RAPPORT SUR LA VISITE DÉCENNALE N 2 DU RÉACTEUR 1 DU SITE DE FESSENHEIM
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- Martial Bédard
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1 RAPPORT SUR LA VISITE DÉCENNALE N 2 DU RÉACTEUR 1 DU SITE DE FESSENHEIM Jean Marie BROM, Gérard GARY, Monique SENÉ, Raymond SENÉ Groupement de Scientifiques pour l'information sur l'énergie Nucléaire 6 mars 2000
2 CONCLUSIONS
3 CONCLUSIONS Dans les limites du temps imparti (dernière réunion 9 février, rapport final discuté avec EDF le 28 février), les experts ont essayé de se faire une opinion sur l'adéquation de la VD2 via les contrôles et les actions en résultant, aux exigences de sûreté du site. Le groupe d'experts de la VD2 conclut comme celui de la VD1 que cette mission s'est faite "sans pouvoir cependant se livrer à une expertise exhaustive et à une étude globale". Cet état de fait résulte principalement : - du dossier en tant que tel : Le suivi du réacteur et les modifications résultant de son fonctionnement et de la mise à niveau de son état de sûreté ont démarré dès sa mise en route en Il faut être conscient de la complexité du dossier et du temps nécessaire pour le juger. Il s'y ajoute depuis 1987 la remise en cause (ou tout au moins le réexamen nécessaire compte-tenu de la découvertes de fissures type DIDR ou DSR) de la durée de vie du réacteur, liée à celle de la cuve. EDF a mis 10 ans pour répondre aux interrogations de l'autorité de sûreté et ses conclusions quant à une durée de vie de 40 ans ne sont toujours pas acceptées. Nous ne pouvons que le signaler et le rappeler avec insistance. - d'un dialogue pas toujours évident où les arguments d'autorité l'emportent souvent sur une approche plus scientifique consistant à bien exprimer ses hypothèses et ses incertitudes pour en analyser le poids sur les calculs et, in fine, sur le temps de vie des cuves. LA PREMIÈRE MISSION D'EXPERTISE (VD1) avait permis un regard extérieur sur les opérations de contrôle menées à l'occasion de la visite décennale d'un réacteur. Même si les experts avaient manqué de temps et si l'accès aux documents (en 1989) fut difficile, cette analyse avait permis de pointer un certain nombre de problèmes. Mais il faut être conscient que pour apprécier l'état de sûreté d'un réacteur, un coup de sonde tous les 10 ans est un peu illusoire. Il faut prévoir un suivi plus systématique, sous l'égide de la CLS, en ayant recours, si besoin est, à des experts ne relevant ni de l'autorité de sûreté, ni de l'exploitant, ni des constructeurs. CETTE SECONDE MISSION DE CONTRE-EXPERTISE (VD2) s'est déroulée dans de meilleures conditions qu'en Cependant, pour pouvoir mener à bien une telle mission il faudrait pouvoir disposer de plus de temps pour analyser les dossiers et pour cela il faudrait pouvoir les obtenir plus rapidement. Rappelons qu'une clause de confidentialité est dans la convention, clause portant sur les documents, pas sur nos avis. Nous avons accepté cette clause donc il n'était pas utile de la reprendre à chaque demande de dossier, ce qui ne pouvait que générer des retards dans la transmission des documents (exemple le dossier générique cuves 900).
4 (A) LES CONCLUSIONS DES EXPERTS DE LA VD1 ont permis la prise en compte de contrôles complémentaires et leurs observations formulées lors de la visite du site ont également contribué à améliorer la sûreté. Cependant certains points noirs signalés sont restés en l'état. - risque hydrogène Le risque hydrogène n'a toujours pas été pris suffisamment en considération. Bien que EDF affirme que l'enceinte puisse résister à une déflagration, rien ne garantit, de fait, sa tenue à une explosion détonnante. Ce point reste et les dernières expérimentations menées à Phébus (réacteur d'étude de l'ipsn) ont montré que certaines des hypothèses admises dans les calculs français devaient être revues. - dispositif d'ouverture de la vanne de dépressurisation de l'enceinte à travers le filtre à sable. La refermeture de cette vanne est indispensable pour assurer le confinement du bâtiment. Les solutions permettant d éviter l'irradiation éventuelle du personnel auraient dû être mises en oeuvre depuis longtemps. Il nous semble que cette modification essentielle ne doit plus être différée. - tenue du bâtiment combustible (résistance à une agression externe, risque de sortie de produits radioactifs, détection neutron, risque inondation). La résistance du BK à une agression externe est toujours aussi faible. La surveillance radiologique dans le bâtiment ne prend pas en compte la problématique d un accident de criticité, ni une dosimétrie neutronique opérationnelle des travailleurs. Ces deux points sont à revoir au plus vite. La problématique "inondation" a refait surface avec les problèmes du Blayais lors de la tempête du 28 décembre 1999 mais ce problème aurait dû être solutionné depuis Dans le dossier de l'ipsn il est indiqué: " -les sites de FESSENHEIM et de TRICASTIN sont implantés à proximité d'un canal dont la ligne d'eau est supérieure à la cote de leur plate-forme. Pour ces sites également, il conviendra de réexaminer les dispositions particulières mises en oeuvre. " Il conviendra de donner suite à cette recommandation importante. Cette révision comporte en particulier un réexamen de la tenue aux séismes de la digue. Nous n'avons pas eu connaissance de quelconques travaux liés à cette mise à niveau de la digue. (B) L'ANALYSE DES INCIDENTS SURVENUS DEPUIS 1989 fait ressortir quelques points récurrents : - suivi des matériels (vieillissement des composants). De l'analyse des incidents, il ressort que la maintenance préventive n'est pas toujours appliquée. - erreur de procédures, Dans la liste des incidents il apparaît qu'un effort doit être fait pour mieux définir les consignes, en particulier en procédure exceptionnelle. -suivi local des incidents.
