Travailler. Musée des Arts décoratifs - 39 rue Bouffard Bordeaux Tel : musad@mairie-bordeaux.fr - bordeaux.

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1 Travailler Musée des Arts décoratifs - 39 rue Bouffard Bordeaux Tel : musad@mairie-bordeaux.fr - bordeaux.fr

2 Ce parcours fait partie d une thématique générale regroupant des visites autour des actions du quotidien (manger, boire, travailler, s asseoir ). Elle permet de replacer dans une perspective historique, s étirant du XVIIIème siècle à nos jours, l évolution d objets et de meubles dont les formes, les matières, les dimensions, etc., se sont adaptées aux nouvelles exigences de chaque époque. Les meubles d écriture (tables, bureaux, scribans, secrétaires ) sont le fil conducteur de ce parcours pédagogique sur le thème du travail. Le livret destiné aux professeurs leur apporte les connaissances nécessaires pour assurer la visite. Le livret pour les élèves privilégie une oeuvre dans chaque salle du musée accompagné d un court texte lui-même suivi d une ou de plusieurs questions d observation, de réflexion ou de connaissance. Ce parcours est suivi d une séance de prise de croquis dans le musée durant laquelle les élèves s inspirent des meubles qu ils ont découverts pour imaginer le bureau de leurs rêves.

3 rez-de-chaussée 1er étage

4 Qui parle de table de travail pense automatiquement au bureau, un terme qui renvoie toutefois aujourd hui à plusieurs acceptions : il désigne bien sûr le meuble destiné aux travaux d écriture, mais également la pièce renfermant ce meuble et qui est vouée à la pratique d une activité intellectuelle ou professionnelle. Enfin, par extension, c est l activité professionnelle elle-même, c est-à-dire une notion abstraite, qui est évoquée dans les expressions «se rendre au bureau», ou «collègues de bureau». Néanmoins, tous les «employés de bureau» et tous les jeunes écoliers pensent-ils une seule seconde que le nom qu ils donnent à leur lieu de travail et à leur meuble d écriture dérive en fait d un petit bout d étoffe grossière appelée «bura» en latin, puis «bure» en français, qui désignait une laine de moindre qualité que l on posait sur les tables au Moyen-Âge? C est pourtant bien ce tissu, avec lequel les moines confectionnaient également leurs robes, qui est à l origine de notre bureau. Mais tous les meubles de travail ne sont pas automatiquement des bureaux. Cette visite permet justement de découvrir les subtilités de cette famille de meubles, d un point de vue synchronique (typologie des différents modèles) et diachronique (du XVII e siècle à nos jours). Le parcours est conçu de manière à ce que le fil conducteur amène le visiteur à passer dans chaque pièce du musée pour qu il profite ainsi d un aperçu global des collections. Il était une fois... les Tables à écrire Pourquoi commencer par les tables alors que ce meuble évoque plutôt la gastronomie et le service? Tout simplement parce qu à l origine, dans la Rome antique, la Tabula était un terme bien spécifique qui désignait la planche à écrire, ou tablette, enduite de cire ou d argile, ainsi que le panneau public sur lequel on placardait les lois, les listes d électeurs ou encore les proclamations publiques. Le tabellarius quant à lui désignait le courrier. C est le mot Mensa qui était alors employé pour parler de la table destinée aux repas. Les tables à écrire mesurent moins d un mètre de long et sont plutôt réservées à un usage féminin. Considérées à l origine comme un meuble avant tout fonctionnel et soumis aux inconvénients de son utilisation (rayure de la plume ou des grains du saupoudroir, taches d encres, etc.) elles étaient d une très grande sobriété. Mais leur silhouette évolue dès la fin du 17 e siècle vers un plus grand raffinement. Cette attention nouvelle portée par les ébénistes à leur confection concerne tout d abord le décor, comme on peut le voir sur cette petite Table à écrire volante de la fin du XVII e siècle («volante» signifie qu elle n avait pas de place fixe mais que l on pouvait la déplacer d une salle à l autre selon le besoin, contrairement aux meu- Table à entretoise, vers 1700 Mairie de Bordeaux

