APS. La planification change de braquet TABLE RONDE

Transcription

1 Dans un monde en évolution rapide, les entreprises recherchent de la flexibilité et de la réactivité. Comment les outils de planification se plient-ils à ces nouvelles exigences? C est pour répondre, entre autres, à cette question que Supply Chain Magazine a réuni le 13 février dernier un panel représentatif d éditeurs de logiciels de planification avancée. Non seulement ces solutions d aide à la décision sont amenées à gérer des masses d informations de plus en plus conséquentes, mais elles doivent aussi devenir plus simples, plus intuitives, plus collaboratives avec des utilisateurs divers et variés, y compris en dehors de l entreprise. Simples et complexes à la fois, c est tout l enjeu. APS La planification change de braquet SYNTO-FOTOLIA 136 N 92 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MARS 2015

2 Nul besoin de tout chambouler pour organiser cette Table Ronde sur les évolutions des logiciels de planification avancée de la Supply Chain (APS, Advanced Planning Systems). Exactement comme lors de la précédente Table Ronde sur le même thème des APS en 2012 : 13 participants un vendredi 13 (voir SCM N 61). Quelques-uns étaient déjà présents, d autres non. D où la première question de Jean-Philippe Guillaume : «Qu est-ce qui a changé depuis trois ans?». Pour Philippe Réchaussat (JDA Software), ce sont surtout les habitudes du consommateur final, sollicité de partout et devenu de fait plus volatil. «Ce qui a changé aussi, c est la problématique de la disponibilité du produit, qui ne se pose plus seulement au niveau des rayons, mais aussi sur Internet, avec éventuellement livraison en magasin. Et cela pose énormément de soucis de distribution, de packaging et de livraison». «La transformation omnicanal est devenue une réalité. Le nombre de canaux de prévisions est en train d exploser et c est d ailleurs la principale raison qui pousse les retailers à s équiper d outils APS», acquiesce Manuel Davy (Vekia), en évoquant la notion de Big Data et la nécessité de traiter des masses de données considérables, nécessaires pour correctement appréhender la mise en œuvre des opérations logistiques. «Aujourd hui, quand on lance des promotions, il faut en connaître l impact et être capable de réagir très vite à partir de la capture, de la mise en forme et de l analyse massive et très rapide d une multitude de signaux qui sortent de la Supply Chain étendue. On parle aussi d objets connectés. C est aussi parce que la technologie de traitement en mémoire (in-memory) et le matériel informatique le permettent», souligne pour sa part Laurent Pagola (SAP). Gilles Alais, Responsable France chez Barloworld SCS Barloworld Supply Chain Software (120 employés dont une dizaine en France) est une filiale de la multinationale sud-africaine Barloworld ( personnes). Elle développe et commercialise des solutions de planification stratégiques, tactiques et opérationnelles couvrant les approvisionnements, la production, les stocks, et le transport. Son CA 2014 s élève à 26 M$ (réalisé à 54 % en Europe), en croissance de 11 %. Le challenge de la simplicité «Mais tous ces changements, n est-ce pas antinomique avec la vocation planificatrice de l APS?», aiguillonne Jean-Philippe Guillaume. «Bien au contraire, répond Ariel Weil (Dynasys), car une bonne planification, une bonne anticipation avec des outils de simulation rapides et performants vont rendre l entreprise plus flexible.» Pour lui, la nouveauté est plutôt que ce besoin de flexibilité et de réactivité, et le fait que de plus en plus de personnes participent au processus de planification, doit s accompagner d une simplification dans l installation et l utilisation de ces outils. «Le paradoxe c est que la simplicité est de plus en plus complexe, fait remarquer Gilles Alais (Barloworld SCS), car les utilisateurs veulent quelque chose d aussi simple, flexible et souple qu Excel, tout en sachant pertinemment que l outil qu ils ont actuellement a atteint ses limites, n arrive pas à intégrer toutes les facilités de simulation, d intégration des stocks sur les plates-formes des fournisseurs et des clients, de visibilité sur les lead times, etc.» Le challenge de la simpli- Lionel Albert, Directeur du développement des solutions Supply Chain chez Oracle France Oracle (39 Md$ de CA en 2013) est bien plus connu au niveau mondial pour ses bases de données, ses ERP et ses serveurs informatiques que pour ses applications dédiées à la Supply Chain. Cette dernière activité représente tout de même pour le géant américain un CA de 1,4 Md$ selon IDC, tant dans les domaines de l exécution que de la planification. MARS SUPPLY CHAIN MAGAZINE N

