Journées des thèses IRSN, septembre 2005
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- Virgile Ménard
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1 3 ETUDE DE LA MORTALITE CHEZ LES MINEURS D URANIUM FRANÇAIS APRES PROLONGATION DU SUIVI DE LA COHORTE JUSQU EN 1999 Journées des thèses IRSN, septembre 2005 Blandine VACQUIER Suivi de la 1 ère année de thèse Début de la thèse : 11 octobre 2004 Titre de la thèse : Etude épidémiologique de la mortalité des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants Ecole doctorale : «Epidémiologie Sciences Sociales et Santé Publique», Université Paris-Sud 11 Directrice de thèse : Professeur Catherine LUCCIONI, CNAM Chaire de Radioprotection Tuteur IRSN : Monsieur Dominique LAURIER Laboratoire d accueil : DRPH / SRBE / Laboratoire d Epidémiologie des rayonnements ionisants Thèse financée par : l IRSN et la Région Ile de France Introduction L objectif de cette thèse est d estimer les risques radio-induits aux faibles débits de dose en étudiant la mortalité des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants. Il s agit d un thème de recherche majeur dans le domaine de la radioprotection. Ce sujet de thèse s intègre dans le cadre des activités de recherche conduites au sein du Laboratoire d Epidémiologie des rayonnements ionisants (LEPID) de l IRSN. Le travail de recherche s appuie principalement sur la cohorte des mineurs d uranium français. Cette population présente des expositions multiples, par contamination interne (radon et poussières d uranium) et par exposition externe (rayonnements gamma). Ce projet va permettre la poursuite et l approfondissement des travaux déjà effectués sur les mineurs d uranium, ainsi que des développements nouveaux, en particulier l étude des risques de pathologies non cancéreuses et la prise en compte de la nature composite des expositions des mineurs dans les analyses de risque. L étude de la cohorte des mineurs d uranium français est conduite par le LEPID de l IRSN en collaboration avec le Service de Médecine du Travail de COGEMA. Cette étude a obtenu l agrément de la CNIL (Commission Nationale de l Informatique et des Libertés). Elle a pour but d évaluer le risque de mortalité des mineurs en relation avec les expositions cumulées au cours de leur vie professionnelle. Des analyses de la cohorte portant sur mineurs suivis jusqu en 1994 ont montré un risque accru de décès par cancer du poumon, et ont permis de quantifier la relation entre ce risque et l exposition cumulée au radon. Une analyse des données a été effectuée afin d étudier un éventuel effet travailleur sain (Healthy Worker Effect) [1]. Ces résultats ont déjà fait l objet de plusieurs présentations dans des congrès internationaux et de publications scientifiques [2-7]. L étude repose sur l enregistrement de l ensemble des décès survenus au sein de la cohorte des mineurs d uranium français. En 2004, le suivi de la cohorte a été prolongé jusqu en décembre 1999 afin d augmenter la durée de suivi des mineurs et la puissance statistique de l analyse de ces données. Durant la première année, le travail de thèse a concerné la mise à jour des taux de référence de mortalité française et la validation des causes de décès et la réalisation d une première analyse de la mortalité de la cohorte des mineurs d uranium après prolongation du suivi jusqu en Le présent article résume les principaux résultats du nouveau bilan de mortalité.