5 bles dits «meublants») qui est présentée dans la seconde antichambre du rezde-chaussée de l hôtel de Lalande. Elle fait partie de ce que l on appelle les meubles portuaires, c est-à-dire des meubles réalisés à partir de bois exotiques que les navires ramenaient des îles et des pays lointains jusque dans les ports, comme Bordeaux dont le mobilier était entièrement en acajou plein ou de placage au XVIII e siècle. Le plateau de cette table est plaqué de loupe de noyer, les pieds sont en acajou. Elle possède un seul grand tiroir de façade destiné à ranger le matériel d écriture. Simples, pratiques et élégantes, ces petites tables vont également devenir personnalisables dès le règne de Louis XV, grâce à la prouesse des maîtres ébénistes, Jean-François Oeben en tête, qui lancent la mode des tables à écrire combinées (c est-à-dire à fonctions multiples) et à transformation (leur aspect varie selon les fonctions sollicitées). En effet, avec l avènement de Louis XV s affirme un besoin de confort et d intimité qui a pour conséquence la réduction de la taille des pièces d habitation et du même coup de la taille du mobilier qui doit s adapter à ce nouvel environnement. La Table liseuse du Salon de compagnie en est un exemple. Datée, environ, de 1750, elle est de forme rognon (évoque la forme des reins) typiquement Louis XV, avec des pieds cambrés à cinq pans. Elle est appelée tableliseuse car son plateau est muni d un pupitre à crémaillère (crans amovibles) à inclinaison réglable pour y placer un livre que l on pouvait lire à la lumière de la cheminée grâce à l écran enroulé qui protégeait le visage de la chaleur. Une tablette à écrire gainée de cuir coulisse sur le tiroir central contenant le matériel d écriture, dit aussi «écritoire» (papier, encrier, plume, grattoir, éponge, saupoudreuse, cachet, cire). Les deux abattants latéraux qui découvrent des casiers de rangements assez profonds ainsi que le miroir caché au revers de la tablette à écrire nous révèlent la seconde fonction de ce meuble combiné : elle pouvait servir de table de toilette. Si le bâti est en aulne, il faut Table liseuse, vers 1750 Pierre IV Migeon ( ) surtout admirer le travail d ébénisterie au niveau du placage : il s agit d un frisage en bois de rose et en bois de violette («frisage» est un terme technique pour désigner un motif de placage réalisé à partir d une même essence de bois en jouant uniquement sur le sens du fil). Les bronzes dorés servaient tout autant à décorer le meuble qu à le protéger des chocs. Cette table est attribuée à l ébéniste Migeon, Pierre IV, né à Paris en 1701, mort en 1758, qui reprit l atelier de son père.

6 Egalement à transformation, la Table à crémaillère à la Tronchin en acajou trône au centre du salon de porcelaine. Plus tardive, elle date des années 1780 et est attribuée à Joseph Stöckel, ébéniste parisien reçu maître en 1775 et mort en Elle tire son drôle de nom du médecin genevois Théodore Tronchin ( ) qui publie à l époque des travaux sur les maladies osseuses liées à la mauvaise position que l on adopte à sa table de travail et sur les avantages qu il y aurait à créer une table à pupitre inclinable qui permettrait de garder le dos bien droit et d éviter ainsi toute déformation ou douleur, que l on travaille assis ou debout. Ainsi, le plateau de cette table est inclinable grâce à un pupitre à crans, et exhaussable grâce aux deux jeux de crémaillère dissimulés à l intérieur des pieds antérieurs. Les ébénistes les plus connus qui ont popularisé ce système sont Joseph Canabas et Louis Dufour : Table à crémaillère à la Tronchin, vers 1780 Joseph Stöckel avec eux, les rouages ne se cachent plus mais deviennent apparents et ostentatoires. Ici, la manœuvre se fait manuellement en soulevant le plateau, alors que d autre table à la Tronchin peuvent avoir une mécanique compliquée cachée dans la ceinture reliée à une manivelle apparente. Pour rabaisser le plateau, il suffit de faire pression, à droite de la ceinture, sur le bouton d une longue tringle de fer transversale qui libère alors les pênes du mécanisme. On pouvait donc travailler à cette table en position assise ou debout, ce qui était utile pour dessiner des plans ou réaliser des aquarelles. À ce confort s ajoute un ensemble d accessoires : une petit réglette mobile est fixée sur le plateau grâce à trois chevilles métalliques, deux tablettes latérales très pratiques pour poser son matériel, sortent de la ceinture, et un tiroir central surmonté d une tablette permet de ranger l écritoire. Malgré leur praticité, ces tables disparurent petit à petit à la fin du XVIII siècle car elles étaient jugées trop peu stables. On leur préféra alors les pupitres fixes et les bureaux à gradins.