3 Henri Beringer, Directeur de Quintiq France Fondé aux Pays-Bas en 1997, Quintiq est éditeur de logiciels de planification et d optimisation des opérations au sens large, entre autres dans le domaine de la Supply Chain. La société, qui compte près de 900 personnes dans le monde (une vingtaine en France), a été rachetée par Dassault Systèmes en septembre En France, son CA est d environ 5 M. Dominique Bourgoin, Directrice Générale d Azap Créé en 2000 au sein de la société de conseil Diagma, Azap est éditeur d un APS couvrant les fonctions de pilotage de la prévision des ventes et de gestion de la demande, de la planification industrielle et de l optimisation des approvisionnements. L ensemble réalise un CA de l ordre de 10 M, essentiellement en France, avec des entités au Brésil et au Maroc, et un effectif total de près de 80 personnes. Manuel Davy, Président et Fondateur de Vekia Née il y a six ans à Lille, Vekia est une société issue de la recherche en mathématique appliquée récente, qui conçoit et édite des logiciels de gestion prévisionnelle des approvisionnements pour le secteur du retail, en particulier le textile et la distribution spécialisée. Son effectif est de 36 personnes pour un CA de «quelques millions d euros». cité inspire également Dominique Bourgoin (Azap) : «Il faut absolument offrir aux utilisateurs des outils hyper intelligents et simples car les gens changent souvent de fonction au sein des entreprises, d où un besoin d outils très intelligents et avec une prise en main très rapide». Incontournable Big Data Frédéric Doutriaux (PTC) revient de son côté sur la notion de réactivité : «Une fois que la planification a permis de redimensionner les stocks, il faut pouvoir réagir au jour le jour avec des outils qui vont générer des alertes rapides afin d aider à adapter la Supply Chain à la demande. La montée en puissance des objets connectés va également ouvrir des perspectives en matière de services additionnels, notamment dans la maintenance prédictive». «On ne peut pas prévoir le futur en appliquant des algorithmes basés sur le passé», intervient Olivier Dhonte. Ainsi Viseo a introduit dans son outil Colibri des accès de type Big Data basés sur des analyses comportementales ou de la collecte d informations plutôt qualitatives sur la perception d une marque ou d un produit à travers les réseaux sociaux. Le but étant de donner une information supplémentaire au planificateur ou au prévisionniste, lui permettant d infléchir ou d agir sur ses prévisions au-delà de l application des algorithmes classiques. En plus de la réactivité, Lionel Albert (Oracle) voit surtout poindre la notion d analyse de risques de la Supply Chain, avec des calculs de simulations d impact très rapides permis par les traitements en mémoire. «Les algorithmes spécifiques et les machines existent, ce n est plus un souci et c est abordable». Cette évolution vers le Big Data semble ravir Sébastien Natale (Syslife). «Je pense qu en tant qu éditeurs d APS, nous sommes parmi les mieux placés pour optimiser l utilisation de ces masses de données. Notre périmètre fonctionnel va être amené à fortement changer. Depuis 20 ou 30 ans, les outils de prévision essayent d estimer ce qui risque d advenir à partir des ventes passées et de ce que l on sait à peu près du futur : les ouvertures de sites, les promotions, etc. Nous allons être capables d interagir beaucoup plus fortement, sur des dimensions marketing et commerciales, notamment sur le référencement des produits, mais aussi avec les fournisseurs et les clients». S&OP normalisé ou à la carte? «En effet, la statistique donne un bon signal mais ce n est qu un rétroviseur, qu une analyse du passé, enchaîne 138 N 92 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MARS 2015

