Denis Tremblay : Des erreurs de parcours mais le Destin en a voulu ainsi!

Transcription

1 Les trois Denis Denis Tremblay : Des erreurs de parcours mais le Destin en a voulu ainsi! Denis Tremblay, Denis Cyr et Denis Savard sont nés tous les trois le 4 février Le premier à Montréal, l autre à Verdun, la proche banlieue et le troisième à Pointe- Gatineau dans l Outaouais. Ils se sont retrouvés dans leurs jeunes années et ont finalement joué ensemble pour le Canadien Junior de la LHJMQ au milieu des années L un a fait une carrière remarquable et a même été nommé au Temple de la Renommée. Denis Cyr s en est bien tiré chez les pros mais n a joué que quelques années. Quant à Denis Tremblay, le sort et son «karma» en avaient décidé autrement. Mais même s ils ne se voient plus très souvent, leur amitié est demeurée intacte au cours des 40 dernières années.. Denis Tremblay - Nous sommes nés tous les trois le même jour. Nous nous sommes retrouvés alors qu on jouait au sein des Atomes, donc vers 9-10 ans. C est parti de là. J ai un vague souvenir des circonstances précises de notre rencontre, c est très vague. Denis Savard aura sans doute une idée plus précise. Mais c est avec les Pee- Wee qu on a commencé à jouer ensemble. On est ensuite passé tous les trois au Canadien Junior de Montréal à l âge de ans. Passer de Midget AA au Canadien Junior était tout un exploit à l époque. Jacques Hamelin Vous étiez donc trois joueurs très «hot»? Ben oui. Ce qui était bien, c est qu on s est toujours bien complété tous les trois. Denis Savard était un grand technicien du jeu, c était un joueur complet malgré sa petite taille. Denis Cyr lui, c était le compteur naturel. En ce qui me concernait, sans être un «goon», je pouvais être un peu plus «tough». Est venu un moment où on jouait en pleine «synchronicité». Si on passait la rondelle, on savait que l autre serait là.

2 Aspiriez- vous déjà tous les trois à joindre les grandes ligues? Ben oui. C est notre rêve à tous les trois. Mais les choses ont évolué différemment pour chacun d entre nous. Comment dirais- je Pour Denis Savard, les choses ont trrrrrès bien été, pour Denis Cyr ça s est bien passé, mais pour Denis Tremblay, ça s est mal passé (gros rire). La conclusion c est à peu près ça. Aviez- vous une idée que, tôt ou tard, cela évoluerait de cette façon- là? Pas du tout. Nous avions tous les trois nos agents et l avenir s annonçait rose pour nous trois. C est que pour moi, est venu un moment où les choses ont déboulé. Les circonstances en ont décidé autrement. Je me dis parfois que : «J aurais dû faire ceci ou cela» mais on ne vit pas avec des «J aurais dû». Vous savez Monsieur Hamelin, il n y a pas de hasard dans la vie. La Vie va te présenter les circonstances qui doivent te convenir. A chacun son Karma. Moi j avais ça à vivre dans ma vie. Quand vous dites que ça s est mis à débouler, pourriez- vous élaborer un peu? Ben disons que (longue hésitation) y a des noms que je ne voudrais pas nommer. Des gens qui ne m ont pas aidé mettons. Je ne veux pas leur faire porter toute la responsabilité de mes déboires mais il reste qu ils ne m ont pas aidé. Donc, sans entrer dans le détail des circonstances de vos difficultés, combien de temps aura duré le trio des Denis? Cela a duré jusqu en Denis Savard a été dans les premiers choix au repêchage. En fait, je peux quand même vous dire ce qui m est arrivé Est venu un moment où j avais beaucoup moins de «glace» avec le Canadien Junior à cause de l entraîneur qui était en place. Je n ai jamais compris pourquoi au juste. Alors j ai fait la grève! (Oups). Je sais, ce n était pas très brillant à 18 ans. Et ça brisait le fameux trio. Vous retrouveriez ça dans les archives du Journal de Montréal qui en faisait beaucoup état.

3 J avais demandé à être échangé. En janvier, mon agent me téléphone et me dis que j avais le choix : OÙ je revenais avec le Junior de Montréal et l entraîneur était congédié OÙ ils m échangeaient pour les Cataractes de Shawinigan (NOTE. Il a joué avec Penney pendant un moment). Je ne savais pas à ce moment- là que ma décision allait déterminer le reste de ma vie. Mais je ne me voyais pas retourner avec mes co- équipiers et porter l odieux d un congédiement puisque plusieurs joueurs aimaient bien travailler avec ce coach- là. J ai donc d abord pensé aux autres, ce qui est un peu l histoire de ma vie. J ai choisi Shawinigan. Ma performance a continué d être la même et se comparait à celle de mes deux vieux chums. Mais pourquoi seulement un an et demie à Shawinigan? Laissez- moi vous dire une bonne chose. J avais fait la grève à Montréal et ce sont des choses qui ne s oublient pas dans le milieu. Je voudrais dire que quelques mois auparavant, juste avant que tout ça arrive (la grève), au mois de Novembre, j avais été le «first pick», le premier joueur repêché en Amérique du Nord, même avant Denis Savard et Denis Cyr. L affaire est que je me suis nui à moi- même. Donc si on revient à Shawinigan A l âge de 19 ans, donc l âge limite pour le Junior, j ai été invité soit avec les Rangers de NY ou les Bruins de Boston. Mon style était plutôt du type «Bruins». Je me suis donc présenté au camp d entraînement de Boston (rires) vous savez M. Hamelin, vous pourriez écrire un livre juste sur ma vie à moi Bref, j ai fait un très bon camp à Boston. On m a alors offert d aller dans la Ligue américaine ou à Boston. A l époque, le club- ferme était à Erie et regroupait des aspirants- pro de Boston et de Pittsburg. Arrivé à Erie et après seulement une pratique, le coach me convoque à son bureau. J étais certain que c était pour signer un contrat. Chemin faisant, dans le couloir, j entends le coach dans son bureau qui parle au téléphone et qui dit «I don t want to see this fucker with us over here».