2 4 Matériel et méthodes Chaque mineur inclus dans la cohorte répond aux critères suivants : sexe masculin, employé comme mineur dans le groupe CEA-COGEMA entre 1946 et 1990, activité dans le groupe d une durée minimale de 12 mois. Dans le cadre de la prolongation du suivi de la cohorte jusqu en 1999, la recherche des statuts vitaux a été effectuée auprès du Répertoire National d Identification des Personnes Physiques (RNIPP) de l INSEE et de l administration de COGEMA. La recherche des décès a été obtenue par croisement avec la base nationale des causes médicales de décès de l INSERM. La dosimétrie des mineurs a été complétée pour l ensemble des individus en activité entre 1995 et La mortalité de la cohorte a été comparée à celle de la population masculine française par la méthode de standardisation indirecte (calcul du «rapport de mortalité standardisé» : SMR). Le SMR est le rapport du nombre de décès observés dans la cohorte sur le nombre de décès attendus si la mortalité dans la cohorte était la même que celle de la population générale française par structure d âges, de sexe et d années calendaires. Un SMR supérieur à 1 indique un excès de décès observés alors qu un SMR inférieur à 1 indique un déficit de décès. Au SMR est associé une incertitude statistique qui est quantifiée par l intervalle de confiance (IC95%) du SMR. On dira qu un SMR est significatif (i.e. «significativement» différent de 1) si l intervalle de confiance ne comprend pas la valeur 1. Résultats Au 31 décembre 1999, des mineurs sont vivants (soit 69%), décès ont été enregistrés (29%) et 61 mineurs ont atteint plus de 85 ans (soit 1%). Le pourcentage de mineurs perdus de vue (71 individus, soit 1,4%) est faible. La cause de décès est connue dans 95% des cas. La durée moyenne de suivi est de 30,1 ans, la cohorte totalisant ainsi personnes-années de suivi. L âge moyen à la sortie de la cohorte est d environ 59 ans. La figure I présente les SMR calculés pour la mortalité toutes causes et pour différents types de cancer. Le SMR toutes causes est très proche de 1. Un excès très élevé de décès par silicose est observé (23 décès observés pour 3,2 attendus). Cinq cent quarante décès par cancer ont été observés pour 458,5 attendus. Le SMR tous cancers est significativement supérieur à 1 (SMR = 1,2 ; IC95%=[1,1 1,3]), néanmoins cet excès disparaît lorsque l on retranche les décès par cancer du poumon (SMR tous cancers hors poumon = 1,1 ; IC95%=[0,9 1,2]). Un excès de mortalité par cancer du poumon de 40% est observé (SMR = 1,4 ; IC95%=[1,2 1,7]). L analyse indique également un excès significatif de mortalité par cancer du rein (19 décès observés pour 10,0 attendus ; SMR = 1,9 ; IC95%=[1,1 3,0]). Par contre, l étude ne montre ni d excès de décès par cancer du larynx ni d excès de décès par leucémie, contrairement à ce qui avait été suggéré lors d analyses antérieures. Ces résultats ont fait l objet d une présentation au «18th International Symposium on Epidemiology in Occupational Health» qui s est déroulé du 11 au 14 septembre 2005 [8].
3 5 Nombre Pathologie de décès observés Cancer de la cavité buccale 32 SMR 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 Cancer de l œsophage 22 Cancer de l estomac 26 Cancer de l intestin, colon et rectum 46 Cancer du foie 31 Cancer du pancréas 20 Cancer du larynx 28 Cancer du poumon 159 Cancer de la prostate 33 Cancer de la vessie 16 Cancer du rein 19 Leucémie 15 Tous cancers 540 Tous cancers hors poumon 381 Décès toutes causes 1404 Ratio de mortalité standardisé (SMR) Intervalle de confiance à 95% Figure I : Nombre de décès observés et estimation du SMR par pathologies cancéreuses dans la cohorte des mineurs Discussion L analyse de la mortalité des mineurs d uranium français après extension du suivi jusqu en 1999 conforte les résultats des études antérieures. Elle confirme en particulier l existence d un excès de mortalité par cancer du poumon qui a été observé dans les analyses antérieures de la cohorte française et qui est en accord avec les autres cohortes de mineurs publiés dans la littérature scientifique. Des analyses sont en cours pour déterminer les relations entre l excès de mortalité, l exposition cumulée au radon et l historique tabagique