4 Nicolas Peraldo (TXT e-solutions). Ce qui change, c est la nécessité pour l entreprise de «shaper» la demande, par rapport à ses lancements de produits, aux nouveaux canaux qui vont ouvrir, aux nouveaux marchés, en collaborant beaucoup plus en interne et en externe.» Cette collaboration transversale étendue séduit également Henri Beringer (Quintiq) qui défend par ailleurs une approche dynamique, flexible de l outil APS et des processus de planification associés. «Rester sur des processus S&OP (Sales & Operations Planning) très cadencés, très rigides, n est plus une démarche moderne. Il faut mettre en place des processus adaptés à chaque sous-partie de l entreprise. Car les décisions qui auront un impact sont au final celles qui sont mises en œuvre. Elles sont souvent prises au dernier moment, afin de pouvoir s appuyer sur un maximum d informations. Or ce sont ces décisions de dernière minute qui bizarrement sont les moins bien traitées par l outil informatique et les contraintes qu il impose». Gilles Alais n est pas tout à fait d accord, et le fait savoir : «A mon sens, vouloir personnaliser le S&OP irait à l encontre de l objectif de simplicité. C est quelque chose de standard, normalisé, qui doit s appliquer de façon universelle dans toutes les entreprises. La mise en pratique et les outils qui sont derrière peuvent effectivement être adaptés mais le processus par définition implique une bonne pratique, une démarche de conduite du changement, et je pense que c est prendre un mauvais chemin de considérer qu il y a un S&OP différent d une entreprise à l autre». L importance d un cadre global Peut-être est-ce dû à la position particulière d Infor sur le marché, avec beaucoup de clients dans le BtoB, mais Bernard Dolle n a pas tout à fait la même perception des évolutions des besoins de la planification. «Comme nos clients fabriquent souvent des produits customisés pour leurs propres clients, la prévision est relativement difficile puisqu on ne connaît pas à l avance le produit à fabriquer, fait-il remarquer. Alors qu au départ, on nous demandait plutôt des outils d ordonnancement pour arriver à régler le problème de livraison à temps, on nous demande aujourd hui des outils de S&OP, avec une recherche de flexibilité, des prévisions par famille de produits qui pourront évoluer, s affiner dans le temps, jusqu à la livraison de l objet fini». «Les prévisions n ont de sens que si elles entrent dans le cadre global d un processus S&OP, où l on arrive à coordonner tout le monde pour aller dans le même sens : le marketing, les finances, la production, la logistique, souligne Ariel Weil. Rien de pire que de prendre une décision seul dans son coin, comme cela se faisait il y a 10 ans. Là où les entreprises vont gagner, c est en ayant un vrai processus S&OP, avec une couverture globale de la Supply Chain : prévision, distribution, approvisionnements, production.» «Il y a juste un gros mot qui n a pas été prononcé, intervient malicieusement Philippe Réchaussat, c est celui de la rentabilité. Car dans la fameuse décision du dernier instant, il faut servir le client de manière rentable pour l entreprise. Et les notions d orchestration de commandes et d omni-canal sont des choses qui n existaient pas il y a encore deux ans. Cette dimension financière doit absolument être prise en compte pour optimiser tous ces flux.» Bernard Dolle apporte à nouveau son petit bémol : «Sur la trentaine de S&OP que nous avons mis en place dans le monde, il y a des difficultés à obtenir les vrais coûts financiers ou les marges et je pense que cela vient du fait que les projets sont demandés par des directions logistiques et non pas par des directions financières, en tout MARS SUPPLY CHAIN MAGAZINE N

5 Olivier Dhonte, Président et Fondateur de Viseo Société de services informatiques, Viseo est depuis l année dernière éditeur d une solution collaborative de prévision des ventes en mode Saas dénommée Colibri. Avec un effectif de personnes, Viseo réalise la majeure partie de son CA de 110 M en France, mais s appuie également sur des filiales à Singapour, Hong Kong, aux Etats-Unis et au Maroc. Bernard Dolle, Consultant SCM Senior chez Infor Global Solutions Troisième éditeur mondial d ERP derrière SAP et Oracle, Infor réalise un CA monde de l ordre de 3 Md$. Son offre comprend également des outils dédiés au Supply Chain Management, intégrés au non à ses ERP, notamment la suite Infor Supply Chain Planning, allant de la planification stratégique à l ordonnancement. Frédéric Doutriaux, SLM Strategic Accounts chez PTC Fondé en 1985, PTC est un éditeur américain de solutions logicielles, notamment spécialisé dans la gestion du cycle de vie des produits, depuis leur conception jusqu à l approvisionnement et le service. Son CA s élève à près de 1,3 Md$ pour collaborateurs dans le monde, dont 300 en Europe (40 % du CA). L offre Service Lifecycle Management (SLM) regroupe tous les applicatifs qui concernent les activités d après-vente. cas en ce qui concerne nos clients». Réponse de Philippe Réchaussat : «Il y a une incompréhension sur ce que recouvre un véritable S&OP dans les entreprises. C est un outil de décision