Famille, parenté, parentalité et protection de l enfance

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1 Famille, parenté, parentalité et protection de l enfance Quelle parentalité partagée dans le placement? Témoignages et analyses de professionnels Septembre 2013 GIP Enfance en Danger

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3 Famille, parenté, parentalité et protection de l enfance Quelle parentalité partagée dans le placement? Témoignages et analyses de professionnels ONED, septembre 2013

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5 L ONED remercie chaleureusement les auteurs des textes présentés dans ce dossier thématique. Sous la direction de Gilles Séraphin, sociologue hdr et directeur de l ONED, Xavier Charlet, magistrat chargé de mission, a organisé ce dossier thématique et rédigé l introduction et les annexes juridiques. L ensemble de ce dossier a de surcroît bénéficié du soutien et de la relecture attentive de Flora Bolter, Sarra Chaïeb, Isabelle Lacroix, Laurent Lardeux, chargés d études, de Cédric Fourcade et d Anne Oui, chargés de mission, et de Marie-Paule Martin-Blachais, directeur général du GIP Enfance en Danger. Anne-Sylvie Soudoplatoff, chargée de mission à l ONED ( ) a participé à l élaboration et au lancement du projet.

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7 Table des matières Introduction : La place des parents, de l enfant et des professionnels. Pistes de réflexion pour la pratique 1 Xavier Charlet «J ai toujours su que j avais deux familles». La parenté et la parentalité interrogée du point de vue des enfants et des jeunes confiés 15 Pierrine Robin Émotions et interactions complexes dans la famille d accueil 25 Jean Cartry Parentalité et protection de l enfance : élargir le cercle de l enfant pour assurer sa sécurité et son bien-être 31 Mohamed L'Houssni Le soutien à la parentalité à travers les actes usuels relatifs aux enfants confiés 49 Jean-Michel Permingeat Enjeux de la parentalité et parentalité partielle 65 Didier Houzel Varia 75 Dix arguments pour aider à l analyse des pratiques ou l intervention en protection de l enfance à l épreuve des mouvements inconscients sur lesquels se fondent les relations entre l enfant et son parent 77 Alain Bouregba Clinique anthropologique de la famille, de la parenté et de la parentalité 87 Yolande Govindama Annexes juridiques 95 La famille 97 La parenté 100 La parentalité 104 La protection de l enfance 119 Bibliographie 121

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9 Introduction La place des parents, de l enfant et des professionnels. Pistes de réflexion pour la pratique Xavier Charlet Xavier Charlet, magistrat, juge des enfants, est chargé de mission à l ONED. Suite à sa thèse de doctorat en histoire du droit portant sur les Discours d exclusion sous la Constituante, , il a enseigné à l Université Jean Moulin (Lyon) et du Littoral (Boulogne-sur-Mer), ainsi qu à l École nationale de la magistrature (ENM). Le thème du présent dossier «Famille, parenté, parentalité et protection de l enfance. Quelle parentalité partagée dans le placement?» a été élaboré dans le contexte des applications juridiques et pratiques de la loi n du 5 mars 2007 réformant la protection de l enfance loi qui accorde plus d importance à la place des familles dans le dispositif de protection de l enfance. Il est proposé une approche originale de la parenté et de la parentalité en protection de l enfance dans le cadre d une situation de placement, cette dernière conciliant, dans l intérêt de l enfant, la place des parents avec la place des praticiens qui entourent et accompagnent l enfant (éducateurs, assistants familiaux, travailleurs sociaux). Comment la place des parents, celles de l enfant et des professionnels se définissent-elles dans la loi et le dispositif actuel de protection de l enfance? La subsidiarité de l intervention judiciaire met les parents au cœur du dispositif. Dès la phase de l évaluation, ils doivent être associés afin que les professionnels puissent : déterminer dans quelle mesure ils acceptent l aide proposée et sont en capacité d y collaborer ; prendre en compte les aides mobilisables dans l environnement de l enfant ; repérer les difficultés de la famille, ainsi que ses ressources. Les mesures de protection administratives qui peuvent être instaurées ne le sont qu avec l accord des parents. C est autour de cette question de leur accord, de leur participation effective et des résultats obtenus grâce à leur implication réelle, que se joue la question de faire intervenir, ou pas, la justice. La réaffirmation de la place des parents commence à avoir des impacts sur les pratiques : certains services ont développé de nouvelles méthodes d intervention qui intègrent et associent pleinement les parents dans l accompagnement. En amont des actions de protection, la multiplication des dispositifs de soutien à la parentalité témoigne également de cette évolution. 1

10 La loi du 5 mars 2007 met aussi l enfant au cœur du dispositif de protection de l enfance. Ainsi, toute décision, aussi bien administrative que judiciaire, doit être prise dans l intérêt de l enfant et le respect de ses droits. L intérêt supérieur de l enfant, ou pour rester plus proche de l expression anglaise, le meilleur intérêt de l enfant («the best interests of the child» dans la version anglaise de la Convention internationale des droits de l enfant, CIDE), renvoie à la question concrète, dans une situation donnée, des effets de la décision sur son développement physique, affectif, intellectuel et social. Dans cet esprit, un projet pour l enfant, dit PPE, doit être élaboré dès le début de l intervention afin de favoriser la personnalisation de la prise en charge et de construire autant que possible un parcours dans la cohérence et la stabilité nécessaire au développement de l enfant. Enfin, l implication de l enfant est recherchée chée lors de l élaboration du PPE, au moment de l instauration d une mesure et en cours de mesure, notamment par le recueil systématique de sa parole, conformément aux dispositions de la CIDE (art 12-1 et 12-2). L enfant doit pouvoir exprimer son avis, sa perception des difficultés, ses souhaits et les moyens qu il identifie pour les réaliser. La réaffirmation de la place des parents et de celle de l enfant n est pas uniquement liée à la question de la prise en compte de la place de «l usager» et à la reconnaissance de ses droits face à la puissance publique. Elle révèle aussi la manière dont la société considère ce qui inscrit l enfant dans une histoire, ce qui fait lien pour lui, ce qui fonde son identité : elle interroge la question de l appartenance et de l affiliation. Dans notre société, l enfant est avant tout issu d une famille, il est enfant de ses père et mère ; la place des parents est donc centrale. Comment les places respectives de l enfant et des parents se construisent-elles, elles, comment s articule leur prise en compte? Trois champs en particulier structurent la manière dont se construit cette place au sein du droit et des pratiques : la filiation, l autorité parentale et l éducation. Ces trois champs s inscrivent dans le cadre de la parenté. 1. De la parenté exclusive La filiation structure la façon dont la société, par les règles de droit, désigne les places du père, de la mère et de l enfant qui hérite non seulement d un nom, mais également de droits et d obligations. Nous ne sommes plus, sur ce point, du côté de la notion de parenté. Notre histoire et notre culture sont imprégnées de cette idée que l enfant est apparenté aussi bien à son père qu à sa mère, à sa lignée paternelle et maternelle. La parenté est bilatérale, elle comprend une branche paternelle et une branche maternelle 1. 1 La conception anthropologique de la parenté est influencée par l idéologie du sang. L héritage du sang est supposé être le vecteur de transmission des caractères spécifiques des deux lignées, comme la ressemblance physique ou les traits moraux. Agnès Fine rappelle qu au XVI e siècle, une véritable idéologie du sang liée à la 2

11 La conception juridique française est une conception exclusive de la filiation. Par exemple, l adoption plénière «supprime» la filiation de naissance pour la remplacer par la filiation adoptive. Ainsi, la parenté sociale «colle» parfaitement à cette filiation exclusive. L adoption opère une modification de l acte de naissance de l enfant. La parenté de naissance n est plus mentionnée et l enfant est inscrit comme étant né de ses parents qui l ont adopté. La fiction juridique de l adoption plénière permet d affirmer l existence d une parenté unique, conforme à notre modèle français. Françoise-Romaine Ouellette parle du «modèle généalogique» 2 pour caractériser les représentations de notre système de filiation, marqué par une tension entre les liens de naissance et/ou les liens purement sociaux : toute personne est issue de deux personnes de sexe opposé, d une génération ascendante, qui l ont en principe engendrée, que cette filiation soit un fait de nature ou un fait juridique. L origine de la filiation, biologique ou sociale, importe moins que l idée de l exclusivité de la filiation. Dans ce modèle anthropologique, chaque individu ne peut être fils ou fille que d un seul homme et d une seule femme ; il ou elle ne peut avoir qu une seule mère et un seul père. Les évolutions relatives à la prise en compte de la parenté sociale dans le cadre de familles homoparentales ou recomposées feront peut être, à terme, évoluer les représentations, mais ne devraient nullement remettre en question l idée de l exclusivité de la filiation. 2. Une parenté régulée et aménagée dans le cadre de la protection de l enfance En protection de l enfance, l exclusivité de la filiation qui inscrit l enfant dans une parenté unique il n est l enfant que d un seul couple de parents pose la question de la place des accueillants. Anne Cadoret 3 a montré que les enfants qui vivent en famille d accueil 4 depuis très longtemps nouent des race, au sens de lignée familiale, a été développée par la noblesse, ce qui explique peut être en partie la défiance à l égard de l adoption dans l ancien droit. Ce n est que depuis le début du XX e siècle que les liens électifs dans la parenté occupent une place distincte, une place qui est depuis les dernières décennies de plus en plus importante et de plus en plus valorisée. Cf. FINE Agnès. Pluriparentalités et système stème de filiation dans les sociétés occidentales. In LE GALL Didier, BETTAHAR Yamina (dir). La pluriparentalité.. Paris : PUF, 2001, p Ainsi, la dimension de sang est bien présente dans les références anthropologiques mais peu utilisée dans le domaine du droit. De ce fait, on n étudiera pas dans ce dossier l origine biologique, cette quatrième dimension anthropologique de la parenté, peu opérante dans le droit français (uniquement dans les cas d établissement ou de contestation de la filiation, mais cette configuration est rare et encadrée). 2 OUELLETTE Françoise-Romaine. Les usages contemporains de l adoption, Adoptions, ethnologie des parentés choisies (sous la dir. d Agnès FINE), Paris, Maison des sciences de l homme, 1998, p CADORET Anne. Parenté plurielle : anthropologie du placement familial. Paris : L Harmattan, 1995, 230 p. 4 La notion de famille d accueil est reconnue dans le droit depuis la loi n du 27 juin 2005 dans le cadre des dispositions relatives aux assistants familiaux : «l assistant familial constitue, avec l ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d accueil» (art. L al. 2 CASF). 3

12 «relations de parenté» : l assistante familiale est «comme» une mère, ses enfants sont «comme» des frères et sœurs. Cette parenté additionnelle a du mal à être reconnue car elle heurte notre conception de la parenté unique. Elle est pourtant d un autre niveau. Le lien de filiation inscrit l enfant dans une parenté unique, reconnue par le droit, mais le lien affectif inscrit l enfant dans une parenté d élection. On pourrait ainsi parler d une «famille de cœur» pour traduire en mots simples cette forme de parenté choisie. Selon nous, la parenté peut se distinguer par des liens de filiation, étudiés antérieurement, et des liens de parentalité. La parentalité recouvre l exercice de l autorité parentale et la relation d éducation, ces deux dimensions étant interdépendantes. 2.1 L exercice de l autorité parentale L autorité parentale désigne un ensemble de droits et d obligations des parents 5 qui ont pour objectif de protéger l enfant et d assurer son développement. Nous pouvons penser que lorsque l autorité 5 La sphère de l autorité parentale renvoie à celle de la famille. C est au sein de la famille que se déploie l autorité parentale. Le lien entre autorité parentale et famille n est pas tout à fait inconnu du droit même si la notion de famille n est pas définie juridiquement comme est défini la notion d autorité parentale. La notion de famille se dessine par l utilisation récurrente de ce vocable, notamment dans la partie relative à l autorité parentale et à la procédure d assistance éducative. Ainsi, aux termes de l article du Code civil, le juge des enfants «doit toujours s efforcer de recueillir l adhésion de la famille à la mesure envisagée», et de l article du Code civil «chaque fois qu il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel. Dans ce cas le juge désigne soit une personne qualifiée, soit un service d observation, d éducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant pour mission d apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu elle rencontre», il s agit de la mesure d assistance éducative en milieu ouvert, dite AEMO. Enfin, l article 1200 du nouveau Code de procédure civile prévoit que «dans l application de l assistance éducative, il doit être tenu compte des convictions religieuses ou philosophiques du mineur et de sa famille». Famille et parents sont ici des notions très proches qui tendent à se confondre. La notion de famille est également présente dans le droit international. La Convention internationale des droits de l enfant protège la sphère familiale en prévoyant notamment dans son article 8 que «Les États parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales, tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale». La Cour européenne des droits de l Homme (CEDH), sur le fondement de l article 8 de la Convention européenne des droits de l Homme, reconnaît au bénéfice du parent et de son enfant un droit de vivre ensemble et un droit de maintenir des liens en cas de séparation. Lorsqu une mesure de placement en protection de l enfance est prononcée, la Cour vérifie donc que l atteinte constituée par la séparation n est pas excessive et qu elle est la seule mesure adéquate pour protéger l enfant ; la Cour vérifie également que tout est mis en œuvre pour maintenir des relations personnelles entre l enfant, ses parents et sa fratrie lorsque ces relations préexistaient au placement. La Cour vérifie à ce titre que des 4

13 parentale est rattachée à une «exclusivité de la filiation», il reste peu de place pour que d autres personnes que les parents exercent une autorité parentale. C est un peu comme si l autorité parentale était la manifestation de l appartenance exclusive de l enfant à ses parents par l effet de la filiation. Dans l ancien droit, la puissance paternelle héritée de la patria potestas romaine s exerçait sans grandes limites. Le droit de correction, ou le droit de faire enfermer l enfant étaient peu encadrés, et l enfant «appartenait» à son père. Toutefois, l autorité parentale n est pas la puissance paternelle : depuis 1970, cette autorité n est plus seulement conçue en termes de droits, mais aussi en termes de devoirs. Droits et devoirs ont pour finalité l intérêt de l enfant et pour objectifs de le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa moralité, d assurer son éducation et de permettre son développement, dans le respect dû à sa personne (art CC). Avec l autorité parentale, l enfant n appartient donc plus à son père 6. Il n en reste pas moins que l enfant, du fait de sa minorité, est ce que l on nomme en droit un «incapable mineur» non doté de personnalité juridique, tant qu il est soumis à l autorité parentale qui confère à ses représentants légaux le droit exclusif de le représenter (sauf lorsqu un administrateur ad hoc est désigné pour se substituer à eux provisoirement), c'est-à-dire d agir en son nom. Même si l enfant n appartient plus à son père, il reste lié juridiquement à ses parents par la représentation légale et l autorité parentale. Il semble que «l exclusivité de la filiation» rendant des parents titulaires légitimes de l autorité parentale, avec l idée sous jacente que l enfant n est lié qu à ses deux parents, empêche de penser un partage de l autorité avec un ou des tiers. C est comme si ce partage ne pouvait avoir de véritable légitimité dans la mesure où la légitimité de l autorité parentale trouve sa source dans la filiation. En dehors du partage entre père et mère, il est difficile de concevoir un autre «partage» de l autorité parentale. La loi prévoit bien pourtant, une délégation partielle (dite «délégation partage») de l autorité parentale à un tiers délégataire qui peut la partager avec l un ou les deux parents (art CC), mais cette procédure est peu utilisée, peut être parce qu elle se heurte à une longue tradition «d exclusivité». L article 377 du Code civil prévoit également que le tiers délégataire puisse être un établissement agréé pour le recueil des enfants ou le service départemental tal d aide sociale à l enfance. droits de visite et des droits de correspondance ont été accordés. Si des restrictions éventuelles à ces droits sont apportées, ces restrictions doivent être justifiées et proportionnées au regard de l intérêt de l enfant. 6 Edouard Durand, juge des enfants et enseignant à l École nationale de la magistrature, montre que l autorité parentale est fondée sur la place hiérarchique du parent vis-à-vis de l enfant, légitimée par son but qui est la protection et l éducation de l enfant, alors que la puissance paternelle est fondée sur la force, le pouvoir et la domination qui n exclut donc pas le recours à la violence et induit l idée d appartenance. DURAND Edouard. La place du père : les hésitations du droit de la famille. Esprit. Mai 2012, p

14 Dans le cadre de l assistance éducative, les père et mère de l enfant «continuent à exercer tous les attributs de l autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure» (art CC). Il n y a pas en principe de partage de l autorité, puisqu elle reste entièrement dévolue aux parents et exercée par eux, mais l assistance éducative qui est une procédure d aménagement et de contrôle de l autorité parentale, permet au juge d imposer des décisions aux parents et de limiter l exercice de leur autorité parentale en cas de refus abusif ou injustifié de leur part, ou en cas de négligence. En dehors de ces circonstances, la loi ne prévoit pas de partage de l autorité parentale. Cela pose la question du fondement de l autorité de l accueillant (famille d accueil, maison d enfants, etc.). Cette autorité fondée sur l obligation de prendre en charge l enfant confié, la gestion du quotidien, le vivre ensemble, les actes usuels, peut paraître fragile sur le plan juridique et éducatif. Il s agit de faire autorité sans avoir autorité, les parents continuant en principe à exercer tous les attributs de l autorité parentale. Cette autorité est d autant plus réduite que les professionnels ont tendance à solliciter l accord des parents, y compris pour les actes usuels, pour lesquels il n est précisément pas requis. La pratique de solliciter cet accord est répandue, car elle permet de respecter l autorité parentale ale et de préserver la place des parents, mais elle excède les exigences du droit. Ce faisant, elle rend moins lisible la question de la place respective du professionnel et du parent. Il peut être utile, pour clarifier ces questions, d établir en début de placement une charte définissant concrètement les compétences des uns et des autres et leur périmètre respectif d intervention, ainsi que d informer régulièrement les parents des évènements de la vie quotidienne. La définition même des actes usuels telle qu elle résulte de l article du Code civil repose sur cette idée de concertation préalable et de dialogue : les actes usuels sont ceux qui peuvent être décidés par l un, sans avoir besoin de solliciter l accord de l autre, présumé acquis. Ainsi, dans le cadre de la vie conjugale, un parent ne fera pas signer une autorisation écrite à l autre parent pour autoriser son enfant à participer à une fête d anniversaire. Il sollicitera l avis du conjoint, le cas échéant, ou décidera seul et, face au tiers, il ne sera pas tenu de justifier formellement de l accord du conjoint. Sa parole suffira dans la mesure où le tiers peut légitimement penser que les deux parents ont convenu, dans le cadre de la co-éducation, de cette possibilité d agir seul pour les actes de la vie quotidienne. Les actes usuels s inscrivent dans cette pratique de co-éducation entre les parents pendant la vie conjugale ou après une séparation, et entre les parents et le service à qui l enfant est confié dans le cadre de la suppléance en protection de l enfance. Ils supposent toujours une entente préalable, formalisée ou implicite, et une information régulière. Lorsque l enfant est confié, le recours systématique à l autorisation formelle du ou des parents pour tous les actes, y compris les actes usuels, procède souvent d une volonté d impliquer le parent dans le suivi en s appuyant sur l exercice de l autorité parentale. Le droit est convoqué en soutien de l éducatif, là où l éducatif peut justement se passer du droit. Cette ambiguïté vient du fait que les notions d éducation et de protection reposent sur le socle de l autorité té parentale dans notre droit. 6

15 La protection des mineurs relève en premier lieu de l autorité parentale dont l objet est d assurer la protection du mineur dans sa santé, sa moralité, et sa sécurité, d assurer son éducation et de permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les règles de l assistance éducative apparaissent ainsi dans le Code civil au chapitre 1 «De l autorité parentale relativement à la personne de l enfant» du titre neuvième «De l autorité parentale». L assistance éducative est une procédure d aménagement de l autorité parentale qui a pour objet de garantir la protection du mineur lorsque ses parents, tout en étant les premiers protecteurs de l enfant, ne sont pas ou plus en mesure de remplir ce rôle de protection et d éducation dans des conditions favorables à son développement. La protection des mineurs relève en premier lieu de l autorité parentale et en second lieu de l ordre public. La puissance publique a vocation à intervenir pour protéger les mineurs lorsque les parents sont défaillants dans leur rôle protecteur. Ainsi, la Convention internationale des droits de l enfant impose aux États de prendre des mesures pour garantir la protection des mineurs en danger et des mesures positives pour éviter qu ils ne soient en danger : les États parties s engagent à assurer à l enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs des parents (art. 9) ; les États prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l enfant contre toute forme d abandon et de négligence (art. 19). L assistance éducative, dans cet esprit, est une loi de police et de sûreté qui concerne tous les enfants sur le territoire, qu ils soient Français ou non, et qui justifie des prérogatives judiciaires exorbitantes du droit commun. La protection des mineurs, tout en relevant de l ordre public, n exclut pas les parents. Elle ne consiste pas à se substituer à eux, mais à pallier leurs carences en mettant en œuvre des mesures qui se concilient avec leur place et leur rôle. Le système de protection de l enfance, qu il soit administratif ou judiciaire, vise à maintenir les détenteurs de l autorité parentale, en général les parents, à leur place de protecteurs de l enfant. En ce qui concerne la protection administrative, la nécessité d obtenir l accord des détenteurs de l autorité parentale pour mettre en œuvre une prestation d aide sociale à l enfance place ces derniers au centre de la démarche de protection. En principe, leur accord est le moyen pour eux d assurer la protection de leur enfant, en s appuyant sur les services du conseil général. Le secteur social est, depuis les années 1970, traversé par la recherche d une meilleure relation avec les usagers. Le secteur de la protection de l enfance n y échappe pas. Ainsi, le rapport Bianco-Lamy (1980) proposait de recentrer les interventions sur les familles avec pour premier objectif un retour rapide à l autonomie (tout en faisant en sorte que «les enfants ne soient jamais des objets qu on déplace et qu ils restent acteurs de leur histoire»). La loi n du 6 juin 1984 sur les droits des familles dans leurs rapports à l ASE a profondément modifié la place des familles. Par ailleurs, la loi du 2 janvier 2002 a renforcé la prise en compte des droits des usagers, avec la particularité en protection de l enfance que «l usager» est 7

16 multiple (parents, enfant), ce qui rend l exercice ercice complexe. La loi du 5 mars 2007 enfin est venue réaffirmer la place des parents dans leurs droits d être informés et dans leur participation, notamment lors de l élaboration du projet pour l enfant, comme nous l avons vu précédemment. En matière de protection judiciaire, la loi n du 4 juin 1970 a inscrit l assistance éducative en contrôle de l autorité parentale et non en substitution de cette dernière. L article du Code civil dispose que «les père et mère dont l'enfant a donné lieu à une mesure d'assistance éducative, conservent sur lui leur autorité parentale et en exercent tous les attributs qui ne sont pas inconciliables avec l'application de la mesure» et permet de spécifier ainsi la place de l assistance éducative, notamment par rapport à la déchéance de l autorité parentale. Le rapport de la commission des lois lors des travaux préparatoires nous enseigne en effet que «la distinction entre la déchéance (qui entraîne la perte de l autorité parentale) et l assistance éducative est maintenant explicitée et la volonté de maintenir dans toute la mesure du possible les liens de l enfant avec sa famille, réaffirmée» (p. 45). La loi du 4 juin 1970 prévoyait la possibilité de prononcer la déchéance de l autorité parentale si pendant plus de deux ans les parents n avaient pas volontairement exercé les droits et rempli les devoirs qui étaient les leurs ; parallèlement, la gravité des conséquences de la déchéance était atténuée. Dans l esprit du rapporteur, il existait une place pour le prononcé oncé de la déchéance d autorité parentale, audelà de l assistance éducative, ce qui était également le cas pour les rédacteurs de l ordonnance de 1958 ainsi qu en atteste l exposé des motifs 7. Qu en est-il actuellement? En 2008, 273 nouvelles demandes de retrait de l autorité parentale étaient effectuées devant les juridictions civiles tandis que les juges des enfants étaient saisis pour mineurs en assistance éducative. Le nombre de procédures de déclaration judiciaire d abandon est également très faible malgré l évolution du cadre législatif par la loi du 4 juillet 2005 qui impose au service gardien d engager cette procédure lorsque les conditions juridiques de l abandon sont réunies. La protection judiciaire de l enfant est donc aujourd hui quasi exclusivement déployée dans le cadre de l assistance éducative. Elle n intervient pas en substitution des parents, mais se concilie avec leur place et leur rôle auprès de l enfant. 7 «Inspiré des principes qui conduisent l évolution de nos institutions, adapté au progrès des techniques, le nouveau texte est appelé à prendre une place centrale dans la protection judiciaire de l enfance. Orientant l action du juge des enfants dans le domaine civil vers la recherches de solutions préventives, elle devrait avoir pour effet de cantonner l application de l ordonnance du 2 février 1945 dans les limites mieux précisées de la délinquance et d éviter plus souvent le recours aux sanctions graves, voire irrémédiables de la loi du 24 juillet 1889 [la déchéance de l autorité parentale]» Ordonnance 1958 relative à la protection de l Enfance et de l Adolescence en danger, Exposé des motif, p. 4. 8

17 2.2 La relation éducative L éducation est constituée des nombreuses tâches permettant à l enfant d arriver à l âge adulte : les soins, la transmission des valeurs, des principes, etc. Plusieurs niveaux peuvent être distingués : l exercice de l autorité parentale qui ne pose pas de question lorsque le mineur vit avec les détenteurs de l autorité parentale, ces derniers prenant toutes les décisions concernant l enfant, des plus simples aux plus difficiles ; les actes du quotidien qu on appelle «les actes usuels» qui ne relèvent pas des décisions d autorité parentale, notamment quand l enfant est confié à un tiers. Le «travail éducatif» porte sur ces deux niveaux : un soutien à la fonction parentale par le cadre de l exercice de l autorité parentale et un soutien au quotidien avec l enfant. Il comprend également un travail avec les parents et l enfant sur les difficultés qui ont justifié la mise en œuvre d une mesure e de protection au bénéficie de l enfant. Lorsque l enfant est confié à un tiers, le travail éducatif est donc complexe. Il s agit à la fois de donner à l enfant un environnement éducatif favorable, de restaurer les parents dans leur fonction parentale et de mettre à jour les difficultés - les éléments de danger ayant justifié la séparation - pour favoriser le changement. Impliquer les parents, les responsabiliser dans leur rôle parental en sollicitant leur accord pour les décisions importantes comme courantes n épuise donc pas le travail éducatif qui doit être mené. Comme nous l avons déjà dit, la place centrale des parents qui repose sur une conception exclusive de la filiation, de l autorité parentale et de l éducation laisse peu de place aux tiers. La parentalité reste l affaire des parents. La protection de l enfance repose actuellement sur l exclusivité ou l unicité du lien de filiation, sur le respect de l autorité parentale et sur le principe d une parentalité exercée par les parents. Pourtant, lorsque l enfant est confié, la parentalité est de fait partagée. Le placement est une mesure qui a vocation à contribuer à l éducation de l enfant par la responsabilité qu il confère aux accueillants. Des liens avec ces adultes référents se construisent, éducatif et affectifs, si bien que ces adultes participent à son éducation. Par ailleurs, l extension des nouvelles formes de familles, familles recomposées après séparation, familles monoparentales, familles homoparentales, a bouleversé et complexifié les repères en matière de parentalité. À coté des parents de naissance ou des parents adoptifs, d autres personnes peuvent être amenées à intervenir dans la vie de l enfant pour assumer un rôle éducatif. Au-delà même des nouvelles formes de famille, des adultes autres que les parents peuvent avoir un rôle significatif dans l éducation. Il en est ainsi des grands-parents qui accueillent leur fille mineure avec son bébé, ou de frères et sœurs, de membres de la famille élargie ou d amis qui soutiennent de façon rapprochée des parents en grande difficulté et dans l incapacité d assumer seuls leur fonction éducative. Là aussi, la parentalité semble alors partagée. Il y aurait une forme de «pluriparentalité». Dans le droit, malgré les possibilités de délégation partage de l autorité parentale, depuis 2002, la reconnaissance de ce partage a du mal à s affirmer. Le rôle du beau-parent par exemple peut encore 9

18 poser problème en termes juridiques. Ce sont les parents, les père et mère dont le lien de filiation est établi avec leur enfant et qui s inscrivent donc dans un lien de parenté avec l enfant qui sont seuls juridiquement investis d un rôle éducatif à travers l autorité parentale dont ils sont détenteurs exclusifs. Les autres adultes qui peuvent avoir un rôle signifiant pour l enfant ont alors une fonction parentale vis-à-vis de l enfant, mais n ont pas le statut de «coparents» et ne sont pas considérés comme tels. Dans le cadre de la délégation partage de l autorité parentale, ce sont les parents qui concèdent ce partage pour des actes précis. Cette difficulté à concevoir en droit une parentalité multiple ou additionnelle et à reconnaitre aux tiers un rôle parental a des incidences aussi en protection de l enfance. Quelle place est alors accordée aux professionnels? Si la parentalité est le fait exclusif des parents, quelle légitimité ont les professionnels qui accompagnent l enfant pour remplir un rôle éducatif auprès de celui-ci? Tout en respectant la place des parents, la protection de l enfance n a-t elle pas vocation à contribuer à aider l enfant à se construire, vocation à soutenir la fonction parentale et donc à contribuer à l éducation de l enfant? Ne peut-on penser que la famille d accueil ou les éducateurs en maison d enfants ou en lieu de vie construisent avec l enfant des liens éducatifs et affectifs, et peuvent donc constituer des figures d attachement structurantes 8? Bien que la question ait fait l objet d une disposition légale comme indiqué précédemment, il semble que l attachement d un enfant à un professionnel qui prend soin de lui au quotidien dans le cadre de la protection de l enfance soit encore considéré comme problématique et pas véritablement légitime, ou bien peu pris en compte au regard de son intérêt pour le développement de l enfant. Il en est de même des tiers avec lesquels l enfant peut avoir noué un attachement, mais qui sont peu souvent considérés 8 Nicole Guédeney, pédopsychiatre, a montré en quoi la théorie de l attachement pouvait enrichir la réflexion sur le placement. Tout être humain a un besoin vital de construire des liens d attachement, mais ces liens peuvent être plus ou moins «sécures». Dans le cas de la maltraitance, l attachement est très souvent désorganisé (60 à 80 % des cas) ce qui a des conséquences lourdes sur le développement de l enfant, alors qu en famille d accueil l attachement est plus «sécure» (environ 25 % d attachement désorganisé). Avec les toutt petits notamment, par le caregiving (le fait de savoir ou pouvoir protéger et réconforter), l assistante familiale devient une nouvelle figure d attachement, ce qui est nécessaire pour le développement de l enfant mais complexe. Ces tâches requièrent donc des compétences et des capacités spécifiques avec les enfants placés qui nécessitent une formation. La nouvelle figure d attachement ne prend pas la place des parents puisque l auteur rappelle qu on peut être attaché à plusieurs figures, mais a pour fonction de devenir une figure supplémentaire qui jouera un rôle important dans le développement du système d attachement de l enfant. Cf. GUÉDENEY Nicole. Apports de la théorie de l attachement aux traitements conjoints parents-bébés. In PIERREHUMBERT Blaise (dir.). L attachement, de la théorie à la clinique. Ramonville Saint-Agne : Érès, 2007, p

19 comme des ressources pour cet enfant 9. L objet de ce dossier est bien d aider à l élaboration des pratiques sur ce point. En 2006, le défenseur des enfants avait consacré son rapport 10 à la question de la coéducation entre les parents et les tiers qui ont tissé des liens affectifs forts avec l enfant et qui jouent un rôle dans son éducation. Dominique Versini préconisait de consolider juridiquement le rôle du tiers en proposant de créer un mandat d éducation ponctuel à son profit, ou selon les circonstances une convention de partage de l exercice de l autorité parentale homologuée par un juge, ainsi que de donner la possibilité au juge des enfants de préciser dans sa décision de placement la nature des actes que le tiers à qui l enfant est confié sera en droit d exercer, au-delà des actes usuels. En Angleterre et au Pays de Galles, le droit a consacré le principe de la coéducation. En vertu de l article 2 du Children Act, plusieurs personnes peuvent avoir simultanément la responsabilité parentale, et pour son exercice, chacune d elles peut agir seule. Le tiers peut donc se voir investi de la responsabilité parentale en même temps que les père et mère, et ainsi agir seul ; le consentement de tous n étant requis que pour les décisions graves. Au Québec, dans le cadre de la protection de l enfance, le tribunal qui conclut que la sécurité ou le développement de l enfant est compromis, peut ordonner que l exercice de certains attributs de l autorité parentale soit retiré aux parents et qu il soit confié au directeur de la protection de la jeunesse ou à toute autre personne e que le tribunal aura désignée. La loi sur la protection de la jeunesse prévoit donc la possibilité d un partage de l autorité parentale en protection de l enfance. La loi du 5 mars 2007 n a pas été aussi loin. Elle permet toutefois au juge de rendre une décision permettant au «service gardien» de décider en lieu et place des titulaires de l autorité parentale «en cas de refus abusif ou injustifié ou en cas de négligence» de leur part (art CC). La loi a retenu, au surplus, la nécessité d accorder une attention toute particulière aux liens affectifs que l enfant a construits avec des tiers, notamment dans son lieu d accueil. Ainsi, le service de l aide sociale à l enfance est chargé de veiller à ce que les liens d attachement noués par l enfant avec d autres 9 La loi n du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes du même sexe a toutefois modifié l article du Code civil en prévoyant que le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations de l enfant avec un tiers, parent ou non «en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables». 10 L enfant au cœur des nouvelles parentalités. Pour un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui. Rapport du défenseur des enfants,

20 personnes que ses parents soient maintenus, voire développés, dans son intérêt supérieur (art. L du CASF). Des auteurs invitent à repenser la place du tiers qui accueille l enfant. Gérard Neyrand 11 a montré que l on déniait ce qu il y avait de familial et de parental dans la vie en famille d accueil. Il parle de parentalité d accueil et souhaite qu elle soit mieux reconnue. Esther Goody, selon Agnès Fine, évoque la possibilité d un partage des attributs de la fonction parentale. Elle décompose ainsi la parentalité (parenthood)) en éléments distincts : concevoir et mettre au monde, donner une identité à la naissance (élément juridique), nourrir, élever et garantir l accès de l enfant au statut d adulte (accès aux biens, à un métier, au mariage). La deuxième fonction parentale, la transmission de la filiation ne fait pas l objet d un partage dans les sociétés étudiées par l anthropologue, mais les autres attributs de la fonction parentale peuvent être dispersés entre plusieurs lieux et divers individus 12. Paul Durning 13 qui a créé le concept de «suppléance familiale» pour qualifier les prises en charges éducatives en internat ou en famille d accueil, a élaboré une typologie des tâches de suppléance familiale (les tâches domestiques, les tâches techniques, les tâches de garde, les tâches d élevage ou le nursing, les tâches éducatives, les tâches de suivi ou de coordination, les tâches de référence sociale) permettant de repérer leur répartition entre les parents et d autres adultes. Didier Houzel enfin, en distinguant plusieurs axes de la parentalité dans le rapport 14 qu il a dirigé sur cette question, a également ouvert la voie à la réflexion quant à un partage possible de ces axes entre les parents et des professionnels. Suite à ces références théoriques, et dans la continuité du deuxième rapport annuel de l ONED de 2006 qui abordait notamment la question de la séparation, de l autorité parentale et de l intérêt de l enfant, et du troisième rapport annuel de 2007 qui portait sur les questions de la parentalité dans les pratiques de prévention, le présent dossier thématique analyse comment, autour des questions de suppléance, peut se dessiner une approche particulière de la parentalité en protection de l enfance, partagée entre les parents et les professionnels. Il s agit moins de questionner le cadre juridique et de théoriser, notamment un partage de l autorité parentale, que de reconsidérer la place du professionnel en lui reconnaissant un rôle parental. 11 NEYRAND Gérard. La parentalité d accueil. Dialogue 2005/ , n 167, p FINE Agnès. Op. cit., p DURNING Paul. Éducation familiale, acteurs processus enjeux. Paris : l Harmattan, 2006, 294 p. 14 HOUZEL Didier (sous la direction de), Les enjeux de la parentalité,, rapport au ministère des Affaires sociales,

