Theatre, recit, Beckett: recit scenique, genres et moi chez Beckett et Duras Engelberts, M.

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1 UvA-DARE (Digital Academic Repository) Theatre, recit, Beckett: recit scenique, genres et moi chez Beckett et Duras Engelberts, M. Link to publication Citation for published version (APA): Engelberts, M. (2000). Theatre, recit, Beckett: recit scenique, genres et moi chez Beckett et Duras General rights It is not permitted to download or to forward/distribute the text or part of it without the consent of the author(s) and/or copyright holder(s), other than for strictly personal, individual use, unless the work is under an open content license (like Creative Commons). Disclaimer/Complaints regulations If you believe that digital publication of certain material infringes any of your rights or (privacy) interests, please let the Library know, stating your reasons. In case of a legitimate complaint, the Library will make the material inaccessible and/or remove it from the website. Please Ask the Library: or a letter to: Library of the University of Amsterdam, Secretariat, Singel 425, 1012 WP Amsterdam, The Netherlands. You will be contacted as soon as possible. UvA-DARE is a service provided by the library of the University of Amsterdam ( Download date: 22 Oct 2017

2 PREMIÈREE P ARTIE SPÉCIFICITÉ: : RÉCIT,, THEATRE ET ROMAN CHEZ BECKETT dess contes de Fees, qu'une bonne Vieille allonge, en niaisant, autantt qu'elle peut, pour endormir des Enfans L'abbéé d'aubignac, La Pratique du theatre, livre IV, chapitree III 'Des Narrations' (1927:291) D'Aubignacc est severe: dans sa Pratique du theatre, il condamne en 1657, danss les termes cités dans eet exergue, Ie fait de présenter trop longuement surr scène des événements racontés par un narrateur. Les théoriciens, avant d'aubignacc et après lui, n'ont en general pas eu recours a des termes aussi dépréciatifss pour indiquer la difference entre la presentation directe des événementss de Taction par Ie dialogue des personnages eux-mêmes et la presentationn indirecte de Taction par un narrateur. Toujours est-il que Tabbéé ne fait que confirmer a sa facon une separation qui a été et est encoree 1'une des constantes de la theorie littéraire. Laa littérature narrative est marquee par la presence d'un narrateur, la littératuree dramatique par son absence. Cette distribution - dont les deux termess sont pourtant si diversement appréciés qu'elle a mené a ce que Genettee a appelé Tinfatigable debat sur les mérites compares de la tragédiee et de 1'épopée" (1986:109) - n'a été contestée que tres sporadiquement danss la theorie quant a son principe même, e'est-a-dire une structure binairee selon Ie critère de Pabsence ou de la presence d'un narrateur. Mêmee dans la deuxième moitié du vingtième siècle, et même si Beckett n'estt pas seul a introduire un narrateur sur scène, un texte dramatique commee Berceuse peut done paraïtre enfreindre une regie majeure de la theoriee des genres, oü les lois encore en vigueur telles queues sont rares aprèss Ie souffle révolutionnaire qui anime la littérature depuis prés de deux siècles.. La totalité du texte de Berceuse qui doit être dit sur scène (Ie "Haupttext"" selon Ie terme d'ingarden; 1965:220-22) se présente en effet souss la forme d'un récit: sii bien qu 'enfin finn d'une longue journée ellee rentra

3 40 0 RÉCIT,, THEATRE ET ROMAN enfinn rentra see disant aa qui d'autre tempss qu'elle finisse (1986:44) ) Cettee voix de femme, faut-il Pappeler avec d'aubignac - qui trouverait certainementt cette narration trop longue, puisqu'elle occupe Ia presque totalitéé du texte dit sur scène - celle d'une 'bonne Vieille' racontant 'des contess de Fees'? Ou bien faut-il conclure, dans les termes non dépourvus d'emphasee du critique Fitch, indéniablement vingtiémiste, que les textes de Beckettt "problematize the most basic concepts on which literary studies havee been grounded and render them inoperative" (1993:126)? Quelle est laa place du récit dans le dernier theatre de Beckett, oü, dans un certain nombree de pieces, il a complètement évincé le dialogue entre personnages duu theatre traditionnel? Pourr donner une réponse a cette question, nous étudierons de différentes facons,, dans cette première partie intégralement consacrée a Beckett, les textess de theatre de eet auteur oü le récit est la seule forme de discours scénique.. Tout d'abord il est interessant de voir quelle evolution a mené a cee qui semble un monstre générique, et ensuite quel a été Taccueit que la critiquee lui a fait. Après le premier chapitre consacré a ces deux questions, lee second chapitre propose une étude de la question de savoir dans quelle mesuree 1'introduction du narrateur sur Ia scène beckettienne mène a un mélangee de la littérature narrative et de la littérature dramatique, a une hybridationn du roman et du theatre. Dans le prolongement de cette questionn souvent posée par la critique, et qui permettra ici de constater la redefinitionn mais non la suppression de la separation du genre dramatique ett du genre 'épique' chez Beckett, le deuxième chapitre de cette première partiee est également consacré a la question de savoir si Ie récit est intégré danss le theatre, transformé en element dramatique a part entière, ou si une faillee continue a séparer le récit dramatique du genre dramatique oü il occupee une place pourtant si importante. Ensuite, il est interessant d'étudierr le théatre-récit beckettien en le confrontant, dans le chapitre trois, au récitt d'un des textes non dramatiques du même auteur et contemporains du théatre-récit.. Si une telle confrontation révèle que le récit dramatique et le récitt de la littérature narrative divergent dans une grande mesure, ce résultatt appuiera Ia conclusion de 1'étude du théatre-récit- celle done du chapitree deux selon laquelle littérature narrative et dramatique se confondentt moins qu'on ne pourrait le penser en jetant un premier coup d'oeil sur

