Le son dans. Par Maël Bocquart

Transcription

1 Le son dans «LAS VEGAS PARANO» Par Maël Bocquart Las Vegas parano est un film de terry gilliam sorti en 1998 avec Johnny Depp (Raoul Duke) et Benicio Del Toro (Dr Gonzo) dont le titre original est Fear and loathing in Las Vegas (qui veut dire «peur et dégoût à Las Vegas») adapté du roman du même nom écrit par Hunter S. Thompson.

2 Raoul Duke, journaliste de l'extrême, et son énorme avocat, le Dr Gonzo, partent en flèche dans une décapotable écarlate, le coffre bourré de précieux trésors, incluant les pires boissons et produits pharmaceutiques connus de l'homme pour trouver, une fois pour toutes, le Rêve Américain, au dernier endroit où on puisse encore le trouver. Pour le poète du XVIIIème, William Blake, la route de l'excès menait au palais de la sagesse. Pour Raoul Duke et le Dr Gonzo, cette route emprunte un chemin sinueux qui conduit directement à Las Vegas... C est l évocation caustique et brillante de l'année 1971 aux Etats-Unis, pendant laquelle les espoirs des années soixante et le fameux rêve américain furent balayés pour laisser la place à un cynisme plus politiquement correct. Dans ce film où deux réalités (celle du monde réel et celle de la vision due à la drogue) s affrontent et/ou se mélangent, le son est un élément fondateur de ces deux mondes.il permet au spectateur de se situer et en même temps au réalisateur de le manipuler entre les deux réalités jusqu à le perdre.les moyens utilisés par Terry gilliam sont multiples pour produire cet effet.la voix-off permet également de jouer sur ces deux tableaux, ainsi que la musique omniprésente dans le film, qui a également un rôle déterminant dans le film. Bruitages Il y a plusieurs niveaux d interprétations du son et des bruitages en particulier.tous les sons sont diegetiques.c est la perception qu on en fait à travers les personnages principaux qui les rendent hors propos ou non et qui les placent dans l une ou l autre réalité. Le premier consiste à avoir le même son entre le monde dit «sain» et le monde «altéré».nous faisons la connexion entre le sain et l altéré par un son semblable.par exemple les cris de chauve souris au début du film introduisent l idée puis la vision pittoresque d un vol de chauve-souris en plein jour en plein desert.le son joue ici un rôle transitif entre les deux realités.ils maintient le

3 spectateur sur des repères communs.le son est un vrai mais existant seulement dans la tête de Raoul. Le deuxième niveau consiste à faire le sens inverse.c est-à-dire avoir un son complètement loufoque puis qui s avère finalement être tiré de la réalité du film.par exemple pendant la course de moto, Raoul entend un bruit de mitraillette.il pense qu on lui tire dessus.evidemment on pense que c est une hallucination auditive comme il en a eu auparavant et pourtant un véhicule bourré de chasseurs avec une mitrailleuse sort de derrière une dune. Le troisième niveau et le plus répandu dans le film consiste à avoir un son qui accompagne l hallucination visuel.pour cela tous les moyens sont bons pour accentuer par l audio ce coté anarchique de la perception : distorsion du son, décalage par rapport à son referant visuel, lecture inversée, volume différent. Dans le flash-back dans la boite de nuit, tout les sons et dialogues sont au ralenti, signe d une perception altéré. Des fois le son en hors champ permet d imaginer l hallucination de Raoul (par exemple avec l ours blanc et la serveuse). Le niveau sonore détermine quelle réalité prend le dessus sur l autre.le son est lié à la perception des personnages.souvent subjective la camera rend compte de cela, invitant le personnage à entendre comme le personnage.souvent les éléments qui sont à l écran ont un rendu sonore mais quand ils disparaissent, le son aussi.nous pouvons en déduire une perception réduite de l environnement de la part de Raoul et de son avocat, ce qui s applique aux objets et personnages et se répercute sur le spectateur. Une des caractéristiques du traitement du son est l accentuation mise par Terry Gilliam sur certains sons plus proches et plus audibles qu ils ne devraient l être, pour leur donner un caractère agressif, inapproprié.les sons liés à la télévision,à l argent, aux armes et les bruits corporels (souvent conséquents de la prise de drogue ou d un comportement anormal) bénéficient d une augmentation de volume qui,connaissant les idéaux de l auteur, participe à la critique acerbe du film sur ce qui rend la réalité si brutale, voire bestiale.la bestialité étant l état recherché inconsciemment par les personnages pour échapper à leur réalité d homme.

