Et ce sera justice Punir en démocratie Antoine Garapon, Frédéric Gros, Thierry Pech Editions Odile Jacob Isbn (la «table» est en page 40)

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1 Et ce sera justice Punir en démocratie Antoine Garapon, Frédéric Gros, Thierry Pech Editions Odile Jacob Isbn (la «table» est en page 40) INTRODUCTION De la punition ou de l impunité, quel est le plus grand scandale? Une conviction centrale : une peine juste est une peine qui régénère les liens blessés par le crime. Première partie LES QUATRE FOYERS DE SENS DE LA PEINE Frédéric Gros Dans la pensée occidentale, quatre foyers de sens se sont dessinés pour la peine : - Un discours sacré ou moral, suspendu à un interdit ou une norme universelle transgressée. Punir, c est rappeler la loi. - Un discours politico-économique qui prétend se régler sur les intérêts immanents d une communauté menacée. Punir, c est défendre la société. - Un discours psychopédagogique qui voudra obtenir par la peine la transformation du condamné. Punir, c est éduquer un individu. - Un discours juridico-éthique pour penser une justice relationnelle. Punir, c est transformer la souffrance en malheur. La vérité n est pas dans un de ces discours, elle est dans le mouvement qui nous fait passer d un discours à l autre. Avertissement : Ce résumé reformule très peu. La plupart des phrases retenues sortent directement du texte original. Les notes de bas de page également. Chapitre 1 er Punir, c est rappeler la loi Le régime expiatoire de la peine LE MODÈLE SACRO-FAMILIAL DE LA PEINE : PURIFICATION ET SACRIFICE Préhistoire de la peine : l enracinement sacré (Mauss) Quand Mauss (en 1896) affirme «punir, ce n est pas se venger», il polémique avec Steinmetz pour qui, à l origine aurait régné, dans les sociétés primitives, la vengeance. Mauss s y oppose. On ne saurait en effet faire dériver la fonction pénale d un système de vengeance. La vengeance de sang est en effet privée et indéterminée. Privée, parce qu elle ne défend les intérêts que d une famille, et pas de la société tout entière. Indéterminée, parce qu elle tend essentiellement à verser du sang, sans viser de manière absolument prioritaire celui qui s est rendu coupable du crime. Un parent du criminel pourra faire l affaire. Mais la peine légale que nos sociétés modernes connaissent est publique et individualisée : elle vise le coupable du crime, et lui seul, et s exécute sur un espace public. Mauss soutient que la peine légale, la punition d État a des racines religieuses et sacrées. Son ancêtre véritable, c est la sanction infligée pour la transgression d un interdit sacré. Punir ne se comprend pas comme acte de défense paradigme de la guerre- mais de purification paradigme du sacré. La cité grecque : peine publique et juridiction familiale (Glotz et Gernet) Glotz fait paraître son livre (La solidarité de la famille dans le droit criminel grec) en Il y développe une opposition fameuse entre la dikê comme modalité de justice réglant les rapports entre les familles, c est le système de la vengeance- et la thémis attachée à poursuivre les actes criminels commis à l intérieur d une même famille par un de ses membres, c est le système de l expiation. La cité, à travers ses réactions pénales, se voit comme une grande famille qui verrait dans le criminel un adversaire extérieur qui l offense ou un de ses enfants qui l outrage. La punition légale prend alors la forme d une vengeance ou d une purification. D un côté, la cité assiste le vengeur (c est la dikê), et de l autre, elle garantit l expiation des crimes (c est la thémis). 1

2 Cependant, il faut bien accorder un privilège au mécanisme de l expiation. Car si la cité se comprend comme une grande famille, le crime d un citoyen relève toujours obscurément de la transgression d un interdit familial. On traite donc le délinquant comme un traître plutôt que comme un ennemi et le délit est un outrage plus qu une offense. La Grèce pré archaïque distingue deux grandes modalités punitives : l exclusion infamante et la purification réintégratrice. Le criminel de l intérieur se retrouve exclu de toute forme de vie commune. Plus qu une exclusion, c est un abandon, une mort civile. Mais une modalité moins radicale existe qui impose au criminel des rites purificateurs (on lui inflige les plus grandes souffrances comme condition de réconciliation) ; on ne l exclut pas définitivement. Dans nos sociétés modernes, on organise pour les criminels et délinquants des espaces clos d exclusion et d infamie sociale : les prisons. Et on soutient simultanément que la punition n a de sens que de régénérer le condamné. Cette dialectique de la faute et de la souffrance porte un nom dans la tradition chrétienne, au moins depuis Tertullien : la pénitence. Quelques lettres seulement séparent le pénitentiel du pénitentiaire. On pourrait dire que, tant que l Église s imposait politiquement comme acteur culturel et social puissant, elle refusait à l État un certain nombre de tâches, dont celle, précisément, de nouer intérieurement la souffrance et le rachat, la peine et le salut, la punition et l amendement. L État contraignait les corps par le châtiment et l Église sauvait les âmes par la pénitence. D un côté des mises à mort, des bannissements ou des mutilations : un travail du corps. De l autre côté, la privation, la réclusion, l emprisonnement : un travail de l âme. A l âge moderne, au grand siècle de la révolution industrielle et des révolutions politiques, on s émeut soudain des cruautés des châtiments classiques, et la prison commence à s imposer comme modalité punitive dominante. Et pour la première fois, l État se propose, en châtiant, d amender et de régénérer le coupable. La peine publique ne doit plus alors épuiser son sens dans des fonctions de répression du corps : elle a charge d âme. Un État moderne se met en place qui se donne comme objet inédit l âme de ses sujets. L État moderne s attache, dans un même geste d incarcération, à neutraliser les corps et à sauver les âmes. C est pour l État laïque et républicain que le pénitentiaire relève du pénitentiel. LA PEINE SELON L ÂME ET LE CORPS : LE CARREFOUR DU THÉOLOGICO- POLITIQUE Châtiment extérieur et pénitence intérieure : l âge classique de la séparation Nous avions distingué à propos de la culture grecque deux grandes modalités de la pénalité familiale : l abandon et la purification. Mais ces deux procédures, à chaque fois, affectaient la totalité de la personne condamnée. Cette dualité sera conservée dans la culture occidentale classique de la peine, mais autrement articulée, puisqu il s agira de dissocier deux régimes de pénalité : un registre étatique, marqué par la répression, l élimination, la mutilation des corps, au nom d une définition du crime comme violation extérieure de la loi civile ; un registre ecclésiastique, finalisé par la régénération, le rachat, le salut des âmes, depuis une thématique du péché et de la faute comme transgression intérieure du commandement divin (cf, R. Merle, La Pénitence et la Peine). Naissance du pénitentiaire à l âge moderne : le salut des âmes comme finalité d État C est au XIXe siècle seulement que le carcéral deviendra du «pénitentiaire». INTÉRIORISATION DE LA FONCTION PUNITIVE Psychanalyse du système pénal Pour Freud, il existe une catégorie de criminels qui, dans l acte délinquant, recherchent, plutôt que le profit du crime, la punition qui pourrait s ensuivre. Ce qui suppose que le sentiment de culpabilité préexiste au crime. Il en est la raison plutôt que la conséquence. On ne doit pas dire qu on se sent coupable après avoir commis un crime, mais qu on agit de manière criminelle parce qu on se sent coupable : «cet obscur sentiment de culpabilité provient du complexe d Œdipe, il est une réaction aux deux grandes intentions criminelles, celles de tuer le père et d avoir avec la mère des relations sexuelles». Dans cette logique, la loi pénale sert de métaphore à l interdit paternel. On peut dire que le sujet coupable et criminel trouve dans la punition de quoi socialiser sa névrose. De la loi comme interdit sacré à la loi universelle de la raison Punir, ce serait donc ceci d abord : rappeler la Loi à celui qui l a violée. Cette Loi, on a vu qu elle pouvait recouvrir d innombrables signifiés : c était le tabou du clan primitif chez Mauss, la règle familiale et sacrée dans la Grèce archaïque, le commandement divin, l interdit parental introjecté, etc. 2

