Défis de dirigeants. Défis de dirigeants. Quelles différences entre un dirigeant et un athlète de haut niveau?

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1 Performance, excellence, des termes qui résonnent dans le monde de l entreprise et dans le monde sportif, deux univers différents mais si souvent comparés. Quelles différences et quelles similarités dans la conquête du podium existent entre un athlète et un dirigeant? Voici l analyse faite par Xavier BAUDARD, coach de dirigeant, associé chez. Xavier accompagne depuis plusieurs années de nombreux dirigeants et cadres dirigeants dans tous types de structures et de secteurs. Il est également régulièrement sollicité pour animer des séminaires ou des formations (management, leadership, recrutement ). Il est tout particulièrement passionné par les enjeux de leadership et de management et travaille avec le Aragorn Leadership Institute. Il est également cofondateur de l école de coaching d entreprises UPGY. Quelles différences entre un dirigeant et un athlète de haut niveau? Il est fréquent que les sportifs interviennent en entreprise pour partager leurs expériences du haut niveau avec les cadres dirigeants. Ces derniers évoquent pour leur part de plus en plus leur univers en termes sportifs : «compétition internationale», «marathon budgétaire», «podium des fournisseurs de l année», etc. Pourtant, bien que ces deux mondes se rapprochent, leurs acteurs n abordent pas la rampe de la réussite de la même façon. L athlète, un gagnant entouré L objectif d un athlète de haut niveau est de remporter des compétitions, et s il en a les capacités et les moyens, de gagner les plus prestigieuses d entre elles (Jeux Olympiques, Championnats du Monde, etc.). Afin d atteindre cet objectif, il a recours à plusieurs outils indispensables. Tout d abord, s entraîner, encore et encore, sans quoi, impossible d être au top niveau. Cet entraînement est essentiellement physique et diffère d un sport à l autre, bien évidemment.

2 L athlète, un gagnant entouré Mais de plus en plus souvent il est aussi psychologique : tenir la pression de l adversaire ou de l enjeu du match, imposer sa propre pression à l adversaire, internes lors de phases de fatigue, etc. ; en somme des éléments qu un dirigeant trouve dans l entreprise. Pour mettre toutes les chances de leur côté, les sportifs de haut niveau s entourent aussi d une équipe à même de les préparer au mieux. Dans les meilleurs des cas, celle-ci est fort complète : préparateur physique, kinésithérapeute, diététicien, médecin, agent, etc. Des personnes qui sont là pour faire en sorte que l athlète soit au mieux de sa forme et dans les meilleures conditions possibles pour remporter ses compétitions. Mais il y a un invariant : tout sportif de haut niveau fait appel à un coach technique dont la mission est de le préparer aux différents matchs qu il va réaliser. Car en fonction des adversaires rencontrés ou des terrains de jeux, les approches peuvent, voire doivent varier. C est le rôle attendu du coach technique d élaborer des scenarii avec son sportif pour qu il soit capable d affronter les différentes situations, au meilleur niveau. Il est devenu si crucial qu il a fait dire à Haile Gebreselassie, double médaillé d or aux Jeux Olympiques et 8 fois champion du monde d athlétisme (courses de à m) : «Dans l athlétisme, votre réussite ne dépend que de vous et de votre coach» (Le Monde, 29/08/2015) Frank DUMAS, Coach. 5 fois champion de France Hockey sur gazon Entraineur fédéral, Membre de l équipe de France vétéran «L entrainement physique est à la performance sportive ce que la grammaire est à la poésie» La performance des athlètes est une alchimie entre des capacités intrinsèques, souvent issue d un atavisme, et d un travail régulier tant sur les fondamentaux, généraux (valable pour beaucoup de sport) que sur ceux spécifiques au sport pratiqué. Ce travail permanent est parfois perçu par le sportif performant comme une contrainte. En effet pour beaucoup travailler ses points faibles est frustrant et investir sur ses points forts semble inutile. C est une des raisons pour lesquelles une grande partie des sportifs performants n atteint pas l excellence. Le rôle d un coach sportif est de donner du sens à ce travail. Apporter au sportif une vision structurée et alléchante de ses objectifs. En complément le sentiment d être accompagné dans la célébration des victoires et par les encouragements dans les échecs est un moteur puissant dans la progression de la performance. Le coach sportif «prépare» son athlète à la réussite. À être aux rendez-vous. Nous avons tous «nos» rendez-vous, Nous, dirigeants, sommes-nous prêts?.

