Sommeil, cancer et pratique infirmière

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1 Sommeil, cancer et pratique infirmière Nancy Dorneval, inf. B.Sc, CSIO (C) Nicole Tremblay, inf. M.Sc, CSIO (C) ICSP (C) Claudine Tremblay, inf. M.Sc, CSIO (C) à venir

2 Plan Faits Insomnie Définition Catégories Facteurs prédisposants Non modifiables Modifiables Rôle Dépister Évaluer Enseigner Intervenir Trois niveaux d intervention

3 Faits sur les troubles du sommeil et l insomnie Le sommeil est nécessaire pour le repos et joue un rôle significatif dans la sécrétion des hormones, la thermorégulation et le système immunitaire Une perturbation à long terme du sommeil peut engendrer des problèmes autant physique que psychologique et peut altérer les activités de la vie quotidienne Privation totale/partielle Les perturbations du sommeil touchent 30% à 88% des personnes atteintes de cancer Près d 1 personne sur 3 et jusqu à 9 personnes sur 10 Chez les patients atteints de cancer, l'insomnie peut être associée à une augmentation de la morbidité

4 Faits sur les troubles du sommeil et l insomnie Jeunes patients atteints de cancer sont plus souvent touchés par l'insomnie que ceux plus âgés. Peut perdurer longtemps après la fin des traitements actifs et engendrer une fatigue chronique 75% des survivants de cancer souffrent d insomnie Sous-estimée et sous-traitée

5 Faits sur les troubles du sommeil et l insomnie Important de traiter l insomnie en fonction de sa sévérité et de sa chronicité Buts recherchés: augmenter la qualité et la quantité de sommeil diminuer les effets néfastes que l'insomnie cause sur les activités de la vie quotidienne Premier élément à considérer traiter le cancer et les effets secondaires associés à la maladie ou à son traitement

6 Définition Selon la classification internationale des troubles du sommeil et ceux du DSM IV l insomnie se définit comme: Difficultés à initier le sommeil (30 minutes ou plus pour s'endormir) Difficultés à maintenir le sommeil Sommeil représente moins de 85% du temps passé au lit Doit survenir au moins 3 nuits par semaine Dure depuis au moins 1 mois Doit causer une diminution significative des activités diurnes ou une détresse psychique marquée PCCC 2012

7 3 categories d insomnie Insomnie initiale Difficultés à s'endormir Insomnie de maintenance Difficulté à maintenir le sommeil ou réveils trop fréquents Insomnie terminale Éveil trop matinal

8 Facteurs prédisposants Certains facteurs peuvent prédisposer à des perturbations du sommeil Peuvent être séparés en deux catégories Modifiables Non modifiables

9 Facteurs prédisposants non modifiables Âge Sexe Histoire personnelle et familiale d'insomnie Problèmes psychiatriques ou psychologiques Niveau de scolarité et statut socio-économique Type de cancer Type de traitement Certains symptômes dus à la maladie ou traitement Certaines médications et co-morbidités

10 Facteurs prédisposants modifiables Habitudes de vie Hygiène de sommeil Consommation de drogue Croyances personnelles

11 Rôle de l infirmière Les traitements pharmacologiques sont très répandus et peuvent créer de la dépendance ou des interactions médicamenteuses. Par ailleurs, ils ne sont pas réellement du ressort de l'infirmière Dépister l'insomnie Sensibiliser et éduquer face à une meilleure hygiène de sommeil Enseigner des thérapies comportementales Soutenir patient et changement

12 Dépistage À l aide d outils Item de l ESAS + problème dans liste de problèmes sur l outil de dépistage de la détresse

13 Dépistage (suite) Si présence 2 Questions à poser Avez-vous régulièrement depuis un mois des problèmes de sommeil trois nuits par semaine et plus? Si oui, est-ce que ces problèmes ont un effet négatif sur votre fonctionnement le jour ou votre qualité de vie? somnolence diurne, détresse

14 Evaluation plus ciblée Remettre dépliant et proposer journal de sommeil à compléter en présence de SX d insomnie chronique Si approprié à situation, référer à la CCSI pour évaluation après journal ou IPO selon confort (à discuter en équipe) Le ISI: Index de sévérité de l'insomnie : Ce questionnaire contient 7 questions où le patient doit évaluer la qualité de son sommeil sur une échelle de 0 à 5 Le IQSP: Indice de Qualité du Sommeil de Pittsburgh Ce questionnaire contient 10 questions avec sous-questions, visant à identifier les troubles du sommeil. Les questions sont regroupées en 7 composantes