4 6 des mineurs. L analyse indique également un excès de mortalité par cancer du rein qui n a à l heure actuelle été rapporté dans aucune autre étude de mineurs. Des analyses plus approfondies sont prévues pour documenter cet excès, en particulier pour vérifier l existence d une relation exposition-effet. L excès de décès par silicose pourrait être dû en grande partie à des expositions antérieures au travail de mineur d uranium. L effet travailleur sain (les travailleurs sont en meilleure santé que la population générale qui inclut des inactifs) n est pas observé chez ces mineurs d uranium, contrairement à ce qui est généralement observé dans les populations de travailleurs. Le nombre de perdus de vue dans la cohorte indique une bonne qualité de suivi. De plus par rapport aux études conduites dans d autres pays, la longue durée de suivi et la qualité de la reconstruction des expositions font que la cohorte des mineurs français est très intéressante pour analyser les risques associés à des expositions chroniques aux faibles doses, et pour déterminer l impact de facteurs modifiants de la relation dose-effet, tels que l âge ou le délai depuis l exposition. La reconstitution historique des expositions permet de disposer pour chaque mineur non seulement de l exposition au radon, mais également de la dose externe gamma et de l exposition aux poussières d uranium. Perspectives Au cours de la deuxième année de thèse, les analyses futures viseront à analyser la relation dose-effet pour des pathologies cancéreures et non cancéreuses en tenant compte des différentes composantes de l exposition et des facteurs modifiants de cette relation. La troisième année de thèse sera consacrée à quantifier le risque en fonction de la dose à l organe, résultant des trois expositions radiologiques. Ces analyses font partie d un projet de recherche européen coordonné par le Laboratoire d épidémiologie de l IRSN. Références 1. Vacquier B. Analyse de la mortalité au sein de la cohorte des mineurs français d uranium. Rapport DESS Méthodologie et statistiques en recherche biomédicale. Université de Paris Sud. UFR Médicale du Kremlin Bicêtre. Sept Tirmarche M, Raphalen A, Allin F, Chameaud J, Bredon P. Mortality of a cohort of French uranium miners exposed to relatively low radon concentrations. Br J Cancer 1993; 67: Tirmarche M, Laurier D, Mitton N, Gelas JM. Lung Cancer Risk Associated with Low Chronic Radon Exposure: Results from the French Uranium Miners Cohort and the European Project. 10th International Congress of the International Radiation Protection Association (IRPA). Hiroshima (Jap), May Proceedings of the IRPA 10 (CDRom), T17-4: Rogel A, Laurier D, Tirmarche M, Quesne B. Lung Cancer Risk in the French Cohort of Uranium Miners; Journal of Radiological Protection 2002; 22: Tirmarche M, Laurier D, Bergot D, Billon S, Brueske-Hohlfeld I, Collier C, Grosche B, Bijwaard H, Hammer G, Haylock R, Heidenreich W, Kaiser C, Kreuzer M, Leenhouts H, Brugmans M, Monchaux G,
5 7 Morlier J, Muirhead C, Rispens S, Rogel A, Schaffrath-Rosario A, Schnelzer M, Tomasek L, Tschense A, Wichmann H. Quantification of lung cancer risk after low radon exposure and low exposure rate: synthesis from epidemiological and experimental data. Final scientific report, February July Contract FIGH-CT Brussels, Belgium: European Commission DG XII; Oct Laurier D, Tirmarche M, Mitton N, Valenty M, Gelas JM, Quesne B, Richard P, Poveda S. An update of cancer mortality among the French cohort of uranium miners: extended follow-up and new source of data for causes of death. Eur J Epidemiol 2004 ; 19 : Billon S, Rogel A, Caër S, Bergot D, Poveda S, Quesne B, Tirmarche M, Laurier D. Risque de décès par cancer du poumon associé à l exposition cumulée au radon : cohorte des mineurs d uranium français et étude cas-témoins nichée. Congrès de l ADELF, Bordeaux (Fr), Sept Rev Epidémiol Santé Publ 2004 ; 52 : 1S76-1S Vacquier B, Laurier D, Rogel A, Caer S, Quesne B, Tirmarche M. Updated mortality in french cohort of uranium miners : th International Symposium on Epidemiology in Occupational Health (EPICOH). Bergen (Norway), May 2005.
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