Epidémiologie des maladies pulmonaires et recherches actuelles
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- Irène Petit
- il y a 8 ans
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1 33 Epidémiologie des maladies pulmonaires et recherches actuelles Dr. med. Jean-Pierre Zellweger Rue de Locarno 1, 1700 Fribourg Les pneumologues sont souvent les premiers concernés par les changements de la qualité de l air ou des habitudes de vie de la société. En Suisse, on évalue à 8000 le nombre des décès prématurés dûs à la cigarette et à 3000 celui qui résulte des effets de la pollution atmosphérique (Künzli 2000). Les efforts de recherche dans ce domaine sont malheureusement encore insuffisants en regard de l importance des maladies respiratoires dans notre société. La tuberculose reste un thème permanent La tuberculose est toujours considérée par le public comme une maladie importante, bien que le nombre de cas diminue régulièrement en Suisse et ne se monte actuellement qu à 500 par an environ. Sur le plan mondial en revanche, la maladie touche chaque année quelque 8 millions de personnes, dont 2 millions vont décéder d une affection pourtant curable. Les causes en sont multiples, parmi lesquelles l augmentation démographique, la coinfection avec le virus VIH et le manque de ressources attribuées à la lutte antituberculeuse. La tendance naturelle des mycobactéries à développer des résistances si le traitement médicamenteux est inadéquat, connue depuis l introduction de la streptomycine en 1946, a conduit à l émergence progressive de souches résistantes aux deux antituberculeux majeurs que sont l isoniazide et la rifampicine (multirésistance ou MDR-TB), puis à celle de souches résistantes également aux antituberculeux de réserve (tuberculose extrêmement résistante ou XDR-TB). D après les données de l Office Fédéral de la Santé Publique, le nombre de souches multirésistantes est limité et stable en Suisse (environ 7 cas par an). De tels cas peuvent être guéris avec les moyens disponibles dans notre pays, mais le traitement est beaucoup plus coûteux, long et difficile. La recherche se concentre actuellement sur le développement de méthodes plus rapides de diagnostic et de détection des résistances médicamenteuses et sur le développement de nouveaux médicaments, dont aucun n est cependant attendu dans un avenir proche. De même, l introduction d un vaccin réelle-
2 34 ment efficace, solution théoriquement idéale pour enrayer la progression de la maladie, n est pas encore en vue. La BPCO, les fumeurs, les particules fines et SAPALDIA La BPCO (terme général encore peu connu du public et désignant les différentes formes de Broncho-Pneumopathie Chronique Obstructive) augmente progressivement dans notre société. Elle représente actuellement la quatrième cause de décès, essentiellement du fait qu il n existe aucun moyen certain de ralentir la progression de la maladie une fois celle-ci déclarée, en dehors de l arrêt de la fumée, de l administration d oxygène et de la transplantation pulmonaire (fig 1). Alors qu on ne disposait jusqu à présent que des données de mortalité, on possède maintenant, grâce à l étude SAPALDIA (Swiss Study on Air Pollution And Lung Disease In Adults) de données précises sur la prévalence de l asthme (6,8%) et de la BPCO (9,1%) dans la population adulte (Bridevaux 2008). Sur 5000 personnes de 18 à 62 ans choisies au hasard et suivies dans 8 régions de Suisse, 1,3% ont développé chaque Fig 1: Mortalité due à la BPCO en Suisse (source: Office fédéral de la statistique) 4800 COPD, Anzahl Todesfälle (inkl. Nebendiagnosen) Männer Frauen Total
3 35 année une BPCO, et ceci concerne avant tout les fumeurs âgés. La cause en est la fumée de tabac mais aussi d autres polluants atmosphériques. SAPALDIA a démontré que les concentrations en particules fines dans l air extérieur ont baissé entre 1991 et 2002, grâce aux mesures de protection de l environnement et que cette baisse s est traduite par une diminution des symptômes de BPCO et par un ralentissement du déclin de la fonction ventilatoire (Downs 2007, Schindler 2009). Malheureusement, 40% de la population Suisse vit encore dans des régions où la concentration en poussières fines (PM10) dépasse la valeurseuil moyenne annuelle, fixée à 20 mcg/m3. Grâce au soutien réitéré du Fonds National, cette étude de cohorte unique au monde pourra se poursuivre au cours des trois prochaines années. Elle devrait bientôt fournir des informations précises sur le nombre de décès prématurés attribuables à la pollution atmosphérique, en particulier celle due aux particules fines. Fig 2: Mortalité due au cancer pulmonaire en Suisse (source: Office fédéral de la statistique) 3200 Lungenkrebs, Anzahl Todesfälle Männer Frauen Total
