Séminaire Eau et Sécurité Alimentaire en Méditerranée (SESAME) Montpellier, France, février Discours d ouverture.

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1 Séminaire Eau et Sécurité Alimentaire en Méditerranée (SESAME) Montpellier, France, février 2013 Discours d ouverture Mohamed Ait Kadi Président du Conseil Général du Développement Agricole, Maroc Mesdames et Messieurs ; Il m échoit l honneur d introduire par quelques réflexions liminaires, au côté du Vice-président, Bertrand Hervieux, les débats auxquels nous allons nous exercer durant ces 2 jours. Mais avant, je tiens à vous remercier vivement pour votre participation. L idée de réunir le SESAME est le fruit d un partenariat intellectuel privilégié développé, depuis longue date, par le Conseil Général de l Alimentation, de l Agriculture et des Espaces Ruraux de France et le Conseil Général du Développement Agricole du Maroc. Ce partenariat a permis non seulement une réflexion partagée sur des sujets d intérêt commun mais aussi une meilleure connaissance et compréhension mutuelle. Nous avons estimé que l élargissement de ce partenariat intellectuel à notre région méditerranéenne revêt une importance particulière dans la période actuelle où nos sociétés sont secouées par de violentes convulsions détraquant nos grilles de lecture et affolant la boussole de notre jugement. Mais face à l ampleur des défis, notre ambition reste modeste. Nous avons pris le parti d approfondir la réflexion sur la question de l eau et de la sécurité alimentaire en méditerranée mettant à profit la dynamique introduite par le rapport du Conseil Général français sur «l eau et la sécurité alimentaire face au changement global» Ce rapport a apporté, à mon avis, une contribution décisive sur la problématique de l eau et la sécurité alimentaire au 6 ème Forum Mondial de l Eau tenu au mois de mars 2012 à Marseille. 1

2 Je voudrais rendre un hommage appuyé à tous ceux qui ont bien voulu témoigner de l intérêt à notre initiative et ont contribué à la transformer en une réalité. Je voudrais citer : l'afd qui a mobilisé ses différents départements et réseaux dans les pays de la rive sud et apporté son soutien financier ; Agropolis international qui a bien voulu être l'organisateur, à Montpellier, du Séminaire et qui a fait relais avec la communauté scientifique et les acteurs régionaux ; Le Plan Bleu et le CIHEAM qui ont notamment réuni des données et établi des cartes et graphes sur les indicateurs de l'eau et de la sécurité alimentaire au niveau méditerranéen le Conseil général de l'environnement et du développement du Ministère de l'ecologie et l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse ; la région Languedoc Roussillon qui a apporté un soutien financier apprécié; l'association Echanges Med, l'ime, Jean Margat Nous devons aussi de vifs remerciements à tous les membres du comité d organisation pour l excellent travail accompli, qui a nécessité pas moins de 8 réunions de ce comité depuis son installation en mai Mesdames et Messieurs ; Le thème de notre séminaire est complexe par ses multiples dimensions politique, économique, sociale, culturelle et environnementale dans un monde d interdépendances et de changements qui bouleversent les structures d organisation et de production, les modes de consommation et les relations d échanges. Aujourd hui, notre interdépendance s est accrue bien loin de ce qu on imagine. Les chocs économiques et financiers se sont propagés beaucoup plus rapidement que par le passé. Avec la crise économique nous avons découvert que l effondrement d une partie d une économie provoque une réaction en chaine à travers le globe. Avec le changement climatique nous avons pris conscience que notre planète est un tout indivisible. Avec la crise alimentaire nous avons réalisé que nous dépendions des productions d autres pays et de leurs politiques commerciales. La dimension des défis auxquels le monde est confronté aujourd hui est sans commune mesure avec celle que nous connaissions il y a à peine une génération. 2

