L exigence d harmonie s exprime au Japon selon deux axes fondamentaux qui sont l art des jardins et l ikebana.

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1 3. L harmonie L exigence d harmonie s exprime au Japon selon deux axes fondamentaux qui sont l art des jardins et l ikebana. 3.1 Les jardins japonais Le jardin est au Japon un élément fondamental de la culture : il doit en effet participer à la réalisation du bonheur lié à l harmonie de l homme avec la nature, avec un arrière-plan spirituel très marqué. C est comme si la nature prenait la parole, se faisant alors le prolongement de l homme et de ses émotions. C est pourquoi de nombreuses maisons se prolongent en jardin : l ouverture sur l eau, sur la verdure et la pierre permet une intégration intime de la demeure des hommes et de celle des dieux. En été, les cloisons sont toujours ouvertes et laissent «entrer» le jardin. Illustration 25 : jardin de la villa Katsura à Kyoto ; le Pavillon des pins et des luths 35

2 3.1.1 Cosmologie hindouiste La montagne La pierre occupe une position centrale dans tout jardin japonais. Ce choix ne répond pas seulement à des critères esthétiques. D après les plus anciennes sources écrites du bouddhisme, issues de conceptions hindouistes, le monde est représenté comme un ensemble cohérent en forme d assiette, entouré par une chaîne de montagne, le çakravala 46. Au centre de ce disque rond se trouve le Shumi-sen 47, le Mont Shumi. Sept massifs montagneux l entourent, formant des cercles concentriques. Le çakravala ceinture l ensemble. Le Shumi-sen symbolise l axe de l univers dans sa totalité, sans se limiter à la terre. Cette cosmologie d origine indienne prend la forme dans les jardins japonais d une pierre dressée, parfois entourée de pierres plus petites. Les pierres occupent une place privilégiée parce qu elles représentent le Shumi-sen. Illustration 26 : jardin Raikyu-ji à Takahashi 36

3 Le thème de la montagne peut être utilisé en méditation : Méditer comme une montagne S asseoir comme une montagne, cela veut dire aussi prendre du poids : être lourd de présence. Les premiers jours, on a beaucoup de mal à rester ainsi immobile, les jambes croisées, le bassin légèrement plus haut que les genoux. Puis un matin, on sent réellement ce que veut dire «méditer comme une montagne». On est là de tout son poids, immobile. On ne fait qu un avec elle ; la notion du temps a complètement changé. Les montagnes ont un autre temps, un autre rythme. Etre assis comme une montagne, c est avoir l éternité devant soi, c est l attitude juste pour celui qui veut entrer dans la méditation : savoir qu il a l éternité derrière et devant lui. Le plus difficile est de passer ainsi du temps «à ne rien faire». Il faut réapprendre à être, à être tout simplement, sans but ni motif. Méditer comme une montagne, c est la méditation même de l Etre, du simple fait d être, avant toute pensée, tout plaisir et toute douleur. La démarche devient plus tranquille. La montagne semble être entrée dans la peau. On sait prendre du temps, accueillir les saisons, se tenir silencieux et tranquille comme une terre parfois dure et aride, mais aussi parfois comme un flanc de colline qui attend sa moisson. Méditer comme une montagne modifie également le rythme des pensées. On apprend à «voir» sans juger, comme si on donnait à tout ce qui pousse sur la montagne le droit d exister. D après Jean-Yves Leloup. 37

4 L eau Illustration 27 : partie intérieure de l étang du Pavillon d Or ; Kyoto Dans les conceptions hindouistes, entre les massifs montagneux évoqués précédemment, se trouvent des océans. Or l homme n habite que quatre îles dans l océan situé entre le septième massif et le çakravala. Dans les autres océans se trouvent huit îles inhabitées. De plus, le disque du monde repose sur un socle de terre d or qui flotte à son tour dans l eau. Il est remarquable, qu aujourd hui encore, certains jardins reprennent le schéma des montagnes et des océans, issu de la cosmologie hindouiste ancienne. C est le cas par exemple du jardin de Kyoto qui se trouve devant le Pavillon d Or. Le symbolisme est ici très marqué car les massifs montagneux disposés en cercles concentriques désignent diverses sphères célestes qui sont autant de sphères de méditation. Ainsi l eau et la montagne fusionnent dans l image de l île, ce qui prend une signification toute particulière pour un peuple insulaire. Le san-sui 48, montagne et eau, terme sino-japonais désignant le paysage, est l un des concepts métaphysiques les plus importants fondant l art du jardin et de la peinture. D autre part l eau symbolise l adaptabilité : elle a une structure, mais dans un bol elle devient ronde ; dans une boîte elle devient carrée ; dans un tube elle s allonge. Illustration 28 : jardin du temple Makaya-ji ; Shizuoka 38

