SANS vouloir faire un historique, nous rappellerons. Les remblais en cendres volantes dans la région du Nord

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1 Les remblais en cendres volantes dans la région du Nord M. VIVIER Directeur du laboratoire régional de Lille INTRODUCTION SANS vouloir faire un historique, nous rappellerons que la région du Nord est plate et que les voies de communication y sont très denses. La réalisation des projets routiers ou autoroutiers suppose donc le franchissement d'obstacles, le plus souvent en remblai. Il est également bien connu que les matériaux naturels convenant pour des emprunts sont pratiquement inexistants dans cette région ; il fallait donc se tourner vers les sous-produits industriels, fort heureusement abondants, pour construire les remblais. Les schistes miniers furent d'abord seuls utilisés puis, à partir de 1960, les ingénieurs routiers s'intéressèrent aux cendres volantes, en recherchant l'économie dans les transports : puisqu'on met en œuvre des mètres cubes alors qu'on paie le transporteur à la tonne, les cendres volantes se révélaient particulièrement économiques à cause de leur légèreté, surtout dans les zones éloignées des terrils de schistes miniers. point par les ingénieurs maîtres d'œuvre, appuyés dans leur action par les études et les constatations faites au Laboratoire de Lille. LE SUPPORT DU REMBLAI EST INDISPENSABLE SUR UN SOL HUMIDE Dans le cas général, le remblai doit reposer sur du limon souvent très humide, quand il n'est pas dans la nappe. La moindre averse rend impossible toute circulation des camions approvisionnant les cendres sans une solide couche de forme (fig. 1). Plusieurs techniques ont été employées pour réaliser cette couche de forme. Par ailleurs les producteurs de cendres souhaitaient évacuer au maximum ce sous-produit qui nécessite pour son stockage l'achat de vastes surfaces d'un sol coûteux réputé pour la culture. La conjugaison de ces recherches de l'économie par les constructeurs de routes et par les producteurs a conduit à utiliser trois millions de mètres cubes de cendres dans les seules années 1969 et 1970 pour réaliser les remblais des autoroutes de la région proche de la métropole du Nord. Nous résumerons ici les problèmes rencontrés à l'occasion des travaux, et les techniques mises au Fig. 1 - On ne peut pas circuler sur le limon humid' 61

2 Support en schistes miniers (fig. 2) C'est la première formule utilisée qui consiste à répandre à l'avancement et après décapage de la végétation, 50 cm à 1 m de schistes suivant l'humidité du limon (donc suivant la saison à laquelle on travaille) ou suivant la proximité de la nappe. Cette méthode est encore utilisée dans les régions proches des terrils de schistes puisque la distance de transport des schistes est faible. D'ailleurs, dans ces régions (bassin minier), la décision d'utiliser cendres ou schistes est essentiellement subordonnée à un bilan économique (prix des matériaux et de leur transport). Fig. 3 - Support en timon traité à la chaux vive Cette technique du traitement à la chaux vive est maintenant bien au point et ne pose pas de problème particulier. Fig. 2 - Remblai en cendres construit sur une couche support en schistes miniers. Support en limon traité à la chaux (fig. 3) Dans le cas où la distance de transport des schistes est élevée, et après comparaison économique avec la solution couche de forme en schistes, cette couche de forme peut être remplacée par un traitement en place des limons à la chaux vive sur 40 cm d'épaisseur. Support en cendres posées sur une feuille de plastique (fig- 4) La recherche de l'économie maximale a conduit à remplacer le traitement du limon par une autre méthode qui consiste à placer directement sur le sol une feuille de plastique imperméable sur laquelle on déverse à l'avancement les cendres volantes. La couche de forme ainsi réalisée doit avoir au moins 80 cm d'épaisseur pour éviter tout poinçonnement du limon humide sous-jacent au passage des compacteurs et des camions approvisionnant le chantier. Le choix d'une matière plastique imperméable alors qu'un tissu perméable (type Bidim, par exemple) aurait pu convenir, est guidé par le souci de couper les cendres volantes de la remontée capillaire ainsi que nous allons le voir au paragraphe suivant. Fig. 4 - Remblai posé directement sur feuilles de plastique imperméable. 62

