Message et contribution à l'assemblée générale d'unification de la Communion mondiale d'eglises réformées

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1 Eglises réformées Berne-Jura-Soleure Conseil synodal Case poste, 3000 Berne 23 Tél direct: Fax Aux délégués de l Assemblée générale d unification de la Communion mondiale d Eglises réformées Berne, le 25. mars 2010 Message et contribution à l'assemblée générale d'unification de la Communion mondiale d'eglises réformées Chères sœurs et chers frères, A vous toutes et à vous tous, déléguées et délégués des Eglises réformées du monde entier réunis pour l Assemblée générale d unification de la nouvelles Communion mondiale d Eglises réformées (CMER), nous adressons un cordial salut de Berne, en Suisse! Nous sommes heureux et reconnaissants que cet événement historique pour les Réformés puisse se dérouler du 18 au 27 juin 2010 à Grand Rapids. La création de l Assemblée générale d unification nous engage à apporter notre pierre à la réussite de la coexistence réformée à l échelle mondiale. Nous prions et voulons œuvrer pour que la nouvelle communion mondiale soit plus qu un simple regroupement d Eglises réformées. Elle doit permettre d initier un processus communautaire à travers lequel les Eglises réformées puissent rendre témoignage les unes envers les autres de ce qu elles confessent, de leur évolution vers l ouverture œcuménique et de leur responsabilité dans la construction d un monde plus juste. Le message que nous vous adressons est le suivant : nous avons besoin de la Communion mondiale d Eglises réformées en tant qu expression et voix de notre communion dans la foi en Jésus Christ, enracinée dans notre tradition réformée commune. Au sein de la CMER, nous entendons poursuivre sur le chemin d Accra et explorer ensemble la façon dont nous pouvons définir et vivre une économie qui donne à chacun «ce dont il a besoin» et une théologie de la miséricorde mutuelle. Ces salutations vous sont transmises de la seule Eglise réformée dans le monde à l heure actuelle dont les membres constituent la majorité de la population dans les régions de son ressort territorial; femmes, hommes et enfants appartiennent à notre Eglise, laquelle est regroupée avec les autres Eglises réformées de Suisse au sein de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). Nous vivons en un lieu où la Réforme s est développée et s est enracinée. Avec Zwingli, nous partageons l idée que la justice humaine trouve aussi son origine en Dieu et que sa finalité réside dans Sa justice. Quant à Calvin, nous l avons étudié de manière approfondie et redécouvert l an passé à l occasion de l année du jubilé: nous en retenons notamment que l économie doit être au service de l être humain, que propriété et responsabilité sociale vont de pair et que le bénéfice sur le capital est soumis à des règles précises.

2 Page 2 Nous sommes heureux qu à travers la FEPS, qui représente les Eglises suisses auprès de l Alliance réformée mondiale (ARM), et lors de nos rencontres directes, il nous a été donné d entretenir d étroits échanges avec l ARM et bon nombre d entre vous au cours des dernières années. En octobre 2008, le pasteur Clifton Kirkpatrick et le pasteur Setri Nyomi, respectivement président et secrétaire général de l ARM, ont été nos hôtes à Berne. Ils ont encouragé notre Eglise a s affirmer clairement en faveur de l œcuménisme. Ils nous ont demandé et mis au défi de réfléchir au chemin parcouru sur la voie de l œcuménisme depuis l assemblée générale de l ARM de 2004 à Accra et d en rendre compte. Cette lettre est une réponse à leur demande. Dans un courrier du 13 août 2009 adressé à l ARM, le Conseil synodal des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure a salué l orientation de la nouvelle Communion mondiale d Eglises réformées telle qu elle ressort du projet de constitution. En tant qu Eglise réformée, nous avons besoin de l unité visible de nos familles confessionnelles, et cela plus que jamais en cette période où le monde traverse une crise profonde. Ensemble, nous pouvons apporter une contribution substantielle à l unité œcuménique élargie des Eglises, nous montrer des interlocuteurs fiables envers d autres chrétiennes et chrétiens, et participer à la transformation du monde dans notre tradition réformée en oeuvrant, sur la base de «la Parole du Dieu trinitaire, incarnée en Jésus Christ, Parole révélée par la force de l Esprit Saint dans les Saintes Ecritures de l Ancien et du Nouveau Testament» (art. 2, projet de constitution), en faveur de «la justice économique et écologique et de la paix et de la réconciliation dans le monde» (art. 5). Pour reprendre la formule très pertinente du professeur Nico Koopman (Afrique du Sud) lors d un récent congrès de l ARM, la communion d Eglises est une communion trinitaire de la solidarité, de la réconciliation et de la justice. Nous nous retrouvons comme vous tous dans le thème de l Assemblée générale tiré d Eph 4: «Unité de l esprit par le lien de la paix». Lors de la consultation ARM de mars 2009 à Rüdlingen, Martin Hirzel, de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse, a résumé la grande tâche qui nous attend: «Confesser et proclamer doit s accompagner d un engagement en faveur d un monde plus juste et porteur d espoir. (...) C est dans ce lien très étroit entre foi et engagement que je situe l objectif de la Confession d Accra et de l Alliance pour la justice économique et écologique. communion / koinonia signifie solidarité vécue, compassion pour la détresse de notre prochain et du monde dans lequel nous vivons. Prenant appui sur notre tradition réformée, et ayant lu les signes des temps, l Assemblée générale de l Alliance réformée mondiale affirme que la justice économique au niveau mondial est un élément essentiel pour l intégrité de notre foi en Dieu et pour notre qualité de disciples en tant que chrétiens.» La Confession d Accra nous a placés devant un défi. Certains d entre nous ont été troublés par la clarté du langage de ce document historique des Eglises réformées mondiales, mais beaucoup ont été stimulés et encouragés: «Nous croyons que Dieu a fait une alliance avec toute la création. Dieu a suscité sur terre une communauté fondée sur la perspective de la justice et de la paix. L alliance est un don de la grâce qui ne saurait être vendu au marché.» La signification majeure d Accra réside dans le fait qu elle a transformé le débat sur le système économique dominant en une question de foi pour nous. En décembre 2008, notre Synode a transmis à une large majorité un postulat nous invitant, en tant que Conseil synodal, «à être conséquent avec sa mission mais aussi avec les engagements qu'il a pris ces dernières années, à réaffirmer publiquement - et au sein de la FEPS - la Confession d'accra de l'alliance réformée mondiale».

