Déficit auditif et vie professionnelle : une gageure? un enjeu?

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1 Déficit auditif et vie professionnelle : une gageure? un enjeu? Docteur Alain LONDERO O.R.L. Hôpital Européen G. Pompidou (Paris) IFPEN (Rueil-Malmaison) 1

2 Chapitre 1 La surdité : généralités 2

3 Epidémiologie des troubles auditifs : Un enjeu de santé publique Environ 20% de la population française présente des troubles auditifs hypoacousie acouphènes hyperacousie 5 millions de français sont malentendants déficients auditifs profonds déficients auditifs moyen à sévère déficients auditifs léger à moyen 40 % des malentendants ont moins de 59 ans et sont actifs à jeunes présentent des troubles auditifs sévères Chiffres en constante augmentation (bruit, vieillissement) Moins de 20% des malentendants sont appareillés 3

4 Audition normale 4

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6 Voies auditives 6

7 Audiogramme 7

8 Perte auditive..\hearloss.exe.lnk (Mark Huckvale, University College London) 8

9 Audition pathologique Il n existe pas «UNE» surdité mais «DES» surdités en fonction de l origine, du type, de la sévérité, du retentissement, des troubles sensoriels associés Surdité sévère ou totale de naissance pré-linguale (1/1000 naissances) Structuration du système nerveux central autour de la surdité Oralisation difficile Langue des signes (LSF) utilisée aujourd hui par français environ Possibilité de correction par implant cochléaire après dépistage néonatal Importance de l offre de scolarisation et d apprentissage professionnel Surdité acquise post-linguale De degré variable (50% légère, 50% moyenne sévère ou profonde) Conséquences fonctionnelles variables selon degré, type, capacités cognitives. Correction possible : appareillages, aides techniques, rééducation Importance de la compensation en particulier sur le lieu de travail 9

10 Chapitre 2 Devenir sourd au travail 10

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12 Le bruit au travail 3 millions de travailleurs exposés à des niveaux sonores potentiellement dangereux avec 7% des actifs exposés pendant plus de 20h par semaine à > 85 dba (Source INRS) 67% des actifs se déclarent dérangés par le bruit sur le lieu de travail (Source Agence Européenne Sécurité et Santé au Travail) 3 à 4000 cas/an de surdité liée au travail Industrie, bâtiment Centres d appels téléphoniques Musique amplifié, spectacles Open-space Raffineries, forages, bancs moteurs Voyages en avion (Source INRS) (Tableau 42 maladies professionnelles) 12

13 Les conséquences auditives du traumatisme sonore 13

14 TRAUMATISME SONORE : lésions des cellules ciliées 100 db 110 db 120 db

15 Les conséquences auditives du traumatisme sonore Altération temporaire puis définitive des seuils audiométriques Troubles de l intelligibilité en particulier dans le bruit Acouphènes, hyperacousie 15

16 Conséquences cognitives L exposition au bruit, en particulier à la parole et à certaines musiques, entraine des déficits cognitifs essentiellement liés à des troubles de la mémorisation à court terme (mémoire de travail). Les composantes fréquentielles et la réverbération sont des facteurs importants Ce qui pose le problème de la «pertinence productive» des open-space? 16

17 Conséquences extra-auditives Conséquences physiologiques Céphalées, éduction du champ visuel Troubles musculaires Troubles du rythme cardiaque Hypertension artérielle Facteur de stress dans la mesure où il est chronique et incontrôlable Élévation des taux d adrénaline et de cortisol (hormones du stress) Conséquences négatives sur la qualité du sommeil Une exposition diurne de 12 heures à 85 db(a) provoque une réduction du nombre et de la durée des cycles de sommeil Un bruit nocturne >45dB(A) entraîne une diminution du sommeil profond Conséquences négatives sur les capacités attentionnelles Le bruit détériore la performance dans les tâches cognitives, surtout lorsqu'elles sollicitent la mémoire à court terme. On recommande 55 db(a) maximum pour un travail nécessitant une attention soutenue Augmentation des risques d accident du travail le bruit exerce un effet de masque sur les signaux d'alerte le bruit perturbe la communication orale le bruit détourne l'attention et induit une fatigabilité diurne 17

18 Nouvelle réglementation 2007 DIRECTIVE 2003/10/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL (6 février 2003) 18

