Article dans le Journal «Le Soir» du 20 février 2012.
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- Antoinette Laviolette
- il y a 8 ans
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1 Article dans le Journal «Le Soir» du 20 février La confiance envers les politiques est au plus bas DUBUISSON,MARTINE Page 2 Lundi 20 février 2012 Tous ces ministres qui ne savent rien, à part profiter» ; les «multiples abus commis par nos politiciens dans leurs frais divers et autres prébendes» ; «les élus politiques coûtent plus cher au peuple que ce que représente la dotation royale, la pension qu on donne à un ancien ministre me fait froid dans le dos, ( ) de plus ils cumulent avec d autres fonctions rémunérées.» Voilà quelques commentaires piochés sur notre site lesoir.be, à l occasion de l un ou l autre chat. Certes et nos responsables politiques témoins l évoquent tous (lire ci-dessous), les forums, réseaux sociaux et autres mails sont devenus les lieux principaux du défouloir antipolitique bien davantage que dans le contact direct, où les critiques se font sur un mode plus civilisé. Il n empêche. L évidence est là : la perte de crédibilité de nos élites politiques, certainement après les 541 jours de crise institutionnelle de 2010 et 2011, est criante. Elle a d ailleurs été confirmée, la semaine dernière, par l enquête décennale sur les valeurs des Belges, «Autres temps, autres mœurs», réalisée dans le cadre de l European Values Study (Le Soir du 16 février). Selon cette enquête auprès de Belges (interrogés en 2009), les partis politiques représentent, avec l Église, l institution à laquelle les citoyens font le moins confiance. Une méfiance qui se manifeste dans toutes les catégories sociales. Et qui se double d un désintérêt : 69 % des personnes interrogées se disent «assez peu» ou «pas du tout» intéressées par la politique (soit 8 % de plus que dix ans plus tôt). Or, cette enquête a été réalisée avant la plus longue crise politique de l histoire du pays. Gageons que les résultats auraient été plus cruels encore si elle avait été réalisée pendant ou après cette crise Car des propos comme ceux reproduits supra se multiplient désormais. Pourquoi les responsables politiques sont-ils aussi mal considérés chez nous? «La question de la perte de confiance du politique remonte à une dizaine d années, répond Pierre Vercauteren, politologue à l UCL-Mons. Cela fait partie de ce que l on a appelé la crise de la démocratie. C est un sentiment assez répandu en Europe, même s il y a des spécificités belges. D une part, les partis politiques ont de plus en plus de difficultés à venir avec des projets mobilisateurs, à refonder de grandes idéologies ; et d autre part, les citoyens sont de plus en plus désenchantés, doutant de la capacité du politique à apporter de grandes réponses, et donc de moins en moins fidèles aux politiques ce qui se marque par une forte abstention ou de forts mouvements de voix d un parti à l autre. Et l un nourrit l autre. Quand les partis ont une difficulté à présenter des projets mobilisateurs et que les citoyens ne soutiennent plus les politiques, on a un cercle vicieux car les politiques ne savent plus ce que ressentent les citoyens. A cela s ajoutent, poursuit Pierre Vercauteren, des spécificités belges : la très longue crise communautaire, depuis 2007, qui renforce le doute des citoyens dans la capacité des politiques de trouver un compromis ; la crise économique, elle, créant le doute quant à leur capacité à faire face à ces enjeux-là.» Rétablir la confiance est d autant plus difficile pour les politiques que tous ces enjeux nécessitent des solutions à long terme. Or «le désenchantement et la défiance vis-à-vis du politique tiennent aussi au fait qu on vit dans un monde de l immédiat et de l impatience, le monde du tout, tout de suite», conclut Pierre Vercauteren. Les hommes et femmes politiques ont-ils conscience de l importante perte de confiance dont ils font l objet? Comment le ressentent-ils au quotidien? Et que doivent-ils faire pour inverser la tendance? Nous avons posé ces questions à quatre responsables politiques, à différents niveaux de pouvoir : un bourgmestre, un député, un ministre et un président de parti. Voici leurs expériences.
