Caen de Raymond Devos

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1 Fiche d accompagnement Niveau : 5e 3e Genre : Théâtre Registres : Comique / Absurde Caen de Raymond Devos En bref! Résumé Les mots de la langue française comportent parfois un double sens qui peut prêter à confusion. Ces ambiguïtés de langage sont dues à la fois à la polysémie et à l homonymie, et peuvent occasionner des quiproquos dans la vie quotidienne. Raymond Devos a ainsi écrit et interprété un dialogue irrésistible entre un guichetier et un passager qui cherche vainement à acheter un billet d autocar pour la ville de Caen. Dans cet échange, le quiproquo se noue autour des homonymes «quand» et «Caen», «car» et «quart», «sept» et «Sète». Suite à cette incompréhension sur les termes, l homme qui souhaite partir en voyage se fait dépasser par les mots et se fait finalement arrêter par la police. Intérêt du texte d un point de vue littéraire Ce sketch de Raymond Devos conduit à s interroger sur notre capacité à employer les mots justes et à les interpréter. Comment se faire comprendre de l autre sans risquer de faux sens? Chacun de nous peut éprouver cette crainte d être incompris dans un échange avec autrui, car parler, c est risquer de traduire sa pensée avec inexactitude. D autre part, le caractère comique et absurde ne manquera pas de faire rire et réfléchir les élèves. Ce sera une manière ludique de réviser, d un point de vue lexical, la notion d homonymie, faisant partie intégrante des programmes scolaires, et de s interroger sur l orthographe des mots. Intérêt du texte d un point de vue théâtral L étude de ce texte de Raymond Devos permettra de guider les élèves dans la connaissance des différentes formes de comique au théâtre, ce point étant au programme du collège. Le comique de gestes est le plus évident pour eux, mais il existe d autres formes de comique à exploiter : comique de caractère, de situation mais aussi de langage. Ce sont ici les comiques de langage et de situation qui font la richesse du sketch. On pourra également prévoir des temps de réflexion sur la sonorité des mots, en introduisant, par exemple, des travaux de diction à partir de virelangues. Référence DEVOS (Raymond), Ses plus grands sketches (DVD), Éditions Montparnasse, coll. «Comiques de toujours». On trouvera aisément une transcription du texte sur Internet. 1 Camion des mots 2015

2 Étape 1 Découverte du texte Raymond Devos, décédé en 2006, a toujours eu une grande passion pour la langue française, qu il a manipulée avec beaucoup d humour et d intelligence dans ses spectacles. Il a été célèbre pour ses nombreux jeux sur les mots, ses excellentes qualités de mime, son goût pour la dérision, l absurde et le paradoxe. Au départ, son univers familial le prédisposait à jouer de la musique. N ayant pas pu poursuivre d études, il approfondit sa culture, y compris musicale, en autodidacte. Avant de devenir un artiste célèbre et un humoriste reconnu, Raymond Devos a exercé des métiers aussi variés que coursier, libraire, crémier Ces expériences l inspireront pour jouer avec les mots et les situations. Devos, dans ses sketches, insistait souvent sur l absence de logique du langage. Effectivement, le sens des mots est instable : il dépend à la fois du locuteur et du contexte. Dans le sketch de «Caen», l humoriste illustre bien cette perception du langage. Les mots sujets à quiproquo sont des homonymes, c est-à-dire des mots qui se prononcent de la même façon mais n ont pas le même sens. Ces mots ne sont pas émis et reçus de la même façon par le guichetier et le passager. Cette incompréhension conduit les personnages à une méprise totale, absurde et quasi tragique, puisque le passager finit entre les mains de la police au lieu de partir en vacances en Normandie! Pour aller plus loin dans la compréhension de l œuvre de Raymond Devos, on consultera l article très approfondi de Françoise Rullier-Theuret intitulé «Raymond Devos ou la peur des mots» (Langage et société, n o 78, 1996, p ), disponible sur le site Persée, portail de revues scientifiques. Devos pousse ici à son paroxysme, à l aide d homonymes, la veine comique de ce que l on nomme le quiproquo. Le mot «quiproquo» est issu du latin quid pro quod et signifie : une chose à la place d une autre. C est un ressort comique courant dans les pièces de théâtre. Il consiste en un malentendu concernant un sujet ou un personnage que l on prend pour un autre. Cela donnera l occasion de travailler avec les élèves d autres scènes de quiproquo dans les comédies classiques : L Avare de Molière, Le Jeu de l amour et du hasard de Marivaux, La Farce de Maître Pathelin Étape 2 Adaptation du texte Contraintes techniques Espace : 3 mètres de profondeur x 5,5 mètres de largeur. Durée : 3 minutes maximum. 2