4 Voix-off off et dialogues La voix-off est une sorte de narration intérieure de Raoul, un dialogue avec luimême autant qu avec le spectateur.elle appartient à plusieurs temps : -Raoul Duke raconte l expérience en même temps qu il l a vit : il y a une sorte de mise en abîme et un écho en lui-même de ces propres propos.la voix-off vient parfois se synchroniser avec le dialogue montrant qu il ne sait plus si il dit ce qu il pense ou pense seulement ce qu il croit avoir dit (il se pose d ailleurs la question dans la voiture avec l autostoppeur). -Raoul raconte un flashback.il y a alors visuellement ce que narre la voix-off. -Raoul tape à la machine en même temps qu il raconte sa vision des choses.c est alors la retranscription sonore de ce qu il ecrit.du moins on le suppose car on ne voit pas les écrits. Mais est-ce que tout la narration serait finalement que la retranscription de ces écrits, vécus dans le présent ou par flash-back par le spectateur?c est difficile à dire étant donné l enchevêtrement complexe de ces temps mais c est ce que la fin nous laisse supposer. Le son diegetique s ecrase pour laisser place à la voix-off à chaque fois.les pensées de Raoul prenne alors de l importance et une portée significative sur la scène presque muette qui l entoure.raoul et la voix-off, commentant ce que nous voyons, permettent de prendre du recul sur les évènements fous et aussi d approcher la psychologie de Raoul.Cela est important car nous pouvons en apprendre sur les motivations dans la prise de drogue et cela en ajoute au ressort comique.la version française à ce propos est complètement inadequate.elle présente des hommes sans difficultés d expression et sans tics, imposés par toutes les addictions aux drogues. Les dialogues ont toujours une priorité sur tout l environnement sonore, à l exception de la voix-off.malgré le capharnaüm autour deux, nous pouvons toujours entendre assez clairement les dialogues qui rendent compte leurs absurdités parfois mais surtout d un langage qui leur appartient.

5 La musique La musique est omniprésente dans le film.celle-ci a plusieurs fonctions.de plus, le choix des chansons par Terry Gilliam démontre sa motivation à apposer des musiques à des endroits spécifiques.dr Gonzo dit à Raoul au début du film qu il faut pour leur voyage un magnétophone pour «musique spéciale», ce qui annonce déjà que la musique tient un rôle motivateur. Tout d abord, elle est placée presque systématiquement en début de séquence nouvelle.cela permet de redynamiser l intrigue, et d une certaine manière de cautionner les accélérations de rythme et de mouvements de la part des personnages. La musique est aussi caractéristique du lieu.par exemple, quand ils sont en voiture dans les rues de Las Vegas, la musique est toujours celle de Tom Jones, crooner célèbre, modèle des shows de la ville du jeu.pendant le voyage et notamment dans les séquences en voiture c est une musique plus rock n roll, caractéristique de l époque hippy des années 60 et d une certaine idée de liberté.quand ils sont dans les casinos et plus particulièrement ceux à thèmes, c est une musique correspondante aux thèmes, comme dans le casinocirque.toutes ces chansons qui accompagnent les lieux où mêmes des situations récurrentes, permettent de créer une atmosphère particulière qui lie à la fois le lieu, les personnages et la perception qu ils ont du lieu et les spectateurs.cette musique peut également être distordue comme les sons suivant le contexte et l état des personnages. Le compositeur Michael Kamen, qui a notamment travaillé sur Pink Floyd the wall et sur plus d une cinquantaine de films très diverses, montre une aptitude particulière et un recul pour cerner la musique d une generation.car c est la déchéance d une génération que relate le film, à travers la musique en partie.dr Gonzo, dans sa volonté de mourir dans la baignoire électrocuté par le magnétophone qui diffuse une musique particulière et propice à sa fin, traduit le retranchement des personnages dans la musique, un point de ralliement d une génération mais aussi le fait que la musique est un moyen pour le dépassement de soi, pour une transe, un échappatoire de sa condition humaine.

6 Il est évident que le son et la musique tiennent une place primordiale dans Las Vegas Parano car ils apportent une masse d informations sur les personnages tout d abord, rendant compte à la fois de la réalité du film et à la fois des perceptions diversement altérés sous l emprise des différentes drogues.ils donnent au spectateur des clés importants sur les thèmes traités pas le réalisateur comme la fuite de la réalité à travers les drogues et la musique mais aussi des effets de ces drogues qui donnent des hallucinations féroces, altère la perception du monde réel et font faire des actes destructeurs.le travail sonore sur le film est exemplaire et pointu pour mieux dépeindre, grâce à toute la palette audio désorientant à guise le spectateur, une génération perdue.