CERVICALGIE COMMUNE : Définition, données cliniques, conduite thérapeutique. Dr Norbert TEISSEIRE-Rhumatologue Diplômé en MMO.
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- Pierre-Marie Rochette
- il y a 8 ans
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1 CERVICALGIE COMMUNE : Définition, données cliniques, conduite thérapeutique. Dr Norbert TEISSEIRE-Rhumatologue Diplômé en MMO. DEFINITION. - Cervicalgie : douleur susceptible d intéresser la région s étendant de l occiput, à la partie haute du thorax (plan de la 1 côte, passant par la 1 dorsale : en arrière, le processus épineux immédiatement sous jacent au relief le plus marqué à la base du cou = épineuse de la 7 vertèbre cervicale ; en avant la région juxta claviculaire). Parler de douleur de l axe rachidien sans faire allusion aux douleurs rapportées est un non sens pour deux raisons : - soit la cervicalgie est très dominante, et le patient en oublie de parler de certaines irradiations ; celles-ci méconnues peuvent égarer le diagnostic, et l interrogatoire programmé et approfondi doit rechercher un certain nombre de douleurs régionales «associées». L on exclue toutefois la névralgie cervico-brachiale avec retentissement sensitivomoteur sur la racine correspondante (racine = nerf issu de l espace entre deux vertèbres adjacentes), dont le diagnostic peut être complexe et le pronostic incertain au début de l évolution,et qui exclue pratiquement le recours aux thérapeutiques manuelles dans les 6 premières semaines au moins. - soit le symptôme d appel est une douleur rapportée (une céphalée par exemple = mal de tête) et l examen spécialisé va rattacher cette algie trompeuse à son origine rachidienne cervicale. L on situera à part dans ce chapitre les troubles de l équilibre, qui doivent faire l objet d une enquête étiologique (recherche de la cause) médicale poussée, avant toute proposition thérapeutique, quelle qu elle soit. - Commune : la cervicalgie ne doit pas être révélatrice d une pathologie au pronostic sévère : 1- parce que l on se trouve en présence d une lésion intrinsèque grave (spondylodiscite = inflammation du disque le plus souvent infectieuse, véritable abcès ; hernie discale ; lésions métastatiques d origine cancéreuse ; lésion vasculaire ; tumeur du tronc cérébral ) 2- parce que la cervicalgie est un symptôme révélateur parmi d autres, d une pathologie générale de pronostic souvent sévère : irradiation d origine cardiovasculaire (dissection aortique, infarctus du myocarde), artérites (maladie de Horton ) ; polyartrite rhumatoïde, rhumatisme psoriasique, pelvispondylite rhumatismale, chondrocalcinose articulaire diffuse ; lymphomes (maladies du sang), et d autres encore. POSER LE DIAGNOSTIC DE CERVICALGIE COMMUNE IMPLIQUE UNE SOLIDE CONNAISSANCE ANATOMIQUE, PHYSIOPATHOLOGIQUE,CLINIQUE, et il n est pas présomptueux de dire qu il s agit d un diagnostic relevant de certaines spécialités médicales : neurologue, rhumatologue, médecin de rééducation, médecine interne, possédant une formation de base en médecine manuelle déjà conséquente. Il ne s agit donc pas d un diagnostic relevant d un non médecin, et la responsabilité d un geste mal conduit en reviendrait automatiquement et sans réserve au médecin qui en amont n aurait pas fait le bon diagnostic, afin d orienter favorablement son patient vers le praticien compétent.
