«Enseigner la compréhension des écrits en maternelle»

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1 «Enseigner la compréhension des écrits en maternelle» Mercredi 25 janvier 2017 Ecole Albert Séguier/Le Crès Circonscription de Millau / Monique Artières CPC-EPS

2 Que disent les programmes? Bulletin officiel spécial n 2 du 26 mars 2015 Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions Écouter de l écrit et comprendre En préparant les enfants aux premières utilisations maîtrisées de l écrit en cycle 2, l école maternelle occupe une place privilégiée pour leur offrir une fréquentation de la langue de l écrit, très différente de l oral de communication. L enjeu est de les habituer à la réception de langage écrit afin d en comprendre le contenu. L enseignant prend en charge la lecture, oriente et anime les échanges qui suivent l écoute. La progressivité réside essentiellement dans le choix de textes de plus en plus longs et éloignés de l oral.

3 1-3 Qu est-ce qui est attendu des enfants en fin d école maternelle? Communiquer avec les adultes et avec les autres enfants par le langage, en se faisant comprendre. S exprimer dans un langage syntaxiquement correct et précis. Reformuler pour se faire mieux comprendre. Pratiquer divers usages du langage oral : raconter, décrire, évoquer, expliquer, questionner, proposer des solutions, discuter un point de vue. Dire de mémoire et de manière expressive plusieurs comptines et poésies. Comprendre des textes écrits sans autre aide que le langage entendu. Manifester de la curiosité par rapport à l écrit. Pouvoir redire les mots d une phrase écrite après sa lecture par l adulte, les mots du titre connu d un livre ou d un texte. - Participer verbalement à la production d un écrit. Savoir qu on n écrit pas comme on parle. Repérer des régularités dans la langue à l oral en français (éventuellement dans une autre langue). Manipuler des syllabes. Discriminer des sons (syllabes, sons-voyelles ; quelques sons-consonnes hors des consonnes occlusives). Reconnaître les lettres de l alphabet et connaître les correspondances entre les trois manières de les écrire : cursive, script, capitales d imprimerie. Copier à l aide d un clavier. Écrire son prénom en écriture cursive, sans modèle. Écrire seul un mot en utilisant des lettres ou groupes de lettres empruntés aux mots connus.

4 Pourquoi enseigner la compréhension en maternelle? Des inégalités très marquées en fonction du milieu social - dans l accès aux albums* - dans les interactions parents / enfants (verbales et non verbales) dans les activités de lecture de la richesse du vocabulaire enregistré chez les parents «86 à 98 % des mots enregistrés dans le vocabulaire de l enfant sont des mots qui ont été enregistrés dans le vocabulaire des parents» Rodriguez, E. T. et Tamis-Le monda, C. S ( 2011)

5 Que disent les chercheurs? Les compétences acquises en fin de GS dans le domaine de la compréhension ne prédisent pas les performances en compréhension au CP, mais sont prédictrices de la compréhension au cycle 3. Les évaluations nationales et internationales montrent de mauvais résultats en compréhension de textes chez nos élèves. Les enfants disent dans le rappel de récit ce qu ils ont compris (et ils ne comprennent pas toujours ce que l on pense qu ils comprennent). Chez l enfant, le récit oral se construit vers 7/8 ans; le récit écrit vers 10/11 ans. Aucune étude ne dit que plus on lit, plus on comprend. Aucun texte n est simpliste pour un enfant. Les petits juxtaposent: les albums pour jeunes enfants ne disent jamais ce que pensent les personnages. Avant 5ans, les enfants ne peuvent pas comprendre seuls le texte.

6 Quel enjeu pour l école maternelle? La maternelle va préparer les élèves à répondre à l équation pour la lecture L = D x Co x Cé (Lire = déchiffrer x comprendre l oral x comprendre l écrit)

7 Quel rôle pour l enseignant? Pour aider les élèves à comprendre, il faut pour cela identifier: les obstacles à la compréhension, les difficultés des élèves à comprendre. Comprendre = «saisir» ( latin classique) Comprendre = «prendre ensemble» ( latin populaire) => saisir les informations, les relier entre elles, les organiser

8 Quels sont, selon vous, les obstacles à la compréhension de «Zouzou»? Hypothèses sur l origine des difficultés des élèves : - le vocabulaire : plus de 10% de mots inconnus, le texte est incompris

9 Quelles sont les pratiques de la majorité des enseignants? (R.Goigoux) Lecture à haute voix Echanges collectifs : «Vous avez aimé cette histoire?» Questions de vérification de la compréhension - De qui parle cette histoire? - Qu est-ce qui arrive à Zouzou? - Que dit maman au renard? - Est-ce que le renard mange Zouzou? - Pourquoi le renard se sauve-t-il? Activité individuelle de remise en ordre de 4 images réalisées par l enseignant.