3 Il faut comprendre maintenant ce que devient la peine comme rappel de la Loi, quand cette dernière est comprise comme norme universelle et non plus interdit sacré. Le régime rationnel de la peine KANT : LE FONDEMENT MORAL DE LA PEINE ET LE SUJET DIVISÉ Les propos kantiens sont tout sauf politiquement corrects. A propos de qui se rend coupable de viol, de pédérastie ou de bestialité, Kant écrit : «les deux premiers devraient être punis par la castration [ ], le dernier par l expulsion pour toujours de la société civile, parce que le coupable s est rendu indigne de la société humaine.» Il ne s agit même pas de dire que Kant défendait la peine de mort : il considérait plutôt sa mise en cause comme une aberration morale. Pour Kant, un individu est puni en tant, d une part, qu il est déterminé a priori comme punissable et que, d autre part, il a effectivement commis un acte punissable. Kant ne dit pas pour autant que la punition ne doit pas s attacher à amender le criminel ou protéger la société. Il s agit seulement d une mise en garde contre une perversion logique qui consisterait à chercher le principe de la peine dans ses effets. Tant mieux si la peine transforme l individu ou protège la société. Mais, pour bénéfiques qu ils soient, ces effets ne peuvent, structurellement, justifier la peine. Ce n est pas le profit qui la fonde, sauf à tomber dans l immoralité. Et pourtant Sénèque, autrefois, trouvait choquant, déraisonnable et absurde qu on punisse au seul titre d une agression passée : «aucun homme raisonnable ne punit parce qu une faute a été commise, mais pour qu elle ne le soit plus ; car le passé est irrévocable, l avenir se prévient» (Entretiens, Lettres à Lucilius). Punir en raison seulement du crime commis, c est pour Sénèque céder à la colère, ne pas punir par raison, mais par passion. Pour Kant par contre, si l on ne cherche la raison du châtiment que dans la prévention du crime, on fait sombrer la raison de punir dans de sombres calculs d utilité. «La Loi pénale est un impératif catégorique». Kant entend même participer ainsi au respect de l individu. Faire servir l individu à des fins de défense sociale ou même de redressement psychologique, c est lui refuser son statut d être moral. Quand Sénèque affirme que le juge doit être comme le médecin de la cité, Kant semble lui rétorquer : c est considérer tout criminel comme un malade, et lui retirer sa dignité d homme libre et respectable en soi. La punition, se justifiant du seul crime commis, est un hommage rendu à la liberté de cet être moral qu on suppose en tout homme. C est bien d humanisme qu il s agit, même si ses conséquences nous paraissent un peu raides. A faire rentrer la peine dans des calculs d utilité, à refuser de la fonder sur le seul crime commis, rien n interdit plus alors qu on condamne des innocents, dès que cette peine entraîne un profit supérieur à la condamnation des coupables. A partir du moment où, pour faire tomber la sentence, le juge ne dit plus «jugeons», mais «calculons», on prive le monde de justice et de sens. Le problème n est pas que la punition n ait pas à être bénéfique. Mais avant de chercher à être profitable, elle doit d abord s attacher à être juste. On doit punir par principe. Kant n admet que deux exceptions au refus absolu de gracier : quand une mère tue un enfant né hors mariage (l État peut ignorer son existence ) et quand un officier humilié règle son compte à un supérieur (il s agit moins de tuer un individu que de défendre une valeur ). Comme quoi Kant n ignorait pas totalement la casuistique. C est honorer un assassin que de le mettre à mort. On voit jusqu où mène la politesse. Jamais affirmation de l humanité n a été si inhumaine. Quelle peine appliquer? Kant répond : pour mesurer la peine, la justice doit se fonder sur le «principe de l égalité», à savoir «la loi du talion», mais bien entendu à la barre du tribunal (et non dans un jugement privé). Pour Kant, «le mal immérité que tu infliges à un autre dans le peuple, tu le fais à toi-même. Si tu l outrages, c est toi-même que tu outrages ; si tu le voles, tu te voles toi-même». Il ne s agit même pas, dans la punition comme talion, de faire restituer à la victime ce qu on lui a ôté, mais de retourner à l agresseur sa propre justice, de faire retourner contre lui son propre acte. Kant s explique. «Que signifie cette expression : «si tu le voles, tu te voles toi-même»? Celui qui vole rend incertaine la propriété de tous les autres ; il se ravit donc à lui-même (d après la loi du talion) la sécurité pour toute propriété possible ; il n a rien et ne peut rien acquérir». Kant avait montré que l immoralité du mensonge par exemple, se démontrait du fait que la maxime qui recommandait le mensonge n était pas susceptible de devenir une loi universelle. Je ne peux mentir que sur fond de sincérité partagée. Dans un monde où tous mentiraient, le mensonge même s abolirait, parce qu il veut toujours être cru. Mentir alors, c est faire exception à la règle de sincérité, qu on suppose valide tout en la transgressant. La moralité d une maxime d action s établissait donc par un passage à la limite : l épreuve de l universel : voler, c est rendre la propriété de tous incertaine. Donc, parce qu on a volé un œuf, on peut en toute justice être privé de tous ses biens. C est en prison que l État nourrira le voleur qui devra travailler pour payer sa nourriture. En effet, le mot d ordre du talion est restitution, rétribution. Mais si tu voles, tu ne voles pas une chose ou une autre, qu il te faut rendre 3

4 maintenant. Si tu voles, tu brises la loi même de la propriété. Alors, toute acquisition te devient impossible. La punition est un devoir d homme. Car punir, c est considérer l autre homme comme responsable et libre. C est donc aussi le responsabiliser. Refuser de trouver au délinquant des excuses dans son histoire personnelle, dans son environnement social, c est considérer qu il est fondamentalement libre, qu il ne se réduit pas à une somme d accidents de parcours, mais qu au-delà de ces conditionnements, il est et demeure libre et responsable de ses actes. Trouver sans cesse à l autre des excuses pour ne pas le punir, en faire la victime perpétuelle de la société et des drames familiaux, c est aussi secrètement lui dire qu on le méprise assez pour ne pas le punir. HEGEL : LA RÉCONCILIATION ÉQUIVOQUE Hegel veut montrer dans ses textes de jeunesse comment toute doctrine de la morale comprise comme obéissance et soumission à une loi universelle rate la vie et se condamne à l impuissance par trop de formalisme. Il s agira pour lui de montrer d abord comment une certaine pensée du châtiment en rapport avec une morale de la loi universelle est aporétique et vouée à l échec. Le premier travail de Hegel est de relire l argumentation kantienne, mais depuis une distinction de la forme et du contenu de la loi. On peut reprendre ici l exemple de Kant : celui qui vole transgresse la loi qui veut que toute propriété soit inviolable. Il y a surgissement, dans l acte du voleur, d une nouvelle loi, puisque seul le contenu de la loi a été supprimé, mais pas sa forme (sa prétention à l universel). Or, cette nouvelle loi, elle, a le contenu inverse de la précédente. Le voleur pose par son acte une nouvelle loi qui autorise qu on porte atteinte à la propriété d autrui. Il peut alors se voir retirer tous ses biens, au titre de la loi qu il a lui-même promulguée. On fera donc obéir le criminel à sa propre loi, en tuant l assassin ou en dépossédant le voleur. Mais Hegel n expose cette conception que pour en dénoncer les limites. Parce que le délinquant n a pas su se soumettre à la loi de tous, on le fait se soumettre à sa propre loi? Mais se soumettre n est pas reconnaître. La loi kantienne - norme universelle, exigence idéale - n est pas d essence réconciliatrice. Comme on n obéit jamais assez bien à la morale, nos œuvres sont toujours imparfaites et plus on est moral, plus on devra se trouver soi-même immoral. Hegel critique chez Kant la séparation entre l être et le devoir-être, le réel et l idéal, la singularité empirique et la norme universelle, le sujet et l absolu, etc. Pour Hegel, l absolu ce n est pas, comme pour Kant, ce qui ne peut jamais trouver de réalisation adéquate dans l existence, mais ce qui a déjà depuis toujours commencé à exister. Il est la vie même du monde. Second principe : celui de négativité dialectique. Le mouvement par lequel un universel s accomplit dans l exister suppose négativité, contradiction et réconciliation finale. Une dernière notion reste à préciser : le «destin». Le destin, comme le dit Hegel dans une formule magnifique, c est «la conscience de soi, mais comme d un ennemi». Il faut penser la punition comme reconquête de l amour de la vie ; c est permettre au criminel de penser son existence antérieure comme ennemie : comme ce qu il devra, pour se retrouver, sacrifier, sacrifier non pas sur l autel de la Loi abstraite mais dans un processus dialectique de réconciliation avec la Vie, comme un absolu concret à aimer. Dostoïevski ne dit pas autre chose dans Crime et châtiment. Ne doit-on pas tuer, pour les voler, ceux dont la vie ne compte pas, mais dont la fortune pourrait profiter à des jeunes pleins de promesses historiques? Alors Raskolnikov tue. Puis, stupéfait de son propre acte, sa vie s effondre lentement. Hegel avait prédit ce qui seul pouvait le sauver, le transformer : l acceptation sereine du châtiment et l amour. La réaction de l innocent attaqué entraîne soit à la lâcheté, soit à la riposte, c est-à-dire qu ici et là elle le condamne à l impureté de la violence, qu elle soit lâchement évitée ou courageusement affrontée. Mais le christianisme propose ici une issue, la même que pour le crime : l amour. Pourtant, c est amour qu oppose l innocence aux violences du monde laisse subsister comme tel le monde et ses injustices. Hegel n est donc parvenu à dépasser le châtiment selon la loi que par un amour chrétien dont il dénonce aussitôt les limites. Et pourtant demeure cette intuition : une punition qui ne conçoit son sens que dans un rappel de la Loi se condamne à l abstraction et se trouve incapable de réconcilier le criminel. Punir devrait apprendre autre chose : à aimer la vie. Quand Hegel reprend ce problème du châtiment quelque vingt ans après, dans les Principes de la philosophie du droit en 1821, c est pour réarticuler le sens de la peine à la notion de loi. Il ne sera plus question dans la punition d amour chrétien, mais seulement de loi étatique. Ce n est pas une norme universelle abstraite à la Kant : c est la loi de l État hégélien, une incarnation de l Absolu sur Terre. Penser la punition comme souffrance indigne, absurde, inutile, ou même correctrice, ou même comme agent de prévention et de protection sociales, c est confondre le juste avec de vagues représentations du Bien ou de l Utile.. La peine n a à se justifier que d être juste. On retrouve le thème, élaboré par Kant, et 4

5 autrefois si fortement décrié par le jeune Hegel, selon lequel la peine retournerait contre le criminel la loi qu il a lui-même posée dans son crime. Ainsi dans la punition, le criminel ne trouve jamais que ce qu il a cherché dans le crime. Le criminel n est ni un malade ni un individu dangereux, ni un pécheur : c est un législateur qui s ignore et qu on révèle à lui-même. L exécution effective de cette peine connaît deux réalisations historiques : la vengeance et la justice d État. La vengeance, comme disait Hegel, est juste, mais elle n est pas la justice. MARX : L HYPOCRISIE PÉNALE La loi comme interdit sacré ou norme universelle, Marx va l interroger au niveau de ses usages immanents. Il en examine les contenus effectifs. Et elle se révélera être un instrument politique de conservation des rapports de force sociaux, l expression des intérêts de la minorité dominante. Alors, punir aussi devra changer de sens. Dans un texte d une rare inspiration, un texte examinant «les débats sur la loi relative aux vols de bois mort», Marx montre que la «loi» d intérêt général n est jamais que l expression d intérêts privés. Il est hypocrite de poser abstraitement le problème de la peine dans le rapport à une loi dont on supposerait a priori qu elle est juste. Et si l idée pure de justice n était sauvée qu au prix de l existence effective d injustices criantes? Alors, quel sens nouveau donner à la peine, quel sens lui donner si la loi ne signifie ni un interdit sacré ni une norme universelle, mais un dispositif de conservation des rapports sociaux? Pour Kant, il est évident que punir est un devoir moral et l impunité un mal radical. La Loi ne peut supporter l insulte. Le contexte religieux, moral, métaphysique, dans lequel se déployait ce premier faisceau de sens faisait de l acte de punir un devoir absolu. Dès que la loi se comprenait comme interdit sacré ou exigence d universel, cette fondation transcendante rendait la punition sourde à tout calcul : il fallait punir, pour rétablir la majesté de la Loi outragée. On punissait par principe. Mais à partir du moment où la peine prend un sens social, s ouvre une problématique du droit de punir. La punition devient une possibilité sociale dont il s agit de mesurer les effets avant de la mettre en œuvre. Et l impunité n est plus un scandale : c est un choix politique. La Raison de punir devient une raison d État DU DEVOIR SACRÉ AU DROIT SOCIAL DE PUNIR Ce n est plus la Loi comme clé de voûte d une morale qui exigera satisfaction, mais la société et l État, dont les intérêts immanents auront été lésés, qui demanderont des comptes aux criminels. Pour la justice humaine, c est assez si elle s attache à tenter de réparer toute atteinte à l utilité commune. Pour ce nouveau foyer de sens, on ne parlera plus d expiation, de soumission à la loi, de réconciliation par la souffrance, mais de défense de la paix sociale, de protection des biens et des personnes, de préservation des libertés individuelles. 5

