e c ra Chez certains patrons de ENGUÊTE~ Un long effort de pédagogie 900 docteurs par an

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1 ~ENGUÊTE ue evenne t 38 > Objectif Languedoc-Roussillon 1Mai 2011

2 e c ra ENGUÊTE~., En exclusivité, Objectif Languedoc-Roussillon dévoile une enquête que vient de réaliser le Medef Languedoc-Roussillon sur l'insertion des thésards. Les résultats sont tout en paradoxes : le doctorat reste le diplôme le plus prestigieux de l'université française, mais le monde de l'entreprise juge ses titulaires trop déconnectés des réalités. 80 % des PME de la région n'envisagent pas de recruter un docteur, alors que l'enjeu de la R&D est stratégique. Chez certains patrons de PME, évoquer un docteur ( ( revient à lui parler... de son médecin traitant!» La remarque, faite sur le ton de la plaisanterie, révèle le fossé qui subsiste entre ce profil hautement qualifiéet l'univers de l'entreprise. C'est un fait : les ingénieurs ont plus connus. Selon l'enquête réalisée en mars par le Medef Languedoc-Roussillon auprès de 60 entreprises régionales, 55 % d'entre elles connai ent la formation doctorale et son expertise scientifique. Mais le écoles d'ingénieurs restent plébi citées par 38 % contre 28 % au mas ter de recherche. Sanction imm - diate : 80 % de ces PME n'envisagent pas le recrutement d'un docteur. 900 docteurs par an Adoptée en 2002, la réforme LMD (Licence-Ma ter-doctorat) a pourtant accéléré la profe sionnalisation de l'université. Pour faire connaître le 900 docteurs qui en sortent tous les ans en Languedoc-Roussillon, un vaste dispositif d'information a été mis en place. Les directions d'université sont dotée d'unités chargées d'œuvrer à leur insertion professionnelle. Depui 1999, les Observatoires de la vie étudiante (OEY) de la région fonctionnent main dans la main pour faire le uivi d'insertion des diplômés. La Maison des écoles doctorale (MED), qui regroupe les neuf établisement de Montpellier, gère un catalogue de 60 formations pour faciliter l'acquisition de compétences transver ale et mieux sensibili er les doctorants à l'entreprise. «Une forte cornrnunication auprès des entreprises est nécessaire pour faire reconnaître le statut de doctorant comme première expérience professionnelle, explique Catherine Morale, ecrétaire générale de la MED. Quel que soit son secteur d'activité, une entreprise peut intégrer un docteur qui a des compétences d'encadrement et de gestion de projets acquises au cours de sa thèse.» Un long effort de pédagogie Depui deux ans, le Medef Languedoc- Rou sillon et l'association Contact, qui anime ce réseau d'informations sur Montpellier, organisent un Forum emploi réunissant 250 doctorants et30 entreprises, pour permettre aux premiers de comprendre les problématiques des secondes. Un long effort de pédagogie est nécessaire pour les faire se rencontrer. L'enquête du Medef Languedoc-Roussillon montre que 52 % des entrepreneurs interrogé n'ont pas de poste correspondant à ce type de profil et que 8,7 % ignorent comment exploiter leurs connai - sances. «Une entreprise qui crée de la valeur dispose d'une expertise, mais va vite arriver à ses limites de compétence au plan fondamental, souligne ~ Mai Objectif Languedoc Roussillon < 39

3 ~ENGUÊTE ~ Lavenir des doctorants ~ pourtant Luc Martin, directeur d'optitec à Vendargues (34). Pourgérer la problématique des nouveaux substrats, il nous a fallu recruter un profil capable d'échanger avec les acteurs de la recherche dans ce domaine.» À la condition, toutefois, que le docteur comprenne où il met les pieds... et qu'il sache, une fois confronté àla stratégie marché d'une entreprise, que le tem ps de la recherche désincarnée est révolu. «Ces profils amènent une plus grande compétence scientifique dans l'entreprise, mais durant le temps de la thèse, il faut les aider à détourner le regard de leur structure diplômante, témoigne Robert Guichet, président de Pyrescom, à Canohès (66). Il leur faut intégrer des notions de gestion de projet et de rentabilité.» 