qui est fondamentalement dans les mains de la Direction générale et de la finance, sinon c est une adéquation charge/capacité». Standardisation ou uniformisation? Henri Beringer revient à la charge contre l uniformisation de la mise en place du S&OP dans les entreprises. «Le process S&OP normalisé, le même pour tout le monde, je n y crois pas. La difficulté d appropriation vient bien souvent du fait de proposer des outils qui ne sont pas adaptés aux besoins des clients sous couvert de la norme. Je pense que les process sont différents, parce que les entreprises peuvent être organisées de façon très différentes, que 140 N 92 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MARS 2015 les risques à gérer sont différents entre un retailer et un avionneur, par exemple, que les contraintes ne sont pas les mêmes, ni les horizons, ni les rythmes de synchronisation, ni les organisations. Plus on applique un processus standard et plus on va affaiblir la valeur ajoutée et augmenter artificiellement la complexité. C est comme cela que l on voit fleurir Excel, qui représente 95 % du marché si ce n est pas 99 %». Pour Ariel Weil comme pour Laurent Pagola, ce raisonnement s applique au détail de la mise en œuvre, de la manière de rassembler les informations, mais ne remet pas en cause le processus S&OP. Sébastien Natale est plutôt de l avis du Directeur de Quintiq France : «Non seulement il y a des contraintes différentes en fonction des secteurs, mais le propre de chaque entreprise est justement de se différencier pour faire mieux que les autres. D accord pour les grands principes génériques mais dès que l on entre un peu dans le détail, au niveau nomenclature par exemple, on se rend compte de l importance de notre conseil. Notre puissance est d avoir des outils très paramétrables». Philippe Réchaussat tente de sonner la fin des hostilités : «Je rappelle que le principe de base du processus S&OP tel qu il est défini par l Apics, par Tom Wallace ou par Oliver Wight, consiste finalement à enchaîner des étapes de récupération de données, de planification de la SUITE PAGE 142

6 Sébastien Natale, Responsable du développement de Syslife Créé en 1994, Syslife est l éditeur de la solution Adexio, un logiciel de gestion des approvisionnements, d optimisation des stocks et de la disponibilité des produits, plus particulièrement utilisé dans le domaine de la distribution. Cette société franco-française emploie huit personnes et réalise un CA de l ordre d 1M. SUITE DE LA PAGE 140 demande, de prévisions des ventes avant ou après l introduction de nouveaux produits, et de faire ensuite un arbitrage entre la demande et la capacité. Quand je parle de process, c est juste ça. Mais j insiste sur le fait que c est un outil de décision et pas de reporting : la décision finale est prise par la Direction Générale». Des environnements personnalisés «Justement, dans quelle mesure les APS sont-ils capables de répondre à la demande d outils de décision de plus en plus précis pour chaque poste, avec des priorités, des alertes personnalisées, des scénarios de résolution intégrant des données financières?», demande Cathy Polge. «C est en effet une des fonctionnalités essentielles. Chaque utilisateur définit ses propres listes d alertes, de façon à pouvoir s autoorganiser, en lien étroit avec les autres, Laurent Pagola, en charge du développement des activités SCM chez SAP France. La société allemande est le leader mondial des solutions ERP, mais elle propose également des solutions dédiées à la gestion de la Supply Chain étendue, de la prévision à l ordonnancement, en passant par des outils de S&OP. SAP France compte environ collaborateurs (sur un total de dans le monde) pour un CA autour de 880 M (17,5 Md de CA monde en 2014) mais chacun avec son environnement dédié. Nous croyons beaucoup à l autoorganisation chez Quintiq? On est un peu les anarchistes de l APS», lance avec humour Henri Beringer. «Ce qui perturbe ce mode de fonctionnement, c est l aspect collaboratif, car il est nécessaire d abord d organiser un processus et ensuite que chaque intervenant intervienne à un moment donné dans le cadre de ce processus», fait remarquer Olivier Dhonte. Même sentiment chez Nicolas Peraldo, qui ajoute que la collaboration s étend à un grand nombre d acteurs à l intérieur comme à l extérieur de l entreprise et que dans ce cas, cette idée d anarchie ne fonctionne pas car il faut prévoir en amont Nicolas Peraldo, Responsable de développement chez TXT e-solutions Société européenne dont le siège est basé à