Dysphasies. Deux cas pratiques d accompagnement pédagogique : en maternelle et en élémentaire. Claire Goulet - Chargée de mission TSA

Transcription

1 Dysphasies Deux cas pratiques d accompagnement pédagogique : en maternelle et en élémentaire

2 1. Situation en maternelle La situation générale de l élève Les éléments du diagnostic Les observations faites en classe Le projet : objectifs et adaptations

3 La situation Marc est en moyenne section de maternelle age normal Bilan au CRTA Handicap reconnu par la MDPH (50%) Des suivis extérieurs déjà en place Classe trois niveaux Ses parents souhaitent une AVS

4 Les éléments du diagnostic Difficultés articulatoires et phonologiques : mots très déformés Difficultés au niveau syntaxique, en compréhension et en expression Lexique interne légèrement réduit avec des difficultés d évocation Difficultés en motricité fine Efficience intellectuelle normale Bonne discrimination visuelle

5 L observation en classe : l aspect relationnel Marc a des relations confiantes avec son enseignante Il sait entrer en relation avec les autres enfants : mimiques, sourires, mîmes Il est gai, souriant, actif Il suit les activités du groupe par imitation Il s exprime par mots isolés, identifiables uniquement grâce au contexte

6 L observation en classe : l aspect pédagogique Le moment collectif d apprentissage La passation des consignes Les difficultés observées Les aides apportées Leurs limites

7 Regroupement et passation des consignes Marc ne se positionne pas face à l enseignante, ne la regarde pas, ni elle, ni ce qu elle montre. Il ne semble rien prélever dans le discours, mais s intéresse à son voisin, joue avec ses chaussures La consigne est passée dans le même cadre collectif.

8 L entrée dans l activité Marc imite les autres : va chercher le matériel, s installe, regarde son voisin pour essayer de comprendre ce qu il faut faire Il faut relier des châteaux identiques, présentés sur deux colonnes. Marc attend face à sa feuille.

9 Les aides apportées J explique individuellement la consigne puis essaye de faire relier les châteaux grâce à un trait de feutre : procédure inefficace, l enfant se désintéresse de l activité. La maîtresse propose des étiquettes découpées à poser à côté des modèles : réussite immédiate. A partir d une nouvelle feuille de travail vierge, j essaie de faire cheminer Marc vers le château cible avec son doigt : il réussit avec plaisir, en suivant des chemins indirects.

10 Premier essai :

11 Deuxième essai :

12 Les limites de ces aides L explication individuelle de la consigne ne met pas l élève en situation de comprendre par luimême, alors qu il en a les moyens intellectuels. La procédure de relier par un trait est inefficace. Quelles sont les hypothèses possibles? (étude du diagnostic, réflexion conjointe avec l orthophoniste). La réussite grâce aux étiquettes découpées réduit beaucoup la portée de l activité : accoler n est pas relier.

13 Le projet : Les objectifs Placer l élève en situation de compréhension au sein du regroupement et pour l entrée dans les activités. Favoriser l entrée progressive dans la représentation et dans l abstraction. Entraîner la motricité fine et le langage indépendamment de tout autre objectif d apprentissage.

14 Le projet : 1 - Les contournements Permettre à l élève de comprendre la situation initiale par lui-même par un aménagement des consignes : pictogrammes, mime, exemple De même pour l emploi du temps de la journée (voir aussi le site du Cravie) Pour toute situation d apprentissage ou de restitution, utiliser un canal fonctionnel, donc ici un canal visuel (ni moteur, ni verbal). Ici, relier par des bandes de papier.

15 Pictogrammes pour les consignes : Trouvé sur le site : La Maternelle de Moustache

16 Exemple de consigne Consigne fabriquée à partir de Moustache, d une image Clipart et d un pictogramme de la bibliothèque Axelia, téléchargeable gratuitement sur internet.

17 Le projet : 2 - Les adaptations Placer Marc en face de l enseignante car il a besoin de prélever des indices visuels pour comprendre (lui expliciter ce choix). Anticiper pour chaque moment collectif un contenu simple au niveau syntaxique, appuyé sur du mime ou des pictogrammes pour faire passer un message minimal (consigne, apprentissage, communication). Attirer son attention avant de communiquer.

18 Le projet : 3 - Les remédiations Exercer le graphisme pour lui-même avec des objectifs adaptés (petite section). Utiliser les pictogrammes pour produire des phrases simples, par exemple pour commenter une image ou un évènement de la classe. Cette activité peut être partagée avec d autres élèves en difficulté avec un objectif langagier, ou même avec toute la classe : la représentation séquentielle et imagée du langage contribue à installer la relation oral/écrit (objectif de moyenne ou grande section).

