DOSSIER PÉDAGOGIQUE LES VIES DU LIVRE TABLE DES MATIÈRES

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1 DOSSIER PÉDAGOGIQUE LES VIES DU LIVRE TABLE DES MATIÈRES I. De la naissance d une idée à la mise par écrit 2 II. De l écrivain à l éditeur 3 III. Réalisation de la maquette du livre 5 IV. L impression et la reliure 6 V. Le livre en route vers ses lecteurs 8 VI. Utilisations du livre 9 VII. Mort du livre 11 VIII. Renaissance d'une oeuvre 14 IX. Schéma général : Les vies du livre 15 BIBLIOGRAPHIE 16 Service éducatif - KBR 1

2 I. DE LA NAISSANCE D UNE IDÉE À SA MISE PAR ÉCRIT La toute première étape dans l élaboration d un livre est la naissance de l idée dans la tête de l écrivain. L inspiration est la condition sine qua non à la naissance de tout livre, mais la trouver n est pas toujours de tout repos. Jusqu à la Renaissance, la majorité des auteurs attendent qu elle vienne à eux. À l heure actuelle, la raison a pris le pas sur le divin et l écrivain a plutôt tendance à chercher l inspiration : il se documente, visite les bibliothèques, voyage afin de récolter les informations nécessaires... Manuscrit autographe de Bruges-la-morte de Georges Rodenbach. Portrait d Erasme par Dürer, (gravure, Musée de la ville de Paris) Une fois l inspiration trouvée, il s agit de la coucher sur le papier. L étape de la mise par écrit est loin d être une étape facile du métier d écrivain, certains écrivent et réécrivent leur texte parfois plusieurs fois. Cette élaboration du texte peut laisser des traces 1. L élément matériel résultant de cette étape est ce qu on appelle le manuscrit d auteur. Les traces des évolutions du manuscrit d auteur sont très intéressantes en ce qu elles révèlent les hésitations, l évolution des idées de l auteur, etc. Notons qu aujourd hui, le travail informatique a tendance à faire disparaître ce précieux témoignage. 1 Le terme «brouillon» apparaît en 1551 se définissant, un siècle après l invention de Gutenberg, par rapport au manuscrit et à l imprimé. L étymologie rattache le mot au germanique brod, brouet, bouillon. 2 Service éducatif - KBR

3 II. DE L ÉCRIVAIN À L ÉDITEUR Portrait de Donat Casterman. Une fois le texte écrit, il faut le soumettre. C est l éditeur qui décidera si oui ou non le texte verra le jour sous forme de livre. Cette étape prend parfois longtemps car le nombre de manuscrits arrivant chez les différents éditeurs est considérable. La procédure classique suivie dans les maisons d édition est la suivante : un premier groupe de lecteurs effectue une sélection parmi les manuscrits et soumet les meilleurs au comité de lecture qui décidera de sélectionner ou non tel ou tel texte. Les critères retenus par les maisons d édition sont divers et variés. Il y a l orientation de la maison d édition, le goût et les préférences de l éditeur, la mode du moment, des impératifs économiques, etc. L éditeur peut parfois également être le commanditaire d un ouvrage sur un sujet qu il juge bon d éditer. Le monde de l édition n a pas toujours été ce qu il est aujourd hui. Jusqu à la fin du XVIII e siècle, c est bien souvent la même entreprise qui se charge de l édition, l impression et la diffusion des livres. Les métiers d éditeur et de libraire sont confondus. Au XIX e siècle, le rôle de l éditeur évolue considérablement. C est la période qui voit la naissance de personnages tels que Donat CASTERMAN ( ), Louis HACHETTE ( ), Pierre LAROUSSE ( ) ou encore Ernest FLAMMARION ( ). L éditeur devient alors un entrepreneur, garant des risques financiers liés à la production, qui cherchera constamment à placer ses auteurs sur le devant de la scène, ceux-ci devenant véritablement le capital de sa maison d édition. Service éducatif - KBR 3

