POSITION DE THÈSE. Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l'université de Paris Sorbonne. Discipline : Musicologie

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1 UNIVERSITÉ DE PARIS SORBONNE (PARIS IV) ÉCOLE DOCTORALE V, «CONCEPTS ET LANGAGES» POSITION DE THÈSE Thèse pour obtenir le grade de Docteur de l'université de Paris Sorbonne Discipline : Musicologie Présentée et soutenue publiquement en Juillet 2008 par Brigitte ARNAUD L office de la Couronne d épines dans l archidiocèse de Sens d après le ms Paris, BnF lat. 1028, XIII e s. suivi du catalogue des manuscrits liturgiques notés et conservés à Sens Directeur de recherche : M. le Professeur Frédéric BILLIET JURY : Frédéric BILLIET Ann BUCKLEY Annie DENNERY Jean-François GOUDESENNE 1

2 Position de thèse La thèse présente l étude d un office composé au XIII e siècle à l occasion d un important événement historique : la Translation de la Couronne d épines. Le 11 août 1239, saint Louis venait à Sens (Yonne) pour accueillir une relique arrivant de Constantinople : la Couronne d épines du Christ. À la demande du roi, un récit des circonstances fut rédigé par Gautier Cornut, alors archevêque de Sens. Comment ce récit fut-il intégré à l office? C est ce que cette étude veut montrer. Le diocèse de Sens était alors un lieu réputé pour sa culture du chant et la perfection de ses cérémonies. En sa qualité de métropole, l Église de Sens avait peu à peu délaissé les coutumes gallicanes pour être l une des premières à accueillir la réforme ordonnée par Charlemagne. Depuis Odorannus de Sens (XI e s.) qui a laissé des écrits faisant encore partie de la bibliothèque au XVI e siècle, l activité musicale n a jamais cessé. Ce dynamisme explique qu au XIII e siècle des offices puissent encore être entièrement composés. L office de la Translation de la Couronne d épines, découvert lors du catalogage des fonds des manuscrits de Sens à la Bibliothèque Municipale et à sa suite au CEREP 1, est aussi un révélateur de l importance de la place tenue par la musique dans cette ville. Il fut composé pour commémorer et fêter la susception 2 de la Couronne d épines qui fut reçue par saint Louis en La première partie de cette thèse décrit le contexte géographique et historique de l office de la Couronne d épines. Sens était l un des plus importants archidiocèses à l époque qui nous concerne, bien qu il ait perdu le primatiat des Gaules en Il comprenait sept diocèses : Chartres, Auxerre, Meaux, Paris, Orléans, Nevers, Sens et Troyes, dont la devise des armes était CAMPONT. Le chapitre cathédral était remarquable autant par ses connaissances et son érudition que par une belle pratique de la vie régulière. C est dans ce contexte que la Couronne d épines fut accueillie par le roi, à Sens. 1 CEREP : Centre de Recherche et d Études du Patrimoine. 2 Exposition de reliques à la dévotion des fidèles. 3 Reconnu par Sens qu en 1098.

3 Un chapitre est consacré à l histoire de la Couronne d épines. Au plan historique, le récit de Gautier Cornut est très important, car c est l un des rares témoignages écrits qui nous renseigne sur les péripéties ayant entouré le voyage de la relique, depuis Constantinople jusqu à Sens. Celle-ci avait été mise en gage auprès des Vénitiens par les barons de Constantinople afin de pouvoir payer les frais occasionnés par les guerres contre les Grecs. Louis IX dut la dégager pour qu elle ne reste pas entre leurs mains. Il vint l accueillir à Sens. Cette narration, tenant une place importante parmi les sources de l histoire de France, est à l origine des lectures de l office de la translation de la Couronne d épines composé au XIII e siècle. Cet office est entièrement versifié. Notre recherche des manuscrits a commencé par une recension dans les ouvrages de Victor LEROQUAIS 4, puis s est étendue au cours de lectures diverses. Parmi les nombreux manuscrits consultés, notés et non notés, il en a été conservé huit contenant l office complet, ainsi que sept pour la messe. Ces livres sont tous à l usage de l archidiocèse de Sens : Chartres, Melun, Meaux, Sens, Paris. Quel est le manuscrit princeps? La comparaison de ces différents bréviaires, antiphonaires et missels nous a permis de le définir. L analyse du manuscrit Paris, BnF lat 1028 (1028), montrant une notation carrée, contient l office complet dont les lectures reproduisent le texte quasiment entier de Gautier Cornut, et la messe du jour. La comparaison des huit manuscrits retenus montre qu ils sont très proches les uns des autres. Dans la plupart d entre eux, les antiennes et les répons sont tous présents. Les différences essentielles résident dans les textes des lectures qui sont bien plus brefs que dans BnF lat1028 : ce sont des condensés du texte de Gautier Cornut ou des textes sacrés ayant un rapport avec ceux de la Semaine Sainte. Seul, le manuscrit Paris, BnF lat (15182) conserve une partie importante du texte de l archevêque. Ce manuscrit peut donc être considéré avec certitude comme le manuscrit princeps de l office de la Translation de la Couronne d épines. L étude et l analyse des variantes tant textuelles que musicales n ont pas permis de classer ces manuscrits selon un ordre chronologique précis. Il existe toutefois de faibles variantes : - mots différents mais proches par le sens 4 Victor LEROQUAIS, Les bréviaires, les sacramentaires, les graduels. dans les bibliothèques publiques de France, Paris.