2 Photo 1 de face Principales projections douloureuses(vue postérieure) Photo 2 de dos Principales projections douloureuses (vue antérieure) LE DIAGNOSTIC POSITIF. Repose sur un interrogatoire extrêmement précis et complet, véritablement «policier». A- L interrogatoire. 1-Douleur aigüe. a) traumatique le traumatisme peut être modéré, sans malaise rapproché, avec parfaite conservation de la conscience. La mobilité du rachis cervical est limitée partiellement, sans attitude antalgique marquée. A l évidence il n existe pas de lésion anatomique sévère. b) non traumatique Divers modes de survenue sont retrouvés : * matin au réveil (ou parfois la nuit) : évoque un déterminisme postural avec éventuel trouble statique préexistant * douleur de fin de journée: évoque fatigabilité musculaire (postures fixes maintenues, attention soutenue, problèmes visuels associés surtout si travail sur écrans) * autres stress (physique : froid.) ou psychique : évoque participation des tissus péri articulaires (musculo-tendineuse, sans préjuger d une lésion anatomique particulière: mais le stress peut révéler une hypertension chez un patient vasculaire)
3 * la douleur est plutôt calmée par le mouvement (évoque contractures musculaires simples résolutives à l échauffement, ou rôle de structures musculaires dorsales hautes : trapèzes ) 2- Douleur chronique. Importance des notions d âge, d horaire préférentiel, de signes d accompagnement, d effet de divers médicaments. AGE : enfant < 15 ans se méfier (notamment de lésions tumorales) ; chez l adulte jeune (< 40 ans) l on a affaire en général à des lésions mécaniques souvent post traumatiques retardées, ou d ordre professionnel, mais se méfier d un rhumatisme inflammatoire chronique débutant ; chez l adulte d âge moyen (40 à 65 ans) l on se situe plutôt dans le chapitre des affections dégénératives (arthrose +/- sur dysplasies diverses) ; chez le sujet âgé (> 65 ans) penser aux affections déminéralisantes, tumorales secondaires, coxopathies, radiculalgies, chondrocalcinose entre autres. HORAIRE PREFERENTIEL : la cervicalgie commune est plutôt diminuée par l exercice (d où un dérouillage matinal spontané souvent limité), mais se réveille habituellement à la fatigue en fin de journée. SIGNES D ACCOMPAGNEMENT : en+ ou en - Maux de tête (unilatéraux ++) Scapulalgies : supérieure et postérieure notamment Absence de troubles de l équilibre Absence de troubles visuels EFFETS DES MEDICAMENTS : Antalgiques : action rapide mais pas constante dans le temps : efficacité plus inconstante dans la cervicalgie commune chronique. Anti-inflammatoires : par leur action à la fois antalgique, mais également anti-rhumatismale, leur effet est souvent plus constant, mais leur emploi est limité par les effets secondaires potentiels (cardio-vasculaires, rénaux, digestifs) Raison pour laquelle la Médecine Manuelle trouve dans la cervicalgie commune toute son utilité et son succès. B- L Examen physique. L examen doit être systématisé, PROGRAMMÉ, afin de s entourer de toutes les sécurités diagnostiques et thérapeutiques. 1- Un examen neurologique complet est réalisé avant toute chose : étude des fonctions de la moëlle épinière, des paires crâniennes, des voies de l équilibre. 2- Un examen à orientation vasculaire est ensuite réalisé. Auscultation du cœur et des vaisseaux du cou, étude des pouls crâniofaciaux (à la recherche de vascularite), étude de la racine des membres supérieurs (pouls, et avec postures facilitatrices à la recherche de conflit au défilé cervico-thoracique) 3- Un examen de l appareil locomoteur peut alors être proposé. L étude posturale du rachis dans sa globalité s impose.
4 Etude de la statique et de la mobilité lombaire et dorsale, puis étude de la mobilité cervicale (et en particulier de postures combinées : ex. rotation d un côté en extension puis en flexion : ces techniques apportent des renseignements très précieux mais ne sont pas assez mises en pratiques : leur intérêt est fondamental en expertise ) ; l examen des épaules en passif et actif + testing musculaire ; l examen des mains (certains atteintes orientant davantage vers une pathologie inflammatoire chronique plutôt que dégénérative «arthrosique») en extension indifférente, les rotations à droite et à gauche affichent très peu de différence en extension forcée, la rotation droite est manifestement limitée par rapport à son homologue gauche
5 4- Un examen général conclut l examen physique. Accordant en particulier une attention sur la loge thyroïdienne, les aires ganglionnaires, la peau et les muqueuses. C- Examens complémentaires. - La prise de la Tension Artérielle est incontournable, surtout en présence de céphalées associées. - La réalisation de radiographies standard du rachis : cervical bien sûr (incidences de face + profils en flexion et extension + incidences dites de ¾), mais également du rachis dorsal lorsque l examen clinique a révélé des dysfonctions dorsales et notamment supérieures Au terme de toutes ces investigations, l on a regroupé un certain nombre d éléments permettant d éliminer une cervicalgie par lésion intrinsèque grave, ou une cervicalgie symptôme d une affection générale de pronostic sévère. Au chapitre du diagnostic différentiel ( immense comme on peut le supposer) nous citerons, de façon volontairement très limitative, quelques pièges classiques et fréquents. Ceci doit motiver médecin traitant et patient à la plus grande prudence. LE DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL : dans une formule très restreinte. * Association cervicalgie et maux de tête - maladie de HORTON (affection grave en raison du pronostic oculaire à court terme et nécessitant une mise sous corticothérapie, à dose suffisante et en urgence) - tumeurs du tronc cérébral (à suspecter en particulier chez le sujet jeune) - Hypertension artérielle - Coronarite dans sa forme cervico-scapulaire (chez les sujets à risque, penser au test à la trinitrine) * Présence d une dorsalgie interscapulaire - une hernie discale dorsale médiane ou para médiane peut simuler ou s associer à une algie d origine cervicale - les pathologies digestives hautes restent un piège fréquent (d autant que l on se trouve devant des patients médicamentés au long cours (hernies hiatales, ulcères gastriques, ) * Cervicalgie et pathologies inflammatoires - dans certaines pathologies rachidiennes l on se situe dans le cadre d une affection inflammatoire chronique (spondylites : polyarthrite rhumatoïde, rhumatisme psoriasique, pelvispondylite rhumatismale) - certaines affections viscérales de voisinage ont pour expression prédominante une cervicalgie (thyroïdites) - certains lymphomes prennent le masque de cervicalgies, d allure chronique et résistant aux propositions thérapeutiques classiques.
