L achat de produits ou de systèmes pour les grands. Achats axés sur les résultats : un modèle de collaboration entre les secteurs public et privé
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- Brigitte Ledoux
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1 Achats axés sur les résultats : un modèle de collaboration entre les secteurs public et privé R.G. (Bob) Mornan La stratégie d achat est cruciale, étant donné qu elle définit l environnement dans lequel le projet sera réalisé intégralement. L achat de produits ou de systèmes pour les grands projets touchant la technologie de l information et l intégration des systèmes (TI-IS) constitue un véritable tour de force. En effet, ces projets, tout comme le processus d achat, sont en général complexes, longs, risqués et coûteux, et ils exigent bien souvent des produits ou des logiciels personnalisés. Comme la technologie de l information est en constante évolution, il se peut que la solution envisagée au début d un projet ne s applique plus au moment de l achat du système. Pour ces raisons, de même que pour d autres, il arrive souvent que les projets en TI-IS, autant dans le secteur privé que public, ne répondent pas aux attentes. De nombreuses études de l industrie et du gouvernement ont révélé que le processus utilisé pour se procurer des produits et des logiciels nécessaires aux projets était l une des raisons fondamentales du piètre rendement des projets en TI-IS. Le processus de collaboration Au Canada, le gouvernement, l industrie et les petites entreprises, dans leur tentative pour résoudre les problèmes du processus d achat se rapportant à la TI, ont conçu collectivement le modèle des achats axés sur les résultats (AAR) pour les projets dont la complexité et les risques sont de moyens à élevés. Le processus qui a permis de créer les AAR est un excellent exemple de collaboration entre les secteurs public et privé. Une telle collaboration constitue peut-être l une des meilleures façons pour le gouvernement de produire une plus grande optimisation des ressources et Bob Mornan est directeur général d IBM Canada pour le secteur public, à Ottawa. Il a contribué à la réforme dans le domaine des achats en participant à de nombreux groupes de travail des secteurs public et privé, dont le plus récent a été celui qui a établi le principe des achats axés sur les résultats. Il est aussi président du comité d affaires pour le secteur public de l Association canadienne de la technologie de l information. Optimum, La revue de gestion du secteur public vol. 28, n o 1 (45-49) 45
2 de réduire davantage ses dépenses, tout en améliorant la qualité et la prestation des services. Comme stratégie d achat, le concept des AAR est unique. En effet, il permet d évaluer les soumissions des fournisseurs et de mesurer le succès des projets en regard des résultats définis et souhaités par le client plutôt qu en fonction de la conformité aux spécifications obligatoires ou du coût le moins élevé. Il comprend une analyse de rentabilisation ainsi qu un important système de gestion des risques; en outre, les fournisseurs sont invités à partager les risques et les avantages financiers du projet. La vision des AAR décrit, de façon succincte, cette nouvelle approche : «une stratégie et une méthode d achat efficaces et à valeur ajoutée servant à la recherche et à l application de solutions d affaires en TI-IS qui faciliteront l atteinte de résultats définis par le client et qui contribueront ainsi au succès des projets en TI-IS». Le processus d achat n est qu un des problèmes qui touchent les grands projets, mais il est crucial, étant donné que la stratégie d achat utilisée définit l environnement dans lequel le projet sera réalisé intégralement. Cerner les problèmes C est au début des années 1990 que l on a voulu améliorer la stratégie et le processus d achat en matière de technologie de l information à la suite de l insatisfaction grandissante du gouvernement et de l industrie attribuable aux nombreux échecs et aux coûts élevés des projets en TI-IS. Pour les gouvernements qui s efforçaient de restructurer leurs procédés administratifs dans un contexte de compressions budgétaires, où chacun de leurs gestes était épié par le public, un échec dans ce domaine pouvait représenter des pertes d argent considérables et compromettre gravement la prestation des services. Pour les fournisseurs, un échec pouvait entraîner des difficultés financières et nuire à leur réputation. Les problèmes dans le domaine des achats ne sont qu une des raisons pour lesquelles les projets en TI-IS ne donnent pas, bien souvent, les résultats escomptés. Les experts ont relevé 14 causes aux échecs de projets en TI-IS. Toutefois, les stratégies d achat y jouent un rôle disproportionné. La stratégie d achat permet d établir un rapport entre le client et les fournisseurs et définit l environnement global dans lequel le projet est géré et réalisé. Les fournisseurs répondent à une demande de propositions (DDP) comprenant des spécifications