7 Dans la famille Bureau, je demande... C est au XV e siècle que le bureau commence à adopter une typologie propre : il est constitué d un plateau rectangulaire imbriqué dans une ceinture à tiroirs qui est elle-même assemblée à tenons et mortaises aux quatre pieds. Des compartiments lui seront adjoints au fil des siècles, des styles et des modes : caissons entre les pieds ; gradins nus, à abattants ou encore à cylindre sur le plateau ; cartonnier en bout de bureau, etc. Au XVII e siècle apparaît le bureau dit «Mazarin» (l appellation demeure mystérieuse étant donné que ce bureau, créé par Golet pour Louis XIV en 1669, ne figurait même pas dans les collections dudit Mazarin. Héritier du coffre, il se présente sous la forme d une caisse montée sur 8 pieds groupés par 4 de chaque côté ; des caissons de rangement latéraux encadrent une niche centrale pour les jambes. Si le XVIII e siècle préfère les tables à écrire à ces grands meubles encombrants, le XIX e siècle, en revanche, constitue la grande époque du bureau sous toutes ses formes, du secrétaire au bureau «dos d âne» ainsi surnommé en raison de ses deux plans inclinés, en passant par le grand bureau plat. Dans le salon de porcelaine est exposé un imposant Bureau à cylindre en acajou du début du XIX e siècle. Il s ouvre par un panneau rigide en quart de cercle qui dissimule neuf petits tiroirs intérieurs, en plus des trois tiroirs en gradin et des cinq tiroirs de ceinture en caisson. Les tirettes frontales, ainsi que les deux latérales, servent de tablettes à écrire. Les quatre pieds fuselés et le décor de cannelures rudentées sont typiquement dans le goût de l époque. L acajou est toujours privilégié, mais l on travaille cependant essentiellement le bois massif, Secrétaire à cylindre, fin XVIIIème siècle abandonnant petit à petit la marqueterie. Les motifs (rosettes, palmettes, médaillons néoclassiques, pilastres, etc.) et les lignes plus lourdes confèrent aux meubles un aspect plus austère. Les pieds deviennent tronconiques et cannelés sous le Directoire et l Empire, puis fuselé à la Restauration. Le cylindre est généralement surmonté d une bibliothèque ou d une rangée de tiroirs. Très pratique pour protéger les documents, le cylindre est néanmoins très encombrant et son système de fermeture coulissante diminue de manière conséquente le volume de rangement interne à cause du logement du volet en arc de cercle. En parallèle sont donc utilisés de petits bureaux, également fermés mais à l aide d un abattant. Ce sont les bureaux de pente. C est sous Louis XV qu est recensé pour la première fois ce type de secrétaire