3 Bruce McQuiston, ancien pilote de course automobile et aujourd hui coach dans ce même sport nous expliquait que son rôle était d abord de définir avec le pilote un objectif, d identifier ses talents, puis de bâtir ensemble une stratégie pour l atteindre, puis d analyser la concurrence, pour mettre en œuvre les meilleures tactiques, et donc le préparer au mieux à ses matchs. Quelles différences avec un dirigeant d entreprise? Si personne ne conçoit de nos jours qu un sportif accède aux sommets sans avoir eu un coach technique à ses côtés, il peut en revanche arriver qu il soit volontairement seul pendant une période plus ou moins longue (Roger Federer tennis à une époque), ou qu il change de coach (Teddy Riner judo après avoir remporté les JO de Londres). Il s entoure parfois également d un coach «mental» pour travailler par exemple sa gestion des émotions, sa concentration, sa résistance au stress. Pour atteindre les sommets, l athlète de haut niveau met donc dans sa main les éléments suivants : De l entraînement, encore et encore Une équipe pour gérer ses intérêts et sa préparation physique Un coach technique pour le préparer à ses matchs Parfois un coach de préparation mentale Qu en est-il chez les dirigeants? L entraînement sélectif du dirigeant Dans la majorité des cas, les dirigeants s entraînent avant les matchs à forts enjeux : présentation budgétaire, assemblée des actionnaires, rencontre d investisseurs, de clients ou de fournisseurs vitaux. Ils vont travailler leurs éléments de langage, leurs arguments, leurs réponses aux questions délicates. Pour des matchs de moindre importance (a priori), comme l évaluation de leurs collaborateurs ou le recrutement d une personne clé, c est nettement moins le cas. Cette préparation, le plus souvent, s effectue seule (on révise dans sa tête), en s appuyant sur son expérience ; mais n oublions pas que «l expérience est une lanterne que l on porte sur le dos et qui n éclaire jamais que le chemin déjà parcouru» (Confucius)..

4 L équipe du dirigeant, source potentielle de danger La complexité de l entreprise, à partir d une certaine taille, oblige les dirigeants à s entourer d une équipe. Ils ne peuvent pas réaliser seuls toutes les tâches (manque de temps et de compétences). Au-delà des classiques Comité Exécutif ou Comité de Direction, on peut également trouver des Comités Stratégiques, pour travailler sur le plus long terme, ou l assistant(e), qui comme son titre l indique, a pour mission d assister. Mais une différence importante avec le sportif de haut niveau est que le dirigeant peut avoir dans son équipe quelqu un susceptible de vouloir le supplanter, ce qui peut fausser les relations. Et plus l entreprise est grande, plus le dirigeant est entouré, mais plus cela ressemble souvent à la cour de Versailles sous Louis XIV. Il n est donc pas toujours évident de faire confiance à son entourage, donc de s appuyer pleinement sur lui. Les dirigeants et le(s) coach(s) C est là le plus grand écart avec l athlète : la majorité des dirigeants n ont pas de coach. Pourtant, comme l a tweeté Eric Schmidt, Président de Google: «No matter how good you are at your job, you d be better with a coach. Everyone needs one!» Si l on ne conçoit pas qu un athlète de haut niveau arrive au sommet sans coach, pourquoi en serait-il autrement pour un dirigeant? Et pourtant! Plusieurs explications à cela. Tout d abord, il y a un héritage culturel et d éducation, notamment dans les pays latins. Le dirigeant qui a fait des études pendant les 20 à 25 premières années de sa vie, a appris à gagner seul : à l école, puis à l université ou en grande école, si les notes sont bonnes, on progresse et on monte les échelons, sans avoir besoin de personne. Pire encore, faire appel à quelqu un peut signifier qu on n est pas le meilleur, donc pas au niveau d être là où l on est. Et cette équation «besoin de personne pour gagner mes matchs, ou alors c est que je ne suis pas au niveau» reste prégnante. C est d ailleurs ce que le même Eric Schmidt explique dans son interview sur Fortune TV en 2009 lorsqu il exprime quel fut son sentiment quand John Doer, un de ses administrateurs, lui a conseillé de prendre un coach : une remise en cause de sa pertinence dans le poste occupé