2 Charles Michel Président du MR : «On doit aller sur le terrain» Le politique est de plus en plus décrié par la population. Le ressentez-vous au quotidien? Le politique est de plus en plus décrié par la population. Le ressentez-vous au quotidien? Oui, dans mes nombreux contacts sur le terrain comme président de parti, moins dans le fonctionnement local, comme bourgmestre, où le lien de confiance est moins abîmé, où l on peut donner des réponses plus concrètes. Dans les réactions très spontanées sur les forums des médias, dans les courriers, les mails, sur les réseaux sociaux. Ce sont les nouveaux vecteurs pour exprimer la colère et le ressentiment. Il y a aussi des appels téléphoniques parfois hostiles, agressifs. Dans les rencontres, les conférences, c est un peu différent, car les gens qui font le déplacement ont un certain intérêt pour le débat politique et savent que ce débat est nuancé. Que reproche-t-on exactement au politique? Il y a parfois une caricature de certains citoyens qui reportent tous les maux du pays sur les responsables politiques. Souvent, l hostilité mélange une colère liée à la situation personnelle (chômage ) et la mise en relation avec l image du politique qui vivrait de manière extrêmement confortable. Il faut donc montrer l exemple encore plus qu on ne le fait. Vous êtes en politique depuis 1994, cela a-t-il empiré depuis cette époque? J entends ce débat depuis le début : créer la confiance entre politiques et citoyens. Mais la crise politique, institutionnelle et économique, depuis 2007, 2008, a terriblement dégradé l image des responsables politiques, et la confiance avec les citoyens. Ma génération politique, qui a contribué à résoudre la crise institutionnelle, a un grand travail de restauration de la confiance à faire. Que le politique parle pendant des mois de sujets ésotériques sans expliquer suffisamment que certains enjeux concernent les Belges dans leur vie quotidienne, provoque un sentiment de décalage. S ajoutent à cela la crise économique et le climat de sinistrose entretenu par certains. C est un cocktail terriblement dévastateur pour la relation de confiance. Que faire pour inverser la tendance? Les responsables politiques doivent prendre cela à bras-le-corps. Il y a un gros travail de présence sur le terrain, d ouverture au dialogue. Les médias ont aussi un rôle pédagogique à jouer, sans tomber dans la tentation du sensationnel, des raccourcis, de la démagogie. Pourquoi la méfiance vis-à-vis des politiques est plus forte en Belgique que dans d autres pays européens? Outre la crise, c est dû selon moi à l extraordinaire complexité belge : le système proportionnel n aide pas à la compréhension des enjeux et il augmente le sentiment que l on ne respecte pas les promesses, car les coalitions empêchent de respecter ce qu on dit à 100 %. Il y a aussi des lourdeurs peut-être plus fortes qu ailleurs, qui augmentent les délais entre décisions et réalisations. Melchior Wathelet Ministre CDH : «On doit montrer qu on décide» Le politique est de plus en plus décrié par la population, certainement après la crise de 541 Le politique est de plus en plus décrié par la population, certainement après la crise de 541 jours. Comme secrétaire d Etat fédéral à la Mobilité et à l Energie, le ressentez-vous au quotidien?
3 Il y a des expériences dans lesquelles on le sent. Par contre, le fait d avoir un gouvernement et d être sorti des affaires courantes a quand même créé des messages plus positifs, où l on retrouve une discussion politique classique. C est la différence entre être critiqué car il n y a pas de gouvernement et être critiqué car on n a pas pris la bonne mesure en terme de mobilité ou d énergie. Les critiques saines, on en a besoin ; c est plus difficile quand on a l impression de tout faire pour avoir un accord et qu on n y arrive pas à cause des circonstances. Dans le contact humain, c est très rare d avoir ce type de critique. Ou alors, c est plutôt humoristique ou caricatural, sur le mode vous êtes tous les mêmes, vous êtes très bien payés Mais en face à face, il y a une sorte de gêne. Par contre, dans les mails, durant les 541 jours Des exemples? A quoi est-ce que vous servez?, Pourquoi on vous paie toujours?, comment est-il possible de ne pas se mettre d accord? On en a reçu des centaines! Le mail, c est le défouloir, ou alors Facebook, moins par courrier. Faire de la politique n est pas toujours facile. Il y a cette image de quelqu un de très bien payé et qui gagne sa vie en n en touchant pas une. Loin de moi l idée de dire qu on ne gagne pas bien sa vie, même si ce n est pas indécent, mais dire qu on ne fait rien Vous êtes en politique depuis 2003, cela a-t-il empiré depuis cette époque? Il y a une aggravation : les impossibilités de former les gouvernements ont joué. C est la cause principale. Si la confiance diminue plus chez nous qu ailleurs, c est à cause de ça. Les crises successives et nos discussions institutionnelles récurrentes font que les citoyens se disent : ne devraient-ils pas s occuper d autre chose? Le système proportionnel qui induit la formation de coalitions et la recherche de compromis, ça joue? Je ne crois pas qu il y ait un lien de cause à effet même si d autres que les centristes sont pour la bipolarisation. Mais la bipolarisation n est pas un gage d efficacité. Que faire pour regagner la confiance des citoyens? Etre efficace et montrer qu on décide. Les citoyens préfèrent ne pas être d accord avec des décisions et les critiquer, qu une absence de décision et de ligne. Mais il faut s inscrire dans la durée. Les politiques doivent être conscients que les gens veulent et doivent connaître la vérité, savoir où on va et pouvoir nous contrôler sur la base de nos engagements. Cela prend du temps. On ne pourra pas le résoudre du jour au lendemain. Il faut qu on l accepte. La crédibilité se perd vite et met du temps à se rétablir. Jacques Gobert Bourgmestre PS : «Il faut dire la vérité aux gens» Le politique est de plus en plus décrié, certainement après la crise de 541 jours. Comme bourgmestre Le politique est de plus en plus décrié, certainement après la crise de 541 jours. Comme bourgmestre de La Louvière, le ressentez-vous au quotidien? On perçoit une évolution, même si je crois que l homme politique qui s occupe de la gestion communale, premier pouvoir de proximité, conserve globalement la confiance d une grande majorité de concitoyens. L évolution réside principalement dans le fait que les citoyens sont de plus en plus exigeants par rapport à leurs problèmes personnels et le seuil de tolérance par rapport à la vie en communauté est de plus en plus bas. C est vrai que, globalement, le niveau d insatisfaction évolue. Mais il y a une déresponsabilisation des citoyens : on fait porter de plus en plus de responsabilités aux communes. Voyez en ce qui concerne le déneigement : on considère que tout doit être déneigé tout de suite, partout, et très vite on en veut aux politiques. Comment cette perte de crédibilité politique se manifeste-t-elle concrètement?