5 On peut encore ajouter, à propos de la cosmologie hindouiste, que les jardins japonais ont souvent étés conçus comme un mandala avec l axe du monde en son centre. Cette correspondance s explique puisque le mandala 49 est une représentation des principes structurels de la conception hindouiste de l univers Le zen Illustration 29 : Kare san-sui (jardin montagne et eau ; sec) ; Tofuku-ji ; Kyoto La sobriété du zen, qui peut aller jusqu au dénuement, surprend souvent les Occidentaux. Dans un jardin sec, les végétaux sont absents, la montagne et l eau sont simplement évoquées par des pierres dans le sable traité en relief. Ce type de paysage, élaboré à l origine par des moines, est destiné à la contemplation. Ce n est pas la manifestation extérieure de la nature qui domine ici, mais la recherche de son essence intime. Sept principes régissent la culture zen. On les retrouve dans les jardins comme dans les autres arts. 39

6 Les sept principes La doctrine zen a pénétré tous les domaines de la culture et les a profondément marqués. Elle a étendu son influence sur la religion, la philosophie, l éthique, les arts comme le théâtre No, la cérémonie du thé, la calligraphie, et le jardinage.tous ces aspects de la culture ont en commun sept caractéristiques établies par Hisamatsu Shinichi. Ce sont : L asymétrie : la beauté n est pas dans la régularité, la perfection, mais dans la forme exprimée après qu on a délaissé ces aspects. Tel est l intérêt de la ligne brisée et de l irrégularité. La sobriété : elle éloigne ce qui est trop élaboré, trop construit. L austérité : elle fait apparaître l essence de la beauté lorsque le temps a fait son effet. Le naturel : c est la spontanéité, l impulsion créatrice dépourvue de tout artifice. La profonde réserve : l état sans fond du zen est illustré par sa tranquillité absolue. La liberté absolue : liberté sans condition, sans obstacle, sans contrainte. La sérénité : calme intérieur que rien ni personne ne peut perturber. Ces sept caractères sont inséparables, mais aucun d eux n existe isolément, chacun doit contenir les six autres. En ce qui concerne le yoga, cinq de ces caractéristiques me semblent fondamentales dans la pratique. La simplicité doit dominer dans le choix des postures ; le naturel rejoint la liberté absolue dans l exécution et l état d esprit ; la profonde réserve et la sérénité s avèrent indispensables pour un cheminement évolutif Les jardins minéraux Les étendues de sable, blanc et ratissé, rappellent les graviers et le riz que l on prépare pour les divinités des arbres lorsqu elle descendent au bord des rivières, selon le rituel shintoïste 50 : pendant la période hivernale les dieux protecteurs vivent dans les montagnes ; au printemps on va les chercher pour les faire descendre dans les rizières. Les plus anciens lieux d adoration se trouvaient en 40

7 effet à proximité d une rivière et étaient recouverts de galets. C est pourquoi des galets bleuâtres symbolisent l écoulement vivant de l eau. Illustration 30 : rivière de galets ; temple Shinnyo-in, Kyoto Mais cet arrière-plan sacré permet à celui qui contemple le jardin minéral de réaliser comme le yogi en méditation l expérience existentielle du vide, en faisant abstraction du monde qui l entoure. On pénètre dans ce vide en contemplant une étendue plane, limitée dans ses dimensions, mais qui semble infinie si on déplace progressivement le regard ; l évolution est très comparable à la visualisation d un mandala. Ainsi le jardin kare-sansui 51 paysage sec porte l esprit à la méditation en élevant la pensée au-delà de la confusion des apparences : c est aussi ce à quoi aspire le yogi dans son cheminement. 41 Illustration 31 : kare sansui, Ryogen-in Kyoto