5 Il considère pourtant aujourd hui que c est le meilleur conseil qu on lui a donné professionnellement. Et même chez des coachs formés qui retournent à une fonction de dirigeant, il est rare qu ils se fassent coacher, persuadés qu ils «savent». Un second élément évoqué par les dirigeants pour ne pas prendre de coach, contrairement aux athlètes de haut niveau, est que la «durée en fonction» de ces derniers est bien plus courte. Rares sont en effet les sports où l on peut rester au plus haut niveau pendant plus de 20 ans. L on pourrait donc croire que ce temps octroyé dans le monde de l entreprise permet aux dirigeants de se construire petit à petit et d atteindre le sommet plus sereinement. C est se leurrer. La concurrence est rude pour atteindre ce sommet, tout comme en sport ; il y a bien plus de postulants que de places. Il faut donc se «battre» et gagner ses matchs pour atteindre cette position, puis continuer à gagner les suivants pour la conserver. La précarité du métier de dirigeant Si l on peut être dirigeant longtemps, la durée moyenne à un même poste d un cadre dirigeant est relativement courte : 4,1 ans. (8ème édition MobiCadres réalisée par Deloitte et Nominations auprès de cadres supérieurs français) Certes, le changement peut être volontaire, mais il n en reste pas moins que la durée en poste reste courte. Et lorsqu on prend un nouveau poste, c est en quelques mois qu il faut faire ses preuves. Troisième élément, où trouver l équivalent du coach technique de l athlète, mais pour l entreprise (ce que l on pourrait appeler le coach d entreprise)? En effet, si les formations de coaching sont nombreuses, lesquelles forment à challenger le dirigeant sur l exercice de sa fonction en tant que tel? Extrêmement peu. Dès lors, certains dirigeants ne sachant pas où s adresser, compensent en ayant un mentor ou prennent des consultants ; la majorité avance seule.

6 Quant à ceux qui ont trouvé le coach adéquat, leur route est généralement plus sereine et plus efficace, comme à chaque fois qu on a le bon outil. Trouver un coach pour travailler la part psychologique est en revanche bien plus aisé, puisque la quasi-totalité des formations en coaching sont sur ce positionnement du développement personnel. Mais une très grande majorité de dirigeants ne se font pas accompagner, même dans des phases critiques psychologiquement. Quand on les interroge et qu on leur demande pourquoi, beaucoup renvoient à l image évoquée précédemment : «je dois gagner seul, sinon cela signifie que je ne suis pas au niveau.» Pour réussir, le dirigeant se constitue donc une «main» assez différente de celle du sportif : L entraînement est bien moins professionnel L équipe existe, est présente, mais peut parfois contenir en elle la concurrence, donc un danger Les coachs techniques sont quasiment inexistants, étant très peu nombreux, peu identifiés, et le dirigeant n en ayant pas la culture Le coach de préparation mentale est parfois présent, mais souvent après une crise plutôt qu en anticipation En comparant ces deux univers, le sport et l entreprise, assez proches par la forme des enjeux et par leurs dynamiques, force est donc de constater de grandes disparités dans la façon de bâtir son succès. Il est étonnant de voir qu un dirigeant ne conçoit pas qu un athlète puisse réussir sans les éléments vus précédemment, mais qu il ne se les applique pas à lui-même, et ce essentiellement du fait de croyances culturelles, d idées préconçues, voire d orgueil mal placé. Les dirigeants souhaitant atteindre les sommets ne devraient-ils pas au contraire calquer leurs façons de faire sur l univers du sport, où cela a fait ses preuves? Car comme disait Nelson Mandela: «Aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès.»