La réforme de la procédure civile au Québec
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- Georges Lefrançois
- il y a 6 ans
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1 SYMPOSIUM SUR LES TAXES À LA CONSOMMATION La réforme de la procédure civile au Québec Josée Massicotte, avocate Mendelsohn Les dispositions de la Loi portant réforme du code de procédure civile (L.Q. 2002, c. 7), entrées en vigueur le 1 er janvier 2003, modifient en profondeur la pratique du litige fiscal en matière de taxes et d impôts provinciaux. L objectif principal de la réforme du Code de procédure civile, L.R.Q., c. C-25, (ci-après «Code») est de moderniser le système de procédure civile au Québec, en uniformisant la procédure introductive d instance, en abrégeant les délais et en créant une économie de procédures écrites. En premier lieu, nous verrons les modifications au Code qui touchent les praticiens en matière fiscale 1. Nous verrons, par la suite, les deux nouvelles procédures de règlement à l amiable, qui ont pour but de faciliter le règlement d un dossier entre un contribuable et le ministère du Revenu du Québec (ci-après «MRQ»). Finalement, nous analyserons certaines conséquences de la réforme sur la pratique et sur les stratégies des praticiens en matière fiscale. 1. Nouvelle gestion d instance Tout d abord, l article 110 du Code prévoit que toute demande en justice doit dorénavant être présentée par requête introductive d instance. Ce changement est négligeable pour les praticiens en matière fiscale puisque la Loi sur le ministère du Revenu, L.R.Q., c. M-31 (ci-après «LMR») prévoit déjà que l appel de la décision du MRQ, qui rejette en tout ou en partie l opposition du contribuable, se fait au moyen d une requête en appel. Dans l intitulé de la requête introductive d instance, les parties seront cependant désignées comme étant le demandeur et le défendeur (art du Code). Les requêtes n ont pas à être appuyées d un affidavit, mais elles doivent être accompagnées d un avis au défendeur lui demandant de comparaître dans les 10 jours. 1 La Cour du Québec, sous la plume de l honorable juge Denis Charette, a confirmé, le 19 février 2003, que la nouvelle procédure s applique aussi aux dossiers en matière fiscale; Dufresne c. Sousministre du Revenu du Québec, 19 février 2003,
2 L avis doit contenir les éléments prévus à l article 119 du Code et doit informer le défendeur de son obligation de se présenter à la date fixée pour la présentation de la requête. La date de présentation doit être fixée à au moins 30 jours de la date de signification. Après la comparution du défendeur, et pendant le délai prévu pour la présentation de la requête, le contribuable et le MRQ doivent négocier une entente sur le déroulement de l instance (art du Code). L entente doit établir le calendrier des échéances à respecter, le tout à l intérieur du nouveau délai de 180 jours pour inscrire pour enquête et audition. Le calendrier des échéances doit porter notamment sur les moyens préliminaires, les modalités et délais de communication des pièces, les interrogatoires hors cour, les expertises et la défense. L article du Code prévoit que le calendrier pourra être modifié de consentement par les parties, pourvu que le délai de 180 jours pour inscrire soit respecté. À défaut d entente sur l échéancier, la requête est présentée devant le tribunal à la date indiquée et un juge de la Cour du Québec verra à imposer un calendrier des échéances, le tout conformément aux articles et suivants du Code. Bien que le paragraphe (8a) du Code prévoit que la défense soit orale «dans le cas où la demande porte sur une taxe, contribution ou cotisation imposée par une loi du Québec ou en vertu de l une de ses dispositions», il semble que les défenses présentées par Revenu Québec seront des défenses écrites (art du Code). L article du Code prévoit qu aucun interrogatoire préalable n est permis lorsque la somme demandée est inférieure à $. Nous croyons que cet article ne sera pas interprété de façon stricte par les représentants du MRQ, puisque l interrogatoire au préalable pourrait être utile dans le cadre d un éventuel règlement. L article du Code prévoit que la demande en justice doit être inscrite pour enquête et audition dans un délai d au plus 180 jours à compter de la signification de la requête introductive d instance. Ce délai est un délai de rigueur, mais le second alinéa de l article du Code prévoit que le délai peut être prolongé. La demande de - 2 -
