SIMULER ET CONCEVOIR LE TRAVAIL FUTUR
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- Bruno Lefrançois
- il y a 8 ans
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1 SIMULER ET CONCEVOIR LE TRAVAIL FUTUR Optimiser les choix industriels du point de vue de la performance et des conditions de travail : usage de la simulation statique et dynamique des flux Outils logiciels de simulation statique et dynamique des flux
2 SIMULATION DYNAMIQUE DES FLUX 1. L entreprise et son projet Avec 340 ans d'expertise en ingénierie et une innovation permanente, Saint-Gobain est un des principaux fabricants de verre dans le monde. Saint-Gobain Sékurit (SGS) fournit des produits et services à trois marchés : - le verre automobile à destination des constructeurs d automobiles (marché de la première monte) - le verre automobile pour le remplacement (marché de la rechange) - le verre pour les véhicules de transport (bus, camions, aéronautique) SGSF à Thourotte emploie environ 500 personnes sur 3 secteurs de production : LUCHs (LUnettes CHauffantes), Latéraux et SFA (Secteur Feuilleté Automobile). Ce dernier secteur a une capacité maximale d environ 3000 pare-brises/jour et emploie 100 personnes en production en 5x8. Son projet de transformation (projets architecturaux et d aménagement des espaces, évolution des matériels et d équipements, changement d organisation, évolution du SI, évolution des compétences et métiers), et la problématique posée du point de la performance et/ou des conditions de travail. Sur un marché très concurrentiel et déjà saturé en 2005, SGSF doit améliorer de manière significative sa productivité notamment dans le secteur SFA. SGSF décide alors de mettre en œuvre une nouvelle technologie de formage de verre afin d atteindre des cadences jamais obtenues avec les technologies existantes. Pour ce faire, il faut revoir la conception de l ensemble de l amont du nouveau four de formage (l assemblage en aval étant déjà surdimensionné et donc théoriquement capable d absorber ces nouveaux flux) : GV = Grands Verres (verres extérieurs des feuilletés) PV = Petits Verres (verres intérieurs des feuilletés) SGSF souhaite optimiser ses choix industriels avant le démarrage complet de la ligne en engageant une démarche de simulation dynamique de celle-ci au regard des contraintes suivantes : la capacité de l installation en amont du nouveau four doit être suffisante pour garantir une saturation permanente du four (pour une cadence théorique fixée), l ensemble de la ligne doit alimenter en continu l assemblage manuel/automatique (aval du four), 2 personnes assurent pour l ensemble de la ligne le suivi, le contrôle et la maintenance de premier niveau.
3 Tout ceci devant être intégré dans des conditions de fonctionnement nominal, transitoire et dégradé. Son expérience de la conduite de projet (compétences et expériences acquises pour identifier les préalables sociaux qui peuvent se révéler nécessaires). Depuis plusieurs années, le Service Ingénierie de SGSF, très sensible aux problèmes de conditions de travail, est déjà assisté par un cabinet d ergonomie lors de la conception et de la transformation d ateliers. C est ce cabinet d ergonomie qui suggère de recourir à la simulation des flux, le SI de SGSF n ayant pas l habitude de mettre en œuvre ce genre d outil. 2. Place de la simulation dans ce projet Le sponsor du projet était le Directeur Technique de SGSF. Le groupe projet est constitué: de membres du SI, spécialisés dans leurs domaines : bâtiment, électricité, automatisme, mécanique, etc., de membres de SFA (production et méthodes), du cabinet d ergonomie ayant recommandé la simulation. Cadre et contexte de l intervention : Intégré au groupe projet du SI au même titre que l ergonome, le consultant spécialisé en simulation de flux apporte ainsi son expertise en la matière. Le contrat comporte deux étapes principales : 1. l analyse statique : évaluation des variabilités (4 jours), 2. l analyse dynamique : rédaction du cahier des charges du modèle de simulation, choix du progiciel, codage & validation du modèle, exploitation du modèle et optimisation/recherche de solutions (23 jours). Les attentes de l entreprise et/ou de l intervenant relativement à la simulation : Déjà, en phase de chantier et de test de la nouvelle ligne de fabrication, le groupe de travail attend de l outil de simulation des flux : une validation du dimensionnement technique et organisationnel de la ligne, et, en cas de problème, la possibilité de mesurer virtuellement l impact des modifications des flux avant de mettre en œuvre un plan d action correctif sur le terrain. Le recours à un tiers est la garantie d une totale indépendance par rapport aux fournisseurs d équipements de la ligne. 3. L outil de simulation La démarche de simulation dynamique des flux s inscrit dans une conduite de projet «classique» de conception d installations industrielles, mais dans le cas présent, à un stade avancé du projet (à savoir la phase de chantier). Etude de faisabilité Etude de base Etude de détail Chantier Mise au point Production