10 Quelles sont les tâches majoritaires à l école maternelle (d après Boiron, 2003) 1. Répondre aux questions de l enseignant(e) 2. Remettre en ordre des images 3. Restituer un récit

11 7 écueils à éviter (R. Goigoux) Compétences requises pour comprendre, mais non enseignées 1) Sous-estimer les difficultés de compréhension des élèves - manque d attention - lexique - syntaxe - inférences - anaphores - temporalité - spatialité - connaissances du domaine évoqué - relations causales implicites - indécidable - théorie de l esprit - connaissances sur les récits de ruse - difficultés psychologiques

12 2) Evaluer avant d enseigner: proposer des activités solitaires et trop précoces - remise en ordre des images - travail sur fiche (immédiatement après une séance de manipulation et d exploration): travail scolaire assimilé à de l écrit, solitaire et évalué individuellement/représentation chez les élèves les plus en difficulté à l école élémentaire); - travail centré sur l aspect formel (découper, coller proprement) // enjeu cognitif, activité mentale

13 3) Multiplier les tâches d anticipation et d invention - imaginer le contenu d un livre à partir de sa couverture - émettre des hypothèses comprendre, c est deviner

14 4) Survaloriser le questionnement au détriment de la reformulation questions portant sur la forme littérale du texte plus que sur l implicite (les questions de type informatif rassurent: de quelle couleur?) renforcent la passivité des élèves face au texte présupposent que les élèves ont déjà compris

15 5) Multiplier les expériences littéraires : privilégier la quantité à la qualité construire avec les élèves un réseau autour d une dynamique de compréhension (ex: la ruse), d un personnage (archétype), d un thème, d un auteur, d un genre 6) Se mettre en retrait : confondre comprendre et interpréter hypothèses improbables, impossibles nées de l imaginaire du contenu du livre (à partir de la couverture) hypothèses acceptées au détriment de la rigueur 7) Laisser les élèves construire leur compréhension de manière autonome : (dérive constructiviste)

16 Quelles sont donc les compétences requises pour comprendre? (consensus scientifique) Des connaissances lexicales et syntaxiques Des connaissances encyclopédiques, connaissances du monde Des compétences narratives La capacité à produire des inférences, lire entre les lignes La capacité à trier et à mémoriser les informations importantes La capacité à assurer la cohérence textuelle La capacité à raisonner, réguler et contrôler sa compréhension D après Sylvie Cèbe - Colloque Lire/écrire - Fribourg 2011

17 Quelles alternatives? 1) Tâches de découverte : aider les élèves à comprendre 2) Tâches de transposition : approfondir et exercer la compréhension 3) Tâches de transfert : réinvestir les habiletés exercées (et vérifier la compréhension) 4) Tâches décrochées : exercer des stratégies propres aux tâches scolaires

18 Les tâches de découverte Proposition 1 : «Je lis, vous écoutez. Vous allez fabriquer les images de l histoire dans votre tête» «Dites-moi ce que vous avez compris de cette histoire» Questions de la maîtresse pour aider à comprendre la ruse de la maman : - Est-ce que c est vrai que Zouzou a une maladie? - Comment ça se fait qu elle ne dit pas la vérité cette maman? - Est-ce que le renard sait que Zouzou a seulement de la peinture? Récapituler l histoire (activité collective et guidée) Relecture à haute voix

19 Proposition 2 : Lecture à haute voix Premiers échanges : «qu est-ce qu elle raconte cette l histoire?» puis : «est-ce que vous avez bien compris?» Relecture de la première page : rappel immédiat (R1) (lapin, bébé, blanc, Zouzou) Relecture de la seconde page : reformulation puis rappel des deux premières pages (R 1+2) («C est l histoire de Zouzou. C est un bébé lapin, il est blanc. Il aime faire de la peinture mais il se salit beaucoup») Relecture de la troisième page : nouvelle reformulation et nouveau rappel (R1+2+3)

20 R1+2+3 ; à l issue de la lecture de la troisième page «Zouzou c est un bébé lapin tout blanc Il s est mis de la peinture verte sur lui Sa maman lui dit d aller dehors pour se laver dans l herbe Mais le renard arrive pour le manger»

21 Les tâches de transposition Pour approfondir et exercer la compréhension Trois activités fondamentales Reformuler, paraphraser Résumer, relier Mémoriser, rappeler

22 Du dialogue au monologue Rappel du récit : raconter collectivement puis individuellement Sans support mais avec l aide de la maîtresse et/ou du groupe À l aide de dessins déjà organisés chronologiquement Théâtralisation : jouer les dialogues (discours indirect / discours direct) À l aide d une maquette et de figurines

23 Proposition 3 : Relire en prenant appui sur un décor (plan ou maquette) : les différents espaces dans lesquels évoluent les personnages (ici le terrier, la prairie, le bois où vit le renard) Reprendre le récit en demandant aux élèves de venir chercher, dans une boîte, les choses dont on a besoin pour raconter l histoire (un petit lapin blanc, de la peinture verte, des pinceaux, une feuille, une grande lapine, un renard, ). Prendre soin de placer des choses inutiles (un petit lapin marron, une poule, des feutres, un stylo plume, un loup ). Demander systématiquement aux élèves de justifier leur choix («Pourquoi ne prends-tu pas le petit lapin marron?»). Utiliser les données du texte pour argumenter.