8 Les jardins verts Même dans les jardins verts, la présence des éléments floraux reste très discrète et n est jamais dominante. L accent est mis sur l harmonie des lignes, comme si le jardin était une œuvre de la nature, sans artifice humain. On y utilise des végétaux taillés avec soin et vigilance pour évoquer des vagues, ou bien des formes montagneuses, qui exaltent la couleur et la texture des arbustes choisis : c est ce qui s appelle l art du o-karikomi 52. Dans le jardin du Daichi-ji, l o-karikomi constitué d azalées taillées est attribué à Kobori Enshu 53 ; il représente un bateau trésor avec sept dieux du bonheur à son bord. Illustration 32 : l art du o-karikomi dans le jardin Daichi-ji, Minakuchi. 42

9 L art suprême consiste à suggérer et à capter l essence de la nature pour créer un univers apaisant, fait de silence et de sérénité, dont la contemplation fait plonger au plus profond de soi. La dynamique de la végétation et du relief fait participer le spectateur à la vie de la nature par une sorte d empathie kinésique qui renvoie à l utilisation du corps comme support dans les postures de yoga, au service d une recherche intériorisée. D ailleurs, le mot sanscrit asana qui désigne la posture de yoga, signifie aussi résolution de conflit Le symbolisme Les principes qui régissent l architecture des différents jardins japonais sont réunis dans un traité très ancien, le Sakutei-ki 54. L application de tous ces principes directeurs pourrait aboutir à une juxtaposition de pierres, d eau, et de plantes. Il s agit au contraire d une intégration intime du vivant et de l inerte, du fugace et de l éternel, de l apparence et de l essence des choses qui rejoint les aspirations à l unité du yogi. Mais l imaginaire et la méditation supportent mal un rythme accéléré ou la distraction du regard. C est pourquoi, dans un jardin japonais, on chemine à pas lents pour laisser l harmonie apaiser notre désordre intérieur. Chaque élément est en effet bien plus qu un objet : telle pierre est une montagne sacrée ; l eau immobile est le miroir du jardin céleste ; cet arbuste qui refleurit est la vie qui se perpétue. On peut considérer que «tout se passe comme si les pierres, les eaux, les rochers, les arbres possédaient des charges affectives qui suscitent un dialogue sentimental avec le visiteur.» Michel Baridon Illustration 33 : Tofukuji ; Kyoto

10 3.2 L Ikebana Une ligne est un symbole, Deux lignes sont l harmonie, Trois lignes sont l image de l accomplissement. Comme le yoga, l ikebana est à la fois une pratique et un art. La relation que le pratiquant noue avec la nature est ici évidente, puisqu il s agit toujours de réaliser un arrangement végétal. Le terme ikebana formé de ikeru vivre et de hana fleur signifie : faire vivre les fleurs, mais aussi l art de vivre avec les fleurs, par les fleurs. On peut considérer que, «par l arrangement subtil d un bouquet, l ikebana permet de retrouver le grand équilibre de la nature, de rendre hommage à Dieu, à Bouddha, aux dieux.» Martine Clément 56. Illustration 34 : Ikebana Kozan school ; callicarpe et petit chrysanthème 44

11 3.2.1 Une philosophie Tout l art de l ikebana consiste à dépouiller les branches à la recherche d une ligne pure permettant d exprimer l harmonie. Sa spécificité repose sur la philosophie qui l inspire : à la source de l art floral japonais comme voie de sagesse se trouve le shintô, puis le bouddhisme zen. Les premiers moines bouddhistes qui l ont créé au 7éme siècle en ont fait un art sacré en poursuivant la tradition des offrandes de fleurs à Bouddha. Cette tradition a été perpétuée par voie orale, sans changement, pendant sept siècles, puis codifiée en 1462 par l école Ikenobô, terme qui signifie «le moine au bord de l étang». Le grand maître fondateur Ikenobô Senkei évoque «une relation logique où homme et nature étaient envisagés comme une unité dans laquelle la vie de l homme et celle de la fleur étaient indissociables». A Kyoto, dans le Rokkaku Dô 57, les maîtres continuent d enseigner les règles de l école selon lesquelles : «il faut exprimer les mouvements des fleurs sauvages dans les champs, l harmonie du bleu du ciel, la brillance de l eau ou la couleur des iris que l on choisit pour contraster avec les reflets de la lune dans la clarté de l été finissant». L harmonie est aussi créée grâce aux contrastes ; le choix des couleurs des feuillages et des fleurs, qui est déterminant, s accompagne de symboles liés pour les bouddhistes aux cinq éléments : bleu pour l air jaune pour le vent rouge pour le feu blanc pour l eau noir pour la terre «Une fleur vit chaque instant insaisissable dans l attente d être regardée. En silence, elle ne parle qu à ceux qui la regardent et savent vivement pénétrer la nature. C est ainsi que nous arrangeons les fleurs en écoutant leurs mots silencieux» Ikenobô Senkei. 45

