Construire la résilience écologique : les collectivités locales en première ligne?
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- Caroline Ledoux
- il y a 8 ans
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1 Construire la résilience écologique : les collectivités locales en première ligne? Les récentes inondations au Pakistan illustrent les effets dévastateurs que les événements naturels peuvent avoir sur la société, et la difficulté que les gouvernements peuvent avoir à répondre à de telles calamités. Bien sûr, les tempêtes, les inondations, les sécheresses, les épisodes de chaleur ou de froid extrêmes ne sont pas de nouveaux risques. Cependant, avec le changement climatique, la fréquence et l intensité de ces menaces devraient augmenter. Tous types de gouvernements à travers le monde doivent depuis longtemps faire face à des contraintes climatiques. Dans de nombreux cas, l anticipation et les réponses ont été insuffisantes, et la vulnérabilité face au risque reste élevée. Dans d autres cas, le gouvernement a contribué à réduire la vulnérabilité grâce à diverses mesures. Quelles sont les mesures à prendre face au réchauffement climatique? Deux types d actions destinées à réduire les risques liés au changement climatique bénéficient d une grande attention et d un financement important. Les mesures d adaptation visent à réduire les risques face à l évolution du climat et aux événements climatiques tandis que les mesures d atténuation sont prises pour ralentir le réchauffement climatique. L adaptation implique des mesures visant à réduire la vulnérabilité, comme la réduction de l exposition et de la sensibilité ou l augmentation de la résilience. L atténuation concerne surtout la réduction des émissions de gaz à effet de serre par une meilleure gestion des ressources naturelles, en commençant par les efforts visant à accroître l efficacité énergétique jusqu à ceux visant à réduire la déforestation. Les collectivités locales, niveau le plus proche des personnes directement concernées par les risques, disposent de plusieurs instruments pour engager des actions d adaptation et d atténuation. Toutefois, à ce jour, leur rôle a été négligé dans ce domaine. Qui sont les principaux acteurs des réponses au changement climatique? Le changement climatique est un problème politique mondial très vaste et complexe ; les actions qui en découlent et qui sont prises aux niveaux international, national et régional sont difficiles à démêler. De nombreuses organisations internationales et bilatérales cherchent à réduire l impact du changement climatique et à promouvoir la durabilité environnementale et l adaptation face à celui-ci. Un certain nombre de pays en voie de développement ont préparé des plans d action d adaptation nationale comme base de leurs réponses d adaptation au changement climatique. Les propositions de mesures multilatérales de financement face au changement climatique figurant dans ces plans ont généralement été rédigées par les ministères nationaux dotés d un mandat sur les questions environnementales. 33
2 Ces plans et ces propositions prennent rarement en compte les activités d adaptation et d atténuation quotidiennes déjà existantes, dont les communautés locales ont besoin ou dans lesquelles elles sont déjà engagées. Les ministères ou agences centrales de l environnement gardent souvent le contrôle des investissements au lieu de travailler avec les collectivités locales, tandis que les projets sont mis en œuvre par les fonctionnaires du ministère, les unités de mise en œuvre du projet, les ONG, les autorités traditionnelles, et les organismes privés présents sur la scène locale. En laissant de côté les collectivités locales, ces programmes ne reflètent pas les connaissances, les besoins et les aspirations locales, ratant ainsi l occasion de tirer parti d intervention efficaces. Comment les collectivités locales peuvent-elles contribuer à l adaptation et à l atténuation face au changement climatique? Les collectivités locales disposent de trois instruments principaux pour engager des actions d adaptation et d atténuation. Ces instruments sont : la planification locale et la réglementation pour permettre ou limiter certains types d activités (comme l interdiction de construire des logements dans les zones inondables ou la restriction de l exploitation forestière) ; la participation aux dépenses publiques locales pour financer les biens et services publics en réponse aux contraintes climatiques (par exemple, participer au contrôle de l érosion des sols ou à des projets de gestion forestière) ; l augmentation