Etude de la Chouette de Tengmalm (Jura bernois) : Rapport intermédiaire après 8 ans d étude

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1 Bienne, le 7 novembre 2003 Etude de la Chouette de Tengmalm (Jura bernois) : Rapport intermédiaire après 8 ans d étude Anatole Gerber, Ch. de la Prévôté 18, 2504 Bienne 032/ , gerberanatole@yahoo.com Albert Bassin, Ecole, 2536 Plagne oenale@yahoo.fr 1. INTRODUCTION Depuis 1996, nous baguons les Chouettes de Tengmalm (Aegolius funereus) du Jura bernois dans nos nichoirs, ceux de Jacques Bassin et de Andreas Kammermann, ainsi que dans des cavités de Pic noir (Dryocopus martius). La zone d étude couvre environ 70 km 2, où une cinquantaine de nichoirs sont posés de manière irrégulière, et une trentaine de cavités de Pic noir sont contrôlées en quatre endroits. Le massif du Montoz, la Montagne de Romont, le Mont Sujet, Béroie (Bellelay) et la Montagne de Saules-Moron sont équipés de nichoirs. Sur le massif de Chasseral, seules les cavités naturelles sont suivies, sans pose de nichoirs. La répartition et le nombre de ceux-ci sont restés relativement semblables d année en année. Dans ce rapport, les résultats pour la saison 2002 seront rapidement présentés (chapitre 3), avant de passer à ceux de 2003 (chapitre 4), avec une analyse un peu plus détaillée de la situation des chouettes que nous suivons. 2. METHODE Des explications détaillées sur la méthode d étude, ainsi que des renseignements sur la biologie de la Chouette de Tengmalm peuvent être trouvés dans la littérature indiquée en fin de rapport (1). Notons en particulier que notre méthode est très proche et très inspirée de celle de Pierre-Alain Ravussin dans le Jura vaudois (4). Cette étude, qui vise à étudier la reproduction de cette espèce le plus complètement possible, se déroule en plusieurs phases durant l année. Dès les mois de janvier-février, les chanteurs sont repérés dans les zones favorables. Les cavités de Pic noir sont ensuite contrôlées au grattage en mars-avril. A partir de mi- ou fin avril et parfois jusqu en juin ou juillet, tous les nichoirs sont visités, ainsi que les cavités où l espèce est probablement présente. Les jeunes sont bagués, et les femelles sont capturées et également baguées. La capture des mâles par la pose d un piège est tentée si la situation est favorable. Lors du baguage, un certain nombre de mesures sont prises sur les oiseaux, et le contenu des nids est aussi noté (jeunes, œufs et proies). 1

2 3. RESULTATS 2002 La saison 2002 a été assez particulière, étant donné que le nombre de nids était assez respectable pour notre région (5 nids, voir tableau 1 en page 3), alors que le succès de reproduction fut très faible. Une bonne surprise venant du Nord nous a tout de même réjouis : une chouette femelle baguée en Allemagne! Nombre de nids, répartition géographique Trois des quatre nids de la saison 2001 se trouvaient dans notre eldorado régional à Tengmalm, dans le secteur de la Montagne de Saules Moron. Le dernier nid a été découvert dans un nichoir à Béroie près de Bellelay. Notons encore que pour la première fois, un nid a été trouvé à Montbautier, dans un des nichoirs posés par Andreas Kammermann il y a de nombreuses années. Succès des nichées, date de ponte Malgré un nombre de nids moyen, le succès des nichées a été faible. Deux nichées ont échoué, probablement par manque de nourriture. Quatre jeunes se sont envolés de chacune des deux autres. La date de ponte moyenne est le 16 mars (pour les deux nids réussis). Capture des adultes, reprises Seule une femelle a été capturée en 2002, mais quelle femelle! Il s agissait en effet à nouveau d une chouette allemande. Elle avait été baguée jeune au nid en 2001 près de Braunschweig, à 550 km de Bellelay, où cette voyageuse a décidé de s installer. Le mâle de cette nichée a également été capturé. Lors de l exceptionnelle saison 2000, plusieurs femelles allemandes d un an avaient déjà été trouvées dans le Jura suisse, faisant penser à une année d invasion (2, 3, 5). Si ce phénomène est connu depuis longtemps pour les populations scandinaves, cet événement constituait une première pour l Europe centrale. La femelle trouvée à Béroie en 2002 représente donc une intéressante répétition de moindre importance de «l invasion» de Notons en plus que cette femelle est arrivée en Suisse pour une saison à Tengmalm généralement médiocre dans le Jura (4). Cette donnée laisse supposer que les Tengmalm se déplaceraient assez fréquemment à longue distance, et pas seulement les années à caractère d invasion. 2