21 Ce dossier est composé de cinq articles, écrits par des auteurs qui ont, à l image de l ONED, le souci d articuler la théorie à la pratique. Ces auteurs ont tous une expérience de praticien, dans des disciplines complémentaires. Des annexes juridiques complètent ce dossier afin de mieux cerner les notions abordées sur le plan du droit et d apporter un éclairage juridique sur des points précis comme le retrait d autorité parentale, la déclaration judiciaire d abandon, le statut de pupille, l adoption, etc. Afin d ouvrir la réflexion le dossier se termine par deux articles plus généraux portant sur le lien parents-enfants et la parentalité. Dans le premier article, Pierrine Robin, maître de conférence en sciences de l éducation, donne à voir le point de vue des enfants et des jeunes confiés sur la parenté et la parentalité : leur représentation de la famille, leur perception de l expérience de la suppléance familiale, le rôle qu ils attribuent aux différents acteurs éducatifs qui œuvrent auprès d eux et leur vision d une parentalité positive. Jean Cartry, assistant familial spécialisé avec son épouse et auteur de nombreux ouvrages sur le placement familial, s attache à montrer, sur la base de sa pratique, comment l enfant séparé de ses parents parvient à faire de la personne qui l accueille un donneur de soins parentaux, reconnaissant ainsi une fonction parentale à ses accueillants tout en préservant la place de ses parents. Mohamed L Houssni, directeur de l association RETIS qui intervient dans le champ de la protection de l enfance, montre ensuite, à travers la pratique des dispositifs innovants entre milieu ouvert et placement, telle que RETIS la met en œuvre, comment peut s organiser ser une parentalité partagée. Jean-Michel Permingeat, magistrat, conseiller délégué à la protection de l enfance à la cour d appel d Aix-en-Provence, revient sur la question des actes usuels lorsque l enfant est confié. Il montre ce qui ressort des règles de l autorité parentale et ce qui ressort du travail sur la parentalité, en proposant de faire de la question des actes usuels un support du travail éducatif. Didier Houzel, pédopsychiatre, est coauteur d un rapport commandé par le ministère des Affaires sociales en 1993 intitulé «Les enjeux de la parentalité». Il en reprend les principaux éléments, d une grande richesse pour les professionnels dans le champ de la protection de l enfance, à partir d une intervention qu il a effectuée à l École nationale de la magistrature en Il distingue l exercice, l expérience et la pratique de la parentalité et propose le concept de «parentalité partielle». Le dossier, après les annexes juridiques, se conclut par deux articles qui abordent la question du lien parents-enfants enfants et de la parentalité dans une approche psychanalytique pour le premier, et dans une approche anthropologique pour le second. 13

22 Alain Bouregba, psychologue, directeur de la Fédération des Relais Parents-Enfants nfants à Montrouge, propose ainsi dix arguments pour aider à l analyse des pratiques, qui portent autant sur les relations enfants-parents que sur le travail qui peut être fait, notamment lorsque l enfant est confié, pour traiter cette relation et en prendre soin. Yolande Govindama, psychologue clinicienne qui travaille depuis longtemps en protection de l enfance, rappelle les différentes approches sociologiques des structures familiales avant de proposer une clinique anthropologique de la famille, de la parenté et de la parentalité. Cet article permet notamment d apporter des éléments de réflexion pour garantir la qualité de l intervention en protection de l enfance prenant en compte l approche interculturelle pour accompagner les professionnels dans la recherche de sens des problématiques familiales. 14

23 «J ai toujours su que j avais deux familles» La parenté et la parentalité interrogée du point de vue des enfants et des jeunes confiés Pierrine Robin Après avoir travaillé à l Observatoire national de l enfance en danger (ONED), Pierrine Robin est actuellement maître de conférences en sciences de l éducation à l Université Paris-Est-Créteilses recherches en protection de l enfance au sein du laboratoire REV-CIRCEFT-OUIEP et collabore également aux travaux de l équipe «Éducation familiale et interventions sociales auprès des familles» de Elle mène l Université Paris-Nanterre. Elle a engagé son université dans un réseau interdisciplinaire sur les droits de l enfant, le Children s Rights Erasmus Academic Network (CREAN). Ses recherches portent sur l évaluation de la maltraitance, le parcours des enfants confiés, la participation, la perspective des enfants en situation de vulnérabilité sur leurs droits, et le passage à l âge adulte après une mesure de protection. Elle coordonne actuellement une recherche par les pairs avec des jeunes sortant de la protection de l'enfance sur la transition à l'âge adulte après une mesure de protection. Elle participe également à l équipe ANR Inégalités (INED Printemps) sur la transition à l âge adulte des jeunes sortants du dispositif. Son travail de thèse, L évaluation de la maltraitance, Comment tenir compte de la perspective de l enfant?, a été publié aux Presses Universitaires de Rennes. Dans ce dossier consacré à la famille, la parenté et la parentalité en protection de l enfance, il apparaissait intéressant d interroger ces objets du point de vue des enfants confiés eux-mêmes. Les enfants accueillis dans le dispositif de protection de l enfance sont en effet soumis à une expérience particulière. Entrés dans le dispositif de protection de l enfance au motif que les liens qu ils entretenaient avec leurs parents pouvaient les mettre en danger, ils ont été amenés à construire de nouveaux liens avec différents acteurs éducatifs accomplissant auprès d eux des actions de suppléance familiale. Dans ces conditions particulières quelle représentation de la famille et des liens de parenté construisent-ils? Quelles les expériences font-ils de la suppléance familiale? Quel rôle attribuent-ils aux différents acteurs éducatifs œuvrant auprès d eux? Quelle vision d une parentalité positive développent-ils? C est à ces questions auxquelles nous souhaitons nous intéresser er à partir d une enquête qualitative par entretiens biographiques menée en 2008 auprès de 12 jeunes de 15 à 25 ans qui, au moment de l enquête étaient pour certains pris en charge par le département de la Drôme ou anciennement accompagnés pour d autres. Les parcours des jeunes rencontrés sont significatifs des différentes 15

24 catégories de placement identifiées par Emilie Potin 1 à savoir les catégories «d enfants placés» (n=4), «d enfants déplacés» (n= 4) et «d enfants re-placés» (n=2) qui induisent des formes subjectives différentes d attachement achement et de détachement avec la famille d origine et avec les «autruis significatifs» dans le lieu d accueil. Ces parcours présentent néanmoins des similitudes, que nous chercherons à identifier. Nous essaierons de comprendre en quoi les enfants de la protection de l enfance, viennent interroger les formes traditionnelles de la famille et de la parenté, ainsi que le concept de parentalité. Interroger les enfants de la protection de l enfance sur la famille, la parenté et la parentalité répond à une double nécessité : épistémologique et éthique 2. Epistémologiquement, le point de vue des enfants et des jeunes diffère de celui des adultes. Aussi, selon Audrey Mullender et al. 3, les enfants, porteurs de connaissances, peuvent nous montrer des faiblesses à combler dans notre manière de penser. Ethiquement, faire participer les enfants et les jeunes à la recherche les place, selon Ann Lewis et Geoff Lindsay 4, en position de sujet et de citoyen, en leur permettant de prendre part à tous les niveaux de décision y compris au développement et à la mise en œuvre de recherches. Il reste qu analyser des entretiens biographiques avec des enfants, des adolescents ou des jeunes, n est pas chose aisée. Il convient de garder à l esprit qu une parole est toujours recueillie à un moment précis de l'histoire du sujet qui l'énonce et qu elle est liée aux rencontres positives ou négatives réalisées. Dès lors, l'histoire, les sentiments exprimés, se trouvent marqués par la reconstruction du passé qui s'opère dans le maintenant de l'énonciation. Nous aborderons dans un premier temps la perception par les jeunes interrogés des liens de parenté, et le sort qui leur est réservé, avant d appréhender dans un troisième temps leur conception de la parentalité. 1 POTIN Émilie. Entre détachement et attachement, les enjeux des parcours de placement et le champ des possibilités qu ils induisent. Communication au séminaire de l ONED, JAMES Alison, PROUT Alan. Re-Presenting Childhood : Time and Transition in the Study of Childhood. In JAMES Alison, PROUT Alan (dir.). Constructing and Reconstructing Childhood. Londres : Falmer Press, 1997, p MULLENDER Audrey, HAGUE Gill, IMAM Umme, KELLY Liz, MALOS Ellen, REGAN Linda. Children s Perspective on Domestic Violence. Londres : Sage, 2002, 258 p. 4 LEWIS Ann, LINDSAY Geoff. Researching Children s Perspectives. Buckingham : Open University Press, 2000, 239 p. 16

25 1. Une expérience familiale singulière : de liens diffractés à l expérience d une parenté plurielle Les enfants de la protection de l enfance vivent une expérience familiale singulière. Contrairement à la plupart des enfants adoptés, ils ne doivent pas faire face à une absence de connaissance de leur famille de naissance, mais à une disqualification ou à un délitement des liens d origine : «En général on a du mal à se construire parce qu on cherche son père. Donc là, la démarche est différente : je connais mon père, mais il n y a pas le lien filial normal» (Antoine, 19 ans, en contrat jeune majeur). De l élaboration de liens diffractés à la construction de nouvelles attaches dans le lieu d accueil, la perception de la famille et des liens de parenté est l objet de multiples recompositions au cours de la prise en charge. 1.1 Faire face à la disqualification des liens On notera tout d abord que le rapport des enfants à leur famille d origine est très différent selon que l enfant se soit perçu d emblée comme «en danger» - comme Assia (16 ans, placée en établissement) qui a remarqué très tôt un dysfonctionnement dans sa famille : «En maternelle, j ai remarqué que les parents étaient affectueux. [ ] Je voyais bien la différence avec les autres. Ça frappait aux yeux» - ou que le qualificatif de danger soit l objet d une intériorisation au fil du parcours comme pour Océane (19 ans, sortie du dispositif) : «Dans mes souvenirs lointains, les gens de l ASE, c étaient des méchants. [ ] En grandissant, j ai compris que c était pour mon bien. [ ] Plus tard, j ai discuté avec ma grande sœur que mon père était dans un sale état, que c était dangereux. Cela a été une déduction plus tard. Un enfant qui vit chez des étrangers, je ne trouvais pas ça normal. [ ] Ça me semblait illogique dans ma tête. [ ] Ça m a fait avancer dans la vie. Je ne regrette pas, ce que je regrette c est qu on n ait pas pris le temps de m expliquer. [ ] On finit par comprendre mais tard.». Dans ce dernier cas, c est le regard public porté sur la relation avec les parents et le pourquoi de sa qualification de «risque», de «danger», qui est l objet pour l enfant d un long processus d intériorisation. 1.2 Des liens diffractés Une fois accueilli dans le dispositif de protection de l enfance, l épreuve rencontrée par les enfants confiés est celle d une vie tiraillée entre deux familles : celle d origine et celle du lieu d accueil. La difficulté de concilier des liens et des espaces de vie pluriels est source de questionnements permanents, notamment pour les enfants connaissant des allers-retours retours entre le placement et leur famille d origine. Pris entre deux normes 5, entre une pluralité de liens et d affiliations 6, entre deux mondes 7, ils peuvent 5 POTIN Émilie. Enfants placés, déplacés, replacés : parcours en protection de l enfance. Ramonville Saint- Agne : Érès, 2012, 218 p. 6 CADORET Anne. Parenté plurielle : anthropologie du placement familial. Paris : Harmattan, 1995, 232 p. 17

26 être alors en proie à la diffractation. C est le cas de Deborah, qui connaît toutefois une situation atypique. Placée dès la naissance à la pouponnière, puis au sein d une même famille d accueil, dans la Drôme, pendant ses quatorze premières années de vie, elle est remise en contact avec sa famille d origine, au moment où la famille d accueil entame à sa demande une démarche d adoption. Ses contacts de plus en plus réguliers avec sa famille d origine, conduisent finalement Deborah à «retourner» vivre à ses 14 ans chez ses parents qu elle a très peu connus. Mais cette situation l a mise face à un dilemme et un tiraillement indépassable : «J ai été placée à la pouponnière puis placée en famille d accueil jusqu à 14 ans. Après je suis retournée chez mes parents biologiques. C était compliqué, d un côté je voulais bien, d un côté je voulais pas. C est l assistante sociale qui m a dit que ce serait bien. J avais du mal à dire oui. Je pesais le pour et le contre, après je l ai regretté. Elle m a dit que je ressemblais à mon père, qu elle se souvenait de moi, de mes premières réactions avec mes parents quand j étais petite. Si on disait non c était non, si on disait oui on rentrait. J ai été influencée par l assistante sociale. Elle me disait que je pourrais faire plus de choses si je rentrais chez moi. Je ne voulais pas rentrer chez moi. Le juge me demandait, il me disait "Est-ce que vous vous sentez prête? Est-ce que vous savez pourquoi vous voulez rentrer?" Il posait les bonnes questions. J y répondais comme je pouvais» (Deborah, 21 ans, sortie du dispositif). C est ce difficile travail d appréhension des lieux et des liens que Michel Giraud 8 nomme «la déterritorialisation de soi». Il s agit d «une forme singulière de socialisation repérable par un mal-être psychique récurrent à autrui et à l espace, qui se manifeste par une anxiété durable» (p. 463) L enfant placé, dans cet état de tiraillement, «consacre l essentiel de ses forces à la quête de liens et de lieux de vie improbables» (p. 463). 1.3 La construction de parentés plurielles Toutefois, au fil de la mesure e de placement, certains enfants, qui connaissent des placements relativement stables, parviennent à construire des liens d affiliation avec les personnes qui partagent leur quotidien. Ainsi, comme le souligne Océane : «Avec la famille d accueil, on s appelle, on se rend visite. On ne coupe pas les ponts avec des gens qui nous éduquent. [...] Ils ont un peu comme un rôle de parents mais sans remplacer les parents. Ils sont là pour aimer les enfants» (Océane 19 ans). La jeune fille souligne l importance de ce qui se joue dans la possibilité de cette affiliation. Cependant, comme elle le précise, en écho avec le concept de suppléance parentale 9, les liens créés au cours et en 7 MOISSET Pierre. Une socialisation impossible? Cinq parcours de jeunes en grandes difficultés. Étude sociologique sur les parcours de jeunes en grandes difficultés au sein de l aide sociale à l enfance, deuxième phase. 2009, non publié. 8 GIRAUD Michel. Le travail psycho-social des enfants placés. Déviance et Société , p DURNING Paul. Éducation familiale, acteurs processus enjeux. Paris : L Harmattan, 2006, 294 p. 18

27 raison du parcours ne viennent pas se substituer à ceux existant avec la famille d origine, mais s y ajouter ; la famille d accueil c est «un peu comme les parents» mais «sans les remplacer». Pour d autres qui ont connu les placements les plus stables et les plus longs et qui ont intériorisé la disqualification des liens avec les parents d origine, les liens supplétifs peuvent venir prendre le pas sur les liens d origine : «Ma vraie famille, c est ma famille d accueil. Souvent ce qu on pose comme question, c est : "Comment ça se fait que tu les considères comme tes vrais parents?" Enfin c est un peu injuste vis-à-vis des parents géniteurs Enfin, je trouve que le lien de cœur est plus important que le lien de sang. Parce que, par exemple, avec mon vrai père, on a eu des liens, mais jamais aussi proches que ceux qu on a avec mes parents d accueil.» (Antoine, 19 ans, en contrat jeune majeur). On est plus proche ici du concept de substitution identifié par Catherine Sellenet 10 que du concept de suppléance avec un lien «du cœur» qui prend le pas sur le lien «du sang». D autres jeunes interrogés maintiennent une position médiane, en soulignant leur double sentiment d appartenance identitaire : «J ai toujours su que j avais deux familles» (Fred 19 ans). Ils peuvent alors à la manière de Didier Houzel 11 distinguer différents axes de la parentalité et attribuer des rôles différenciés à chacun en fonction de ces axes. Certains peuvent attribuer à leurs parents d origine une fonction symbolique sur l axe de l exercice de la parentalité comme un jeune garçon rencontré qui ne veut pas retourner vivre chez sa mère, mais souhaite prendre son nom ou ce jeune homme qui souligne le lien de filiation existant : «Ben je suis content de savoir qui est mon père, qui est ma mère, de savoir qu ils existent, et de savoir que si j ai envie de les voir, je sais que je peux toquer à la porte et aller les voir.» (Fred, 19 ans, en contrat jeune majeur). Mais pour eux, la pratique de la parentalité est exercée par les référents du lieu d accueil, ceux qui les ont «élevés, éduqués, nourris, suivis» : «Je suis née à la pouponnière de Valence. Pour moi, la famille d accueil, c est mes parents, c est eux qui m ont élevée, qui m ont nourrie. Mes parents biologiques, ils ne m ont pas suivie. Après ils pensaient que j avais tout oublié.» (Aude, 19 ans, en contrat jeune majeur). Dans notre étude, ces trois types de positionnement ne recoupent que partiellement les trois catégories de placement (enfant placé, déplacé, replacé) identifiés par Emilie Potin. Si certes cette perception des liens de parenté est liée au parcours de placement (notamment à la stabilité, la précocité, le nombre déplacement et le type de placement en famille d accueil ou en établissement), elle est aussi liée à l intériorisation ou non de la disqualification des liens d origine. 10 SELLENET Catherine (dir.). Les visites médiatisées pour des familles séparées : protéger l enfant. Paris : l Harmattan, 2010, 223 p. 11 HOUZEL Didier (dir.). Les enjeux de la parentalité. Ramonville Saint-Agne : Érès, 2006 (1 ère édition en 1999), 200 p. 19

28 2. Cette expérience familiale singulière : point aveugle de l évaluation et de la prise en charge? Pourtant ces liens de parenté pluriels construits durant l accueil sont peu pris en compte dans l évaluation et dans la prise en charge. Plusieurs éléments peuvent contribuer à expliquer cette situation. 2.1 Des parentés additionnelles : point aveugle de l évaluation et de la prise en charge? Quelle que soit la position adoptée, les jeunes interrogés partagent donc une lecture commune de liens de parenté singuliers. Cette te parenté plurielle 12 se donne à entendre dans le récit des jeunes, lorsqu ils utilisent tour à tour les termes mes «vrais parents» pour désigner les parents géniteurs, vrai étant employé au sens légal et génétique et «vrais parents» pour désigner la famille d accueil, vrai renvoyant alors au lien subjectif et affectif. Le caractère identique des termes utilisés ne renvoie pas pour autant à une confusion dans leur esprit du rôle qu ils attribuent à chacun, la distinction qu ils opèrent entre «les parents géniteurs» et «ceux qui apprennent à faire toutes les démarches dans la vie» étant très nette. Cette confusion apparente est plutôt liée à la difficulté d expliquer et de mettre en mots ces liens subjectifs créés du fait d une absence de termes reconnus nus et partagés dans la pratique pour désigner ces parentalités additionnelles, comme peut l exprimer ce jeune en situation d entretien : «C est un peu dur à expliquer, bon attendez, je vais prendre une feuille, ce sera plus facile.» (Antoine, 19 ans, en contrat jeune majeur). On peut penser que cette absence de termes communs pour désigner la parentalité additionnelle renvoie à «une zone aveugle» de l évaluation et de la prise en charge. 2.2 La famille élargie et élective : second point aveugle de l évaluation et de la prise en charge? On peut penser que ce ne sont pas seulement «les parentés plurielles» qui constituent une zone aveugle de l évaluation des professionnels et de la prise en charge, mais également l ensemble de la famille élargie. Or, le vécu expérientiel des jeunes rencontrés repose sur une famille plurielle et élargie, qui comprend la fratrie de naissance, la fratrie du lieu d accueil, des membres de la famille de naissance et du lieu d accueil. Ainsi la majorité des jeunes majeurs rencontrés rés maintiennent des liens avec leur fratrie de naissance parfois en dépit de mesures différentes d aide ou d interdits parentaux : «À l âge de 16 ans, mon frère a commencé à se créer des visites de vacances dans ma famille d accueil.» (Océane 19 ans, sortie du dispositif) ; «Je vois mon frère en cachette de ma mère. Je m inquiète beaucoup pour lui car il est resté chez sa mère et il est hospitalisé en hôpital psychiatrique.» (Mourad, 19 ans, en contrat jeune majeur). De plus, les jeunes entretiennent des liens privilégiés avec certaines personnes 12 Anne CADORET, op. cit. 20

29 de leur famille de naissance élargie, liens qui reposent essentiellement sur la confiance et le dialogue, mais qui sont peu soutenus dans la prise en charge : «Le lien est plus fort avec ma grand-mère ou ma tante qu avec mon père. Peut-être parce qu on avait plus discuté et naturellement les liens se sont mieux tissés» (Antoine, 19 ans, en contrat jeune majeur). Par ailleurs, les jeunes créent des liens forts avec leur fratrie d accueil : «Ma petite sœur, c est ma petite sœur, et ce n est pas spécifiquement la fille des parents d accueil, cataloguée comme ça.» (Fred, 19 ans, sorti du dispositif). Ainsi, on observe des enfants, des adolescents et des jeunes qui puisent dans leur famille de naissance et leur lieu d accueil des références, des modèles familiaux, des personnes avec lesquelles ils construisent des liens particuliers. Plus qu une famille subie ou une famille de fait, ils se réfèrent à une famille élective, comme en témoigne cet extrait : «À 6 ans, j ai demandé à être baptisé. La marraine c est la fille de ma famille d accueil. Le parrain c est le beau-frère de ma famille d accueil. C est deux personnes que j apprécie énormément.» (Fred, 19 ans). Toutefois, ils n ont nt aucune garantie quand à la préservation de ces liens. 2.3 Le déni des attaches nouées Les récits des jeunes montrent que les attaches nouées au cours de leur parcours ne sont guère prises en compte. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation. On notera tout d abord que le point de vue de l enfant, notamment sur ses liens, est peu pris en compte dans l évaluation 13, tout comme est peu pris en compte le point de vue des acteurs de la prise en charge en cours de mesure (famille d accueil et éducateurs des établissements). Les liens construits durant l accueil sont alors doublement invisibilisés dans le processus d évaluation de la situation en cours de mesure. À ceci s ajoute une donnée non moins importante : la philosophie du dispositif de protection de l enfance français qui vise à travailler le lien de l enfant avec ses parents d origine 14, la finalité visée étant le retour en famille. Peu de place est donc laissée à la conception de liens de parentés plurielles et au renforcement des supports que peut constituer la famille élargie et élective. Depuis 2007 néanmoins, la réforme de la loi prévoit pourtant que «les liens d attachement noués par l enfant [ ] soient maintenus, voire développés dans son intérêt supérieur» (art. 3), mais il n en demeure pas moins qu en pratique, les enfants n ont aucune garantie à cet égard, comme en témoigne le discours des jeunes sur les pratiques d accompagnement rencontrées. Le point de focale reste sur l accompagnement et le soutien des parents d origine au détriment des autres formes de lien : «Il s est trouvé que j avais un éducateur qui prenait fait et cause pour mon père biologique, ce qui n était pas le 13 ROBIN Pierrine. L évaluation de la maltraitance en tension. Thèse de doctorat en sciences de l éducation, soutenue le 20 mars à Nanterre. 14 Cf. Définition des objectifs de la protection de l enfance dans la loi du 5 mars 2007, notamment art

30 meilleur choix à faire. Il a fait toutes les démarches en fonction de ce que disait mon père et la famille d accueil passait après, enfin quand elle passait!» (Antoine, 19 ans, en contrat jeune majeur). Il s ensuit que la préservation de ces liens précieux repose sur les jeunes, dont l intérêt est d adopter un langage conforme aux représentations des professionnels, ou même de taire ce qu ils ont pu construire avec leur «parenté additionnelle», quand bien même elle peut leur paraître plus «vraie» que l autre. Exprimer la réalité de ces liens affectifs les expose sinon au risque de les voir jugé excessifs par les professionnels et de se voir déplacés : «Un éducateur m a dit que j allais changer de famille d accueil. Ça s est fait en petites réunions. La décision s est imposée à moi. Je ne voulais pas partir. Je me suis sentie comme une valise qu on transporte d un endroit à l autre. On ne m a pas demandé mon avis. On m a présenté ces gens. On m a emmené chez eux. On m a dit tu vas y aller. On a changé avec mon frère car le service considérait qu ils maternaient trop mon frère. Il ne fallait pas montrer de sentiments. Il fallait juste laver le linge.» (Océane, 19 ans, sortie du dispositif). Ainsi, dans le cadre de cette enquête, la perception de la famille et des liens de parentés significatifs des enfants confiés est peu prise en compte, tout comme est peu appréhendée leur représentation de la parentalité. 3. La perception d une parentalité positive Au cours de l évaluation et de la prise en charge, les enfants sont peu interrogés sur leur perception de la parentalité. Pour autant il est très intéressant de chercher à analyser, à partir des comparaisons que les jeunes établissent spontanément entre leur famille d origine, le lieu d accueil et «les familles ordinaires», les attentes éducatives des jeunes interrogés. C est bien les contours d une parentalité positive que les enfants et jeunes majeurs dessinent. Leur portrait de l image éducative se rapproche en grande partie des savoirs experts, notamment du modèle des douze besoins de Jean-Pierre Pourtois, sachant que chacun de ces besoins appelle en réponse des fonctions parentales adéquates. Les attentes formulées par les enfants et jeunes majeurs vis-à-vis du référent éducatif font tout d abord étroitement écho au besoin d affiliation développé par Jean-Pierre Pourtois 15 dont les composantes sont l attachement, l acceptation, l investissement. Dans le discours des jeunes interrogées, la principale attente vis-à-vis de la référence éducative, c est d être présent pour eux dans le passé et dans le futur. Cette attente se rapproche de la permanence et la fiabilité du lien chère aux théoriciens de l attachement : «Ma famille d accueil, ils ont toujours été là pour moi. Je sais que je peux leur 15 POURTOIS Jean-Pierre. Blessure d enfant, la maltraitance : théorie, pratique et intervention. Bruxelles : De Boeck Université, 2000, 292 p. 22

31 demander n importe quoi, ils sont toujours là.» (Aude, 21 ans, en contrat jeune majeur). Ils attendent également de construire avec leur référent éducatif un lien d attachement, qu ils perçoivent comme nécessaire à leur développement : «Il y a un lien d affection avec ma famille d accueil. Ma famille d accueil, ils ont donné plus qu on doit donner, de l amour, du soutien, tout ce qu il faut pour qu un jeune puisse grandir. Pour moi, c est les gens qui m ont élevé. Il y a un attachement. On me disait : "il ne faut pas s attacher, on ne sait pas ce qui peut arriver", mais il y a toujours un lien. C était vraiment de l amour. Ils refont la même expérience avec une petite de deux ans qu ils ont eue en bas âge, je la vois évoluer. Je me revois moi, c est le même amour. Je trouve ça beau»» (Fred, 19 ans, sorti du dispositif). Ils attachent une grande importance à l investissement non différencié du référent entre les enfants du lieu d accueil : «Ils n ont pas fait la différence entre leurs enfants et moi.» (Fred, 19 ans). Néanmoins, ils attendent également du référent éducatif une prise en compte de leur individualité et de leurs différences culturelles et sociales : «Dans ce foyer, je m en suis sortie vraiment bien. J étais une deuxième personne car on m a demandé ce que je voulais. Ici on m a demandé ce que j avais envie de faire. On m a prise moi pour ce que j étais, ce que je valais. Quand on essaye de voir les gens, leurs compétences, qu est-ce qu ils sont capables de faire. C est mieux, plutôt que de tous les mettre dans les centres d information et d orientation. Ça ne peut pas marcher. Il faut essayer de diversifier un peu. On m a pris avec mon histoire. On m a permis de faire certaines choses. Ils m ont permis de partir en Tunisie. Ce n est pas tout le monde qui peut le faire. C est important de connaître son pays. Ce n est pas tous les jeunes qui ont la chance de connaître leur pays. Ils m ont vraiment pris avec ça.» (Amina, 21 ans, sortie du dispositif). Dans une seconde dimension, le référent éducatif est perçu comme important pour soutenir cognitivement l enfant. Le référent éducatif doit être là pour les écouter au retour de l école et «venir résoudre les problèmes» en cas de besoin : «J ai toujours eu beaucoup de confidence avec ma mère d accueil. Elle venait résoudre les problèmes, si j avais besoin de parler, si j avais un souci à l école.» (Aude, 21 ans). Par ailleurs, une grande importance est accordée par les jeunes au rôle du référent éducatif dans le soutien de leur scolarité : «C était bien cadré au niveau des devoirs. On avait deux personnes qui nous aidaient à faire nos devoirs. Quand je faisais du soutien, on parlait de plein de choses. C était un lien sympa. Il y avait un ordinateur.» (Christelle, 25 ans). Le référent éducatif doit également les soutenir dans leurs expériences et les guider dans leurs choix professionnels : «J ai tellement appris avec eux, on parlait beaucoup des métiers.» (Fred, 19 ans). On retrouve dans cette deuxième dimension le besoin cognitif d accomplissement développé par Jean-Pierre Pourtois. Comme corollaire au besoin d accomplissement, les enfants et jeunes majeurs insistent également beaucoup sur leurs besoins sociaux que le référent éducatif doit être à même de comprendre et de favoriser. Le rôle du référent éducatif est perçu comme primordial dans l accomplissement des besoins sociaux. Le référent éducatif doit ouvrir le jeune sur l extérieur sur des activités, des loisirs, des passions : «Chacun pouvait poursuivre une activité extérieure. Ils essayaient qu on s ouvre sur les 23

32 mêmes choses que les autres. Ça c était bien. Ça faisait un peu colo. Ils apportaient des choses que d autres pouvaient avoir chez eux. Ils faisaient un effort pour suivre les trucs, c était pas comme à l orphelinat. Ça m a permis de m affirmer, de faire des choses que je n aurais pas pu faire, des camps, des randos dans le Vercors, du camping, aller au ski, des trucs que je n aurais jamais fait sinon.» (Christelle, 25 ans). Les enfants et jeunes jugent aussi positivement que cette liberté soit associée à une prise de responsabilité dans l apprentissage de l autonomie financière et résidentielle. Dans leur récit, les jeunes battent en brèche l idée commune d une absence d association chez les jeunes entre les droits-libertés et les devoirs. «Au foyer, on allait tous les jours faire les courses. On décidait des tâches ménagères, des menus. Ils avaient une petite auberge. On était au contact des clients. On gagnait nos sous avec le restaurant et nos cours. C est important parce qu après on voit plein de jeunes qui ne veulent pas travailler.» (Amina, 21 ans). Enfin, les jeunes rencontrés attachent une grande importance au rôle du référent éducatif dans la transmission de valeurs : «Ce que j ai bien aimé chez eux? Déjà les valeurs qu ils véhiculaient. [...] La famille, l entraide, l honnêteté, enfin les grandes valeurs.» (Mourad, 19 ans). Ils jugent positivement la transmission par le référent de règles : «J ai été élevé correctement, j ai fait des bêtises, j ai été puni comme il fallait.» (Aude, 21 ans). Ils jugent aussi positivement la transmission par le référent éducatif d une spiritualité tout en préservant leur liberté de choix : «J ai connu les éclaireurs par ma famille d accueil. C est une ouverture d esprit : on reste très libre de nos choix.» (Fred, 19 ans). On retrouve ici le besoin de valeurs identifié par Jean-Pierre Pourtois concernant le bien, le bon, le vrai et le beau. Conclusion Interroger les jeunes confiés sur leurs représentations de la famille, des liens de parenté et de la parentalité c est donc découvrir une famille singulière, faite de diffractation certes mais aussi de nouvelles attaches. C est surtout une famille plurielle, objet de multiples recompositions entre les liens d origines et les liens créés durant l accueil. C est enfin une famille élargie et élective qui ne se limite pas aux liens avec les parents d origine. Pourtant cette vision de la famille plurielle et élective semble peu prise en compte dans les processus d évaluation des situations familiales des enfants confiés en cours de mesure de protection, pas plus que ne semblent prises en compte les représentations des enfants confiés de la parentalité. Or les jeunes interrogés dessinent une image de la référence éducative qui peut tout à la fois permettre de réfléchir aux critères d évaluation de la parentalité et de penser le rôle des parentalités additionnelles et les liens affectifs créés durant l accueil. 24

33 Émotions et interactions complexes dans la famille d accueil Jean Cartry Jean Cartry a exercé en tant qu éducateur spécialisé, éducateur de groupe puis directeur d'établissement. De plus, avec son épouse, elle-même éducatrice spécialisée, il a été animateur d'une famille thérapeutique pendant 35 ans. Il est l auteur de plusieurs ouvrages parus chez Dunod. Comment un enfant séparé de ses parents arrive à «faire avec» cette situation? Comment parvient-il à faire de(s) la personne(s) qui l'accueille(nt) un donneur de soins parentaux? Peut-il reconnaître une fonction parentale à ses accueillants tout en préservant la place de ses parents? 1. Liminaire La famille, et a fortiori la famille d'accueil, suscite tellement de projections personnelles qu'une prise de distance émotionnelle s'impose dès qu'on l observe ; de même on doit s'efforcer d'écarter toute idéologie familialiste au moment de saisir ce qui se passe d interactions, forcément intenses et complexes entre la famille d'accueil et la famille de l'enfant accueilli. Ce préalable étant posé, il convient de préciser le cadre de notre réflexion : il s'agit de la famille d'accueil que ma femme et moi, éducateurs spécialisés, animons depuis plus de trente ans. Aujourd'hui, nous estimons que la plupart des enfants ou adolescents accueillis sont capables, progressivement, de se construire en référence à une double parentalité. 2. Grégoire, un enfant emblématique Les jeunes accueillis étant nos meilleurs professeurs de clinique, nous écouterons pour commencer Grégoire, quatre ans : un soir, au moment où ma femme le couche, il murmure : «Dis, dans la journée, tu me dis Grégoire et moi je te dis Janine ; mais des fois, quand tu me couches, moi je te dirais maman et toi tu dirais mon bébé.» Parce qu'il est en sécurité, Grégoire peut osciller entre sa mère dont la place est gardée, et la fonction maternelle qui est garantie. De plus, mon épouse, l éducatrice mère-d'accueil, n'a pas répondu 25

34 explicitement à la demande de Grégoire ce qui, note Paul Fustier (en commentant ce petit récit 1 ), met l ambiguïté au travail. Ce récit appelle d'autres commentaires. Qui garde la place de la mère de Grégoire : l'enfant, ses parents d'accueil? Au seuil de l'ambiguïté, la non réponse de mon épouse laisse ouverte la place de la mère d'origine et, au fur et à mesure des années qui viendront, Grégoire, toujours chez nous, s accommodera de cette ouverture ambiguë. À dix-huit ans passés, il ira voir sa mère chez elle, à notre insu. Cet insu nous a surpris mais ne nous a pas peinés. Nous l'avons compris comme une déclaration d'autonomie. Dorénavant, il va et vient entre sa mère et nous, explicitement, comme il avait implicitement oscillé, à son insu, entre nous et elle. Parce que la place de sa mère était gardée, il maîtrise maintenant la tension de son lien avec elle. 3. L'indispensable sécurité existentielle La condition de cette maîtrise tient au sentiment de sécurité existentielle et de réassurance narcissique dû à la permanence des soins maternels reçus en famille d'accueil. Sentiment global de sécurité existentielle qui, après l'expérience de la carence précoce, se déploie dans la famille d'accueil. Sentiment de sécurité dans le temps, dans l'espace, dans son corps et dans la relation aux adultes permanents, qui permet à l'enfant, au fil du temps, de penser sa mère malgré les risques et la douleur de ce travail de pensée qui peut être aussi un travail de désillusion et de deuil partiel. Longtemps, comme ses frères, il a rencontré sa mère lors de visites régulières médiatisées. Aujourd'hui, il gère seul son sentiment d'appartenance et d'identité sans demande, sans attente, sans besoin d'un retour auprès d'elle. En effet, sur l'autre scène constituée par la famille d'accueil, il a rejoué, ou plutôt joué une longue expérience d'attachement avec des «parents symboliques» lui permettant finalement de lancer vers sa mère des liens d'attache sans risque de détachement, car il est attaché quelque part. Parents symboliques? Certes, mais prodiguant des soins 2 dans la réalité. Parents symboliques parce que suscitant chez l'enfant un remaniement symbolique du monde qui l'entoure et de soi dans ce monde où figurent, malgré tout, ses propres parents. Parents symboliques en représentation de parentalité sur la scène, solidement réelle, de la famille d'accueil. Les enfants parlent de nous, entre eux et à l'extérieur, en nous appelant «les» parents et non pas mes ou nos parents, à la faveur d'un article déterminant... indéterminé! Ce faisant, ils valident notre position à la fois ambiguë et paradoxale. 1 FUSTIER Paul. Le Lien d'accompagnement. Entre don et contrat salarial. Paris : Dunod, 2004, 238 p. 2 Au sens que Myriam David attache à ce mot, évidemment. 26