6 Chapitre II Punir, c est défendre la société LA SOCIÉTÉ COMME UNITÉ VITALE : DE LA PROTECTION DE L ÉQUILIBRE ORGANIQUE À LA SYMBOLISATION DE L ESPRIT COLLECTIF La peine comme protection du corps social, le criminel comme monstre (criminologie italienne) Nous avons donc considéré, dans une première partie, un sens de la peine comme rappel de la loi. Il y avait une indéniable grandeur dans cette première pensée de la peine, particulièrement dans sa version kantienne : c est l idée qu une peine doit être juste, et que seule cette justesse peut la justifier comme peine. Toute autre considération, prévenait Kant, tout utilitarisme, si généreux soit-il, si humaniste soit-il, nous entraîne dans une spirale au bout de laquelle la condamnation d un innocent pourra être jugée préférable à celle d un coupable, si le profit qu on en retire est mille fois supérieur. Telle est la grandeur de ce premier foyer de sens : il demeure de bout en bout suspendu à l idée de justice. Mais là gît aussi sa faiblesse. Le bel édifice s effondre dès que, avec Marx, on introduit le soupçon : et si les lois publiques, aux termes desquelles la punition est prononcée, n étaient pas justes, si les lois n étaient pas aussi universelles qu on le prétend, et si, loin d être des incarnations d un Esprit absolu, elles n exprimaient que l intérêt d une minorité dominante? Et si la punition n était que la sanction d un rapport de forces sociales? La punition tend alors à redéfinir son sens, non plus d un côté d un rappel de la Loi, abstraite et transcendante, mais du côté d une société vivante, du côté des affaires humaines et de leurs règlements immanents. Mais cette société, comment la concevoir? Groupement naturel? Communauté de valeurs? Union politique encadrée et fondée par un principe de Souveraineté? Association d intérêts? Groupement économique? Le premier grand mythe, concernant l origine et la genèse de la société, fut sans doute d en avoir fait une communauté naturelle. Appelons naturalisme politique cette conception qui fait de la société une entité biologique. Dans cette perspective, le crime est antinaturel et relève du monstrueux. La punition se comprendra alors comme une opération tout aussi naturelle : opération de sélection, d élimination automatique d éléments pouvant mettre en péril un équilibre naturel. Cette conception trouvera un épanouissement conceptuel au XIXe siècle, avec l école positive italienne de criminologie (Lombroso, Ferri, Garofalo). Le système pénal ne doit plus être fondé sur la responsabilité, mais sur la défense sociale. Tout organisme tend naturellement à expulser et éliminer les agents qui le menacent. L État n aurait donc qu à imiter la nature. Mais s ils considèrent bien la société comme «nature», ces positivistes se donnent de cette nature une conception pauvre, limitée, réductrice. La peine comme jeu de représentations, le criminel comme symbole (école française de sociologie) Durkheim en 1893, dans La Division du travail social (Paris, PUF, 1994) étudie deux formes de solidarité sociale. D une part, la solidarité mécanique, prédominante dans les sociétés primitives : solidarité de fusion où chaque membre avant d être lui-même est un membre d une société donnée et ne tient son identité que d appartenir au tout. D autre part dans des sociétés plus évoluées, la solidarité de complémentarité, comme résultat de la division du travail, permettant aux individus de se penser comme distincts et complémentaires, à l intérieur d un grand tout fonctionnel. Ces deux formes de solidarité ne sont pas exclusives pour Durkheim : ce qui change, d une société (primitive) à une autre (civilisée), c est plutôt la prévalence d une forme de solidarité sur l autre. Or, à chaque forme de solidarité correspond pour Durkheim une espèce de sanction. La première, correspondant à la solidarité mécanique, consiste «essentiellement dans une douleur, ou, tout au moins, dans une diminution infligée à l agent ; elles ont pour objet de l atteindre dans sa fortune ou dans son honneur, ou dans sa vie, ou dans sa liberté, de le priver de quelque chose dont il jouit. On dit qu elles sont répressives». La seconde forme, parente d une solidarité de complémentarité, consiste dans la restitution. Il s agit d une «remise des choses en état, dans le rétablissement des rapports troublés sous leur forme normale». Il ne s agit pas du tout d abandonner le droit répressif aux cauchemars des temps anciens. Car si la conscience collective, dans nos sociétés individualistes, s est considérablement diluée, le sentiment d appartenir à un même tout et de partager les mêmes valeurs fondamentales, au-delà des différences individuelles, doit être absolument préservé, pour ne pas faire tomber les sociétés dans l anomie et l éclatement indéfini. Il s agit presque de préserver le droit répressif contre toute 6

7 hégémonie du droit restitutif. Car dans le droit répressif une société se soude et se retrouve unie. Il convient de le préserver s il est vrai que sa disparition signifierait l extinction de toute conscience collective, laquelle est définie comme «l ensemble des sentiments et des croyances communs à la moyenne des membres d une société». La peine répressive constitue donc, pour nos sociétés menacées d éclatement, le dernier ferment d unité et de partage : «sans cette satisfaction nécessaire, ce qu on appelle la conscience morale ne pourrait être conservé». Donner une autre fonction à la peine que l expiation, lui demander d amender le criminel ou de protéger la société, c est mal comprendre sa fonction première et ultime : manifester l unité d une société et son attachement irréductible à des valeurs sacrées. Ainsi la peine «ne sert pas ou ne sert que très secondairement à corriger le coupable ou à intimider ses imitateurs possibles ; à ce double point de vue, son efficacité est justement douteuse et, en tout cas, médiocre. Sa vraie fonction est de maintenir intact la cohésion sociale en maintenant toute sa vitalité à la conscience commune [ ] c est le signe qui atteste que les sentiments collectifs sont toujours collectifs, que la communion des esprits dans la même foi reste entière». Punir, ce n est donc pas satisfaire à la Loi comme instance autofondée et surplombante, mais symboliser l unité morale d une société. La peine est instituée moins pour châtier le criminel que pour satisfaire à une inquiétude sociale. L utilité de la peine n est pas essentiellement dans l action qu elle exerce sur les criminels, mais dans l action qu elle exerce sur la société elle-même, au niveau des représentations. A la suite de Durkheim, certains de ses continuateurs (Fauconnet) «psychologisent» encore plus. Si étrange que cela paraisse, la société tend à se juger tout entière responsable de chaque crime et une des fonctions de la peine est précisément de décharger chacun de cette responsabilité. On doit se demander si ce que Durkheim appelle conscience collective (c està-dire ce qui se trouve atteint par le crime) ne recouvre pas surtout la bonne conscience d une société, l image idéale qu elle se donne d elle-même, plutôt que sa réalité. La punition alors a moins pour sens d exprimer les valeurs fondamentales d une société que de les afficher au mépris de la réalité et de se tailler une bonne conscience sur le dos des criminels. Le problème essentiel n est pas d exprimer des valeurs, mais d y faire croire. Est-ce à dire que la punition n a de sens que de maintenir une société dans la séparation entre une conscience idéale et des pratiques effectives, entre ce qu elle veut continuer à croire qu elle est et ce qu elle est réellement? Cette séparation, c est l État, le Gouvernement, le Souverain -en tant qu ils sont la garantie des valeurs- qui ont intérêt à la maintenir intacte. C est -à-dire qu on passe tout naturellement d une symbolique à une politique de la peine. Et voilà à nouveau la peine engagée dans une voie nouvelle : la voie politique. LA SOCIÉTÉ COMME UNITÉ POLITIQUE : SÉCURITÉ OU LIBERTÉ La peine comme défense du corps social, le criminel comme ennemi (Hobbes 1 ) Appelons «politique» toute pensée qui réfléchit la société à partir de trois grands principes : un principe de fondation, un principe de souveraineté, un principe de consentement. Principe de fondation. Avec Hobbes, la société et l État ne dépendent plus d un fondement -naturel ou céleste- mais d une fondation humaine. La société civile est une association fragile, non spontanée, et essentiellement précaire : elle est ce qu il y a à préserver, à maintenir, à sauvegarder. Principe de souveraineté. L État, dans sa version moderne, ne fonde alors sa légitimité que sur sa capacité à faire durer cet ordre social fragile, à maintenir une cohésion artificielle. L État est ce qui fait tenir cet ordre artificiel, et pourtant essentiel à l homme, s il est vrai que l état de nature signifie pour lui et la guerre et la mort. Principe de consentement. La société résulte d une décision d union civile, d un choix délibéré et réfléchi d être ensemble qui définit pour tous des devoirs, et peut-être des droits. Le droit de punir sera énoncé comme ce qu il y a de plus nécessaire, essentiel au Souverain, pour qu il puisse faire tenir la société, cet ordre artificiel. La punition défend prioritairement l autorité de l État, l ordre public qu il a instauré. Et du salut de l État dépend le salut de la société. Punir est donc un acte politique avant que d être un mécanisme social. La violence est devenue monopole d État, en tant qu elle s exerce au nom de la tranquillité de tous. Quand le Souverain use de son droit naturel -dans les limites fixées par la convention- pour me donner les ordres qu il juge bon pour garantir la sécurité de tous, ce n est pas un rapport de domination sauvage, mais un rapport juridique. Au fond, on pourrait dire ceci : le citoyen punissable est un ennemi, mais un ennemi paradoxal : un ennemi de l intérieur. Le rapport du Souverain au