Milan, TXT e-solutions est spécialisée dans les solutions de planification et de gestion du cycle de vie des produits pour les secteurs de la mode, du retail, du PGC et de l industrie. L entité TXT dédiée au retail réalise un CA d environ 35 M, avec quelque 350 collaborateurs dans le monde, dont une vingtaine en France. des points d entrée pour que ces utilisateurs exogènes y trouvent leur intérêt. «Bien sûr, répond Henri Beringer, mais une fois ces structures en place, il faut donner une grande liberté aux utilisateurs afin qu ils tirent le plus de bénéfices de l application en y passant un minimum de temps en ayant un maximum d automatisation.» Vers des décisions automatisées? Manuel Davy reconnaît qu il y a un enjeu très fort non seulement sur la représentation des données de manière intelligible par l utilisateur mais aussi sur la gestion des workflows. «Par exemple, en cas d ouverture d un nouveau magasin, l outil repère le nouvel identifiant et déclenche automatiquement une séquence d actions faisant intervenir différents corps de métier, via les ERP mais aussi l APS parce qu il faut alimenter ce premier stock 142 N 92 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MARS 2015

7 dans le magasin». «Nous avons tous des moteurs d alerte dans nos outils, intervient Sébastien Natale, qui considère que la future évolution majeure sera l automatisation de la décision. «Si vous approvisionnez des millions de références et que la direction vous demande de fonctionner avec 5 % de stocks en moins, qu offrent les outils pour mettre en pratique rapidement ce genre de décision d entreprise? C est quelque chose qui était encore impossible il y a 10 ans mais il commence à y avoir des systèmes qui permettent d identifier précisément les articles sur lesquels il peut être pertinent éventuellement de dégrader un peu un taux de disponibilité en réduisant le stock». Ariel Weil énonce une sorte de règle du 80/20, ou du 95/5 : «Les systèmes doivent faire des calculs automatiques pour tout ce qui est simple et travailler par alerte là où il y a de vrais problèmes, afin que l utilisateur, quel que soit l endroit où il se trouve, y compris sur la plage avec son ipad, puisse faire des simulations et des corrections en temps réel. C est vraiment le cœur de notre technologie Single Click Collaborative». Laurent Pagola rappelle que ce sont les progrès réalisés sur le calcul en mémoire qui permettent de guider l utilisateur dans ses choix parmi deux ou trois scenarios, grâce à des simulations. Tour d horizon sectoriel «Dans quels secteurs trouve-t-on aujourd hui les grands projets de planification?» relance Jean-Philippe Guillaume. «Nous voyons beaucoup de projets de transformation dans le retail», répond Laurent Pagola, en citant comme exemple Decathlon, en train de mettre en place un processus S&OP. Gilles Alais (Barloworld SCS) confirme la tendance sur la distribution, mais pense également au secteur des pièces détachées. «La prise de conscience est croissante que c est un véritable gisement de productivité, que c est quelque chose qui apporte de la valeur dans un domaine où il y a beaucoup de produits erratiques avec des comportements très hétérogènes». Frédéric Doutriaux ne peut qu être d accord : PTC a réalisé en six mois l année dernière un projet d industrialisation des processus de planification de stocks de pièces de rechange pour Airbus. Plus précisément pour sa division FHS (Flight Hour Services), qui assure aujourd hui la maintenance de quelques centaines d avions dans le monde pour ses clients et qui prévoit de décupler ce chiffre d ici à Pour Philippe Réchaussat (JDA), les nouveaux projets peuvent aussi concerner d anciens clients, qui mettent en place de nouveaux modules, comme par exemple Michelin, Renault ou encore Ikea. A condition de ne pas donner de nom, Manuel Davy (Vekia) veut bien évoquer «deux projets en cours chez des distributeurs qui font plus d 1 Md de CA, sur des problématiques de Supply Chain et d approvisionnement intégré». Côté Syslife, Sébastien Natale revient sur le projet d optimisation des approvisionnements en cours au sein du groupe coopératif agricole Gamm vert, filiale d InVivo, qui fait à la fois intervenir les centrales d achats nationales et les points de ventes, chacun avec des ERP différents. «Nous avons mis en place une MARS SUPPLY CHAIN MAGAZINE N