35 4. L'inexorable attaque des liens Et pourtant, la plupart des enfants accueillis ont attaqué les liens de notre couple comme pour vérifier la solidité de leur assise dans la famille d'accueil. On peut suggérer qu'à ce niveau de dynamique transférentielle, les parents de l'enfant sont, sur la scène de l'accueil... dans le trou du souffleur! L'enfant tente alors de jouer la répétition de l'échec et de l'angoisse en actualisant sur les parents d'accueil des scènes du passé. C'est à ce moment-là qu'il nous faut tenir bon pour instaurer une expérience positive de parentalité qui, à terme, par retombée, est susceptible de bénéficier aux parents de l'enfant. Grégoire valide cette hypothèse. Ne pas détruire les parents d'accueil ménage une place à ses propres parents en restaurant sa représentation de la parentalité. Cependant, il faut reconnaître que pour sauver la place de ses parents et la représentation qu'il se fait d'eux, un adolescent, un jeune adulte peut tenter de détruire, par dénonciation calomnieuse, un parent d'accueil, en projetant sur lui la totalité de son vécu dans sa propre famille. La place de ses parents n'en est pas pour autant sauvée et sa place dans la famille d'accueil est perdue. Quelques années plus tard, il dira, en essayant de s'excuser : «De toute façon, je finis toujours par perdre ceux que j'aime...» 5. La question du père d'accueil On ne saurait oublier que la famille d'accueil, comme toute famille, est une structure œdipienne lieu de fantasmes, mais aussi cadre contenant du psychisme de l'enfant 3. Pour cette raison, le rôle du père d'accueil devrait être plus souvent reconnu dans sa capacité à imposer à l'enfant accueilli ce que Dolto nomme une «castration symboligène» qui institue l'enfant dans le cadre contenant de la loi. Père d'accueil qui, notamment chez les garçons accueillis, peut être ressenti comme un père d'occupation de la place du père, rival, sécurisant mais suscitant souvent chez l'enfant garçon des sentiments très ambivalents. En effet, en famille d'accueil, il est peut être plus facile (si l'on ose dire!) de tenir un rôle maternel sans occuper la place maternelle, qu'être une image paternelle porteuse de loi car la loi ne peut s'énoncer que d'un côté... Si la loi pouvait être énoncée dans les deux familles, il n'y aurait pas besoin de placement familial! Tandis que l'amour des parents, dans sa partie saine, peut être mobilisé en placement familial. Nous sommes là au cœur de l'indication du placement : des troubles de l'attachement précoce en rapport avec l'amour, auxquels se superpose une carence éducative en rapport avec la loi. Les fonctions du père et de la mère d'accueil sont dissymétriques et ne ménagent pas la même place aux parents de l'enfant. Entre le père d'accueil et le père de l'enfant la question de la place de ce dernier reste, pour moi, irrésolue. 3 BERGER Maurice. L'enfant et la souffrance de séparation. Paris : Dunod, 1997, 176 p. 27

36 6. Se séparer pour ne pas se perdre Ces observations ouvrent la question de la nature du lien maintenu entre un enfant et ses parents d'origine, qui postulerait, à terme, son retour chez eux, conformément à l'idéologie encore vivante dans certains placements familiaux où la «restitution» (après le rapt!) aux parents constitue la finalité du placement. C'est oublier que les retours réussis chez les parents sont exceptionnels et qu'il convient, par conséquent, de penser autrement les liens susceptibles d'être réaménagés entre un enfant accueilli et ses parents d'origine. En effet, c'est justement parce qu'il n'est pas acculé au retour par l'idéologie du lien, que l'enfant peut penser ce lien autrement et le reconstruire à sa convenance grâce à la séparation car, selon Myriam David : «Il faut parfois se séparer pour ne pas se perdre». En tout cas, écrit Maurice Berger : «Beaucoup d'enfants ont simplement besoin de vérifier que leur parent est vivant et qu'il pense à eux [...].» 4 À cet égard, sachant que la mère de Grégoire ne prenait plus de nouvelles de ses enfants, le juge lui a fait obligation, par jugement, de se manifester régulièrement. 7. Un minimum d'alliance Il n'est pas douteux que puisse, au long du temps, s'établir entre la famille d'accueil et la famille d'origine un minimum d'alliance surtout lorsque cette dernière conserve l'autorité parentale. À travers une demande d autorisation, de signature, un échange de petites nouvelles, la réciprocité d'informations, l'anniversaire des enfants, leurs maladies, leur scolarité, la famille d'origine est sollicitée dans la partie saine d'elle-même qui est ainsi conservée. Ce minimum d'alliance entretient cette place où Grégoire, aujourd'hui, rejoint sa mère à sa convenance. En ce sens, nous avons peut-être élevé Grégoire par subrogation symbolique de sa mère. Cette dernière a finalement accepté le placement de ses enfants chez nous. Sans doute, en l'acceptant, a-telle reconnu une place à ses enfants ; condition nécessaire pour qu'elle garde la sienne La parentalisation des affects Enfin, la fonction parentale des accueillants est souvent reconnue et sollicitée, lorsque, adultes, les anciens accueillis viennent se ressourcer à la maison, présenter une compagne, un compagnon, un bébé et témoigner d'une évolution positive. D'autres ont encore mal à leurs parents (ou à leurs propres enfants!). Ils téléphonent ou viennent à la maison poser un gros sac de paroles souffrantes. Nous écoutons Sylvie ou Nadine parler de leurs mères oublieuses ou disparues comme si nous étions pour elles une sorte d'espace transitionnel leur permettant de faire circuler leurs mères entre leur dedans et la 4 BERGER Maurice, ibid. 28

37 réalité du dehors, de garder leurs mères vivantes en elles malgré tout. Il semble alors que notre parentalité d'accueil cautionne en quelque sorte la parentalité de leurs parents et consolide leur sentiment t d'identité toujours précaire. Certes, nous ne sommes pas à la place des parents de l'enfant, mais se constitue parfois entre eux et nous une sorte de filiation éducative et affective qui résulte d'un vivre avec et d'un soin parental prolongés. Récemment, la plus ancienne des «accueillis» (il y a 32 ans) dans notre famille, mère de six enfants, a vécu pendant un an la mort annoncée de son mari. Nous l'avons accompagnée (surtout ma femme) dans une «proche distance». À sa demande, ma femme était présente à son côté, à l'hôpital, au moment de la mort de son mari. Présente non pas comme sa mère, mais comme une mère. En tout cas comme présence de maternité paradoxale, réelle et symbolique. Comme une passerelle entre elle et sa propre mère absente. Ainsi, les enfants accueillis peuvent-ils reconnaître notre capacité à exercer auprès d'eux des fonctions parentales à condition que la place vacante de leurs parents ne soit pas occupée par nous-mêmes, encore moins par une attente sans objet ou la promesse, le plus souvent illusoire, d'un retour. C'est la mise au travail du paradoxe et de l'ambiguïté qui procure à l'enfant accueilli la capacité de se penser entre «deux» familles. Il ne faut pas oublier que l'intégrité de la place des parents de l'enfant est aussi garantie (ou devrait l'être) par la médiation de tout le service de placement familial entre les deux familles de l'enfant. En effet, ce qui est en jeu dans le placement familial, c'est la parentalisation des affects qui appelle fréquemment le refroidissement des émotions et le soutien psychique de tous les partenaires du placement - enfant, parents, famille d'accueil - dans un travail de pensée. 29

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39 Parentalité et protection de l enfance : élargir le cercle de l enfant pour assurer sa sécurité et son bien-être Mohamed L Houssni Mohamed L Houssni est le directeur-fondateur de l association RETIS implantée en Haute-Savoie. Il est éducateur spécialisé de formation, formé aux thérapies familiales et diplômé en ingénierie sociale et en sociologie. Il travaille autour de trois axes articulés : des pratiques engagées, la participation des familles et la recherche-action. Introduction Il ne fait plus de doute que l enfant est une personne, un individu, bref, un acteur. Toutefois, ne perdons pas de vue que l enfant est aussi un «petit» qui a besoin des «grands» pour assurer sa protection. L enfant a donc un double statut. Il est à la fois l égal de l adulte sur le plan de sa reconnaissance en tant que personne et il est différent, inégal, sur le plan de la taille car en tant que «petit être vulnérable», il a droit à la protection «des grands». Protection de l enfance et l enfant acteur de sa protection sont les deux faces d une même médaille. Notre société occidentale a désigné la famille comme étant la première institution ayant à remplir cette double fonction de reconnaissance et de protection. En principe, ce sont les parents qui ont la responsabilité de faire ce travail de socialisation. Il leur est donc reconnu des droits et des devoirs rattachés à la notion d autorité parentale. Cette protection familiale peut se doubler d une autre forme de protection sociale : la protection administrative ou judiciaire de l enfance. La protection de l enfance intervient lorsque la famille ne parvient plus à tenir un écart, un «jeu» acceptable entre ses normes familiales et les normes sociales. Des institutions, comme l association RETIS, interviennent pour soutenir, suppléer voire se substituer au travail d éducation et de socialisation de la famille et des parents. Le thème du présent dossier de l ONED «Famille, parenté, parentalité et protection de l enfance» rejoint les préoccupations de l association RETIS tant sur un plan éthique que pratique dans son rapport aux parents et à l enfant : qui fait quoi et au nom de quoi? Pour y voir plus clair, il convient de partir d en bas, de l action concrète des services de l association pour donner à voir l agir ensemble. Nous défendons résolument une position empirique sur ces questions parce que la pratique à son mot «à dire» et pas seulement «à faire». Autrement dit, 31

40 comment l association se «débrouille», «s arrange» avec ces questions complexes dont la finalité ultime est le bien-être et la protection de l enfant et sa famille. 1. L association, ses buts et ses services L association RETIS agit dans le champ de la protection de l enfance à travers la gestion de quatre services qui interviennent dans le cadre de la protection administrative (accueil de jour administratif) et de la protection judiciaire (AEMO avec hébergement, tiers digne et accueil familial). L association accompagne près de 150 enfants de 0 à 18 ans. De création récente dans le paysage haut-savoyard de la protection de l enfance, l association RETIS a pour but : «La promotion du bien-être de l enfant et de sa famille, la prévention et la protection de l enfance et le soutien aux familles en difficulté, en danger, en crise, précarisées ou en voie de l être et le soutien aux professionnels par le renforcement et le développement des compétences et expertises» (Date de la déclaration : 24 avril 2007). Elle inscrit son action autour de quatre axes forts : la territorialisation de son intervention pour être au plus près de la réalité vécue par ses bénéficiaires ou utilisateurs ; des pratiques engagées avec une prise de risque assumée ; la participation concrète des usagers à la production de l intervention ; la recherche-action pour produire un savoir d action. Le siège social est basé à Thonon-les-Bains, à 40 km de Genève et 80 km d Annecy. L implantation varie selon les prestations ; le placement familial est à l échelle du département, le service de soutien aux tiers sur deux territoires (Chablais et Genevois), l AEMO avec hébergement sur trois territoires (Annecy, Chablais et Genevois) et l accueil de jour multifamilial sur un territoire (Chablais). Le choix d un cadre d analyse commun à l ensemble des services : le triangle britannique Une culture commune et un langage partagé ne vont pas de soi. L institution rassemble une pluralité d acteurs ayant des cadres de référence qui peuvent être semblables et divergents ; mais le plus souvent ceci reste du domaine de l implicite. D où une dépense d énergie et de temps pour coordonner l action des acteurs entre eux dans un but commun. On pourrait dire avec humour : «L institution, combien de divisions?». Pour dépasser cette forme de cécité et d aveuglement organisationnel où l on confond son monde avec le monde, nous avons fait le choix de rendre explicite le cadre de référence commun à tous les services. Du cadre de référence découlent des outils et des actions partagés. L association s est fortement inspirée du cadre de référence britannique d Harriet Ward et Wendy Rose. En effet, il permet d avoir une vision écosystémique de la situation de l enfant. Dit autrement, de 32

41 «penser les relations» entre les différents éléments constitutifs d une situation pour analyser et cibler les actions à mettre en œuvre. CADRE DE RÉFÉRENCE Department of Health et al. (2000). Framework for the Assessment of Children in Need and their Families. London: the Stationery Office. Dévelop oppement comportementale et affectif Identité Présentation de soi Relations familiales et sociales Habilités à prendre soin de soi Santé Éducation Besoins en matière de développement de l enfant Protection et promotion du bien-être des enfants Soins de base Sécurité Facteurs familiaux et environnementaux Autres sphères de la vie adulte Fonctionnement et histoire de la famille Famille élargie Réponses aux besoins par les figures parentales Utilisation ressources et services de la communauté Intégration sociale Habitation Revenu et emploi Amour et affection Stimulation Encadre ement Stab tabilité Le triangle donne à voir un schéma de pensée articulé autour de quelques principes : un enfant a des besoins (santé, éducation, etc.) ; des parents apportent des réponses au bon développement de l enfant ; l environnement soutient les parents et l enfant dans leur travail ail d éducation (parentalité). Le cadre s inscrit bien dans la mission de protection de l enfance : un premier côté du triangle représente la sécurité, la santé, le développement de l enfant ; un deuxième côté illustre l exercice de la parentalité alité par les parents et/ou d autres adultes (proches, assistants familiaux, etc.) ; un troisième côté représente la base, l environnement familial et social, trop souvent ignoré ou sous-estimé dans les évaluations des situations. L analyse de la situation se fait par le croisement des facteurs de risque et des facteurs de protection à partir des informations recueillies grâce à ce cadre de référence. C est ce qui permet de fonder un 33

42 jugement professionnel à propos des besoins de l enfant. Ce travail se fait, souvent mais pas toujours 1, avec les parents pour développer une vision commune et établir le plan d action pour l enfant. 2. Les pratiques de soutien à la parentalité et avec la parentèle L association intervient dans deux domaines, «le milieu ouvert» et «le placement». Nous partirons de la pratique de ses trois services 2 pour donner à voir une action qui se tricote, se «bricole» et se négocie au quotidien «pas à pas» loin des modèles dogmatiques, mais toujours au plus près de la réalité vécue, des besoins des personnes et des possibilités des services (nous faisons avec nos forces et nos faiblesses, lesquelles sont évolutives). 2.1 L AEMO avec hébergement L association a ouvert un service d AEMOH au mois de novembre 2008 avec trois antennes (Thonon, Annemasse et Annecy) sur le ressort de deux tribunaux pour enfants (TPE), celui de Thonon- Annemasse et celui d Annecy. Nous n intervenons pas sur le ressort du TPE de Bonneville où un autre gestionnaire met en œuvre la mesure d AEMOH depuis La loi de 2007 réformant la protection de l enfance a donné une base légale à l AEMO avec hébergement. De fait, il y a donc maintenant deux AEMO sans et avec hébergement. Le projet de service de l AEMOH de RETIS développe : 1) une action éducative en milieu ouvert plus renforcée (un référent pour huit enfants, une ouverture du service 6/7 jours, des temps d intervention plus souples et une astreinte 24h/24) ; 2) des possibilités d hébergement (maison RETIS, réseau de familles relais, famille élargie, etc.) ; 3) des actions collectives (sur les journées du mercredi et samedi) en vue de prévenir le placement ou d accompagner le retour de l enfant en famille. L article du Code civil donne la mission de l AEMO : «Chaque fois qu'il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel. Dans ce cas, le juge désigne, soit une personne qualifiée, soit un service d'observation, d'éducation ou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnant mission d'apporter aide et conseil à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu'elle rencontre. Cette personne ou ce service est chargé de suivre le développement de l'enfant et d'en faire rapport au juge 1 Le parent peut refuser de participer, ce qui est aussi légitime dans un contexte d autorité. 2 Le service d accueil de jour multifamilial vient d ouvrir ses portes au mois d octobre

43 périodiquement. Lorsqu'il confie un mineur à un service mentionné au premier alinéa, il peut autoriser ce dernier à lui assurer un hébergement exceptionnel ou périodique à condition que ce service soit spécifiquement habilité à cet effet. Chaque fois qu'il héberge le mineur en vertu de cette autorisation, le service en informe sans délai ses parents ou ses représentants légaux ainsi que le juge des enfants et le président du conseil général. Le juge est saisi de tout désaccord concernant cet hébergement.» (art CC) Nous pouvons résumer la mission de l AEMOH par la combinaison d un soutien à la parentalité, du soutien à l enfant et de la mobilisation des ressources de l environnement. Au sein de RETIS, le soutien à la parentalité et le soutien à l enfant sont mis en œuvre par deux référents qui constituent un binôme d intervenants. Les deux intervenants travaillent à partir d un plan d action individualisé de l enfant en partenariat avec les parents, l enfant et le réseau. Vous avez dit hébergement? L AEMO est classée dans les interventions à domicile. Ses outils phares sont l entretien individuel et la visite à domicile (VAD). Avec l AEMOH, les territoires d action sont moins cloisonnés et étanches. Il n y a plus d un côté le milieu familial et de l autre l univers du service. Le champ de l intervention est élargi à des espaces institutionnels nouveaux : le bureau et la maison ouverte de RETIS. Le bureau n a rien d original si ce n est qu il offre la possibilité de venir sans rendez-vous. La maison en revanche sort de l ordinaire en offrant un espace propice à des activités et de l hébergement en milieu ouvert. La tâche d héberger relève des prérogatives de la famille. Autoriser un service d AEMO à assurer cette fonction vise à renforcer le filet de sécurité pour éviter le placement immédiat. Ainsi, le service partage cette tâche avec les parents et les proches. Ce n est bien évidemment pas la seule, mais comme elle peut cristalliser des tensions, des peurs et des enjeux de pouvoir entre e le service et les parents, elle semble être un bon analyseur pour cet exposé L hébergement exceptionnel et/ou périodique par RETIS Pierre 3 et le beau-père Pierre est un adolescent. Il vit avec sa mère et son beau-père. La famille est socialement isolée. Les relations entre Pierre et son beau-père sont tendues. Une nuit, la mère affolée appelle le cadre d astreinte car une altercation violente a éclaté entre son fils et son compagnon. L intervention de l éducateur d astreinte a permis de calmer le jeu et de stopper l escalade. Pierre a été hébergé pour la nuit. Une rencontre le lendemain a été l occasion d engager un travail sur le conflit beau- 3 Les prénoms des enfants sont modifiés et les situations ont été anonymisées. 35

44 père/adolescent. Pierre n accepte pas d avoir perdu la place et la relation qu il avait avec sa mère avant l arrivée de son beau-père. Ce dernier ne veut pas faire de concession et se «laisser faire par un morveux». La maman est partagée entre les deux mais ne veut pas quitter son compagnon. Les crises sont provoquées pour montrer au juge qu il se trompe et qu il faut placer Pierre qui est la cause des problèmes de la famille. Le service a décidé d héberger Pierre régulièrement pour calmer le jeu et travailler ensemble à une solution acceptable pour tous. Les crises ont diminué. Pierre n a pas sa place dans la famille recomposée. Nous sommes souvent confrontés à cette question de la place. Où est la place de l enfant? La nouvelle famille ne comprend pas toujours de place pour tous et le jeu des chaises musicales conduit dans ce cas à l éviction de l acteur le plus faible. Dans la lutte des places, il est rare que l enfant soit aussi armé pour préserver sa place que ne le sont les adultes. Nous arrivons parfois dans des situations bloquées où le minimum que l on peut c est d éviter des souffrances inutiles. À une rupture ure marquée par la violence de l exclusion et du choc des maux, il convient de travailler à une séparation parlée, même si elle n est pas acceptée. La situation de Pierre aboutira à un placement «préparé». Prenant acte du fait que la cohabitation beau-père/adolescent est impossible, un hébergement régulier a été mis en place. Cette réponse a calmé le jeu et mis fin à une surenchère des passages à l acte. D une certaine manière, elle redistribue les cartes à travers un nouveau «partage des responsabilités». Le service ne se substitue pas aux parents, mais il donne un coup de pouce qui permet de réduire une situation de déséquilibre. La recherche de solution peut se faire dans un contexte plus propice à la collaboration et à la recherche de l accord ou d un compromis raisonnable. Pierre est actuellement soutenu par un service d accompagnement vers l autonomie. Marguerite et sa maman Marguerite est une jeune enfant qui vit seule avec sa mère. Un jour, Madame a un problème de santé qui nécessite une hospitalisation immédiate. Marguerite est accueillie par un voisin. Celui-ci interpelle le service car il ne peut pas poursuivre l accueil la nuit suivante. Marguerite e est donc hébergée par RETIS. La mère en apprenant la nouvelle s emporte contre le service et les intervenants qui ont «placé sa fille en foyer». Une rencontre avec le responsable du service désamorcera le malentendu : la maison de RETIS n étant pas le foyer. Avec elle, RETIS organise la prise en charge de sa fille par la voisine et la grand-mère. Cet épisode sert de point d appui à la sortie d hôpital de la mère pour travailler avec elle un hébergement périodique de l enfant, à partir d un vécu partagé et non menaçant. Dans le cas de Marguerite, le service assure une forme de «coparentalité». À travers l organisation de solutions en l absence de la mère hospitalisée, le service assure une stabilité et une continuité dans la vie de l enfant : l amener à l école, l inscrire ire à la cantine, l accompagner chez sa grand-mère, rassurer la voisine, l héberger une soirée dans la semaine, etc. Au retour de sa maman, Marguerite a repris le cours normal de sa vie. Tous ont tiré profit de cette épreuve. La maman par exemple est plus consciente de la nécessité de réguler les liens d attachement avec sa fille et de «compter sur» les autres. 36

45 Driss, un garçon seul avec sa maman Driss est un jeune garçon qui vit seul chez sa maman, isolée familialement. Le juge des enfants estime qu il y a lieu de placer Driss au regard des conditions de vie précaires, de la relation violente avec la maman et des problèmes de comportement de Driss à l école. Toutefois, le juge admet que ni la maman et ni l enfant ne sont prêts à cette séparation imposée. Le juge demande à RETIS de préparer le placement, notamment à travers un hébergement périodique. Driss est donc accueilli pendant huit mois un soir par semaine dans la maison de RETIS. Il partage ce temps avec deux autres enfants encadrés par un éducateur qui assure l animation de la soirée et la nuit. Il est ramené le lendemain chez lui après une activité. Le lien entre les intervenants et la maman s est progressivement tissé. Elle a appris à faire confiance aux professionnels. Ces temps partagés ont eu des effets positifs sur le comportement de Driss, notamment à l école. Petit à petit, mère et fils ont trouvé leurs marques et des habitudes dans ce nouveau cadre d éducation : entre la famille et la maison de RETIS. Le travail sur la séparation était conscientisé par la maman mais non accepté. Les démarches d orientation auprès d une maison d enfants se sont faites de concert et tranquillement. Lors de l audience de fin de mesure le relais a pu être fait sans difficulté. Il est des situations où il faut passer par l expérience vécue, un éprouvé pour parvenir à une conscientisation de la solution proposée. Un cadre d éducation adapté aux besoins de l enfant qui articule les places de chacun évite une mise en échec par le parent. Dans le cadre du milieu ouvert, l hébergement périodique n a pas semblé être une menace, mais une aide acceptée. Le passage vers un accueil séquentiel en établissement s est fait naturellement pour les gains escomptés pour l enfant. Le service s est aligné sur la temporalité et le rythme de la famille plus qu il ne les a fait rentrer dans le temps institutionnel L hébergement par la parentèle ou des tiers Juliette ou la clef des champs Juliette est une adolescente qui, après plusieurs mesures de protection de l enfance vient d être placée en CER en raison d une conduite à risque et violente. Pour accompagner son retour en famille, le juge désigne le service d AEMO avec hébergement de l Association RETIS. Très vite son comportement se répète : conflits avec ses parents, passages à l acte, fugues, délits Juliette évite les intervenants et n est jamais là où on l attend. Au bout d un mois et demi, les professionnels commencent à s épuiser. C est à cette période qu elle fugue pour rejoindre un membre de sa famille avec qui ses parents sont fâchés. Par défi ou par dépit, nous pensons à faire une conférence des familles. Un contact est établi avec chaque membre de la famille, pour leur expliquer ce qu est la conférence des familles (une réunion du groupe familial pour résoudre un problème à partir de solutions venant de la famille) et nous leur proposons de nous réunir un dimanche. Le transport du membre de la famille que Juliette voulait rejoindre est pris 37

46 en charge. Tout le monde est présent. La conférence se tient en trois temps : temps de partage des informations, temps de délibération de la famille, temps de discussion du plan d action. Le premier temps permet de poser la question centrale (où doit vivre Juliette?) et ce qui n est pas négociable (délits, mises en danger, etc.). Un repas est pris en commun. Après quoi, les membres de la famille se sont retrouvés seuls pour réfléchir à des solutions. Ils avaient la possibilité de venir interroger les professionnels sur des besoins de précisions ou d informations. Pour la dernière phase, famille et professionnels se sont retrouvés pour discuter du plan d action. La proposition qui émerge est celle de l accueil de Juliette par le membre de la famille en question, avec un projet de reprise de scolarité à partir de ce nouveau lieu, une contribution financière des parents et leur soutien pour l aider à se couper de ses mauvaises fréquentations. Le plan tient la route, Juliette y adhère et RETIS propose d adapter son intervention à partir cette nouvelle donne : son référent ira une fois par mois sur place faire le lien entre Juliette et les services de droit commun et voir comment la cohabitation se déroule. Le plan est envoyé au juge des enfants. Deux mois après les mêmes acteurs se sont retrouvés pour faire le bilan. La situation s est apaisée, avec des petits débordements certes mais qui ont pu être gérés. Deux ans après Juliette vit sa vie en lien avec ses parents, sans mesure de soutien. Juliette a une conduite à risques. Par son comportement «ordalique» 4, elle cherche à se frayer un chemin dans la vie. Malheureusement, ses demandes paradoxales d aide ont l effet inverse de ce qu elle cherche. Le fait de considérer, avec les parents, que la solution n était plus dans le placement (il a déjà été essayé avec un résultat négatif), mais dans une solution inédite a permis d ouvrir sur un travail avec la parentèle. Un membre de la famille est sorti de l invisible pour prendre sa place dans l équipe formée par les professionnels et les parents avec Juliette. La chance a joué un rôle clef. Il est probable que les échecs précédents aient donné l envie à Juliette de «poser les lances», mais surtout pas dans une institution. La recherche d un autre terrain avec pour défi de prouver à ses parents et au service que sa solution était t la meilleure a fait le reste. Le vieil homme et l enfant Michel est un jeune garçon qui après le décès tragique de sa mère espère pouvoir vivre auprès de son père. Mais cela n est pas possible. Il est pris en charge par un autre membre de sa famille qui ne souhaite pas toutefois occuper une fonction de parent de substitution. Le service est mandaté pour accompagner le changement de lieu de vie. Très vite, Michel se plaint de mauvais traitements. L hébergement cesse. Michel est accueilli dans une famille d accueil de RETIS (toujours dans le cadre de l AEMOH). Chez cette famille d accueil, il retrouve un équilibre personnel et un quotidien plus serein. Michel veut faire du sport. La famille d accueil l inscrit dans un club local. Très vite l assistante 4 Se dit d une conduite comportant une prise de risque mortel, par laquelle le sujet, généralement adolescent, tente de se poser en maître de son destin. 38

47 familiale interpelle le directeur sur le fait que Michel aurait besoin d une référence masculine. Elle constate qu au club de sport, il est bizuté par les autres enfants et qu elle ne peut pas faire grand-chose. Un contact est pris avec un ancien joueur professionnel à la retraite, M. X. Ce dernier accepte de jouer un rôle de personne-ressource e qui amène Michel aux entrainements et l encourage les jours de match. Une rencontre est organisée avec l éducateur référent et la famille d accueil. Il s avère que le monde est petit. L éducateur a eu M. X comme entraineur et l assistante familiale le connaît car il a travaillé pour l entreprise de son père pendant 20 ans. M. X accompagnera pendant deux ans Michel à ses entrainements. Aujourd hui, ce monsieur est devenu famille d accueil (il a son agrément d assistant familial), et il accueille Michel. Michel n a de place nulle part. Une fois l illusion de la vie avec son père passée, il est confronté à une réalité difficile à vivre : personne ne peut ou ne veut s occuper de lui à temps plein. Les troubles du comportement rendent sa prise en charge difficile au quotidien. Oser aller chercher «un aidant pour l aidant» s est révélé positif. Michel a fait le reste. Avec M. X, ils se sont choisis. Aujourd hui, Michel n est plus suivi par RETIS, il est confié à M. X dans le cadre d un placement familial. Cette histoire vraie donne de la consistance au proverbe africain «il faut tout un village pour éduquer un enfant». M. X considère Michel comme un de ses fils. Avec humour, il rappelle que cette conception est conforme à sa culture africaine même si cela détonne un peu en France L hébergement dans sa famille malgré tout, en dépit de tout Asiye ou le travail long de l émancipation d une jeune fille Asiye est une grande adolescente, d une famille étrangère. Son père est un homme violent qui se place au-dessus des lois. Pourtant un lien fort existe entre lui et Asiye. Il s est mis en tête de la marier avec un homme du pays. Asiye ne veut pas. Régulièrement lorsque la pression familiale augmente, elle «s arrange pour être hospitalisée» avec la complicité des professionnels qui veulent la protéger contre sa famille. Elle donne à voir une dissonance cognitive tant elle est partagée entre rester dans sa famille ou partir ailleurs. Tous les professionnels (école, hôpital, association) sont très sensibles à cette situation. Chacun tente de l aider à sa façon mais invariablement, elle retourne vivre auprès de ses parents. Le travail avec un ethnopsychologue a permis de recadrer la vision et l action des intervenants. À la place de chercher à «la protéger de sa famille» (ce qu elle ne veut pas), il fallait travailler sur des stratégies pour «gagner des bouts d autonomie» au sein de sa famille. Ce travail s est appuyé sur ses grands frères pour qu elle puisse avoir des espaces de dégagement et de répit. Ainsi, elle pouvait passer des week-ends ends chez un frère marié à une française. Asiye a cessé d aller à l hôpital. Deux ans après, elle est majeure et vit chez ses parents. Elle utilise les études pour retarder la question de son mariage et continuer à grappiller des marges de manœuvre. 39

48 Nos manières de poser le problème ne sont pas les seules façons de le régler. Plus nous voulons des solutions pour autrui qui ne tiennent pas compte de sa réalité et de son univers familial plus nous mettons le système en surchauffe pour aboutir à des pannes. Il convient de se garder de notre morale pour approcher ce qui est important pour les personnes et leur droit de vivre autrement que selon notre norme. Il va de soi que si la jeune fille avait souhaité rompre avec son milieu nous l aurions accompagnée vers une nouvelle vie, mais ce n était pas ce qu elle voulait. 2.2 Le service de soutien aux tiers Le service «Tiers» de RETIS est ouvert depuis Il concerne dix-sept situations sur deux territoires, le Chablais et le Genevois. Très souvent, les juges confient l enfant à un tiers et décident d une AEMO pour aider le tiers et suivre le développement de l enfant. Le conseil général se retrouve en charge de surveiller l enfant et de verser une indemnité d entretien au tiers. Nous avons proposé avec ce service de faire «les deux en un» : apporter un soutien aux tiers, faire une médiation entre les tiers et les parents, suivre le développement de l enfant et verser l indemnité d entretien. L équipe est composée d un médiateur familial et d un psychologue. Sur les dix-sept situations accompagnées, 80 % des tiers sont des grands-mères. Il n y a que deux situations qui concernent un beau-père (mère décédée) et un oncle (père incarcéré ré pour le meurtre de la mère). La particularité du soutien aux tiers est d «aider des aidants». Ce sont à eux que l enfant est confié ; ils en sont les protecteurs. Notre service n est pas mandaté par le juge mais par le conseil général. Nous avons été étonnés du besoin de reconnaissance des tiers. Ils ne rencontrent pas ou peu les professionnels. Ils sont très demandeurs de rencontres et de soutien car, dans la majorité des situations, ils ont des conflits importants, plus ou moins explicites, avec les parents des enfants. Ils sont demandeurs d un groupe de parole pour échanger entre eux sur l image qu on leur renvoie : être des parents qui prennent l enfant de leur enfant. Assez étonnamment ce sont dans la majorité des situations les enfants eux-mêmes qui sont allés chez leurs grands-mères pour demander de l aide. Dans la plupart des situations, le juge n a fait qu entériner une situation que la famille élargie avait mise en place. Paul veut compter dans ses choix Paul est un adolescent. Il ne connaît pas son père. Il a été confié dès son plus jeune âge à sa grand- mère parce sa mère a été internée en psychiatrie. Lorsque la grand-mère est décédée, il a été confié en tiers digne à son compagnon qui a 75 ans et qui est en mauvaise santé. Nous avons travaillé avec la famille élargie pour découvrir que Paul est en lien avec un autre membre de sa famille qui est en 40

49 capacité de prendre la relève si besoin est. Ils entretiennent des liens réguliers et affectueux. Paul est un très bon élève. Pour sa rentrée au lycée, il est en internat scolaire. Lorsque cela ne va pas «il part dans la forêt, crie un bon coup et ça va mieux.». Il voit sa maman en visite médiatisée tous les 15 jours. Il dit qu il n a rien à dire à sa mère. Ces visites obligées le peinent : «elles sont stériles et insatisfaisantes». Il n en voit pas le sens. Il l a fait savoir au service. Nous avons appuyé sa demande d être entendu. Au dernier jugement, le juge a réduit ces visites à une fois par trimestre. Paul est rassuré. Il veut faire un métier d art plus tard. Le lien obligé de Paul avec sa maman est «factice». Lorsqu il essaie de le faire savoir aux professionnels qui encadrent ces visites médiatisées, il lui est demandé de faire des efforts, de prendre en considération la souffrance de sa maman, d être plus authentique, etc. Paul en concevra une colère et une incompréhension à l égard des professionnels. La demande d une délégation d autorité parentale (DAP) est en cours. Il est étonnant que le placement chez un tiers n ait pas évolué vers une DAP alors que la situation en psychiatrie de la maman est durable et qu elle n a pour ainsi dire jamais éduqué son fils. N y a-t-il pas là l expression du maintien du lien à tout prix même quand ce lien ne fait pas sens? Martine et Florence sans mère Martine et Florence sont deux jeunes adolescentes. À la naissance, ce sont les grands-parents qui se sont occupés d elles. La maman avait des problèmes sérieux de santé et d insertion. Au bout de quelques années, la maman décide de les récupérer et de partir vivre ailleurs dans un autre département. Elle coupe le lien avec ses parents, mais quelques années après son départ, ce sont les services sociaux qui appellent les grands-parents en urgence pour venir chercher les enfants, tant la santé de la maman est dégradée. Les grands-parents, tous les deux en retraite, ont organisé leur vie pour pouvoir prendre en charge les enfants. Ils découvrent que les enfants ont été victimes de violence et de négligence par la maman. Ils sont en colère. Il y a deux ou trois rencontres avec la maman depuis que les enfants leurs sont confiés. Ces rencontres se sont toutes très mal passées. Et puis, plus de nouvelles. La maman est portée disparue ; personne ne sait ce qu elle est devenue. Les filles ont retrouvé un bon développement. Les grands-parents sont très soucieux de l avenir des enfants. L attachement est de qualité. Ils sont méfiants à l égard des services sociaux, de peur que les enfants leurs soient retirés. Ils ont besoin de temps pour tisser un lien de confiance, ne parlent pas facilement, mais ils expriment une chaleur et un engagement sans faille pour les petites. Ils craignent, compte tenu de leur âge, de ne pouvoir accompagner les enfants comme ils le voudraient. Avec le soutien de RETIS, les grands-parents ont demandé une délégation d autorité parentale pour pouvoir gérer la vie des enfants avec plus de liberté d action. Nous avons plusieurs situations où le même scénario se rejoue. Des jeunes filles font un enfant par accident, lors de ce qu elles appellent «une aventure d un soir». Les grands-parents sont appelés au secours pour s occuper de l enfant, car le plus souvent le père ne veut pas assumer le petit. Ils prennent 41