3 Les réponses à ces crises devenues globales ne peuvent être que globales. Mais, force est de constater que la gouvernance reste dans une large mesure locale. La plupart des pays sont focalisés sur leurs problèmes domestiques et n accordent que peu d attention aux négociations multilatérales que ce soit, par exemple, sur le changement climatique ou sur le commerce international qui sont aujourd hui dans l impasse alors que nos pays en sont les plus affectés eu égard notamment à notre sécurité alimentaire. D ailleurs, la crise alimentaire de 2008 a bien révélé qu elle ne pouvait être résolue par chaque pays agissant isolément. C est ainsi que des décisions non coordonnées prises par des pays sous forme d interdictions des exportations et/ou sous forme d importations massives ont conduit à des disfonctionnements du marché international qui ont aggravé la crise. Il est clair qu une gouvernance globale et régionale à la hauteur de l ampleur des risques globaux ne peut se limiter à la mobilisation de la lourde machinerie institutionnelle, elle a besoin d objectifs et je dirai même de valeurs partagés. Aucune réaction collective n est, en effet, possible sans une perception partagée et acceptée de la nécessité du changement des comportements individuels et sociétaux. La dynamisation des valeurs morales constitue une nécessité pour une coopération globale au-delà de la globalisation mercantile. Notre région méditerranéenne a tous les atouts pour être à l avant-garde et montrer la voie au reste du monde. Une autre caractéristique qui marque aussi ce 21 ème siècle réside dans le fait que les défis sont devenus fortement interconnectés. L eau, la sécurité alimentaire, l énergie et le changement climatique ont des interconnections qui sont souvent ignorées dans l élaboration des solutions et la prise de décision concernant chacune de ces problématiques lorsqu elle est considérée individuellement. Les approches simplificatrices et parcellisantes sont réductrices et ne permettent pas de clarifier les arbitrages (trade-offs) entre les usages multiples des ressources et de mieux raisonner les trajectoires de développement. Le succès ou l échec d une politique dépend du niveau de compréhension par le décideur de ces interactions et de cette complexité dans des contextes versatiles et incertains. L expérience, l intuition ou le bon sens non seulement ne suffisent plus mais ils peuvent être contre-productifs. C est pourquoi la compréhension, pas seulement de la multidimensionalité des problèmes mais aussi des interconnexions de leurs solutions est essentielle dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques et la mobilisation du consensus nécessaire. 3

4 Le contexte politique a beaucoup changé dans notre région. Il y a un intérêt croissant des gouvernements, du secteur privé, des groupes d intérêt et de l opinion publique en général pour davantage de transparence, de redevabilité dans la prise de décision, de résultats et de performances. Nous espérons vivement que, dans ce contexte, l initiative SESAME soit le prélude d une plateforme de réflexion, un «Think Tank» qui se prêtera à une relance vers l avenir en livrant une vision globale des défis de l eau et de la sécurité alimentaire. Cette plateforme doit être un laboratoire d idées qui puise dans le formidable réservoir scientifique de notre région pour nourrir les dialogues et les débats et pour identifier des stratégies alternatives innovantes et pragmatiques afin de relever les défis auxquels notre région est confrontée. Car, nous devons reconnaître qu aujourd hui les recettes du passé semblent s essouffler et qu elles s avèrent insuffisantes à elles seules pour nous permettre de répondre de façon durable, politiquement et socialement acceptable à la fantastique progression de la demande en eau et en aliments. Si l on désire éviter des cassures de plus en plus en plus explosives, il devient nécessaire et urgent de réviser nos paradigmes, nos stratégies et nos actions de développement. Mesdames, Messieurs ; Permettez-moi, avant de conclure, d illustrer mon propos par l exemple de la nouvelle stratégie agricole du Maroc. Sa dénomination «Le Plan Maroc Vert» voudrait exprimer tout l'espoir que notre pays place dans le développement de son agriculture. Cette stratégie repose sur une dynamisation de pôles de haute productivité et de haute valeur ajoutée, tant dans la production que dans les industries agroalimentaires, que nous développons à travers, en particulier, un investissement massif, des partenariats public-privé et des modèles d agrégation innovants (Pilier I). Le plan Maroc Vert repose, en même temps, sur une modernisation accélérée des petites et moyennes exploitations agricoles dont le potentiel est resté longtemps sous exploité (Pilier II). Le Plan Maroc Vert prend en compte les opportunités que nous offre la diversité de nos territoires et les options que celle-ci nous donne pour répondre aux demandes nouvelles du marché national et mondial. Mais ce plan est en même temps soucieux de promouvoir une double durabilité, celle des 4