4 UN EXEMPLE : LA MAISON D ÉDITION RACINE. Cette maison d édition belge, fondée en 1993, déploie essentiellement ses activités dans deux types de publications : la littérature générale et les beaux livres. Aujourd hui, cette maison d édition reçoit aux alentours d une dizaine de manuscrits par semaine, proposés spontanément par des auteurs. Tous ne pourront pas être édités, cette maison d édition ne publiant annuellement qu une cinquantaine d ouvrages. La publication d un roman peut y prendre de 3 mois à un an, voire d avantage. À l heure actuelle, les maisons d édition travaillent souvent avec un programme bouclé pour les 6 mois ou même l année à venir, ce qui justifie des délais parfois relativement longs entre la réception d un manuscrit et sa publication. Le saviez-vous? Chez Racine, le tirage moyen pour la première édition d un ouvrage est de ou exemplaires. Dans le cas d un beau livre, il peut être plus important afin de rentabiliser la phase d impression et surtout car, en raison du coût, on ne peut pas se permettre une réimpression pour seulement quelques centaines d exemplaires. Il faut donc viser juste! Il faut savoir que le passage par une maison d édition n est pas le seul moyen de se faire publier. Une solution aussi ancienne que l histoire de l édition est de s éditer soi-même, on parle alors d édition à compte d auteur. Le développement des structures numériques a considérablement favorisé ce type d édition en en diminuant les coûts. Les relations entre Jules Verne ( ) et son éditeur, Pierre-Jules Hetzel ( ), sont un bon exemple de la montée en puissance de l éditeur au XIX e siècle. Hetzel est dès le départ l éditeur exclusif des œuvres de Verne. Liés par un contrat de vingt ans dès la sortie du premier roman de l auteur, Cinq semaines en ballon, en 1863, les deux hommes ne mettront jamais fin à leur collaboration. Pierre-Jules Hetzel ne se contente pas de publier les ouvrages de Jules Verne, il en refuse certains, comme Paris au XX e siècle, et il essaiera par tous les moyens de mettre son auteur au service de son rêve éducatif. L étude de la correspondance entre les deux hommes montre l importance de la mainmise d Hetzel sur le travail de Verne. Le poids de l éditeur y est évident. L édition par souscription fut la méthode choisie pour la réalisation de L Encyclopédie de Diderot et d Alembert au XVIII e siècle. Il s agit d un système qui voit des particuliers s engager à fournir une certaine somme à une date précise afin de financer une œuvre. Ils s engagent à acheter l œuvre lors de sa parution et versent à l avance une partie de son prix. 4 Service éducatif - KBR

5 III. RÉALISATION DE LA MAQUETTE DU LIVRE Une fois le texte sélectionné par la maison d édition, il ne sera pas produit en livre tel quel. L auteur et l éditeur vont alors travailler ensemble afin de lui donner son aspect définitif. Cette étape est l occasion de modifications parfois importantes du texte, on choisit ou redéfinit son titre, son format, le type d illustrations, etc. Il s agit ensuite de s assurer que le texte est irréprochable, ce qui nécessite un certain nombre de relectures. On estime en général qu il faut sept lectures par sept lecteurs différents pour éliminer l ensemble des fautes d un texte. Ce travail de concertation débouche sur l élaboration d une maquette. Le maquettiste dispose du texte, des illustrations et du nombre de pages idéal souhaité par l éditeur. Il doit alors réaliser un plan du livre appelé le «chemin de fer» et réaliser une mise en page harmonieuse et équilibrée. Lorsque la maquette est terminée, le tout est entré dans l ordinateur. Le maquettiste finalise alors l ensemble de la composition en mêlant images et texte, donnant ainsi sa forme définitive au livre. Souvent une dernière relecture a lieu suite au travail du maquettiste, qui donne lieu à l émission d un «bon à graver». Exemples de mise en page de manuscrits. Le copiste définissait les zones réservées aux enluminures, aux lettrines et au texte avant de se mettre au travail. Cette version va ensuite être «figée» avant d être envoyée à l impression. C est une étape confiée généralement au photograveur. A la fin de son travail, celui-ci réalise une «épreuve de contrôle» que l éditeur et le maquettiste vérifieront une dernière fois. Si cela convient, l éditeur donne le «bon à tirer» qui signifie que les fichiers peuvent être envoyés à l imprimeur, sous forme de films ou d un CD. Service éducatif - KBR 5