19 Audition et vie professionnelle : prévenir le trauma sonore Mesures collectives Identification des personnels exposés Contrôle des niveaux et des durées d exposition Réduction du bruit à la source Surveillance audiométrique annuelle Campagnes de dépistage et d information (Journée de l audition) 19

20 Audition et vie professionnelle : prévenir le trauma sonore Mesures individuelles Insonorisation des postes de travail Equipements de Protection Individuelle Casques antibruit actifs ou non Bouchon antibruit (moulés, filtres linéaires ) Pas d exposition surajoutée (loisirs) 20

21 Chapitre 3 Etre malentendant au travail 21

22 Audition et vie professionnelle : la formation Enjeu capital pour les enfants nés en situation de handicap auditif sévère En 1988, seule une infime minorité des déficients auditifs (sourds sévères et profonds) accédait au baccalauréat et aux enseignements supérieurs Le nombre de bacheliers sur une classe d âge de 750 sourds en France était estimé à 50, soit 6.7 %. Obligation légale d offrir une scolarisation «normale» à tous les enfants en situation de handicap La loi du 11 février 2005 pour l égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, réaffirme et précise les conditions de la continuité du parcours scolaire de tous les élèves handicapés au sein du service public d éducation, et particulièrement celles qui concernent les jeunes sourds et malentendants. Écoles spécialisées dans le cadre du service public ou adaptation des conditions d enseignement Apprentissage de la langue des signes par malentendants et les normoentendants Le programme de Langue des Signes Française (LSF) s inscrit dans le cadre d un enseignement bilingue tel qu il est prévu par la loi n pour l égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées - enseignement que les parents peuvent choisir pour leur enfant sourd. 22

23 Audition et vie professionnelle : la formation Peu de données épidémiologiques nationales mais il apparait que l accès à la formation et à l emploi des personnes malentendantes reste une gageure. Taux de chômage des personnes sourdes (estimations UNAPEDA 2006) Sourds profonds : 30 % soit demandeurs d emploi Sourds sévères : 15 % soit demandeurs d emploi 23

24 Audition et vie professionnelle : une situation insatisfaisante «le taux d emploi des travailleurs handicapés dans la fonction publique était de 4,4 % au 1er janvier 2008 contre 4 % le 1er janvier Dans le secteur privé, ce sont travailleurs handicapés qui étaient en activité, soit une hausse de 12 % par rapport au 1er janvier Le nombre d entreprises ayant recours à des travailleurs handicapés est passé de 53%, au 1er janvier 2007, à plus de 56% au 1er janvier 2008, ce qui représente nouvelles entreprises» (Source Ministère du Travail 30/10/09) «Cependant, la grande majorité des personnes handicapées accèdent tardivement à l insertion professionnelle dans les administrations. Les raisons sont fondamentalement liées au retard en termes d égalité des droits. De nombreux travailleurs handicapés exerçant dans l administration rencontrent des difficultés pour tout avancement dans leurs carrières» (Source JO Sénat du 22/10/2009) On rappellera l obligation légale d un taux minimal d'emploi de personnes handicapées de 6% ainsi que du strict respect du droit à l égalité des chances garanti par le «Défenseur des Droits- HALDE» 24

25 Audition et vie professionnelle : témoignage «Il y a un peu plus d'un an, quand j'ai intégré le service, j'étais très content de rejoindre cet univers professionnel et humain. Mais je suis assez vite rendu compte que, malgré l'appareillage extrêmement perfectionné dont je dispose, il m'était impossible de suivre correctement les réunions. Les situations de "tests", qui durent quelques minutes dans les conditions optimales, sans sujet compliqué, avec 2 interlocuteurs concernés qui articulent, ça n'a rien à voir avec la réalité d'une réunion de 4 heures, des domaines complexes et 20 personnes qui ne font aucun effort, assises à distance, dans une salle immense et affreusement mal sonorisée. Le cerveau d'un sourd sévère appareillé tient dans ces conditions à peu près une vingtaine de minutes, et très vite, il lui devient impossible de retenir quoi que ce soit. Très vite, l'écho de l'amplification des appareils réglés «à fond» devient très agressif. Je ne parle même pas de prise de notes. Maintenir à la fois toute son attention, sa concentration, fixer son interlocuteur, faire l'effort d'entendre, de comprendre, reconstituer, retenir, sélectionner, d'écrire, exploiter, le tout instantanément et des heures durant : c est impossible.... J'envie mes collègues qui écoutent distraitement, décontractés, sans fixer leurs interlocuteurs à se déboîter les globes oculaires, sans douleurs cervicales à force de se raidir pour entendre. Il y a au delà de cette souffrance, de cette détresse que l'on tait quand on est sourd, un sentiment d'immense solitude.» 25

