Droits des peuples autochtones Troisième partie (Droits ancestraux) Sommaire
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- Eric Villeneuve
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1 Droits des peuples autochtones Troisième partie (Droits ancestraux) Sommaire 1. Définition des droits ancestraux 2. Catégories de droits ancestraux 3. Preuve d un droit ancestral 4. Éléments constitutifs d un droit ancestral 5. Caractère évolutif des droits ancestraux
2 Introduction (Définition des droits ancestraux) Un droit ancestral est une ancienne coutume, pratique ou tradition d un peuple autochtone (autrement dit une ancienne façon de faire) Les parties de la définition qui suivent vont être pris en considération lors de la preuve d un droit ancestral ). (À revoir plus loin) La coutume, pratique ou tradition, doit être une caractéristique importante de cette communauté amérindienne, de sorte que sa culture serait profondément modifiée si elle disparaissait. La coutume, pratique ou tradition, doit remonter au moins au temps du premier contact avec les Européens. La coutume, pratique ou tradition, qui est reconnue par le droit canadien, doit être pratiquée de manière sécuritaire.
3 Catégories de droits ancestraux Les droits ancestraux peuvent être séparés en différentes catégories. On en trouve au moins trois : 1. Les droit ancestraux liés à l utilisation de la terre 2. Les droits ancestraux de nature sociale ou culturelle 3. Et les droits ancestraux d autogestion (gouvernement)
4 Catégories de droits ancestraux (Droits liés à l utilisation de la terre) Les droits ancestraux liés à la terre sont définis en énonçant une activité (chasse, pêche, cueillette), ainsi que par l objectif poursuivi par cette activité (à des fins de subsistance ou domestique, à des fins d échange contre d autres biens à petite échelle, ou encore à des fins de faire du commerce). Les droits ancestraux liés à l utilisation de la terre comprennent donc des activités de chasse, de pêche, de cueillette, soit pratiquées à des fins de subsistance ou domestique, soit pratiquées dans le but de faire des échanges contre d autre biens à petite échelle, soit pratiquées dans le but de faire du commerce.
5 Catégories de droits ancestraux (Droits liés à l utilisation de la terre) (Activités pratiquées à des fins de subsistance ou domestique) Les droits ancestraux liés à l utilisation de la terre comprennent des droits de chasse, de pêche ou de cueillette, lorsque ces activités sont pratiquées à des fins de subsistance (nourriture) ou domestiques (habillement, logement ou transport).
6 Catégories de droits ancestraux (Droits liés à l utilisation de la terre) (Activités pratiquées à des fins de subsistance ou domestique) Pour être considéré comme un droit de subsistance ou domestique, les produits recueillis lors de ces activités (gibiers, poissons, fruits sauvages, etc.) doivent être consommés directement par les membres de la communauté autochtone détentrice du droit ancestral.
7 Catégories de droits ancestraux (Droits liés à l utilisation de la terre) (Activités pratiquées à des fins de subsistance ou domestique) Il n est donc pas nécessaire que celui qui consomme le produit de l activité soit celui qui a pratiqué cette activité. Un chasseur, par exemple, peut très bien donner ou vendre son gibier à un autre membre de sa communauté, sans que le droit cesse d être considéré comme un droit de subsistance ou domestique. Toutefois, pour être considéré comme un droit de subsistance ou domestique, les produits recueillis lors de ces activités (gibiers, poissons, fruits sauvages, etc.), ne peuvent être vendus ou cédés en dehors de la communauté autochtone détentrice du droit ancestral.
8 Catégories de droits ancestraux (Droits liés à l utilisation de la terre) (Activités pratiquées à des fins d échange à petite échelle) Les droits ancestraux liés à l utilisation de la terre comprennent des droits de chasse, de pêche ou de cueillette, lorsque ces activités sont pratiquées à des fins d échange contre d autres biens à petite échelle.
9 Catégories de droits ancestraux (Droits liés à l utilisation de la terre) (Activités pratiquées à des fins d échange à petite échelle) Contrairement aux divers droits de subsistance, le droit d échanger les produits de son activité (pêche, chasse ou cueillette) contre d autres biens à petite échelle implique la possibilité d un échange à l extérieur de la communauté détentrice du droit, que ce soit avec des non-autochtones ou avec des autochtones d une autre communauté.
10 Catégories de droits ancestraux (Droits liés à l utilisation de la terre) (Activités pratiquées à des fins d échange à petite échelle) Précisons que ces échanges doivent demeurer à petite échelle, donc être de dimensions modestes, sinon le droit en cause ne pourra être décrit comme une activité (chasse, pêche ou cueillette) pratiquée à des fins d échange à petite échelle. Elle devra être qualifiée différemment.