détaillées en présentant une soumission au plus bas prix possible. Cette façon de procéder entraîne, pour le soumissionnaire gagnant, des difficultés dans la gestion du contrat. En effet, celui-ci fera tout son possible pour respecter les limites étroites des spécifications, se demandant constamment s il est en deça des limites ou s il les dépasse. Il s ensuit que la gestion de contrat prend le pas sur la gestion de projet. De plus, l élaboration et le suivi de spécifications détaillées de même que l évaluation de la proposition prennent un temps considérable. Entre temps, la technologie évolue et les prix fléchissent. En s en tenant aux spécifications originales, le gouvernement risque de consacrer trop d argent à une technologie dépassée. Conscient de ces problèmes, le Secrétariat du Conseil du Trésor commença, en 1995, un examen de 25 projets gouvernementaux en TI, afin de cerner les problèmes sousjacents en ce qui concerne la gestion de projet, l évaluation des risques, la dotation et autres mesures qui ont des conséquences sur le succès ou l échec d un projet. Cet examen a donné lieu au Cadre amélioré pour la gestion des projets de technologie de l information, document conçu pour que tous les projets du gouvernement en TI-IS puissent atteindre les objectifs opérationnels établis, c est-à-dire qu ils donnent les résultats escomptés, respectent les échéanciers et les budgets prévus et exécutent les fonctionnalités approuvées. Le Cadre amélioré a été publié peu après la nomination d Alan Williams au poste de sous-ministre adjoint du Service des approvisionnements, à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). Auparavant, M. Williams avait consacré de nombreuses heures à des projets en TI au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, où l on considérait que pour faire avancer les projets, la consultation était de mise. «Lorsque j ai commencé à examiner les problèmes que posaient les projets en technologie de l information, il était évident que, pour les régler, il fallait faire appel à des experts de l industrie qui en avaient une bonne compréhension», a déclaré M. Williams. Il croyait aussi que la meilleure façon de relever ce défi était de se pencher sur le processus d achat. «Je pensais que la meilleure façon d aborder la question du succès des projets en TI était de veiller à mettre 46 Optimum, La revue de gestion du secteur public vol. 28, n o 1
3 en place les 13 autres facteurs concourant au succès des projets et à utiliser ensuite les achats comme levier d avancement», a ajouté M. Williams *. Le groupe de travail En septembre 1996, TPSGC créait un comité directeur formé de quelques représentants du gouvernement et de l industrie ainsi qu un groupe de travail plus large, dont le mandat était de concevoir une nouvelle stratégie d achat. Le groupe de travail commença ses délibérations en octobre. Il comprenait 21 membres, dont des représentants de TPSGC, du Secrétariat du Conseil du Trésor, du Bureau du Vérificateur général, de la Défense nationale, de Développement des ressources humaines Canada, de Revenu Canada et de la GRC. Les représentants de l industrie étaient nommés par l Association canadienne de la technologie de l information (ACTI), l Association canadienne de technologie de pointe (ACTP) et le Canadian Business Information Network (CABiNET). Les représentants de l ACTI et de l ACTP provenaient des grandes entreprises du pays spécialisées dans la technologie. La décision d inclure CABiNET, une association de petits cabinets de consultants en TI-IS, dont les bureaux sont situés dans la région d Ottawa, s est avérée un choix judicieux pour le groupe. Lors de travaux précédents visant à modifier la stratégie d achat du gouvernement, les petites entreprises, qui critiquaient de plus en plus le processus d achat, avaient été laissées de côté. En qualité de président du groupe de travail, Noel Bhumgara, ancien directeur général du Secteur des sciences, de l informatique et des services professionnels de TPSGC, a fait observer ce qui suit : «C était vraiment toute la communauté qui essayait de résoudre un problème grave. Il y avait un très large consensus pour trouver une solution qui permettrait d augmenter considérablement les chances de succès des projets» **. Les gens, normalement des concurrents, ont fait front commun pour créer une nouvelle approche au processus d achat. Quelques principes fondamentaux ont émergé au début des discussions et ces principes ont aidé à façonner l évolution du concept des AAR. Les participants ont convenu qu il fallait * [Traduction] Extrait d une conversation avec l auteur (avec l approbation de A. Williams). ** [Traduction] Extrait d une conversation avec l auteur (avec l approbation de N. Bhumgara). que les résultats en aval soient inclus dans la DDP pour tous les projets d achat en TI-IS. Les fournisseurs, à leur tour, devaient montrer comment ils s y prendraient pour en arriver aux résultats escomptés. Les participants ont aussi jugé que les entreprises devraient