15 Journal du sommeil

16 Dépliant Collectif d infirmières à travers le club de lecture

17 Niveau 1 d intervention Enseigner et soutenir le patient en matière d hygiène du sommeil But: Enseigner les choix de vie qui favorisent le sommeil et diminuent les troubles du sommeil (voir dépliant) Réduire la consommation de nicotine, caféine et autres stimulants Éviter la consommation d alcool comme aide au sommeil Éviter de boire trop de liquide avant de se coucher Faire de l exercice régulièrement Maintenir une routine Manger sainement

18 Niveau 1 (suite) Ne pas se coucher l estomac vide, mais ne pas prendre un gros repas avant de se coucher Éviter les activités stimulantes avant le coucher (regarder la télévision, parler au téléphone, etc.) Retirer l horloge de la chambre (pour ne pas être porté à regarder l heure) Éviter de faire des siestes ou si non faire la sieste tôt dans la journée (max 45 min) Favoriser un endroit calme et sombre pour dormir Garder même heure de coucher et de lever Ne pas ramener ses problèmes au lit

19 Niveau 1 (suite) Méthodes d autogestion des troubles du sommeil But : Proposer utilisation d un journal du sommeil consigner habitudes de sommeil (minimum de 2 semaines, au moins 5 jours) Dépliant sommeil (disponible site «HMR») Document HMR relaxation/méditation guidée: quelques références pour pratiquer Proposer l utilisation de manuels, vidéos ou site internet

20 Niveau 2 d intervention Évaluation infirmière sommeil Évaluation spécifique du sommeil avec journal ou PSQI. Par ailleurs, exploration des préoccupations ou SX en lien avec l ODD si dépistage a eu lieu dans ce contexte. Voir si autre intervenant dans le dossier. Général Ces facteurs influencent-ils votre sommeil : température, saison, menstruation, etc. Combien de temps s écoule-t-il entre le souper et le sommeil (estomac plein, vide, collation)? Êtes-vous anxieux si vous allez dormir au fur et à mesure que vous vous approchez du coucher (distorsion cognitive; il faut, je dois, scénario catastrophe))? Êtes-vous endormi lorsque vous allez vous coucher? Que faites-vous si vous ne parvenez pas à dormir?

21 Niveau 2 d intervention (suite) Si vous ne dormez pas bien une nuit, restez-vous plus longtemps couchée la nuit suivante? Attention dette de sommeil. Est-ce que votre routine change la fin de semaine, les jours fériés? Histoire antérieure d insomnie? Qu avez-vous essayé (vérifier utilisation somnifères et CAM)? Y a-t-il quelque chose qui a fonctionné pour vous? Agoniste adrénergique Agents antinéoplasiques Niacine Amphétamines Décongestionnants Contraceptifs oraux Antibiotiques (quinolones) Diurétiques Stimulants Anticonvulsivants Glucorticoïdes Sympathomimétiques Antidépresseurs Hypnotiques Théophylline Antihypertenseurs Levodopa Hormones thyroïdiennes Caféine Tabac Cocaïne

22 Si les symptômes persistent, une thérapie cognitivocomportementale (TCC) peut être offerte par l infirmière

23 Thérapie par contrôle du stimulus Fondement théorique : L insomnie est le conditionnement de l association de la chambre et du lit à l incapacité de dormir But de la thérapie : Associer lit et chambre au sommeil.

24 Éléments clés Utiliser le lit seulement pour dormir et les relations sexuelles Ne pas faire de sieste durant le jour Faire des exercices de relaxation environ 1h avant de se coucher Développer un rituel du sommeil Se coucher seulement lorsque fatigué Ne pas rester plus de 20 minutes éveillé dans le lit (après 20 minutes de temps perçu, ne pas regarder l horloge, quitter la chambre et faire des activités relaxantes, ne revenir que lorsque fatigué) Répéter autant de fois que nécessaire Mettre l alarme à la même heure chaque jour, même les jours de congé

25 La thérapie de restriction du sommeil Fondement théorique : L insomnie résulte de l excès de temps passé au lit sans dormir donc en étant privé de sommeil, il y aura augmentation du besoin de dormir. Il doit y avoir association du lit et du sommeil. But de la thérapie : Obtenir une meilleure nuit de sommeil et augmenter le temps passé à dormir Informer patient du risque de fatigue accru surtout en début de traitement et que le traitement dure en moyenne 6 à 8 semaines.