11 Catégories de droits ancestraux (Droits liés à l utilisation de la terre) (Activités pratiquées à des fins de commerce) Les droits ancestraux liés à l utilisation de la terre comprennent également des droits de chasse, de pêche ou de cueillette, lorsque ces activités sont pratiquées avec l objectif d en faire le commerce.
12 Catégories de droits ancestraux (Droits liés à l utilisation de la terre) (Activités pratiquées à des fins de commerce) Les droits de chasse, de pêche ou de cueillette, à des fins de pratiquer le commerce sont rares, parce que très peu de peuples amérindiens pratiquaient des échanges à l échelle commerciale.
13 À ce jour, la Cour suprême du Canada n a reconnu qu un seul droit de nature commerciale. Il s agissait de l affaire R c. Gladstone, [1996] 2 RCS 723, où une bande indienne de Colombie-Britannique a réussi à démontrer que leurs ancêtres, avant l arrivée des Européens, récoltaient des œufs de poissons (hareng) aux fins d en faire le commerce.
14 Catégories de droits ancestraux (Droits liés à l utilisation de la terre : résumé) Répétons que pour décrire correctement un droit ancestral lié à l utilisation de la terre, il faut donc nommer non seulement une activité précise, que ce soit la chasse, la pêche, ou la cueillette d un produit, mais encore préciser l objectif poursuivi, qui peut être soit la subsistance, soit l échange à petite échelle, soit le commerce.
15 Catégories de droits ancestraux (Droits sociaux et culturels) Les droits sociaux et culturels sont les pratiques, coutumes et traditions, donc également des anciennes façons de faire, qui servent à régir les rapports sociaux ou culturels d une communauté amérindienne. On y retrouve des coutumes, pratiques ou traditions relatives à l usage des langues amérindiennes, incluant l enseignement de ces langues, ainsi que l enseignement des diverses coutumes, pratiques et traditions de la communauté.
16 Parmi les droits ancestraux, on retrouve aussi des coutumes, pratiques ou traditions relatives au mariage, au divorce, aux successions et à l adoption d enfants.
17 D autres pratiques, coutumes et traditions, reconnues par le droit canadien, comprennent les repas et danses traditionnelles, ainsi que les jeux pratiqués par les peuples amérindiens. (Ici, on voit la pratique de la crosse chez les Iroquois.)
18 Catégories de droits ancestraux (Droits sociaux et culturels éteints par le droit anglais) Certaines coutumes, pratiques ou traditions, ont été abrogées par le droit anglais dès l implantation du régime colonial britannique, parce qu elles étaient incompatibles avec les valeurs fondamentales de colonisateurs. Mentionnons notamment celle qui consiste à faire l usage de la torture lors d un rite initiatique.
19 Mentionnons également, parmi les droits ancetraux disparus, la pratique indienne de scalper ses ennemis, vivants ou morts, qui a été popularisée par le cinéma américain sur la colonisation de l Ouest du continent (i.e. les fameux Westerns).
20 Catégories de droits ancestraux (Droits d autogestion) Parmi les droits ancestraux, on trouve enfin des droits d autogestion. Ce sont des droits sociaux particuliers que possède toute collectivité détenant des droits. En effet, comme les droits des peuples autochtones sont des droits collectifs, qu ils appartiennent à la bande et non pas à ses membres pris individuellement, celle-ci peut donc réglementer l usage des biens possédés en commun (droits ancestraux ou issus de traités), autrement dit déterminer qui pourra en jouir et selon quelles modalités. À cet égard, une bande indienne ressemble à l Église catholique, à un club de golf, ou encore à une coopérative d habitation.
21 Catégories de droits ancestraux (Droits d autogestion) Un membre qui refuserait de suivre la réglementation commune pourrait donc être privé de ses privilèges, en tout ou en partie, voire être expulsé complètement de sa communauté. C est en ce sens que l on dit des coummunautés amérindiennes qu elles exercent des pouvoirs de gouvernement. Toutefois, elles ne peuvent pas, de leur propre autorité, emprisonner une personne.
22 Catégories de droits ancestraux (Droits d autogestion) S il y voit son intérêt, le membre d une bande indienne décidera donc d obéir à la réglementation commune, parce qu il s agit d une condition pour profiter des avantages qu il retire de son membership.