4 La démarche de conception, et l étape à laquelle la simulation intervient : La démarche de simulation est mise en œuvre suite à des interrogations posées par l analyse ergonomique des futurs postes de travail. Cette analyse pointe de possibles problèmes de charge de travail avec des conséquences probables aussi bien en termes technico-économiques (taux d engagement potentiellement inférieur aux objectifs du projet) et humains (risques santé provoqués par un niveau prévisible de débordement des futurs opérateurs lié au nombre et aux types de tâches, ainsi qu aux déplacements à réaliser sur la future ligne amont). Vu l avancement du projet, la simulation est utilisée en phase de chantier du nouveau système de production. En principe, il est plus efficace de l utiliser lors des phases de conception (simulation moins détaillée, donc moins longue et moins chère). (voir les leçons tirées de l intervention). Les préalables à la simulation en tant que telle, la méthode mise en œuvre, l élaboration des scénarios de simulation : Un repérage outillé (par exemple, par une analyse ergonomique des futures situations de travail) des variabilités, en particulier lors des fonctionnements nominaux, transitoires et dégradés des futures installations, est indispensable pour alimenter en données la simulation. De plus, la simulation dynamique (étape 2) est indissociable d une analyse statique préalable (étape 1). En effet, le critère de mise en œuvre de la simulation dynamique n est pas la complexité du système mais ses potentielles variabilités. De plus, cette analyse statique ou «collecte intelligente de données sous Excel» permet ne pas attendre d avoir développé et validé le modèle dynamique (80% du budget) pour répondre à certaines questions.
5 Par exemple, il ne sert à rien de modéliser dynamiquement l activité d un opérateur si l on sait que : n occurrences d intervention x Tps moyen d intervention > 8 heures. Par contre, la réciproque est fausse : ce n est pas parce que : n occurrences d intervention x Tps moyen d intervention < 50% du temps de travail que l opérateur n est pas à un moment donné le «goulot d étranglement» du système de production. Méthodologiquement, la démarche de simulation agence 2 étapes. - Etape 1 : l analyse statique réalisée avec un modèle développé sous Microsoft Excel - Etape 2 : l analyse dynamique réalisée avec un modèle développé, dans le cas présent, sous ExtendSim - L étape 2 agence elle-même quatre phases à savoir : a) Réalisation du cahier des charges du modèle () b) Développement du modèle informatique du système
6 c) Validation du modèle d) Exploitation du modèle A C I D E G H 18 F J K L M N O 14 Q P R S Postes Sections Row #Nom bloc Défintition des sections nombre de passages par type d'opérateurs 1 Intro chevalets Row # de à distance (m) marches pont-levis durée trajet (sec) bloc Type 1 DF Type 3 Maint. 2 Dépileuse 1 A Table abaisseuse A Découpe travers et primitifs 84 3 A C Rompage travers et primitifs 94 4 A D DF GV C D DF GV C Ctrl dimensionnel C automatique GV 9 Lavage GV C Ctrl aspect et dimensionnel manuel 1589 GV 9 D Sérigraphie D E Ctrl Sérigraphie E F Four IR E G V SF F Ctrl sortie V SF F Lavage GV G Exemple de carte des trajets opérateurs (distances, nb marches et durée par segment)
7 Les acteurs impliqués dans la démarche de simulation et le rôle de chacun (préparation, animation, intégration des résultats) : Le SI : client de la simulation et fournisseur de données (caractéristiques techniques de la future ligne de production). L Ergonome externe : client de la simulation et fournisseur de données (situations futures de travail en mode nominal, transitoire et dégradé, situations élaborées avec les futures opérateurs de la ligne). Le client interne (SFA) : chefs d équipe, responsable de production, méthodes : clients de la simulation et fournisseurs de données (objectifs de production comme les types de modèle, les flux, les taux d occupation, etc.). Le consultant externe : conception du modèle, suivi du codage, validation du modèle avec le soustraitant, rédaction des livrables, animation des réunions simulation (cahier des charges, validation, optimisation/exploitation). Ce qui a été simulé et pour quoi faire : Au niveau technique : Les flux de plateaux de verres puis (après découpe) GV et PV jusqu à l appairage avant le four de formage. Pour chaque équipement de la ligne : temps de cycle, débit en entrée, débit en sortie, capacité de stockage, capacité de traitement simultané, pannes et maintenances 1 er niveau (intervention des opérateurs de la ligne), maintenances (intervention service maintenance). QUESTION : quelle est la capacité de fabrication de la ligne pour une référence de produit donnée dans des conditions de fonctionnement nominal, transitoire et dégradé? (nb parebrises par jour) Au niveau organisationnel : Les opérateurs en charge des pannes et maintenances de 1 er niveau sont modélisés selon les principes suivants : Les postes des opérateurs ne peuvent pas être considérés vacants, même momentanément, compte tenu de la continuité du flux de production. Les changements de poste, les pauses et diverses absences des opérateurs ne sont donc pas pris en compte dans la modélisation mais sont à intégrer pour le calcul d un «équivalent temps plein». Les priorités d intervention pour les opérateurs sont définies par équipement. Dans chaque classe, l ordre de traitement est en «FIFO». Il n y a pas de pondération en fonction de la distance à parcourir par l opérateur. Une tâche arrivée en rupture fait passer la priorité à une autre, quel que soit son niveau initial. Il n y a pas d anticipation de tâche par l opérateur. Les déplacements sont enregistrés : km parcourus/poste, marches gravies/descendues/poste. Le niveau de «débordement» de l activité opérateur est suivi grâce à l enregistrement du nombre de tâches en attente à un instant T (mise en évidence de périodes critiques i.e. nb de tâches en attente >