être choisies et payées selon leur capacité de fournir le meilleur rapport qualité-prix. Les fournisseurs dont les projets dépasseraient les objectifs quant à la performance du système et au taux de rendement devraient recevoir des stimulants financiers. Par contre, les fournisseurs qui n atteindraient pas les résultats prévus ne devraient pas recevoir une pleine (ou aucune) rétribution pour leurs travaux. Finalement, les membres du groupe de travail ont convenu que le nouvel environnement des achats devait être sous le signe de la collaboration et du consensus. Les projets d achat en TI-IS sont trop souvent devenus une joute peu amicale, dans laquelle les clients et les fournisseurs débattent des modalités du contrat et refusent de partager leurs informations avec les autres. L objectif était de favoriser la coopération entre le client et le fournisseur de façon que tous les deux fassent front commun pour atteindre les mêmes buts. Le processus de consultation a obtenu du succès, et ce, à tous les égards, car, dès le début, les participants se sont ingéniés à trouver des solutions. Le processus était très structuré, tout comme la composition du groupe de travail. Les participants se rencontraient une demi-journée toutes les deux semaines, et ils étaient toujours les mêmes. Il n était donc pas nécessaire d informer de nouveaux membres et il n y avait aucun risque que les membres ne parviennent pas à un consensus ou perdent leur enthousiasme. Les discussions ont avancé à pas de géants. En effet, le groupe de travail a terminé ses travaux en mars 1997, et le concept des AAR devait être mis à l essai et perfectionné dans un certain nombre de projets servant de guides. (L actuelle DDP concernant les contrats de conversion à l an 2000 des systèmes essentiels à la mission du ministère offre un exemple d achat qui intègre les principes régissant les AAR.) Les éléments des AAR Les principaux éléments des AAR comprennent deux caractéristiques fondamentales de la stratégie d achat : Souplesse. Chaque projet en TI-IS est unique, et possède ses propres particularités et complexités. Le Optimum, La revue de gestion du secteur public vol. 28, n o 1 47
4 concept des AAR n est pas guidé par la nécessité d adhérer à un processus rigide qui s adapte à toutes les circonstances, mais par les résultats et les avantages en aval du projet. De même, le processus de jalonnement permet une rétroaction et un réalignement continus de direction, réduisant ainsi les risques d un échec et de pertes financières. L autre caractéristique est la mesure dans laquelle le secteur privé participe intellectuellement et apporte d autres compétences aux AAR. On s attend à ce que les fournisseurs offrent des solutions pendant toute la durée du projet, cernent et gèrent les risques et s occupent de tous les aspects du projet, en collaboration avec le client et la personne responsable des achats. Quelques-uns de ces éléments sont l analyse de rentabilisation, le processus de «jalonnement», la rémunération et le rendement du fournisseur. L analyse de rentabilisation L analyse de rentabilisation représente peut-être l élément le plus important du concept. Chaque projet en TI-IS doit comprendre une analyse de rentabilisation rigoureuse qui permet de rationaliser la proposition d investissement en l absence de spécifications complètes, tout en établissant et quantifiant les résultats souhaités. Elle précise le rôle du client et du fournisseur dans l atteinte de ces résultats. Elle comprend aussi une évaluation des risques qui tient compte des risques tangibles, établit ces risques pour les deux parties et fournit un moyen de les atténuer pendant toute la durée du projet. Dans l analyse de rentabilisation qui est élaborée par le ministère client avec l aide de TPSGC, il faut veiller à ce que les résultats opérationnels soient réalistes et à ce que l on abandonne les projets peu pratiques ou mal conçus. Elle permet aussi aux parties de se concentrer sur la réalisation du projet plutôt que sur la gestion du contrat. Les fournisseurs doivent proposer des plans pour atteindre les résultats souhaités ainsi que des stratégies pour la gestion des risques. Les critères d évaluation financière sont explicitement énoncés dans la DDP et ils aident à déterminer la qualité des solutions des fournisseurs, qui est aussi cruciale. La période de récupération, le taux de rendement, les limites budgétaires et les seuils des répercussions financières sont quelques-uns des paramètres financiers dont on doit aussi tenir compte. Le fournisseur retenu rencontrera le client pour revoir, peaufiner et, si nécessaire, réviser l analyse de rentabilisation. C est ce qu on appelle la phase «diligence raisonnable» du projet. Si le projet s avère peu pratique, il sera évalué à chaque étape ou abandonné avant que l on y consacre plus d argent. Le processus de jalonnement Le processus de jalonnement est un élément important du concept des AAR. Chaque projet comprend des étapes clés pour l examen de la validité de l analyse