3 IL EST IMPOSSIBLE, DONC INUTILE, DE DRAINER LE REMBLAI Des constatations faites des 1964 sur les premiers remblais construits sans précaution particulière sur des supports en schistes avaient montré que les teneurs en eau des cendres étaient assez fortes dans tout le remblai, avec une nette augmentation dans le mètre inférieur (fig. 5). Cendres volantes en remblai Variation de la teneur en eau en place en fonction de l'épaisseur sur le sol support (Autoroute A 25) Ces constatations montrent bien que les fortes teneurs en eau rencontrées dans les remblais sont dues à l'importante retenue capillaire des cendres, et qu'on a intérêt à isoler nu mieux le remblai en cendres de l'eau pouvant y remonter par capillarité, comme d'ailleurs de l'eau pouvant s'y infiltrer par la surface. Devant cette inefficacité du drainage et bien qu'on n'ait constaté aucun désordre lié à la stabilité des remblais au sens de la mécanique des sols, quelques mesures furent entreprises au pressiomètre 1 pour apprécier cette stabilité. Les valeurs trouvées lors d'une dizaine de sondages, tant celles du module presslométrlque compris entre 40 et 350 bars que celles de la pression limite comprises entre 3 et bars sont rassurantes et confirment une étude entreprise en laboratoire visant à définir les caractéristiques à prendre en compte pour déterminer les pentes à donner aux remblais. On avait trouvé, en effet, que quelles que soient les teneurs en eau (entre 5 et 25 %) et les densités sèches (0,9 à 1,2), l'angle de frottement interne se situait au voisinage de 30, ce qui autorise des talus pentes à 3/2. En bref, il est donc impossible de drainer la base des remblais en cendres et la bonne stabilité de ces remblais rend ce drainage inutile. LA MISE EN ŒUVRE EST FACILE Les cendres sont transportées à pied d'oeuvre par camion, après chargement au terril. Le répandage est fait à l'avancement au bull léger, en couches de 40 à 50 cm. Le compactage est important, pour éviter tout tassement ultérieur. A peu près tous les engins existant dans les parcs des entreprises ont été essayés, avec un succès variable mais jamais total (fig. 6). On a vérifié tout l'intérêt d'un lourd poids du compacteur et d'une forte charge par roue qui doivent être adaptés à l'épaisseur des couches. Fig. 5 - La teneur en eau est maximale à la base du remblai. Pour éviter tout incident éventuel, les remblais suivants ont été drainés par une couche de sable propre (sable de dune ou sable de Rhin) débouchant dans un réseau de drainage (tube plastique fendu). Des mesures de débit de drain et de pression interstitielle ont permis de préciser les points suivants : avec ou sans couche drainante, les teneurs en eau dans le remblai n'ont pas varié entre la fin de la construction et trois ans après cette date ; le débit des drains a été pratiquement nul ; la pression interstitielle était très faible et constante, ce qui confirme l'inefficacité totale du drainage (à la variation près de la pression atmosphérique). La vibration n'augmente pas de façon considérable et cela est bien normal vu la légèreté des cendres ; il faut, en cas d'utilisation du rouleau lisse vibrant, prendre la précaution d'utiliser un rouleau à grosse jante (fig. 7 et 8). Enfin, le réglage superficiel des couches compactées est fait à la niveleuse ; ce réglage est Indispensable pour faciliter la circulation des camions approvisionnant les cendres en même temps qu'il permet un bon écoulement des eaux de pluies. Compte tenu de l'humidification des cendres récupérées à sec (humidification nécessaire à leur transport en dépôt), celles-ci ont, au départ du terril, une teneur en eau comprise entre 10 et %. Comme leur courbe de compactage est très plate (fig. 9), un arrosage à la rampe est souvent nécessaire et les remblais de gros volume pourront très facilement absorber les averses pendant la durée de leur construction. 1. Mode opératoire L.C.P.C. Essai pressiométrique normal. Dunod, Paris,