3 Pistes de mise en scène Il y a peu d actions à mettre en scène puisqu il s agit d un dialogue entre deux personnages : un guichetier et un voyageur désirant acheter un billet d autocar. Il faudra donc surtout : Faire travailler les élèves sur les émotions à transmettre dans le dialogue ; Imaginer ce qui pourrait se passer autour des deux élèves qui interpréteront le dialogue pour illustrer le caractère frustrant de la conversation et l absurdité de la situation liée au quiproquo. Conseils : le texte devra être adapté de manière à supprimer les incises du voyageur («Je lui dis», «Il/Y me dit», etc.). Des passagers qui attendent le car : Dans ce cas, il faudrait veiller à ce que les élèves occupent tout l espace scénique, certains debout avec des valises à leurs pieds, d autres assis sur des chaises alignées ou sur un banc, quelques-uns assis au sol qui imiteront des enfants, d autres encore circulant librement sur la scène. Il faut que chaque élève se trouve une occupation digne d un passager qui attend le départ de son train. Pour qu ils élaborent leur idée, on pourra leur proposer un jeu d improvisation dans lequel ils mimeront une situation d attente à la gare. L un consultera son téléphone ou passera un appel en regardant le tableau d affichage ou en faisant les cent pas, un autre fera du tricot assis sur une chaise ou lira un magazine, etc. On peut réitérer la consigne en demandant aux élèves de mimer par petits groupes l attente d une famille. Comment s occuperont les enfants? Serontils sages ou excités? Que feront les parents? Des effets visuels : Une idée à exploiter serait d accompagner chaque occurrence des mots homonymes d un élément visuel montré par des figurants. Pendant que les figurants vaquent à leurs occupations dans la gare, les deux élèves jouant le dialogue s expriment au milieu de la scène. Dès que les figurants entendent les mots «Caen» ou «quand» / «car» ou «quart» / «sept» ou «Sète», ils brandissent face à la caméra des ardoises sur lesquelles ils auront écrit le mot comme ils l entendent eux, y compris sous d autres formes, comme «qu en» ou «cet». Dans le même ordre d idée, on peut prévoir que les élèves portent tous un tee-shirt sur lequel ils auront écrit l un de ces mots. Dès que le mot prononcé correspond au mot écrit sur leur teeshirt, ils se lèvent face à la caméra et bombent le torse en adoptant une posture amusante. Ces pistes-là nécessitent une belle qualité d écoute et une grande réactivité des élèves, qui devront suivre attentivement le déroulé du dialogue. D autre part, il faudra que les deux personnages principaux soient attentifs au rythme de leur échange de répliques ; celui-ci ne doit pas être trop rapide, à l image de celui de Raymond Devos interprétant son sketch. L humoriste laissait bien le temps à son public de savourer chaque réplique en utilisant à bon escient des moments de pause. Ceci était d autant plus indispensable sur scène que, face à de véritables auditeurs, il fallait laisser le temps aux rires de fuser entre chaque réplique. Des effets sonores : Pour accentuer le caractère absurde de la situation, on pourra imaginer des effets sonores. Par exemple, lorsque le mot homonyme est prononcé par l un des deux personnages, plusieurs figurants sur scène le répètent en écho, les uns après les autres, ou tous en même temps. Une telle mise en scène peut rendre le jeu un peu plus inquiétant, ce qui est intéressant puisque la frustration liée à l incapacité à se faire comprendre peut mener à la folie. Ici, le passager finira entre les mains des policiers, mais Raymond Devos aurait tout aussi bien pu le faire atterrir dans un service hospitalier de psychiatrie. 3