50 en charge les premières années de vie de l enfant. Le lien est plus moins maintenu avec la maman qui se débat avec sa propre insertion. Quelques années plus tard, la maman revient dans le paysage de l enfant, souvent avec un nouveau compagnon et le projet de refaire famille. Tout le monde, bon gré mal gré, s embarque dans ce nouveau départ. Au bout de quelques années, la situation part à vau-l eau. Les grands-parents reprennent en main la situation avec le statut de tiers dignes. Les relations avec les parents s enveniment autour du «rapt d enfant». Je remarque que les professionnels portent un regard souvent trop légaliste sur la situation, négligeant le fait que ce sont les grands-parents qui ont pris la fonction de personne significative pour l enfant. Il convient de regarder la situation avec les yeux de l enfant et d écouter le récit de vie. Il y a des enfants qui le disent très clairement, «j ai deux mamans, la biologique et ma grand-mère!».» Le travail du service consiste le plus souvent, dans ces situations, à remettre l enfant au centre et à repositionner tout le monde sur ses besoins afin de nous dégager d une fausse question, d un débat plus idéologique qu affectif. 2.3 Le service d accueil familial «L ancre» L association gère un petit placement familial de six places. Le projet de ce service est de créer un lieu qui puisse accueillir dans la durée des enfants dont les parents ne sont pas en capacité de s en occuper au quotidien. Ainsi, ce sont des éducateurs, avec un agrément d assistant stant familial, qui accueillent les enfants à leur domicile. Les éducateurs familiaux sont membres d une équipe pluridisciplinaire avec un éducateur référent parentalité et un psychologue. Le référent de l enfant dans cette configuration est l éducateur familial (assistant familial). Alain et Florian au camping Les parents d Alain et Florian vivent dans un camping en caravane. Les deux enfants sont confiés au service d accueil familial de RETIS. L objectif de la mesure était d accueillir les enfants et d aider les parents à sortir de leur situation de précarité. Les parents bénéficient «d un large droit de visite et d hébergement». Très vite, il nous est apparu que le droit de visite et d hébergement ement en hiver n était pas possible. Nous avons cherché des solutions alternatives au camping mais en vain. Les parents ont très peu de ressources. Ils n ont pas de réseau familial (ou amical) qui pourrait les aider. Nous constatons également qu ils manifestement un certain contentement de leur situation. La vie au camping, même si les conditions sont précaires, leur va bien. Ils ont une bonne relation avec la propriétaire et les voisins. Nonobstant l absence des enfants, ils se disent heureux. Nous organisons avec eux et les éducateurs familiaux des entretiens de coparentalité pour discuter de la «vie des enfants entre les deux maisons». La question étant comment faire pour que ces deux mondes ne s ignorent pas et que cela ne conduise pas à un clivage chez les enfants? Pour régler la question du droit de visite et d hébergement en hiver, nous décidons d accueillir les parents et les enfants dans une maison de RETIS. L expérience achevée, nous en faisons un bilan contrasté. Les enfants ont pu voir leurs parents 42

51 dans des conditions correctes. Les parents se sont appropriés ces moments comme des occasions pour prendre des bains et continuer à faire la fête ensemble. Il a fallu les recadrer. La situation est restée inchangée. Force est de constater que le projet de RETIS n est pas le projet des parents. La vie menée au camping, même si elle est marginale, répond à leurs besoins d être et de vivre ensemble. Probablement que c est là qu ils se sentent le mieux et le plus en sécurité. La charge des enfants au quotidien n est pas une préoccupation centrale, ils délèguent cela à l association. Alain et Florian sont depuis quatre ans dans la même famille d accueil, ils expriment aujourd hui le fait de ne plus avoir envie d aller au camping. Ils sont demandeurs d un lien mais pas de passer le week-end avec des parents qui parfois «s engueulent et se battent devant eux». Leur regard change mais pas la situation des parents. Nous travaillons à ce que la répartition des tâches éducatives entre les deux familles puisse être parlée et négociée, de façon à ce que cette réalité soit une chance pour les enfants de bien grandir. Par exemple, les fournitures scolaires sont achetées avec les parents en début d année. Le choix des vacances d été est discuté, mais le choix revient à l enfant pour l activité. S agissant de la poursuite du droit de visite et d hébergement, l association s est clairement positionnée en étant contre le fait qu il continue a s exercer dans un lieu et des conditions qui ne répondent pas à un minimum de sécurité. Cette expérience est fondatrice pour nous. Elle nous a renvoyé à un impensé ou un point d aveuglement dans notre pratique professionnelle : pourquoi penser que nécessairement les parents puissent vouloir accueillir leurs enfants? Le couple conjugal dans cette situation passe avant le couple parental. Ils sont heureux comme cela. Ce qui n empêche pas qu ils se mobilisent pour faire avec l éducateur l achat des fournitures scolaires, les cadeaux des anniversaires, les fêtes des mères et des pères ; qu ils assistent aux réunions parents/enseignants ; qu ils participent à la planification des colonies l été ; etc. Il y a un partage des tâches avec les éducateurs familiaux qui sont responsables de la santé, la scolarité, l habillement, les règles de vie, les activités de loisir, etc. du quotidien. Ainsi prend forme et se constitue au fur et à mesure, par ajustements réciproques, un cadre d éducation pour les enfants, adapté aux besoins de ceux-ci. Tonton, pourquoi tu tousses? Marc-André est éducateur spécialisé depuis plus de trente ans. Avec son épouse, assistante familiale, ils ont accueilli plus de quarante enfants. Il travaille pour RETIS depuis quatre ans. Son projet, après une expérience en maison d enfants, est de «vivre et faire avec» les enfants. La configuration d une famille d accueil permet et d avoir le temps de tisser des liens, le temps de restaurer une personne, le temps d avoir le temps de faire les choses à temps. Les enfants accueillis chez lui l appellent Tonton. C est ainsi qu ils ont trouvé l appellation, l étiquette, le nom qui convient le mieux pour le qualifier et le situer dans leur univers personnel et familial. Il n est pas un parent, mais il est plus qu un professionnel. La maison familiale le est grande. Elle est située à la campagne et chacun des quatre enfants placés a sa chambre. Parfois, il arrive que Marc-André accueille un enfant du service d AEMOH pour quelques 43

52 jours parce qu il ne peut plus rester en famille. À chaque fois, Marc-André rappelle qu il est là pour leur offrir l hospitalité et que l enfant n est pas obligé de lui raconter son histoire. Cette façon de faire rassure les enfants qui de fait se montrent plus à l aise pour lui parler d eux et de leur famille. Il explique le cadre provisoire de l accueil et son contenu (manger ensemble, l heure du coucher, etc.). Une petite de fille de 9 ans lui a répondu lors de son accueil : «je sais ce que c est le cadre chez toi ; c est un grand cœur!». Marc-André n est pas en rivalité de compétences avec les parents. Par exemple, une maman ramène le dimanche soir son fils à la maison. Elle reste quelques heures dans la famille pour discuter autour d une tasse de café, plus souvent d elle et de ses soucis que de son fils. Marcl aise les parents. Il nomme clairement sa place qui n est pas celle d un deuxième papa. Ainsi, à une jeune fille qui lui avait fait remarquer que son père était jaloux de la place qu il prenait dans sa vie, il a proposé d inviter son papa un dimanche dans la famille. Celui-ci est venu. Marc-André lui a présenté ses propres enfants et lui a parlé de son métier. Le père a été rassuré. Par la suite, lorsqu il rencontrait des difficultés avec fille, il appelait Marc pour lui demander son avis. André met à Marc-André ne théorise pas sa pratique ; il la vit. Par son authenticité et sa simplicité, il force le respect des parents et des enfants parce qu il ne juge personne. Cette position lui permet de faire référence : à son contact, la peur de se faire voler son enfant se dissipe. Il ne cherche pas à être le sauveur ou à protéger l enfant contre les parents. L enfant terrible à ses yeux est un enfant terriblement malheureux : un «attachiant 5». Il occupe sa place dans le respect des places de chacun parce qu à ses yeux une place qui n est pas occupée n est pas une place à prendre. Point de lutte des places, mais un rapport d égalité des places. Il utilise des façons de faire qui passent par l humour, la bonne proximité et les espaces informels qui rendent possible la rencontre e vraie. Ce côté hors norme n est pas toujours compris et accepté par les institutions. Il peut être perçu comme «un électron libre» ; ce qu il n est pas. Le choix de l association à travers le recrutement de ses professionnels promeut des figures à part. Les parents interviewés par le sociologue, après la fin de mesure, lui parlent de Marc-André comme d une personnalité marquante et attachante qu ils ont apprécié de rencontrer sur leur chemin parce qu «il les comprenait». Au Québec, les familles interrogées rogées à propos des éducateurs qui avaient marqué leur vie, les nommaient «des amis pas comme les autres». Les personnes en situation de vulnérabilité ont besoin de professionnels qui paient de leur personne. Marc-André est de ceux-là. 5 Contraction des mots attachant et chiant, ce mot a été élu mot de l année 2011 du festival XYZ. 44

53 3. Quelques éléments de réflexion 3.1 À qui appartient l enfant? Il y a en France un rapport aux parents et au droit de l éducation des enfants par les parents qui est de l ordre du sacré. Pourtant, dans les faits, les histoires de vie montrent parfois le contraire, avec des configurations familiales où ce ne sont pas les parents qui ont pris en charge l éducation de l enfant, mais bien d autres membres de la famille ou des proches. Pourtant nous continuons à «sacraliser» la place des pères et des mères. Pourquoi ne pas imaginer une position plus nuancée qui parte de la réalité de la situation des acteurs en présence, pour former une configuration familiale à chaque fois singulière, dont la fonction n est autre que d aider l enfant à grandir et trouver sa place dans le grand monde? Qu est-ce qui fait que, dans un pays qui défend le droit du sol pour la nationalité, on ne puisse pas concevoir par extension un droit à l éducation et la protection de l enfant? Un droit de famille qui prenne racine là où l enfant pose ses valises? La place des tiers (par exemple une belle-mère, un beau- père) dans la vie de l enfant fait débat alors même que ces derniers sont des acteurs incontournables du quotidien de l enfant. Comme il y a des attachements multiples, il y a des appartenances multiples. Ainsi, l enfant appartient aussi bien à lui même, qu à ses parents, qu à l État et qu à nous tous. Est-il utile de rappeler qu à la naissance de l enfant, il nous faut aller le déclarer pour l inscrire dans sa filiation? Si on demande à un enfant de dessiner les personnes qu il considère comme étant membres de sa famille, nous sommes assez souvent étonnés de voir apparaître des acteurs qui, sans ce dessin, seraient restés invisibles à nos yeux. Ces acteurs sont considérés par l enfant comme des membres à part entière de sa famille. Il serait dommageable pour lui de faire sans eux. La notion de famille est à penser de façon plus extensive que la petite PME : papa, maman et l enfant. Est membre de la famille toute personne ayant une reconnaissance et une utilité réelle et concrète dans la vie de l enfant. L idéologie professionnelle est marquée par deux logiques opposées «rendre l enfant à sa famille» ou «protéger l enfant de ses parents», selon que l on travaille en milieu ouvert ou en internat. Aujourd hui, ces logiques se retrouvent au sein d une même équipe quel que soit le cadre d intervention. Elles renvoient davantage à la vision du monde des acteurs. Il convient dans la pratique, dans les réflexions d équipe et les analyses de la pratique, de mettre à jour les idéologies en présence de façon à s en dégager et se prémunir de cet «opium». 45

54 3.2 Parent : un métier d avenir? Parent, c est à la fois un statut et une fonction. Les deux termes ne se recouvrent pas forcément. On peut être parent et ne pas occuper la fonction, tout comme on peut occuper la fonction sans être parent. On peut être aussi les deux à la fois. Pour accéder au statut, il suffit de faire un enfant et de le reconnaître. Pour ce qui est de la fonction, il en va tout autrement, c est l engagement de la personne qui en rend compte à travers l exercice de la parentalité. Parent est un métier impossible parce que le processus de l éducation d un enfant doit avorter pour lui permettre de devenir lui même. On ne fait donc que rater comme le notait déjà Freud ; ce qui doit nous conduire humblement à «rater mieux». Dès lors, comment penser la parentalité en matière de référentiel métier, avec des capacités à atteindre et des indicateurs d évaluation de la bonne parentalité? En revanche, je plaide pour la reconnaissance du rôle et de l utilité des acteurs invisibles ou oubliés dans la vie de l enfant. Je constate avec le service de soutien aux tiers dignes, qu il y a des situations où la délégation de l autorité parentale aurait pu être mobilisée plus tôt. Il y a des réticences à prendre ces chemins qui viennent remettre en cause la parentalité légale. Il me semble que le fait de reconnaître une parentalité sociale, quand elle s exerce dans l intérêt de l enfant, ne peut pas être une mauvaise chose. Quand on voit qu un tiers qui prend en charge un enfant depuis des années, ne peut pas signer une autorisation de sortie de territoire pour aller voir un musée, comme c est le cas pour nous qui sommes mes frontaliers avec la Suisse, c est tout bonnement incompréhensible. 3.3 Comment gérer la tension entre reconnaissance des droits des parents et la protection de l enfant? Le champ de la protection de l enfance est traversé par une tension entre l intérêt de l enfant et les droits des parents. C est donc l intérêt supérieur de l enfant qui tranche le conflit d intérêt entre les deux premiers. Partant de ce constat, nous avons institué la double référence (référent enfant et soutien à la parentalité) à toutes les situations pour avoir d une part, un interlocuteur pour chaque partie et, d autre part, un croisement des regards qui ouvre à l intersubjectivité. Cette pratique du travail en binôme est appréciée par les parents, les enfants et les professionnels. Pour les parents, le fait d avoir un interlocuteur «pour soi» facilite le dialogue avec leur enfant, notamment avec les adolescents (il y a un tiers dans la situation). Il n est pas rare que des parents parlent de «mon référent à moi». Nous avons des difficultés à dire référent parentalité. On parle plus facilement de soutien à la parentalité. Cette difficulté témoigne à mon sens d un certain malaise à l idée d avoir à «éduquer un adulte». La dérive existe. 46

55 Pour l enfant, c est le gage d avoir affaire à quelqu un qui n est pas pris dans une connivence entre adultes. Sa parole a plus de chance d être entendue. Nous constatons que contrairement à nos intentions de départ, la participation de l enfant ne dépend pas seulement de la reconnaissance de sa place. Nous avons du mal à lui reconnaître dans les faits un statut d égal pour le regarder plus souvent comme le petit à protéger. Pour les professionnels, il y a l avantage de ne pas se retrouver coincés entre l intérêt de l enfant et l intérêt du parent. Ainsi, ce travail à deux permet de gérer la tension en la rendant plus explicite. Elle est incarnée dans des fonctions et un dialogue permanent pour parvenir à des compromis pratiques susceptibles de rendre la vie plus vivable pour chacun et tous. La notion de parentalité est intéressante si on ne cherche pas en lui faire dire plus qu elle ne le peut. Son apport premier à mes yeux est de dissocier parent et parentalité. Et en définitive d essayer de penser et d agir ensemble, parents, parentèle et professionnels, à la sécurité et au bien-être de l enfant. 47

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57 Le soutien à la parentalité à travers les actes usuels relatifs aux enfants confiés Jean-Michel Permingeat Magistrat, spécialisé dans la justice des mineurs, Jean-Michel Permingeat a exercé pendant vingt ans les fonctions de juge des enfants dans plusieurs juridictions. Il est actuellement conseiller à la cour d appel d Aix-en-Provence, délégué à la protection de l enfance. Il préside à ce titre la chambre spéciale des mineurs et assure des missions d animation et de coordination des juridictions des mineurs du ressort de la cour. Il a participé à différents groupes de travail et commissions concernant la justice des mineurs. Poursuivant et approfondissant l évolution législative amorcée depuis la loi du 6 juin 1984, et conformément aux conventions internationales ratifiées par la France, la loi du 5 mars 2007 a explicitement prévu le renforcement de l information et de la participation des parents aux mesures de protection prises pour leur enfant. D une façon générale, la mise en place de mesures de protection ne met pas fin aux droits des parents et à la nécessité de les associer socier à la vie de leur enfant. C est évident lorsque l enfant fait l objet d une mesure d AEMO, puisque les parents exercent normalement ent leurs responsabilités quotidiennes auprès de leur enfant, qui continue de vivre auprès d eux. La mesure d AEMO constitue une mesure de contrôle et de soutien de l autorité parentale, et ne fait pas obstacle au plein exercice de celle-ci. Mais c est également le cas lorsqu un enfant est confié à un tiers, personne privée, établissement ou service, auquel nous nous intéresserons plus particulièrement dans cet article. Que le placement soit contractuel, dans le cadre d un accueil provisoire administratif, ou qu il résulte d une décision judiciaire, le respect de la place des parents et le soutien à la fonction parentale sont désormais des objectifs affirmés de l action sociale et judiciaire. L objectif du placement, toujours limité dans le temps dans le cadre des mesures de protection de l enfance, est d assurer à l enfant des conditions d éducation satisfaisantes en même temps qu est mise en œuvre une action de soutien à la famille en vue du rétablissement de conditions de vie permettant le retour de l enfant dans son milieu naturel. Si tel n est pas le cas, d autres mesures de protection durables, comme la délégation d autorité parentale, doivent être envisagées. Le placement offre un moyen supplémentaire de protection des enfants, mais aussi d aide et d accompagnement des parents. Il est demandé aux services de s appuyer sur les compétences de ces 49

58 derniers, de leur fournir les outils et ressources adaptés pour résoudre leurs difficultés, tout en respectant leur rythme d évolution. «Quels que soient le niveau et les modalités de la suppléance parentale, la réalisation de la mission de la structure suppose des postures de respect, de reconnaissance des parents, y compris avec leurs limites voire leurs failles. Seront ainsi recherchées, et modulées selon les situations, la coopération des parents et leur implication dans le respect de ce qu ils sont.» 1 Ces principes ont été inscrits dans les textes concernant la protection de l enfance. Ainsi, le Code de l action sociale et des familles (CASF) donne pour mission au service de l aide sociale à l enfance de pourvoir à l ensemble des besoins des mineurs confiés au service en collaboration avec leur famille ou leur représentant légal 2. Un projet pour l enfant doit être établi, et signé par ses représentants légaux ; il doit préciser les actions qui seront menées auprès de l enfant, mais aussi auprès des parents, ainsi que le rôle de ces derniers 3. Le même code prévoit qu aucune décision sur le principe ou les modalités de l admission dans le service ne peut être prise sans l accord écrit des représentants légaux du mineur, et que les mesures prises ne peuvent, en aucun cas, porter atteinte à l autorité parentale, et notamment au droit de visite et d hébergement 4. Enfin, même si un enfant est confié au service par décision judiciaire, le représentant légal doit également donner son avis par écrit, préalablement au choix du mode et du lieu de placement 5. Notons que le respect de la place et de l implication des parents est également prévu dans le cadre des actions éducatives menées dans le champ pénal 6. Le travail avec les parents doit naturellement porter en premier lieu sur les motifs du placement et la compréhension des difficultés familiales qui ont rendu nécessaire cette mesure. Il doit permettre de déterminer la finalité du placement, les objectifs à atteindre pendant la durée de celui-ci, de définir les modalités d accueil et de prise en charge de l enfant, mais aussi les actions permettant aux parents de progresser dans la résolution de leurs difficultés personnelles et éducatives. La recherche de l accord des parents porte alors nécessairement sur les grandes questions de la vie de l enfant : lieu de placement, 1 ANESM. L exercice de l autorité parentale dans le cadre du placement, recommandations de bonnes pratiques professionnelles [en ligne]. Février 2010, 84 p. [Consulté en juillet 2013]. 2 Article L du CASF 3 Article L du CASF 4 Article L du CASF 5 Article L du CASF. 6 Circulaire d orientation de la PJJ sur l action éducative dans le cadre pénal, du 2 février

59 nature et fréquence du droit de visite, d hébergement et de correspondance, orientation scolaire, soins de l enfant, mais aussi modalités de rencontres des parents avec les services sociaux, engagement de démarches de soins par les parents eux-mêmes, etc. Ces éléments sont connus des professionnels de l enfance et ont un caractère essentiel, chaque fois qu un enfant est confié à un service. Mais il apparaît également important de ne pas négliger l implication des parents dans les actes de la vie quotidienne de l enfant, généralement désignés sous le terme d actes usuels. C est l objet de cet article. En effet, ces actes manifestent la responsabilité effective et concrète des parents sur leurs enfants. Ils sont l occasion de montrer, dans l intimité quotidienne de la vie familiale, des signes et des gestes d affection et d attachement réciproque, de traduire et signifier des habitudes, des pratiques, des manières de vivre et de se comporter qui distinguent les familles entre elles et favorisent le sentiment d appartenance de leurs membres. En être dépossédé est souvent vécu par les parents comme le signe concret et tangible de la perte effective de leur responsabilité quotidienne dans la vie de leur enfant. Cette question a d ailleurs été présentée comme une difficulté sensible à résoudre dans le rapport 2011 du défenseur des droits consacré aux droits de l enfant 7. Pour mieux mesurer l importance et les difficultés de cette question dans le domaine de la protection de l enfance, il est utile de préciser au préalable le régime de droit commun des actes usuels concernant les enfants se trouvant sous l entière autorité parentale de leurs parents. Cela permettra de mieux comprendre la problématique du régime des actes usuels concernant les enfants confiés à un tiers et d examiner comment il est possible de les prendre en compte pour soutenir concrètement la parentalité. 1. Le régime de droit commun des actes usuels 1.1 La présomption d accord La loi du 4 mars 2002 consacre le principe de l autorité parentale conjointe, quels que soient les liens juridiques existant entre les parents de l enfant 8. L autorité parentale est définie comme un ensemble de droits et devoirs ayant pour finalité l intérêt de l enfant, pour le protéger dans sa santé, sa sécurité, sa 7 Le défenseur des droits. Enfants confiés, enfants placés : défendre et promouvoir leurs droits [en ligne]. 2011, 126 p. [Consulté en juillet 2013]. simples.pdf 8 Article 372 du Code civil : «les père et mère exercent en commun l autorité parentale». 51

60 moralité, assurer son éducation, et permettre son développement dans le respect dû à sa personne 9. Les deux parents doivent agir ensemble dans l intérêt de l enfant et ne peuvent pas prendre de décision sans l accord de l autre. La règle de la coparentalité connaît toutefois des limites dans la vie quotidienne pour des raisons pratiques évidentes. Les parents ne sont pas tout le temps ensemble. On ne peut pas exiger pour chaque acte «habituel» de la vie courante, la présence ou l'accord des deux parents. La loi a donc effectué une distinction entre les actes usuels et les actes non usuels. L article du Code civil prévoit ainsi qu «à l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement ent à la personne de l'enfant». Cette présomption légale ne s'applique que pour les tiers «de bonne foi», c'est à dire les tiers qui ne sont pas informés du désaccord éventuel de l'autre parent. La présomption peut être très simplement écartée, si l autre parent fait connaître expressément son désaccord au tiers qui, dès lors, doit prendre en compte l avis des deux parents et ne peut passer outre l opposition de l un d eux sans engager sa responsabilité. Cette règle s applique bien sûr lorsque les deux parents vivent ensemble, mais également lorsqu ils sont séparés, ou lorsque l enfant est confié à un tiers. 1.2 La séparation des parents En cas de séparation, les actes usuels sont accomplis par le parent chez lequel a été fixée la résidence de l enfant. Le juge, en fixant la résidence habituelle de l enfant chez l un des deux parents, désigne celui qui, en fait, prendra les décisions au jour le jour. Lorsque l autre parent exerce son droit de visite et d hébergement, il a les mêmes droits que le premier, mais dans le temps limité de la période pendant laquelle il accueille l enfant. Désormais, tout un pan de la vie de son enfant lui échappe, puisque le parent avec lequel vit l enfant est, de plein droit, celui qui contrôle et autorise les actes usuels. L autre parent ne retrouvera pleinement sa responsabilité parentale qu en cas de désaccord, en étant dans l obligation de le manifester auprès d un tiers, ou lors des périodes où il accueillera son enfant. La communauté de résidence avec l enfant confère donc au parent qui l exerce une prépondérance de fait. Pour éviter l apparition de conflits, dont l enfant fera les frais, elle doit être contrebalancée par un devoir d information de l autre parent. 9 Article du Code civil. 52

61 Il est également particulièrement important que les deux parents parviennent à se concerter et à s entendre non seulement sur les grands principes d organisation de la vie de l enfant, mais aussi sur les différents aspects de la vie quotidienne, qui est un lieu privilégié de manifestation de la coparentalité. 1.3 L enfant confié à un tiers par les parents ou le juge aux affaires familiales Les parents peuvent confier eux-mêmes leur enfant à une tierce personne, par exemple un autre membre de la famille ou, pendant les vacances scolaires, à un organisme de vacances. Pendant la durée de ce séjour, le tiers qui a la responsabilité effective de l enfant, a également le droit et la responsabilité d autoriser les actes de la vie quotidienne, sauf désaccord exprès des titulaires de l autorité parentale. La même règle s applique enfin lorsqu un enfant est confié par le juge aux affaires familiales à un tiers, en application de l article du Code civil qui prévoit que, «lorsque l enfant a été confié à un tiers, l autorité parentale continue d être exercée par les père et mère ; toutefois, la personne à qui l enfant a été confié accomplit tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation». Ce texte trouve également application pour les enfants confiés à des tiers à la suite d une décision d un juge des enfants, ou accueillis dans un service ou un établissement de la protection de l enfance (cf. infra). Pour accomplir ces actes, l accord des détenteurs de l autorité parentale est présumé et il n est pas nécessaire que les parents donnent une autorisation spécifique. Le tiers est toutefois tenu de mettre en œuvre les directives qu il reçoit des père et mère, en agissant avec prudence, et en ne prenant aucune décision qui entraînerait des oppositions au sein du couple parental. En cas de conflit entre les parents, ou entre les parents et le tiers, il est possible de saisir le juge aux affaires familiales, mais cette possibilité est très peu employée. Si l enfant est confié à un tiers par le juge des enfants, c est ce dernier qui doit être saisi (cf. infra). Pour clarifier les droits et responsabilités des tiers, notamment dans les cas de délégation ou de partage de l autorité parentale avec un tiers, comme les beaux-parents, il avait été envisagé de dresser une liste des actes usuels. La mission présidée par Jean Léonetti 10 a finalement renoncé à cela. Elle a considéré qu il existe un risque que les parents estiment non nécessaire l accord de chacun d eux pour accomplir ces actes, alors que la loi s efforce de promouvoir le principe de la coparentalité, visant au contraire à inciter les parents à se mettre d accord sur tous les aspects de la vie de l enfant, même les plus anodins. 10 LÉONETTI Jean. Rapport au Premier ministre, Intérêt de l enfant, autorité parentale et droits des tiers [en ligne]. Octobre 2009, 106 p. [Consulté en juillet 2013] publics/ /0000.pdf 53

62 C est toute la logique de l exercice conjoint de l autorité parentale, qui aurait pu être mise à mal par cette tentative de définition. Le rapport préconisait en conséquence le maintien du principe de la recherche d un double accord des titulaires de l autorité parentale, y compris pour les actes usuels. 1.4 Les adolescents Il faut ici rappeler que certains actes de la vie courante peuvent être accomplis par des mineurs seuls, sans même l autorisation de leurs parents, ou de leur gardien. Certains sont autorisés par la loi, comme l autorisation d ouvrir des livrets de caisse d épargne, sans l autorisation de leur représentant légal et, après 16 ans, de retirer des sommes sauf opposition de la part de leur représentant légal 11. Mais la plupart d entre eux résultent de l usage, précisé par la jurisprudence. Celle-ci les limite aux actes de la vie quotidienne qui ont un caractère conservatoire ou d administration, ainsi qu aux actes de disposition concernant des biens meubles de faible valeur 12. Ces usages s expliquent notamment par la nécessité d assurer à l adolescent, au fur et à mesure qu il grandit, une autonomie d action tout en assurant la sécurité des tiers. 2. Définition des actes usuels La loi ne dresse pas de liste des actes usuels. Ils sont définis de façon négative par la jurisprudence, comme les actes qui ne rompent pas avec le passé ou qui n engagent pas l avenir de l enfant, des actes non graves et habituels, et qui sont réputés pouvoir être autorisés par l un des deux parents. Dans un arrêt récent, la chambre des mineurs de la cour d appel d Aix-en-Provence les a définis comme «les actes de la vie quotidienne, sans gravité, qui n engagent pas l avenir de l enfant, qui ne donnent pas lieu à une appréciation de principe essentielle et ne présentent aucun risque grave apparent pour l enfant, ou encore, même s ils revêtent un caractère important, des actes s inscrivant dans une pratique antérieure non contestée». 13 On peut, a contrario,, définir les actes graves ou importants comme ceux qui nécessitent un accord des deux titulaires de l autorité parentale. En pratique, la définition des actes usuels reste malaisée. Il faut apprécier la situation au cas par cas. Des actes qui, dans certaines situations, ou à certains moments de la vie de l enfant, peuvent être déclarés usuels sont considérés comme importants dans d autres. Des actes considérés comme usuels dans le droit commun ne le seront pas nécessairement en cas de placement de l enfant (cf. infra, 11 Article L221-4 du Code monétaire et financier. 12 BONFILS Philippe, GOUTTENOIRE Adeline. Droit des mineurs. Paris : Dalloz, 2008, n 983, 1121 p. 13 Cour d appel d Aix-en-Provence, chambre des mineurs, 28 octobre

63 pages 10 et suivantes). Il est indispensable de se reporter aux différentes décisions rendues par des juridictions judiciaires ou administratives, souvent à partir d un contentieux dans le cadre d une séparation parentale, ou d une contestation d une décision administrative. Il existe également des textes ou circulaires qui précisent les droits des parents, notamment en cas de séparation 14. Sans épuiser la question, on peut dresser une liste indicative à partir de décisions rendues. 2.1 Scolarité La première inscription d un enfant dans un établissement scolaire ou un changement de type d école nécessite l accord des deux parents, dans la mesure où il y a un choix déterminant à faire entre école publique, privée ou religieuse 15. Il en est de même de l inscription dans un établissement scolaire où les enseignements sont dispensés dans une autre langue, que l un des parents ne maîtrise pas 16, ou encore de l inscription dans une école religieuse alors que l enseignement dispensé à l enfant était auparavant public et laïc 17, ou enfin du redoublement ou saut de classe. En revanche, la réinscription dans un établissement scolaire, ou l inscription dans un établissement similaire à celui fréquenté antérieurement par l enfant, ainsi que la radiation, sont des actes usuels, qui peuvent être accomplis sans l accord exprès de l autre parent, dès lors qu aucun élément ne permet à l administration de le mettre en doute 18. Il en est de même d une autorisation de participer à une sortie ou à un voyage scolaire, d une inscription à la cantine ou à l aide aux devoirs, ou encore du choix d une option, d une langue vivante, ou même d une demande de dérogation on à la carte scolaire 19. Les justifications des absences scolaires, ponctuelles et brèves, qui peuvent être présentées simplement par oral par la mère ou le père, sont également des actes usuels qui n ont pas à être portés à la connaissance de l autre parent par l administration Par exemple, Rôle et place des parents à l école, circulaire du 25 aout 2006 ; DGES. L exercice de l autorité parentale en milieu scolaire [en ligne]. 2011, 19 p. [Consulté en juillet 2013] 15 CA Rouen, 17 décembre Cour de cassation, 1 e Chambre civile, 8 novembre CA Toulouse, 7 novembre Cour administrative d appel de Paris, 2 octobre 2007, Giammarco X. 19 TA Lille, 11 mars TA Melun, 18 décembre 2007, P. c/ Recteur de l académie de Créteil. 55

64 2.2 Sports et loisirs La pratique de sports qualifiés de dangereux nécessite l accord des deux parents 21, ce qui laisse supposer que la pratique d un sport non dangereux est un acte usuel. 2.3 Éducation religieuse et pratique religieuse Le choix d une religion et d une éducation religieuse est un acte important, nécessitant l accord des deux parents. Il est ainsi interdit d emmener l'enfant, sans l'accord de l'autre parent, à des réunions religieuses ne relevant pas d'une pratique antérieure à la séparation 22. De même, la circoncision rituelle pratiquée dans les religions juive et musulmane n est pas un acte usuel Santé La jurisprudence considère comme des actes usuels une intervention chirurgicale bénigne pratiquée à la demande d un parent seul, ainsi que les soins médicaux de routine, comme des vaccinations obligatoires, des blessures légères, des soins dentaires, des maladies infantiles bénignes. En revanche, les interventions chirurgicales nécessitant l hospitalisation prolongée de l enfant sont des actes importants Demande de documents administratifs et passeports Lorsqu il était possible d inscrire un enfant sur le passeport de ses parents, chaque parent pouvait légalement obtenir l'inscription sur son passeport de son enfant, sans qu'il lui soit besoin d'établir qu'il disposait de l'accord exprès de l'autre parent, dès lors qu'il justifiait exercer conjointement ou exclusivement, l'autorité parentale sur cet enfant et qu'aucun élément ne permettaittait à l'administration de mettre en doute l'accord réputé acquis de l'autre parent 25. Cette disposition n est plus applicable dans la mesure où l enfant doit désormais disposer de son propre passeport, mais elle est intéressante car elle montre l étendue des actes usuels. 21 CA Toulouse, 1 er juillet. 2008, n 07/ CA Rennes, 4 avril CA Paris, 29 septembre TGI de Paris, 6 novembre Conseil d État, 8 février

65 Actuellement, une autorisation de sortie du territoire relève des actes usuels. Mais le juge peut désormais prononcer une interdiction de sortie de l enfant du territoire français, sans l autorisation de ses deux parents 26. Chaque parent peut demander l établissement de documents administratifs (carte d identité, passeport de l enfant) sans solliciter l accord de l autre. 2.6 Gestion des biens et du patrimoine La gestion des biens et du patrimoine de l'enfant n est pas un acte usuel. Les parents assurent conjointement l administration légale et gèrent les biens de l enfant pour son compte. 2.7 Droit à l image Le droit à l image de l enfant n est pas un acte usuel : les deux parents doivent consentir à la participation de leur enfant à une émission de télévision 27. Il a été jugé que la publication dans un magazine de la photographie d'un enfant en compagnie de son père, acteur célèbre, constituait un acte non usuel de l'autorité parentale, nécessitant l'accord des deux parents 28. En revanche, la participation d un enfant au tournage d un film amateur dont la diffusion est très limitée et non commerciale est un acte usuel Les actes usuels dans le cadre d une mesure de placement de l enfant De même qu il a l obligation d informer et d associer des parents, et d obtenir leur accord exprès pour les décisions les plus importantes de la vie de l enfant, le service auquel est confié l enfant reçoit le droit d autoriser les actes usuels en application de l article du Code civil. L article du Code civil, relatif aux enfants faisant l objet d une mesure judiciaire d assistance éducative, le rappelle indirectement : «Les père et mère de l enfant bénéficiant d une mesure d assistance éducative, continuent à exercer tous les attributs de l autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure. Sans préjudice de l article et des dispositions particulières autorisant un tiers à accomplir un acte non usuel sans l accord des détenteurs de l autorité parentale, le juge des enfants peut exceptionnellement, dans tous les cas où l intérêt de l enfant le justifie, autoriser la personne, le service ou l établissement à qui est confié l enfant, à exercer un acte relevant de l autorité parentale en cas de 26 Article du Code civil résultant de la loi du 9 juillet CA Versailles, 11 sept Cass. 1 e civ., 7 févr CA Orléans, 14 mars