8 QUESTION : le taux d occupation, le nb d interventions, le stress, les distances parcourues sont-ils acceptables dans des conditions de fonctionnement nominal, transitoire et dégradé? (problème de la référence : qu est-ce qu un taux d occupation acceptable?). 4. Evaluation des résultats obtenus du point de vue du projet de transformation, et de la démarche Objectivation de problèmes techniques et humains permettant d élaborer de nouvelles solutions (techniques et organisationnelles) et de les tester virtuellement avant leur mise en œuvre effective Les résultats obtenus selon différents point de vue, relativement au projet de transformation (ACT et performance) : par rapport aux objectifs fixés, mais également résultats et points de satisfaction inattendus. TECHNIQUE Validation : du dimensionnement des équipements et des stockeurs tampons, de la capacité de l ensemble de la ligne dans des conditions de fonctionnement nominal, transitoire et dégradé. Mise en évidence d un goulot d étranglement inattendu sur un équipement en amont de la ligne : des solutions sont proposées par les experts-métiers du secteur SFA de SGSF et grâce à la simulation, la meilleure d entre elles est retenue puis en œuvre bien avant le démarrage en production de la ligne. Optimisation de la logique de choix de dépilage des plateaux PV ou GV avant découpe en fonction des encours de GV et PV dans le reste de la ligne avant le four. ORGANISATION L analyse statique met en évidence que la charge de l opérateur DF (Découpe Façonnage) sur l amont de la ligne (entre la découpe des plateaux et l entrée du four) est trop élevée min 479 min L on décide de répartir une partie de son activité sur son collègue en charge de l approvisionnement des plateaux et sur son autre collègue en charge du pilotage du four, notamment : le changement de chevalets, le nettoyage des plateaux cassés, le remplissage de lubrifiant à la découpe, les prélèvements qualité à l appairage. La simulation dynamique permet également de justifier l investissement de : stations de prélèvement automatiques des verres pour les contrôles qualité : prélèvement en temps masqué (=gain de productivité) et suppression de la charge portée par l opérateur (réduction du risque TMS) ; postes de contrôle qualité automatisés par caméra lors encore «déchargeant» l opérateur (tâche de contrôle estimée occupée 68% du temps l opérateur DF) et supprimant les actions de manutention du verre associées (prévention des risques TMS).
9 l opérateur DF Découpage de l activité de Malgré cela, la simulation dynamique démontreque les saturations ponctuelles de l opérateur (pics dans le graphique ci-dessous) sont responsables de 8% de pertes de capacité de la ligne. l opérateur DF Nb tâches en attente pour Remarques : - Correcte d un point de vue nombre d occurrences de déplacements, la simulation statique est cependant fausse sur la distance moyenne parcourue : la simulation statique à partir de la distance médiane de déplacement (1/2 de la longueur de la ligne) donne le double de la distance calculée avec la simulation dynamique ; enfin, la simulation dynamique des flux est perçue par le groupe de travail comme un outil de travail fédérateur. La démarche de simulation a-t-elle laissée des traces en dehors du projet : appropriation d une démarche, réutilisation de résultats obtenus lors des simulations La démarche de simulation dynamique est maintenant systématiquement évoquée et déclenchée dès les études de base (ou phase d APS) et les études de détail (ou phase d APD) : 1/3 des projets ne nécessitent pas de simulation dynamique, l analyse statique étant suffisante. Les membres du SI ont été formés à cette démarche ce qui réduit considérablement le besoin d intervention externe : moyenne de 5 jours / projet au lieu de 20 jours. Sur , 13 projets ont été réalisés. Bilan sur les conditions de réussite du point de vue de la démarche Le déclenchement d un projet dépend de la conviction du Client car on ne peut que rarement calculer le ROI d un projet de simulation dynamique même a posteriori. La réussite du projet dépend de la capacité de l expert à s intégrer au métier du Client, au groupe projet et à toujours jouer l ouverture et le partage de connaissance et d information (éviter les effets tunnel ou tour d ivoire). Rédacteur : Sébastien Savarino, K_Process, sebastien.savarino@k-process.com
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