8 Secrétaire en pente, fin XVIIIème siècle au garde-meuble, alors qu en Angleterre ils étaient déjà répandus au XVII e siècle. La principale difficulté pour l ébéniste consistait à réaliser les angles de l abattant (qui se déploie pour laisser apparaître la tablette à écrire gainée de cuir) et les équerres de soutien de ce dernier. Le petit Bureau en pente présenté dans la collection Raymond Jeanvrot du musée est d époque Restauration au vu de plusieurs détails : le décrochement qui soutien l abattant ouvert et qui est une innovation de cette époque ; le contraste des tonalités de bois (acajou pour le fond, palissandre pour le cadre cerné d ébène) ; l absence de poignée (on tirait l abattant avec la clef) ; le plateau supérieur en marbre cerné d une galerie de laiton. A l intérieur de ce type de bureau, l écritoire avec l encrier est toujours situé en bas à droite, pour les droitiers. L abattant servait autant à écrire qu à fermer le meuble pour mettre à l abri ses papiers. Tous les bureaux vus jusqu à présents étaient destinés à se placer contre un mur de la pièce et réservés à l usage d une seule personne. Cependant, de nombreuses activités (commerciales, militaires, etc.) impliquaient de pouvoir recevoir un ou plusieurs interlocuteurs à sa table de travail. D où l apparition du meuble de milieu qui, comme sont nom l indique, se plaçait au centre de la pièce et était travaillé et décoré sur chaque face. Dans le salon Cruse-Guestier est Bureau plat, XIXème siècle exposé un de ces grands Bureau plat en table. C est un meuble d ébénisterie (placage de bois de rose sur bâti de chêne) orné de bronzes dorés et recouvert de feutre. Il fait parti du legs Cruse-Guestier de 1936 : comme le prouve l aquarelle présentée au mur, il se trouvait dans le salon de hôtel de Poissac, demeure de la famille, et servait à la fois de meuble d apparat et de support. De style Louis XV, il est galbé, chantourné, présente au niveau de la ceinture trois tiroirs de rangement en façade et trois autres en trompe-l oeil de marqueterie sur la face opposée. Le modèle de bureau dit «en grande table» est effectivement né au début du XVIII e s mais l exagération dans le traitement des courbes sinueuses ainsi que la profusion des bronzes rocailles et des fleurettes évoque plutôt une production tardive du XIXe siècle, et plus particulièrement du Second Empire. L ameublement du Second Empire subit trois influences : les styles Renaissance, Louis XV rocaille et Louis XVI. Le dernier est en réalité le Louis XVI-Impéra-

9 trice qui correspond au mécénat de l impératrice Eugénie, fervente admiratrice de Marie-Antoinette. En ce qui concerne les bureaux, si les réalisations sont peu originales, parfois à la limite du pastiche, on cherche en revanche à faciliter le classement. Pour cela on ajoute de nombreux tiroirs et casiers à la structure du meuble. Le plateau de ces grands bureaux pouvait être recouvert de marqueterie, de feutre, de velours, de drap ou de maroquin (doux pour écrire et pratique pour nettoyer les taches d encre). Le maroquin est une peau de bouc teinte en noir dégraissée et collée par les corroyeurs avec de la colle de farine chaude. Le maroquin ne recouvrant pas toute la surface, il fallait le maroufler en prenant soin de le recouvrir une serviette blanche pour ne pas en arracher la fleur. Ce meuble n est pas estampillé, comme la plupart des meubles de province où les ébénistes-menuisiers avaient des activités connexes (charpentiers par exemple). C est à Paris que le système corporatif s est développé. Mot à mot, l ébéniste désigne l ouvrier qui travaille l ébène or, si l ébène est utilisé dans le mobilier européen dès le XIV e siècle, cette communauté ne vit pas le jour avant le XVII e siècle, et jusqu à la fin de l Ancien Régime elle fut plus ou moins confondue avec la menuiserie dont elle forme une branche spécialisée. La différence est pourtant de taille : les menuisiers réalisent des bâtis ou des meubles entiers en bois massif, alors que les ébénistes travaillent essentiellement les petits meubles raffinés en bois de placage (marqueterie, frisage, panneaux). Des meubles polyvalents Non contents d améliorer l espace de rangement en y incluant des casiers à abattant ou à cylindre, les ébénistes s inspirent de la mode des bouts de bureau avec cartonniers (petit meuble de rangement s interposant entre le côté d un bureau plat et le mur) pour créer de hauts bureaux supportant des vitrines ou des bibliothèques, à l image du Bonheur du jour en acajou plaqué sur un bâti de chêne présenté à l étage. Il repose sur quatre pieds fuselés et se compose d un cylindre plein, d une tablette coulissante et de deux vantaux vitrés. L intérieur est garni d une étagère et de deux tiroirs encadrant une niche (celui de droite est réservé à l écritoire). Ce type de meuble naît à l époque Transition, tout début du style néoclassique. Pour être précis, c est en 1770 que le mot Bonheur du jour, 1797 Nicolas Vautrin