8 punissable est un rapport de guerre, mais c est une guerre civile. Toute la difficulté de Hobbes à fonder le droit de punir provient de là. La République est grosse de toutes les violences que les hommes ont abandonnées au grand vestiaire de la société. La peine comme minimum requis de contrainte, le criminel comme despote (Beccaria) Hobbes faisait naître l urgence de l État de la peur de la mort et de l obsession de la sécurité. Pour Beccaria (Traité des délits et des peines, 1764) aussi, l état de nature est une guerre. Mais ce conflit primitif, plutôt que de faire surgir le spectre de la mort conduisant à l exigence rationnelle d un État sécuritaire, empêche seulement qu on soit complètement libre. L État n est plus ce qui nous sauve de la mort, mais ce qui nous permet de jouir pleinement d une liberté dont on aurait concédé, par nécessité sociale, la plus petite part possible au Souverain. La législation juste est celle qui étend au plus de monde possible les avantages de la société ; l injuste celle qui confisque au profit d une minorité «la puissance et le bonheur», abandonnant aux autres «la faiblesse et la misère». En fait, pour Beccaria, les hommes «sacrifièrent une partie de cette liberté pour jouir du reste avec plus de sûreté». Beccaria est un libéral politique. Il considère en effet que si l état de société suppose le sacrifice d une part de liberté, ce sacrifice n est justifié que parce qu il permet la jouissance pleine et entière du reste. Et ces parts aliénées de liberté devront être les plus congrues possibles. Le criminel transgresse ces lois, c est-à-dire qu il se comporte en despote : il prend seul des libertés que tous ne sauraient prendre ensemble sans aussitôt faire sombrer la société dans le chaos. Comme le contrat suppose la cession au Souverain du minimum requis de libertés, punir au-delà du nécessaire serait injuste. C est un même raisonnement qui déligitime la peine de mort : «sous le règne tranquille des lois, sous une forme de gouvernement approuvée par la nation entière, dans un État bien défendu au dehors, et soutenu dans l intérieur [ ] il ne peut y avoir aucune nécessité d ôter la vie à un citoyen». On ne punit que pour autant qu on préserve le bonheur et la liberté des individus. Au-delà, tout n est que violence et barbarie. LA SOCIÉTÉ COMME UNITÉ ÉCONOMIQUE : PROPRIÉTÉ DE CHACUN OU UTILITÉ DE TOUS La peine comme garantie publique, le criminel comme tricheur (Locke 2 ) Dans son Traité du gouvernement civil, Locke commence par reconnaître à l homme des droits naturels. Deux sont essentiels : le droit de propriété et le droit de punir. Ces deux droits naturels fondamentaux sont strictement complémentaires en ceci que le second permet au premier de durer, de maintenir les acquis, de les consolider et de les capitaliser. La nécessité et l urgence de l État se trouvent là : dans l articulation nécessaire d un droit légitime de punir sur un droit légitime d appropriation. La peine n est qu un instrument politique au service de la conservation et du maintien des propriétés. On ne punit plus comme chez Hobbes un ennemi de la cohésion sociale : on punit un tricheur. Le criminel est un tricheur doublé le plus souvent d un fainéant. La peine comme prévision des coûts, le criminel comme calculateur (Bentham 3 ) L homme n a le sens inné ni de la morale, ni de la justice, et c est tant mieux parce que ce sont des notions vides de sens : il est un calculateur de plaisirs. Il n est guidé que par son propre intérêt, et c est tant mieux parce que la poursuite pour chacun de son intérêt égoïste conduit à l intérêt général. Il n y a rien d autre là que les énoncés fondamentaux de l utilitarisme libéral, et Bentham, à ce stade, ne dépasse pas Adam Smith. Mais les Principes du code pénal, publiés en 1789, articulent une pensée nouvelle et révolutionnaire de la peine. «On appelle délit tout acte que l on croit devoir être prohibé à raison de quelque mal qu il fait naître ou tend à faire naître», non pas évidemment au sens moral de la transgression d un interdit, pas même au sens politique d effraction d une loi civile établie, mais au sens d un passif, au sens d une séquence d événements à ranger du côté des pertes. La gravité du délit sera mesurée selon ses conséquences sociales, telles qu elles peuvent être quantifiées, comptabilisées : en termes de pertes sèches, de dommages ; en termes de peur publique ; et d alarme aussi, cette inquiétude diffuse qui suit l annonce d un crime et fragilise la vie de tous. Mais que sera la punition? Rendre le mal pour le mal est absurde : c est compenser une perte par une perte. Tel est le défit théorique de Bentham : rechercher une combinaison telle que le mal de la peine réduise le mal causé par le crime et même augmente le profit général des intérêts. Cette introduction de la

9 matière pénale dans une procédure générale de calcul aboutit à un certain nombre de principes affichés par Bentham dans sa théorie pénale. Le principe de proportionnalité idéologique. «Règle n 1 : Faites que le mal de la peine surpasse l avantage du délit. Règle n 2 : Plus il manque à la peine, du côté de la certitude, plus il faut ajouter du côté de la grandeur. Règle n 3 : Si deux délits viennent en concurrence, le plus nuisible doit être soumis à une peine plus forte, afin que le délinquant ait un motif pour s arrêter au moindre.» Le principe d impunité justifiée. Pour Bentham, éloigné de tout fantasme rétributif, la raison de la peine n est pas dans le crime commis, mais dans le profit qu on peut en retirer pour le bonheur et l intérêt communs. Alors, il devient inutile de punir certains crimes, même les plus monstrueux, si la peine est par exemple inefficace (ex : les fous). Tout crime doit demeurer impuni si sa sanction peut entraîner plus de maux que le crime lui-même. C est une règle dont on fera grand cas pour amnistier les tyrans au nom de la paix civile. Le principe de prévention généralisée. «Le but principal des peines, c est de prévenir des délits semblables. L affaire passée n est qu un point ; l avenir est infini». La perfection du système pénal serait de ne plus punir, parce qu on sera intervenu avant le crime lui-même. Le rêve de Bentham trouve son épanouissement dans un programme de contrôle généralisé des comportements. La prévention benthamienne se comprend comme utopie d une société de contrôle, où la loi silencieusement agirait à l intérieur du sujet pour lui faire préférer l honnêteté à la délinquance. L exposé doit ici une nouvelle fois basculer. Jusqu ici, il a souvent été question du sujet puni : le punissable était considéré soit comme un monstre à éliminer pour préserver l équilibre vital d un peuple (criminologie italienne), soit comme un symbole à brûler pour souder l unité spirituelle d une nation (école française de sociologie), soit comme un ennemi dont il fallait se défendre parce qu il mettait en péril l ordre social (Hobbes), soit comme un despote dont les passions menaçaient la réunion libre des citoyens responsables (Beccaria), soit enfin comme un tricheur qui ne respectait pas les règles du droit naturel et que l État-arbitre devait mettre au pas (Locke). Mais ce sujet délinquant ou criminel était toujours pensé dans une dimension d écart par rapport aux autres sujets obéissants, normaux, travailleurs, etc. L individu punissable était une pure déviance. Avec Bentham, quelque chose bouge. Le système pénal dans sa version achevée et sublime intervient avant le crime lui-même, par une série d interventions sournoises et douces. Et prévenir, c est aller au-devant de l individu virtuellement criminel pour lui inspirer d autres inclinations, l inciter à se faire consommateur de vertus plutôt que de vices. Un nouveau foyer de sens surgit, auquel devra se plier le sens de la peine, et qui n est ni la Loi ni la Société, mais l Individu. 9

10 Chapitre III Punir, c est éduquer un individu INDIVIDUALISER LES PEINES : DE LA RÉADAPTATION SOCIALE À LA RÉGÉNÉRATION INTÉRIEURE (SALEILLES ET TOCQUEVILLE) Saleilles expose le principe de l individualisation des peines dans un livre phare pour l histoire de la pénologie : L individualisation de la peine (Paris, Alcan, 1898). Dans le droit primitif, on ne pose la question ni du degré de liberté ni des motifs du criminel, ni même des circonstances de l acte. Le crime a un prix objectif. A l autre extrémité logique, le sujet devra être puni pour ce qu il est, et non plus pour ce qu il a fait. On ne condamne plus des actes répréhensibles, mais on neutralise ou élimine des natures dangereuses. Saleilles tente une voie moyenne. On n est responsable que de ce que l on fait socialement parlant. C est par ses actes que l individu nuit à la société : la société n a pas de prise sur ce qu il est, car elle doit respecter sa liberté ; elle ne conquiert de droit sur lui que par ce qu il a fait : elle n a de droit que sur ses actes. Et punir serait réinjecter dans l individu coupable des normes morales ou sociales. Cela aussi est nécessaire. - Et donc ceux des humains que l on maltraite, mon ami, il est nécessaire qu ils deviennent plus injustes.» Il faut, tout en punissant, cultiver en nous cette honte de punir car punir c est devoir le mal à quelqu un. De Platon, on peut donc retenir le thème d une aporie morale de la peine, mais cette position ne joue que pour dénoncer les voluptés de la vengeance et les fausses raisons dont une violence aveugle se pare, et il n était pas dit que Platon renoncerait à toute justice pénale. Platon s essaie à un exercice dialectique de justification de la peine. L argumentation est simple et s autorise essentiellement du modèle médical : la souffrance du cautère ou de l incision n est pas tant un mal en soi que ce qui nous délivre du mal du corps. La peine n est donc qu apparemment un mal. Profondément, elle est ce qui nous délivre, nous guérit et nous sauve du pire mal qui soit : l injustice. Platon est celui qui fait tourner le sens de la peine autour de l individu et de lui seul. La punition suppose la réparation du dommage, mais ne s y réduit pas. Platon détermine trois sources principales de fautes : - du côté des passions violentes (colère ou peur) ; - du côté du plaisir et du désir, de cette intempérance de l âme qui lui fait chercher son bien dans les jouissances, les honneurs et les richesses ; - du côté de l ignorance. Crimes de colère, crimes de concupiscence, crimes d ignorance sincère. Individualiser la peine, c est interroger les motifs de l acte délinquant ou criminel, ses sources psychologiques. Le sujet de la peine est bien ici un sujet psychologique. Punir, c est guérir. L INDIVIDU COMME SUJET ÉDUCABLE ET LA JUSTICE COMME SANTÉ DE L ÂME (PLATON) Livre I de La République de Platon, Socrate dit : «Est-ce donc le fait d un homme juste que de nuire à quelque humain que ce soit?». A l homme en tant qu homme, on ne peut devoir que le bien, et en aucun cas la souffrance et le mal. Et si la justice est l art de discerner ce qu on doit à chaque homme, elle ne peut en aucun cas leur devoir le malheur. «- Mais les chevaux qu on maltraite en deviennent-ils meilleurs ou pires? - Pires. - Est-ce par rapport à la qualité des chiens, ou à celle des chevaux? - A celle des chevaux. - Et des humains, mon camarade, ne devons-nous pas parler ainsi : quand on les maltraite, c est par rapport à la qualité humaine qu ils deviennent pires? - Si, certainement. - Mais la justice, n est-ce pas la qualité humaine? - RECONNAISSANCE ET MÉCONNAISSANCE DE LA VICTIME Dans le paradigme de la Loi, il n avait été question que de réconciliation de la Loi avec elle-même. Punir, c était réaffirmer la majesté outragée de la Loi. Dans le paradigme de la Société, punir c était protéger les intérêts sociaux en neutralisant ceux qui les menaçaient. La punition était prioritairement comprise comme protection de la société. Dans le paradigme de l Individu, il semble enfin qu on pose la question du sujet de la peine pris ici dans l épaisseur d une existence concrète, d une personnalité singulière, unique. Punir alors, c est prendre en compte l individu pour le transformer sur la base d une compréhension psychologique. 10