12 A l origine, les arrangements appelés rikka étaient composés de sept ou neuf lignes de fleurs et de branches. La longueur et la position des éléments, codifiées par Ikenobô, ont un sens symbolique assez précis. Certains sont également présents dans les jardins japonais : l ensemble représente la montagne mythique, symbole de l univers, le mont Shumi-sen. Ce sont les branches qui symbolisent les rochers et les pierres, tandis que les chrysanthèmes blancs figurent l eau des rivières. Illustration 35 : schéma des neuf parties du rikka selon Ikenobô Illustration 36 : ikebana rikka traditionnel ; école Ikenobô ; cotonéaster, bois de pommier, chrysanthème, pin 46

13 3.2.2 Une évolution Au 16ème siècle un changement important s opère ; l ikebana n est plus considéré comme une pratique religieuse, mais comme un art, exclusivement réservé aux hommes ; il se libère alors des règles strictes du rikka, les éléments étant désormais disposés de manière moins contraignante. De plus, la cérémonie du thé a beaucoup influencé l art floral en le conduisant au dépouillement, à la sobriété : les bouquets devaient être petits pour pouvoir être placés dans le tokonoma 58. Ce n est qu au 18ème siècle que les femmes accèdent à la pratique de l ikebana au moment où apparaît le shôka à trois branches, dont la disposition en triangle est inspirée par la notion confucéenne ternaire de la triade 59, l homme étant le lien entre le ciel et la terre. Cette forme est encore en usage de nos jours.. Illustration 37 : ikebana-shôka ; école Ikenobô ; petits chrysanthèmes 47

14 A la fin du 19ème siècle, les écoles se diversifient et l ikebana se diffuse dans l ensemble de la société japonaise. On assiste à la création successive des trois écoles aujourd hui les plus populaires. En 1895 est fondée l école Ohara qui propose l utilisation de fleurs occidentales pour les bouquets japonais, en utilisant des contenants bas et peu profonds (moribana). En 1910 c est la création de l école Kozan qui utilise des formes libres ; Illustration 38 : ikebana moribana ; école Ohara ; cognassier, feuilles d hémérocalles, lys puis en 1927 est créée l école Sogetsu qui a introduit l insolite en diversifiant à l extrême les possibilités d utilisation des récipients et des végétaux et en autorisant l apport de matériaux inhabituels. Illustration 39 : ikebana moribana ; école Sogetsu ; rotin, feuilles d aspidistra, amaryllis 48

15 3.2.3 Une pratique J ai été frappée par la similitude quant à l atmosphère qui règne dans les groupes de yoga et d ikebana : la qualité de la communication y est exceptionnelle alors que le silence domine dans une ambiance parfaitement calme. Les participants à une séance d ikebana ont des exigences personnelles d ordre spirituel qui se situent bien au-delà d une activité d art décoratif. Certains viennent à la recherche d une véritable harmonie intérieure, d autres la découvrent au fur et à mesure de leur pratique. Le maître d ikebana propose un thème, des végétaux liés à la saison, et des contenants. S il enseigne quelques règles de composition et des structures de base, il invite surtout les élèves à l exercice de leur propre concentration pour établir, avec les végétaux qu ils ont choisis, une authentique communication ; puis il les incite à se détacher de leurs préoccupations, en une sorte de lâcher prise, pour entrer dans une totale disponibilité à l énergie vitale, le Ki. Le ressenti s apparente alors à celui de la méditation, la conscience du temps est rapidement brouillée pour bientôt disparaître, dès que l enracinement est réalisé. La richesse est dans l intention et précède la réalisation, comme l intensité de la visualisation qui précède une posture détermine sa force et ses effets. L harmonie totale doit à la fois jaillir et apaiser. Lorsque les grandes lignes de la réalisation sont choisies, je canalise toute mon énergie dans mon propre enracinement pour ancrer fleurs et branchages dans le pique fleur métallique qui les accueille. Il existe alors un véritable parallèle entre yoga et ikebana en ce qui concerne l assise : un écartement suffisant des tiges à la base libérera l expression artistique et les potentialités de la composition. On y apporte le même soin que pour la prise d une asana : de l écartement des pieds pour une posture debout ou de la stabilité pour une posture assise, dépendront à la fois l équilibre et la circulation optimale du flux énergétique. Les écarts de comportement peuvent être identiques dans les deux activités par rapport à l attitude dans l existence. De plus, on ne limite pas les végétaux à leur stricte dimension physique, mais on prolonge mentalement leur ligne dans l espace, exactement comme dans un exercice d étirement en yoga quand, au-delà du corps physique, on prolonge 60 49