4 RÊCIT,, THEATRE ET ROMAN 41 1 l'hybridee (modal mais non générique, s'il est permis d'avoir recours déja a unee presentation si technique) qu'est Ie théatre-récit de Beckett. Précisonss cette structure avant de commencer I' analyse. Dans Ie premier ainsii que Ie deuxième chapitre de cette partie beckettienne, 1'attention se porteraa done sur Ie théatre-récit en soi. Le prélude qu'est Ie premier chapitree qui sert a baliser Ie champ comprend une esquisse de I 'evolution du théitree de Beckett vers ces cas particuliere que constituent les courtes piecess de theatre oü le discours du personnage ne se présente plus que sous laa forme d'un récit ( 1.1). et ensuite un inventaire des considerations de la critiquee a propos du théatre-récit et de Ia question des genres ( 1.2). Dans lee second chapitre c'est Ie paradoxe du théatre-récit beckettien qui sera souligné.. Paradoxe, en effet, car d'une part, le récit dans Ie theatre de Beckettt est complètement intégré dans le genre dramatique: Ie mode narratiff est intégré dans le theatre, dont les frontières génériques sont ainsi redéfiniess au lieu d'etre effacées ( 2.1). D'autre part, Ie récit, même s*il estt intégré a l'art dramatique, n'en perd pas pour autant son caractère réfractairee a eet art: il doit paradoxalement une partie de son efficacité sur laa scène beckettienne a Ia tension qui continue a opposer theatre et récit ( 2.2).. Le paradoxe du théatre-récit chez Beckett, c'est que d'une part le récitt s'intègre pleinement dans Ie genre dramatique qui malgré I'introductionn du mode narratif ne perd rien de sa spécificité en tant que genre destinedestine a l'art de la scène, mais que d'autre part le récit reste en même tempss un element étranger qui puise une partie de sa force dans la relation dee tension opposant le récit et le theatre. Si Ia spécificité du texte dramatiquee est done réévaluée chez Beckett, tous les 'concepts de base* de Ia theoriee littéraire ne sont pas pour autant frappés de nullité - ce serait la unee conclusion native, trop peu fondée sur une analyse détaillée des textes; curieusement,, la position de d'aubignac n'est pas dépourvue de toute pertinencee chez Beckett. Lee chapitre trois de la présente partie est une tentative d'étayer I'analyse dee ce paradoxe par une comparaison du récit tel qu'on le trouve dans une piècee de theatre et dans un 'roman' contemporain, c'est-a-dire un texte de fictionn narrative écrit a la même époque: Ia narration dans Solo sera confrontéee en détail a celle de Compagnie, Les excursions occasionnelles dans lee genre narritif faites au cours des deux premiers chapitres deviennent ici lee principe structurant d'une analyse comparative qui quitte définitivement lee seul domaine du théatre-récit. La confrontation du texte dramatique et duu texte narratif - étrangement, une telle comparaison n'a jusqu'a présent pass été faite par une critique pourtant tres intéressée par la question des relationss entre roman et theatre chez Beckett- permettra de constater combienn le récit du theatre diffère de celui du texte de fiction narrative.

5 42 2 RÉCIT,, THEATRE ET ROMAN Malgréé Ie fait qu'il s'agit d'une narration dans les deux cas, Ie récit est marquéé par une spécif icité générique - ou plus précisément médiatique, différentee de celle qu'on entend habituel lement par spécificité dramatique surr Ie plan narratologique ( 3.1), stylistique ( 3.2) et thématique ( 3.3), tantt dans Ia version definitive des deux textes contemporains que dans les manuscritss ( 3.4). Le récit est chez Beckett tres différent selon qu'il figure danss une pièce de theatre ou dans un roman: le genre dramatique et le genree narratif restent distincts. C'est cette spécificité générique qui constitueraa le résultat le plus voyant - trop voyant peut-être s'il cache les considerationss qu'il aura fallu pour y arriver - de cette première partie, oü les textess de Beckett seront étudiés avant d'etre confrontés a ceux de Margueritee Duras dans la deuxième partie; Duras chez qui les incursions du récitt dans le theatre sont plus variées, sans qu'elle connaisse Ie cas de figuree beckettien du narrateur, seul personnage sur scène; et chez qui la relationn entre roman et theatre est en outre loin d'etre la même que celle quii sera mise en evidence chez Beckett dans les trois chapitres suivants.