4 C.V. A. 1 ANSEREUILLES C.V. A. 27 COURRIERES DR 50 DR 30 DR 30 0 K> n o n W o» a) o w 8 V X c \ 1 ' " l " t ' l " ) * IL ml ma y 24,8 y pr m Constructeur Albaret Albaret Tramac Albaret Albaret Albaret Albaret Richier Richier Tramac Richier Albaret Albaret Hyster Type Sismo Ray Go 400 Ray Go 400 Sismo Sismo C 450 A Vibrations oui oui oui oui oui Charge totale (t) , Charge/roue (t) 2,8 2, ,6 1,6 1,1 1,1 2 Vitesse (km/h) Pression pneu (bar) 3 5 2, ,5 Epaiss. couche (cm) Fig. 6 - Compactage des cendres. Résultats obtenus avec divers ateliers. NOMBRE DE PASSAGES DES COMPACTEURS LES PRECAUTIONS A PRENDRE Arroser par temps sec Par temps sec, on doit arroser, non seulement pour bien compacter mais aussi à cause de la poussière soulevée par le vent ou par les engins de transport (fig. 10). Par temps très sec, on doit même arroser les cendres chargées sur camion au départ du terril, pour éviter que celles-ci ne s'envolent pendant le transport. Compacter les bords du remblai Fig. 8 - Le rouleau vibrant à petite bille évolue très difficilement et n'est pas adapté aux cendres. La meilleure méthode consiste à monter les talus avec une bonne surlargeur, puis à les régler en enlevant le surplus, afin que le bord définitif soit cor- 64

5 rectement compacté. Cette façon de faire résoud au mieux le problème général du mauvais compactage des bords des remblais où les compacteurs ne s'aventurent jamais (fig. 11). Un essai de mise en oeuvre de la terre végétale en même temps que les cendres, avec un compactage à cheval, a montré qu'on reportait ce problème vers l'extérieur et que le chantier se trouvait inutilement compliqué. Le retaillage des pentes est fait à la dragline (fig. 12) ou à la pelle travaillant en rétro ou encore mieux au bull, si on a choisi une pente faible (2/1). Cette dernière méthode est la plus économique, car la plus rapide. Ne pas attendre pour protéger le remblai de l'érosion Les cendres se comportent tout à fait comme un sable fin propre et les flancs des talus sont ravinés lors des averses prolongées ou des orages (fig. 13). On a intérêt à faciliter au maximum l'écoulement de l'eau en surface (en soignant le réglage superficiel pendant l'exécution) et à ne pas laisser un remblai achevé sans protéger ses talus et sa surface. Lorsqu'on en dispose, une couche de terre végétale d'une dizaine de centimètres d'épaisseur suffit pour protéger les flancs du remblai. On peut également procéder à l'engazonnement direct des cendres (fig. 14). Fig Les cendres volent par temps sec. Fig Retaillage à la dragline d'un talus monté avec une surlargeur. Fig Le bord du remblai n'est pas compacté. Fig L'érosion ravine rapidement les talus non protégés. 65