66 refus abusif ou injustifié ou en cas de négligence des détenteurs de l autorité parentale, à charge pour le demandeur de rapporter la preuve de la nécessité de cette mesure.» En application de l article du Code civil, le service gardien, considéré comme un tiers, peut donc de plein droit autoriser les actes usuels sans autorisation spécifique des parents. Certaines décisions de juge des enfants rappellent expressément que la mesure confiant un enfant à l ASE comporte le droit pour le service d autoriser les actes usuels. Il n est donc pas nécessaire que le service gardien demande au juge l autorisation d effectuer des actes usuels : «L article auquel ces dispositions font référence, autorise expressément la personne à qui l enfant est confié, à accomplir tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation nonobstant le maintien aux parents de l exercice de l autorité parentale» Une disposition nécessaire à l efficacité de la mesure de protection Le service gardien peut donc, comme pour un couple parental, considérer qu'il bénéficie d une présomption légale d'autorisation des actes usuels, qui ne pourrait être remise en cause que par une manifestation expresse d'opposition des titulaires de l autorité parentale. Ainsi, dans le référentiel des enfants confiés d un service de l ASE, il est mentionné que la règle concernant les actes usuels vaut à la fois dispense de preuve de l accord des parents ou de l autre parent et décharge de responsabilités au profit du tiers de bonne foi. Cette interprétation, conforme à la loi, est nécessaire pour rendre possible et effectif le placement. Celui-ci a été décidé pour préserver l intérêt de l enfant, en raison de carences éducatives parentales. Les difficultés graves manifestées par les parents, telles que des troubles psychologiques ou psychiatriques, un alcoolisme sévère, peuvent empêcher de les associer à la vie quotidienne de l'enfant. Il en est de même lorsqu ils sont dans l'incapacité physique de se manifester, en cas d'absence ou de relations irrégulières. Il n est malheureusement pas rare de devoir faire le constat d une impossibilité, temporaire ou durable, de travail avec l un ou l autre des parents. La mesure de protection doit pouvoir s exercer pleinement, malgré l impossibilité d associer la famille. En outre, l intérêt de l enfant peut justifier de le protéger d une intervention de ses parents dans sa vie quotidienne : c est notamment le cas lorsqu il a été victime de maltraitances physiques ou psychologiques graves, ou que les parents, par une attitude inadaptée, des critiques systématiques du lieu d accueil et des services, cherchent à remettre en cause le placement. Ainsi, on voit mal comment associer des parents à la vie quotidienne de l enfant nt si le juge est par ailleurs dans l obligation de suspendre leur droit de visite et de correspondance. L intérêt de l enfant peut exiger une mise à distance effective des parents, faute de rendre inutile ou inefficace le placement. Les dispositions légales concernant les actes usuels 30 CA Aix-en-Provence, Chambre des mineurs, 28 octobre

67 permettent alors au service à qui l enfant est confié de prendre les mesures nécessaires à la vie quotidienne de l enfant, sans avoir à rechercher systématiquement un accord improbable ou néfaste des parents. 3.2 Rechercher l accord des parents et faire de la question de l acte usuel un support du soutien à la parentalité Dans les cas fréquents où les parents souhaitent, malgré leurs difficultés et leurs limites, exercer leurs prérogatives parentales, et que cela est conforme à la finalité du placement et à l intérêt de l enfant, il paraît au contraire préférable d admettre que l'accord des parents pour les actes de la vie quotidienne ne doit pas être présumé, mais expressément donné. Si on veut effectivement respecter la parentalité et accompagner les parents dans son exercice effectif, il est indispensable de les associer, lorsque cela est possible, à la vie quotidienne de leur enfant confié et pas seulement aux grandes options. Les institutions et associations œuvrant dans le domaine de la protection de l enfance ont lancé des réflexions et établi des guides abordant ces questions 31. L Agence nationale de l évaluation et de la qualité des services des établissements et services sociaux et médicaux-sociaux (ANESM) a également publié des recommandations très précises concernant les différents domaines de la vie de l enfant à l intention des professionnels. Elle recommande notamment de porter plus particulièrement attention à toutes les initiatives de l enfant ou des professionnels, qui doivent rendre l accord des parents nécessaire, notamment celles qui concernent les étapes d autonomisation de l enfant, celles qui mettent en jeu son apparence (changement de coupe de cheveux par exemple), ou encore celles qui touchent à son intégrité corporelle (tatouages, piercing). Elle développe dans son guide des conseils pratiques dans les domaines qui touchent les actes usuels : la scolarité, la santé, les vêtements de l enfant Les moments importants pour l association des parents à la vie quotidienne de l'enfant Lors de l admission d un enfant, il est impératif que la famille soit informée non seulement des grandes options (lieu d accueil, modalités d exercice du droit de visite, etc.), mais également de la manière dont 31 Ministère de la santé. L accueil de l enfant et de l adolescent protégé [en ligne]. 2011, 39 p. [Consulté en juillet 2013]. ; Ministère de l Éducation nationale. DGES. L exercice de l autorité parentale en milieu scolaire [en ligne], op. cit. ; Association Le fil d Ariane. Mon enfant est placé, j ai des droits. Aulnay-sous-Bois : Association Le Fil d Ariane, ANESM. L exercice de l autorité parentale dans le cadre du placement, recommandations de bonnes pratiques professionnelles [en ligne]. Février 2010, 84 p. [Consulté en juillet 2013]. 59

68 l enfant va vivre au quotidien, afin que les parents puissent aussi donner leur avis, et ne se sentent pas écartés des aspects pratiques de la vie de leur enfant. Certains établissements ou services mentionnent, dans un document d accueil, une liste des actes usuels et des modalités pratiques de la vie de l'enfant confié au service. Il en est de même du «projet pour l enfant», qui comporte généralement une rubrique concernant la participation de la famille à la vie de l enfant. Toutefois, comme dans la situation de parents séparés, définir une liste des actes usuels fait courir le risque de ne pas s astreindre à l effort d informer les parents et de rechercher leur accord. En outre, la liste des actes usuels apparaît contingente : des actes considérés comme usuels dans la vie quotidienne d une famille, ou lors de séparation des parents ne le sont plus nécessairement lorsqu un enfant fait l objet d une mesure de placement. Ainsi, les relations de l enfant avec des tiers sont considérées comme des actes usuels dans le régime de droit commun, mais solliciter l accord des parents sur ce point est éminemment recommandé dans le cadre d un placement. De même, l autorisation des parents pour l établissement de documents administratifs est généralement sollicitée, alors qu il serait possible sible légalement de se passer de l accord des parents. Lors de la campagne de vaccination de la grippe A en 2009, un débat a agité les juges des enfants pour savoir si ces vaccinations constituaient ou non un acte usuel. L autorisation de laisser l enfant confié partir en colonie de vacances a été considérée comme un acte non usuel 33. On pourrait multiplier les exemples de ce type. Par ailleurs, un père ou une mère n'accepte pas forcément d'un établissement ou d'un service, ce qu'il accepterait de la part de l'autre parent, ou inversement. Il n'y a pas nécessairement accord sur les conceptions éducatives qui s'expriment dans la vie quotidienne. Les conceptions des parents évoluent aussi en fonction de l âge des enfants, de leur place dans la fratrie, de la situation des familles. Aussi, la recherche de l accord des parents apparaît la conduite habituelle à adopter, à la fois pour lever toute incertitude juridique sur la nature des actes et la nécessité ou non d un accord parental, mais aussi pour associer effectivement les parents à la vie de leur enfant et les faire progresser dans l exercice de leurs responsabilités parentales. Toutefois, il faut faire preuve de discernement et de mesure : il ne s agit pas de rendre impossible la vie de l enfant par des autorisations parentales incessantes. Il faut parvenir à se mettre d accord avec les parents sur les grands principes régissant la vie quotidienne, et les mettre ensuite en œuvre, sans qu il soit nécessaire de les solliciter constamment. Les difficultés surviennent nent fréquemment, en cours de placement. Il est recommandé d informer les parents d incidents ou de difficultés concernant la vie quotidienne, plutôt qu ils ne l apprennent par les 33 Cour d appel d Aix-en-Provence, ch. des mineurs, F 26 mars

69 enfants eux-mêmes, tout en respectant l intimité des enfants. Il est fréquent toutefois que les parents prennent véritablement conscience de la manière de vivre de leur enfant dans le lieu d accueil, à l occasion des communications téléphoniques ou des rencontres de l'enfant lors de retours en famille. Les parents peuvent constater des changements dans la manière de vivre de leur enfant par rapport à la vie familiale. C'est souvent à partir de ces constats que se manifestent des incompréhensions ou des désaccords, qui sont ensuite retransmis par les enfants eux-mêmes. En effet, ils peuvent retrouver en famille des habitudes de vie quotidienne, qui peuvent être en contradiction ou en décalage avec ce qu'ils vivent dans leur lieu de placement. Cette distorsion peut provoquer un conflit de loyauté, en ayant le sentiment de trahir ou d abandonner les habitudes de vie familiale, mais elle peut aussi donner aux enfants un sentiment d'incohérence éducative de la part des adultes. Les rencontres des parents avec les travailleurs sociaux sont l'occasion d'exprimer ces difficultés qui peuvent donner lieu à des conflits plus ou moins intenses et compromettre les relations entre les parents et les services, comme entre les parents et les lieux d'accueil. Des récriminations sont fréquemment exprimées lors d audiences devant les juges. Mais ces constats peuvent aussi être l occasion d échanges fructueux et féconds sur les besoins éducatifs des enfants et les conceptions éducatives des parents. Les divergences et désaccords sur les aspects de la vie quotidienne constituent des supports de travail concrets pour faire réfléchir et progresser la famille dans l exercice de la parentalité. 3.4 La difficulté d une communication adaptée L écrit tient une place importante dans les relations entre les familles et les services de protection de l enfance. Qu il s agisse d une décision administrative ou judiciaire, les accords ou les décisions sont formalisés par écrit. Cependant, le langage utilisé par les professionnels, travailleurs sociaux, éducateurs, mais aussi juges ou avocats, est très souvent incompréhensible pour les parents. Il apparaît codé et il l est effectivement souvent comme accessible aux seuls initiés. Les parents se sentent écartés de la vie de leur enfant en ne comprenant pas la signification des termes employés. Les professionnels, travailleurs sociaux et juristes, ont du mal à adapter leur vocabulaire. L ODAS relève ainsi que les courriers adressés aux parents «s inscrivent davantage dans une logique de gestion des risques institutionnels que dans un souci de lisibilité de l action et de pédagogie à l égard des familles. Ils privilégient la dimension formelle et légale de la correspondance» ODAS. La place des parents dans la protection de l enfance [en ligne]. Juin 2010, 32 p [Consulté en juillet 2013]. place_des_parents_en_protection_de_l_enfance_- _Juin_2010.pdf 61

70 Des moyens nouveaux de communication (SMS, mails), sont encore peu utilisés pour communiquer alors qu ils sont d usage simple et courant dans de nombreuses familles mais, pas toutes : certaines peuvent se trouver exclues de l utilisation de ces nouveaux moyens de communication qu elles ne maîtrisent pas ou qui coûtent chers. Là aussi, il faut s adapter à la réalité de la situation de chaque famille. Lors des rencontres personnelles, les parents sont également en difficulté dans l expression orale. Ils ont du mal à exprimer leurs ressentis, leurs sentiments et craignent que ce qu ils disent se retourne contre eux. Pour favoriser la compréhension par les familles des besoins des enfants, des initiatives ont été prises afin de partager avec elles des activités communes. La préparation d un repas par exemple, ou encore l accompagnement des visites ou des sorties en présence d un tiers comme un travailleur en intervention sociale et familiale, se révèlent souvent plus fructueux que des écrits ou des discours pour favoriser la compréhension par les parents des besoins quotidiens des enfants. De nombreux actes de la vie courante peuvent être proposés aux familles : acheter les fournitures de la rentrée scolaire avec leur enfant, les accompagner le jour de la rentrée scolaire, lire avec eux les cahiers de correspondance, etc. La communication peut être rendue difficile par l éloignement géographique des parents du lieu de placement ou de l implantation des services responsables du placement, surtout pour les parents qui ne disposent pas d un moyen de locomotion. 3.5 Les problèmes institutionnels et l organisation du placement Il n est pas rare de constater une communication insuffisante ou trop lente entre les différents services qui interviennent dans la vie de l enfant, en particulier dans le cas fréquent où le service gardien délègue à un autre service, comme une maison d enfants à caractère social ou à une famille d accueil, la responsabilité de la prise en charge de l enfant. Il apparaît souvent compliqué pour les parents de transmettre des demandes et d obtenir des réponses dans des délais rapides, voire simplement raisonnables. Il semble alors très important que le service gardien détermine clairement les responsabilités des différents intervenants, et que la famille sache à qui s adresser pour les questions de la vie quotidienne. Conclusion Le respect des droits des parents et le soutien de la parentalité ne passent pas seulement par la recherche, indispensable, de leur accord dans les grands aspects de la vie de l enfant. De façon peut- être paradoxale, un accompagnement attentif dans le domaine des actes de la vie quotidienne est 62

71 susceptible de se révéler efficace pour les aider à progresser dans la compréhension des besoins de leurs enfants, l analyse et la conscience de leurs propres difficultés, et la recherche de solutions appropriées. Cette évolution conduit à renforcer le temps passé par les travailleurs sociaux avec les parents, en présence de leurs enfants ; à rebours certainement des possibilités actuelles d action de nombreux services. Mais elle est également conforme au constat qu une part essentielle de l action en protection de l enfance doit porter sur les parents et ne pas se limiter à la prise en charge des enfants. Trop de situations familiales restent bloquées par suite d une absence effective d actions de soutien et d accompagnement ent dans les familles. Sans entraîner ner nécessairement des moyens nouveaux, l action en direction des familles peut être recherchée par un redéploiement de certains moyens. Ainsi, il apparaît que les nouveaux modes d accueil des enfants, à temps partiel, modulables ou séquentiels, sont encore peu utilisés alors qu ils permettent aux parents d exercer concrètement leurs responsabilités éducatives au jour le jour et de progresser de façon significative. Loin d être un obstacle supplémentaire, l association effective des parents aux mesures de protection se révèle au contraire pour les professionnels comme un vecteur puissant, mais exigeant, de réflexion, d innovation et au bout du compte, d efficacité, dans l amélioration des pratiques sociales et judiciaires de protection de l enfance. 63

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73 Enjeux de la parentalité et parentalité partielle Didier Houzel Didier Houzel est professeur émérite de psychiatrie de l enfant et de l adolescent à l Université de Caen, membre titulaire de l Association psychanalytique de France, directeur de la rédaction du Journal de la psychanalyse de l enfant. Ses travaux portent principalement sur la psychanalyse de l enfant, notamment des enfants autistes et psychotiques. Toute situation de retrait d un enfant de sa famille de naissance pose le problème des liens que l enfant avait noués avec cette famille, de leur maintien ou de leur rupture. Faut-il favoriser à tout prix les liens entre les parents et l enfant, y compris dans des cas où les parents ne manifestent aucune demande? Faut-il, au contraire, protéger l enfant de parents jugés dangereux pour lui, même si ces parents sont très demandeurs de rencontres avec leur enfant? Lorsqu il y a maintien des liens, comment faut-il gérer les rencontres entre parents et enfant? Sous-jacente à ces questions se trouve celle de la parentalité des parents et de son exercice plus ou moins complet auprès de leur enfant. Le groupe de recherche que j ai dirigé de 1993 à 1996 à la demande du ministère de l Emploi et de la Solidarité avait pour mandat d examiner ces problèmes pour tenter d y apporter des éléments de réponse. Il nous a semblé nécessaire d analyser minutieusement ce concept de parentalité afin de clarifier autant que faire se pouvait ce qu il était censé recouvrir et de mieux évaluer jusqu à quel point tel parent était ou non en mesure d exercer tout ou partie de sa parentalité. Ce repérage nous est apparu indispensable pour proposer aux professionnels des outils d analyse qui ne leur indiquaient pas des conduites à tenir standards (qui sans doute n auraient pas tenu compte de la réalité de chaque situation), mais qui leur apportaient des moyens de mieux guider leur réflexion personnelle pour évaluer une situation et pour tenter d y répondre de manière adéquate 1. Cela nous a amenés à proposer, à travers l analyse approfondie d une dizaine de cas complexes, trois niveaux d analyse des situations rencontrées et trois axes théoriques pour tenter d en rendre compte. 1 HOUZEL Didier (sous la direction). Les enjeux de la parentalité. Ramonville Saint-Agne : Érès, 1999, 200 p. 65

74 1. Les niveaux d analyse Nous avons repéré trois niveaux d analyse pour chaque situation clinique examinée : l évaluation des ruptures que l enfant a vécues la stabilité des représentations que les différents acteurs de la prise en charge se font de la situation de l enfant et de sa famille les processus d induction et de contagiosité psychiques dont les équipes concernées sont l objet. On peut situer ces trois niveaux d analyse dans une progression de l extérieur vers l intérieur du fonctionnement psychique des professionnels. Le premier, l évaluation des ruptures est le plus extérieur ; il se prête à une estimation objective. Le deuxième, celui de la stabilité des représentations est plus intérieur à chacun ; il dépend de la subjectivité des acteurs, mais il se situe sur un plan d analyse conscient. Le troisième, celui des mécanismes d induction psychique, implique beaucoup plus profondément la personnalité de chacun ; c est celui où, qu on le veuille ou non, le professionnel se trouve pris dans des processus dynamiques qui l influencent à son insu et qui répètent peu ou prou dans la prise en charge ce qui s est passé dans l histoire familiale, avec une sorte de réédition des mêmes projections, des mêmes clivages, des mêmes mécanismes psychopathologiques, bien que considérablement atténués dans leur intensité. Les effets pathogènes des ruptures dans l existence d un enfant sont connus depuis longtemps. La multiplication de ces ruptures augmente leur pouvoir pathogène. On sait bien aussi que les conditions de la rupture sont d une grande importance. Ce n est pas du tout la même chose pour l enfant d être séparé brutalement de ses parents, sans y être préparé, sans pouvoir emporter des objets personnels qui lui sont familiers et qui vont représenter pour lui une certaine continuité (objets transitionnels) ou de vivre une séparation préparée et aménagée. On a peut-être moins insisté sur les conditions psychiques de ces séparations, non pas tant celles qui sont repérables de l extérieur (climat d angoisse ou d apaisement, urgence ou non, etc.), que celles qui sont intérieures aux protagonistes. Comment sont- ils impliqués subjectivement dans la décision de séparer l enfant de ses parents? Dans l un des cas que nous avons analysé, l assistance sociale avait demandé le retrait de l enfant en appuyant sa demande sur un jugement très négatif concernant la mère : «Elle est instable, débile et en rupture familiale ; des examens psychiatriques n ont pas expliqué ses troubles du comportement ; elle mène une vie de débauchée.» Il semble bien que cette condamnation sans appel, qui comporte à l évidence des éléments projectifs, ait pesé tout au long de la prise en charge qui n a jamais permis de dépasser complètement un clivage entre l institution ressentie comme indispensable pour protéger l enfant et la mère jugée incapable. Par «stabilité des représentations» nous désignons la capacité de chacun, de chaque équipe concernée et des équipes entre elles, de se représenter d une manière suffisamment claire, régulière et convergente la situation de l enfant et de ses parents. Il y a parfois des divergences considérables entre les évaluations de différentes équipes institutionnelles. Or il apparaît essentiel de ne pas trancher avant 66

75 que ces représentations ne deviennent suffisamment convergentes. À l expérience, ce ne sont pas les cas pour lesquels il y a eu le plus de mesures de placement qui ont le plus mal évolué, mais ceux pour lesquels il n y a pas eu cette convergence des points de vue et des représentations entre les professionnels responsables. Des mécanismes d induction et de contagiosité psychiques sont toujours à l œuvre lorsqu il y a dislocation d une famille. Les professionnels ne sont nullement à l abri de ces mécanismes. Leur rôle est, non d y échapper, mais de les repérer et de tenter d en comprendre la signification. Il y a fréquemment répétition des processus pathologiques et pathogènes à l œuvre dans la famille (clivage, projection, confusion, transgression, etc.) dans les relations qui s établissent entre les professionnels, les parents et l enfant ou entre les différents professionnels. De la possibilité de repérer et d élaborer ces phénomènes d induction psychique dépend, pour une large part, la qualité du travail qui peut être fait afin d éviter de faire caisse de résonance aux processus psychopathologiques de la famille. 2. Les axes de la parentalité Les trois axes de la parentalité que nous avons repérés ont été dénommés : exercice de la parentalité, expérience de la parentalité et pratique de la parentalité. 2.1 L exercice de la parentalité Exercice est pris ici dans un sens juridique (exercice d un droit). L exercice de la parentalité correspond à tout ce qui, dans notre société, fonde et organise la parentalité : désignation du parent, exercice de l autorité parentale, droit de filiation, transmission du nom, etc. Il faut rappeler que toute société é a un système de parenté qui organise les relations entre les sexes et entre les générations et qui donne à chacun des droits et des devoirs. Je rappelle aussi qu il s agit d un domaine du droit qui est en pleine et constante évolution. L exercice de la parentalité ne régule pas seulement les échanges sociaux, il a un rôle à jouer dans la construction de la personnalité de chacun et dans l équilibre interne de chaque psychisme. Aussi devons-nous nous être très vigilants pour ne pas oublier cette dimension de la parentalité quelle que soit l urgence d une situation. Il importe de ne jamais transgresser les lois qui régissent dans nos pays de droit écrit cet exercice de la parentalité. Il faut notamment mettre en garde les équipes médico-sociales sur le danger d instrumentaliser la justice en faisant avaliser après-coup une mesure de retrait qui aurait précédé le signalement judiciaire. 67

76 2.2 L expérience de la parentalité Il s agit ici de l expérience subjective impliquée dans l état de parent et dans les fonctions qui en découlent. En fait, plutôt que d état mieux vaut parler de processus. C est d ailleurs le terme retenu pour décrire l évolution de tout individu, homme ou femme, qui devient parent. On parle de processus de parentification. On a montré, depuis une cinquantaine d années chez la femme, depuis une vingtaine d années chez l homme, que pour être parent il ne suffisait pas d être biologiquement le géniteur de l enfant, ni d être désigné comme parent. Il reste encore à devenir parent dans sa propre personnalité et dans son fonctionnement psychique. Or ce devenir parent suppose un long processus d évolution et de transformation psychiques qui peut échouer plus ou moins ou être émaillé de troubles qui font que l on peut maintenant parler d une pathologie de la parentalité. J ajoute que l expérience de la parentalité se retrouve au-delà des relations de chacun avec ses propres enfants. Chaque fois que nous avons à nous occuper d enfants et même d adolescents, nous sommes sollicités dans notre parentalité et confrontés à une certaine expérience de la parentalité. Il y a, dans les milieux professionnels, une tendance à dénier toute expérience de la parentalité sous le prétexte qu une attitude de pur professionnel est la seule qui convienne. Je pense important de réagir contre cette tendance de façon à reconnaître que nous sommes mobilisés en profondeur dans nos fibres parentales, mais que nous avons à en prendre conscience et à élaborer cette expérience de façon à ne pas confondre nos rôles professionnels avec des rôles parentaux. 2.3 La pratique de la parentalité Il s agit là des aspects les plus objectifs des fonctions parentales, ceux qui correspondent à ce qu on appelle traditionnellement les «soins maternels» et qu il vaudrait mieux appelés «soins parentaux». Je pense inutile de m étendre sur ce thème bien connu de tous après les nombreux travaux des psychologues, des psychiatres et des psychanalystes qui ont mis en évidence la dépendance du petit d homme, pour son développement psychique, à l égard des soins qui lui sont prodigués par son entourage. Je voudrais seulement dire que si de grands progrès ont été faits pour mieux assurer des soins de qualité aux enfants séparés de leurs parents, ces progrès ne sont pas définitivement acquis. Il faut sans cesse rappeler cette évidence qu un enfant privé en quantité et en qualité de bons soins parentaux est en danger de développer de graves troubles de la personnalité et de sévères déficits affectifs et cognitifs. 68

77 3. La parentalité partielle Après ces rappels, je voudrais proposer quelques réflexions sur la notion de parentalité partielle que nous avons esquissée dans notre rapport et qui trouve un champ d application dans les situations où un enfant est placé hors de sa famille. Dans le développement psychique de l enfant, l acquisition d une certaine forme de stabilité est essentielle. En effet, c est grâce à cette stabilité que l enfant peut se construire une identité personnelle, c est-à-dire se reconnaître semblable à lui-même à travers le temps et les diverses circonstances de son existence. C est aussi grâce à cette stabilité qu il peut se sentir en sécurité. Il peut compter sur son entourage, en particulier sur ses parents qui lui assurent des conditions de vie organisées et prévisibles. Il se trouve, en outre, que l expérience de la stabilité dans les relations extérieures sert d appui et de référence à la conquête de la stabilité intérieure. C est à ce titre que les liens de l enfant avec ses parents sont pour lui particulièrement structurants. Évidemment, il est hautement souhaitable que ces liens soient de qualité. Toutefois, même quand ils sont loin d atteindre la qualité souhaitée, ils sont investis par l enfant comme une référence qui lui permet de se repérer dans son expérience existentielle et qui constitue la base de la construction de la personnalité. On est étonné, en clinique pédopsychiatrique, de constater la force de l attachement d un enfant à des parents avec lesquels il a très peu vécu et avec lesquels, souvent, il a eu des expériences jugées plutôt négatives de l extérieur. Il est connu que les enfants maltraités ont tendance à taire les comportements maltraitants de leurs parents, voire à protéger ceux-ci vis-à-vis d un entourage qu ils ressentent comme accusateur. Il est évidemment indispensable de protéger l enfant contre des dangers qui peuvent venir de son milieu familial et notamment de ses parents. Mais, même dans ces cas, il peut être préférable pour l enfant que les choses soient aménagées de sorte qu il puisse maintenir un lien avec ses parents et que ceux-ci ci puissent exercer une partie des fonctions parentales, plutôt que de séparer définitivement sans espoir de retour l enfant de ses parents. Dans le rapport que nous avons rédigé, nous avons appelé «parentalité partielle» la part des aspects de la parentalité que les parents peuvent continuer à assumer, même quand leur enfant leur est retiré et même s ils souffrent de désordres psychiques sévères ou s ils sont l objet de condamnations pour des fautes graves. L aspect partiel peut correspondre à un découpage temporel : les parents exercent l ensemble de leurs fonctions mais pendant des plages de temps limitées, par exemple le week-end. Il peut aussi correspondre à un découpage des dimensions de la parentalité, telles les que nous les avons définies. Un parent, par exemple, peut détenir l exercice de la parentalité sans pouvoir être en mesure de répondre à la pratique ; c est le cas chaque fois qu une suppléance parentale est mise en place, mais que les parents conservent nt l autorité parentale. Toutes les combinaisons sont possibles entre découpage temporel et découpage dimensionnel. Dans chaque situation, il faut apprécier au mieux quel est le découpage possible et lequel sera le plus favorable à l enfant. 69

78 La tâche des parents ne peut par être d assurer tous les besoins de leur enfant par eux-mêmes. Il leur incombe de savoir déléguer à des personnes adéquates et compétentes certaines de ces tâches et de les faire ainsi participer aux dimensions de la parentalité : trouver une bonne assistante maternelle ou une bonne crèche pour son bébé font partie de ces délégation de tâche. On rencontre des parents qui, de manière répétée, se révèlent incapables de s acquitter de cela. Je me souviens d un enfant qui avait été successivement ent placé par ses parents à deux reprises chez une assistante maternelle maltraitante. Trouver une bonne école, des activités de loisir formatrices, des lieux de vacances sûrs pour son enfant relèvent aussi de cette délégation des tâches parentales. Il en est de même pour les soins à prodiguer à l enfant et il y aurait beaucoup à dire sur le choix des médecins, des thérapeutes, des institutions, des méthodes thérapeutiques par les parents, pour autant que choix il y a. Paradoxalement, certains parents qui sont à la fois maltraitants pour leur enfant et demandeurs de soins. On sait que les enfants victimes de syndromes de Munchhaüsen par procuration sont conduit chez le médecin ou à l hôpital par la même mère qui leur a fait prendre un produit toxique ou qui les a soumis à telle ou telle manœuvre pathogène. On connaît maintenant les comportements de ces parents maltraitants qui conduisent leur enfant aux urgences hospitalières pour un oui ou pour un non. Trop souvent on méconnaît l appel au secours qui est implicite dans ces demandes répétées, qui apparaissent au médecin peu justifiées sur le plan strictement médical. C est hélas souvent trop tard qu on découvre que l enfant était maltraité ou négligé à domicile et que les conduites aux urgences avaient la signification ification d un appel à l aide pour faire cesser une situation de danger qui ne pouvait se dire. La difficulté majeure, dans ces cas, est de reconnaître la multiplicité des attitudes et des conduites chez un même parent vis-à-vis du même enfant. Nous avons affaire à des pathologies complexes qui ne peuvent s analyser d un seul point de vue ni se réduire à une causalité linéaire. Le même enfant fortement investi et authentiquement aimé peut devenir par moment un enfant maltraité en fonction des projections sur lui du parent tantôt de bons aspects, voire d aspects idéalisés de son propre psychisme, tantôt d aspects persécuteurs. Il nous faut faire le tri de toutes ces projections de façon que nous puissions en protéger l enfant, en même temps que nous le protégeons le cas échéant d actes destructeurs de ses parents, mais en respectant leurs aspects aimants et structurants si partiels soientils. La même mère peut se révéler dangereuse par ses conduites violentes ou pathogènes, et secourable en allant réclamer l aide du médecin ou de l hôpital. Encore faut-il qu elle soit entendue dans cet aspect secourable de ses conduites. La complexité de ces situations est liée à la complexité même du psychisme humain et à la multiplicité plus ou moins cohérente ou incohérente de ses composantes. Je pense, notamment, à deux composantes qui fréquemment sont mal intégrées dans le fonctionnement ent psychique et qui peuvent resurgir dans des conduites de maltraitance. La première est liée à l enfance du parent concerné et à ses reliquats non élaborés. Tout se passe comme si chaque adulte gardait en lui les traces des 70

79 insatisfactions et des traumatismes de sa propre enfance, traces qui se trouvent réactivées à l occasion de son expérience de parent. Cette réactivation régressive est d ailleurs utile au parent pour lui permettre de s identifier à son propre enfant et ainsi d entrer en communication avec lui. Mais elle comporte des risques : si ces périodes de l existence du parent ont été trop insatisfaisantes, trop douloureuses ou traumatiques, alors le parent peut régresser massivement à des parties infantiles de lui- même en perdant le contact avec ses parties adultes. Tout se passe alors comme s il devenait un enfant rival de son propre enfant dans une rivalité archaïque qui peut comporter des violences extrêmes. La seconde composante dont je voudrais parler est celle qui est liée à la transmission psychique entre les générations. Dans ce mode de transmission des parties non intégrées du psychisme des grands- parents, voire d ancêtres plus lointains, se trouvent projetées dans la relation entre le parent qui en est le dépositaire et l enfant. Tout se passe comme si la relation parent-enfant enfant se trouvait hypothéquée par ces projections. Je crois qu il est trop tôt pour préciser dans quelles situations une parentalité partielle peut être mise en œuvre et favorisée et dans quels cas cela n est pas possible. Certains actes extrêmement pervers de parents abuseurs sexuels font penser qu il y a une limite et qu il y aura sans doute toujours une limite à respecter. D une manière générale, nous avons à apprécier la nature de l investissement du parent sur son enfant. L enfant ne peut construire sa sécurité de base et son identité sur un investissement purement narcissique, voire auto-érotique de ses parents. Il faut qu il y ait dans la relation entre les parents et l enfant une capacité des premiers à reconnaître l enfant dans sa singularité, à l aimer comme sujet et même à tolérer un certain degré d ambivalence dans cette relation sans pour autant ressentir l enfant comme méchant, ni se sentir soi-même mauvais ou coupable. Chaque fois que dans une situation donnée, on peut conclure, après analyse minutieuse, qu il y a chez l un ou l autre parent ce type d attachement légitimant les rencontres avec l enfant, il me paraît essentiel de ne pas faire obstacle à la part de parentalité que ledit parent peut exercer et, tout au contraire, de favoriser l exercice de cette parentalité partielle en mettant en œuvre autant que nécessaire les médiations qui permettront cet exercice en toute sécurité pour l enfant. 4. Illustration clinique Je propose, pour illustrer cette notion de parentalité partielle le cas d un enfant né de l union entre deux parents malades mentaux qui se sont connus au cours d un séjour dans une institution de soins. La mère est une jeune femme qui était âgée de 20 ans au moment de la naissance de Marine. Un diagnostic de schizophrénie avait été porté pour elle au cours de son adolescence. Le père a fait l objet d un diagnostic de schizophrénie dysthymique. Les deux parents se sont rencontrés lors d une hospitalisation motivée pour l un et pour l autre par une activité délirante à connotation persécutive. Ils 71

80 ont conçu leur enfant au cours d une fugue pendant laquelle ils ont erré ensemble au bord de la mer. Ils donneront à leur enfant, en souvenir de cela, le prénom de Marine. La mère de Marine, Maud, est à nouveau hospitalisée pour une décompensation psychotique alors qu elle est enceinte de six mois. C est au cours de cette hospitalisation que notre équipe de pédopsychiatrie est amenée à la rencontrer à la demande du psychiatre qui s en occupe, en vue de prévoir r une prise en charge de la mère et de l enfant après l accouchement. Jusqu alors Maud vivait dans un total déni de sa grossesse et elle ne parlait jamais du bébé à naître. L accouchement s est fait sans aucun problème. Cependant, les premiers échanges entre la mère et l enfant ont d emblée inquiété l équipe de la maternité : Maud est apparue comme une mère instable difficile à canaliser, non sécurisante pour l enfant, alternant des périodes de rapprochements très forts et des périodes de brusques mises à distance. Selon la sage-femme c était «comme si elle ne pouvait supporter la relation, comme si c était trop fort.» Aussitôt après la naissance, des observations ont été proposées à la mère qui les a acceptées. Il s agit d une technique préventive ou thérapeutique que nous utilisons très largement à Caen chaque fois qu il faut traiter les troubles de la relation parents-enfant enfant pour des enfants de moins de 3 ans au début de la prise en charge. Cette technique est une application d une méthode d observation des bébés mise au point à Londres par une psychanalyste, Esther Bick, entre 1948 et 1964 dans le cadre de la formation de psychothérapeute d enfant. Il s agit essentiellement de porter une attention très soutenue, pendant une heure d observation et sans aucun moyen objectif d enregistrement, à tout ce que l enfant exprime à travers ses modifications de vigilance, de tonus, ses mimiques, ses pleurs, ses gestes, son regard, ses lallations, etc. Il s agit en même temps de prêter attention aux réponses de l entourage, en particulier du ou des parents présents, et d observer toutes les interactions de l enfant avec cet entourage. Cette attention soutenue qui est apportée au bébé dans son milieu de vie naturel, sa famille, semaine après semaine, à raison d une séance par semaine, a fait la preuve de son efficacité pour soutenir la qualité des relations entre l enfant et son entourage et par là favoriser son développement psychique. C est cette constatation qui m a conduit, avec d autres, à proposer d en faire une application préventive et thérapeutique chaque fois que la qualité de la relation de l enfant avec l entourage proche était en question, soit comme risque potentiel, soit déjà comme facteur causal de troubles du développement psychique et relationnel. Marine a été retirée à sa mère dès la sortie de la maternité pour être confiée à une assistante maternelle. Toutefois, les observations ont pu se poursuivre jusqu au sixième anniversaire de Marine, à l occasion de rencontres entre elle et ses parents qui avaient lieu régulièrement dans un centre social. Le développement de Marine s est fait de manière tout à fait satisfaisante. Elle a une connaissance claire de chacun de ses parents, ce qui était l un des buts de ces observations dans la mesure où l on connaît les dangers à long terme de séparations complètes entre un enfant et ses parents malades 72