11 On peut bien affirmer que punir c est transformer l individu, mais le transformer en quoi? S agit-il de simplement produire des individus obéissants? La psychologie ne cherche pas à transformer le fond d un être ou de menacer sa liberté, mais au contraire à l aider à devenir lui-même. Mais ce devenir-soi visé par la peine va nous faire sombrer dans une spirale d utopies : l utopie de l homme originairement bon, l utopie de l introspection forcément rédemptrice, l utopie du criminel systématiquement victime. Et n est-il pas contradictoire, n est-il pas monstrueux de punir une victime? Ce qui devrait fonder un nouveau droit de punir aboutit à un devoir de ne pas punir. L exagération même du paradigme psychologique conduit à faire se lever des voix que depuis le début de notre exposé nous n avions pas voulu entendre : les voix de la victime qui veulent qu on les reconnaisse dans leur souffrance, qui exigent qu on fasse tourner le sens de la peine autour de cette souffrance. Chapitre IV Punir, c est transformer une souffrance en malheur LA VICTIMISATION CONTEMPORAINE DE LA SCÈNE PÉNALE La justice, ou l oubli des victimes Dans tout ce qui a précédé, l acte de punir n a jamais été entendu dans un rapport essentiel à la victime concrète, la victime du crime. Dans le premier paradigme, l acte délinquant, au-delà d une personne donnée, insultait d abord la Loi, interdit familial ou sacré, norme morale ou incarnation de l Esprit absolu. On ne punissait pas pour réconcilier un criminel et sa victime, mais pour satisfaire à la Loi. Même chose pour notre second foyer de sens : la Société. La victime n est jamais qu une occasion ou un levier propres à mettre en place des politiques de protection qui outrepassent largement la considération de sa souffrance pour s intéresser à l équilibre vital d un État (criminologie italienne), sa sûreté politique (Hobbes), la protection de ses propriétés (Locke), l harmonie réglée de ses libertés (Beccaria) ou la maximisation de ses profits (Bentham). Quant au foyer de sens tournant autour de la transformation de l Individu, il tournait tout entier autour de la personne du criminel qu il fallait aider, transformer, amender. Le renversement des valeurs Aujourd hui pourtant des énoncés autres commencent à poindre. Le procès, dit-on, permet à la victime de faire son deuil. Ce mouvement est comme facilité aujourd hui par un relatif effritement des concepts fondamentaux qui nourrissaient les trois premiers foyers de sens. Le sens de la Loi comme autorité transcendante se perd. L idée d une société unie et rassemblée autour d elle-même est fragilisée par la constitution d espaces économiques et politiques tellement vastes qu ils en deviennent abstraits. Enfin, notre culture ne croit plus immédiatement au progrès du sujet éducable. Ce qui paraît aujourd hui immédiat et parlant, ce qui cristallise l opinion publique, ce n est plus la transcendance d une Loi, l organisation d un bien-être ensemble, l éducabilité des individus. C est le refus absolu de la souffrance. La menace éthique de la victime 11

12 Mais une difficulté surgit dès qu on évoque les droits de la victime à structurer le sens de la peine : le spectre noir de la vengeance. Penser la participation active de la victime au processus pénal, c est risquer alors de réactiver la vengeance, c est-à-dire mettre en œuvre une violence destructrice et qui mène au chaos. De plus, à force de poser le problème de la peine dans les termes de la victime et de la souffrance, il faut bien constater qu on aboutit à une difficulté majeure : on veut soulager la souffrance de la victime en faisant souffrir à son tour l agresseur. Et c est ce dernier à son tour qui pourra invoquer sa souffrance et son statut de victime. Un univers de contradiction haineuse se tisse, où l on revendique le plus de souffrances possible pour appuyer son droit de faire souffrir le plus possible. LE RÉCIT ARCHAÏQUE DE LA VENGEANCE Un sens perdu de la vengeance Mais peut-être est-ce l État qui, contraignant la vengeance à la clandestinité, la condamne en même temps au paroxysme et à l informe. D être tenue secrète, la vengeance se prive peut-être de puissants mécanismes de régulation de telle sorte que ce qu on appelle vengeance aujourd hui serait une forme dégradée d un système archaïque de vengeance, lui, régulateur et créateur de solidarités, à défaut sans doute d être foncièrement pacificateur. A partir de 1974, Raymond Verdier et G. Courtois ont lancé une série de recherches transdisciplinaires autour de la vengeance, et tenté ce pari de penser une vengeance qui solidariserait plutôt que de déchirer, qui ordonnerait plutôt que de détruire, qui fixerait des rôles et des mesures, plutôt que de livrer ses acteurs à l immédiateté sauvage et impure de la violence aveugle. 4 Un récit idéal du processus vindicatoire Dans un temps très ancien, en Grèce, un meurtre est perpétré contre le membre d une famille par celui d une autre. Cet acte «enclenche la vengeance du sang». La famille entière désigne le champion de la vengeance. Mais une famille peut renoncer à la vengeance du sang et demander alors une «compensation». Et ce sont de vraies fortunes que les héros d Homère proposent aux vengeurs pour épargner leur vie. Mais est-ce le prix du sang versé ou du sang épargné? Dans le premier cas, il y a un prix du crime et dans l autre un prix du pardon. Ces transactions se terminaient par un traité de paix publique. On se promettait publiquement d oublier. La guerre privée des familles cesse à condition de former une communauté élargie, une plus grande famille. (rien de mieux que des fiançailles ou un mariage pour faire cesser une vendetta) Les leçons d un récit Rien de moins instinctif, rien de moins naturel, rien de plus ritualisé que la vengeance. Ce n est pas un mouvement désordonné de fureur. La colère sans doute ne s y annule pas, mais elle prend forme et se fixe des règles. Dans ce récit ainsi reconstitué de la vengeance primitive, la vengeance se donne à penser comme obligation rituelle et non comme mécanisme psychologique de compensation. Par ailleurs, ce qui se trame entre les êtres n est pas tout à fait de l ordre de la haine, mais se comprend plutôt dans les termes de l échange. Il s agit de rendre. Rendre coup pour coup sans doute, mais rendre et non pas détruire. La vengeance se comprend depuis un système d échange qui lui donne sa place. Dans le système de don et contre-don, on échange des cadeaux, des biens, des richesses. On échange aussi des morts et des insultes, des blasphèmes et des blessures. Le système de la vengeance n est pas une logique de guerre, c est une logique de rivalité. Le délit, le crime contraignent à l échange. Mais ce n est pas un échange libre, ce n est pas un échange commercial. Et on se venge aussi pour oublier. Un oubli qui se décide, se proclame, qui est une décision éthique. On se souvenait qu on avait oublié. Mais il y a peu de textes, dans notre tradition occidentale, qui tentent de réfléchir un sens du juste depuis l éclairage de la vengeance. PHILOSOPHIE ÉTHIQUE DE LA VENGEANCE La colère et l honneur (Aristote) ; l adversaire comme égal (Nietzsche) Pour Aristote, l acte criminel manifeste un mépris public de l agresseur en tant que, nous attaquant, il tient notre puissance pour rien. C est ce jugement de valeur implicite, attenant au forfait, que la vengeance entend renverser, bien audelà du simple dommage matériel. La colère de la vengeance répond à ce mépris et tend à restaurer une image extérieure de soi mise à mal par l agression. C est 4 La Vengeance, 4 tomes, Paris, Cujas,