4 Pistes pour les costumes et accessoires Pour le guichetier, on peut envisager un costume avec cravate et casquette de type contrôleur. Les élèves pourraient inventer un nom de société de transports et en créer le logo, peut-être en interdisciplinarité avec les professeurs d arts plastiques et de technologie. Pour le voyageur, puisqu il part en vacances en Normandie, une tenue d été, bermuda, chemise fine et valise ou sac de voyage à la main. Toute autre suggestion des élèves sera la bienvenue, peut-être en rapport avec la mer, sachant que la Manche est à une vingtaine de minutes en voiture de Caen, ou avec la campagne. Pour les figurants, partant de l idée que les homonymes sont des mots qui se prononcent de la même façon mais qui n ont pas le même sens, on pourrait travailler sur des costumes en contraste : tenues aux couleurs inversées, par exemple un haut noir et un bas blanc pour la moitié des figurants, un haut blanc et un bas noir pour l autre moitié. Si l on fait le choix d effets visuels, on peut personnaliser des tee-shirts sur lesquels on écrira les mots sujets à quiproquo en lettres capitales (par exemple «Caen» sur le devant, «quand» dans le dos). D autres possibilités sont envisageables. On peut aussi épingler des feuilles sur le tee-shirt des élèves à l aide d épingles à nourrice. Les objets essentiels à l action seront ceux qui agrémenteront le décor de gare : un ou plusieurs panneaux indiquant les horaires des départs et arrivées des autocars, le guichet du guichetier, des panneaux indiquant les quais, les toilettes, des affiches de publicité, etc. On peut également agrémenter la scène de sons évoquant la gare autoroutière : coups de sifflet, annonces sonores Pistes pour les décors Le décor permettra d évoquer une gare autoroutière : des panneaux indiquant les horaires, une grande horloge, des photographies ou dessins d autocars en fond de scène Si les élèves ont inventé un nom de société de transport, on peut leur demander de fabriquer un grand panneau en carton à intégrer au décor, peut-être sous forme de portique. Selon ce qui est prévu pour les figurants, on installera des bancs ou on alignera des chaises pour les zones d attente. Conseils de fabrication Pour fabriquer un guichet, des bornes d achat automatique, il faudra récupérer de grands cartons que les élèves pourront découper et peindre avec leur professeur d arts plastiques, par exemple. 4

5 Étape 3 Distribution et interprétation Liste des rôles Les personnages principaux : Le passager et le guichetier. Les figurants : D autres voyageurs qui attendent leur autocar ou l arrivée de passagers. Pistes pour l incarnation des personnages Jeux préparatoires sur l incompréhension dans une situation de communication : Pour aider les élèves à ressentir la frustration de quelqu un qui n arrive pas à se faire comprendre, on pourra démarrer par des exercices ludiques. En binôme, un élève parle «en silence», sans émettre de son, en articulant à outrance. L autre, en face, doit essayer de deviner son message. Une autre idée de jeu à deux que les élèves apprécieront : un élève choisit mentalement un mot, puis l écrit lettre après lettre en capitales dans le dos de son camarade, qui doit deviner ce mot pour pouvoir échanger les rôles. Le jeu du miroir ravira les élèves car ils ressentiront le plaisir d être en osmose et de se comprendre sans même se parler. Toujours en duo, les élèves se mettent face à face. L un des deux sera le meneur, l autre devra devenir son parfait reflet, dans le silence total. Il faut effectuer des mouvements lents pour que cela fonctionne. On commencera l exercice assis en tailleur ou à genoux. Improvisations et jeux autour du langage : Parmi les multiples jeux et improvisations qui existent autour des mots, on peut choisir d organiser un jeu sur l homonymie en petits groupes. Un premier élève pioche un mot parmi ceux que le professeur aura pris soin de préparer. Il le mime, et le groupe gagne un point à chaque fois qu il trouve un nouvel homonyme de