5 conditions de vie de nos populations rurales et celle de notre environnement, base évidente du potentiel de production agricole. Le Plan Maroc Vert se fonde sur le principe d'une agriculture pour tous, sans exclusive, adaptée à chaque type de territoires et à chaque type d'acteurs. Ce principe est fondamental car les défis posés par l'ouverture de notre économie, par les retards et la pauvreté du monde rural et par la dégradation de notre environnement nous obligent à agir de sorte que tous les territoires et tous les producteurs trouvent leur place dans un ensemble national, en valorisant au mieux la diversité de leurs opportunités et potentialités respectives. De ce fait, le Plan Maroc Vert s est inscrit en rupture totale avec le modèle d intervention qui a dominé l agriculture mondiale. Ce modèle a contribué par la standardisation qu il impose à une vision appauvrie du développement agricole, inhibant largement un potentiel d innovation fondé sur la richesse de la diversité, sur la mobilisation des acteurs et sur l adaptation aux opportunités de marché. Ce modèle a ainsi marginalisé la petite exploitation agricole et nourrit les dualismes. Ce principe d une agriculture pour tous nous a conduit à porter une grande attention à l'agriculture de nos montagnes, de nos oasis, et de nos plaines et plateaux du semi-aride, puisque celles-ci représentent ensemble les 2/3 de la surface agricole du pays, 35% de la superficie irriguée, 70% de nos exploitations et 80% de notre population agricole. Pour nous, la mise en œuvre efficace du Pilier II du Plan Maroc Vert consacré au développement solidaire de la petite agriculture est décisive. Dans cette perspective, une attention particulière est accordée aux produits de terroirs compte tenu de l'exceptionnelle qualité et diversité de ces produits notamment dans les zones de montagne et oasiennes. Cette diversité et cette qualité sont mises à profit pour créer de la plus value. L'enjeu est stratégique. En effet, les marges de progrès possibles sont considérables et le développement des produits et des dynamiques de terroir est certainement la meilleure voie pour garantir à terme une compétitivité et donc une durabilité aux agricultures montagnardes et oasiennes. Notre dispositif d'action a été conçu pour permettre l'engagement dans cette direction des producteurs et une mise en œuvre efficace de la nouvelle loi sur les signes de qualité: AOP, IGP 5

6 et labels. Il facilite également l'engagement de la petite agriculture dans une logique de professionnalisation, et le regroupement de l offre pour atteindre une dimension économique permettant un meilleur accès au marché. Notre ambition est celle de créer une agriculture «tertiairisée» contribuant à la diversification de l économie rurale et générant des revenus et surtout des emplois pour les jeunes. Le chemin parcouru et les résultats significatifs obtenus confortent la crédibilité de nos ambitions. Mesdames, Messieurs Les défis auxquels fait face notre région et les péripéties de nos transitions démographiques, sociales, économiques et politiques rendent nécessaire un nouvel ordre de solidarité permettant de mobiliser le meilleur des savoirs pour infléchir nos conceptions d ensemble, nos choix de développement vers une adaptation beaucoup précise aux nouvelles exigences de nos sociétés. Notre initiative SESAME exprime cette volonté de solidarité et de partage dans la réponse aux grands enjeux de l eau et de la sécurité alimentaire dans la région méditerranéenne. SESAME nous invite à innover en acceptant que la science et le savoir apportent des réponses aux problèmes cruciaux de la gestion de l eau et ceux de développement agricole et de l alimentation. A de nouveaux défis, de nouvelles solutions a dit le grand écrivain Amine Maalouf. Merci de votre attention 6