19 Les perspectives : Observation des progrès de l élève durant la moyenne section Réunion de l équipe de suivi de scolarisation prévue en juin. Ajustement du projet pour la GS de maternelle : pertinence de l AVS? En principe, pas de maintien en maternelle. L apprentissage de la lecture est un élément de la rééducation du langage oral. Attendre serait nuisible.

20 Équipe éducative de juin : Passage en grande section (GS/CP) Vocabulaire réceptif dans la norme Progrès en graphisme (sait relier) Pas encore d accès au signe (nombre) Pas de nécessité d une AVS Aide possible du rased

21 Relier en fin d année :

22 2. Situation en élémentaire La situation générale de l élève Les éléments du diagnostic Les observations faites en classe Le projet : objectifs et adaptations

23 La situation Marine est en CE1 age normal Classe calme effectif 22 élèves Elle est suivie par le maître E Bilan au CRTA en Grande Section Dossier déposé à la MDPH pour orientation éventuelle Suivi orthophonique déjà en place Ses parents souhaitent une AVS

24 Les éléments du diagnostic : Les difficultés Le diagnostic de dysphasie phonologique syntaxique est posé et Marine présente des déficits sévères : En production et traitement phonologiques : mémoire, perception et conscience phonologique. En élaboration verbale et en mémorisation au niveau syntaxique Son lexique interne est réduit avec difficultés d accès Sa compréhension verbale est fragile

25 Les éléments du diagnostic : Les appuis Une efficience intellectuelle très satisfaisante De bonnes qualités attentionnelles Une mémoire visuelle et des compétences non verbales préservées Une bonne maturité par rapport à l effort cognitif

26 Situation de l année précédente : en CP Apprentissage de la lecture avec une méthode semi-globale - Bonnes performances au début - Saturation de la mémoire ensuite et arrêt des progrès Décision de reprendre l apprentissage en CE1 avec une méthode syllabique Méthode Borel-Maysonny en RA et chez l orthophoniste (+ découpage syllabique)

27 L observation en classe : - La communication - L aspect relationnel Marine intervient en levant le doigt spontanément Elle s exprime par phrases simples. Sa prononciation et sa syntaxe sont un peu approximatives, mais son discours est tout à fait informatif. Ses propositions sont accueillies avec bienveillance par l enseignante et reformulées sans insistance. Son niveau de compréhension orale lui permet de se repérer dans le fonctionnement de la classe sans adaptation particulière. Elle est le plus souvent intégrée aux activités du groupe Elle a des amies et joue en récréation

28 L observation en classe : Activité de lecture La place géographique Idéale : devant et au centre. Le moment collectif d apprentissage : lecture et compréhension orale L activité individuelle écrite : les difficultés observées Les aides apportées Leurs limites

29 Apprentissage collectif : la lecture oralisée du texte Marine suit sans trop de difficulté quand les autres lisent. Participe à la réflexion collective sur le sens du texte : manifeste sa bonne compréhension. Ne peut lire seule une phrase non préparée : ne lit donc pas à haute voix en situation de groupe.

30 L activité individuelle écrite : observations Marine recopie les questions du tableau lettre par lettre avec beaucoup d attention et une écriture élégante. Il y a parfois des erreurs de repérage quand une lettre se répète dans un mot. La lecture de la question intervient après la copie, avec aide de l enseignante. La réponse est vérifiée à l oral, puis copiée presque sans faute.

31 Travail de Marine :

32 L activité écrite : les aides apportées La maîtresse s installe en face de Marine et lui découpe les mots des questions en syllabes grâce à des traits verticaux. Elle met des points sous les lettres difficiles à repérer dans les syllabes complexes (pla ) et grise les lettres muettes. La phrase est déchiffrée syllabe par syllabe, la maîtresse apportant les correspondances manquantes et aidant à relier le tout pour donner du sens.

33 L activité écrite : les limites des aides La lecture de la consigne intervient après sa copie : la copie est donc réalisée sans comprendre le sens du texte. La lecture ne peut se réaliser sans l aide de la maîtresse : Marine en est entièrement dépendante pour réaliser son travail écrit. La classe sait fonctionner en autonomie, mais ce type d adaptation trop fusionnelle n est bénéfique ni à l élève visé, ni aux autres élèves en difficulté, ni à la maîtresse qui risque de s y épuiser.

34 La lecture en Regroupement d Adaptation : C est un suivi individuel Textes de Ratus avec adaptation Utilisation des gestes Borel-Maisonny Marine ne peut segmenter seule les mots Elle a aussi besoin d aide pour recompacter les syllabes.