24 Les élèves racontent à leur tour en prenant appui sur les figurines et accessoires sélectionnés. Reprendre le récit et demander aux élèves de le mettre en scène (de déplacer les personnages). Utiliser le même matériel (plan, personnages et objets) pour imaginer et de expliciter ce que pensent les différents personnages aux différents moments du récit. Mettre en mots des émotions et des intentions.

25 Les tâches de transfert : réinvestir les habiletés exercées Proposition 5 : Une ou deux pages à insérer Expl :«Tu vois, dit la maman de Zouzou à son fils, pour tromper le renard, il faut être plus malin que lui!» Ou bien Elle se mit à réfléchir et trouva une bonne idée. Inventer une suite ou un dialogue qui ferait suite au dénouement Choisir une phrase «titre» ou «résumé» parmi plusieurs proposées Raconter la même histoire des trois points de vue : Zouzou, sa maman, le renard Détecter une erreur dans une relecture effectuée par la maîtresse Interpréter les erreurs d autres enfants

26 Proposition 6 : juger de la qualité de réponses d élèves fictifs (la meilleure, la pire, pourquoi ) Proposition 7 : expliciter l implicite Une nouvelle inférence causale Débattre et conclure qu on ne peut pas toujours trancher (indécidable) : pourquoi la maman de Zouzou lui demande-t-elle de sortir pour se laver? Pourquoi Zouzou se roule-t-il dans l herbe?

27 Les tâches décrochées : exercer des stratégies propres aux tâches scolaires Proposition 7 : apprendre à mettre des images en ordre Faire observer et décrire très précisément les cinq images qui représentent les différentes scènes (montrées dans le désordre) Montrer une image intrus et demander aux élèves de dire pourquoi cette image ne convient pas. Placer ensuite toutes les images dans une boîte et demander aux élèves de décrire celle qui sera placé au début (celle qui illustre le début de l histoire). Inciter à justifier leur choix en ayant recours au texte. Demande à un élève de venir chercher la bonne image, de justifier son choix et d expliquer pourquoi les autres ne conviennent pas. Procéder de la même manière jusqu à la fin de l histoire. Demande aux élèves de venir, à tour de rôle, raconter l histoire en s aidant des images.

28 «Vous souhaitez aider vos élèves à comprendre un album: Quelles situations mettez-vous en place avec vos élèves?» avant la lecture - pendant - après la lecture * Document audio.

29 Des conseils pour lever les obstacles à 1) Privilégier le langage oral: raconter la compréhension 2) Résumer l histoire avant de la lire : pas d hypothèse sur la chute, ce n est pas l âge! 3) Lire et relire les mêmes histoires 4 à 5 fois (pas de nouvelles histoires trop souvent) Les élèves peuvent alors anticiper : «là, tu vas dire ça» anticiper le plaisir Chez les plus grands, oser en fin d année une lecture neutre, sans intonation. L intonation est la première grammaire du petit. 4) Varier les lectures

30 Pour enseigner la compréhension, donner 4 versions d une même histoire 1 er jour: Mettre en autonomie «Vous me direz à la fin s il y a un mot qui vous a plu». 2 ème jour: Ajouter tout ce qui manque, alimenter la compréhension. 3 ème jour: Ne garder que ce qu il y a dans le livre. 4 ème jour: Apporter le livre, ne pas le montrer et attendre les élèves dire que c est l histoire que vous avez racontée. Gérer la même histoire différemment selon le niveau de classe: «Roule galette» PS histoire seulement racontée MS raconter plusieurs fois avant de lire GS lire

31 ! Ne pas instrumentaliser la littérature. C est le maître qui attire l attention sur les graines, les feuilles mortes. Ritualiser la littérature: créer la culture classe, le vivre ensemble, le nourrissage culturel. Les questions permettent de construire la compréhension, d enseigner la compréhension: PS «C est l histoire de qui?» MS «Qu est-ce qui arrive?» (construction du récit) GS «De quoi ça parle» (thème) Les questions de type informatif rassurent: De quelle couleur? Travailler sur les questions explicites «Comment cela se fait que?...»

32 Conclusion Comprendre s'apprend : «Comprendre c est comme les antibiotiques, ce n est pas automatique», Sylvie Cèbe. la compréhension s'enseigne prévoir des séances dédiées à cet apprentissage (différentes des séances de lecture offerte, plaisir), organisées en séquences avec une progressivité (faire quelque chose avant, après la présentation) et donc, comme le travail des autres compétences (graphisme, phonologie, production d'écrits...), ne peut pas s'effectuer uniquement en collectif Utiliser différents types de récits, y compris des récits sans images Privilégier les tâches qui permettent aux élèves de faire des inférences causales, en lien avec les états mentaux des personnages («se mettre à leur place» pour percevoir leurs intentions, leurs émotions, leurs connaissances ou méconnaissances des situations) plus que les tâches uniquement axées sur la chronologie les tâches de vérification peuvent être construites dans cette perspective. Mettre les élèves en situation de rappel de récit (même si la compétence «rappeler l'ensemble d'un récit, en tenant compte des relations logiques...» ne peut être acquise avant la fin de la maternelle).