiciel AMS, il n est pas question, pour des raisons de confidentialité et de sécurité, que le prestataire puisse avoir en temps réel la maîtrise sur le process». Fisher-Rosemount ne peut donc avoir accès à la base de données qu a posteriori pour la gestion de la maintenance. Pour les mêmes raisons, il n est pas envisagé que le poste de maintenance avec AMS soit dupliqué sur le site même du fournisseur. Objectif zéro alarme L usine Total Solvants comporte pas moins de points d alarmes. «En général, dans les industries de process, lorsqu un incident survient, l opérateur est submergé par une avalanche d alarmes et risque de se tromper dans son raisonnement ou dans sa manœuvre», explique Pierre Piquenot, responsable en automatisme, électricité et réseaux informatiques l usine Total Solvants, qui rappelle un accident nucléaire dû à une mauvaise interprétation des alarmes. Le groupe Total (maintenant Totalfinaelf) réfléchit depuis plusieurs années sur une méthodologie standard de gestion des alarmes pour le domaine du raffinage, «L objectif est de donner à l opérateur l information utile qui lui permette d agir et de prendre la bonne décision», poursuit M. Piquenot. Cette méthodologie s appuie d abord sur un travail de réflexion, au sein de chaque usine, qui implique à la fois les opérateurs, la direction et le fournisseur du logiciel de gestion des alarmes (Foxboro pour Total Solvants). Un élève ingénieur de l Ecole Centrale de Paris, a passé ses 9 mois de stage sur le site d Oudalle à la coordination et à la réalisation de ce projet. «L innovation, précise M. Piquenot. ne porte que sur les alarmes». La méthodologie Total distingue en effet deux notions. La notion d avertissements : ce sont des seuils hauts et bas qui mettent en garde l opérateur si une valeur dérive au-delà ou en deçà de ces seuils. Chaque opérateur, quand il prend son quart, peut lui-même définir la valeur de ses seuils (bien sûr dans une certaine plage). La notion d alarme est plus forte. Elle a été définie au préalable par les contraintes du process et l opérateur ne peut changer les seuils. Il existe deux niveaux. Le niveau 1 doit entraîner une action immédiate de l opérateur. Le niveau 2 implique la mise en sécurité automatique de l installation via des automates de sécurité. Si les avertissements et la plupart des alarmes de niveau 1 sont gérés au niveau du système de contrôle-commande (SNCC Foxboro), toutes les alarmes qui déclenchent la mise en sécurité des installations sont gérées par les automates de sécurité (un automate de Honeywell et un automate de Triconex). Seules les alarmes utiles sont visibles Pour diminuer le nombre d alarmes apparaissant sur l écran du poste de conduite, plusieurs voies ont été prises en parallèle. Un premier tri a été effectué après consultation des opérateurs. Ainsi, certaines alarmes qui finalement n apportaient rien ont été supprimées. D autres sont volontairement masquées. L automate de sécurité réalise un traitement 1er défaut pour éviter les avalanches d alarmes. En effet, lorsqu un défaut se produit sur un point de l unité, il peut entraîner toute une série d autres défauts qui déclencheront autant d alarmes. Pour éviter cette cascade, l automate recherche le premier défaut et masque alors toutes les alarmes secondaires. Un autre masquage a été mis au point pour le niveau de liquide, dans des ballons par exemple, lorsqu il y a deux alarmes basses : une alarme basse (niveau 1, non déclenchante) et une alarme très Club automation Page 4/5 09/06/02

5 basse (niveau 2, avec mise en sécurité automatique). Si le niveau très bas est atteint, l alarme niveau bas sera masquée. Par ailleurs, lorsqu une portion d une unité est arrêtée, toutes les alarmes qui lui sont relatives peuvent être inhibées. «Si un compresseur est à l arrêt, seules les alarmes qui permettent de s assurer que le compresseur est en mesure de redémarrer apparaissent sur les écrans de supervision», explique M. Piquenot. Dans le cas où un capteur présente un défaut ou tombe en panne, l automate de sécurité traite cette information (il faut pour cela que le capteur soit intelligent c est-à-dire capable de se reconnaître luimême en défaut et d avertir l automate). Puisqu il ne s agit plus d une anomalie du process lui-même, l automate va inhiber l alarme. En revanche l information le détecteur a un défaut est envoyé au système. Le rôle du chef de quart est alors, d avertir le service Instrumentation. Enfin, la visualisation des alarmes a été pensée là encore pour faciliter la tâche de l opérateur. Dans la salle de conduite, outre les 4 écrans de conduite qui affichent les différentes unités, deux écrans sont dédiés en permanence à la gestion des alarmes. Sur l un de ces écrans, l opérateur a une vue d ensemble du site sur laquelle il peut repérer géographiquement et par un jeu de couleurs, les points d alarme activés (niveau 1, niveau 2). Il peut connaître également à tout moment l état des capteurs à chaque point de mesure. Et puis, il y a la vue chronologique des alarmes. En rouge pour le niveau 2, en jaune pour le niveau 1. «L objectif dans un premier temps est que moins de 10 alarmes apparaissent à l écran», indique M. Piquenot. La plupart des alarmes concernent les bacs de stockage. «Pour des raisons économiques, nous tutoyons l alarme de 1er niveau haut de beaucoup de nos réservoirs. C est un axe de progrès sur lequel nous devons encore avancer», reconnaît Loïc Lescop, directeur de l usine qui rappelle bien que l objectif final est le zéro alarme. Article de Marie-Pierre Vivarat-Perrin Club automation Page 5/5 09/06/02