81 mentaux qu il ne rencontre jamais. Le suivi a été émaillé de nombreux épisodes marqués par de nouvelles décompensations de l état psychique de l un ou l autre de ses parents ou des deux. Malgré ces épisodes, le lien parents-enfant enfant a pu être maintenu et une réelle parentalité partielle a pu s exercer aussi bien par la mère que par le père, pourtant l un et l autre lourdement atteints sur le plan psychiatrique. La mère, dont le discours devient par moment tout à fait confus, très centré sur elle-même et que l on sent alors incapable de prêter attention à sa fille, a à d autres moments la possibilité, grâce à l attention soutenue qui lui est portée par la thérapeute, d être véritablement dans un rôle de mère, de mettre son enfant en confiance. Marine va alors s installer sur ses genoux et des échanges ludiques satisfaisants s observent entre la mère et la fille. La mère peut, dans de telles conditions exercer une part de sa parentalité. C est cela que nous avons appelé une parentalité partielle. Conclusion Il pourrait sembler inutile et coûteux de soutenir ces atomes de parentalité dans des situations aussi perturbées que celle-là. là. En fait, on sait que les ruptures totales avec les parents, même si ceux-ci sont dans l incapacité d exercer la plupart des tâches parentales, peuvent comporter le risque de décompensations tardives de l enfant qu on a voulu protéger de ses parents stigmatisés dans leur pathologie ou dans leurs conduites déviantes. Tout se passe alors comme si, voulant protéger l enfant des aspects les plus pathologiques de ses parents, on risquait de la priver de la possibilité de s identifier à ses aspects les plus sains et alors, paradoxalement, de l obliger à s identifier à ses aspects les plus malades. C est sans doute ce qui explique des décompensations paradoxales et souvent tardives observées chez des enfants pour lesquels on avait cru créer les meilleures conditions de développement dans des milieux institutionnels ionnels ou familiaux substitutifs. Il est clair que, bien souvent, l exercice d une parentalité partielle nécessite des aménagements plus ou moins complexes qui permettent de médiatiser les rencontres entre parents et enfant et d apporter aux parents en souffrance la fonction contenante pour eux-mêmes qui leur permet d être suffisamment à l écoute de leur enfant. On notait, dans les séances d observation de Marine, l urgence pour la mère de parler d abord de ses soucis personnels, avant de pouvoir prêter attention tention à sa fille. La thérapeute semble avoir joué le rôle de la «bonne grand-mère» dont lui avait parlé la mère de Marine, «bonne grand-mère» avec laquelle elle avait pu sortir avec sa fille dans un bon climat et avec une relation satisfaisante, alors que sa propre mère ne lui avait pas apporté cette sécurité. 73

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83 Varia

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85 Dix arguments pour aider à l analyse des pratiques ou l intervention en protection de l enfance à l épreuve des mouvements inconscients sur lesquels se fondent les relations entre l enfant et son parent Alain Bouregba Alain Bouregba est psychologue et psychanalyste ancien chargé de cours complémentaires à l UFR de psychologie sociale de l Université Paris-Descartes, directeur de la fédération des relais enfants-parents et président d Eurochips, membre du comité éthique et cancer, conseiller technique auprès de services de protection de l enfance du conseil général des Hauts-de-Seine. Introduction D un point de vue éthique aussi bien que technique, les représentations collectives, autour desquelles s organise la mise œuvre d une mesure de protection de l enfance, sont sous l influence contradictoire de deux séries de préjugés. La première s enracine dans une tradition familiariste tandis que la seconde prend son essor avec la montée en puissance des valeurs individualistes. Le préjugé familiariste conditionne les intervenants à assimiler toutes les expériences d éloignement entre l enfant et son parent c'est-à-dire de séparation physique à un traumatisme. Les deux présupposés sur lesquels repose cette assimilation se ramènent à un manque de distinction conceptuelle : le premier identifie les liens psychiques entre l enfant et son parent à la qualité de leur mise en relation ; le second réduit l appartenance et les sentiments qui en découlent à la seule inscription de l enfant dans l histoire de ses parents. Les sentiments d appartenance impliqués dans l élaboration de l identité psychique relèvent de mécanismes complexes. L ignorance par l enfant de l histoire de ses parents n altère pas de façon systématique la pérennité d une inclusion communautaire et l aisance des sentiments d affiliation. L éloignement durable du parent ne détermine pas l enfant à l errance même si les conditions de son environnement en optimisent le risque. Notre futur n est pas inscrit dans notre passé, mais dans la signification et l interprétation que notre présent donne à son passé : «Je ne crains pas demain, car j'ai vu hier et j'adore aujourd'hui», disait William Allen White. À l opposé du prêt-à-penser penser familiariste se situe l influence des normes de l individualisme et, parmi elles, celles qui réduisent l enfant à luimême et plus précisément à une somme de besoins physiologique, d éveil et de sécurité. Or, l enfant est une personne ; il est simultanément sujet et objet de son environnement où, dès qu il paraît, il prend la place qui lui est assignée. L enfant est un individu (individu, c est-à-dire non-divisible) d un point de vue physique ; toute atteinte ou immersion dans son espace équivaut donc à une violence. Mais, c est une personne qui ne peut 77

86 pas être extraite psychiquement de son environnement, avec lequel elle établit des modes de fonctionnement conscient et inconscient. Si l enfant est une personne et pas seulement un individu,, les indications, les limites voire les effets iatrogènes d une mesure de protection ne seront correctement appréhendés que s ils sont rapportés au contexte relationnel dans lesquels se tissent ses liens psychiques. La connaissance de l enfant est un pré-requis nécessaire à une juste intervention. La connaissance des liens psychiques qui l unissent à sa famille et celle des modalités relationnelles qui en découlent permettent d associer un soin éducatif et / ou psychique à la protection. L attention à la dynamique au lien psychique qui unit l enfant et son parent suggère dix arguments dont la prise en compte facilitera aux praticiens du soin éducatif et social des services de protection de l enfance l analyse de leur pratique. 1. L enfant n est pas une pâte molle et façonnable Eric, 9 ans, s est confortablement installé dans l un des deux fauteuils qui me font face. Il plonge successivement son regard sur chacun des objets placés sur mon bureau, avec une telle intensité qu il semble comme absorbé par la consigne impérieuse de devoir en mémoriser l identité et la disposition. L enfant, silencieux et centré sur son exploration, ne manifeste aucune attention aux propos de sa mère et à son agitation. Madame T fixe peu l interlocuteur auquel elle parle, sans s arrêter suffisamment pour qu il puisse maintenir son attention. Rapidement après sa prise de parole, il est devenu difficile de discerner à qui Madame s adresse. Ses propos sortent par vagues et semblent lui échapper. Ce déversement dans la façon de dire n altère en rien la cohérence de ce qui se dit. Si Madame semble comme possédée par son propos, c est qu elle refuse d en endosser la responsabilité. Elle l interrompt pour de longues expirations qui surgissent comme des signaux d abattement. L impression d un propos déversé plutôt qu énoncé est renforcée par l absence inhabituelle du pronom «je» dans ses énoncés. Madame T n est pas le sujet dont elle parle. En cela, elle se situe à l inverse d un grand nombre de parents inquiets pour leur enfant qui se centrent, à leur insu, sur l état douloureux dans lesquels leurs inquiétudes les plongent : «Je n en dors plus» ; «Il n a pas conscience de mon état» ; «Je dois faire face toute seule» ; «Je suis fatigué de tout porter» Aucun propos semblable chez Madame T qui énumère sans émotion apparente, mais précipitamment, les reproches de l école à l encontre de son fils : indiscipline, dispersion, manque d intérêt. Madame T termine son inventaire par une sombre prédiction : «Son agitation lui jouera de mauvais tours». Éric, stoïque, ne semble pas impressionné. «Il faut l en guérir» lance-t-elle elle comme un défi. L enfant me sourit. Je propose à Éric de me dire ce qu il pense de ce qui vient d être dit et s il partage les inquiétudes de sa mère. Étonné par ma demande, l enfant redouble d attention et, son regard plongé dans le mien, est en attente d une explication. Pour encourager les réflexions qui germent, derrière toutes les 78

87 demandes d explication d un enfant, j entonne un préjugé pour libérer de la pensée : «Un enfant dissipé peut l être sans l avoir souhaité. Il est alors le premier à en souffrir. Mais, l enfant dissipé peut aussi trouver de la satisfaction à l être et ne rien vouloir changer à son comportement». L enfant de 9 ans inspire profondément l air et les deux hypothèses. Après un court instant, avec l autorité d un grand philosophe, il me renvoie : «Ça peut être les deux!». Cependant, il n attend pas de mesurer son effet pour ajouter, avec le visage légèrement baissé de ceux qui adressent à eux-mêmes leur propos : «Il se peut aussi que l enfant ne soit pas dissipé». Les parents d Éric vont mal, l un et l autre sont traités pour un état dépressif bipolaire. Cependant, il serait erroné et contraire à l éthique de prédire une détermination au pire à leur enfant. Éric se porte bien. Thomas, enfermé dans un sérieux qui l isole, freine son imaginaire et retient sa pensée. Continent de ses terreurs intérieures, il inhibe toutes ses émotions, contenus imaginaires ou fantaisies, qui les lui rendraient manifestes. Coupé de ses fantaisies intérieures, Thomas exécute avec minutie et opiniâtreté, mais sans intérêt ni motivation, les consignes qui lui sont adressées. Aussi persévère-t-il souvent dans l erreur au cours de ses apprentissages. La rigidité de cet enfant sérieux l expose au risque de nombreux échecs. Ses parents le pressentent ; inquiets, ils consultent. La préoccupation parentale est sincère et adaptée. Ni la mère, ni le père ne montrent des signes de rigidité, ils ne semblent pas avoir des exigences éducatives inappropriées à l âge et au tempérament de leur enfant. Thomas se porte mal, alors que ses parents ont des comportements adaptés. Éric se porte bien alors que ses parents, du fait de leurs troubles psychiques, ont quelquefois des propos et des conduites dont l impact sur l enfant préoccuperait légitimement. Des constats analogues, un grand nombre de cliniciens et d éducateurs en font régulièrement. rement. L état de l enfant n est pas la conséquence directe des agissements parentaux. L enfant n est pas une pâte molle et façonnable. 2. L enfant ne réagit pas à son parent, mais à ce qu il projette sur ce dernier. Ces projections agissent comme une attribution de rôle à laquelle le parent s adapte. L enfant contribue à l essor des compétences parentales. Comme toutes les relations, les relations enfants/parents délimitent un espace intersubjectif à partir duquel l action et les intentions ions de l un sont déterminantes et simultanément déterminées par l agir et les intentions de l autre. Cet espace intersubjectif constitue le lien psychique qui unit, à leur insu, l enfant et son parent. Le lien établi, il survit à l absence de contact, de telle sorte que dans le cas d une longue séparation, l enfant et son parent qui se retrouvent le feront sur des modalités de mise en rapport identiques à celles qui les liaient avant qu ils ne se quittent. L éloignement de l enfant et de son parent est une mesure justifiée dans les situations où l espace intersubjectif qui les unit les expose aux risques de la violence et des débordements. 79

88 Cependant, il faut garder à l esprit que cette mesure conservatoire protège, mais ne traite pas. Traiter une relation demande bien davantage qu une mise à distance. Il est nécessaire d en comprendre la cohésion, les rites et l histoire. Prendre en compte l espace intersubjectif suppose la mise en évidence de ce qui les unit voire les déchire plutôt t que ce qu ils sont. Pour introduire cette perspective, il convient dans un premier temps d expliciter le concept de relation, pour présenter dans un second temps les spécificités de la relation enfant/parent. La relation Une réaction quelle qu en soit la nature est déterminée par la signification que son auteur attribue à la situation, à l événement ou à la personne auxquels il réagit. Dans une relation entre deux personnes, les attitudes, l humeur et les comportements sont modelés par les attentes de l un vis-à-vis de l autre. Ces attentes allient les demandes et les projets (sur lesquels s établit la mise en relation) aux anticipations de chacun des acteurs, relativement aux capacités de l autre à contenter les demandes qui lui sont adressées, afin de concourir ourir ainsi à un projet commun. Quelle qu elle soit, la mise en relation s amorce sur des préjugés anticipatoires. Ces préjugés s ajustent aux conditions immédiates, aussi évoluent-ils avec le temps. Cette évolution les réduit et les dissout quelquefois suffisamment pour instituer le rapport port à l autre sur une énigme apaisée et bienveillante : «Parce que c était lui, parce que c était moi». Les préjugés anticipatoires, à l œuvre dans la phase d instauration d une relation, constituent un véritable profil identitaire. Chacun identifie l autre à une image qu il porte en lui. Cette identification de l autre à une image intérieure, est chargée de l empreinte et des émotions des rencontres passées. À ses débuts, une rencontre ne s apparente pas à une découverte mais à des retrouvailles. La passion, cet état amoureux exclusivement réfléchissant ou projectif, se consume et s épuise au jeu de «l éternel retour». L identification de l autre à des images inconscientes, procède de deux liaisons possibles : des liens de similitude et des liens de contiguïté, autrement dit par condensations et déplacements Dans une relation, nous nous adaptons au profil identitaire que l autre associe à ce qu il projette dans ce que nous sommes. L identité projective, à laquelle le regard de l autre nous confronte et affecte, dans le sens spinozien, nos habitudes identitaires, avec plus ou moins de force selon l intensité de la relation. Dans certaines circonstances, les plus tragiques comme les plus heureuses comme le sont les relations amoureuses l identité projective exerce une telle attraction chez celui auquel elle est renvoyée qu il l intègre pour partie voire en totalité comme un des composants de son identité. Il conviendrait ici de parler d introjection identitaire. Évidemment, les projections et les introjections identitaires, actives dans une relation, circulent dans un sens comme dans l autre. Aussi devrions-nous nous nous représenter la relation à l autre comme une rencontre de quatre identités : les deux personnes ; leur identité effective ; et en 80

89 chacune d elles, une image identitaire à laquelle l autre est assimilé. Cette image identitaire, construite sur un mode analogique, est projetée sur l autre dont elle le masque les traits originaux. L identification projective attribue à l autre une identité de surface à travers laquelle il est entendu. Si nous nous rappelons que le mot persona vient du verbe personare qui signifie «parler à travers» et que le mot persona désignait le masque que portaient les acteurs de théâtre, il est légitime d attribuer à ces masques les propriétés des personnages. De la sorte, nous pouvons nous représenter une relation comme une mise en rapport de deux personnes interprétant deux personnages dont chacun aurait reçu le profil de l autre personne. Il est possible d illustrer ce paradigme par la relation idéale-typique traditionnelle des concepts de féminité et féminin d une part et de masculinité (virilité) et masculin d autre part. Ici, les deux personnes ou sensibilités seraient le féminin et le masculin, et les deux masques, la féminité et la virilité. Endosser le costume de la féminité équivaut, dans cette perspective, à interpréter ce que la femme associe à l objet du désir masculin ; et inversement, la virilité équivaut à l interprétation de ce que l homme associe à l objet du désir féminin. Les relations enfants-parents Les relations entre l enfant et ses parents s organisent sur des modalités intersubjectives variables en fonction de l âge de l enfant. Cependant, dans tous les cas, elles mettent en correspondance des représentations internes et les personnes qui sont à la fois sujets et objets de ces représentations. En d autres termes, les relations entre l enfant et ses parents organisent la mise en correspondance de quatre formations imaginaires (l enfant imaginaire comme projection maternelle, l enfant imaginaire comme projection paternelle, l imago maternelle et l imago paternelle comme formations inconscientes de l enfant) et les protagonistes de la relation : l enfant, la mère et le père. L enfant imaginaire est un complexe narcissique qui associe la partie idéalisée du moi qui résiste à l assujettissement identitaire (le moi idéal) et la partie idéalisée de la loyauté identitaire (l idéal du moi). Une alliance instable entre le narcissisme primaire, cette part du moi qui résiste à la réduction qui s opère quand le moi accède au «je», et le narcissisme secondaire qui apparaît avec le «je», un temps inaugural où le moi qui s engage dans son identité se révèle à lui-même par son action : «l existence précède l essence». L enfant imaginaire est un complexe bipolaire dont l origine est liée aux prémices du complexe œdipien. Une époque où tous les enfants fixent en eux aussi bien un enfant capable de renverser les limites auxquelles l identité à laquelle ils sont assujettis les contraint que, à l opposé, un enfant appliqué à satisfaire les attentes de ses parents et de sa communauté par loyauté identitaire. L enfant imaginaire est un complexe réunissant d une part l enfant rebelle venant réparer les manques et les blessures ontologiques et, d autre part, l enfant dont il est souhaité qu il enrichisse son groupe d appartenance. Il est l enfant de la quête d un plus ontologique, et l enfant d une dette de vie et d éducation qui lie à sa communauté. L équilibre entre ces deux pôles varie constamment. Plus riches et gratifiantes sont les 81

90 confrontations aux normes de son groupe d appartenance, plus le complexe s oriente vers l exigence de la dette. À l inverse, plus l expérience sociale est une source de disqualification, voire d humiliation, plus le complexe s oriente vers la quête du renforcement du moi et sa rébellion. Il est difficile à des parents en situation d isolement, de précarité et d humiliation de dédier leur enfant à l inclusion dans une communauté dont ils se sentent exclus. La prévention des conduites d agrippement parental doit s attacher à restaurer autour des futurs parents des liens sociaux suffisants et bienveillants. La mère et le père portent en eux un enfant imaginaire. Cependant, le genre les situe différemment ment dans l avènement de l enfant. Là où le lien avec la mère est instauré par sa matérialisation physique, celui avec le père est instauré par une parole tierce. Comme je le développe dans Les troubles de la parentalité 1, cette différence détermine l inversion de la prévalence des deux aspects du désir d enfant, comme dette et comme quête, chez la mère et le père. Chez ce dernier, l enfant est investi du projet de se libérer de sa dette, alors que chez la mère, qui porte l enfant, la quête ontique prévaut. Cette différence dans la manière dont s organise le complexe imaginaire chez l un et l autre parent facilite la fusion de leur désir dans une vision commune qu ils projettent sur l enfant. 1 BOUREGBA Alain. Les troubles de la parentalité. In HURET Jean Claude (dir.). Dans la famille je demande le père. Ramonville Saint-Agne : Érès, 2005, p Dès lors que la fusion du désir d enfant, chez la mère et le père, se réalise au cours du processus de parentification, l enfant se voit identique dans le regard de ses deux parents qui le regardent. Cette identité commune facilite à l enfant l intégration ou l identification de son identité. À l inverse, quand les parents investissent leur enfant de formations imaginaires dissemblables, ils l exposent inconsciemment aux difficultés d identification à son identité. Cette difficulté qui égrène les différents états et douleurs dépressives, un patient l a traduite un jour dans une métaphore bouleversante : «J ai l impression d être un bernard-l ermite : j habite une coquille qui n est pas pour moi, mais je n en ai pas d autre». La dépendance extrême du petit d homme à son environnement humain est à l origine d émotions complexes et ambivalentes alentes qui répandent leur écho tout au long d une vie. Que le parent ait été aimé ou craint, son empreinte associe profondément la réjouissance aux sentiments douloureux d insatisfaction. Consciemment chacun tend à magnifier la bienveillance de ses parents, sous la pression du refoulement des attentes initiales de gratification et de protection. Mais au cours de la petite enfance, ces attentes étaient si profondes et présentes qu aucun parent, fût-il le meilleur, n aurait pu les combler. Aussi chacun dépose-t-il dans son inconscient, attachés aux figures parentales, des souvenirs de profondes frustrations. Les représentations parentales inconscientes conditionnent les attentes de l enfant vis-à-vis du parent sur lequel elles sont projetées. Aux projections de l enfance sur son parent, 82

91 correspondent des attributions de rôle et l incarnation d une représentation idéalisée. Des attributions de rôles et de personnages dont les parents se saisissent avec plus ou moins d aisance. Chez certains parents, elles entraînent une panique, une anxiété, un profond sentiment d impuissance. Aussi, le parent y réagit par des comportements maladroits voire maltraitants. De tels comportements manifestent le dépit du parent qui se sent incapable de répondre aux attentes de son enfant. Par ailleurs, ces comportements maladroits permettent inconsciemment au parent d'administrer la preuve à l enfant de son impuissance à satisfaire ses attentes ; et de l amener à renoncer à les lui adresser. Les parents, effrayés par les attentes de leur enfant, sont exposés au risque de devenir violents ou fuyants La nature des projections de l enfant vis-àvis de son parent et celle des attentes qui en découlent varient au gré de son développement L image du parent dans l inconscient de son enfant est un portrait en incessante évolution dont les contours, les couleurs et les harmonies ne deviennent permanentes qu au sortir de l enfance. Cette évolution est une Odyssée dont il est possible de fixer les trois grandes étapes. La confrontation au réel Au commencement le chaos ou le voyage dans le réel. Chez le petit homme, à la naissance, d extraordinaires aires compétences sensorielles contrastent avec une infirmité motrice majeure. Par ailleurs, le nouveau-né né ne situe pas le dedans par opposition au dehors. Pour s éviter les trop vives excitations, le nourrisson sombre dans le sommeil, un état que M. Mahler qualifie d autisme primaire. Confronté au réel, qu il sent sans pouvoir identifier ce qu il sent, le nourrisson voyage dans le chaos mais après quelques jours, il y localise une source de gratification, au contact de laquelle les tensions douloureuses s'abaissent, la faim notamment. Cette source agit comme une force d attraction, comme un aimant : elle le met en mouvement, elle l éveille, il s y colle. L enfant perçoit le faire maternant avant d identifier son auteur. L imaginaire et la mère archaïque Les soins maternants, ou l ensemble des soins humains prodigués à l enfant dès lors qu à cette époque l authentification du faire prévaut sur celle de son auteur enveloppe le nourrisson et oppose à son contact au réel un écran de par- excitation. Ici, s amorce la fonction maternelle et la confrontation non plus au réel mais à son empreinte ou son image, sur écran de parexcitation. Le nourrisson associe ses perceptions à d autres réfractées par l aire maternelle. Les mimiques et vocalises maternelles réfléchissent à l enfant ses perceptions. Associant une sensation à une autre, le nourrisson objective ses perceptions. La fonction maternelle réfracte à l enfant le réel, en y associant des images. «Que voit le bébé dans le visage de sa mère qui le regarde?» se demandait D. W. Winnicott. Il y voit des traits, des jeux d ombre et de lumière, des teintes pâles ou écarlates et des bruissements clairs ou assourdis. Ce qu il voit varie à chaque changement d objet perçu. Le visage de la mère objective à l enfant ses perceptions. C est-à-dire qu il les lui 83

92 représente. La fonction maternelle amorce la relation d objet. L objet est assimilé à son image jusqu au jour où l enfant perçoit dans le regard de sa mère sa propre image. Il est saisi par l écart entre ce qu il éprouve de lui et son reflet, l écart entre le moi et le moi idéal. Le lien d assimilation entre l objet et son reflet se rompt. Pour chacun d entre nous, notre image reste une énigme : être ou n être pas semblable à son reflet. Enfermé dans la dyade mère/enfant, le petit d homme est opposé à son reflet, une copie chirale et anamorphique. L avènement du symbolique et de la loi du père L objet n est pas assimilable à son reflet. Or le reflet, c est l objet du désir de sa mère. Et être l objet de la mère, l enfant le souhaite puisque c est une source de gratification infinie ; mais il le craint dès lors qu il prête à la mère le désir d engloutir l objet de son désir. Pour sortir de la tension dépressive, où «être» est espéré et craint tout à la fois, l enfant prête, à un autre, la détention de l objet du désir de sa mère. «Être ou n être pas?» se reformule dans la question : «avoir ou n avoir pas?». Avec l avènement de l avoir, l objet n est plus identifié à partir de son reflet (ce qu il est) mais à partir de ce qu il détient (ce qu il a). Ses propriétés, à partir desquels il peut être rangé dans une classe d objet, définissent des liens d appartenance commune, en quelque sorte un symbolon. L ordre symbolique établit les liens d appartenance : à un genre, à une génération, à une lignée et à une parenté. De ces liens d appartenance découlent l interdit de l inceste. La loi du père différencie en fonction de leur appartenance les partenaires autorisés des partenaires aires interdits. Elle pose un principe à partir duquel chacun conçoit que tel partenaire lui est destiné dès lors que d autres lui sont empêchés. C est la loi qui crée un objet au désir, sans elle il n y a que désir de jouissance. 4. Être parent, c est assumer des obligations de rôle et de fonction que des voix dissonantes prescrivent Être le père ou la mère équivaut à recevoir une double délégation, assumer une double fonction. La première attribution, c est l enfant qui en est l auteur. Au cours du développement, dont les grandes étapes viennent d être rappelées, l enfant intègre une représentation de la mère archaïque et une représentation du père détenteur de la loi à ses formations inconscientes. Le parent réel incarne dans l enfance ces figures intérieures. Cette projection concourt à restituer à l enfant une représentation adoucie de la forme initialement projetée, afin qu il puisse s y accommoder et en neutraliser les aspects menaçants. La mère dans le réel protège et adoucit les attentes de la mère archaïque. Le père réel concourt à l assujettissement de l enfant à la loi, en y étant assujetti lui-même. L enfant projette sur l un et l autre de ses parents, des figures intérieures qui le fascinent et le terrorisent tout à la fois. Cette projection n est pas gratuite, l enfant est dans l attente que son parent lui en restitue un reflet adouci. C est ici qu il convient de parler de fonction psychique du parent vis-à-vis de l enfant. Si l enfant a un projet pour ses parents, la communauté dans laquelle il est inclu a de fortes attentes éducatives à partir desquelles elle délimite une série d obligations éducatives. Ces 84

93 obligations éducatives et les normes sur lesquelles elles se fondent sont déterminées comme elles l ont toujours été par les besoins sociaux. À l époque romaine, l enfant est formé à l obéissance et à l idéal de la virtus romaine. Comme le développe Tite-Live, le père devait enseigner à l'enfant le dévouement total de l individu à la cité et aux valeurs ancestrales : acharnement au travail, austérité, frugalité. Rome a besoin de citoyens-soldats, soldats, le pater familias n est pas celui qui engendre, mais celui qui commande. Il a tous les droits sur ses enfants comme le chef a celui de décimation (de decem - dix) sur les légionnaires survivants à une défaite grave. Ce droit de vie et de mort sur l enfant n équivaut pourtant ni à un droit de jouissance, ni à un droit de propriété, même si le citoyen pauvre le proletarius était réputé n avoir d autre bien que sa descendance son proles. Le père a un droit de puissance, patria potenta, et pas de jouissance. L enfant est citoyen, autrement dit : il appartient à la cité. De nos jours, la cité a besoin de consommateurs, en quête d épanouissement personnel et accessoirement capable de prendre la parole dans l agora moderne de la vie publique. Aux normes éducatives de tradition autocratique, érigées sur l obligation de soumettre une nature viciée par la peccabilité et sur le devoir d obéissance, ont succédé depuis la fin de la seconde guerre mondiale, des normes individualistes. Cette nouvelle éthique sociale est fondée sur la quête de l épanouissement. La quête du bonheur a succédé à la quête du salut. La fonction éducative déléguée par la société aux parents sur leur enfant a pour objet principal de concourir à son éveil, et non plus à son obéissance. Cette primauté s inscrit dans notre Code civil à l occasion de la loi de 2002 qui, entre autres obligations faites aux titulaires de l autorité parentale, leur signifie celle d être les garants de l intérêt de leur enfant. Cette fonction, assignée aux parents, est un exercice qui leur est plus ou moins aisé. Concourir à l éveil de l enfant est une norme qui requiert une attention à son développement à laquelle prédisposent les connaissances psychologiques. Les normes éducatives modernes sont tributaires des théories de la psychologie qui, prédictives des conditions favorables du réel plutôt que maintenues dans l effort d en rendre compte, s apparentent quelquefois à des dogmes. Ces dogmes psychologisants s imposent largement, au travers de différents canaux. Ils gratifient ceux qui, du fait de leur formation, peuvent y opposer un regard critique ou analytique, et disqualifient ceux qui s en écartent sans pouvoir s en justifier. Le degré d aisance avec lequel un parent s approprie les valeurs culturelles dominantes est un facteur de qualification à l exercice de la fonction éducative qui lui est déléguée. Les modèles culturels relatifs aux compétences parentales ont recours, de façon sous-jacente, à des représentations de ce que sont de «bons parents» auxquelles s identifie une population favorisée, à l inverse d une population défavorisée. L enfant a un projet pour ses parents, la communauté uté a un projet pour l enfant. Parallèlement, le désir d enfant est initialement un compromis entre deux intentions inconscientes : celle de trouver dans l enfant les composants ontologiques et cicatrisants des 85

94 blessures narcissiques ; et celle d offrir à sa communauté le meilleur de ses enfants. Autant de projets ne peuvent cohabiter sans que parfois, l un ou l autre ne soit obstrué et c est dans ce cas qu il convient d évoquer un trouble du lien parent/enfant. Quand il s agira de traiter ces troubles, il est souhaitable de se faire une représentation de leur histoire manifeste et latente. Les pages qui précèdent ont l ambition d y aider. Les six arguments qui suivent ont une portée moins analytique mais plus technique. Aussi, en guise de conclusion, ne sont-ils qu évoqués. 1) Les attentes de l enfant, vis-à-vis du parent, entraînent parfois, chez la mère comme chez le père des terreurs, des paniques ou d anciens conflits intérieurs. Être assimilé par l enfant, par identification projective, au magister garant de la loi et arbitre des conflits, entraîne chez certains pères un vif sentiment d imposture. Ce sentiment inconscient se manifeste dans des doutes et des douleurs identitaires à l origine de comportements violents ou de replis dépressifs. 2) Les comportements ts parentaux s appréhendent comme une réaction aux projets que d autres ont pour eux. Être parent c est satisfaire à des obligations que l enfant, la communauté et l autre parent prescrivent. L analyse des mécanismes intersubjectifs facilite la compréhension des maladresses parentales voire des comportements violents comme des manifestations d un conflit intérieur qui oppose deux prescriptions de rôles que le parent n arrive pas à concilier. 3) Réduire l origine des troubles des relations entre l enfant et son parent à un impossible passage de l investissement narcissique à une relation d objet conduit à les assimiler à un mécanisme de cécité psychique. Cette assimilation se fixe souvent dans l expression «ils (ou elles) sont aveugles des besoins de leur enfant». 4) Prendre une mesure conservatoire protège mais ne traite pas. C est ce qu on prétend cependant faire quand l intervention se réduit à une substitution fonctionnelle, sans chercher à traiter la relation. La notion de substitution est contestable en elle-même, mais elle conditionne par ailleurs à des pré-pensées pensées regrettables sur le plan technique aussi bien qu éthique. 5) Traiter une relation morbide, c est accueillir ceux qu elle enferme et chez qui elle détermine l itération d un mode unique de mise en rapport. Accueillir, c est, expliquait Péguy, «renoncer à tout projet pour la personne qui vient à votre rencontre». Avoir un projet pour autrui, c est prendre le risque de la manipulation. L hôte renonce à former un projet dont la personne accueillie lie doit être le seul rédacteur pour y trouver l étai nécessaire au redressement de sa liberté. Si accueillir a un effet de désincarcération, c est qu en renonçant à un projet pour la personne accueillie, le système de prédiction dans lequel l accueilli est généralement enfermé est suspendu. 6) La protection de l enfance n a pas besoin de dispositifs nouveaux, mais d un accompagnement et d une réflexion éthique autant que technique sur les actes et les soins éducatifs sur lesquels reposent les dispositifs. 86

95 Clinique anthropologique de la famille, de la parenté et de la parentalité Yolande Govindama Yolande Govindama est psychologue, psychanalyste et professeur de psychologie clinique à l Université de Rouen. Elle a assuré les fonctions de directrice du service de protection-médiation-prévention à l Œuvre de Secours aux Enfants (OSE) à Paris, ainsi que celle d expert auprès de la cour d appel de Paris. Enfin, elle a bénéficié d une formation complémentaire en anthropologie visuelle avec Jean Rouch et a participé à la réalisation de documentaires sur les rites. Cet article se propose de donner un aperçu du fonctionnement des familles et de la parenté dans le champ de la parentalité. Il ne prétend pas à l exhaustivité. Plutôt que d offrir une vue globale et abstraite de ces interactions, il s agit ici d étudier sur la base d exemples issus d une pratique clinique plusieurs types de modèles culturels de la famille et de la parenté puis d analyser des difficultés que peut poser la confrontation de ces modèles avec les modèles sociaux dominants en situation migratoire. Le concept de «famille» qui apparaît en 1337 vient de familia ou de famulus qui signifie «serviteur». Il désigne des liens restreints de personnes apparentées qui vivent sous le même toit (père-mère-enfants). Celui de «parenté», du latin parentatus ou de parens, qui apparaît en 1155, introduit la question de l ascendance, de la descendance, de la filiation, voire d ancêtres communs. Cette différence entre ces deux concepts met en évidence que ces organisations sociales ont des buts et fonctions variés tout en étant complémentaires. Dès l origine, il existe différents modèles familiaux, et différents systèmes de parenté, de filiation qui ont évolué au fil des siècles. Le présent article vise à illustrer, notamment par des exemples es tirés de notre pratique 1, l importance de prendre en compte ces modèles et leurs déclinaisons dans le travail avec les familles vivant en situation migratoire. Approche sociologique des structures familiales Selon François Gresle et al. 2, dans toutes les sociétés on peut trouver : 1 Notre pratique s exerce dans le service de protection médiation prévention, à Paris, que nous avons fondé il y a une quinzaine d années et qui prolonge la méthode développée dans un service d action éducative en milieu ouvert (AEMO) et d investigation et d orientation éducative (IOE) de Paris, depuis Dans les deux lieux, nous nous inscrivons dans une intervention en assistance éducative, c est-à-dire dans le cadre de mesures de protection judiciaire de l enfance ordonnées par le juge des enfants. Nous recevons aussi des familles qui nous sont adressées par les services d Aide sociale à l enfance pour des visites médiatisées à but thérapeutique et de retissage des liens en vue d un maintien des liens parents-enfant placé, ou encore dans la perspective d un retour du mineur dans sa famille. 2 GRESLE François, PANOFF Michel, PERRIN Michel, TRIPIER Pierre. Dictionnaire des sciences humaines- Anthropologie/Sociologie. Paris : Nathan Université, 1994, 469 p. 87

96 - la famille élémentaire appelée aussi nucléaire composée du père, de la mère, des enfants, qui vivent ensemble ou non ; - la famille étendue (extended family) regroupant plusieurs familles élémentaires liées les unes aux autres par une extension des relations parents-enfants, enfants, et partageant une résidence commune ; - la famille indivise ou multiple (joint family), constituée d un groupe de plusieurs familles élémentaires liées par des relations de germains entre parents, vivant dans une résidence commune, voire sur un territoire commun avec des tâches économiques et une éducation similaire. En ce qui concerne la France, Maurice Godelier 3 étudie de manière conjointe les deux concepts de famille et de parenté. En effet, l auteur démontre que l évolution du statut de la femme dans le droit français a modifié les organisations familiales. À la famille nucléaire, élémentaire, s ajoutent aujourd hui de nouvelles formes familiales, famille monoparentale ou recomposée suite à une séparation, ou encore famille homoparentale. La famille adoptive est aussi prise en compte, bien qu elle entre dans l une des composantes des types de famille décrits. suppression du système des castes par Gandhi en Or la caste, associée à un métier, intègre la notion de tâches économiques, de valeurs éducatives, voire de territoire. Le groupe vivant sous le même toit est formé par le chef de famille (l arrière grand-père paternel) et son épouse, ses enfants et leurs propres épouses, les petitsenfants et leurs cousins germains. De plus, l arrière-grand-père peut partager la résidence avec ses frères qui sont des germains des parents et des arrières-petits-enfantsenfants 4. Le couple est perçu comme une incarnation de la complémentarité, tout homme étant incomplet sans une épouse 5. Cet idéal-type vaut également pour le modèle divin car le dieu mâle n existe pas sans sa sakti,, terme sanskrit, qui signifie énergie créatrice ou épouse 6. De même, toute femme est définie par sa relation avec un homme (son père ou son mari). Elle quitte donc sa famille lors du mariage pour rejoindre sa belle-famille. Cette conception culturelle du couple tend à poser comme horizon indépassable le couple composé d un homme et d une femme, sans séparation ou recomposition, à l intérieur d un système d indivision multi-générationnel. Cependant, l évolution des mentalités, liée à l émergence des Différents modèles culturels de famille indivise La famille indivise ou multiple, impliquant parfois la famille étendue, se retrouve surtout en Inde. En effet, les mariages sont endogames (à l intérieur de la même caste), malgré la 3 GODELIER Maurice. Métamorphoses de la parenté. Paris : Fayard, 2004, 678 p. 4 KAKAR Sudhir : Moksha, le monde intérieur : Enfance et société en Inde. Paris : Les Belles Lettres, 1985, 310 p. STORK Hélène. Enfances indiennes : Etude de psychologie transculturelle et comparée du jeune enfant. Paris : Payot, 1986, 237 p. GOVINDAMA Yolande : Le corps dans le Rituel. Paris : ESF, 2000, 207 p. GOVINDAMA Yolande. Le monde hindou à la Réunion : une approche anthropologique et psychanalytique. Paris : Karthala, 2006, 212 p. 5 STORK Hélène, ibid. 6 GOVINDAMA Yolande, ibid. 88