23 Preuve d un droit ancestral Le fardeau de prouver l existence d un droit ancestral repose sur la bande indienne qui revendique ce droit. Mais une fois ce fardeau rempli, il revient à celui qui prétend que le droit a été éteint d établir les circonstances ayant conduit à son extinction. Nous ne verrons pas dans ce cours les conditions d extinction des droits des peuples autochtones. Nous nous contenterons d examiner ce qu il faut prouver pour établir l existence d un tel droit.
24 Preuve d un droit ancestral Un droit ancestral est une ancienne coutume, pratique ou tradition d un peuple autochtone (autrement dit une ancienne façon de faire). Les parties de la définition qui suivent doivent être prouvés pour établir l existence d un droit ancestral 1. La coutume, pratique ou tradition, doit être une caractéristique importante de cette communauté amérindienne, de sorte que sa culture serait profondément modifiée si elle disparaissait. 2. La coutume, pratique ou tradition, doit remonter au moins au temps du premier contact avec les Européens. 3. La coutume, pratique ou tradition, doit être pratiquée de manière sécuritaire.
25 Preuve d un droit ancestral (Coutume, pratique ou tradition d une communauté autochtone) Seules les coutumes, pratiques et traditions des communautés autochtones peuvent être reconnues comme des droits ancestraux. Les mots «coutume», «pratique» et «tradition», ont des sens légèrement différents, mais tous désignent des activités qui ont été pratiquées sur une longue période.
26 Preuve d un droit ancestral (Caractéristique importante d une communauté autochtone) Pour être reconnue comme un droit ancestral d une communauté, la coutume, pratique ou tradition doit être une caractéristique importante de cette communauté, de sorte que sa culture serait profondément modifiée si elle disparaissait. Le droit protège donc les activités qui ont servi à définir la culture d une communauté amérindienne. Il ne protège pas ce qui est commun à tout le genre humain, comme les seules activités de manger, de boire, de s habiller, de dormir ou de respirer de l air.
27 Preuve d un droit ancestral (Caractéristique importante d une communauté autochtone) Répétons que le droit ne protège que les coutumes, pratiques et traditions importantes pour une culture donnée, ce qui permet de la définir. Or, l importance d une coutume, pratique ou tradition, se mesure par deux critères : un critère qualitatif, soit l intérêt de l objectif poursuivi par l activité, et un critère quantitatif, soit la fréquence à laquelle cette activité est pratiquée.
28 Preuve d un droit ancestral (Caractéristique importante d une communauté autochtone) (critère qualitatif) Pour être suffisamment importante, une activité (coutume, pratique ou tradition) doit poursuivre un objectif d un grand intérêt pour la survie matérielle ou culturelle d une communauté. Il peut s agir de la satisfaction de besoins de subsistance ou domestiques (activités liées au logement, à l habillement, à la nourriture ou au transport), ou des besoins de socialisation des membres d une société (activités liées à la religion, au mariage, à l adoption, ou à l enseignement de la langue).
29 Preuve d un droit ancestral (Caractéristique importante d une communauté autochtone) (critère quantitatif) Pour être suffisamment importante, une activité (coutume, pratique ou tradition) doit en plus avoir été pratiquée de manière assez fréquente, suffisamment pour contribuer de manière significative à la culture d une communauté. Une activité pratiquée rarement ou de manière accidentelle ne peut constituer le fondement d un droit ancestral.
30 Preuve d un droit ancestral (Caractéristique importante d une communauté autochtone) (Continuité de la pratique, coutume ou tradition) La continuité d exercice d une coutume, pratique ou tradition, est un autre facteur qui doit être examiné avant de reconnaître l existence d un droit ancestral. En effet, on ne peut considérer qu une activité est importante pour une communauté, si celle-ci l a volontairement délaissée pendant une très, très longue période.
31 Preuve d un droit ancestral (Remonte au premier contact avec les Européens) Pour être reconnu comme un droit ancestral d une communauté, une coutume, pratique ou tradition, devait déjà exister au moment du premier contact entre cette communauté et les Européens. Il peut arriver que le moment du premier contact soit difficile à déterminer. Toutefois, il suffit de se rappeler que le droit cherche à protéger les cultures des communautés amérindiennes. Toute coutume, pratique ou tradition d une communauté amérindienne qui serait apparue en raison de l influence européenne, soit directe, soit indirecte, ne peut donc être reconnue comme un droit ancestral.
32 Si une activité est née en raison de l influence européenne, comme la trappe d animaux à fourrures à des fins d en faire le commerce, elle ne peut donc constituer un droit ancestral.