62 % dans le public C'est le revers de la médaille. Les établissements de Montpellier, classé 5 e site français dans la recherche, ont souvent J'œil rivé sur les index de publications des thèses ou le classement des universités mondiale de Shanghai. L'insertion des docteurs vient bien après... «Une grosse partie de nos financements de thèse sont liées à la recherche publique, remarque Arnaud Martin, vice-président délégué à l'insertion professionnelle à l'université de Montpellier II. Les thèses appliquées sont peu nombreuses, en raison de la forte implantation des laboratoires de rechercheet du retrait du secteur industriel dans notre région, par comparaison. "De fait, une étude menée fin 2010 par les trois universités de Montpellier "Une forte communication auprès des entreprises est nécessaire pour faire reconnaître le statut de doctorant. " établit que 62 % des docteurs de 2008 ont trouvé un emploi dans le secteur public, contre 38 % seulement dans le privé. 41 % ont effectué un post-doctorat après leur thèse. 85 % des post -doctorants et 87 % des docteurs sans postdoc ont un emploi. De son côté, un établissement pluridisciplinaire tel que l'université Via Domitia à Perpignan mesure chaque jour l'évolution de l'ernployabilité de ses docteurs au gré Le Pôle Emploi cc coache» les docteurs Depuis 2009, le Pôle Emploi gère à Celleneuve (4) un espace cadres qui accueille en priorité les docteurs. Il mène une action de coaching en partenarfât avec le Medef Languedoc-Roussillon dans le cadre du Forum Rencontres Docteurs et Entreprises du 24 mai pour les aider à valoriser leur CV.«C est une population qu'il faut rassurer, indique la conseillère Corinne Planche. Ils ont déjà fait leurs preuves en termes de conduite de projet, mais ils ont du mal à les identifier et à les insérer dans leur projet professionnel.» Après le dernier Forum emploi en 2010, 200 docteurs se sont inscrits à l'espace cadres. Celui-ci gère en moyenne un stock de 80 offres d'emplois. «Lespostes à ou annuels sont rares en Languedoc-Roussillon, poursuit Corinne Planche. Nous sommes plus sur des fourchettes de salaires d'ingénieurs, à ou » des «explosions de marché", selon le mot de Xavier Py, directeur de l'école doctorale environnement! énergie: «La majorité des thèses sont en partenariat industriel, affirme-t-il. Dans les énergies renouuelables, un doctorant reçoitplusieurs offresd'emploi avant de faire sa thèse. Les choses se compliquent en biologie. Et en sciences humaines, tout resteàfaire! Dans un domaine où peu de recherchessont finalisées, ceprofil peut intéresser des groupes industriels... mais il faut quitter la région pour les trouuer.» Créer son entreprise Pour sortir de ce paradoxe, IIreste une option, que les universités régionales explorent en synergie avec les collectivités territoriales et les pépinières qui y sont rattachées. L'insertion des docteurs passe aussi par la sensibilisation au dispositif d'aide à la création d'entreprise.«quand un docteur fait une thèse sur un sujet innovant, le BlC (Business and Innovation Centre, NDLR) travaille avec les cellules de valorisation des universités pour l'inciter à étudier cette voie», détaille Karine Caner, directrice du développement à MontpellierAgglomération (et docteur en sciences économiques). Pour l'heure, seules 9 % des créations d'entreprise au BIC sont le fait de docteurs. _ A.R. F d~ Tru n Que enq Les~ la re mail do réel pain rigu Pou con trop 40 > Objectif Languedoc-Roussillon 1Mai 2011

4 Formations doctorants suivies par les les plus recrutés ENCiUÊTE P!J L:avenir des doctorants ~ Dispositifs d'aide au recrutement les plus utilisés Médecine (6%) Pharmacie (8%) Fondation universitaire (2,5 %) Dodorant conseil (]%) Source: Enquête Medef - Mars 2011 Trois questions à ÉLISABETHGAll BERT, présidente du Mede' Languedoc-Roussillon irles docteurs sont reconnus pour leur rigueur" Quels enseignements tirez-vous de votre enquête sur l'avenir des doctorants? Lesentreprises sont plutôt intéressées par la rencontre et le recrutement de docteurs, mais elles souhaiteraient que la formation doctorale soit plus axée sur la connaissance réelle et pratique