16 l élan dans le corps éthérique. Un des principes de l école Sogetsu s énonce ainsi : «chacun doit comprendre que le seul moyen de créer est la recherche de soi-même, en passant par l effort». Dès ce moment décisif, j ai conscience, à travers mon activité, de participer à l unité fondamentale, tous les êtres de l univers partageant une communauté d existence. La démarche repose sur une connivence avec les végétaux et un ressenti des flux d énergie devant lesquels l activité intellectuelle s efface, tout comme lors d une pratique de yoga. Le maître rappelle que l arrangement végétal se suffit à lui-même en symbolisant toutes les fleurs de ce monde ; chaque composition est un microcosme relié à l infini par des liens invisibles qui rattachent à son centre tous les points de l univers. Son inscription dans la triade fondamentale ciel-homme-terre exprime symboliquement la totalité cosmique. Ainsi Sofu Teshigahara, fondateur de l école Sogetsu, compare l élaboration de l œuvre à «un miracle qui s accomplit» pour en souligner le caractère sacré et la dimension universelle. «Une poignée de fleurs devient autre chose que le simple total de ses éléments. Fleurs et tiges ont été combinées et comme recréées en quelque chose de nouveau, en un ikebana qui exprime à la fois l esprit des fleurs et le cœur de son auteur.» Pratiquer l ikebana, c est s approcher de la réalisation de son harmonisation personnelle avec l univers. Voir dans sa propre nature est voir par soi-même le vrai visage du lotus. Hakuin. De plus, la sérénité ressentie dans l accomplissement est aussi contenue dans l œuvre qui rayonne d une énergie particulière, intensément perçue par ceux qui la contemplent. Sa présence est très intense et évocatrice. Il arrive parfois qu on éprouve des difficultés lors de la réalisation. Ces difficultés à contrôler, non pas ses gestes, mais son mental, sont tout à fait comparables à ce que l on observe dans la réalisation des postures d équilibre dans une pratique de yoga : nous sommes tributaires de l état mental dont nous sommes le reflet et que nous ne sommes pas toujours en mesure de modifier. C est en fait notre harmonie qui se reflète dans le bouquet d ikebana. 50

17 3.2.4 Correspondances entre asana 61 et ikebana Torsion Viparitakarani La montagne 51

18 Posture inversée Pince Etirement en planche et demi pont 52

19 3.3 Feng-shui La reconnaissance des rapports écologiques entre l homme et les forces de la nature est établie dans la géomancie et connue sous le terme de feng-shui, qui signifie vent et eau. La géomancie est une science reconnue en Chine et au Japon : elle détermine l emplacement énergétique favorable lors de la construction d une maison, d une ville, ou d un jardin. La prise en compte de la circulation des énergies repose sur une compréhension globale du cosmos, l homme étant une partie intégrante de la nature et de ses flux énergétiques. Le spécialiste va s attacher à des corrélations entre des facteurs géographiques tels que la géologie, le climat, les champs magnétiques, et des facteurs astraux, comme les phases de la lune et les solstices, au service du bien être psychosomatique de l homme. Comme le yogi, le géomancien a une approche holistique, et tient compte de l interdépendance de toutes les couches du réel du point de vue énergétique, le monde extérieur et le monde intérieur se reflétant l un dans l autre. On peut ainsi comparer l acupuncture à une sorte de géomancie du corps humain et la géomancie à une sorte d acupuncture appliquée à la nature. Il existe un système chinois de corrélations inductives qui transcrivent les cinq éléments ou les cinq phases évolutives ; il est visible dans toutes les pharmacies en Chine et se présente sous la forme d un diagramme : Aux planètes, monde extérieur, correspond le monde intérieur avec ses émotions et ses organes. Le plus ancien document conservé sur l art du jardin au Japon, le Sakutei-ki, du 11éme siècle, fait déjà état de recommandations très détaillées en ce sens. 53