des recettes fiscales locales provenant des impôts, taxes et charges, pour soutenir ces dépenses publiques. Grâce à ces instruments, les collectivités locales peuvent fournir des infrastructures et des services, la gestion des catastrophes, et des investissements dans les moyens de subsistance en réponse aux problèmes soulevés par le changement climatique. Les collectivités locales peuvent aussi obtenir le statut d agents de changement social dans le débat climatique en adoptant des pratiques écologiquement rationnelles, donnant ainsi l exemple et la motivation nécessaires en matière de réduction d émissions de CO2 et d autres pratiques auprès de leurs concitoyens. Quels types d interventions ont démontré leur efficacité? Les mesures d adaptation et d atténuation offrent la possibilité aux collectivités locales d améliorer le bien-être de leurs communautés ; dans de nombreux pays industrialisés les collectivités locales se sont déjà engagées de manière proactive dans des activités visant à lutter contre le changement climatique. Alors que ces collectivités ont des motifs d investir dans les deux types de mesures, elles ont tendance à s attacher plutôt aux mesures d adaptation, car celles-ci affectent plus directement le bien-être de leurs concitoyens. Parmi les exemples d actions réussies d adaptation au changement climatique, on notera la protection des rivages, des projets visant à prévenir l érosion 34
3 des sols et la plantation d arbres dans les zones urbaines. Les retombées locales des activités d adaptation comprennent la réduction de la vulnérabilité, la réduction de la pauvreté, une meilleure éducation et l augmentation de la productivité économique. De nombreuses mesures d adaptation, comme l efficacité énergétique ou de meilleures pratiques de gestion forestière ont également des effets d atténuation collatéraux. Bien que les activités d atténuation puissent offrir des possibilités d emploi locales ou améliorer la productivité des ressources naturelles d une communauté, la plupart des résultats de ces mesures d atténuation se produisent très lentement, et sur une échelle trop diffuse. Sans prestations auxiliaires ou financements extérieurs importants, les collectivités locales sont peu susceptibles d investir dans des mesures d atténuation. Il y a des mesures gagnant-gagnant, comme l efficacité énergétique ou la préservation des forêts, qu il serait déjà économiquement avantageux de réaliser. Toutefois, pour la plupart des mesures d atténuation, les investissements extérieurs seront nécessaires. Avec les bonnes dotations en ressources naturelles et avec un esprit entrepreneurial, les collectivités locales pourraient être en mesure de générer des revenus en s engageant dans des programmes de compensation carbone. Le financement d actions en faveur du climat est aussi un moyen de plus en plus populaire d assurer le financement en provenance du gouvernement central (et des partenaires donateurs internationaux) pour financer les deux types de mesures au niveau local. Pourquoi les collectivités locales n ont-elles pas réalisé tout leur potentiel pour lutter contre le changement climatique? La question du rôle des collectivités locales face au changement climatique mondial suscite bien des débats, mais ces dernières n ont pas réalisé tout leur potentiel. L une des raisons est que les collectivités locales n ont pas assez d influence sur les prises de décision à haut niveau et n ont pas accès à un financement important cela est particulièrement vrai pour les processus nationaux de planification du climat et les fonds associés. Bien que ces fonds représentent une opportunité importante de déverrouiller la contribution de niveau local en faveur des thèmes liés au changement climatique, les responsables de l administration centrale sont généralement réticents ou peu disposés à partager ces fonds. Un autre facteur limite le rôle des collectivités locales dans la gestion durable de l environnement et l action climatique : elles sont rarement investies de la mission de gestion des ressources naturelles locales comme les forêts ou les terres domaniales. Au lieu de cela, cette responsabilité est souvent confiée à une agence nationale et gérée de manière centralisée à partir de la capitale. Cette répartition des compétences a souvent plus à voir avec la volonté politique qu avec la capacité réelle des collectivités locales à assumer ces fonctions en vertu des principes d une décentralisation rationnelle. Même lorsque la gestion des ressources naturelles a été transférée légalement aux collectivités locales, les ministères n ont pas permis de mettre en place ces transferts. 35