33 Le maquillage serait-il une coutume, pratique ou tradition née en raison de l influence européenne?
34 Preuve d un droit ancestral (Exercice sécuritaire) Il est de la nature des droits ancestraux, tout comme des droit reconnus par traités, qu ils doivent être exercés de manière sécuritaire. Toute activité pratiquée de manière dangereuse n est donc pas reconnue comme un droit. Les législateurs et gouvernements fédéraux ou provinciaux peuvent donc imposer des mesures raisonnables de sécurité aux Amérindiens, sans que l on puisse conclure qu ils ont porté atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités des autochtones. Il faut préciser que la sécurité doit être l objectif réel et non pas un prétexte invoqué par les autorités.
35 Par exemple, l obligation imposée par un gouvernement de suivre un cours sur le maniement des armes à feu, avant d utiliser une arme, n enfreint pas le droit ancestral que pourrait posséder un Amérindien de chasser pour assurer sa subsistance. En effet, ce type de réglementation cherche à éviter les accidents.
36 Éléments constitutifs d un droit ancestral Tout droit ancestral peut être divisé en ses éléments constitutifs. Chaque élément correspond alors plus ou moins à une activité plus précise comprise dans l activité plus large qu est le droit ancestral. On voit, cicontre, la pratique indienne de fumer le tabac.
37 Éléments constitutifs d un droit ancestral Prenons l exemple d un droit de pêcher à des fins de subsistance. Ce droit comprend au moins les activités suivantes: entrer sur le territoire où se pratique la pêche ; emporter ses outils (filet, panier, canot) ; quand le lieu est éloigné, construire un abris temporaire sur place ; et rapporter le poisson chez soi.
38 Éléments constitutifs d un droit ancestral Comment déterminer les activités précises qui composent ainsi une pratique, coutume ou tradition? Ce sont, d une part, les activités qui sont essentielles à l exercice d un droit ancestral et, d autre part, les activités qui sont raisonnablement utiles à l exercice de ce même droit.
39 Éléments constitutifs d un droit ancestral (Activités essentielles) Les activités essentielles à l exercice d une coutume, pratique ou tradition sont les activités sans lesquelles le droit ancestral deviendrait illusoire, soit parce qu il serait impraticable, soit parce qu il perdrait toute utilité. Dans le cas du droit de pêche à des fins de subsistance, on conviendra que celui-ci serait impraticable si l autochtone n avait pas accès au territoire de pêche, ou s il n amenait pas son équipement de pêche. S il ne pouvait rapporter chez lui le poisson pêché, son droit de pêcher à des fins de subsistance perdrait également son utilité.
40 Éléments constitutifs d un droit ancestral (Activités raisonnablement utiles) Dépendant des circonstances, d autres activités peuvent aussi faire partie d un droit ancestral, sans pour autant être considérées comme essentielles. Il suffit de les juger raisonnablement utiles à l exercice du droit. Dans le cas du droit de chasse à des fins de subsistance, il est raisonnablement utile d emmener un chien pour rapporter le gibier à plumes, même si cela n est pas indispensable. Il est aussi raisonnablement utile de construire un abris permanent sur place, quand la chasse se pratique sur de longues périodes dans un lieu éloigné de la résidence principale de l autochtone, et qu il faut dépecer sur place les animaux tués.
41 Caractère évolutif des droits ancestraux On dit des droits ancestraux, comme des droits issus de traité, qu ils sont des droits qui peuvent évoluer avec le temps. Il faut préciser que le droit lui-même, son essence, la manière dont il est qualifié, ne change pas avec le temps. Toutefois, ses modalités d exercice vont pouvoir s adapter aux conditions actuelles, à la modernité.
42 Caractère évolutif des droits ancestraux (Permanence de la qualification du droit ancestral) La nature d un droit, sa qualification, ne change pas. Un droit de pêcher à des fins de subsistance demeure donc toujours un droit de pêcher à des fins de subsistance. Il n évolue pas pour se transformer en un droit de pêcher à des fins d échange à petite échelle, ou encore en un droit de pêcher à des fins de faire du commerce. C est en ce sens que l on dit d un droit ancestral ne change pas de nature ou de qualification.
43 Caractère évolutif des droits ancestraux (Évolution des modalités d exercice) Si la nature du droit ancestral ne change pas, ses modalités d exercice, par contre, peuvent évoluer avec le temps. Un droit de pêcher à des fins de subsistance peut donc s exercer avec des moyens modernes. Il demeure néanmoins un droit de pêcher à des fins de subsistance, tant qu il est directement consommé par la communauté détentrice du droit ancestral.
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