5 Localement l'analyse globale des incidents par la DRIRE ne semble pas avoir été menée à son terme. Si au niveau national des bilans sont faits, il est important que les enseignements soient tirés des séquences incidentelles directement pour le site. Un bon retour d'expérience exige une analyse détaillée du fonctionnement du réacteur justement lors des erreurs. (C) PRISE EN COMPTE EN VD2 DE CERTAINES CONCLUSIONS DE LA VD1, et plus particulièrement des points suivants : - contrôle de la plaque de partition des GV, - inversion du sens de circulation de l'eau primaire up-flow, down-flow, - vérification des volutes de pompes primaires, - comportement aux séismes. Les réétudes semblent s'adresser surtout à la tenue des matériels, et pas à celle des bâtiments ni des ouvrages tels que la digue. - inspection par des experts non-edf, - ventilation complémentaire contre le risque hydrogène. (D) EN VD2 UN CERTAIN NOMBRE DE MODIFICATIONS IMPORTANTES ONT ÉTÉ RÉALISÉES : - réfection de l'instrumentation de mesures du niveau GV, - pose de limiteurs de débit interne dans les GV, - changement de l'échangeur EAS. Ces deux derniers points, suite à l'inspection de janvier, doivent être suivis et EDF doit apporter des compléments de dossier. Nous avons relevé que CERTAINES INTERVENTIONS que devaient subir des matériels N ONT PAS ÉTÉ MENÉES À TERME : - le cas de la vanne RCV est assez exemplaire. Cette vanne s'est avérée non conforme au dossier constructeur. Elle a donc été changée. Mais ce changement n'a pas permis de mettre en oeuvre sur le nouvel équipement le renforcement de sa motorisation, pour des raisons de géométrie, ce qui était la modification programmée. Nous pouvons légitimement nous poser la question de la qualification préalable de la nouvelle vanne et de l'adéquation de sa motorisation à la fonction qu'elle doit assurer. - le remplacement des vis défectueuses des internes inférieures de la cuve n'a pu être effectué en raison de la non-qualification du robot de maintenance. Ces deux exemples mettent en lumière un carence, située loin en amont du site, dans la préparation d'une grosse opération telle la VD2. Cette carence du niveau central perturbe l'organisation d'une opération lourde et peut avoir des implications tant sur les intervenants que sur la sûreté de l'installation. Il nous semble qu'il y a une insuffisante concertation entre les divers niveaux opérationnels.
6 (E) LES CONTRÔLES RÉGLEMENTAIRES DE LA VD2 ont été menées sur la tenue en service du réacteur (comptabilisation des situations -IPS en particulier-) ainsi que sur la cuve et l'enceinte. - la comptabilisation des situations : Cette démarche est très importante. La mise à jour du dossier de comptabilisation doit faire évoluer positivement la sûreté du réacteur. S'il est clair qu'il faut utiliser le retour d'expérience pour l'estimation de la tenue des matériels faut-il le faire à l'aide de subdivisions dans les "situations"? Il ne faudrait pas que les subdivisions deviennent un artefact permettant de masquer des dépassements de la prévision de conception. La question n'est pas sans implications fortes sur la sûreté. Il nous semble indispensable qu'une plus grande symbiose existe entre les équipes de conduite et celle de la comptabilisation des situations. - le bâtiment réacteur : En ce qui concerne l'enceinte nous avons constaté des décollements de la peau interne. Même si le bâtiment a satisfait aux critères de fuites, un suivi de cette peau est nécessaire. Il s'agit de la troisième barrière. - la cuve : Même si à Fessenheim il n'a été décelé qu'un seul défaut pleine virole de 5,7 mm x 14 mm, le dossier n'est pas terminé et on ne peut, à notre avis, conclure sur la durée de vie des cuves. Ce dossier est d'autant moins clos que nous venons tout juste d'avoir le rapport sur Fessenheim et que nous ne pouvons en un temps aussi court (28 février mars 2000) en faire une analyse détaillée et pertinente. Voici, d'ailleurs, l'avis de la DSIN (juin 1999) sur le sujet (lettre DSIN /DIJ/BCCN/PM/CL/N ) : «Je note l'effort de mise en forme par vos services de nombreux travaux sur le sujet mais je considère qu'il est encore insuffisant pour conclure à la tenue des cuves à 40 ans dans les conditions accidentelles postulées, tout particulièrement pour les cuves les plus sensibles du parc français. Toutefois je considère, au vu des éléments disponibles, que, sous réserve de la réalisation des conrôles demandés ci-après et de résultats probants, la tenue des cuves 900 MWé peut être considérée comme assurée au moins jusqu'à l'échéance 30 ans vis-à-vis des transitoires que vous avez étudiés. D'une manière plus générale, sur le comportement des cuves sous irradiation, il reste les points suivants à préciser et prendre en compte : L'analyse des phénomènes physiques conduisant à une modification des caractéristiques mécaniques des matériaux sous irradiation neutronique doit continuer à faire l'objet de recherches fondamentales. Au niveau de l'ingénieur, la mise en oeuvre repose trop sur une approche empirique.