6 IV L IMPRESSION ET LA RELIURE C est désormais à l imprimeur de donner son existence matérielle au livre. Première étape : le choix du papier. Il existe de nombreux types de papiers différents parmi lesquels l éditeur fera son choix en fonction de critères économiques, esthétiques ou pratiques. Les feuilles d imprimerie sont des feuilles de grande taille sur lesquelles plusieurs pages seront imprimées, leur nombre dépendant du format choisi par l éditeur. Le choix du papier effectué, il faut désormais régler les machines pour l impression. Ce réglage, appelé le calage, est une des étapes les plus onéreuses de l imprimerie, ce qui explique qu il est plus intéressant de sortir des ouvrages en grand nombre afin de rentabiliser ces réglages. Atelier d imprimeur Lorsque l imprimeur et l éditeur estiment être parvenus au réglage idéal, pour le texte et les couleurs, ce dernier donne ce qu on appelle le BAT ou «bon à tirer» qui permet de lancer l impression de l ensemble des feuilles. Une fois l ensemble de l impression terminée, le temps est venu de donner au livre sa forme finale. C est ici au tour du relieur d entrer en piste. Celui-ci va plier et regrouper les feuilles en cahiers avant de demander à l éditeur son accord par le biais d un «bon à relier». Si le relieur obtient ce bon, il lance la couture de l ensemble des exemplaires. Les cahiers passent dans une machine pour être cousus en leur centre puis ensemble, ce qui leur confère une solidité plus grande que si les pages avaient été simplement collées entre elles. Ensuite, on vient coller la couverture qui avait préalablement été imprimée à part. Le livre est maintenant prêt. Atelier d imprimeur A l heure de l informatique et du développement des e-books, blogs et autres supports informatiques, cette étape de l impression pourrait bien venir à disparaître. Seul l avenir nous dira si les ailes de papier des livres ne seront bientôt plus qu un lointain souvenir. 6 Service éducatif - KBR

7 Le papier pourrait-il disparaître? Ce ne serait pas le premier support à disparaître de la circulation. Bien d autres avant lui, tels que les tablettes d argile, le papyrus ou encore le parchemin ont fini par s effacer au profit de supports toujours plus pratiques et moins chers à produire. Mais la disparition du livre papier n est pas inéluctable si on en croit Michel Vernus qui avance un certain nombre d arguments que voici : 1) Nous n avons jamais autant imprimé qu à l heure actuelle où chaque ordinateur est relié à une imprimante. 2) Le texte écrit reste un moyen sûr d emmagasiner un très grand nombre d informations, il a la capacité de délivrer une quantité importante de connaissances dans une entité de temps relativement réduite. En une heure, un orateur ne prononcera que à mots en forçant son débit, un lecteur habile en revanche pourra lire dans la même heure à mots 2. 3) Si on observe l histoire des médias, on peut constater que l apparition d un nouveau média ne tue pas forcément le moyen de communication qui existait avant lui. La presse n a pas tué le livre, pas plus que le cinéma le théâtre, que la télévision le cinéma ou la presse écrite. Le livre papier ne serait donc pas forcément condamné par le livre électronique. Gutenberg, une révolution? Lorsque Johan Gensfleich, dit Gutenberg, au XV e siècle, inventa l imprimerie (en réalité la typographie, avec caractères mobiles en plomb réutilisables), il révolutionna considérablement la production de l écrit 3. Jusque là, les modes de production étaient lents, coûteux et nécessitaient énormément de travail. L invention de Gutenberg en augmentant la vitesse et en abaissant donc le coût de la production des livres permettra une augmentation spectaculaire du nombre de livre en circulation. Plusieurs siècles après cette première révolution du livre, interviendra une deuxième évolution majeure. Le XIX e siècle fera en effet entrer la production du livre dans l ère industrielle à de nombreux niveaux. En matière d impression, la presse à bras est alors remplacée par des machines mécaniques de plus en plus sophistiquées permettant d augmenter considérablement la production. Un nouveau papier voit également le jour. Jusque là, le papier utilisé était réalisé à partir de chiffons. Il sera désormais fabriqué à base de bois, ce qui donne un papier plus abondant mais de très mauvaise qualité (le PH est peu stable, le papier est acide et vieillit très mal, il jaunit et devient friable). Quelques chiffres montrent l évolution de la production de livres : En 1840, on éditait titres pour titres en 1913, donc 4 fois plus en l espace d une septantaine d années. Le tirage moyen était de exemplaires en 1840 alors qu il sera aux alentours de exemplaires en 1900, soit 5 fois plus. 2 Remarque faite par François RICHAUDEAU : éditeur, auteur et chercheur français du XXe siècle. 3 Plus d informations sur l imprimerie dans notre dossier pédagogique consacré à ce thème. Service éducatif - KBR 7