97 revendications d indépendance des femmes, favorise de nouvelles organisations familiales et contribue au développement de familles élémentaires, en rupture avec l idéal-type culturel que nous venons de poser. En situation migratoire, c est même le modèle de la famille élémentaire qui prédomine au détriment de la famille indivise. Toutefois, les communautés culturelles et religieuses servent souvent de relais pour reconstituer autant que faire se peut la famille indivise. Le modèle de famille étendue se retrouve dans certaines cultures asiatiques avec une structure familiale fondée sur le modèle patriarcal. Cependant, en Asie toujours, la famille élémentaire se développe également sous l influence de la modernité. Si pour des raisons économiques la famille monoparentale existe, elle reste rare dans ces sociétés, tout comme la famille recomposée ou homoparentale. En effet, la construction de la famille intègre, comme dans l hindouisme, la représentation divine ou les ancêtres, et renvoie donc à un ordre qui transcende les individualités. En Chine, la politique de l enfant unique a favorisé des transgressions culturelles tant du point de vue de la structure familiale que du nombre des enfants et de la discrimination sexuelle 7. En situation migratoire, la famille chinoise étendue est restructurée symboliquement autour de la communauté qui assure cette fonction de famille étendue. Le 7 SIM-MEDHI MEDHI P. La culture chinoise. In GOVINDAMA Yolande (dir.). Temps et rite de passage. Paris : Karthala, 2011, p système d autarcie qui fonctionne sur le plan économique intègre aussi la famille : cette dernière est perçue comme régie par les règles traditionnelles, bien plus que par le droit du pays d accueil. Et ce alors même que le motif de l exil des familles est souvent non seulement économique, mais aussi une conséquence de la politique de l enfant unique. En effet, en réaction aux pressions subies sous l effet de la politique de l enfant unique, ces familles deviennent parfois très prolifiques en situation migratoire. Le modèle polygame et ses évolutions en contexte migratoire Généralement, dans certaines sociétés d Afrique de l Ouest, la famille étendue, ainsi que la famille élémentaire, se trouvent articulées au sein du système de représentations instauré par la polygamie. La famille étendue, souvent incarnée et gérée par les chefs coutumiers dans les villages, regroupe plusieurs familles polygames autour de la figure d un aïeul. Mais bien que la polygamie ne soit plus une pratique systématique dans différents pays d Afrique de l Ouest dont les législations permettent aux couples de choisir lors du mariage (entre monogamie et polygamie), elle est encore souvent pratiquée. La structure familiale polygame obéit à un fonctionnement éprouvé au sein des sociétés traditionnelles qui la pratiquent, chaque épouse ayant son propre logement avec ses enfants : le père-mari leur rend visite avec régularité, et assure une participation éducative, financière et symbolique (cadeaux) qui respecte une égalité scrupuleuse. Tout est fait pour éviter un sentiment d injustice qui pourrait favoriser la 89

98 jalousie, la colère et la haine, ressentis néfastes aux fonctions maternantes et au développement des enfants. Par ailleurs, l homme ne peut prendre une deuxième épouse que s il arrive à subvenir aux besoins de la première, et à condition que la première épouse donne son accord. Telles sont les conditions actuelles de la pratique de la «polygamie structurée» 8. Dans un contexte de migration, en France, la polygamie qui est une pratique illégale, s inscrit d emblée dans la transgression et met régulièrement en échec sa fonction : les maris la pratiquent sans nécessairement pouvoir subvenir aux besoins de la première épouse, et parfois sans l accord de celle-ci. ci. Par ailleurs, lorsque les conditions économiques sont précaires, et en cas de promiscuité dans le logement, c est souvent l époux qui dispose d une chambre à lui, et non pas ses épouses. Le traitement des femmes s effectue donc en présence des unes et des autres, ce qui engendre souvent la jalousie, la colère, la violence intrafamiliale, voire la vengeance sur les enfants exposés au danger. Un arrangement que nous avons souvent rencontré dans notre pratique professionnelle pour de telles familles en situation migratoire est de laisser au pays une ou deux épouses tout en faisant venir auprès du mari/père la première ou une autre, ce qui déstructure le fonctionnement de cette organisation familiale. Les enfants de l une des épouses qui vivent au pays résident auprès de la co-épouse restée auprès du père et 8 RABAIN Jacqueline. L enfant du lignage : du sevrage à la classe d âge. Paris : Payot, 1979, 242 p. DIOP BARA Abdoulaye. La famille Wolof. Paris : Karthala, 1985, 262 p. peuvent faire les frais de ce contexte. De plus, étant donné que tous les enfants doivent appeler «mère» ou «père» les personnes de la génération de leurs parents, ils appellent la co- épouse «mère», tout en sachant qui est leur mère de naissance. Devant cette singularité de statut, l enfant cache son histoire à l école et a parfois honte de se sentir l écart. Mais il ne faut pas perdre de vue que la situation familiale qui est source de conflits pour cet enfant est aussi liée à la transgression de la norme traditionnelle, et non pas seulement à celle de la loi du pays d accueil. Une autre solution est trouvée par certaines femmes africaines en situation migratoire (solution qui désarme les hommes). Elles trouvent un emploi et prennent un logement à leur nom avec leurs enfants, en fonctionnant sur le modèle de la famille élémentaire, nucléaire. C est au mari de leur rendre visite s il le souhaite. Cette situation peut être déstabilisante pour le conjoint, puisqu il n est pas maître des allers et venues chez ses épouses. Il peut donc les soupçonner d avoir des amants, ce qui entraîne des doutes sur sa paternité. La réclamation des tests ADN pour vérifier leur paternité intervient assez fréquemment dans le cas de polygamie non structurée. turée. En outre, le père se retrouve privé de ses enfants au quotidien, et a du mal à affirmer dans ce cadre son autorité sur ces derniers. Enfin, un dernier type d arrangement culturel qui se retrouve en situation migratoire autour de familles polygames invoque un argumentaire de type religieux. Une femme dans une situation de couple polygame (ensemble ou séparé) qui exerce une activité professionnelle peut ainsi refuser de participer aux frais du ménage, prétextant la loi 90

99 biblique ou coranique qui institue de façon générale la nécessité pour l homme comme chef de famille de subvenir à ses besoins. Elle peut donc garder son argent pour ses dépenses personnelles, mais pas pour les dépenses du ménage ou de la famille ; et ce malgré les devoirs liés au mariage en droit français d assurer en commun la subsistance de la famille. Des pères démunis face à ces évolutions ont accepté de participer à un groupe de parole qui est animé par notre service depuis Ils ont été conduits à réfléchir sur l opportunité de la pratique d une polygamie non structurée. Blessés sur le plan narcissique, par exemple lorsque les femmes demandent le divorce, ou encore les mettent à la porte, ces hommes se plaignaient de l influence de la culture du pays d accueil sur leurs épouses, et ne remettaient pas en question leur propre comportement. Lorsque nous leur avons parlé de la disparition progressive de la notion de pater familias dans le droit français au profit de celle d autorité partagée, ce qui a entraîné au sein de la société française un travail de redéfinition de la part des hommes de leurs rôles en tant qu époux, amants, pères, ils ont réclamé la présence de ces «nouveaux» pères pour sortir de leurs «apories» par le dialogue interculturel. Ces trois types d aménagements de la polygamie aux conditions sociales occidentales témoignent d une véritable crise du modèle familial polygame en situation migratoire ; et cette crise expose les enfants à en être les enjeux. Cependant, à côté de cette situation, il faut noter que nous avons observé un autre mode d aménagement du modèle culturel en situation migratoire, qui insiste plus sur la notion de famille indivise que sur l institution de la polygamie. Dans ce cas, la notion de famille dépasse les liens consanguins au profit de la famille sociale, toutes les femmes ou tous les hommes de même génération se considérant comme frères ou sœurs, et les enfants appelant père ou mère toute personne de la génération de leurs parents 9. Cette parenté sociale vise à la protection de la famille et des enfants, et les pères s appuient dessus pour faire face aux crises familiales. Un modèle mixte : la famille élémentaire articulée à la famille étendue Dans les sociétés maghrébines, particulièrement en Algérie, c est plutôt la famille étendue qui prédomine. Dans les représentations traditionnelles, la fille quitte sa famille pour s installer après le mariage avec celle de son époux, sous l autorité de sa belle-mère 10. Elle devient «servante» de la famille. Séparée du monde masculin, elle ne retrouve son époux que la nuit. La famille élémentaire tend cependant à se développer et à remettre en question ce modèle. Toutefois, elle prend aussi en compte les parents des époux qui sont aidés en toute circonstance même lorsqu ils ne vivent pas avec eux. Le fils aîné, qui selon le Coran doit se substituer à son père au décès de celui-ci, ci, se prépare à ce rôle, car 9 EZEMBÉ Ferdinand. L enfant africain et ses univers. Paris : Karthala, 2003, 384 p. 10 ZERDOUMI Nefissa. Enfant d hier- l éducation de l enfant en milieu traditionnel algérien. Paris : Maspero, 1970, 302 p. HANOUTI Karim. Islam et le monde maghrébin. In GOVINDAMA Yolande (dir.). Temps et Rite de passage. Paris : Karthala, 2011, p

100 c est à lui que revient le statut de chef de famille, en charge d assumer les besoins de sa famille mais aussi ceux de sa mère. Cette obligation filiale, qui est parfois difficile à accepter par l épouse si elle n a pas les mêmes origines, peut devenir objet de conflits. En outre, dans les motifs de l exil, on trouve la fuite du fils aîné comme motivation consciente ou inconsciente, à cause du poids des responsabilités qui lui incombent. Migrer peut aussi faire partie du motif de l exil pour pallier les défaillances du père de son vivant même, lorsque la famille est dans la précarité sociale, ou encore si ce dernier est malade. En situation migratoire, le chômage et la crise économique généralisée ne favorisent pas l insertion socio-économique de ces pères. Le couple est alors confronté aux difficultés de l exil, lorsque ce dernier ne comporte pas de projet ni de connaissance du pays d accueil. La réalité déçoit et engendre une sorte de rejet sous-jacent qui se traduit par un refus de s intégrer (apprendre la langue, le fonctionnement des institutions, etc.) au profit d une idéalisation du pays d origine. Cette idéalisation exprime plutôt celle de l objet perdu dans une phase régressive et précipite les parents dans un clivage entre les deux pays. Cette éventuelle ambivalence parentale peut être ressentie par les enfants rencontrés qui ne s autorisent pas dans ce cas à investir le pays d accueil, la langue française, et mettent ainsi en échec leur scolarité (on ne veut pas de nous, de mes parents, donc, je ne les trahirai pas). Dépressifs, les parents rencontrés ne sont plus structurants et fonctionnent dans le laisser-faire, les transgressions culturelles, ce qui expose les enfants à une rupture de transmission. Le père est destitué dans son autorité et de sa fonction. Cette destitution laisse un vide symbolique qui peut être investi par l épouse-mère, déstabilisant ainsi encore plus l époux-père père qui peut parfois se réfugier dans la violence conjugale comme mode de défense contre un effondrement psychique. Les éventuelles demandes d aide de la part des épouses auprès des services sociaux, que ce soit en réponse aux violences ou aux difficultés matérielles, représentent pour l époux-père dans ce cadre de représentations une remise en cause fondamentale dans ses prérogatives et responsabilités propres, surtout lorsqu il a connaissance des démarches par les services. Ceci renforce chez certains pères un sentiment d exclusion et accentue chez eux l idée que leurs femmes ont «la tête montée» par les travailleurs sociaux ; ce d autant que, lors des possibles réconciliations avec leur mari, les épouses pourront faire porter la responsabilité du conflit de couple aux travailleurs sociaux tant leur propre désir de «liberté» est inaudible. Certains pères vivent mal une éventuelle dépendance aux prestations sociales, puisqu ils ressentent qu elle met en échec leur autorité et leur fonction de père, comme tiers, incarnant nant l interdit et les limites. Un modèle hérité de l histoire : la famille structurée par une parenté matrifocale Un dernier modèle que l on peut évoquer tire son originalité plus particulièrement de sa structuration autour d un système de parenté plutôt que des représentations liées à la famille. Il s agit du système de parenté fondé sur la matrifocalité, héritage du Code noir de 1685, 92

101 qui concerne les Antilles françaises et une partie de la population réunionnaise (descendants des esclaves d origine africaine). La mère est «potominante», celle vers qui convergent toutes les fonctions, économiques, nourricières, affectives, etc. Cette structure qui favorisait la présence de trois générations sous le même toit, s est transformée au fil des années en familles monoparentales avec la modification du statut de ces îles, comme le note Michel Latchoumanin 11 pour la Réunion. Certaines familles sont monoparentales avec des enfants issus de différents pères. En métropole, la mère isolée, confrontée à des difficultés avec son enfant, le renvoie parfois «au pays» chez sa mère ou un parent, en lui faisant faire des incessants allers-retours, etours, et devient ce que Jean Galap, chercheur antillais, a nommé «un enfant paquet». Conclusion Dans les situations que nous avons rencontrées, nous retiendrons que l exil peut confronter des familles migrantes à de nouveaux modèles familiaux, à un environnement étranger, inconnu, mobilisant des angoisses importantes, qui rendent difficile la transmission des repères culturels structurants pour maintenir un équilibre familial. Les aménagements qui se font au sein de ces familles pour accommoder les injonctions contradictoires des normes du pays d origines et des réalités du pays d accueil 11 LATCHOUMANIN Michel, MALBERT Thierry (dir). Familles et parentalité : Rôles et fonctions entre tradition et modernité. Paris : L Harmattan, 2012, 306 p. peuvent cumuler les vulnérabilités plus que les étayages, et aboutir à des situations qui maximisent l exposition des enfants au danger. Dans ce texte, nous avons présenté uniquement les grandes lignes du fonctionnement des familles que nous avons l habitude de rencontrer dans notre pratique clinique. Si la connaissance de la culture nous permet de mieux cerner le fonctionnement des familles migrantes, elle ne doit pas nous faire oublier que le sujet subjectivise sa culture en fonction de son histoire et de son vécu. Comme nous l avons montré, en situation migratoire, les transgressions culturelles sont surtout livrées comme des aménagements, des défenses permettant de tirer son épingle du jeu de la situation difficile que le sujet vit. Mais il est très important que nous puissions reconnaître que tout être humain a des désirs, des fantasmes et des croyances, des défenses, avec un fonctionnement psychique universel au- delà de l appartenance culturelle. En d autres termes, l invocation d une tradition culturelle ne peut servir à déresponsabiliser le sujet ; notamment lorsque les choix qu il opère au sein de sa tradition en matière de famille lèsent ses enfants. Si personne ne peut ignorer que les conditions de l exil avec les problèmes économiques, les différences culturelles, de langues, de coutumes, accentuent la vulnérabilité du sujet qui est en train de revisiter toutes les pertes, les manques dans son enfance, il est aussi important de ne pas attribuer au pays d accueil toute la responsabilité des malheurs du migrant, ce qui entretiendrait le clivage interne dans le monde externe et entraverait toute possibilité de résolution de ces conflits. Ceci d autant plus que certaines familles 93

102 vivant depuis plus de 20 ans en France réclament encore à ce jour un interprète dans nos consultations alors que les services n ont plus les moyens de leur en octroyer : bien des questions se posent sur le clivage ayant entravé l insertion de ces familles. De plus, les travaux de Zorha Guerraroui et Odile Réveyrand-Coulon 12 sur la transmission familiale interculturelle et les ruptures de filiation symbolique exposant les enfants aux sévices, aux troubles psychiques ou aux problèmes de comportements ents dans les familles migrantes, n excluent nullement l existence de ces difficultés dans l ensemble des familles vivant en France. Celles-ci peuvent avoir subi les mêmes ruptures de transmission mettant à mal la généalogie, pour œuvrer du côté de la désaffiliation symbolique de l enfant qui peut devenir un enfant «roi», «héros» et «tyran» avec un fantasme d auto engendrement 13. Ce fantasme se retrouve chez des enfants ou des adolescents migrants qui ont été exposés à une rupture de transmission : ils veulent dans ce cas, faire «leur» loi sans aucune référence à une loi symbolique relevant de la culture d origine ou de celle du pays d accueil. 12 GUERRAOUI Zohra, REVEY-RAND-COULON Odile. Transmission familiale et interculturelle : ruptures, aménagements, créations. Paris : Edition in Press, 2011, 250 p. 13 PLEUX Didier. De l enfant roi à l enfant tyran. Paris : Odile Jacob, 2002, 286 p. 94

103 Annexes juridiques

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105 La famille La notion de famille en droit La famille ne fait pas l objet d une définition dans le droit français. Aucune partie dans le Code civil ou dans le Code de l action sociale et des familles n est consacrée exclusivement à la famille, mais le terme «famille» apparaît dans des dispositions éparses. Ainsi, selon l article 213 du Code civil issu de la loi n du 4 juin 1970 relative à l autorité parentale «les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l éducation des enfants et préparent leur avenir». La notion de famille apparaît également dans les dispositions du Code civil relatives à la filiation, à l autorité parentale et dans les dispositions du titre premier «Famille» et du titre deux «Enfance» du deuxième livre du Code de l action sociale et des familles portant sur les formes d aide et d action sociale. La doctrine a défini la famille comme le groupement de personnes liées par la parenté 1 ou l alliance. La théorie fonctionnaliste insiste sur le rôle dévolu à la famille de transmission des normes fondamentales sur lesquelles est fondée la société, c'est-à-dire sur le rôle d éducation que l État peut assumer partiellement ou totalement en cas de défaillance parentale. La théorie institutionnelle insiste sur le caractère institutionnel de la famille : il s agit d un groupement de personnes poursuivant un intérêt collectif, doté d un pouvoir (l autorité parentale) et de biens destinés à l utilisation commune (la notion de «biens de famille» créée par la loi du 12 juillet 1909 a toutefois disparu depuis la loi n du 13 décembre 2011) ; cette institution privée est juridiquement autonome en ce qu elle crée des normes qui s appliquent à tous ses membres. La notion de famille est présente dans le droit communautaire. La Charte des droits fondamentaux de l Union européenne instaure une sorte de statut communautaire de la famille en consacrant notamment le droit au respect de la vie familiale (art. 7), le droit de se marier et fonder une famille, sans référence à la différence des sexes (art. 9), le droit de concilier vie familiale et vie professionnelle (art. 33). La Convention européenne des droits de l homme consacre également le droit de se marier et le droit à la vie familiale. La notion de famille s appuie sur la réalité de la vie familiale. La 1 L article 310 du Code civil assimile la notion de famille à celle de parenté : Art. 310 du Code civil modifié par Ordonnance n du 4 juillet art. 2 JORF 6 juillet 2005 en vigueur le 1 er juillet 2006 : Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d'eux. 97

106 reconnaissance de la famille comme institution doit permettre aussi l existence d une vie familiale effective ; la réalité et l effectivité du droit à la vie familiale sont des préoccupations majeures du droit communautaire 2. La famille d accueil La notion de famille d accueil est reconnue dans le droit depuis la loi n du 27 juin 2005 dans le cadre des dispositions relatives aux assistants familiaux : «l assistant familial constitue, avec l ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d accueil» (art. L al. 2 CASF). La loi ne dit rien toutefois des autres membres de cette famille, le conjoint de l assistante familiale, ses enfants qui ont pourtant un rôle important pour l enfant accueilli. Le statut des assistants familiaux a évolué dans le sens d une professionnalisation dont les premières bases ont été posées par la loi du 17 mai 1977 ; les réformes législatives du 12 juillet 1992 et 27 juin 2005 ont poursuivi ce mouvement, soit en rapprochant les règles relatives au travail des assistants familiaux des règles de droit commun du droit du travail, soit au contraire en y dérogeant pour s adapter aux exigences de l accueil permanent d enfants 3. La professionnalisation se traduit notamment par : l exigence d une formation initiale et continue ; le principe de l accès au métier par un agrément, le diplôme d État d assistant familial créé par le décret du 30 décembre qui n est toutefois pas obligatoire pour l exercice du métier ; les règles relatives à l organisation du placement familial au sein des services départementaux d aide sociale à l enfance. L article L du CASF issu de la loi du 5 mars 2007 définit les missions et le statut de l assistant familial en ces termes : «L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico- social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet.» La question des relations affectives entre l enfant et sa famille d accueil est abordée par deux dispositions, sans que la famille d accueil soit explicitement désignée. L article du Code civil dans sa formulation issue de la loi du 5 mars 2007 énonce que «si tel est l intérêt de l enfant, le juge 2 Cf. le règlement de Bruxelles II bis relatif à l exécution des décisions judiciaires en matière familiale et à la lutte contre les enlèvements internationaux d enfants. 3 Sur ce sujet : OUI Anne. La professionnalisation des assistants familiaux : intérêt et limites. In JOIN- LAMBERT-MILOVA Hélène (dir.). La famille d accueil et l enfant. Paris : L Harmattan, 2010, 180 p. 98

107 aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l enfant et un tiers, parent ou non». Le législateur a voulu conforter les liens d attachement de l enfant avec tout tiers ou tout membre de la famille, dont les grands-parents, et donner la possibilité au juge aux affaires familiales d accorder un droit de visite à ces tiers auxquels l enfant est attaché. La famille d accueil correspond pleinement à ce cas de figure. L article 375 relatif à l assistance éducative établit également un lien entre l enfant et sa famille d accueil, il prévoit la possibilité pour le juge des enfants d ordonner une mesure d accueil pour une durée supérieure à deux ans lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques, affectant durablement leurs compétences parentales, afin de permettre à l enfant de bénéficier d une continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu il est adapté à ses besoins. La référence à l idée de continuité relationnelle fait écho à la théorie de l attachement et tend à donner la possibilité au juge des enfants de consolider une situation de placement en famille d accueil lorsque les compétences parentales sont durablement affectées. Le décret d application pris après la loi du 5 mars 2007 a limité les effets de cette disposition en fixant à trois ans la durée maximale de cette mesure d accueil, qui peut toutefois être renouvelée par une nouvelle décision. 99

108 La parenté La parenté en droit désigne les liens qui configurent une famille au sens large. La parenté se divise en deux branches : la banche maternelle et la branche paternelle. Elle est constituée des ascendants, descendants et collatéraux de ces deux branches. La proximité de parenté s établit par le nombre de générations, chaque génération s appelant un degré et la suite des degrés formant la ligne : on parle ainsi de ligne directe pour la suite des degrés entre personnes qui descendent l une de l autre, et de ligne collatérale pour la suite des degrés entre personnes qui ne descendent pas les unes des autres, mais qui descendent d un auteur commun 1. Le droit donne au terme «parenté» une acception qui ne se réduit pas au seul lien de filiation entre les parents et l enfant mais l établissement du lien de filiation est ce qui permet d inscrire l enfant dans une famille, dans des liens de parenté. L établissement de la filiation se fait : - par l effet de la loi ; Il s agit de la filiation à l égard de la mère qui est établie par la mention de son nom dans l acte de naissance de l enfant 2. Il existe une présomption de paternité à l égard du mari de la mère pour l enfant conçu ou né pendant le mariage (art. 312 CC) qui est écartée si l acte de naissance ne mentionne pas le nom du mari et si l enfant n a pas de possession d état à son égard (art. 314 CC). - par l acte de reconnaissance ; La reconnaissance maternelle ou paternelle peut être faite avant ou après la naissance, elle est personnelle, elle est reçue par l officier d état civil ou faite par acte authentique 3. 1 Cf. les articles 741 et suivants du Code civil. 2 Article du Code civil, créé par ordonnance n du 4 juillet art. 5 JORF 6 juillet 2005 en vigueur le 1 er juillet 2006 «La filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état.» 3 Article 316 du Code civil. Modifié par Ordonnance n du 4 juillet art. 11 JORF 6 juillet 2005 en vigueur le 1 er juillet Modifié par Ordonnance n du 4 juillet art. 3 JORF 6 juillet 2005 en vigueur le 1 er juillet «Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance. La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur. Elle est faite dans l'acte de naissance, par acte reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre acte authentique. L'acte comporte les énonciations 100

109 - par l acte de notoriété constatant la possession d état ; Lorsque la filiation n est pas établie par l effet de la loi ou par reconnaissance, chacun des parents, ou l enfant, peut demander au juge de délivrer un acte de notoriété qui fait foi de la possession d état du lien de filiation. Cet acte peut être délivré après la mort du parent prétendu, survenue avant la déclaration de naissance. L acte de notoriété établit légalement la filiation de l enfant qui est inscrite a posteriori dans l acte de naissance (art. 317 du Code civil modifié par la loi du 13 décembre 2011). La possession d état se déduit d un ensemble de faits qui révèlent que l enfant et le parent supposé sont liés par un lien de filiation et de parenté : par exemple le parent pourvoit à l éducation et à l entretien de l enfant, parent et enfant se considèrent comme liés par un lien de filiation et son reconnus comme tels par la société, l autorité publique, leur famille (art CC). Le juge fait une analyse in concreto de la situation pour déterminer si le parent peut ou non se prévaloir de la possession d état en tenant compte de la liste non limitative des critères énumérés à l article du Code civil 4, la possession d état doit au surplus être continue, paisible, publique et non équivoque (art CC). - par l adoption ; L adoption est le fait pour un adulte de demander judiciairement l établissement d un lien de filiation. On parle de filiation adoptive. Le droit français distingue l adoption plénière, irrévocable, qui emporte une rupture presque totale du lien de parenté 5 et a pour effet l inscription dans une nouvelle parenté, de l adoption simple, révocable, qui fait coexister des liens de parenté 6. prévues à l'article 62 et la mention que l'auteur de la reconnaissance a été informé du caractère divisible du lien de filiation ainsi établi.» 4 Article du Code civil. Modifié par Ordonnance n du 4 juillet art. 2 JORF 6 juillet 2005 en vigueur le 1er juillet Modifié par Ordonnance n du 4 juillet art. 5 JORF 6 juillet 2005 en vigueur le 1er juillet «La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. Les principaux de ces faits sont : 1 Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ; 2 Que ceux-ci ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ; 3 Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ; 4 Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ; 5 Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue.» 5 Article 356 du Code civil créé par loi n du 11 juillet art. 1, JORF 12 juillet 1966 en vigueur le 1 er novembre Modifié par la loi , art. 10, JORF 23 décembre

110 L adoption ne peut être prononcée que par décision judiciaire sur demande de l adoptant. Elle doit être conforme à l intérêt de l enfant, et lorsque l adoptant a des descendants elle ne doit pas être de nature à compromettre la vie familiale. 1/ Les conditions de l adoption La loi pose des conditions d âge pour l adoptant et pour l adopté. Concernant l adoptant L adoptant ant est soit une personne seule soit un couple marié ; les couples de concubins ne sont pas admis à adopter. Les époux doivent être âgés chacun de plus de 28 ans ou être mariés depuis au moins deux ans. La personne qui adopte seule doit être âgée de plus de 28 ans et doit recueillir le consentement de son conjoint si elle est mariée. Le ou les adoptants doivent avoir au moins 15 ans de plus que l adopté, sauf autorisation du tribunal et sauf s il s agit de l enfant du conjoint de la personne déposant seule une demande d adoption (art. 344 CC). Concernant l adopté L adoption simple est possible quel que soit l âge de l adopté (art. 360 CC). L adoption plénière n est possible que pour les mineurs de moins de 15 ans (il existe toutefois des dérogations sous certaines conditions, l âge maximal étant 20 ans). Le consentement du mineur est requis à partir de l âge de 13 ans. La procédure d adoption plénière présente des particularités procédurales La loi a désigné de façon limitative les catégories d enfant susceptibles d être adoptés (art. 347 CC). Ce sont : ceux pour lesquels leurs parents ou le conseil de famille ont consenti à l adoption ; les pupilles de l État ; «L'adoption confère à l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine : l'adopté cesse d'appartenir à sa famille par le sang, sous réserve des prohibitions au mariage visées aux articles 161 à 164.Toutefois l'adoption de l'enfant du conjoint laisse subsister sa filiation d'origine à l'égard de ce conjoint et de sa famille. Elle produit, pour le surplus, les effets d'une adoption par deux époux.» 6 Article 364 du Code civil créé par la loi n du 11 juillet 1966, art. 1, JORF 12 juillet 1966 en vigueur le 1 er novembre «L'adopté reste dans sa famille d'origine et y conserve tous ses droits, notamment ses droits héréditaires. Les prohibitions au mariage prévues aux articles 161 à 164 du présent code s'appliquent entre l'adopté et sa famille d'origine.» 102

111 ceux qui ont été judiciairement déclarés abandonnés dans les conditions ons prévues à l article 350 du Code civil. Les adoptants sont : ceux qui accueillent déjà l enfant depuis au moins six mois ; des personnes qui ont reçu un agrément, délivré par le président du conseil général après avis d une commission, valable pour une durée de cinq ans. Lorsque ces conditions relatives à l adopté et l adoptant sont remplies, l enfant est placé en vue d adoption par le ou les futurs adoptants, ce placement empêche alors toute restitution de l enfant à sa famille d origine. 2/ Les effets de l adoption on quant à l autorité parentale L adoption plénière emporte la transmission totale de l autorité parentale à l adoptant dans la mesure où tout lien avec la famille d origine disparaît. Toutefois lorsque l adoption concerne l enfant du conjoint marié de l adoptant, ce lien ne disparaît pas si bien que le conjoint ne perd pas l autorité parentale. L adoption produit alors les effets qu aurait eu une adoption par les deux époux : la filiation sera établie à l égard des deux et l autorité parentale sera conjointe. L adoption simple tout en faisant coexister des liens de parenté opère un transfert de l autorité parentale au bénéficie de l adoptant. Une exception est prévue toutefois. Lorsque l adoption est prononcée au bénéficie du conjoint marié du père ou de la mère de l adopté, le père ou la mère reste titulaire de l autorité parentale et en a seul l exercice tandis que l adoptant devient cotitulaire de l autorité parentale, mais n en a pas l exercice. Le père ou la mère conjointement avec l adoptant peuvent ent toutefois effectuer une déclaration conjointe adressée au greffier en chef du TGI afin que l autorité parentale soit exercée en commun (art. 365 CC). 103

112 La parentalité 1/ L autorité parentale L autorité parentale, aux termes de l article du Code civil tel qu il est rédigé actuellement, «est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l intérêt de l enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu à la majorité ou l émancipation de l enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.» La notion d autorité parentale a été introduite en droit par la loi du 4 juin 1970 qui a mis fin à la puissance paternelle. L autorité parentale, qui n est plus seulement un pouvoir, mais aussi un devoir à la charge des parents s appuie sur sa finalité qui est l intérêt de l enfant (cette notion a été introduite par la loi n du 4 mars 2002). En 1970, il était précisé que les parents avaient à l égard de l enfant «le droit et devoir de garde, de surveillance et d éducation», ce que l on appelait les attributs de l autorité parentale. La loi du 4 mars 2002 relative à l autorité parentale a fait disparaître ces attributs, au moins formellement, et a reconnu l enfant en tant que sujet de droit en affirmant que celui-ci ci devait être associé aux décisions le concernant selon son âge et son degré de maturité, ce qui doit se concilier avec le devoir de respect de l enfant à l égard de ses parents. Conformément aux dispositions toujours en vigueur de la loi du 4 juin 1970, en héritage du Code Napoléon de 1804, «l enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère» (article 371 CC). Les père et mère exercent conjointement l autorité parentale. La loi de 1970 avait prévu la seule hypothèse des parents mariés, mais l autorité parentale initialement associée au mariage va progressivement se détacher de cette notion n et être associée à la question de la filiation. Cette évolution a d abord été permise par le rapprochement du statut des enfants légitimes au statut des enfants naturels par la loi du 3 janvier 1972 qui a créé un statut unique quant aux relations, aux droits et aux devoirs de l enfant vis-à-vis de ses parents. La deuxième étape importante a été la loi Malhuret en 1987 qui a prévu que les parents non mariés pouvaient faire une déclaration conjointe devant le juge des tutelles en vue d exercer l autorité parentale. À partir de 1993, cette déclaration n est plus systématique, les père et mère exercent conjointement l autorité parentale sur l enfant naturel dès lors qu il a été reconnu dans sa première année de vie par eux et qu ils vivent ensemble lors de la reconnaissance de l enfant (cette exigence de vie commune disparaîtra ensuite). Aujourd hui, les père et mère exercent conjointement l autorité parentale, qu ils soient mariés ou pas, qu ils aient vécu ou non ensemble lors de la reconnaissance, à cette exception eption que si la filiation est établie à l égard d un des 104

113 deux parents plus d un an après la naissance de l enfant, l autorité parentale est exercée exclusivement par celui qui a reconnu l enfant en premier, sauf déclaration conjointe des père et mère devant le greffier en chef du TGI et sauf décision judiciaire 1. La difficulté peut être de mettre en œuvre concrètement un exercice conjoint de l autorité parentale lorsqu un parent n est pas en mesure d exercer ses droits parentaux ou s abstient de le faire. Pour éviter un blocage préjudiciable à l enfant, le Code civil prévoit que le parent hors d état de manifester sa volonté, en raison de son incapacité, de son absence ou de toute autre cause, est privé de l exercice de l autorité parentale (art. 373 CC). L exercice de l autorité parentale est donc une prérogative qui suppose la capacité ou l aptitude suffisante à le faire et qui suppose la mise en œuvre effective par le parent de ses droits et devoirs. 2/ L exercice de l autorité parentale par les parents séparés Dans les situations de séparation, la loi Malhuret a introduit pour la première fois la possibilité de prévoir une autorité parentale conjointe. Cette possibilité a été étendue aux séparations de parents non mariés, pour aboutir aujourd hui à un système unique où les parents exercent conjointement l autorité parentale. Lorsque les parents sont séparés, le juge aux affaires familiales peut, «si l intérêt de l enfant le commande», confier l exercice de l autorité parentale à l un des deux parents. Celui qui n exerce pas l autorité parentale en reste le détenteur et conserve à ce titre le droit et le devoir de surveiller l entretien et l éducation de l enfant. Ceci se traduit par la nécessité d être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier (art CC). Il conserve également son obligation d entretien de l enfant à proportion de ses ressources, de celles de l autre parent et des besoins de l enfant (art CC). Le Code civil prévoit une obligation pour chacun des parents d entretenir des relations personnelles avec l enfant et de respecter les liens de celui-ci avec l autre parent (art CC). De ce fait, l exercice de son droit de visite ne peut lui être refusé seulement pour des motifs graves. Le juge dans son appréciation tient compte notamment de ce que l enfant exprime, des résultats des expertises et ou 1 Article 372 du Code civil, modifié par loi n du 13 décembre art. 21. «Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation ion est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l'égard du second parent de l'enfant. L'autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au greffier en chef du tribunal de grande instance ou sur décision du juge aux affaires familiales.» 105