10 «bonheur du jour» apparaît, mais le meuble en lui-même existe vraisemblablement depuis 1750 sous le nom de table à gradin. Le nom, assez énigmatique, ferait référence au phénomène de mode et au succès qu a remporté à l époque, auprès des dames, ce meuble élégant et pratique. L intérêt du bonheur du jour présenté dans le musée réside aussi dans le fait que l on connaît assez bien son histoire grâce aux deux étiquettes qui se trouvent toujours collées dans le fond du tiroir de façade : - Etiquette du fabriquant (sur le fond) l ébéniste Nicolas Vautrin, né en 1757 et qui s établit rue des Tournelles à Paris en 1797, puis boulevard Saint-Antoine en 1806 ; l étiquette correspond à sa première installation, par conséquent la date de fabrication du meuble correspond à la période Etiquette publicitaire (à droite) qui indique que Vautrin fait des envois en province par l entremise de l emballeur Mauger, «layetier, coffretier et emballeur à Paris» qui en a pris en charge l expédition du meuble à Bordeaux. Scriban, 2 nde moitié du XVIIIème siècle Peu à peu, à l image du bonheur du jour, les bureaux vont gagner en hauteur, si bien qu une nouvelle famille de meubles à écrire apparaît : les bureaux verticaux, aussi appelés secrétaires, qui ressemblent à de petites armoires murales constituées de vantaux, de tiroirs et d un abattant. Il en existe plusieurs sortes. Commençons par le Scriban, dont le nom vient du latin scribere (écrire), qui se trouve dans le Salon bordelais. D origine anglo-saxonne et germanique, il est devenu le meuble du négociant bordelais par excellence grâce à son aspect composite : la partie supérieure est une sorte d armoire-bibliothèque à deux vantaux surmontée d une corniche (en chapeau de gendarme pour les meubles bordelais) ; la partie médiane est un bureau de pente à abattant ; dans la partie inférieure on reconnaît la silhouette de la commode bordelaise (dans d autres région elle peut prendre la forme d un buffet). Descendante du coffre ou de la malle de marin, la commode est le meuble de rangement le plus répandu. Elle se multiplie dans les intérieurs au XVIII e siècle et très vite les ébénistes et les menuisiers exploitent sa forme simple pour l intégrer dans la création de meubles composites. Nous en avons un exemple dans le musée avec la Commode-secrétaire, fin XVIIIème siècle

11 Commode-secrétaire bordelaise de la fin du XVIII e siècle qui se trouve dans la Chambre garance. Meuble portuaire, donc en acajou, cette commode aménagée en support d écriture comporte deux rangs de tiroirs (deux en ceinture, un de largeur) et repose sur des pieds en gaine. L abattant est présenté ouvert et à l intérieur on aperçoit ainsi de petits tiroirs en gradin disposés de part et d autre d une niche à secret. Un luminaire et un écritoire en faïence supportant une plume d oie complètent la reconstitution. En passant dans le Salon vert, on remarque un second Scriban, cette fois-ci en acajou de Cuba légèrement plus clair. La fonction mise en exergue ici est celle de l armoire-présentoir supérieure que l on laissait ouverte afin d exposer les richesses que l on possédait. Faïences, porcelaines, pièces d orfèvrerie étaient achetées dans un but certes pratique mais également ostentatoire. Plus discret mais non moins prestigieux, le Secrétaire à abattant qui se trouve dans le Salon des Singeries présente un décor de frisage de prunier encadré d amarante. Estampillé Delorme (pour Adrien Faizelot), il a été réalisé vers Sa façade en arbalète s ouvre à un abattant et à deux vantaux. A l intérieur se trouvent des casiers et des petits tiroirs recouverts du même frisage. Les vantaux, quant à eux, dissimulent un coffre fermant à clef. Le secrétaire apparaît en France vers la fin de l époque rocaille. Il s apparente à une caisse verticale d un mètre de large reposant sur quatre petits pieds. La partie intérieure du compartiment à abattant, qui renferme les casiers et les tiroirs, s apparente à un caisson à façade verticale appelé parfois «théâtre». Vers la fin du XVIII e siècle, les vantaux peuvent être Secrétaire à abattant, vers 1760 Delorme remplacés par trois tiroirs superposés. L abattant ouvert vient s appuyer sur le bas du caisson ; on peut y adjoindre un contrepoids à ferrures. Mais ce système n est pas adapté à un usage intensif. Au XIX e siècle apparaissent alors les compas de bronze en quart de cercle qui en renforcent l appui.