8 V LE LIVRE EN ROUTE VERS SES LECTEURS Produire un livre, c est une chose, mais encore faut-il qu il parvienne jusqu à son public. Plusieurs mois avant la parution du livre, des représentants se chargent de faire les démarches auprès des libraires afin de leur présenter les nouveautés des maisons d édition et de susciter des commandes. Cette étape est essentielle pour l existence commerciale du livre, qui permettra aux lecteurs de faire sa connaissance. La quantité de commandes de la part des libraires décidera de la vie ultérieure du livre. Si celui-ci ne plaît pas et ne suscite que peu de commandes, il ne sera pas réimprimé et disparaîtra rapidement des étalages. A la sortie de l imprimerie, un certain nombre de livres prennent la direction de la maison d édition où ils serviront notamment à la promotion. Le reste des livres, la grande majorité, se retrouvent chez le distributeur qui dispose d entrepôts gigantesques où sont stockés les livres. Le rôle de cet acteur, outre le stockage, est de gérer et satisfaire les commandes des libraires. Il s agit d un travail énorme car les distributeurs travaillent pour plusieurs maisons d éditions, parfois plusieurs centaines. Le livre est dès lors disponible pour les lecteurs, que ce soit dans les bibliothèques, les libraires ou encore les supermarchés. Les modes de consultation des livres sont en effet divers. Impossible pour un amoureux de la lecture d acheter l ensemble des livres disponibles. Ceux qui ne peuvent pas être achetés peuvent être consultés ou empruntés dans des bibliothèques mais qui ont, elles aussi, leur limite d achats. Notons que pour dépasser cette difficulté, les bibliothèques nationales ont mis en place un dépôt légal, instauré en 1966 en Belgique, qui oblige toute personne belge publiant un ouvrage à en déposer un ou deux exemplaires à la biblio- Atelier de relieur thèque nationale. Il leur est ainsi possible d obtenir les ouvrages sans frais d achats. Pour la Bibliothèque royale de Belgique, cela représentait ouvrages en 2004, en 2006 et ouvrages en Une autre manière de surmonter le problème de la limite d achat est aujourd hui offerte par la constitution des bibliothèques électroniques. C est ainsi que Google s est lancé dans la numérisation massive d ouvrage, présentant déjà en 2009 près de 10 millions de titres consultables sur Internet. Et ce n est qu un début. 8 Service éducatif - KBR

9 En 2008, la Commission européenne lançait une bibliothèque numérique européenne appelée Europeana. Ce projet, commun aux 27 Etats membres, a pour ambition de regrouper les ressources numériques des diverses bibliothèques nationales, centres d archives, musées, etc. qui se sont engagés à numériser leur patrimoine et à y donner accès à tous les internautes via cette nouvelle plateforme informatique. Regroupant 2 millions de documents en ligne en 2008, Europeana donne à l heure actuelle accès à 6 millions d objets numériques qu il s agisse d images, de textes, de sons ou de vidéos. La Bibliothèque royale de Belgique est partie prenante de ce projet via sa plateforme numérique : Belgica. VI UTILISATIONS DU LIVRE La lecture n est pas la seule utilisation que l on peut faire d un livre. On peut l utiliser comme outil de travail, comme source documentaire, certains utilisent les livres comme objet de collection, il y a les livres de jeux. Bref, l utilisation des livres est diverse. Les types de livres imprimés, les lieux de mise à disposition des livres et le profil des lecteurs ont considérablement évolué au fil du temps. Service éducatif - KBR 9