13 pourquoi l absence de colère est fortement condamnée : celui qui demeure indifférent à l offense la justifie. Cela dit, le premier venu ne peut pas nous offenser ainsi. Leibniz dira que «les souverains souffriront l insolence d un étourdi pour n avoir pas la honte de s emporter». Montesquieu rapporte de son côté le mot de Charles II, roi d Angleterre : «il vit, en passant, un homme au pilori ; il demanda pourquoi il était là. Sire, lui dit-on, c est parce qu il a fait des libelles contre vos ministres. Le grand sot! dit le roi : que ne les écrivait-il contre moi? On ne lui aurait rien fait» (Esprit des Lois, VI-16). La vengeance suppose donc l égalité des termes : on se venge de son égal. Pour Nietzsche, «il y a dans la vendetta un fond d honneur et d égalité de rang». Mais il ne faut pas oublier, quelque exaltant que puisse paraître ce modèle, qu il repose sur une dissymétrie première, une séparation structurelle : l individu libre et l esclave, le fort et le faible. La reconnaissance d une égalité s opère sur fond d une inégalité première, jamais questionnée. La structuration éthique du soi Il s agit bien, dans cette mise en scène publique de la peine vindicative, de restituer à la victime une estime de soi brisée par l agression. Car sans vengeance, sans riposte, le mépris dont a fait preuve l offenseur en s attaquant à nous semble justifié et tourne en mépris de soi-même. On ne se venge pas par cruauté morbide, plaisir suspect ou colère déchaînée, mais pour reconquérir l estime de soi, prévenir le dégoût de soi-même. En punissant, il ne s agit pas d humilier l autre ni de le rabaisser où il nous avait rabaissés. On humilie si peu l autre que, d offenseur, on le promeut à la dignité d adversaire. Il ne s agit pas de rendre offense pour offense, mépris pour mépris, humiliation pour humiliation. Il s agit, dans la vengeance, de reconquérir le soi au point où il était affaibli. L IDÉE D UNE JUSTICE RELATIONNELLE Le droit : reconnaître la distance (Fichte) Dans cette philosophie éthique de la vengeance, chez Nietzsche et Aristote, il ne s agissait pas de dire que la vengeance était la justice, mais que la vengeance était juste. On comprend bien en quoi l exercice d un droit de punir restaure l image de soi de la victime. Mais qu en est-il de l individu puni? C est ici qu il faut proposer un détour par Fichte («Fondement du droit naturel», 1797). Pour lui, il n y a de droit qu entre les individus : le droit, c est ce qui, entre les personnes, définit une juste distance, un accord possible et réglé de leurs possibilités d action. Il n y a droit que depuis et par une reconnaissance mutuelle, une limitation réciproque des libertés. Quand l État fait exister ce droit, en utilisant ce que Fichte appelle «un droit de contrainte» contre ceux qui ne le respectent pas, il se doit d insister sur cette dimension relationnelle. C est-à-dire qu à partir du moment où on parle d un «droit de punir», immédiatement il faut parler d un «droit d être puni». Parler du droit d être puni, c est considérer que l objet de la peine juridique demeure de bout en bout un sujet. Dans le fait de punir, il s agit aussi de faire confiance au coupable auquel on accorde une peine. Ce qui se joue dans la peine n est donc pas seulement une reconnaissance de soi, comme restauration de la confiance en soi de la victime, mais encore une reconnaissance de l autre, comme sujet digne d être puni. De la souffrance au malheur : l événement et le temps Le terme même de souffrance n est pas assez élucidé. Le distinguer de la douleur sur la base moral/physique nous entraîne dans les méandres de la séparation âme/corps qui est très théorique. Appelons souffrance, simplement et indifféremment, toute diminution de l énergie à vivre, tout affaiblissement du désir d exister. Ce déficit de mes capacités d affirmation et d action, dans le cas du crime, m est imposé de l extérieur, par un autre. L image que j ai de moi-même en est inquiétée, troublée. L acte criminel, en tant peut-être surtout qu il est imprévu, soudain, brutal, plonge la victime dans le désarroi. Et une part du sens de ma souffrance m échappe, puisqu elle m a été imposée par un autre, ce criminel auquel mon destin éthique est désormais lié. Or, la souffrance est indicible parce qu elle est indéfinie. Il n y a pas de raison de souffrir plus ou de souffrir moins, de souffrir comme ceci ou comme cela : c est comme une vague informe qui envahit. Punir, c est faire exister publiquement la souffrance de la victime, en tentant de lui articuler un équivalent chez son agresseur, de provoquer pour le criminel un malheur comparable. C est en tant qu elle est institution du malheur que la justice pénale nous sauve de la souffrance. Le malheur est défini, contournable. Il a un nom, une étendue, une mesure et une usure. Au lyrisme terrible de la souffrance, la justice permet de substituer le récit prosaïque du malheur. C est pourquoi, au passage, la peine de mort est une aberration, ou plutôt elle n est pas une peine : elle réintroduit de l irréparable, du non-mesurable, de l indicible. 13

14 Punir, pourrait-on dire, c est oublier la souffrance. Oublier, c est le travail du temps. Ce qui temporalise nos vies, c est de prendre sur les actes passés la revanche du futur. Pour la victime, il s agirait de faire du traumatisme de l agression un événement de vie. Le traumatisme nous affaiblit et nous diminue. L événement nous transforme et nous renforce. La justice pénale est ce qui doit pouvoir permettre, depuis une reconnaissance publique, de faire d un traumatisme un événement. Comme elle avait transformé la souffrance en malheur. Deuxième partie NEUTRALISER LA PEINE Thierry Pech On n a jamais autant parlé de la prison et si peu de la peine. Sidéré par le scandale des conditions de détention, on en oublie de s interroger sur les fondements du droit de punir : le «comment» recouvre régulièrement le «pourquoi». Du maquis des réformes entreprises ou annoncées ces dernières années, émerge une nouvelle utopie : celle de la peine neutre, débarrassée de toute référence au sacré, de toute violence, de toute passion vindicative, de toute intention morale et de tout arbitraire dans son exécution. Le nouveau rêve pénitentiaire ne fait pas mystère de ses aspirations : éradiquer les souffrances carcérales, contrôler la prison, soumettre ses décisions à des procédures impartiales et contradictoires, solliciter les capacités du détenu Ces ambitions s organisent autour de trois composantes complémentaires : le pacte humanitaire, le consensus procédural et l ethos de la performance. Parmi ces lignes de force, figure le recours quasi systématique au droit, grand producteur de neutralité Mais cette montée en puissance du droit ne se suffit pas à elle-même. En réalité, elle prend place à l intérieur d un champ problématique beaucoup plus vaste : celui de l argumentation libérale valorisant l autonomie individuelle, la balance des pouvoirs et dont l idéal type est offert par la théorie de l harmonie des intérêts, mieux connu dans la réflexion économique sous le nom de théorie de «la main invisible» (Adam Smith). L utopie de la peine neutre n est peut-être que l autre nom de la peine libérale. Appliquée à l univers pénitentiaire, la logique libérale exigera ainsi la primauté des droits fondamentaux de la personne humaine sur toute décision administrative ou politique, la mise en place de contre-pouvoirs opposables au pouvoir pénitentiaire, la garantie d un libre accès au tiers de justice et la promotion d un sujet entreprenant et responsable. Il revient de plus en plus au droit -c est-à-dire à des règles explicites et générales plutôt qu à des valeurs morales communes- d assurer la coexistence de tous dans le respect des ambitions de chacun. En cela, la peine neutre est exemplaire de ces «démocraties d individus» où, «parce qu il n est plus possible de faire fond sur un implicite commun, nos relations avec les autres doivent être 14

15 régulées par la loi 5. Après «la main invisible du marché» se dessine ici quelque chose comme «la main invisible du droit». Cette utopie est porteuse de progrès sensibles pour une démocratie fondée sur le respect de la personne humaine et sur les valeurs attachées à l individu. Il faudra aussi en montrer les limites. Chapitre 1 er Genèse de la peine neutre De nouvelles exigences se portent sur la peine : on la veut moins violente, moins stigmatisante et, d une manière générale, plus rare. La nouvelle utopie pénitentiaire réside d abord dans un éloignement du sacré longtemps attaché à la peine étatique. Cette désacralisation ouvre la voie aussi bien au rejet de la souffrance personnelle comme carburant de la sanction qu à celui d une stigmatisation morale des condamnés. Toutefois, ces nouvelles représentations prennent également leurs distances à l égard d un certain angélisme et des rêves abolitionnistes qu il a fait naître dans le passé. LA CRISE DE LA PÉNALITÉ CLASSIQUE En s arrogeant le monopole de la violence pénale, l État moderne se hissait en même temps au rang d «éminente victime» du crime. En témoigne l amende honorable des condamnés («Pardon à Dieu, au roi et à la justice») qui, trois cents ans durant, du XVIe au XVIIIe, ne mentionna pas la victime privée, mais uniquement l ordre de délégation du droit de punir 6. La Révolution et l adoption d un nouveau modèle pénal (celui de Beccaria) n ont pas fondamentalement modifié cette justification du droit de punir : elles l ont surtout sécularisée. Elles l ont également réorientée vers le souci de l homme-criminel et de sa transformation : il fallait se préoccuper de corriger ces condamnés voués à réintégrer la société. La pénalité classique en fut certes affectée dans ses formes et ses moyens, mais point dans son fondement politique : lorsque le criminel frappe, c est encore et toujours la cité qui pleure, et recouvre de sa plainte la plainte de la victime. C est aujourd hui seulement que cette construction vacille : - d abord parce que la conception traditionnelle de la souveraineté de l État est elle-même bousculée. L État a des contre-pouvoirs internes : séparation de l exécutif et du judiciaire (le juge pénal peut aujourd hui être 5 Joël Roman, Les Démocraties d individus, Paris, Calman-Lévy, 1998, p L amende honorable est la formule que les condamnés devaient prononcer publiquement avant leur exécution. Au Moyen Âge, elle comptait souvent la victime dans l ordre des excuses. 15