3 4. RESULTATS 2003 Nombre de nids, répartition géographique Nids en cavités Nids en nichoirs Tableau 1 : évolution du nombre de nids en cavités de Pic noir et en nichoirs depuis 1996 En 2003, 8 nids de Chouette de Tengmalm ont été trouvés dans le Jura bernois (Tableau 1). En 2002 et 2003, les saisons furent «moyennes», contrairement aux précédentes qui étaient soit exceptionnelles, soit lamentables. De plus, la population nicheuse semble se reconstituer peu à peu après l effondrement qui a suivi l exceptionnelle saison Nous verrons si cette apparente augmentation va déboucher en 2004 ou 2005 sur une nouvelle «année à Tengmalm» ou s il s agit d une variation aléatoire. Cette année, un record de nids en cavités de Pic noir a été trouvé (4 nids). Trois d entre eux situés dans une seule zone située sur le Chasseral. Ce secteur semble encore très bien convenir à la Tengmalm, malgré une coupe de bois importante effectuée en automne Il faut cependant préciser que les arbres à cavités avaient été pris en compte lors du martelage. Pour la première fois, une cavité de Pic noir a été occupée dans un pâturage boisé, et non en pleine forêt. A un niveau plus local, la répartition des nids entre les différentes zones couvertes est certainement autant intéressante que l évolution du nombre total de nids : la zone de Chasseral semble de plus en plus fréquentée, tandis que le secteur le plus productif au début de l étude, la zone Montagne de Saules Moron, semble perdre un peu d importance. Cette année, seuls 2 nids y ont été trouvés. Pour comparaison, en 1996, ce secteur comptait 9 nids sur les 16 trouvés. Les autres secteurs (Montoz, Montagne de Romont, Mont Sujet, Montbautier) sont occupés de manière très irrégulière, à savoir une seule année pour chaque zone depuis 1996, et deux fois à Montoz. Cependant, ces secteurs semblent quand même importants pour les Tengmalm, notamment pendant les saisons exceptionnelles comme 1996 ou 2000, où un grand nombre de nichées peuvent s y développer. (Par exemple 5 à Montoz en 2000 ou encore 2 à Mont Sujet en 2000, sur 3 nichoirs posés.) 3

4 Succès des nichées, date de ponte Deux nids en nichoir ont échoués cette année. Un des deux a clairement été victime de la martre, grand prédateur de Tengmalm dans de nombreuses régions. Dans le Jura bernois, et depuis le début de notre étude, c est la première preuve de la prédation de la martre sur une nichée de Tengmalm. Il nous reste à espérer que le mustélidé ne commence pas à visiter systématiquement les nichoirs, comme il le fait dans d autres régions A part ce cas problématique, la grandeur de ponte se rapproche des records des meilleures années avec en moyenne 5,7 œufs pondus. Avec 3 jeunes à l envol par nid tenté et 5 par nid réussi, le succès de reproduction est également élevé. Cette année fut donc moyenne au niveau du nombre de nids, mais plutôt bonne en ce qui concerne le succès de nidification. La date de ponte moyenne est le 21 mars, ce qui est tout à fait dans la norme. Capture des adultes, reprises Sept femelles adultes ont été baguées cette année (sur les huit nids découverts), et un mâle fut capturé à l aide de notre piège. Au chapitre des reprises, on notera une donnée intéressante : la femelle née en Allemagne en 2001, et que nous avions contrôlée en 2002 dans un nichoir à Bellelay (voir page 2), a niché en 2003 dans le même nichoir que l année précédente! Cette immigrante a donc dû trouver une région et un nichoir qui lui convenaient. Peut-être que les charmes d un certain mâle l ont aussi retenue chez nous, étant donné que celui avec lequel elle s est appariée était le même qu en 2002! Un coup de chance que les deux années, le seul mâle que nous ayons réussi à piéger fût celui-là. 5. PROJETS Le Jura bernois est une bien vaste région, et les Tengmalm peuvent s y trouver un peu partout dans les zones les plus élevées. Etant donné que le temps libre à notre disposition nous empêche de couvrir un secteur plus large, nous allons chercher d autres personnes susceptibles de poser et de suivre quelques nichoirs ou une zone à cavités de leur choix Avis aux amateurs! La prédation par la martre d un des nichoirs à Andreas Kammermann nous fait redouter une augmentation des pertes dues au mustélidé. Dans d autres régions, les nichoirs doivent impérativement être protégés pour voir des petites chouettes en sortir et nous espérons ne pas arriver à cette extrémité. Comme mesure préventive, nous allons déplacer tous les 4 à 5 ans de quelques arbres les nichoirs les plus menacés. Pour le reste, les résultats surprenants à chaque saison et le charme de ces petits lutins de Tengmalm nous encouragent bien sûr à continuer cette étude 4

5 6. REMERCIEMENTS Un grand merci à Andreas Kammermann et à Jacques Bassin, qui nous laissent accéder librement à leurs nichoirs pour le baguage et à tous ceux qui nous apportent leur soutien pour cette étude, que ce soit au niveau logistique, pour des informations ou simplement par leur présence motivante lors de nos sorties! 7. BIBLIOGRAPHIE (1) (2) (3) (4) (5) Baudvin H., J.-C. Genot, Y. Müller (1995) : Les rapaces nocturnes. Éd. Sang de la Terre, Paris. Gerber A. et A. Bassin (1997, 1998, 2001, 2002) : Etude de la Chouette de Tengmalm (Jura bernois) : rapports intermédiaires. Gerber A. et A. Bassin (2001) : Reprises jurassiennes de Chouettes de Tengmalm Aegolius funereus baguées en Allemagne. Nos Oiseaux 48 : GOBE Groupe Ornithologique de Baulmes et Environs (2003) : Etude d une population de Chouette de Tengmalm dans le Jura. Rapport partiel après 18 années d études. P.-A. Ravussin, Baulmes. Ravussin P.-A., D. Trolliet, D. Béguin, L. Willenegger et G. Matalon (2001) : Observations et remarques sur la biologie de la Chouette de Tengmalm Aegolius funereus dans le massif du Jura suite à l invasion du printemps Nos Oiseaux 48 :