4 De plus en plus ouvertement : de plus en plus de personnes n hésitent pas à le manifester verbalement ou par écrit, par les réseaux sociaux. C est plus facile de se cacher derrière un écran pour lâcher des propos très durs. Et en face à face? Cela arrive relativement peu. Mais certains n hésitent pas à le faire. Personnellement, j ai déjà été victime d une agression, presque physique, pour un permis d urbanisme pas octroyé : j ai reçu un verre à la figure. On m a menacé aussi, physiquement, car j ai fermé des cafés où il y avait des problèmes. Mais il ne faut cependant pas que l arbre cache la forêt. Vous êtes en politique depuis 1988, cela a-t-il empiré depuis cette époque? J ai été conseiller communal, président de CPAS et bourgmestre depuis 2006, je n ai donc pas le recul suffisant dans un exécutif. Mais je ne sens pas forcément plus de critiques qu avant car les communes ont continué à fonctionner pendant les 541 jours de crise. Que faire pour inverser cette tendance à la méfiance? Il faut avoir le discours de la vérité et arrêter de laisser croire ou faire croire que le politique peut tout régler. Si on fait croire qu en politique on peut tout résoudre, ça génère la frustration et le mécontentement. Il faut dire la vérité aux gens, nos contraintes, nos difficultés. Pourquoi la méfiance vis-à-vis des politiques est-elle plus forte chez nous qu ailleurs en Europe? Chez nous, le politique est plus exposé par la densité des niveaux de pouvoir, la densité de politiciens, plus importante qu ailleurs, ce qui génère peut-être un sentiment d exagération, de surcoût, de gaspillage. Il y a aussi le discours des politiciens qui n est pas suffisamment celui de la vérité, comme je l ai dit. C est parfois difficile de dire non ou qu on ne peut pas trouver de solution, ce qui crée la frustration. Zoe Genot Députée Ecolo : «Il faut expliquer la politique à l école et la démystifier un peu» Le politique est de plus en plus décrié par la population. Comme députée fédérale bruxelloise, Le politique est de plus en plus décrié par la population. Comme députée fédérale bruxelloise, le ressentez-vous au quotidien? Je ressens en même temps un désamour, une certaine agressivité, et de l intérêt. Les gens continuent à nous interpeller, de façon musclée certes. Mais le pire serait qu ils ne viennent plus. Il y a une lassitude, un découragement. Il y a les gens qu on croise, les mails, Facebook. Les gens en ont marre, ils parlent de nos pensions, des parlementaires qui dorment en séance plénière C est logique : ces dernières années, on était en permanence en crise. Vous êtes en politique depuis 1999, cela a-t-il empiré depuis cette époque? En période positive, prospère, c est plus serein car on redistribue plus de fruits de la croissance. En période d austérité, il y a une amertume, une colère relativement justifiée, car on a l impression de payer depuis 20 ans. Avec les pensions, la peur du chômage, les difficultés de se loger, il y a un sentiment d injustice. Que faire pour inverser la tendance?
5 La première chose à faire est de replacer les débats au niveau politique : qu est-ce qui est en jeu?, quels acteurs ont envie de telle solution? Il faut refaire de l éducation politique et montrer d autres solutions (sur les intérêts notionnels ). Et travailler à un code de déontologie politique (cumul ). Il faut aussi faire de l éducation dans les écoles, pour expliquer la politique, la sécurité sociale Démystifier un peu la politique permet un certain rapprochement. Pourquoi la méfiance vis-à-vis des politiques est plus forte en Belgique qu ailleurs? Je pense que c est plus difficile ici de comprendre les choses, à cause des gouvernements de coalition et de la société clivée entre communauté française et flamande. Avant d être élue, je ne sentais pas cette différence. Les citoyens n ont que la moitié des éléments explicatifs ; ils ne comprennent pas pourquoi les décisions se prennent. L alliance est plus compliquée que le vote majoritaire, qui a plus de clarté. Il y a aussi une certaine professionnalisation des politiques, qui peut avoir des effets pervers : avant, il y avait plus d ouvriers, de syndicalistes, qui devenaient parlementaires ; aujourd hui, ce sont surtout des universitaires, des diplômés de l enseignement supérieur. Ça n aide pas à simplifier les messages, à ce que les gens se sentent représentés par des gens comme eux.
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