3 Page 3 En 2003, nous avons publié une «policy» intitulée «Pour une mondialisation de la justice», qui représentait une contribution pour les discussions de l assemblée générale de l ARM de 2004, en même temps que le fruit de débats animés au sein de notre Eglise. Nous y soulignons que les Eglises réformées Berne-Jura-Soleure font partie de l Eglise universelle et du mouvement œcuménique mondial et que par conséquent: «Nous nous efforçons ( ) d assumer nos responsabilités au plan global. Ainsi, nous nous engageons à étendre notre champ de vision à la perspective de toutes les personnes concernées par la mondialisation, y compris à celle des victimes et des perdants.» La mission des Eglises réformées y est formulée avec un certain radicalisme découlant de sa tradition biblique et réformatrice: «En notre qualité d Eglise, nous maintenons d une part que la codécision en matière de mondialisation est possible et d autre part qu elle doit être motivée par un souci de justice.» Enoncés il y a sept ans, ces principes restent tout aussi valables aujourd hui, les crises mondiales les ont même rendus encore plus pertinents et nécessaires. Dans cette policy, nous nous sommes engagés à mener une réflexion biblique et théologique sur des «questions d actualité de portée globale ou régionale». Lors de séminaires œcuméniques organisés respectivement avec des invités du Sud et du Nord, nous avons mis en dialogue les analyses économiques et les enseignements fondamentaux de la Bible. La Confession d Accra nous a guidés dans nos analyses, celles-ci étant basées sur la démarche en trois étapes bien connue de la théologie de la libération: «voir, juger, agir». Une contribution du professeur argentin René Krüger explorant notre rapport avec Mammon à partir de l Epître de Jacques nous a particulièrement interpellés. Sur la base de Jacques, nous nous sommes posé des questions de fond sur l économie actuelle mondialisée et néolibérale et ses conséquences pour les personnes marginalisées. Nous avons mené une réflexion sur notre rapport à la richesse dans un pays riche, en nous intéressant à la limite étroite qui sépare le besoin personnel de sécurité matérielle, et la cupidité à laquelle nous sommes aussi exposés en tant que chrétiennes et chrétiens. Nous fondant sur le message biblique, nous avons constaté que tout système économique devrait avoir pour objectif premier d offrir «ce dont chacun a besoin». Il ne doit pas viser une maximalisation des profits au bénéfice de quelques-uns, mais la survie de tous. C est l option en faveur des pauvres. Et cette position pour/avec les marginalisés implique forcément un devoir d assistance des riches envers les pauvres, comme l exige le prophète Isaïe (Es 58,6-7). Ce devoir d assistance, qui s exprime non pas dans un acte de bienfaisance venu d en haut, mais par un rapport d égalité nourri par l amour du prochain, le Nouveau Testament le nomme miséricorde. Dans la parabole du bon Samaritain (Lc 10,25-37), celui qui souffre et celui qui lui vient en aide fraternisent - dans un élan de miséricorde concrète. Cette miséricorde, Jacques, dans son Epître, la considère aussi comme la clef des rapports entre riches et pauvres, comme la seule clef qui permette aux riches d échapper au jugement (Jc 2, 13): «En effet, le jugement est sans pitié pour qui n a pas eu pitié ; la pitié dédaigne le jugement». A partir de ces réflexions, nous cherchons ensemble - et avec vous aussi - quelles sont les possibilités qui s offrent à nous, en tant que communauté ecclésiale mais aussi en tant qu individus, de mettre en œuvre une économie qui assure «assez pour tout le monde» et de vivre la miséricorde en développant à petite échelle des alternatives économiques à l économie mondialisée. Tirant les enseignements de ces séminaires, nous venons à Grand Rapids dans l espoir que soit engagé un processus commun qui mette au centre de ses réflexions la miséricorde vécue sur un pied d égalité entre nos Eglises du Sud et du Nord. Comment cette miséricorde «symétrique» peutelle s épanouir au sein de la nouvelle communion réformée et faire ainsi fructifier la relation entre unité et justice?