114 des enquête sociales éventuellement ordonnées, des pressions ou violences physiques ou psychologiques exercées par un parent ( CC) ; il pourra prévoir de ne pas accorder de droit de visite, ou alors que les visites se feront dans un espace rencontre si tel est l intérêt de l enfant ou si la remise de l enfant présenterait un danger ( CC). Pour garantir l effectivité des liens avec chacun des parents, le juge aux affaires familiales, depuis la loi du 9 juillet 2010, peut ordonner l interdiction de sortie de l enfant du territoire français sans l autorisation de ses deux parents ( CC). Lorsque les parents ne sont pas d accord dans l exercice de l autorité parentale, qu ils vivent ensemble ou soient séparés, le Code civil prévoit la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales qui tranchera dans l intérêt de l enfant. Dans la pratique, l essentiel du contentieux concerne des situations conflictuelles dans lesquelles les parents sont séparés et ne parviennent pas à prendre des décisions en commun. Pour les «tiers de bonne foi» (les institutions par exemple), chacun des parents est réputé agir avec l accord de l autre quand il fait seul un acte usuel de l autorité parentale, relativement à la personne de l enfant (article CC). Cela signifie que le parent n a pas à démontrer l accord de l autre parent et que le tiers n a pas non plus à rechercher cet accord. L acte usuel peut être défini comme l acte qui ne rompt pas avec le passé et qui n engage pas l avenir. La séparation des parents en définitive est sans incidence sur l exercice de l autorité parentale, si ce n est que la résidence habituelle de l enfant est fixée chez un parent, ce qui suppose l octroi d un droit de visite à l autre parent, à moins que la résidence ne soit alternée, ce que le législateur encourage ( CC), un peu comme la traduction possible et concrète d une coparentalité alors qu il n existe plus de conjugalité. 3/ La remise judiciaire de l enfant à un tiers L article du Code civil, issu de la loi du 4 mars 2002, prévoit la possibilité pour le juge aux affaires familiales de confier l enfant à un tiers, choisi de préférence dans sa parenté, lorsque des circonstances exceptionnelles et l intérêt de l enfant l exigent et notamment lorsqu un des parents est privé de l exercice de l autorité parentale ou en cas de décès d un des parents. L autorité parentale continue à être exercée par les parents mais la personne à qui l enfant est confiée accomplit les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation (art CC). Les parents peuvent devoir verser une pension alimentaire au tiers au titre de leur obligation d entretien (art CC). 106

115 Dans son rapport du 20 novembre 2006, la défenseure des enfants avait proposé d élargir l éventail des actes et décisions que le tiers pourrait effectuer pour les besoins de l enfant (proposition n 3 du rapport). 4/ La délégation d autorité parentale L autorité parentale qui est d ordre public est «indisponible», ce qui signifie que les parent ne peuvent en disposer (art. 376 CC) ; toutefois, conformément à l article 377 du Code civil, l autorité parentale peut être déléguée à un tiers, soit de manière volontaire par les parents, soit de manière contrainte par décision du juge ; la délégation devant être prononcée judiciairement dans les deux cas 2. La délégation volontaire Les parents, titulaires de l autorité parentale, peuvent solliciter une délégation d autorité parentale au profit d un tiers «lorsque des circonstances l exigent». Il revient au juge d apprécier ce critère. Il a été admis par exemple qu une mère puisse déléguer partiellement son autorité parentale à la femme avec laquelle elle vit dès lors que l absence de filiation paternelle en l espèce pouvait mettre la compagne dans l impossibilité juridique de tenir son rôle éducatif en cas d accident grave qui empêcherait la mère d exprimer sa volonté. Le ou les parents ne peuvent choisir de déléguer leur autorité parentale qu à quatre catégories de personnes physiques ou morales : un membre de la famille, un proche digne de confiance, un établissement agréé pour le recueil des enfants ou un service départemental de l ASE. Dans la mesure où il s agit d une démarche volontaire, et qu il ne s agit pas d un acte usuel, l accord des deux parents est requis sauf si un seul parent est titulaire de l autorité parentale, auquel cas il a seul compétence pour saisir le juge aux affaires familiales. La délégation forcée Le tiers qui a recueilli l enfant, soit par la volonté des parents, soit suite à une décision judiciaire de placement, peut demander que l autorité parentale lui soit déléguée si les parents se désintéressent 2 Article 377 du Code civil, modifié par la loi n du 9 juillet art. 10. «Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l'exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l'exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement sement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l'aide sociale à l'enfance. En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l'impossibilité d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale, le particulier, l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l'exercice de l'autorité parentale.» 107

116 manifestement de l enfant ou s ils sont dans l impossibilité d exercer tout ou partie de l autorité parentale (art. 377 al. 2 CC) ce qui recouvre des situations de fait diverses comme l incarcération, la maladie ou l éloignement Il faut que la demande de délégation soit conforme à l intérêt de l enfant pour être reçue. La loi prévoit à cet effet que le juge des enfants donne son avis préalablement à la décision si une procédure d assistance éducative est ouverte. Les effets de la délégation d autorité parentale La délégation de l autorité parentale (volontaire ou forcée) a pour effet de transférer à son bénéficiaire tout ou partie de l exercice de l autorité parentale, les parents en restant les titulaires. La délégation peut également amener à un partage de tout ou partie de l exercice de l autorité parentale entre le délégataire et le ou les parents (art CC) 3. C est l une des innovations majeure de la loi du 4 mars Elle peut permettre par exemple la prise en charge au quotidien de l enfant (les actes usuels seront assumés par le délégataire) et laisser aux parents le pouvoir de décision quant à l éducation de l enfant (les actes non usuels sont assumés par les parents), ce qui suppose alors une véritable coopération et coordination. Les parents peuvent devoir verser une pension alimentaire au tiers au titre de leur obligation d entretien (art CC). Ils conservent le droit de bénéficier d un droit de visite. Eux seuls enfin peuvent consentir à l adoption. La délégation de l autorité parentale prend fin à la majorité de l enfant, ou par un nouveau jugement s il est justifié des circonstances nouvelles (art CC), appréciées au regard de l intérêt de l enfant. 5/ Le retrait de l autorité parentale La loi du 24 juillet 1889 «de protection des enfants maltraités entraînant la déchéance paternelle en cas de mauvais traitement» marque la première étape significative de la protection de l enfance conçue comme une intervention de la puissance publique dans la sphère privée. Avant, les violences commises sur l enfant pouvaient être sanctionnées par l émancipation, mais en 1889, c est un véritable mécanisme 3 Article du Code civil, modifié par la loi n du 4 mars art. 7 JORF 5 mars «La délégation, totale ou partielle, de l'autorité parentale résultera du jugement rendu par le juge aux affaires familiales. Toutefois, le jugement de délégation peut prévoir, pour les besoins d'éducation de l'enfant, que les père et mère, ou l'un d'eux, partageront tout ou partie de l'exercice de l'autorité parentale avec le tiers délégataire. Le partage nécessite l'accord du ou des parents en tant qu'ils exercent l'autorité parentale. La présomption de l'article Cc est applicable à l'égard des actes accomplis par le ou les délégants et le délégataire. Le juge peut être saisi des difficultés que l'exercice partagé de l'autorité parentale pourrait générer par les parents, l'un d'eux, le délégataire ou le ministère public. Il statue conformément aux dispositions de l'article du Code civil.» 108

117 de substitution qui est instauré : le tribunal pouvait décider dans l intérêt de l enfant de déléguer à l assistance publique les droits de puissance paternelle et de remettre l exercice de ces droits à l établissement ou au particulier gardien de l enfant. La déchéance de la puissance paternelle a disparu et la procédure de retrait de l autorité parentale a été instituée par la loi n du 5 juillet 1996, modifiée par les lois du 12 décembre 2005 et du 9 juillet Le retrait de l autorité parentale n est pas une mesure infamante ni une peine accessoire, il s agit d une mesure civile de protection qui peut être prononcée par une juridiction pénale ou par une juridiction civile. Cette procédure figure dans le Code civil. Elle concerne : les mineurs déjà nés au moment du jugement (elle ne peut pas concerner des enfants à naître ; elle ne peut pas concerner un mineur devenu majeur au jour du jugement) ; les mineurs émancipés ; Les ascendants qui peuvent faire l objet d un retrait de l autorité parentale sont : les parents titulaires de l autorité parentale qu ils en aient ou non l exercice ; les autres ascendants alors même qu ils ne sont pas titulaire de l autorité parentale, la mesure ayant alors une valeur essentiellement symbolique. Le retrait de l autorité parentale dans le cadre pénal Les conditions du retrait sont énoncées à l article 378 du Code civil. Le retrait peut être prononcé par une juridiction pénale lorsque les parents ou autres ascendants ont été condamnés pour un crime ou délit commis sur l enfant, ou sur l autre parent ou comme coauteur ou complice d un crime ou d un délit commis par l enfant. Concernant les infractions sexuelles, la juridiction pénale depuis la loi n du 12 décembre 2005 doit se prononcer sur un éventuel retrait de l autorité parentale à l égard de l enfant victime et peut statuer sur un éventuel retrait à l égard de ses frères et sœurs mineurs. L étude de la jurisprudence montre que pour prononcer un retrait de l autorité de l autorité parentale les juges tiennent compte de la gravité de l infraction. Même si la loi ne précise aucune infraction particulière à l exception des infractions sexuelles qui obligent à statuer sur cette question, ils tiennent compte également des conséquences préjudiciables de l infraction sur l enfant. Lorsqu ils prononcent le retrait, ils le justifient par la nécessité de protéger l enfant. Le retrait de l autorité parentale dans le cadre civil Le ministère public, un membre de la famille ou le tuteur de l enfant peuvent saisir le tribunal de grande instance d une demande de retrait de l autorité parentale en dehors de toute condamnation pénale. La loi dresse une liste limitative des hypothèses dans lesquelles cette action est possible. 109

118 Il s agit des père et mère : 1) qui mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l enfant par : des mauvais traitements ; une consommation habituelle et excessive d alcool ou un usage de produits stupéfiants ; une inconduite notoire ou des comportements délictueux ; un défaut de soins ou un manque de direction. 2) Ou des père et mère qui se sont abstenus volontairement pendant plus de deux ans d exercer leurs droits et de remplir leurs devoirs liés à l autorité parentale, alors qu une mesure d assistance éducative a été prise à l égard de leur enfant (article CC). L article prévoit donc deux hypothèses (article alinéa 1 et 2). Le retrait du fait des comportements inadaptés des parents et le retrait du fait du désintérêt volontaire des parents pendant plus de deux ans alors qu une procédure d assistance éducative est instituée. Dans la première hypothèse, la loi exige qu en plus des comportements parentaux incriminés, ceux-ci mettent manifestement en danger l enfant. La jurisprudence s attache donc à mettre en évidence le lien de causalité entre le comportement incriminé et le danger et tend à justifier le retrait par la nécessité de protéger l enfant. Dans la deuxième hypothèse, la loi impose que l indifférence parentale ait un caractère volontaire. Cela semble exclure les situations de parents souffrant de troubles psychiatriques graves et durables (Cass. 1 e Civ, 13 janvier 1998) qui peuvent toutefois donner lieu à une procédure de retrait de l autorité parentale fondée sur le premier alinéa de l article du Code civil 4. Il a été jugé en revanche que l opposition de principe des parents à l intervention en assistance éducative ne peut justifier leur abstention concrète à l égard de l enfant, des travailleurs sociaux et du juge (CA Angers, 26 mars 1999). Les effets du retrait d autorité parentale Le retrait de l autorité parentale ale peut être total ou partiel. En cas de retrait total, le parent perd tous les droits et devoirs attachés à l autorité parentale. L obligation d entretien de l article du Code civil 4 En effet si les comportements inadaptés des parents tels qu ils sont définis au premier alinéa de l article du Code civil mettent manifestement en danger l enfant suivi en assistance éducative, le tribunal de grande instance peut, sur le fondement de l article al. 1 du Code civil, prononcer un retrait de l autorité parentale. Lorsqu une procédure d assistance éducative est en cours, les deux hypothèses prévues par l article dans lesquelles un retrait de l autorité parentale peut être prononcé sont donc envisageables. 110

119 qui est attachée à la parenté et non n à l autorité parentale subsiste. Le parent peut bénéficier d un droit de visite. Le retrait frappant un parent s étend à tous les enfants mineurs nés au moment du jugement (art. 379 CC) sauf disposition contraire dans le jugement. En cas de retrait partiel, les juges précisent quels sont les attributs de l autorité parentale conservés par le parent. La loi laisse effectivement pleine liberté au juge pour déterminer ceux-ci. ci. En cas de retrait de l autorité parentale à un des parents, l autre parent se trouve seul titulaire de l autorité parentale sur le fondement de l article du Code civil. Toutefois, les juges peuvent déroger à ce principe dans l intérêt de l enfant, par exemple si ce parent présente une inaptitude à assumer l enfant ou si ce parent se trouve dans une grande promiscuité avec le parent déchu. La juridiction confie alors l enfant à un tiers à charge pour lui de requérir l ouverture d une tutelle, soit au service départemental de l ASE (art. 380 du Code civil, L222-5 CASF). L article 381 du Code civil permet aux parents déchus de leurs droits parentaux d obtenir du tribunal la restitution de leurs droits en tout ou partie, en cas de circonstances nouvelles. Un délai d un an doit s être écoulé entre le prononcé du retrait et la requête en restitution. La demande n est plus recevable lorsque l enfant a été placé en vue d adoption. Si la restitution de l autorité parentale en tout ou partie est accordée, le ministère public peut saisir le juge des enfants en assistance éducative. 6/ La déclaration judiciaire d abandon L article dans sa rédaction issue de la loi du 5 juillet 1996 et du 4 juillet 2005 oblige le particulier ou l ASE qui a recueilli un enfant à introduire devant le tribunal de grande instance une demande de 5 Article 350 modifié par la loi n du 4 juillet art. 3 JORF 5 juillet 2005 : «L'enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l'aide sociale à l'enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa. La demande en déclaration d'abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l'établissement ou le service de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant à l'expiration du délai d'un an dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l'enfant. Sont considérés comme s'étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs. La simple rétractation du consentement à l'adoption, la demande de nouvelles ou l'intention exprimée mais non suivie d'effet de reprendre l'enfant n'est pas une marque d'intérêt suffisante pour motiver de plein droit le rejet d'une demande en déclaration d'abandon. Ces démarches n'interrompent pas le délai figurant au premier alinéa. L'abandon n'est pas déclaré si, au cours du délai prévu au premier alinéa du présent article, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l'enfant et si cette demande est jugée conforme à l'intérêt de ce dernier. 111

120 déclaration judiciaire d abandon de l enfant lorsque ses parents se sont manifestement désintéressés de lui durant l année précédente. Le tribunal doit prononcer l abandon si ces conditions sont remplies. Le désintérêt manifeste est défini comme le fait de ne pas entretenir avec l enfant des relations nécessaires au maintien de liens affectifs. Une demande de nouvelles, l intention exprimée de reprendre l enfant, ou la rétractation au consentement à l adoption ne suffisent pas eux-mêmes à écarter le désintérêt manifeste et n interrompent pas le délai d un an. La jurisprudence a dégagé un certain nombre de principes : le désintérêt manifeste doit émaner des deux parents, il doit revêtir un caractère volontaire, l intérêt de l enfant doit être pris en compte. La prise en compte de l intérêt de l enfant est conforme aux principes du droit international avec lequel notre droit interne s est mis en conformité. Ainsi, même lorsque les conditions d application du texte sont réunies, l intérêt de l enfant peut justifier le rejet d une requête aux fins de déclaration judiciaire d abandon. Le caractère volontaire du désintérêt opère une restriction du champ de la procédure. Des parents déficients ou atteint de troubles psychiatriques graves, qui délaissent l enfant sans prendre la mesure de ce délaissement et sans en avoir une réelle conscience ne semblent pas pouvoir manifester un désintérêt volontaire. De même, le délaissement de la part de parents absorbés par leurs difficultés sociales et personnelles, qui peut se traduire par leurs absences répétées aux visites, peut être difficile à interpréter quant à son caractère volontaire. Une circulaire du 28 octobre 2008 a été adressée aux procureurs généraux (CIV/12/08) pour faciliter la mise en œuvre de cette procédure qui apparaissait sous-utilisée utilisée au regard du nombre restreint de dossiers. Le rapport sur «les conditions de reconnaissance du délaissement parental et ses conséquences pour l enfant» de l IGAS en novembre 2009 confirme que cette procédure est très peu utilisée puisque moins de 200 enfants par an deviennent pupilles de l État en application de l article 350 du Code civil, et que ce nombre a même tendance à diminuer. L IGAS avait préconisé une réforme de la procédure de déclaration judiciaire d abandon afin que le délaissement soit apprécié par référence à l exercice effectif de l autorité parentale et que le délai d une année soit ramené à six mois pour les enfants de moins de 2 ans. Lorsqu'il déclare l'enfant abandonné, le tribunal délègue par la même décision les droits d'autorité parentale sur l'enfant au service de l'aide sociale à l'enfance, à l'établissement ou au particulier qui a recueilli l'enfant ou à qui ce dernier a été confié. La tierce opposition n'est recevable qu'en cas de dol, de fraude ou d'erreur sur l'identité de l'enfant.» 112

121 7/ Les pupilles de l État 6 La loi n du 6 juin 1984 a défini six catégories d enfants éligibles au statut de pupilles de l État, qui correspondent à trois grands groupes (art. L224-4 CASF) 7 : l enfant qui n a pas ou n a plus de parents ; l enfant dont les parents ont consenti à l adoption ; l enfant qui est admis en qualité de pupille sur décision judiciaire suite à un retrait de l autorité parentale ou une déclaration judiciaire d abandon. 6 L ONED effectue une enquête annuelle sur la situation des pupilles de l État depuis 2006 permettant de réaliser un bilan chiffré ; au 31 décembre 2011, enfants avaient le statut de pupille de l État en France, soit un ratio légèrement supérieur à 16 pour mineurs. Relativement stable depuis 2006, cette proportion est de trois fois inférieure à celle observée en Les pupilles de l État sont principalement palement admis (dans 8 cas sur 10) en raison de leur filiation inconnue ou non établie, ou suite à une déclaration judiciaire d abandon. Tous les pupilles ne sont pas placés en vue d adoption (au 31 décembre 2011, plus de quatre enfants sur dix ayant le statut de pupille vivaient dans une famille en vue d adoption). Pour une partie d entre eux un projet d adoption n est pas envisageable, certains sont bien insérés dans leur famille d accueil, d autres conservent des liens avec leur famille d origine, pour d autres enfin, le conseil de famille estime que l enfant n est pas prêt pour l adoption. Les enfants dits «à besoins spécifiques», qui ont un problème de santé ou un handicap, qui ont un âge élevé, qui ont des frères et sœurs dont ils ne peuvent être séparés, qui ont une histoire familiale lourde, sont également placés en vue d adoption plus tardivement que les autres ou ne le sont pas. 7 Article L224-4 du CASF : «Sont admis en qualité de pupilles de l'état : 1 Les enfants dont la filiation n'est pas établie ou est inconnue, qui ont été recueillis par le service de l'aide sociale à l'enfance depuis plus de deux mois ; 2 Les enfants dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l'aide sociale à l'enfance en vue de leur admission comme pupilles de l'état par les personnes qui ont qualité pour consentir à leur adoption, depuis plus de deux mois ; 3 Les enfants dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l'aide sociale à l'enfance depuis plus de six mois par leur père ou leur mère en vue de leur admission comme pupilles de l'état et dont l'autre parent n'a pas fait connaître au service, pendant ce délai, son intention d'en assumer la charge ; avant l'expiration de ce délai de six mois, le service s'emploie à connaître les intentions de l'autre parent ; 4 Les enfants orphelins de père et de mère pour lesquels la tutelle n'est pas organisée selon le chapitre II du titre X du livre Ier du Code civil et qui ont été recueillis par le service de l'aide sociale à l'enfance depuis plus de deux mois ; 5 Les enfants dont les parents ont fait l'objet d'un retrait total de l'autorité parentale en vertu des articles 378 et du Code civil et qui ont été recueillis par le service de l'aide sociale à l'enfance en application de l'article 380 dudit code ; 6 Les enfants recueillis par le service de l'aide sociale à l'enfance en application de l'article 350 du Code civil.» 113

122 Lorsque l enfant est remis par un parent ou les deux parents, un procès verbal doit être établi (qui s appelait procès verbal d abandon jusqu en 1984) lors de son admission. Les parents sont invités à consentir à l adoption dans ce procès verbal ; il leur est rappelé qu ils bénéficient d un délai de rétractation durant lequel ils peuvent reprendre l enfant immédiatement et sans aucune formalité. Les droits des usagers ont été renforcés depuis la loi du 6 juin 1984, et la loi n du 22 janvier 2002 relative au droit d accès aux origines personnelles. Avant 1984, l immatriculation d un pupille était irréversible pour permettre plus rapidement une adoption sans contestation possible. Depuis, les personnes qui y ont un intérêt (parents au sens large, personnes justifiant d un lien avec l enfant, l assistante familiale par exemple qui a accueilli l enfant) peuvent demander à assumer la charge de l enfant en faisant un recours devant le tribunal de grande instance. Lorsqu un retrait de l autorité parentale ou une déclaration judiciaire d abandon ont été prononcé, les parents ne sont pas admis à introduire ce recours. Dans un autre domaine, la loi n du 22 janvier 2002 relative à l accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l État a introduit l article L224-7 du CASF qui prévoit que les renseignements concernant les origines de l enfant, les circonstances de sa remise, l identité des père et mère de naissance s ils ont levé le secret de leur identité, sont conservés par le président du conseil général et tenus à la disposition de l enfant majeur, de ses représentants légaux, de ses descendants en ligne directe s il est décédé ou de son tuteur s il est placé sous tutelle. Lorsque l enfant est admis en qualité de pupille de l État, l autorité parentale est assurée par le conseil de famille des pupilles de l État et le préfet qui a qualité de représentant légal de l enfant et qui exerce la fonction de tuteur (L224-1 CASF). Conformément à l article L225-1 du CASF, l enfant admis comme pupille doit faire l objet d un projet d adoption dans les meilleurs délais 8. Ce projet est assuré par le tuteur en accord avec le conseil de famille. L enfant peut être adopté soit par sa famille d accueil, soit par une famille qui a obtenu l agrément d adoption délivré par le président du conseil général (art. L225-2 CASF). 8/ La minorité La loi n du 5 juillet 1974 a fixé l âge de la minorité jusqu à 18 ans au lieu des 21 ans prévus jusqu alors : le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de 18 ans accomplis (art. 388 CC). 8 L enfant est adoptable sans délai s il est admis en qualité de pupille suite à une décision judiciaire de retrait de l autorité parentale ou de déclaration judiciaire d abandon, le délai pour un placement en vue d adoption est de deux mois lorsque la filiation de l enfant n est pas établie ou si ses deux parents ont consenti à l adoption et il est de six mois lorsque l un des parents a consenti à l adoption alors que l autre ne s est pas manifesté pendant un délai de six mois pour indiquer son intention assumer la charge l enfant. 114

123 À l époque du Code Napoléon, l enfant, considéré en droit comme un incapable, était soumis à la puissance paternelle jusqu à sa majorité ou son émancipation. Quelques dispositions dérogatoires existaient. Le garçon ne pouvait se marier contre la volonté de ses parents qu après 25 ans mais pouvait s engager dans l armée à l âge de 18 ans, les filles avaient le droit de se marier sans le consentement de leurs parents à partir de 21 ans après avoir procédé aux «sommations respectueuses», les jeunes filles pouvaient se marier dès 15 ans avec le consentement des parents et si elles donnaient leur accord à cette union. Le parent, lorsqu il était mineur, avait qualité pour faire établir la filiation de son enfant à l égard de l autre parent, ce qui est toujours le cas aujourd hui, dans la mesure où il peut seul exercer l action en recherche de paternité ou de maternité durant la minorité de son enfant (art. 328 CC). Plusieurs dispositions dans le droit actuel dérogent à l incapacité juridique du mineur : l autorité parentale : si le mineur devient parent d un enfant, et si le lien de filiation est établi, le mineur parent est pleinement titulaire de l autorité parentale sur son enfant. Les règles de l autorité parentale ne prévoient pas de régime dérogatoire pour les mineurs ; la santé : la loi n du 4 décembre 1974 a posé le principe de l autonomie décisionnelle des jeunes filles relativement à la prise de produits contraceptifs (le dispositif a évolué ensuite, c est l article L du Code de la santé publique qui le prévoit actuellement, aucune limite d âge n est précisée). La loi n du 4 juillet 2001 a étendu l autonomie décisionnelle des jeunes filles à la décision d interruption de grossesse (art. L du Code de la santé publique) en prévoyant que le médecin cherche à la convaincre d informer ses parents, mais en lui donnant la possibilité de maintenir son choix à condition d être accompagnée en consultation par un adulte de son choix. Enfin, dans le cadre des soins médicaux quels qu ils soient, les soignants doivent donner au mineur une information adaptée à sa maturité afin qu il puisse participer à ces soins ; le mineur peut s opposer expressément à la consultation du ou des titulaires de l autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé, le traitement donné sera alors limité à la nécessité que son état impose, le mineur devra toutefois être accompagné d un adulte de son choix (art. L Code de la santé publique, issu de la loi n du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) ; l autonomie matérielle et sociale : le mineur âgé de 16 ans ou plus a la capacité juridique de signer un contrat de travail ou un contrat d apprentissage, il a également la jouissance des revenus de son travail. 115

124 La loi a fait émerger un droit d expression du mineur dans les litiges le concernant. La loi du 8 janvier 1993 dispose que l enfant capable de discernement peut toujours être entendu par le juge 9, la loi du 5 mars 2007 a complété ce dispositif en prévoyant que cette audition peut se faire par une personne désignée par le juge, elle a aussi affirmé que cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande 10. Le décret du 20 mai 2009 impose que l enfant fasse parvenir directement sa demande au juge sans passer par l intermédiaire de l un de ses parents. La loi n du 22 juillet 1987, dite loi Mahuret, prévoyait une audition obligatoire du mineur de plus de 13 ans par le juge, la loi du 8 janvier 1993 en posant le principe de l audition du mineur capable de discernement a mis un terme à la prise en compte de l âge de 13 ans, mais ce seuil d âge demeure dans plusieurs textes spéciaux prévoyant que la décision du juge est subordonnée au consentement personnel du mineur âgé d au moins 13 ans, comme en matière de changement de nom (art CC), de prénom (art. 60 al. 2 CC), en matière d adoption art. 345 al. 3 pour une adoption plénière, et art. 360 al. 3 pour une adoption simple), d acquisition de la nationalité française (art CC ; en vertu de cet article l enfant de 16 ans a la capacité de réclamer la nationalité), de soins médicaux pour l interruption volontaire de grossesse (art. L CSP) et le prélèvement de moelle osseuse au bénéfice d un frère ou d une sœur (art. L du CSP). 9 En droit international, la question du droit d expression de l enfant est souvent liée à celle du discernement, par exemple l article 12 de la Convention de l ONU sur les droits de l enfant, et l article 3 de la Convention européenne sur l exercice des droits par les enfants s appuient sur ce principe. La Charte des droits fondamentaux de l Union Européenne qui est le texte le plus récent en matière de droits de l homme ne reprend pas l exigence du discernement pour fonder le droit d expression de l enfant, l article 24 dispose ainsi que «les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité». La recommandation du Comité des ministres aux États membres sur les droits de l enfant et les services sociaux adaptés aux enfants et aux familles, en 2011, dispose que les services doivent veiller à ce que les enfants soient écoutés et pris au sérieux et que leur point de vue soit pris en compte en fonction de leur âge, de leur degré de maturité et de compréhension. 10 Article du Code civil, modifié par la loi n du 5 mars art. 2 JORF 7 mars 2007 en vigueur le 1 er janvier «Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d'une autre personne. L'audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure. Le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat.» 116

125 En matière d assistance éducative, le principe de l incapacité du mineur est nuancé dans la mesure où des règles spéciales sont prévues : le mineur peut saisir le juge des enfants sans avoir besoin d être représenté par ses parents ou un administrateur ad hoc, sans que la loi ne pose comme condition qu il soit doté de discernement. La jurisprudence a toutefois indiqué qu il appartenait au juge de vérifier que le mineur possédait un discernement suffisant pour exercer cette prérogative (Civ. 1 e 21 novembre 1995) ; les règles relatives à l audition montrent également que le statut du mineur est spécifique en assistance éducative : le juge entend le mineur capable de discernement à la première audience (dite «audition»), (art NCPC), il ne s agit pas d un droit à être entendu qui nécessite une demande préalable formulée par le mineur, mais d une obligation procédurale pour le juge ; à l audience sur le fond après la phase provisoire, le juge entend le mineur sans condition de discernement mais peut le dispenser d audition ou ordonner qu il se retire pendant tout ou partie des débats (art NCPC) ; depuis le décret du 15 mars 2002, le mineur capable de discernement qui en fait la demande peut consulter le dossier, en présence de sa mère, de son père ou de son avocat (art NCPC). Le juge conserve la possibilité d exclure tout ou partie des pièces de la consultation si celle-ci ci ferait courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie, ou à un tiers ; il rend alors une décision motivée ; enfin, le mineur qui est pleinement considéré comme une partie, a droit d interjeter appel des jugements sans avoir besoin d être représenté. L émancipation Aux termes de l article 481 du Code civil, «le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile». L émancipation est le mécanisme juridique qui permet de faire cesser l incapacité du mineur ainsi que l autorité parentale (art al. 2 CC) pour lui attribuer une autonomie juridique comparable à celle du majeur. Le mineur émancipé devient en quelque sorte un majeur. L émancipation est acquise de plein droit par le mariage (art. 476 CC) ou par décision de justice. Le mécanisme de l émancipation par le mariage permettait auparavant de favoriser l autonomie matrimoniale dans un système où les mineurs étaient soumis à la puissance paternelle jusqu à 21 ans, ce qui n était pas toujours adapté à leur projet de vie personnel. Les filles pouvaient se marier dès l âge de 15 ans avec l accord de leurs parents mais lorsque leur père et mère étaient en désaccord, la loi 117

126 considérait que l accord d un des parents suffisait, ce qui est toujours applicable aujourd hui 11. Depuis la loi n du 4 avril 2006 relative à la prévention et à la répression des violences au sein du couple ou sur mineurs, l âge requis pour se marier, pour les filles comme pour les garçons, est de 18 ans révolus, sauf dispense accordée par le ministère public pour des motifs graves. L émancipation par le mariage est donc désormais plus encadrée et n a plus le même sens qu avant. Il ne s agit plus d une affaire privée qui concerne uniquement le mineur et ses parents, mais un sujet qui intéresse l ordre public ; elle est donc devenue exceptionnelle. L émancipation est aujourd hui essentiellement acquise par décision de justice. L article du Code civil prévoit en effet la possibilité pour le juge des tutelles de prononcer l émancipation du mineur âgé de 16 ans révolus sur demande des parents ou de l un d eux (ou à la demande du conseil de famille). Si la demande n émane que d un parent, le juge est tenu d entendre l autre (à moins qu il ne soit dans l impossibilité de manifester sa volonté dit la loi), mais n est pas lié par son avis. Le mineur doit être entendu dans tous les cas. S il fait l objet d un suivi en assistance éducative, le juge des enfants doit donner son avis préalablement à la décision. Le juge des tutelles prononce l émancipation s il existe «de justes motifs» (art CC), dans son appréciation le juge tient compte notamment de la maturité du mineur, de son autonomie et de son projet. Si l émancipation est prononcée, les parents perdent l autorité parentale et le mineur devient comme un majeur capable de tous les actes de la vie civile, à deux exceptions, il doit solliciter le consentement de ses parents pour se marier et pour être adopté. L accord des parents en ces domaines est en effet moins lié à l autorité parentale qu à la parenté. 11 Il s agit de l article 148 du Code civil issu de la loi du 17 juillet

127 La protection de l enfance Le système français de protection de l enfance repose sur un mécanisme à triple détente : Par principe, les parents titulaires de l autorité parentale sont les premiers protecteurs de l enfant. Ils protègent l enfant «dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect du à sa personne» (art. 371 CC). Il s agit de la protection de l enfant liée à l exercice de l autorité parentale. À titre subsidiaire, des prestations sociales peuvent leur être accordées par le service de l aide sociale à l enfance placé sous l autorité du président du conseil général s ils sont «confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de leurs enfants mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social» (art. L CASF). C est la protection de l enfance dans le cadre administratif issue du décret du 7 janvier L accord des parents est requis pour instaurer une mesure de protection de l enfance dans ce cadre. En dernier lieu, si les mesures administratives de protection de l enfance n ont pas permis de remédier à la solution, ou si les parents ne collaborent pas suffisamment (ou sont dans l incapacité ité de collaborer), ou si l évaluation de la situation de la situation est impossible, alors que l enfant apparaît être en danger, le juge des enfants doit être saisi (art. L226-4 I du CASF). L article L226-4 II prévoit aussi la possibilité pour les services es publics et établissement publics en lien avec l enfance d adresser un signalement direct au parquet du fait de la gravité de la situation, sans nécessité d une intervention administrative préalable. Il appartient au juge des enfants une fois saisi d évaluer et d apprécier la situation : «si la santé, la sécurité ou la moralité d un mineur sont en danger, ou si ses conditions d éducation ou son développement physique, affectif, intellectuel et social sont compromises, des mesures d assistance éducative peuvent être ordonnées» (art. 375 CC 1 ). Il s agit de la protection judiciaire dite assistance 1 Article 375 du Code civil modifié par la loi n du 5 mars art. 14 JORF 6 mars «Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil général, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L du Code de l'action sociale et des 119

128 éducative. Toute décision est prise dans l intérêt de l enfant. Elle peut être imposée lorsque les parents y sont opposés mais le juge doit chercher à obtenir leur adhésion, il doit respecter leurs convictions philosophiques et religieuses. Enfin, chaque fois que cela est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel. Les parents bénéficiant d un suivi en assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de l autorité parentale qui ne sont pas incompatibles avec cette mesure (art CC). La loi du 5 mars 2007 donne au conseil général une responsabilité essentielle dans l organisation et le pilotage de la protection de l enfance. Ainsi : le président du conseil général est chargé du recueil, du traitement et de l évaluation des informations préoccupantes (art. L226-3 CASF) ; il doit aussi organiser les modalités de coordination en amont, en cours et en fin de mesure dans le but de garantir la continuité et la cohérence des actions menées (art. L221-4 CASF) ; un «projet pour l enfant» doit être élaboré par l ASE avec les parents, avant la mise en place de toute mesure, y compris administrative, qui a vocation à assurer la continuité et la cohérence du parcours (L223-1 CASF) avec lequel devront s articuler le document individuel de prise en charge, DIPC, prévu par la loi n et le contrat d accueil avec l assistante familiale ; un observatoire départemental de la protection de l enfance doit être créé au sein du conseil général pour recueillir, examiner et analyser les données relatives à l enfance en danger dans le département, avoir connaissance des évaluations des établissement sociaux et médico- sociaux intervenant en protection de l enfance, suivre la mise en œuvre du schéma départemental et formuler des propositions et avis sur la politique de protection de l enfance dans le département. familles. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel. Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale. La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu'il s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée. Cependant, lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques, évaluées comme telles dans l'état actuel des connaissances, affectant durablement leurs compétences dans l'exercice de leur responsabilité parentale, une mesure d'accueil exercée par un service ou une institution peut être ordonnée pour une durée supérieure, afin de permettre à l'enfant de bénéficier d'une continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu'il est adapté à ses besoins immédiats et à venir. Un rapport concernant la situation de l'enfant doit être transmis annuellement au juge des enfants.» 120

129 Bibliographie

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136 Comment concilier, dans l intérêt de l enfant, la place des parents avec la place des praticiens qui entourent et accompagnent l enfant confié en protection de l enfance? Ce dossier thématique, composé des contributions de six auteurs, analyse comment, autour des questions de suppléance, peut se dessiner une approche particulière de la parentalité en protection de l enfance, partagée entre les parents et les professionnels. Il est complété par deux articles abordant la question plus générale du lien parent-enfant enfant dans une approche psychanalytique et anthropologique, ainsi que par des annexes juridiques qui font le point sur la question. GIP Enfance en danger Observatoire national de l enfance en danger BP Paris Cedex 17 - Tél : +33 (0) Fax : +33 (0)

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