ce mot. Par exemple, un élève tombe sur «fer à repasser». Il mime ce mot et son groupe doit alors trouver les homonymes «faire», «fers», «ferre». Ce jeu n est qu une idée parmi d autres et son déroulement n a rien de figé. Libre à chacun de le moduler à sa façon pour se l approprier. Les expressions idiomatiques : Un jeu autour des expressions imagées ou expressions idiomatiques peut être proposé pour inviter les élèves à réfléchir sur cet aspect intéressant de la langue. «Tomber dans les pommes», «Ne pas avoir froid aux yeux», «Donner sa langue au chat», «Être dans les bouchons», autant d expressions qu ils s amuseront à mimer pour les faire deviner à leurs camarades. Les virelangues et les trompe-oreilles : Les virelangues servent très souvent aux comédiens qui souhaitent travailler leur élocution. Ce sont des phrases difficiles à prononcer : «L autocar part tard, gare! Gare à l autocar, car l autocar part dare dare quand l autocar part tard.» Les trompe-oreilles, eux, sont difficiles à comprendre ; on peut même avoir l impression que notre interlocuteur s exprime dans une autre langue : «Si ton tonton tond ton tonton, ton tonton tondu sera» ou encore «Pie niche haut, oie niche bas. Où niche hibou? Hibou niche-t-il haut ou hibou niche-t-il bas? Hibou niche ni haut ni bas. Hibou niche pas». Une compétition autour de la comptine «Tas de riz, tas de rats» pourra mettre de l animation lors d une séance de préparation. Le dialogue du sketch : Après avoir réalisé ces jeux et exercices, nul doute que les élèves se sentiront prêts à interpréter le sketch. N hésitez pas à leur donner la possibilité de tester différentes interprétations. Après avoir visionné le sketch de Raymond Devos, ils risquent de se sentir obligé de reproduire le travail de l humoriste. Pourquoi ne pas leur demander de jouer le texte de différentes façons pour s amuser : le jouer avec un accent ou une voix particulière, le chanter, le dire à la manière d un robot, etc. On peut aussi inventer des situations pour faire varier le ton des personnages : par exemple, le passager est poursuivi et doit prendre son billet au plus vite sans se faire repérer. 5

6 Étape 4 pour aller plus loin Films : La projection du sketch permettra de mettre les élèves dans l atmosphère du texte. On pourra également diffuser d autres sketchs de Raymond Devos. Lectures : Pour faire travailler les élèves sur des textes dans lesquels les auteurs jouent eux aussi avec les mots, dans la même veine poétique et ludique que celle de Raymond Devos, on pourra lire des extraits ou l intégralité de : Exercices de style, de Raymond Queneau, Éditions Gallimard, 1982 ; Un mot pour un autre et Finissez vos phrases!, de Jean Tardieu, Éditions Gallimard, 2003 et 2000 ; La Cantatrice chauve, d Eugène Ionesco, Éditions Gallimard, 1993, qui permettra d aller plus loin dans un travail sur le théâtre de l absurde, notamment avec les élèves de 3 e ; Rencontre, de Marc Escayrol. Pour faire travailler les élèves sur les jeux de langage : Jeux de langue, jeux d écriture, de Sophie Fournier et Cathy Racle, Éditions Rue des enfants, 2011 ; Les expressions racontées et expliquées aux enfants, de Véronique Cauchy, Éditions Rue des enfants, Le travail sur le sens propre et le sens figuré des mots occupe une place importante dans le parcours du collégien. Pour développer cette piste, on ne peut que recommander la consultation des livres d Alain Le Saux, Éditions L école des loisirs : Maman m a dit que son amie Yvette était vraiment chouette, Papa m a dit que son meilleur ami était un homme grenouille, Le prof m a dit que je devais absolument repasser mes leçons. Écriture : Un travail d écriture de dialogues pourra être mené avec les élèves autour d homonymes courants, par exemple «maire», «mère», «mer» / «encre», «ancre» / «auteur», «hauteur» / «père», «paire», «perd», «pair», etc. Il est même envisageable d en faire un jeu d écriture, en proposant aux élèves de travailler par groupes de 3 ou 4. Chaque groupe pioche une série d homonymes, puis rédige une brève scène de théâtre avec ceux-ci. On peut prévoir de rajouter des contraintes liées aux différentes formes de comique. 6