dessin : Laïa dessin : Natacha

Transcription

1 dessin : Natacha Une après-midi pas comme les autres où les 3 ateliers de Bulles de Carpe étaient réunis dans les jardins du musée Maillol à Banyuls. dessin : Françoise dessin : Françoise Michèle Bayar pour l écriture - Zeillim pour le dessin - Henriette Torrenta pour la lecture à voix haute 1-

2 La rivière à truites - Té, si c est pas une rivière à truites ça! - Allez, tu viens?! On n est pas venu là pour ça. Viens voir, elle est là-haut. - Qui ça? - La Méditerranée! - Eh bien, c est comme au Sacré Coeur ici,avec ces escaliers en pierre et ces balustres en fer. Et ça grimpe! - Regardes, ce qu elle est belle! - C est ça?! La méditerranée, ça! A part qu elle est verte, je ne vois pas le rapport. - Ce que tu es con, tu comprends rien à l art. Ça ne te parle pas? - Non. Elle ne me saoule pas de paroles, elle! Tiens, je commence à l apprécier aussi. Replier sur elle-même, tournée vers le sud. Elle est fermée du côté gauche avec son coude posé sur son genou, et ouverte du côté de sa jambe droite vers l atlantique, ou l Atlantide peut-être. Son cou et son dos, courbés sur elle-même sous le poids de siècles, elle est là antique et verte tout de même. - Ben, tu vois quand tu veux - Et oui, y a des femmes qui m inspirent! texte : Jean-Marc «la Méditerranée» en dessins et en mots. Michèle Bayar pour l écriture - Zeillim pour le dessin - Henriette Torrenta pour la lecture à voix haute 2-

3 Bulles de Carpe «Stage «3 en 1»: écriture - dessin - lecture à voix haute - Jardins du musée Maillol Banyuls A quoi pense-t-elle «la Méditerranée»? Allez bon, c est reparti. Combien de temps ils vont rester ceux-là? J entends déjà les commentaires : «Elle est triste ou elle fait la gueule?» Ils s imaginent que ça me fait plaisir de rester là à poil, dans cette position, avec tout ce monde qui me tourne autour?! Si j avais pas promis au vieux de garder la pose pendant deux cents ans! Ah, lui il a tiré la bonne paille. Il a eu la gloire et maintenant tranquille au fond de son trou, le vieux! Ça a pas l air de se lever. Je ne sens pas le soleil. Tant pis. Je serai bien allée me baigner dans la rivière ce soir. Mais s il fait pas plus chaud des coups à chopper la crève! Et demain, passer la journée sans pouvoir éternuer, merci J aime les soirs d été où je peux glisser mon corps brûlant dans l eau fraiche du ruisseau, seule dans la nuit. Toute la journée au soleil, je ne dis rien, je ne bouge pas, je bronze. Jean-Marc Aristide! Comment en sommes-nous arrivés là? J étais ta muse, ton chef d oeuvre. J étais la Méditerranée, s o u r c e d inspiration, de rêve. Les femmes pouvaient se projeter dans ce corps sculptural et si harmonieux à la fois. Et puis, le temps a passé et de la place publique, on m a reléguée au fond du jardin. Comment survivre à ce déclassement? Alors quand on m a proposé de lire les monologues du vagin, comment refuser? «Vous avez déjà la pose» m ont-ils dit. Et puis, cela a interrogé mon côté féministe parce qu au fond être plantée nue sous les regards concupiscents des touristes, ça n est pas très glorieux! Donc, Aristide, j ai dit oui. T ais-je dit que j avais été contactée par les Femen?? Martine Michèle Bayar pour l écriture - Zeillim pour le dessin - Henriette Torrenta pour la lecture à voix haute - 3-

4 Qui m a touchée? Non, non je ne rêve pas. Quelqu un vient de me toucher l épaule. Puis il a dit avec un foutu accent «Ah! j avais pas vu : do not touch!». Qu est-ce qu il croyait? Que j allais lever la tête, lui raconter ma vie? Je hais qu on m interpelle, qu on se questionne sur moi. «On dirait qu elle est triste ou bien elle médite elle semble pensive, éplorée, accablée» Fichez moi la paix, je vous en prie, je parle à qui je veux, quand je veux. Si je devais répondre à tout ce que j entends! «Elle a des petits seins par rapport à ses cuisses T es sûre que Maillol n a pas modifié quelques proportions.. La tête est penchée en avant, tenue par le bras, luimême calé sur la jambe fixée sur le socle, mais son corps n est pas avachi, il aurait même une certaine tonicité, une force, une énergie» Fichez moi la paix, vous dis-je. Quoi vous dire d ailleurs? Si je le savais moi-même! Il parait en effet que j ai un visage triste, je dirais plutôt mélancolique, ce n est pas pareil. On m appelle Méditerranée. Je ne porte en moi de ce nom qu une brise de liberté, des reflets sauvages au fond de moi, je ne suis par ailleurs que crépuscule d automne, effluves d humus par temps gris, mélodie en mode mineur, odeur âcre du cyprès. Laissez moi tranquille, je vous en prie, la solitude est ma liqueur de jouvence, l ombre ma part de soleil. Méditerranée quelle idée! Je les entends! Chuchotements qui encombrent mon lourd passé. Jamais aucun geste d amour puisqu il est défendu de me toucher! Pourquoi m observer? Que voulez-vous de moi? Jalousie? Jalousie de ma position? Curiosité malsaine? Jamais vous ne pourrez sonder ma sensibilité. Je ris autant que j ai pleuré! Connaissez-vous mes états d âme? Mon émoi le matin de voir l aurore! Un jour nouveau où tout est permis. La joie de me trouver belle, la joie de vous narguer!! Mais allez, allez donc, vous ne saurez rien! Rien car je ne suis pour vous qu une masse de bronze que seuls les oiseaux viennent fêter! Marie-Rose Isabelle Michèle Bayar pour l écriture - Zeillim pour le dessin - Henriette Torrenta pour la lecture à voix haute 4-

5 Bulles de Carpe «Stage «3 en 1»: écriture - dessin - lecture à voix haute - Jardins du musée Maillol Banyuls Je suis la Méditerranée puisque mon créateur m a voulu femme. Je suis là devant vous, nue, attendant l eau qui va caresser mon corps. Je ne vois pas la mer. Je l ai cherché du regard depuis ce matin et j ai entendu un bruit d eau. Debout sur la pointe des pieds, je n ai trouvé qu une rivière en contrebas. Alors franchement tant pis! Tant pis si je suis nue alors que la mer est si loin de moi. Je ne souhaite qu une chose, ne plus vous sentir tourner autour de moi. Je m assieds, lève une jambe pour y appuyer mon coude. Ma main accueille ma tête et je suis dans ma bulle. Loin de vous mais si proche de cette mer que j imagine. Je l entends, je la sens me caresser les pieds. Si vous vous arrêtez devant moi, regardez et vous verrez la mer. Je suis la Méditerranée. Béatrice A quoi pense-t-elle «la Méditerranée»? Son nuage avait perdu mes épaules, il n avait pas survécu à l eau froide du torrent. Je ne retrouvais plus la chaleur de son souffle, mes mains agrippées n arrivaient plus. Plombées, elles étaient juste là, retenant ce corps à la dérive. Il avait perdu le torrent. J étais là sur sa rive, arrimée sur une mer de bronze. Thierry Michèle Bayar pour l écriture - Zeillim pour le dessin - Henriette Torrenta pour la lecture à voix haute - 5-