4 Rendu dans son bureau, il me dit qu il m envoie à Saguina, ce qui pour moi était à l époque une ligue de garage reconnue comme une confrérie de «goons» et ses multiples batailles. J ai décliné son offre, lui ai demandé un billet de retour et c en était fini pour moi avec le hockey. C est triste mais c est comme ça. Et à ce jour, je pense que j aurais mérité mieux que ça. Aucun Plan B? Dans les jours qui ont suivi, j ai effectivement reçu une lettre de Réal Paiement qui avait déjà été capitaine du Junior de Montréal. Un vétéran, un chic type qui m aimait bien. Je pense qu il ne coach plus depuis seulement quelques années. Il m avait écrit chez- moi à Verdun, me disait de ne pas m en faire, m invitait à le rejoindre à Saguina et s engageait à m héberger, etc Malheureusement, je n ai jamais pris la peine de lui répondre. Je l ai souvent regretté. J aurais dû accepter son invitation. D autant plus que cette année- là, une foule de joueurs de Boston ont été blessés, notamment Normand Léveillé qui est tombé paralysé sur la glace. Il me semble aujourd hui certain que j aurais été rappelé. Alors voilà. Donc des regrets quand même Ça n a pas été facile. Quelques mois plus tard mon père est décédé dans un accident de voiture. Disons que j étais abattu par tout ça. Il m a fallu plus d un an pour m en remettre. J étais aussi TELLEMENT déçu après autant de d années de travail et d espoirs depuis l âge de 10 ans. Je tombais de tellement haut. Du jour au lendemain, tu te retrouve facteur à Postes Canada. J ai de bons souvenirs c est certain. Le sport m a donné une belle discipline. Mais ça s est mal terminé Et pendant ce temps, les deux autres Denis volaient allègrement vers d autres cieux Ça s est bien passé pour eux. Très bien. De beaux contrats professionnels. De gros bonus. L été, ils revenaient en ville avec leurs grosses voitures, Porche ou Datsun ZX et moi je leurs servais des hot- dogs dans une cantine.

5 Il était trop tard pour reprendre le collier, frapper à d autres portes? J ai essayé. Toutes les portes étaient fermées. Pourquoi? Par qui? Je ne saurais dire. Je me garderai d en dire plus. Mais si vous étiez chez- moi, en personne, je vous en dirais davantage «off the record». N oubliez pas que je suis encore impliqué dans le hockey chez les jeunes. Et vos contacts avec les deux autres Denis? En 86, on a formé une école de hockey à Verdun. Environ 300 jeunes impliqués activement pendant une session de trois semaines au cours de l été. On a fait ça pendant 5-6 ans. L ami Savard voulait donner un peu de son nom et de son temps aux jeunes de son coin. Leur redonner ce que nous avions reçu. Moi j ai fait une pause du coaching pendant un moment mais je suis revenu dans le réseau à titre de directeur technique à Ville Lasalle pour le hockey mineur. Coach en chef des entraîneurs, si l on veut. Coacher les jeunes n est plus mon truc. Les temps ont changé et ce n est plus une partie de plaisir Ah bon? Il y a beaucoup d enfants- rois. On entend parfois des jeunes du Midget répondre un «fuck you» à leur entraîneur. Lorsqu ils sont plus vieux, c est moins pire. Ils ont plus de focus et sont plus sérieux. Mais il y a aussi les parents. Un jeune sur 10 mille atteindra la LNH ne pourraient- t- on pas «slaquer» la poulie et relaxer un peu? Ma blonde est enseignante et constate la même chose. Les parents ont toujours raison. Je ne sais pas où cela va nous mener mais, Bonne chance. Revenons à vos deux amis et complice J ai toujours été très heureux de ce qui leur est arrivé. Les ai toujours suivi à la TV. Ils ont aussi toujours été fidèles dans leur amitié et le sont demeurés. Denis Savard n a pas changé. Je l ai revu l an dernier lors d un tournoi à Québec. Un gars qui a de la classe.

6 Si on revient à l époque du Junior, vous étiez tous les trois également convaincus que vous aviez le talent et les ressources pour aller loin? C était une évidence. Des talents et des ressources différentes mais ça s équivalait. Denis Cyr a été repêché par Calgary, a ensuite été échangé à Chicago où il a rejoint l autre. Sa carrière s est terminée à St- Louis. Il a enfin été directeur- gérant de l équipe de Peoria, le club école de Saint- Louis. Que Denis Savard se retrouve au Temple de la Renommée n a donc pas été une surprise pour vous Si un joueur le méritait, c était bien lui. Il a accumulé plus de 1000 points dans sa carrière, a inventé le «spinorama» dans la Ligue Nationale (un tourniquet de 360 degré pour déjouer le joueur adverse) et avec son modeste gabarit, ce qu il a fait a été phénoménal. On l a ou on l a pas!. Denis Tremblay Il a une fille de 26 ans, avocate en Droit commercial et un gars de 24 ans gradué au MBA.