7 Cette analyse devrait étudier plus finement les effets liés aux spectres d'énergie des neutrons, y compris dans l'estimation des paramètres de fluence. La caractérisation du matériau vis à vis de la rupture est réalisée au moyen d'essais destructifs. La représentativité des éprouvettes utilisées, discutable par définition, joue donc un rôle essentiel. L'évolution de la ténacité avec la température est une considération expérimentale déduite de résultats d'essais présentant une forte dispersion. La notion de température de transition est donc conventionnelle, peu précise, et de mesure délicate. L'analyse de sûreté présentée par l'exploitant est résumée en termes de "marge" vis à vis de la température de transition. Ce paramètre ne nous paraît pas particulièrement parlant. Vis à vis de la rupture de cuve, et sans remettre en cause les scénarios accidentels envisagés, on aurait préféré que cette marge soit exprimée en terme de "longueur de fissure acceptable". En effet, les calculs montrent que la fissure "enveloppe" de profondeur 6 mm n'est pas critique mais on ne sait pas de combien. La tenue de la cuve en conditions pénalisantes relève de nombreux paramètres. Or, sur la plupart de ces paramètres, dont la caractérisation des matériaux (RTndt et défaut éventuels préexistants) ou la (les) sollicitation(s) (transitoire) on se heurte non seulement à des incertitudes difficiles à quantifier mais à des manques de connaissances. Il est alors difficile de parler de marges et de leur faire confiance. Une approche plus statistique devrait être engagée afin d'évaluer les paramètres et leurs incertitudes d'une façon plus quantifiée. Rappelons l'avis de la DSIN concernant le temps de vie des cuves, " la tenue des cuves 900 MWé peut être considérée comme assurée au moins jusqu'à l'échéance 30 ans vis-à-vis des transitoires que vous (EDF) avez étudiés " mais "il ( le dossier) est encore insuffisant pour conclure à la tenue des cuves à 40 ans dans les conditions accidentelles postulées." et celui des responsables du BCCN, exprimé dans l'article, "Cuve : de progrès en surprises" (Contrôle no 99 page 57 - revue de la DSIN) : "Compte tenu du nombre de mauvaises surprises déjà rencontrées dans ce dossier, il serait bien imprudent de conclure que tout va bien jusqu'à 40 ans. L'Autorité de sûreté, une fois menées les investigations à court terme permettant de traiter les suites du cas Tricastin, se concentrera sur une approche plus pragmatique. Il s'agit de savoir : - si tout ce qu'il faut faire avant 30 ans est bien prévu avec les bonnes échéances, - si l'on a des assurances suffisantes jusqu'à 30 ans, quitte à établir un dossier de démonstration moins ambitieux que l'actuel mais aussi plus conforme aux réalités prouvées à ce jour, - si tout ce qui est nécessaire sera mis en oeuvre avant 30 ans pour qu'à cette échéance on puisse se prononcer cuve par cuve sur une durée de vie résiduelle." En conséquence, nous affirmons avec force que, même si Fessenheim ne présente pas, en pleine virole de la zone coeur, des défauts de la taille de ceux de Tricastin, ceci ne clôt pas le dossier de la tenue des cuves sous irradiation, même pour celle de Fessenheim. Si d'une manière générale, lors de la VD2, EDF a réalisé un important programme de contrôles et de modifications, il n'en reste pas moins que des points essentiels que nous venons de répertorier restent en suspens. C'est pourquoi nous suggérons que la CLS puisse faire un suivi plus régulier des travaux effectués sur le site de Fessenheim (10 ans est un intervalle trop important).
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