26 La prise en charge du travailleur malentendant Prise en charge par nature multidisciplinaire impliquant Le médecin «traitant» L ORL Le médecin du travail L assistante sociale Les services sociaux (MDPH, FIPHFP, AGEFIHP) L audioprothésiste Les prestataires de services de solutions techniques le patient et son entourage et l employeur 26

27 La prise en charge du travailleur malentendant Rôle clef des services de médecine du travail Dépistage de la surdité lors de l examen d embauche Identification et acceptation de la situation de handicap Identification et résolution des problèmes induits par le handicap auditif (communication orale, alarmes ) Déclaration MDPH (reconnaissance travailleur handicapé, ouverture de droits, aides financières) Surveillance de l évolution de la surdité et des moyens d adaptation du poste Identification des situations à risque Exposition aux bruits Exposition aux solvants Reclassement professionnel si nécessaire 27

28 Aides auditives Traitement digitalisé du signal Multi-canal Algorithmes de compression Algorithmes de filtrage du bruit Détection de la parole Anti Larsen Position T 28

29 Des outils hi-tech communicants Connectique HF, Bluetooth ou Wifi Entre prothèses Avec des micros déportés Avec les téléphones portables Avec la télé, l Ipod Permettant de nombreuses applications sur le lieu de travail 29

30 L avenir de l aide auditive Implant d oreille moyenne Prothèse totalement implantée Indications encore limitées Implant Cochléaire Surdité bilatérale profonde Intérêt indiscutable si surdité profonde acquise Surdité prélinguale: LSF ou implant débat éthique 30

31 La prise en charge du travailleur malentendant : aides techniques Ergonomie et position du poste de travail Limitation du bruit ambiant Limitation de la distance entre locuteur et salarié Pas de contre jour Téléphones amplifiés Alarmes visuelles ou vibreurs Equipement des salles de réunion en boucles magnétiques T Services en ligne de visio-interprétation en Langue des Signes Française (LSF) et de sous-titrages simultanés, via connexion internet. Pour les collaborateurs sourds ou malentendants accession: au travail collaboratif (réunions, conférences,..) à la formations et à la vie de l entreprise Pour les managers et les collaborateurs possibilité de: travailler et échanger avec un collègue sourd ou malentendant de façon «ordinaire» 31

32 La prise en charge du travailleur malentendant CR visite de poste de travail Afin d'améliorer les conditions d'écoute du salarié à son poste de travail sont proposés les aménagements suivants : Déplacer l'imprimante couleur du bureau G4 au bureau G3 (demande faite par le salarié). Ceci nécessitera de réorganiser l'aménagement du bureau G3 qui est un bureau de passage en accord avec les autres personnels du service. Proposer un nouveau poste téléphonique avec touche amplification et un relevé des touches importantes Installation d une boucle T dans la salle de réunion Adaptation des alarmes sonores (type incendie) très mal entendues par le salarié avec ajout d une alarme visuelle Evaluation des mesures prises dans un délai de six mois 32

33 Une limitation majeure : le coût Guide aides techniques pour malentendants J. Goust Ed NERET 2009 Prothèses auditives (coût 1000 à 2000 par oreille) Prise en charge médicale Sécurité sociale : 130 x 2 Mutuelle : variable Prise en charge sociale Nécessite des démarches volontaires Aide technique (coût variable k ) Prise en charge médicale Quasi nulle Prise en charge sociale Impose acceptation et reconnaissance du handicap Evaluation du handicap : barème Guichet unique MDPH Maison départementale des personnes handicapées Projet personnalisé 33

34 Conclusion L audition est un sens précieux d alerte et de communication sociale Sa préservation est indispensable face aux multiples agressions dont elle peut être victime en particulier sur le lieu de travail La prise en compte du handicap auditif dans le cadre de la scolarité, de la formation professionnelle et sur le lieu de travail s intègrent tant dans le cadre des nécessaires missions de santé publique que dans celui de la légitime reconnaissance sociale du handicap et de l égalité des chances 34