35 La lecture en RA :

36 Retour sur le diagnostic après les observations en classe Depuis le bilan orthophonique, deux ans se sont écoulés : le suivi orthophonique a porté ses fruits et les progrès en langage sont importants. Comme souvent, la dysphasie entraîne des difficultés très importantes en lecture et en calcul : ce sont elles qui exigent le plus d adaptations en classe.

37 Le projet : Les objectifs Favoriser l autonomie Pour lire Pour faire son travail personnel Favoriser la compréhension en copie Progresser en maîtrise de la langue écrite Aider à accepter les adaptations Améliorer la liaison entre Classe et RA

38 L autonomie en lecture, en collaboration avec le RA et l orthophoniste : Réaliser un sous-main plastifié avec Les gestes Borel-Maisonny utilisés par l orthophoniste pour l apprentissage des lettres.

39 Sous-main : gestes BM

40 L autonomie en lecture, en collaboration avec le RA et l orthophoniste : Réaliser un sous-main plastifié avec Les gestes Borel-Maisonny utilisés par l orthophoniste pour l apprentissage des lettres. Des mots de référence communs avec le RA pour les sons composés.

41 Mots de référence

42 L autonomie en lecture, en collaboration avec le RA et l orthophoniste : Réaliser un sous-main plastifié avec Les gestes Borel-Maisonny utilisés par l orthophoniste pour l apprentissage des lettres. Des mots de référence communs avec le RA pour les sons composés. Donner à lire en classe des textes de difficulté adaptée pour un travail autonome. Travailler sur des textes plus difficiles en RA, avec un découpage couleur.

43 Découpage couleur

44 Le travail personnel et les adaptations : Mettre au point un programme de travail personnel hebdomadaire avec la collaboration de Marine (en RA) Établir ensemble un contrat de progrès avec en particulier des objectifs d autonomie. Introduire pour toute la classe des pratiques adaptées aux élèves en difficulté avec la langue écrite

45 Les pratiques collectives : Relecture du texte au tableau par la maîtresse, avant la copie, en suivant avec le doigt et en accentuant artificiellement la césure des syllabes à l oral. Utilisation d une méthode visuelle d analyse des phrases : la méthode des jetons. (vérifier la compatibilité avec ce qui est fait chez l orthophoniste)

46 La phrase Méthode des jetons : exemple d activité Une majuscule des mots un point Je mets un pion jaune pour chaque mot. Il y a des phrases longues et des phrases courtes. Enoncer des phrases de différentes longueurs Faire répéter en alignant des jetons jaunes dans le sens de lecture. Un jeton par mot Le verbe Je cherche le ou les Le répond à la question : que fait? Souvent il n'y en a qu'un. Quelquefois il y en a plusieurs. Quelquefois il y en a deux qui vont ensemble.

47 Analyse de la nature des constituants de la phrase

48 Aide-mémoire spontané :

49 La remédiation : La rééducation orthophonique : si suivi important, prévoir sur temps scolaire Aide du Maître E pour la lecture de textes difficiles, le stockage lexical, la remédiation en mathématiques La grammaire adaptée avec la méthode des jetons est une remédiation des difficultés syntaxiques en langage oral et écrit.

50 Les aides proposées ont des limites possibles à long terme : Dans les dysphasies phonologiques syntaxiques, la syllabe n est pas un élément signifiant pour l élève. Il n est donc pas certain que les remédiations mises en œuvre aboutissent à un stockage lexical efficace, ni à une lecture autonome. Il faudrait donc rester très attentif à la stagnation éventuelle de l élève. Dans ce cas, deux solutions se présenteraient : 1. L aide d une AVS pour pallier les difficultés en lecture et en langage et permettre les apprentissages du cycle 3 2. Une orientation dans une structure spécialisée capable de mettre en œuvre les remédiations appropriées.

51 Les perspectives : Un nouveau bilan au CRTA a permis de faire le point sur l évolution de Marine. Pour l an prochain, la MDPH a décidé une orientation en semi internat, classe dysphasie. En l absence d orientation, un maintien dans le cycle aurait certainement été nécessaire, avec des aménagements et l aide du RASED.

52 Les progrès en fin d année :

53 Les principes communs : Observer l élève, demander le diagnostic aux parents ou des pistes à l orthophoniste. Collaborer avec les autres partenaires, établir un projet commun. Favoriser l autonomie et la compréhension. Préférer les aides matérielles. Réfléchir aussi à des adaptations possibles au niveau de la classe. Pour les apprentissages, entrées qui fonctionnent. s appuyer sur les Rééduquer ou entraîner séparément les entrées lésées, sans autre objectif que les progrès.

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