La porte s ouvrit laissant entrer une jeune fille, elle ne devait pas avoir 18 ans. Elle s avança lentement et balaya la pièce du regard, il s arrêta

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3 La porte s ouvrit laissant entrer une jeune fille, elle ne devait pas avoir 18 ans. Elle s avança lentement et balaya la pièce du regard, il s arrêta sur une toile. «Les gens aiment beaucoup ce tableau, il leur rappelle les vacances, les souvenirs d enfance.» Elle ne répondit rien, elle ne répondait plus à quiconque. Elle s assit. «Les victimes de la roulette russe ont toujours été des hommes jusqu à cette nuit-là, la couverture médiatique a été énorme, commença le docteur Aderson. Certains ont fait des portraits très durs de vous. Il y a une personne pour qui peut-être vous voulez que votre version de l histoire soit connue ; vous avez donné la vie Je l ai prise aussi murmura-t-elle puis après une pause reprit, qu est-ce que vous voulez que je vous raconte? Le jour où tout a basculé, le début de la fin, le jour le jour le jour où j ai tué ma petite sœur? Vous ne l avez pas tué, dit Aderson. Ah oui?» lui répondit-elle les yeux fixés dans les siens, le regard dur, un sourire sans joie au coin des lèvres et une peine infinie sur le visage. «C était la nuit du 31 octobre, soir d Halloween, mes parents avaient organisé une réception avec tout 2 3

4 ce qui pouvait y avoir de riche, snob et clinquant dans les environs. La nuit était belle, le ciel constellé d étoiles, mais personne pour le regarder ; on voyait le Grand carré de Pégase briller de mille feux, mais dans le jardin tout le monde avait les yeux rivés sur les dizaines de citrouilles évidées qui balisaient le chemin jusqu à la maison, c était pathétique. Je revenais de la pharmacie, j étais sur les nerfs, le froid était mordant, je regardais pas vraiment où j allais, en entrant je percutais Eleanor et la poche de la pharmacie que je tenais tomba au sol laissant s échapper un test de grossesse. Elle le fixa, le ramassa le remis dans la poche, jetant des regards nerveux autour d elle, elle avait peur que quelqu un l ai vu. «Que de compassion, j en attendais pas autant de vous, commençais-je, je sentais la colère monter. Quel genre de mère se préoccupe plus Ce n est pas le moment de faire un de tes scandales, me coupa-t-elle. Je la fixais tout chez elle me révulsait. Bonjour, Dimitri, dit-elle en saluant au loin une de ses connaissances puis se tournant vers moi, hors de ma vue.» Je m exécutais avec plaisir. Je gravis les escaliers quatre à quatre, mais une fois devant la porte de la salle de bain, il me fallut dix minutes avant que j arrive à ne serait-ce que poser ma main sur la poignée. Quand ma main la toucha elle s ouvrit sans que je l aie actionnée, ma petite sœur Charlotte en sortit. Charlotte 15 ans beauté tragique clouée dans un fauteuil roulant. «Salut. On s est déjà vu ce matin, dit-elle. Moi aussi je suis contente de te voir.» 24

5 Elle passa devant moi sans s arrêter une couverture sur les genoux. «Qu est-ce que tu caches là-dessous? dis-je en approchant ma main. Rien j ai juste froid, dit-elle, elle mentait, mais vous savez c est un de ces moments où vous avez envie de croire les mensonges que l on vous dit, je sais pas, par lâcheté, par faiblesse, par facilité ou peut-être juste parce que vous êtes fatigué. Qu est-ce qu il y a dans ta poche, me demanda Charlotte en pointant du doigt le sac de papier que je tenais fermement dans mon poing. Rien, rien d important, finis-je par dire. On se regarda un moment, puis un bruit à l extérieur attira notre attention. Ça venait de la cuisine, je crois», dit Charlotte. «Qu est-ce que vous faites là? dis-je en voyant qui venait de pénétrer dans la maison. On est là pour t enlever, dit Pierre en s approchant de moi, ses lèvres à quelques millimètres des miennes. Il n y a pas d enlèvement si je suis consentante.» Il sourit et passa ses mains d un geste mal contrôlé dans mes cheveux, sur les joues, mes épaules puis le long de mes bras. «T aurais pas un peu de fric à m avancer? Pierre! dis-je en me dégageant de son étreinte. Ste plaît bébé, dit-il en me saisissant à nouveau. Je fermai les yeux quelques secondes et respirai profondément. Reste là, je vais le chercher. Je t aime» me dit-il, mon visage dans le creux de ses mains. 2 5

6 Quand je revins, le fauteuil roulant de Charlotte était sur le pas de la porte poussée par un pote de Pierre dont j ai oublié le nom. «C est quoi ce bordel? Elle vient avec nous, dit Pierre. Non elle ne vient pas avec nous! Je vous avais dit qu elle refuserait, dit Charlotte. Bien sûr qu elle refuse, m exclamais-je. Ta sœur veut juste s aérer un peu la tête, dit le pote de Pierre. Toi ta gueule! Hé calme-toi, me dit Pierre. C est bon je reste, dit Charlotte. Charlotte Je On veut juste qu il ne t arrive rien de mal. Et au final il ne m arrive jamais rien, je suis cloîtrée dans cette maison toute la journée. Et je finis par céder et saisis son fauteuil roulant. Ça ira plus vite si je» commença Pierre, mais je l interrompis ma voix était calme, mais tranchante, glaciale «Je m occupe d elle». La soirée chez Pierre fut identique à n importe quelle autre soirée chez Pierre, de la musique trop forte avec un son pourri, des cigarettes, de l alcool et toutes les drogues imaginables. Au bout d un moment je me rendis compte que je n avais pas vu Charlotte depuis un moment, une bouffée de panique monta en moi, je demandais à tout le monde s ils l avaient vu, par tout le monde je veux dire les cinq ou six épaves présentes, l un d eux me dit qu elle était dehors, dans le porche. «Salut, toi», dis-je en franchissant le pas de la porte d entrée, je m assis à côté d elle. «T as autant 26