de l'entreprise. Pour les points positifs, on reconnaît aux docteurs la rigueur d'exécution et de méthodologie. Pour ce qui est des points faibles: le peu de connaissance du monde économique et une trop grande spécialisation. Quelles actions le Medef va-toit mettre en œuvre? Continuer à travailler en partenariat avec la Maison des écoles doctorales, l'association Contact et toutes les universités de la région. Si l'on prend un exemple, lors du Forum des docteurs que nous organisons le 24 mai, nous avons lancé un concours auprès des docteurs et doctorants de «Mise en image de leur profil». Lesvainqueurs se verront récompensés par un affichage au centre-ville et à l'aéroport de Montpellier, par un accompagnement personnalisé assuré par le cabinet BPIqui leur garantira des crédits personnalisés d'accès à l'emploi (CPAE). Comment améliorer la synergie entre l'entreprise et le monde académique? Le Medef Languedoc-Roussillon est engagé sur plusieurs axes. Nous participons à la Fondation de l'uml «Entreprendre», dont les objectifs principaux sont de développer l'entrepreneuriat. Nous avons mis en place en 2010 les «Premières Rencontres Medef- Universités» en partenariat avec toutes les Universités de la région, pour aider à l'orientation et à l'insertion professionnelle des étudiants. Avec le Rectorat, nous allons décliner en région la Convention des Présidents d'université (CPU)et organiserons encore cette année la Semaine école entreprise en octobre prochain. Propos recueillis par Anthony Rey Mai Objectif Languedoc-Roussillon < 41

5 r.enguête r:.. L.:avenirdes doctorants Des entreprises dans l'expectative. Même en étant positionnées sur l'innovation, les entreprises régionales hésitent encore à recourir aux docteurs. De leur côté, ces derniers déplorent que leurs compétences soient mal exploitées. Dialogue de sourds ou simple défaut d'ajustement? "Un doctorant est lus structuré "Les chercheurs n'ont as la même u'un ingénieur".. Christophe Lefèvre, cofondateur de Gosis (cloud computing), à Mende (48) «Un récent salon à Montpellier nous a déçus par le faible nombre de docterants présents. Nous laissons donc le soin aux universités et aux écoles d'identifier les profils les plus adaptés à Gosis. Pour notre moins PME, qui a d'un an, il est important d'attirer des gens rapidement opérationnels. Un ingênieur est souvent trop gênéraliste, alors qu'un doctorant me paraît plus structuré, moins dispersé. Il est faux de croire qu'il n'a pas l'envie d'aller vers l'entreprise. Certains docteurs sont plus dans la recherche fondamentale, et d'autres sont plus dans la recherche appliquée. Il faut leur donner une visibilité sur l'entreprise, sur ses objectifs qualité, et donc prendre du temps pour eux. Gosis accueille aujourd'hui un doctorant en stage qui nous rejoindra à l'issue de sa thèse. Nous prévoyons d'en recruter deux autres en 2011.» Jérôme Stremler, directeur de Bio Planète (huiles biologiques), à Bram l11) «Une PME ne dispose pas de cinq ou six ans pour sortir un nouveau Or, le milieu de la recherche fonctionne échelle différente sur une de temps de l'entreprise. Quand de celle Bio Planète se lance dans des recherches cornplexes produit. qui excèdent ce que peut assumer notre cellule R&D, nous préférons travailler avec des laboratoires. Je ne pense donc pas recruter de docteur. Je privilégie les compétences d'ingénieurs en agroalimentaire, qui sont plus réactifs et qui pourront assurer le lien avec la production de l'entreprise. Il existe des aides à l'accompagnement des docteurs, mais ce n'est pas cela qui déclenchera le recrutement.» "L'Etat doit davantage s'im Ii uer dans la valorisation industrielle" Thomas Bergerot, fondateur de RadioShop (radios et télés internes), à Saint-Jean-de-Védas (34) 42 > Objectif Languedoc Roussilion 1 Mai 2011 «Il est paradoxal qu'une société comme la nôtre, qui met l'accent sur la R&D, ne fasse pas appel à des personnes à haut niveau de diplômes telles que les doctorants. Nous nous heurtons à un problème d'identification des compétences. Qui contacter? Quelle université proposerait des