4 Page 4 La confession de foi de notre famille réformée mondiale face aux destructions économiques et écologiques se révèle d autant plus juste et pertinente lorsqu on observe les crises profondes que connaît le monde d aujourd hui et l échec manifeste des modèles de développement et des systèmes économiques développés jusqu ici. La catastrophe climatique pour laquelle la communauté mondiale réunie à Copenhague n a pas su trouver de solution adéquate en est l illustration. Nous vivons dans un centre du secteur banquier et portons à cet égard une lourde responsabilité si les forces totalement débridées du marché de l économie virtuelle de la finance remettent en question le droit de beaucoup à une existence digne. Et même dans notre propre société, il devient manifeste que la mondialisation économique échappe à tout contrôle. Cela ne peut pas continuer ainsi. Il est difficile de dire aujourd hui quelle forme prendra l économie mondiale, régionale et locale et quelles structures politiques et sociales naîtront des transformations actuelles et des nouveaux rapports de force qui en résulteront. Au sein de la communion réformée, nous aimerions trouver dans la foi des réponses modestes, mais utiles à ces grandes questions. Nos paroisses accomplissent fidèlement leur mission de proclamation de la parole, de diaconie et de transmission de la foi. Mais toutes ne placent pas forcément la question de la justice au centre de leur confession et de leur action au nom de Jésus Christ, loin s en faut. Nous sommes une Eglise du Nord très normale, nous vivons au milieu de contradictions, trop souvent nous nous focalisons à tort sur nos structures, nos ressources financières, notre préoccupation de l avenir en négligeant ainsi leurs dimensions œcuméniques. Chaque jour nous oublions et négligeons le grand défi d «Accra» selon lequel «Dieu nous appelle à entendre les cris des pauvres et les gémissements de la création, ainsi qu à suivre la trace de la mission publique de Jésus Christ, venu pour que tous aient la vie, et qu ils l aient en plénitude» (Jn 10, 19). Beaucoup de questions que nous nous posons ne peuvent être résolues qu avec vous : comment pouvons-nous vivre de façon prophétique dans un pays riche? Quelle attitude adoptons-nous, Eglises occidentales, face aux richesses? Le théologien brésilien Paulo Suess, qui a prononcé un exposé lors de notre dernier séminaire sur la coopération des Eglises au développement, a- t-il raison lorsqu il postule que l aide aux pauvres et aux personnes marginalisées n est crédible que si elle s accompagne d une critique du système capitaliste? Pouvons-nous adopter la perspective de la victime tout en poursuivant le dialogue avec les puissants? Croyons-nous vraiment en notre capacité à transformer le monde? Nous nous réjouissons avec vous de l Assemblée générale d unification à Grand Rapids! Il est bon que ce soit précisément aux Etats-Unis que la famille réformée se retrouve pour s unifier comme elle doit l être. Nous attendons de Grand Rapids une confession clairement audible jusqu à la base en faveur de la miséricorde mutuelle, de l unité et de la justice. Le lieu où se déroule l assemblée n est pas anodin: l assemblée générale à Accra avait suscité une confrontation douloureuse avec l histoire de l esclavage et du racisme, histoire dans laquelle nos Eglises étaient aussi impliquées; la réunion de cette année s inscrit dans le prolongement qu il convient de donner à cette histoire: l esclavage et son abolition, la tendance occidentale persistante à un impérialisme dominateur, le destin des «Premières nations». Nous ne pointons personne du doigt, les USA font partie de notre propre histoire. Beaucoup de gens de notre région ont justement émigré ici pour fuir une extrême pauvreté ou des persécutions religieuses. Notre système de valeurs, comme notre politique climatique ou le capitalisme financier pour prendre des exemples concrets, mais aussi nos traditions religieuses, sont étroitement liés à la réalité des USA. A Grand Rapids, nous retrouvons notre propre histoire, notre propre identité.

5 Page 5 Nous sommes heureux que des femmes et des hommes de notre Eglise puissent participer à l Assemblée générale d unification à Grand Rapids, que ce soit dans le cadre de la délégation suisse officielle ou en tant que participantes ou participants libres. Nous nous réjouissons en particulier de la présence de plusieurs jeunes gens de notre Eglise venus notamment en qualité de participantes et participants au programme d étude «Global Institute of Theology» ou comme personnel d accueil. A vous toutes et à vous tous, nous souhaitons une Assemblée générale d unification fructueuse et placée sous la bénédiction divine! Avec nos cordiales salutations AU NOM DU CONSEIL SYNODAL Le président: Le chancelier: Andreas Zeller Anton Genna