4 36 Les observations menées dans de nombreuses villes européennes, entre autres à Zürich, Bâle et Genève, ont révélé une corrélation entre l augmentation momentanée des taux de poussières fines dans l air les jours de brouillard et le nombre des hospitalisations et des décès par affections cardiaques et respiratoires: la mortalité augmente en moyenne de 0.6% lorsque la concentration en poussières fines dans l air ambiant augmente de 10 mcg/m3. La BPCO n est pas seulement une affection pulmonaire isolée mais également une affection inflammatoire généralisée, qui s accompagne fréquemment d une atteinte coronarienne. L interaction entre les phénomènes inflammatoires et les processus de réparation influence le pronostic de la maladie. Pour cette raison, à côté du traitement par des stéroides inhalés et de la réhabilitation respiratoire, l effet des traitements actifs sur le système circulatoire tel les statines, fait l objet de recherches. L asthme une maladie de la civilisation Comme dans la plupart des pays occidentaux, la prévalence de l asthme a augmenté chez les jeunes au cours des années 90, pour se situer à 10% environ selon l étude SCARPOL (Swiss study on Childhood Allergy and Respiratory symptoms with respect to air POLlution). Depuis 1993 en revanche, le taux semble avoir atteint un plateau (Braun 2004). L augmentation a été attribuée à la pollution atmosphérique, à une diminution de la taille des familles et à une diminution de l exposition des enfants vivant en milieu citadin aux infections et aux produits issus des endotoxines bactériennes, qui touchent particulièrement ceux qui sont nés en automne. Dans ce domaine également, la recherche porte sur la possibilité d un traitement curatif, sur l importance de la surveillance de la fonction ventilatoire et sur le suivi thérapeutique, outre la carence d exposition à la fumée passive, débutant déjà au cours de la grossesse. Cancer pulmonaire: l augmentation est maîtrisée chez les hommes seulement! Les efforts de prévention intensifs qui ont suivi les premières publications relatives à l association entre la fumée et le cancer pulmonaire par le Surgeon Ge-
5 37 neral américain, il y a 45 ans déjà, ont conduit en Suisse aussi à une régression de la mortalité par cancer pulmonaire, mais celle-ci ne concerne actuellement que les hommes. Chez les femmes fumeuses, l incidence du cancer pulmonaire continue à augmenter. La recherche se focalise surtout sur le développement de traitements palliatifs nouveaux et coûteux et moins sur la prévention et le dépistage précoce de la maladie. Syndrome d apnées du sommeil et ventilation à domicile: un thème nouveau et important Le syndrome d apnées du sommeil (SAS), affection bien définie et investiguée depuis les années 80, s observe actuellement dans 2 à 4% de la population adulte des pays occidentaux. Chez nous également, la fréquence de cette affection augmente, en partie en raison de l augmentation de la tendance à l obésité de la population. Le SAS est reconnu comme un facteur de risque majeur de l hypertension artérielle, des accidents vasculaires cérébraux et coronariens et comme une cause importante d accidents de la route (endormissement au volant). Le traitement par assistance ventilatoire nocturne à pression positive (CPAP) est suivi en quelques semaines d une amélioration de la qualité du sommeil et d une diminution significative du tonus sympathique, de la pression artérielle moyenne et de la rigidité vasculaire (Kohler 2008). La ventilation non invasive à domicile, à laquelle de nombreux travaux ont été consacré en Suisse, a profondément modifié la prise en charge des maladies neuro-musculaires. Maladies pulmonaires interstitielles: une nouvelle menace dans le domaine respiratoire Les processus de réparation excessifs qui peuvent se manifester après une inflammation dont l origine n est pas toujours connue peuvent conduire à un épaississement des parois alvéolaires et à un trouble progressif de la diffusion des gaz et à une diminution de l élasticité du tissu pulmonaire. Parmi les quelque 150 formes de pneumopathies interstitielles connues, les fibroses pulmonaires idiopathiques (IPF), dont le pronostic est défavorable, sont en augmentation en Suisse. La préva-