3 prorogation doit être «présentée au plus tôt dans les 30 jours précédant l expiration du délai de 180 jours». Ainsi, le tribunal pourra, par décision motivée, prolonger le délai «lorsque la complexité de l affaire ou des circonstances spéciales le justifient». Les dossiers «normaux» pourront donc, en principe, procéder dans un délai raisonnable. On peut aisément avancer que, lorsque la preuve documentaire sera complexe et étoffée, ou les questions de droit nombreuses, nouvelles et difficiles, une demande de prorogation de délai sera présentée par les parties. Ce nouveau délai de 180 jours posera certains problèmes à l égard des dossiers «spéciaux» qui nécessitent un plus grand délai avant de procéder sur le fond. Les praticiens devront alors tenter de sortir ces requêtes du processus normal ou élaborer de nouvelles stratégies. À cet égard, il sera possible, en vertu de l article du Code, de présenter une demande afin qu'un juge unique prenne en charge la gestion de l instance, lorsque la complexité ou la nature de l instance le justifiera. Le tribunal peut aussi accorder une prolongation après l expiration du délai de 180 jours lorsqu une partie «démontre qu elle a été, en fait, dans l impossibilité d agir dans le délai prescrit» (3 e alinéa de l article du Code). Précisons que la réforme de la procédure s applique aux nouvelles instances depuis le 1 er janvier Pour les procédures en cours, l ancien Code continue de s appliquer. 2. Deux nouvelles prodécures de médiation en matière fiscale Un contribuable aura dorénavant la possibilité d utiliser le processus du règlement à l amiable pour régler son dossier avec le MRQ. En effet, les articles et suivants du Code prévoient qu un juge peut présider une conférence de règlement à l amiable. La conférence de règlement à l amiable est présidée par un juge qui est désigné par le juge en chef, qui bénéficie de l immunité judiciaire et qui ne peut entendre la demande relative à ce litige lorsqu aucun règlement n intervient. Durant la médiation, tout ce qui est dit ou écrit demeure confidentiel. Dans le cas où il n y pas de règlement entre le contribuable et le MRQ, le processus suit son cours devant la Cour du Québec
4 Le MRQ a récemment mis sur pied un projet-pilote de médiation en matière fiscale. Le MRQ a limité le projet aux dossiers fiscaux où la somme d argent en jeu est importante, où le litige repose sur une question de faits, et pour lesquels le contribuable a interjeté appel auprès de la Cour du Québec. Le projet-pilote propose des séances de médiation informelles, confidentielles, devant un médiateur choisi de consentement par les parties et dont les honoraires sont partagés entre les parties. Si les parties arrivent à s entendre, une transaction est signée par les parties et déposée au dossier de la Cour. Dans le cas contraire, le processus judiciaire suit son cours devant la Cour du Québec. 3. Appréciation de la nouvelle gestion d instance La réforme nous amène à réfléchir sur certains aspects de la pratique actuelle du litige fiscal. En tout premier lieu, il faut mentionner que la réforme proposera aux contribuables qui veulent réellement procéder devant la Cour, un traitement rapide et efficace de leur cause, ce qui, par le fait même, donnera beaucoup de crédibilité au système de justice et à l administration de la justice au Québec. 2 En second lieu, il est courant de déposer une requête en appel devant la Cour du Québec pour la cotisation provinciale ainsi qu un avis d appel devant la Cour canadienne de l impôt pour la cotisation fédérale, et de gérer les deux instances de façon à ce qu un juge de la Cour canadienne de l impôt entende la cause en premier. Il n est pas rare que, à la suite du jugement de la Cour canadienne de l impôt, les parties en cause s entendent et appliquent cette décision à l égard de la cotisation provinciale. Cette façon de faire sera dorénavant beaucoup plus difficile puisqu il est probable que la Cour du Québec entende la cause en premier lieu. Verra-t-on apparaître une jurisprudence propre au Québec? La Cour canadienne de l impôt acceptera-t-elle de 2 La rapidité du processus est également liée à la capacité de la Cour du Québec d offrir des dates (et des juges) pour l audition des procès. Si le délai entre la fin du délai de 180 jours et la date du procès est déraisonnable, la crédibilité du processus sera affectée. Si le délai entre la fin du délai de 180 jours et la date du procès est raisonnable, la crédibilité du processus augmentera
5 suivre les décisions des juges de la Cour du Québec, ou verra-t-on s élaborer une jurisprudence contradictoire? Finalement, concernant la conférence de règlement à l amiable devant un juge et concernant le projet pilote du MRQ, il est peu probable que des contribuables choisissent cette avenue, car la procédure en matière fiscale est déjà ponctuée de négociations : tout d abord avec les vérificateurs, puis avec les agents d opposition et finalement avec les avocats du contentieux du MRQ. Ainsi, lorsqu un contribuable en appelle de sa cotisation devant la Cour du Québec, bien des efforts de négociations ont déjà été entrepris, et se poursuivent. Conclusion La réforme suscite plusieurs réflexions et de nombreuses questions sont laissées sans réponse. Il faudra suivre l évolution des dossiers devant la Cour du Québec et l évolution du processus de médiation. Seule la pratique nous permettra de qualifier cette réforme de la procédure civile qui s inscrit dans un plan de restructuration et de modernisation du système judiciaire québécois
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