4 - déplacements de syllabes - coupures neumatiques différentes - mélismes plus ou moins développés - inversement de mouvements mélodiques - liquescences irrégulièrement notées (c est le manuscrit BnF lat1028 qui en contient le plus grand nombre) - répercussions ajoutées ou supprimées - quelques particularités dans la notation : présence ou non de si bémol, un seul bécarre a été trouvé dans un répons. Deux antiennes dans les manuscrits parisiens avec des mélodies propres contiennent quelques versets dont les mélodies restent identiques bien qu elles supportent des paroles différentes. Deux traditions principales se dégagent donc de la confrontation des huit manuscrits : - celle de Sens (1028 et BM Sens 6) - celle de Paris (15182). Le manuscrit d Auxerre BM 60 à l usage d Auxerre se rapproche de la tradition de Sens alors que Paris BnF lat 1266 à l usage de Meaux se rapproche de celle de Paris. Quant à Paris BnF lat à l usage de Melun, il montre dans ses chants la double influence de Sens et de Paris. Le manuscrit Paris Mazarine 344 est plus tardif, en dépit de la différence de la disposition des textes. Il pourrait avoir été copié sur le manuscrit L exploration analytique mélodico-verbale des différentes pièces de l office et de la messe a permis d approcher la démarche compositionnelle de l auteur anonyme de cet office. À cette fin, trois pièces ont été analysées de manière approfondie : - La première montre la façon dont le compositeur a usé d un nouveau texte pour y adapter une mélodie préexistante. - La deuxième pièce détaille la composition de la seule pièce en versus hexamétriques et montre comment la musique a été adaptée au texte en respectant diversement les règles de la prosodie grégorienne. - La troisième et dernière analyse, une analyse paradigmatique, a permis de déceler un mode archaïque que l on pensait abandonné depuis l application de l octoechos au chant religieux de Rome.

5 Le compositeur a mis en oeuvre toutes ses connaissances grammaticales et poétiques, ainsi que son habileté d adaptateur et de centonisateur en l honneur de la Couronne d épines et ad majorem dei gloria. Il est totalement dans l esprit du Moyen Age d utiliser les notions anciennes pour composer des nouveautés de plus en plus sophistiquées : nouvelles formes poétiques, versus hexamétriques à rimes multiples, utilisation d un mode archaïque dans un chant nouveau, adaptation de mélodies anciennes. Indispensable à la réalisation de cette thèse, le catalogue des manuscrits liturgiques notés, conservés dans les deux bibliothèques de Sens a été établi. Ce sont pour la plupart des antiphonaires, des bréviaires et des missels du XII e au XV e siècles, encore utilisés au XVI e siècle, comme en témoignent les nombreuses additions. Nous trouvons en outre quelques manuscrits datant des XVII e, XVIII e et XIX e siècles. Ils proviennent du chapitre cathédral, de l abbaye de Saint-Pierre-le-Vif ou de l abbaye Sainte-Colombe. Le catalogue est complété par quelques manuscrits ayant appartenu à des ecclésiastiques et donnés au chapitre après leur mort.