26 Éléments clés A l aide du journal des habitudes de sommeil déterminer le temps moyen du temps de sommeil Se lever à la même heure tous les matins et se coucher à l heure pour obtenir ce temps moyen Sieste interdite Ajuster le temps de sommeil à toute la semaine selon : Efficacité entre 85 à 90% augmenter le temps au lit de 15 à 30 minutes Si au contraire moins de 85%, diminuer le temps de sommeil de 15 minutes

27 Relaxation Certaines techniques sont conçues pour diminuer la tension physique et d autres pour offrir un relâchement mental But de la thérapie : Diminuer l état physique et mental qui inhibe le sommeil

28 Respiration diaphragmatique Placer la main sur l abdomen. Inspirer lentement et profondément par le nez en faisant gonfler l abdomen Expirer lentement par la bouche Répéter durant 5 minutes

29 Relaxation musculaire progressive Technique qui consiste à tendre et à relâcher 16 groupes de muscles, dure de 15 à 20 minutes. En position assise, contracter durant 10 à 15 secondes les muscles du corps et décontracter Prendre conscience de chaque muscle après son relâchement Doit être pratiquée le jour, puis lorsque maîtrisée utiliser la nuit Site proposant un exercice de relaxation musculaire progressive

30 Visualisation et imagerie mentale Se visualiser dans un endroit calme pour amener un état de détente (visualisation dirigée) Site du psychiatre David Servan-Schreiber qui propose 30 minutes de relaxation guidée et des exercices de visualisation pour la préparation aux traitements de chimiothérapie et radiothérapie :

31 Niveau 3 Si les symptômes persistent, il est recommandé de référer les patients à des experts en sommeil (psychologue, etc ) Afin de bénéficier d autres types de thérapies dont le but sera d identifier et modifier les pensées automatiques et les croyances erronées envers le sommeil et réduire l anxiété de performance.

32 Restructuration cognitive En se fondant sur l hypothèse que les troubles du sommeil résultent de schémas de pensée qui maintiennent le stress et l insomnie, le patient est confronté sur ses schémas de pensée et ses croyances dysfonctionnelles afin d amener une restructuration cognitive Modification des attentes (associer sommeil à la détente)

33 Cercle vicieux de l insomnie Détresse émotionnelle Difficulté de sommeil Évènement précipitant Aggravation des difficultés de sommeil Inquiétudes et croyances erronées envers le sommeil Savard, 2010 Effort pour contrôler le sommeil/anxiété de performance

34 Intention paradoxale Éliminer l anxiété de performance reliée au fait de s endormir amenant le patient à confronter sa peur de rester éveillé en accentuant ses symptômes problématiques Détourner l attention pour désamorcer la crainte de ne pas dormir

35 Après 2 ans intégration dans la pratique Sondage informel auprès des collègues 8 inf sondées 3 pas au courant de la démarche 5 sont au courant de la démarche mais 3 ne savent pas où se procurer le document 1 pas de patient avec insomnie 1 ne connaît pas le processus de référence vers CCSI 1 médication règle le problème 1 journal trop compliqué pour sa clientèle Non distribué sur une des 2 unités

36 Synthèse des consultations CCSI La majorité provenance via ODD clientèle sein RO CRID IPO sein + prostate Majorité n ont pas reçu le dépliant ni le journal Quasi-totalité n ont pas complété le journal Interventions psychoéducatives et méthodes de relaxation et conseils à l égard d autres Sx (douleur, fatigue, anxiété, dépression) Efficace pour la plupart

37 Suite des choses Retour auprès des inf Revoir stratégies pédagogiques Renforcement positif Des idées

38 Période de questions

39 Références principales Berger, A.M. (2009). Update on the State of the Science: Sleep-Wake Disturbances in Adult Patients with Cancer. Oncology Nursing Forum, 36(4), E165-E177. Bouchard M. & Reich, M. (2012). Les insomnies en oncologie : dépistage et prise en charge. Bulletin du Cancer, 99(5) Crump, S. (2011). Cognitive-Behavorial Therapy for Insomnia in Patients with Cancer. Clinical Journal of Oncology Nursing, 15(4), E42-E52. Howell D, Oliver TK, Keller-Olaman S, Davidson J, Garland S, Samuels C, Savard J, Harris C, Aubin M, Olson K, Sussman J, MacFarlane J, and Taylor C au nom du groupe consultatif sur l expérience globale du cancer du Partenariat canadien contre le cancer. Savard, J. (2010) Faire face au cancer avec la pensée réaliste. Éd. Flammarion; Montréal