10 Evolution des lieux de mise à disposition des livres : Tout au long du Moyen Âge, les livres sont essentiellement conservés dans les monastères avec néanmoins une ouverture à partir du XII e environ aux universités qui se développent, mais où la faculté de théologie demeurera longtemps toute-puissante. Ce n est que lors de la Révolution française, avec la confiscation des biens du clergé, que la majorité du patrimoine écrit passe des religieux à la nation. La naissance des cabinets de lecture au XVIII e siècle peut apparaître comme un premier pas dans la diffusion du livre vers un plus large public. Ces lieux, qui offrent des gazettes et des ouvrages à lire sur place ou à emporter moyennant un abonnement étaient souvent installés par des libraires à côté de leur boutique et connaîtront leur apogée dans la première moitié du XIX e siècle. Le paiement d un abonnement en excluait cependant dans la pratique les membres du milieu populaire. Dès 1803, en France (et en Belgique alors sous domination française), l Etat crée des bibliothèques municipales chargées de gérer les énormes fonds confisqués aux ecclésiastiques suite à la Révolution française. Elles resteront longtemps des temples du savoir fréquentés uniquement par les érudits. À la fin du XIX e siècle, apparaissent, dans une optique d éducation du peuple, des bibliothèques populaires qui prennent des formes très diverses : bibliothèques scolaires, bibliothèques d entreprises, bibliothèques paroissiales, etc. Dans le courant du XX e siècle, le nombre de bibliothèques ne fera que croître. A coté d elles, se développeront de nouveaux modes de mise à disposition des livres tels que les médiathèques ou Internet par exemple. Evolution du profil des lecteurs : Le profil des lecteurs a évolué au cours de l histoire, allant de manière générale vers un élargissement du public. Dans le courant du XVI e siècle, on observe une laïcisation des possesseurs de livres avec un pourcentage de plus en plus important d hommes de loi : Hommes de loi Ecclésiastiques On peut considérer que jusqu au XIX e siècle, les livres resteront essentiellement l apanage des religieux et des classes élevées de la société. Cela pour trois raisons : l analphabétisme, le prix des livres et l absence de bibliothèques publiques. Le XIX e siècle marque véritablement l irruption de nouveaux lecteurs. Parmi eux, les enfants, en raison de l essor de la scolarisation, qui entraine aussi l apparition d une littérature spécialisée pour la jeunesse. Les femmes rattrapent également leur retard dans l alphabétisation et constitueront le public privilégié des romans-feuilletons qui se développent. Enfin, le peuple des ateliers et des champs influencera le développement de la «lecture populaire». 10 Service éducatif - KBR

11 Au cours du XIX e siècle, une littérature de masse se développe et le public touché par la diffusion du livre explose. Ces nouveaux publics forment de nouvelles «cibles commerciales» dans un contexte de concurrence accrue entre éditeurs. Ces derniers iront alors vers une spécialisation pour tenter de trouver leur «créneau» commercial. Un bon exemple de cette tendance est celui de Louis Hachette dont la maison d édition va se spécialiser, dès cette époque, dans l édition scolaire : Louis-Philippe, ainsi que plus tard Napoléon III, lui passent commande pour les ouvrages qui seront utilisés dans les écoles françaises. VII. LA MORT DU LIVRE Le livre n est pas éternel. Les matériaux qui le composent sont périssables et peuvent être détruits. De ce fait, la conservation de livres anciens est un véritable enjeu : comment les sauver du temps qui passe? La censure peut également être à l origine de la disparition d un livre. Depuis l Antiquité déjà, le pouvoir, politique ou religieux, exerce la censure. Les ouvrages contraires aux idées officielles et contenant des propos jugés dangereux étaient immédiatement détruits. Au V e siècle avant Jésus-Christ par exemple, les ouvrages de Protagoras furent brûlés car il y exprimait ses doutes sur l existence du divin. Notons que durant le Moyen Âge et jusqu à l invention de Gutenberg, au milieu du XV e siècle, le contrôle est relativement aisé dans la mesure où les livres sont produits un par un sous la plume de copistes qui sont bien souvent des moines. A partir du développement de l imprimerie, le nombre de livres produits augmente considérablement, ce qui en rend le contrôle de plus en plus compliqué. Les règles vont alors se durcir si bien que tout contrevenant sera passible de mort 4. Un manuscrit menacé par les champignons. L incendie du Palais du Coudenberg en 1731, auxquelles les collections de la Bibliothèques royales échappèrent de justesse. 4 François I er ( ) est le premier souverain à associer censure et peine de mort dans un édit du 13 janvier Il y promet la corde à toute personne outrepassant son interdiction d imprimer tout livre nouveau dans le royaume. Service éducatif - KBR 11

12 Le saviez-vous? La Bible de Gutenberg n était ni signée, ni datée. Le premier livre disposant d une identité complète (lieu, date, nom de l imprimeur) sera le «Psautier de Mayence», daté de Le premier catalogue de livres interdits dressé par la Faculté de théologie de Paris date de 1540 et est manuscrit. En 1542, il comprend déjà 65 titres condamnés. Le premier catalogue imprimé de livres prohibés date de 1544 et reprend 230 titres. En 1556, ce sont 526 titres d ouvrages qui sont énumérés dans ce catalogue. Un moment essentiel dans ce durcissement est celui de la Réforme qui met en évidence l importance des livres comme supports de pensées nouvelles. C est ainsi que, par exemple, en 1547, afin de mieux contrôler ce qui se publie, un édit d Henri II oblige l auteur et l imprimeur à apposer leurs noms et surnoms avec la marque du libraire sur les ouvrages qu ils réalisent. A partir du moment où les ouvrages condamnés ne seront plus brûlés, ils seront conservés dans une partie bien particulière des bibliothèques appelée «l Enfer». C est dans les premières bibliothèques d Europe, celles des monastères, qu apparaît ce compartiment particulier où étaient rangés tous les ouvrages dont la consultation pouvait mener en enfer. Aujourd hui, l essentiel des ouvrages constituant l Enfer des bibliothèques sont issus du XIX e siècle et sont en grande majorité des ouvrages à caractère érotique. Exemple de livre censuré 12 Service éducatif - KBR