4 D autre part, il semblerait que les ressources liées aux actions climatiques soient mal gérées ou utilisées de manière inefficace au niveau local. Par exemple, tandis que les activités d adaptation et d atténuation sont souvent basées sur l amélioration d un bien, d un service ou d un procédé existant, la plupart des assemblées locales, des collectivités, des fonds de développement, et des ressources de projet ont tendance à favoriser l installation de nouveaux biens ou services plutôt que les coûts de fonctionnement récurrents. Il peut être nécessaire de renforcer les processus et procédures locales afin de s assurer que les ressources sont utilisées de façon à mieux atteindre leur destination. Des sources de financement supplémentaires peuvent également être identifiées pour couvrir les budgets de fonctionnement et d entretien de ces activités. Quelles sont les clés pour débloquer le potentiel des collectivités locales en matière de changement climatique? Plusieurs pays développés ont démontré de manière convaincante que les collectivités locales pouvaient jouer un rôle important sur la question du changement climatique grâce à des activités d adaptation et d atténuation. Pour libérer le potentiel des collectivités locales face au changement climatique, il est important de leur attribuer un rôle décisif dans le processus de planification nationale pour le climat, et d accroître leur accès à des ressources nationales de lutte contre le changement climatique. Dans le domaine du changement climatique, aucune institution ou organisation ne peut réussir seule. Pour libérer le potentiel des collectivités locales dans ce domaine, les organisations et les institutions nationales et internationales doivent donc jouer un rôle essentiel de soutien. Les gouvernements centraux, leurs ministères de tutelle et les agences de développement nationales et internationales doivent apporter leur soutien de diverses façons (ressources, formation, conseil, équipements, infrastructures, systèmes de sécurité sociale) afin d aider les collectivités locales à lutter contre la vulnérabilité climatique et à favoriser les stratégies d adaptation et d atténuation. Risques et avantages des réponses au changement climatique Risques et avantages des investissements des collectivités locales dans des actions climatiques RÉPONSES LOCALES Adaptation Atténuation Avantages locaux Risques locaux Réduction de la vulnérabilité, de la pauvreté, éducation, augmentation de la productivité économique. Investissements inefficaces. Investissements inéquitables (partialité envers les pauvres, les femmes et les minorités). Amélioration de la productivité des ressources. Augmentation des revenus. Coûts sans rémunération (l atténuation est donc un investissement peu probable des collectivités locales en l absence d autres résultats). 36
5 Risques et avantages associés aux financements locaux d actions climatiques FINANCEMENTS EXTERNES Adaptation Atténuation Avantages locaux Risques locaux Diminution de la vulnérabilité. Recentralisation de la prise de décision de gestion des risques. Investissements inefficaces. Investissements inéquitables. Investissements non durables. Amélioration de la productivité des ressources naturelles. Recentralisation de la prise de décision environnementale. Fermeture de l accès aux ressources naturelles essentielles pour la sécurité locale (diminution de la capacité d adaptation et augmentation de la vulnérabilité). Questions à débattre : 1. Quelles sont les limitations du rôle que les collectivités locales peuvent jouer en matière d adaptation et d atténuation face au changement climatique? 2. Comment les gouvernements centraux, leurs ministères de tutelle, les agences de développement nationales et internationales et les professionnels ont-ils réussi à aider les collectivités locales à jouer un rôle décisif dans la lutte contre la vulnérabilité climatique? 3. De quel type de soutien (ressources, formation, conseils, équipements, infrastructures, systèmes de sécurité sociale) les collectivités locales ont-elles besoin de la part d autres institutions gouvernementales et non gouvernementales pour mieux lutter contre la vulnérabilité, ou favoriser l adaptation et accroître le bien-être de base? 4. Quels types d analyses et de recherches pourraient-ils permettre aux collectivités locales de lutter contre la vulnérabilité, directement ou par leur collaboration avec l administration de niveau supérieur et les institutions internationales? 37
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