de rentabilisation, du rendement et du profil des risques. L analyse de rentabilisation est-elle toujours solide? A-t-on besoin de modifier la façon dont le projet est géré? Le projet est-il toujours valable? Si le client ou le fournisseur décidait de ne pas aller de l avant avec le projet et d abandonner celui-ci, l État mettrait fin à la relation en conformité avec un plan de prévention des conflits établi dans le contrat. Si tous les objectifs sont atteints, le projet peut passer à l étape suivante. Ce processus de jalonnement se poursuivra jusqu à la fin du projet. Un projet type comprend de trois à cinq étapes. La rémunération Le concept des AAR repense toute la question de la rémunération. Dans le contrat conclu avec le fournisseur, chaque partie doit accepter sa part de risques. En ce qui concerne le fournisseur, cela signifie partager les risques financiers lorsque le projet ne répond pas aux attentes. Le contrat peut aussi comprendre des incitatifs, dont des arrangements non traditionnels. Par exemple, le fournisseur voudra peut-être être payé à partir des produits des activités en aval provenant des économies réalisées sur les opérations ou de la production de recettes plutôt que de recevoir des honoraires fixes. Le rendement des fournisseurs Le concept des AAR comprend un autre élément important : la prise en compte du succès obtenu par les fournisseurs dans la réalisation de projets en TI-IS. Par contre, ceux qui n auront pu exécuter un contrat de façon 48 Optimum, La revue de gestion du secteur public vol. 28, n o 1
5 satisfaisante ne seront pas invités à répondre à d autres DDP, comme il est précisé dans la nouvelle Politique sur le rendement des fournisseurs. Ceux qui n auront pas l expérience pertinente trouveront plus difficile d être choisis à la suite d une DDP. Les fournisseurs doivent aussi prouver qu ils sont capables de gérer des projets, de prendre des risques, de trouver des solutions et de gérer des processus. La stabilité financière est aussi un point important à considérer. Par exemple, une entreprise qui a un chiffre d affaires de $ ne sera pas choisie pour gérer un projet de 20 millions de dollars. Les petites entreprises auront, cependant, un plus grand rôle à jouer dans la nouvelle stratégie d achat. En effet, dans le processus de jalonnement, les achats sont répartis en plusieurs tranches, dont une certaine partie peut être attribuée à des sous-traitants de taille plus petite. Selon un représentant de CABiNET au sein du comité directeur, la nouvelle stratégie devrait inciter le gouvernement et les grandes entreprises à faire appel à des cabinets de consultants plus petits qui peuvent fournir l expertise nécessaire à la réalisation d un projet. La politique relative au Processus commun d acquisition Les AAR représentent un changement majeur par rapport à la politique du gouvernement relative au Processus commun d acquisition (PCA). Lancé en 1992, le PCA a été conçu pour améliorer la qualité des décisions d achat; pour ce faire, on a eu recours à l expertise du secteur privé afin de définir les besoins en matière d achat. Parmi ses nombreux avantages, le PCA a simplifié le processus d achat et, dans certains cas, a réduit le coût de faire des affaires, autant pour les clients que pour les fournisseurs. Une évaluation des 20 premiers projets du gouvernement fédéral pour lesquels on a fait appel au PCA révèle que la plupart ont atteint les objectifs souhaités par le gouvernement. En outre, un projet d IBM Canada réalisé pour le compte du ministère de la Défense nationale a généré deux fois plus d économies que prévu. Le concept du PCA a depuis été adopté par plusieurs gouvernements provinciaux au Canada et par d autres administrations gouvernementales dans le monde. Conclusion Les gouvernements qui s emploient activement à réduire les coûts sans nuire à la qualité de leurs services peuvent tirer d importantes leçons de notre expérience de l élaboration des AAR. De plus, en alliant leurs compétences et leurs capacités intellectuelles, les gouvernements et le monde des affaires peuvent aider à trouver des solutions, car leur travail est fait sous le signe du consensus et de la volonté de réussir. Le milieu des affaires peut offrir au gouvernement et aux contribuables canadiens des compétences exceptionnelles, dont des connaissances techniques, des réseaux de contacts internationaux, des moyens financiers et de l expertise dans la gestion des ressources humaines. En réalité, il est difficile d imaginer un seul objectif fondamental du gouvernement que le milieu des affaires ne peut aider à atteindre, soit comme fournisseur individuel soit dans le cadre de partenariats. Les Canadiens de toutes les provinces veulent faire leur part pour réduire les coûts du gouvernement. La collaboration des secteurs public et privé dans l élaboration du concept des AAR constitue une bonne façon d y parvenir. Optimum, La revue de gestion du secteur public vol. 28, n o 1 49
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