16 amené à se retourner contre l État. Et aussi des contre-pouvoirs externes : organes internationaux comme la Cour européenne de Strasbourg. - ensuite apparaissent des solutions alternatives aux peines classiques, voire à l action publique elle-même. Dans certains cas, l État ne sert que de stimulateur dans un processus axé sur la négociation et la conciliation. IL N Y A PLUS DE BONNE SOUFFRANCE Mais le sacré ne meurt pas : il se déplace. La montée en puissance des victimes et l attention portée aux vies brisées, aux traumatismes personnels, d un côté, la dramatisation du désespoir carcéral et la publicité accordée depuis quelques temps aux souffrances physiques, psychiques ou éthiques (humiliation, dégradation de la personne) des condamnés, de l autre, sont autant de témoignages de cette migration. Emile Durkheim : «A mesure que toutes les autres croyances [ ] prennent un caractère de moins en moins religieux, l individu devient l objet d une sorte de religion. Nous avons pour la dignité de la personne un culte qui, comme tout culte fort, a déjà ses superstitions.» L ordre supérieur qu il faut défendre désormais ne réside plus dans le repos de la cité conçue comme une totalité organique, mais dans l intégrité physique et morale des individus pris un à un : la sécurité de tous préoccupe moins que la sûreté de chacun. Du même coup, le crime lui-même change de signification: son scandale consiste moins dans la perturbation d un ordonnancement collectif que dans le dommage causé à un sujet et à un corps propre; la plus haute dignité n a plus son siège dans le corps politique mais dans chaque être humain, comme le stipule le premier article de la Déclaration universelle des droits de l homme (1948) 7. C est donc la qualité d être humain qui est centrale. Elle n est en rien diminuée, ni par le crime, ni par la sanction, ni par l exécution de la peine : on ne punit pas un animal mais un être autonome et raisonnable. Mais il faut alors s élever contre tout ce qui, dans l exécution de la peine, nuirait inutilement à la sûreté et au bien-être des condamnés. Ce souci ne va pas de soi. Il prend à revers l idée selon laquelle la violence de la peine procède d une «contre-souffrance». D où le traditionnel procès des «prisons quatre étoiles» : une détention confortable ne serait plus une peine. Peine et pénibilité seraient sœurs. Mieux : la souffrance pénitentiaire 7 «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits» serait bonne pour l individu lui-même, elle le ferait «réfléchir», lui donnerait une «leçon». Pourtant, ces représentations ont vieilli 8. Si l opinion publique est plus charitable aujourd hui qu hier, ses soucis restent ambigus. Alimentée par une pression médiatique continue, elle pleure successivement sur les victimes d agressions et sur la détresse des condamnés. Elle juxtapose plutôt qu elle ne hiérarchise. En fait, la compassion pour le détenu et le souci de la sûreté individuelle ne sont peut-être que les deux versants d une même phobie de la violence. C est ce que René Girard 9 nomme la «crise du sacrifice» : une incapacité croissante à distinguer entre «violence impure» et «violence purificatrice», entre violence criminelle et violence légitime. Les médecins exerçant en détention n ont pas à tenir compte des intérêts propres de l administration pénitentiaire 10. Sous l œil du praticien, la souffrance est sans destination : elle n est a priori jamais «méritée» ni utile. Le tableau contemporain de «l enfer carcéral» est alimenté par deux autres phénomènes complémentaires : l abaissement des seuils de la violence morale et la psychologisation des représentations sociales de la souffrance 11 : apparition dans le Code pénal du délit de harcèlement sexuel, interdiction du bizutage, harcèlement moral, etc. Outre les violences carcérales traditionnelles, on stigmatise aujourd hui les facteurs d angoisse, d anxiété, de détresse, voire de destruction de la personnalité ou d effondrement intérieur qui s exercent sur les détenus. En somme, les représentations collectives de la peine ont intériorisé la définition de la santé selon l OMS : «La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d infirmité». L utopie ne serait plus du côté d un monde sans prison, mais du côté d une prison sans peine. De là ce mélange de durcissement et d adoucissement qui caractérise les pratiques pénales actuelles : accroissement des longues peines mais mise en place d alternatives aux poursuites, souci de neutraliser mais traitement humain des délinquants. Y A-T-IL ENCORE UNE FRONTIÈRE MORALE? 8 Selon un sondage publié par le journal Libération à l hiver 2000, 17% seulement des personnes interrogées considèrent encore que les détenus sont «trop bien traités». 9 La violence et le sacré, Paris, Grasset, Du moins en France où, depuis 1994, ils ne dépendent plus de l Administration pénitentiaire mais de l Assistance publique. 11 Voir Georges Vigarello, Histoire du viol, Paris,, Le Seuil,

17 Les représentations contemporaines de la peine s attaquent aussi à une frontière morale : atténuer les marqueurs de relégation, réduire la distance entre le monde des justes et celui des réprouvés. Parce que, comme moi, il peut être atteint par le sida, parce que, comme sa victime, il peut être l objet de violences traumatisantes, le détenu a réintégré la sphère des semblables. Il s est progressivement installé dans la conscience collective comme un possible moi-même, et non plus seulement comme cet «autre que moi». Le placement sous surveillance électronique («bracelet électronique») va dans le sens de cette recherche d une moindre stigmatisation, d un progressif effacement de la frontière symbolique entre condamnés et innocents. Aux États-Unis, au contraire, le recours aux peines infamantes (shame sanctions), au port du costume pénitentiaire, voire aux chaînes, à la publicité des fichiers judiciaires, marque le retour de formes archaïques d exclusion pénale. La distinction entre condamnés et innocents porte directement sur une différence de nature morale qui non seulement brise toute aspiration à l égalité, mais rompt définitivement les solidarités les plus élémentaires. Rien à voir avec les pratiques européennes qui sont hantées par les souvenirs de l expérience totalitaire 12. La réduction de l inégalité entre les condamnés et les autres citoyens, en Europe continentale notamment, révèle une conception ascendante de l égalité, la recherche d un nivellement par le haut qui a déserté le paysage américain. Il faut aller chercher dans l anthropologie politique les raisons de cette divergence. Celleci porte en effet sur la conception même de l égalité. Dans les sociétés démocratiques qui ont connu l Ancien Régime, la revendication égalitaire a consisté à faire des statuts jadis les plus privilégiés l horizon du progrès social, à permettre à chacun d imiter l ancien supérieur, d accéder à son honneur et à sa dignité. L égalité dont parlait Sieyès, par exemple, procédait moins de l humilité que de cette prétention résumée sous la formule : «Vous serez tous des maîtres». Au contraire, dans les démocraties qui n ont pas cet héritage hiérarchique, la conception de l égalité ne prend pas la même dimension progressiste et ascendante. Il s agit d une égalité à la fois plus neutre et plus formelle, et non de l imitation des statuts les plus privilégiés. 12 Les souvenirs de détention dans les prisons de l Occupation. De la même manière, on pourrait se demander si la sensibilisation de la classe politique actuelle à la prison n est pas liée à l expérience personnelle qu en firent tout récemment certains de ses membres. LE «PUNIR PUR» ET LE «PUNIR POUR» Il faut revenir brièvement sur les instruments traditionnels de justification de la peine dont Frédéric Gros a présenté une étiologie plus approfondie. On peut les regrouper schématiquement en deux familles : celle du «punir pur» qui néglige, voire récuse toute utilité de la peine, et celle du «punir pour» qui, au contraire, la justifie pour les fins poursuivies. D un côté, des auteurs comme Kant ou même Beccaria (tel qu interprété aujourd hui par les rétributistes américains 13 ), de l autre des auteurs comme Bentham, mais aussi tous les partisans d un humanisme pénal guidé par le souci de réinsertion des condamnés. Les partisans du «punir pour» pensent la peine en termes d effets escomptés et revendiquent des critères descendants, qui visent soit l avenir du sujet puni (corriger, normaliser, soigner, resocialiser ou réinsérer), soit l avenir du monde extérieur (dissuader les uns, sécuriser les autres). Les doctrines du traitement et de la défense sociale se retrouvent dans cette même enveloppe. Les premières, issues du XIXe siècle, aspirent à la rédemption du coupable par l isolement, la discipline et le travail. Les secondes, elles, naissent au début du XXe siècle : il s agit de réserver l enfermement au traitement de la dangerosité. Autrement dit, il est inutile de fixer à l avance une durée précise de détention. Celle-ci doit tout simplement s étendre d un diagnostic à un autre : du diagnostic de dangerosité au diagnostic de non-dangerosité 14. Pour la doctrine de la défense sociale, on punit prioritairement pour la société. Poussée à son terme, la logique utilitariste risque de faire bon marché d une utilité individuelle de la peine qui n aurait pas pour horizon son utilité collective. Il pourrait même y avoir un grand intérêt collectif à punir parfois un innocent plutôt de laisser se répandre dans l opinion un dangereux sentiment de peur ou d impunité. En somme, il faut distinguer, parmi les partisans du «punir pour», entre les défenseurs d une utilité collective et extérieure et les partisans d une action humaniste, orientée vers la rédemption du sujet. A l inverse, les partisans du «punir pur» s appuient sur des critères remontants qui portent sur l acte lui-même (expier, rétribuer, sanctionner) ou sur le dommage occasionné (réparer). 13 De Beccaria, ils ne retiennent que son modèle mathématique fondé sur les principes de légalité et de proportionnalité. Ils oublient volontiers que, saisies dans leur contexte historique, les propositions de Beccaria avaient d abord vocation à mettre fin à la cruauté et aux excès des peines d Ancien Régime et partant à les adoucir. En somme, leur «beccarianisme» est le produit d une lecture anhistorique qui occulte les perspectives humanistes du Traité des délits et des peines. 14 Ces politiques butent sur la fragilité des instruments de mesure de la dangerosité. 17