12 Vers la modernité La deuxième moitié du XIX e siècle a produit des pastiches des bureaux du XVIII e siècle, nous l avons vu avec le grand bureau plat du salon Guestier. Les ébénistes Alfred Auguste Beurdeley et son fils, ou encore Linke et Sormani, s illustrèrent en réalisant des copies parfaites. En revanche, le début du XX e siècle se veut plus inédit et original : c est la grande époque des meubles d écriture plats aux formes variées, voire extravagantes. On rencontre des ouvrages de grande taille destinés aux nouveaux directeurs d entreprises qui aménagent, sur leur lieu de travail, une pièce qui prend le nom du meuble pour lequel elle est destinée : le bureau de direction. Ces bureaux sont le plus souvent à caissons latéraux encadrant une niche centrale. Le placage est toujours de rigueur, en ébène de Macassar par exemple, mais on utilise également d autres matériaux (galuchat, cuir, ivoire, parchemin, etc.). Louis Majorelle et Émile Gallé pour l Art nouveau ou Jacques Émile Ruhlmann et Jules Leleu pour l Art déco, sont des ébénistes de référence. Le petit Bureau plat présenté au second étage du musée fait partie d un ensemble réalisé par Maurice Triboy ( ). La notion «d ensemblier», ancêtre du designer contemporain, apparaît effectivement à cette époque pour qualifier les artistes décorateurs travaillant sur l architecture et l aménagement des intérieurs. De forme elliptique, très courue à l époque, la niche ne se situe plus au centre mais sur le côté gauche et elle est surmontée d un tiroir. La partie droite est arrondie et s ouvre à un battant dissimulant un rayonnage. Ce bureau est en palissandre de Rio et date de Bureau plat, Maurice triboy ( ) Les formes douces, arrondies, ovoïdes ou elliptiques, plus originales et plus pratiques, prennent donc le pas sur la forme carrée ou rectangulaire traditionnelle. Les créateurs aspirent à plus de liberté, voire plus de dérision. En outre, en entrant dans l univers professionnel, dans l espace travail, le bureau n a plus uniquement une valeur fonctionnelle, il acquiert en plus une valeur sociale, affective (on le décore et le personnalise), et même symbolique puisque son apparence, sa taille, son agencement en viennent à évoquer une certaine idée de la hiérarchie.

13 C est ainsi que le designer Sylvain Dubuisson eut l occasion de réaliser le bureau pour le cabinet de travail de Jack Lang, alors ministre de la Culture. Jack Lang remarqua le Bureau 1989 lors de la rétrospective des années VIA au musée des Arts décoratifs de Paris en 1990, et demanda au designer de lui réaliser, pour la rue de Valois, un ensemble de mobilier en accord avec ce dernier. L envergure de la pièce et les fonctions du commanditaire ont amené Sylvain Dubuisson à travailler sur de plus grands volumes et donc à dépasser l envergure Bureau 1989 avec sous-main pivotant, 1989 Sylvain Dubuisson (Bordeaux 1946) du Bureau 89 de deux à trois mètres. De plus, la courbe interne du meuble a été recentrée de manière à ce que son utilisateur soit placé au centre et non plus latéralement comme sur le modèle d origine. Le meuble d écriture a considérablement évolué. Contrairement aux scriban et autres secrétaires verticaux des XVIII e et XIX e siècles, la surface bureau s étend aujourd hui horizontalement pour s adapter à nos besoins modernes (par exemple avec l apparition systématique de l ordinateur dont il faut loger l unité centrale, le clavier et les différents câbles). Mais les designers s inspirent encore de cette longue histoire et les petites tables à écrire à transformation, liées au domaine de l intime, n ont pas pour autant disparu, comme le confirme Réna Dumas en 1985 avec son élégante Table écritoire en merisier, réalisée par la maison Hermès, qui se replie de manière à être transportée comme un cartable. ATELIER Table écritoire, 1985 Rena Dumas ( ) Chaque élève fabrique son écritoire à secret Matériel : 2 chemises rigides par élève (220 à 250 g/m², 24 x 32 cm, sans élastique et sans rabat), attaches parisiennes, feutres. Renseignements et réservations :