13 La censure a-t-elle complètement disparu? Aujourd hui la censure peut se faire plus subtile. Ainsi, en 2009, le livre Mohammed VI, le grand malentendu du journaliste marocain Ali Amar, tout en n ayant pas été officiellement censuré, est absolument introuvable au Maroc. d Internet» sur laquelle figurent entre autres l Iran, la Chine, la Tunisie, la Corée du Nord, Cuba, la Thaïlande, la Russie et bien d autres. En juin 2000, le groupe de rock français Matmatah est condamné à francs d'amende pour «incitation à l usage de stupéfiants» et «présentation sous un jour favorable de l usage et du trafic» à cause de sa chanson L'apologie. Le 22 mars 2010, Google décidait de fermer son site en Chine afin de ne plus respecter la censure qui lui était imposée jusque là. Depuis cette date, tout internaute voulant se connecter à la version chinoise de Google (google.cn) est redirigé vers la version hongkongaise du moteur de recherche (google.com.hk), ce qui permet à la société de contourner la censure du gouvernement chinois. Remarquons qu il s agissait d une autocensure que Google avait acceptée lors de son installation en Chine en janvier La surveillance d Internet est une question particulièrement intéressante et d actualité. C est ainsi qu un rapport publié par Google en 2010 indique que sur 100 pays où le moteur de recherche est implanté, 25 pratiquent la censure sur le Net. Reporters sans frontières a publié en 2010 une liste des «Ennemis Exemple de livre censuré Service éducatif - KBR 13

14 VIII. RENAISSANCE DU LIVRE Si un livre peut mourir, il peut aussi renaître de ses cendres en étant recyclé, numérisé ou encore adapté à d autres médias comme le cinéma. C est ainsi que certains ouvrages peuvent connaître véritablement une seconde vie parfois bien longtemps après leur parution. Si l adaptation de livres au cinéma ne fait jamais l unanimité, c est parce que la reproduction ne peut pas être complètement fidèle. Il s agit de deux formes d expressions différentes et le passage de l une à l autre nécessite des transformations. C est ainsi que pour adapter un livre en film, il faudra établir un scénario, condenser, couper, etc. Un exemple : Le livre de la jungle. Il s agit au départ d une œuvre de Rudyard Kipling parue en 1894 et se présentant sous la forme d un livre de nouvelles dont les plus connues racontent l histoire d un petit homme perdu dans la forêt et recueilli par les loups : Mowgli. En 1962, Walt Disney obtient les droits d adaptation. Le film sortira en La confrontation entre l œuvre originale de Kipling et la version produite par Disney permet de mettre en lumière les choix opérés lors de l adaptation et donc les différences entre les deux versions. On découvre par exemple que le personnage de Baloo dans la version de Kipling est un vieil ours brun sage et érudit qui enseigne à Mowgli les rudiments de la jungle, bien éloigné de celui de Disney, ours insouciant et paresseux qui apprendra le sens des responsabilités en s occupant de Mowgli. 14 Service éducatif - KBR

15 Réalisation de la maquette Photogravure Vérification Bon à graver Propose son texte Vérification Auteur Commande Editeur Bon à tirer Impression Bon à relier Vérification Exemplaires pour la promotion Reliure Stockage Diffusion Nouvelles commandes Retour invendus Points de vente Bibliothèques Lecteur Service éducatif - KBR 15

16 BIBLIOGRAPHIE CHARTIER, R. et MARTIN, H-J., Histoire de l édition française, Paris, MINOIS, G., Censure et culture sous l Ancien Régime, Paris, NETZ, R., Histoire de la censure dans l édition, dans Que sais-je?, Paris, ROBIN, C., Le livre et l édition, Paris, VERNUS, M., L histoire du livre et de la lecture, Quétigny, Censure à la Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, Service éducatif - KBR