6 CONDUITE THÉRAPEUTIQUE. En première intention : distinguer l effet des antalgiques par rapport aux antiinflammatoires. En effet, un rôle spectaculaire des seconds par rapport aux premiers, doit rendre prudent dans l indication d un traitement physique et notamment manuel. Immobilisation partielle du rachis cervical : Dans les phases de relâchement du contrôle postural, c est à dire principalement lors du sommeil. Une serviette éponge roulée autour du cou (et soigneusement fixée) est souvent mieux supportée qu un collier (plus rigide et moins adaptable aux variations de courbures du rachis, notamment sur une scoliose). La serviette se moule parfaitement à l anatomie du sujet, sans contrainte sur le maxillaire inférieur Le positionnement en rotation gauche montre la bonne contention du cou Les traitements manuels : - massages des grands haubanages : préalable sinon indispensable, du moins très souhaitable à notre sens. On insiste en particulier sur la relaxation des muscles trapèzes, scalènes, sternocleido-mastoïdiens, et ne pas oublier dans bon nombre de cas les pectoraux (en particulier dans les syndrômes irritatifs cervico-thoraciques)
7 - la détente axiale du rachis : passive bien sûr, qui permet de tester le degré d extensivité intervertébral et en cas de douleur se limiter dans les techniques manuelles en première intention. Mais surtout active et en particulier grâce aux techniques dites en dissociation cervico-scapulaires. - les mobilisations antalgiques en utilisant le schéma en étoile de Yvon LESAGE et Robert MAIGNE, et qui permettent de tester les limites de mobilisations intervertébrales dans des incidences plus complexes, sachant que 3 directions sur les 6 de base sont indispensables pour se situer dans les zones à faibles risques d effets secondaires ( les 6 axes : flexion, extension, inflexions latérales D et G, rotations D et G) - les manipulations vertébrales peuvent être indiquées, lorsque les étapes précédentes se sont déroulées normalement. C est la raison pour laquelle, en règle générale, l on déconseille de manipuler un(e) patient(e) dès la première séance. Les tests de postures restent à notre avis très utiles, et nous ont permis de dépister un nombre non négligeable d hypoplasie d artère vertébrale, ou syndrôme vertébro-basilaire athéromateux. La pratique d un doppler lors de l examen du patient se discute, en phase prémanipulative : reste à définir les limites légales de ce type d examen, c est à dire sa validation. CONCLUSION. Le chapitre de la cervicalgie commune est sans doute le plus sensible de la pathologie ostéo-articulaire.
8 La phase diagnostique est essentielle, et nous avons vu qu elle doit être confiée à un médecin entraîné, afin d assurer le maximum de sécurité au patient. La phase thérapeutique découle directement de la précédente et s y mêle intimement, pour peu que le médecin qui établit le diagnostic soit compétent en médecine manuelle, ou travaille de concert avec un médecin diplômé en médecine manuelle (diplôme universitaire) RAPPEL MÉDICO-LÉGAL L ARTICLE 3 du décret N du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d exercice de l ostéopathie précise qu après un diagnostic établi par un médecin attestant l absence de contre indication médicale à l ostéopathie, le praticien justifiant d un titre d odtéopathe est habilité à effectuer les manipulations du rachis cervical. Ce certificat engage la responsabilité du médecin. Il ne doit donc être délivré qu après examen clinique soigneux, et pratique d examens complémentaires, au terme d une démarche spécifique. Il est clair à la lecture de cet article que la position idéale pour le patient est celle de la prise en charge diagnostique et thérapeutique par le même praticien, donc un médecin aguerri et titulaire d un diplôme universitaire en Médecine Manuelle.
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