6 Fig Engazonnement direct d'un remblai. Empêcher l'infiltration d'eau par la surface en traitant les hauts de remblai sur toute la largeur du profil La surface du remblai doit pouvoir empêcher la pénétration de l'eau ; la méthode utilisée consiste, dès le remblai achevé, à traiter en place la couche superficielle à la chaux ou au ciment pour en faire, en même temps, la couche de forme de la future chaussée. Jusqu'à ces dernières années et uniquement pour une question d'économie, le traitement au ciment était le seul pratiqué. Traiter à la chaux est cependant bien préférable, car on bénéficie alors d'une grande souplesse sur le chantier puisque la prise est lente et les résistances sont bien plus élevées à cause de la pouzzolanicité des cendres développée au maximum en présence de chaux. La paille est approvisionnée en crête. Le ciment (ou la chaux) est répandu à l'aide d'un distributeur dosant automatiquement à la quantité voulue (7 % de ciment ou 5 % de chaux) puis un malaxeur rend le mélange homogène. L'épaisseur de la couche à traiter variera suivant la méthode de mise en œuvre de la fondation de la chaussée. Par exemple, si on a prévu de réaliser cette dernière à l'avancement, donc sans circulation lourde sur la couche de forme, une vingtaine de centimètres seront suffisants. Si, par contre, la fondation est réalisée avec des engins du type finisseur ou spreaderbox (slip form, autograde), les camions lourds et rapides approvisionnant le matériau devront circuler sur la couche de forme sans la défoncer ; il sera alors nécessaire de porter l'épaisseur de traitement jusqu'à 30 à 40 cm, ce qui est tout à fait possible avec les puissants pulvimlxer modernes (Rex Deep Mix, Buffalo Springfield, etc.) (fig. 15). Une fois recouvert de paille longue, le remblai est ensemencé. Paille et grains sont alors collés sur le talus avec une émuision de bitume pulvérisée à la lance. Fig Malaxeur Rex Deep Mix traitant en couche épaisse par passes de 3 m de largeur. Le même remblai huit mois après, ayant passé l'hiver. La couverture est acceptable, il faudra cependant réensemencer pour avoir une couverture parfaite. Dans ce cas d'une telle couche épaisse, il est indispensable de prévoir un précompactage en faisant circuler un engin à chenilles avant de procéder au compactage au rouleau à pneumatiques à forte charge par roue. Faute de procéder de cette façon, on s'exposerait à voir s'enliser le rouleau lourd dans les cendres très foisonnées. 66

7 A noter que, dans le cas de ces couches de forme épaisses et si l'on est pressé, un traitement mixte, d'abord à la chaux, puis au gypse, permet d'obtenir rapidement des résistances très élevées tout en conservant la souplesse de mise en oeuvre des traitements à prise lente. Comme dans le cas de tous les traitements il convient de mettre à la cote par rabotage, pour éviter le comblement des flaches par un apport de cendres en mince couche dont la liaison serait douteuse. Enfin la couche de cure doit être posée immédiatement après la mise à la cote définitive de manière à enfermer l'eau absolument indispensable à la prise. Ne pas lésiner sur le compactage En effet, si plusieurs constatations montrent que les tassements propres de remblais bien compactés sont très faibles (1 à 2 cm pour 6 m de hauteur de remblai, et les appareils étalent à la limite de leur sensibilité), on a cependant trouvé qu'en un point où le compactage s'était révélé trop léger, le tassement atteignait 7 cm pour 1,50 m... Ne pas utiliser les cendres pour les remblais de faible hauteur En effet, les remblais de très faible hauteur (inférieure à 1 m) sont beaucoup plus sensibles aux eaux météoriques que les hauts remblais, surtout si on tarde à les étancher. Ils peuvent être saturés et perdent alors toute portance (fig. 16), si bien qu'on a tout intérêt à construire ces petits remblais en schistes miniers ou tout autre matériau d'apport (craie, limon traité, etc). Fig Remblai de faible hauteur ayant passé l'hiver sans protection. La surface est saturée, s'il pleut c'est l'ensemble du remblai qui sera gorgé d'eau et toute circulation y deviendra impossible. En conclusion, les cendres volantes sont sensibles aux excès d'eau, mais faciles à mettre en œuvre. Il est cependant nécessaire de s'entourer de précautions pour les utiliser dans de bonnes conditions. Ces précautions, qui finalement consistent à emballer les cendres puisqu'on les protège de l'eau par le dessous, par le dessus et par les 'côtés, permettent d'obtenir à bon compte des remblais légers et pratiquement sans tassement propre. 67