18 Les partisans du «punir pour» considèrent l acte échu comme irréversible et se tournent délibérément vers l avenir. Ils sont habités par l espoir d un monde meilleur toujours à venir, dont la peine est un instrument parmi d autres. Leur logique est profondément politique, c est-à-dire tournée vers une action collective qui entend transformer le monde et éventuellement le sujet : ils aspirent à la fois à produire de l avenir et à libérer d un passé douloureux. Inversement, les partisans du «punir pur» cherchent avant tout le juste prix de la faute. S il reste du politique ici, ce ne peut être que sous la forme d un souci d égalité devant la loi. Ce modèle revient aux États-Unis depuis la fin des années 1970 sous le nom de justice model ou encore de théorie du «juste dû» (just desert). LE «PUNIR NEUTRE» DU DROIT Les textes légaux parlent de sécuriser, punir, amender et réinsérer. C est une position très formelle : d une part parce qu elle se contente d additionner des fonctions sans préciser leur articulation ; d autre part, parce que ces finalités sont, dans la pratique, en tension, voire en contradiction.. Tout est comme si, dans un climat d apaisement progressif des clivages politiques, toute option claire (sécuritaire, rétributive, corrective, éducative ) était devenue tout simplement injustifiable. Une bonne pleine serait désormais une peine rigoureusement mixte plaçant les institutions chargées de l exécuter dans l obligation de nouer le meilleur compromis possible entre la société qui exige la sécurité, la loi qui veut une juste rétribution et l individu crédité d une capacité d amendement et de réinsertion dont la peine lui donnera les moyens. Il manque encore un terme à cette équation pénale : la victime. Si les trois premiers foyers de sens identifiés par Frédéric Gros se retrouvent clairement ici, le quatrième fait défaut. Il n est pas impossible que la victime joue un rôle croissant dans l exécution des peines dans un avenir prochain, comme le montrera Antoine Garapon. Toutefois, exception faite de cette victime, on fonctionne sur une logique d agrégation. De sorte que la mise en concurrence de principes également respectables induit un discours général sur la peine qui se vide de toute substance spécifique et en appelle à la recherche continue du meilleur compromis. L accumulation et le nivellement des missions dévolues à la peine expriment un non-choix, lui-même emblématique d une démocratie qui cherche à concilier des intérêts multiples plutôt qu à les fondre dans un même et unique «intérêt général», d ailleurs frappé d incertitudes. Cette démocratie n adhère finalement ni au «punir pur», ni au «punir pour», mais au «punir neutre». Elle ne se focalise ni sur le passé de l acte et son tarif, ni sur l avenir du délinquant et la protection à tout prix de la société, mais sur le présent d une continuelle balance des intérêts. LA CONVERSION DES MILITANTS L histoire intellectuelle du débat sur la prison à l époque contemporaine naît des travaux de Michel Foucault (Surveiller et punir. Naissance de la prison, 1975). Et réfléchir sur la peine, ce fut longtemps militer contre la prison qui incarnait à la fois le paradigme de la punition et celui de la domination sociale. La fin des grandes fièvres idéologiques ne laisse que peu de choses aujourd hui. Un courant critique radical, incarné en sociologie par des auteurs comme Loïc Wacquant, continue à dénoncer le retour de l État pénal en lieu et place de l État social, ainsi que le «traitement différentiel des illégalismes» et la montée des institutions répressives comme instrument de gestion de masse de l exclusion générée par le système libéral. Mais ce qui reste surtout, c est un tropisme intellectuel assez général dont la finalité ultime est de limiter autant que faire se peut la violence institutionnelle. Le dernier mot d ordre consiste à faire le moins de mal possible et donc à enfermer le moins possible, à faire sortir de prison tous ceux qui n ont apparemment rien à y faire : prévenus, petits délinquants (pour lesquels on a promu des solutions alternatives à l enfermement), toxicomanes, personnes atteintes de psychoses ou de graves maladies mentales. Et il s agira probablement demain des auteurs d atteintes aux biens pour lesquels une peine dans le registre du mal commis (amende, confiscation ) peut être jugée plus pertinente. Ce programme d évacuation conduit à se poser la question : à quoi et pour qui la prison est-elle bonne? Les militants ne répondent pas à cette question. Puisqu on ne peut pas s attaquer de front à la prison, vidons-la progressivement : un enfer vide vaudra toujours mieux qu un enfer plein ; au moins continuera-t-il à manifester une limite, à opposer un «signe-obstacle» à la délinquance. Seules quelques voix osent suggérer publiquement que la prison ne sert à rien et qu elle n est bonne à personne 15. Punir sans peiner, punir sans dégrader, punir sans s humilier soi-même, punir sans blesser le pluralisme raisonnable des sociétés démocratiques, punir, enfin, le 15 Ainsi l Observatoire international des prisons (OIP) s interroge aujourd hui sur la pertinence d une institution carcérale. 18

19 moins possible. Telles sont les aspirations qui préparent le terrain à la peine neutre. Chapitre II Le pacte humanitaire Les discours humanitaires peuvent être appréhendés à partir d une idée simple : la valeur de l être humain transcende les frontières et les raisons d État, excède les enjeux politiques et les intérêts collectifs de tel ou tel groupe et adresse à chacun une injonction de solidarité 16. Le conflit passe entre une logique déontologique soucieuse de la personne humaine et des devoirs qu elle assigne à chacun - et une logique téléologique celle du politique, soucieuse d intérêts collectifs à court ou moyen terme. DE LA PITIÉ PHILANTHROPIQUE À LA DÉMOCRATIE COMPASSIONNELLE On a le sentiment d une histoire qui bégaie ses indignations. La dénonciation de la vétusté des locaux, du manque d hygiène, du surpeuplement des prisons, du recours abusif à l isolement disciplinaire se trouve dans la revue Esprit en Mais la Société royale pour l amélioration des prisons (France) dénonce la même chose en 1819 et Voltaire avant la Révolution déjà. Bref, les protestations humanitaires sur la prison sont aussi anciennes que la prison elle-même. En fait, il faut réajuster périodiquement la peine aux seuils de tolérance en vigueur. On a connu dans l histoire récente la fermeture des quartiers de haute sécurité, la suppression des dortoirs collectifs, du costume pénitentiaire, de l interdiction de fumer, la fin du travail forcé, l arrivée de la télévision, etc Mais c est l apparent soutien collectif à cette évolution qui constitue l événement. Au fond, l émergence de la problématique humanitaire est aussi le signal d une nouvelle démocratie : la démocratie compassionnelle. C est la réhabilitation de la pitié comme concept politique. Une pitié qui n est plus un mot d ordre spirituel ou l étendard d un projet de civilisation, mais plutôt le liant élémentaire de la communauté politique : ne trouvant plus à se fonder sur les grandes fictions d immortalité collective (la Patrie, la Nation ), la solidarité se replie sur des affects élémentaires et des passions tristes. 16 L humanitarisme se distingue de l humanisme ; ce dernier aspire à tirer les sujets vers l autonomie et la responsabilité et non seulement à les protéger, à les défendre. 19

20 Cette empathie est aujourd hui favorisée par l ouverture de la prison au regard public. LA PEINE JUSTE, C EST LA JUSTE PEINE On en arrive à s interroger : que doit-il rester de pénible dans la peine? Rien ne justifie que l on contraigne autrui à s ennuyer si l on ne s est engagé qu à l empêcher d aller et venir à sa guise. Du reste, toute une partie du travail quotidien de l institution pénitentiaire est consacrée à gérer le désœuvrement et ses conséquences néfastes. C est là le principal intérêt que certaines équipes de surveillants trouvent au suivi de cours ou de formations par les détenus : assurer un temps la tranquillité de la détention. L objet de réinsertion est bien souvent secondaire dans la pratique. Et s il n en fallait qu une preuve, il suffirait d évoquer les nombreux cas de transferts subits de détenus, qui ne prennent guère en compte la continuité de leurs efforts. Mais une autre question se cache derrière la précédente : si l on enlève à la peine de prison tout ce qui pourrait être en excès sur la privation de liberté, en quoi consistera l action de l institution, sinon en une mission de maintenance et de sécurité? Seule la mission proclamée de réinsertion pourra venir s ajouter à la privation de liberté, mais sur un mode contractuel et non pénible : à l initiative des condamnés eux-mêmes, ou plus exactement de ceux d entre eux qui ont l énergie et les capacités d un projet. LE PACTE HUMANITAIRE ET LA LOGIQUE LIBÉRALE Qui oserait s élever contre une poussée humanitaire soutenue non seulement par de puissants ressorts affectifs (logique compassionnelle, phobie générale de la souffrance, équivalence progressive des violences), mais également par une conception du droit naturel déclinée sur le mode libéral des droits fondamentaux de l individu? L hypothèse libérale fait de la primauté des droits fondamentaux et de l indépendance de la justice l une des chevilles ouvrières de son projet politique : celle-ci introduit, entre gouvernants et gouvernés, une distance impersonnelle et infranchissable, elle maintient un écart sans lequel le politique risque à tout moment de s effondrer sur lui-même. Le droit n est plus un moyen de gouverner entre les mains du prince, mais une instance langagière, une autorité sans auteur, une syntaxe collective préalable. Il s impose au politique par son extraterritorialité qui est la condition même de la justice. QU EST-CE QU UNE «PEINE INHUMAINE OU DÉGRADANTE»? La nouveauté du pacte humanitaire est aussi d ignorer les frontières des États : Convention européenne des droits de l homme 17, Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) 18, Cour européenne des droits de l homme. Selon l article 3 de la Convention européenne des droits de l homme (CEDH) : «Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants». Le juge européen distingue entre les traitements inhumains et les traitements dégradants. Les premiers consistent dans des «traitements qui provoquent volontairement des souffrances mentales ou physiques d une intensité particulière», liés à un usage organisé de la violence. Les seconds visent des traitements qui «humilient l individu grossièrement devant autrui ou le poussent à agir contre sa volonté ou sa conscience». La cour de Strasbourg apprécie chaque cas dans son contexte et laisse une grande latitude au juge dans la qualification des faits. Sous son regard, toute brutalité, quelle que soit sa gravité intrinsèque, si faible en soit le dommage physique ou mental, peut être jugée contraire à l article 3. L appréciation circonstanciée d un cas quelque part en Europe est susceptible de résonner en chacun des points du nouveau continent juridique. En même temps qu il tranche un litige entre des parties, le juge européen dit le droit pour les autres. C est là son caractère sismique ou, si l on préfère, son «effet papillon» 19. La publicité peut constituer un élément pertinent pour apprécier si une peine est dégradante, mais il peut fort bien suffire que la victime soit humiliée à ses propres yeux, même si elle ne l est pas aux yeux d autrui. L atteinte portée à la dignité humaine est à double détente : elle consiste à la fois dans la blessure de la relation à autrui et dans celle de la relation à soi. Le pacte humanitaire ne résulte pas seulement de l émergence d une démocratie compassionnelle : c est aussi un pacte avec le droit, c est-à-dire avec 17 Le droit européen est aujourd hui le principal moteur du renouveau de la réglementation pénitentiaire. 18 Créé en Dispose déjà de pouvoirs de contrôle étendus. Les États signataires de la Convention européenne des droits de l homme dont les administrations refuseraient de coopérer avec les membres du CPT, pourraient ainsi faire l objet d une procédure de déclaration publique et être menacés d exclusion. 19 Les physiciens nomment ainsi la chaîne des causes et des conséquences qui permet de reconstituer le lien entre un papillon qui bat de l aile à Mexico un 18 mai à 15h et un orage qui s abat sur Paris quelques mois plus tard. 20

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