spécialités qui nous intéressent comme l'acoustique? Il manque un accompagnement, quelqu'un qui nous redirigerait vers tel panel de chercheurs travaillant sur telles thèses pour l'année en cours... C'est de la responsabilité de l'état de regrouper les compétences pour faciliter la valorisation industrielle. Il reste un fossé énorme entre les laboratoires et les PME. Nous le vérifions souvent dans nos contacts avec l'ircam(*). Ses chercheurs ont parfois le sentiment de faire des avancées extraordinaires dans certains travaux, comme la synthèse vocale. Mais, à aucun moment, ils ne s'interrogent sur la façon de les commercialiser de façon crédible.» (*) Institut de recherche et coordination acoustique/musique Aur~ R&OI triel «J'ai mois en dl àvo Pol tinai. mais recht base rnen] indu] proje de la pour prior tèle. résul tion 1 vouh trava plus mas' a un d'a

6 face à des docteurs désireux de mieux s'intégrer "Il faut être a te à gérer des ro ets" vécue comme un échec" Aurélien Delestre, responsable R&D à Dptitec (peinture industrielle), à Uendargues (34)., Paola Salle, en recherche d'emploi après une expérience dans la modélisation 3D de territoires «J'ai soutenu ma thèse sur le datamining. Avant ;j cela, mon parcours de bac-ç, avec des compê- ::: g tences en conception web, m'a permis d'intégrer ~ une start-up de Montpellier. J'ai été embauchée ~ sur cette expertise web, mais pas sur ma spécifici ~ té de thèse. Ce poste m'a permis de me diriger 9 vers les sciences de l'environnement, comme je le voulais, et en plus d'enrichir mes compétences sur des aspects techniques. Au mois de juin, cette société supprimera les postes de développeurs. Cesont des fonctions de R&D qui impliquent d'investir et qui sont donc ardues à maintenir en période de crise. Mais je pense que les doctorants ont toute leur place dans l'entreprise à condition de ne pas s'y prendre trop tard. Beaucoup se dirigent vers un postdoc, car c'est bien vu. L'orientation vers l'entreprise est, en fait, souvent vécue comme un échec ou un choix par défaut.» «J'ai eu la chance d'être recruté un mois après avoir défendu ma thèse en décembre dernier. Avec un cursus à vocation industrielle (DUT,puis Polytech' Montpellier), je ne me destinais pas à la recherche publique mais plutôt au secteur privé. Optitec recherchait quelqu'un ayant des bases scientifiques, pas obligatoirement spécialisé dans la peinture industrielle, mais apte à gérer des projets. Contrairement à la période de la thèse, où l'on dispose de temps pour faire des essais, il existe ici des priorités et des exigences de dientèle. On nous demande d'avoir des résultats rapidement. Ma rémunération est un peu inférieure à ce que je voulais, mais j'apprécie le fait de travailler dans une PMEoù l'on est plus écouté et non pas noyé dans la masse d'un grand groupe. Mais il y a une difficulté à trouver ce type d'offre d'emploi.» sont eu a fi uées" J ~I "~~~r-1i ~.. : ~I' ; --"l'j"c.,@!... ~ ~~I lo::1j 1"~'", "," " s t rt u: Benoît Zenou, chargé d'évaluation au Conseil général du Gard,_ t «J'ai soutenu en 2010 une thèse en socio-économie qui a nécessité que je la finance par des vacations à l'université. J'ai également pu créer une association de doctorants, à l'origine de trois colloques internationaux à Montpellier. Par la suite, j'ai eu du mal à trouver un emploi. J'ai d'abord eu une opportunité d'un an comme formateur en dêveloppement durable au Conseil général du Gard. J'ai été retenu en raison de l'expérience institutionnelle développée par mon association et de mon expérience comme enseignant. Après une mission d'un an comme chercheur au Cirad,le Conseil général m'a à nouveau contacté pour un poste d'êvaluateur. Le parcours universitaire ne sensibilise pas vraiment à l'entreprise ou à l'adrninistration. C'est encore plus compliqué pour les thèses en sciences humaines et sociales. Il y a un décalage dans les façons de travailler, Les méthodologies développées à l'université sont peu appliquées dans les documents de travail des collectivités.» Recueillis par Anthony Rey Mai Objectif Languedoc-Roussillon < 43