6 38 lence est estimée à cas pour habitants. La maladie prédomine chez les hommes de plus de 65 ans. Elle ne répond pas aux traitements médicamenteux et ne peut être corrigée que par une transplantation pulmonaire. Les cas de fibrose pulmonaire idiopathique sont suivis de manière prospective dans le cadre du Registre Suisse des maladies interstitielles et orphelines. Les nanoparticules agissent-elles comme l amiante? La nanopathologie ou pathologie associée aux nanoparticules apparaît comme un tout nouveau domaine de recherche. Les nanoparticules, dont la taille ne dépasse pas 100 nanomètres, traversent les parois alvéolaires et passent en quelques secondes dans la circulation et dans les organes internes tels que le système nerveux central. Elles peuvent également pénétrer à travers les terminaisons du nerf olfactif (Gwinn 2006). Les nanotubes sont des formations identiques aux fibres d amiante mais de taille 100 fois plus petites. Les nanotubes de carbone peuvent provoquer sur le péritoine des souris des lésions comparables à celles dues à l amiante (Poland 2008). La poussière dégagée par la destruction des tours jumelles de New York le 11 sept 2001 a provoqué chez de nombreuses personnes des lésions pulmonaires et des symptômes inexpliqués, groupés sous le terme de «WTC lung». Les lésions rappellent les lésions pulmonaires dues à l amiante. Celles-ci peuvent se manifester jusqu à 30 ans après l exposition, la plus importante étant le mésothéliome pleural, actuellement en augmentation en Suisse (fig 3, communication personnelle Dr M. Ruegger, SUVA). A l heure actuelle, il n est pas encore possible de définir les effets des nanoparticules sur la santé humaine, mais on doit s attendre à observer des lésions pulmonaires dues à l exposition à des produits toxiques, comme l épidémie qui a résulté de l emploi de sprays imperméabilisants contenant des nanoparticules en 2006 (Pauluhn 2008). On peut malheureusement craindre que les développements technologiques précèdent la reconnaissance des effets nocifs sur la santé humaine.
7 39 Fig 3: Mortalité due au mésothéliome en Suisse (source: SUVA) Reference List Kunzli N, Kaiser R, Medina S, Studnicka M, Chanel O, Filliger P et al. Public-health impact of outdoor and traffic-related air pollution: a European assessment. Lancet 2000; 356: Bridevaux PO, Gerbase MW, Probst-Hensch NM, Schindler C, Gaspoz JM, Rochat T. Longterm decline in lung function, utilisation of care and quality of life in modified GOLD stage 1 COPD. Thorax 2008; 63: Downs S, Schindler C, Liu LJS, Keidel D, Bayer-Oglesby L, Brutsche M, Gerbase ME, Keller R, Künzli N, Leuenberger P, Probst-Hensch N, Tschopp JM, Zellweger JP, Rochat T, Schwartz J, Ackermann-Liebrich U. Reduction in PM10 attenuates age-related lung function decline in adults. N Engl J Med 2007; 357: Schindler C, Keidel D, Gerbase MW, Zemp E, Bettschart R, Brändli O, Brutsche MH, Burdet L, Karrer W, Knöpfli B, Pons M, Rapp R, Baver-
8 40 Oglesby L, Künzli N, Schwartz J, Liu LJS, Ackermann-Liebrich U, Rochat T. Improvements in PM10-Exposure and reduced rates of respiratory symptoms in a cohort of swiss adults. Am J Resp Crit Care Med 2009; in press. Pope CA, Ezzati M, Dockery DW. Fine-particulate air pollution and life expectancy in the United States. New Engl J Med 2009; 360: Gwinn MR, Vallyathan V. Nanoparticles: Health effects- Pros and Cons. Environ Health Perspect 2006; 114: Poland CA, Duffin R, Kinloch I, Maynard A, Wallace WA, Seaton A, Stone V, Brown S, Macnee W, Donaldson K. Carbon nanotubes introduced into the abdominal cavity of mice show asbestos-like pathogenicity in a pilot study. Nat Nanotechnol 2008; 3: C. Braun-Fahrländer, M. Gassner, L. Grize, K. Takken-Sahli, U. Neu, T. Stricker, H.S. Varonier, B. Wüthrich, F.H. Sennhauser. No further increase in asthma, hay fever and atopic sensitisation in adolescents living in Switzerland. Eur Respir J 2004; 23: Kohler M, Pepperell JCT, Casadei B, Craig S, Crosthwaite N, Stradling JR, Davies RJO. CPAP and measures of cardiovascular risk in males with OSAS. Eur Resp J 2008; 32: Pauluhn J, Hahn A, Spielmann H. Assessment of early acute lung injury in rats exposed to aerosols of consumer products: attempt to disentangle the «magic nano» conundrum. Inhal Toxicol. 2008; 20:
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