8 Philippe Réchaussat, Consultant Supply Chain Senior chez JDA Software JDA Software, un éditeur américain dont le CA mondial avoisine 1Md$, est focalisé uniquement sur les solutions de gestion de la Supply Chain (avec les rachats notamment d i2 Technology, de Manugistics et plus récemment, de RedPrairie), à la fois pour les secteurs du retail et de l industrie manufacturière BtoB et BtoC. Son effectif est d environ personnes dans le monde, dont une quarantaine en France. solution hébergée, dans le cloud, sur laquelle les utilisateurs peuvent se connecter tous les jours pour voir leurs propositions de commandes et les analyser, avec un côté Big Data puisque la base est réécrite à 80 % quotidiennement pour recalculer l intégralité du prévisionnel et des besoins». Ce que change le cloud Le cloud change-t-il fondamentalement la donne? Frédéric Doutriaux le croit, car il va dans le sens de la flexibilité demandée par les clients, au moins au niveau de l achat de systèmes informatiques. «Mais le cloud, ce n est pas faire de la collaboration externe, ou de l hébergement, c est vraiment un service que l on rend au client!, s exclame Ariel Weil. Il n a à s occuper ni de l hébergement, ni des sauvegardes, ni de la sécurité, tout cela ce sont des experts qui s en occupent 24h/24, 7j/7. Il va se concentrer sur son métier et Ariel Weil, Directeur Général de Dynasys Dynasys est la division Supply Chain de l éditeur américain QAD (270 M$, collaborateurs) qui l a rachetée en juin La société, basée à Schiltigheim en Alsace, ne se limite plus à l Hexagone (environ 80 personnes) et peut désormais commercialiser dans plus de 40 pays sa solution intégrée de planification avancée, DSCP (anciennement nskep). optimiser les risques. Je crois qu en France, les dernières réticences sont en train de disparaître, nous avons une croissance sur le cloud de 50 % ces dernières années.» Dominique Bourgoin, qui est loin d être aussi catégorique sur la maturité du marché français en ce qui concerne les outils de S&OP en mode cloud, y voit une dimension supplémentaire : «la puissance de calcul ajustable en fonction des pointes d activité que l aspect collaboratif peut rendre problématiques». Pour Olivier Dhonte, le cloud est un changement majeur et pour cause : l outil Colibri, qui n existait pas il y a encore un an et demi est hébergé sur le cloud de Microsoft (Azure) et Viseo va travailler avec SAP pour le porter sur la plate-forme Hana. «Ce qui change fondamentalement, c est qu il y a un marché qu on ne pouvait pas adresser avec des outils classiques, les fameux 95 % d utilisateurs d Excel. Aujourd hui pour déployer Colibri sur le cloud, c est d investissement, par mois et trois semaines de projet. Tout compris». Le cloud peut aussi être un moyen d externaliser certaines fonctions. C est ce qu évoque Philippe Réchaussat en parlant de l offre Cloud Optimize de JDA, qui propose aussi de réaliser pour les clients les calculs de prévisions statistiques. «Cette prestation en matière de prévisions est quelque chose que nous faisons depuis longtemps et qui est très apprécié mais cela n a pas de relation directe avec le cloud», considère pour sa part Dominique Bourgoin. Rien ne se perd, tout se transforme «Un autre élément du cloud est la possibilité de déployer très facilement une application, de pouvoir mettre en place une collaboration dans l entreprise étendue», note Henri Beringer. Après avoir rappelé que chez Oracle, les ventes d ERP en mode cloud avaient dépassé celles des licences traditionnelles, quels que soient les tailles d entreprises et les marchés, Lionel Albert va encore plus loin : l agilité de déploiement du cloud répond à la nécessité des entreprises de se transformer, de se restructurer, de se reconfigurer en permanence pour s adapter aux évolutions de leurs marchés. Même si Sébastien Natale constate encore des freins au déploiement d outils de planification sur le cloud, notamment en termes d échanges de données, cela ne l empêche pas d imaginer un second stade d évolution de ce mode. «Cela va contribuer à élargir le contenu fonctionnel des applications que l on propose. A partir du moment où les données seront en quelque sorte «en dehors» de l entreprise, nous aurons aussi dans quelques années la capacité d utiliser notre propre logiciel en tant que contributeur de données, ou réceptacle de données pour d autres capteurs ou d applicatifs qui eux aussi pourront être sur le cloud. Il y a des choses simplissimes, qui se font déjà aujourd hui comme des interfaçages avec des capteurs de type météo par exemple. Mais on peut aller beaucoup plus loin que cela». La suite à la prochaine table Ronde APS! PROPOSRECUEILLISPAR JEAN-LUC ROGNON 144 N 92 SUPPLY CHAIN MAGAZINE - MARS 2015