HISTORIQUE DES MANUSCRITS DE LA BIBLIOTHEQUE DE SAINT-VANNE DE VERDUN

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1 HISTORIQUE DES MANUSCRITS DE LA BIBLIOTHEQUE DE SAINT-VANNE DE VERDUN Aujourd hui, les manuscrits sont conservés à la bibliothèque de Verdun après avoir traversé plusieurs siècles, de nombreuses guerres et vécu tous les soubresauts de l histoire. Nous connaissons parfaitement la bibliothèque de Saint-Vanne grâce à trois documents de référence. C est le manuscrit 431 de Dom Pierre Le Court commencé en 1745 qui nous fournit tous les renseignements sur l abbaye Saint Vanne et plus particulièrement sur la bibliothèque à laquelle il consacre 20 chapitres! (Photo 1). Le catalogue des manuscrits des bibliothèques françaises de 1879 fait le point des manuscrits présents à la fin du XIXe siècle. En 1897, Dom Ursmer Berlière peut, dans son opuscule, croiser les données des deux précédents documents et faire une véritable identification des manuscrits conservés dans la bibliothèque. Sur 95 manuscrits recensés dans le Ms 431, Dom Berlière en identifie 63. Ces chiffres sont toutefois difficilement comparables puisque le manuscrit qu il appelle «Ms 40 Bis» comprend en fait 3 manuscrits aujourd hui (Ms 100, Ms 119, Ms 120). Aux 63 manuscrits identifiés par Dom Berlière, la bibliothèque peut en ajouter 2 qui avaient disparu à son époque, mais qui étaient cités par Dom Le Court. Il s agit des Ms 758 et Ms 759, Missels du 14è siècle. Ces manuscrits entrés dans nos collections en 1909 suite à la succession Charles Buvignier ont dû disparaître de l abbaye à la révolution française. La bibliothèque de Verdun compte aujourd hui 72 manuscrits provenant de Saint-Vanne auxquels se rajoutent 10 manuscrits d origines diverses. Un manuscrit a disparu en 1978, il s agit du Ms 28 «L image du monde» de Gauthier de Metz. Nous connaissons parfaitement les chanoines et le personnel de l abbaye grâce au *nécrologe, Ms 7, qui va du XIIe au XVIIIe siècle. (Photo 2). Le *cartulaire est à la bibliothèque nationale mais nous en possédons une copie du XIXe siècle. Le plus ancien manuscrit de Saint-Vanne, le Ms 67, est aussi le plus ancien de la bibliothèque. Il s agit du «De Trinitate» d Alcuin du IXè siècle. 1

2 On remarque au folio 45 la plus ancienne notation musicale de Lorraine appelée «a Campo aperto». Il s agit de la messe des docteurs. Le fonds le plus important des manuscrits est constitué par ceux de l époque de de Richard de Saint-Vanne ( ). Ils sont au nombre de 13. Il s agit des Ms 2 Ms 24 Ms 30 Ms 36 Ms 45 Ms 47 Ms 48 Ms 50 Ms 51 Ms 52 Ms 57 Ms 75 et Ms 77. C est ce dernier qui a déclenché l étude des manuscrits de l époque de Richard de Saint-Vanne suite à la découverte d un catalogue gratté de bibliothèque scolaire du 11è siècle par Madame Turcan-Verkerk, chercheur au CNRS. Elle découvre en effet la mention de l Ibis d Ovide dont on ne connaissait aucune attestation antérieure au milieu du 12è siècle. Le chercheur décide alors de consacrer une étude plus complète à tous les manuscrits de l époque de Richard de Saint-Vanne. Elle identifie trois *scribes Rodulfus, Albricus, Rothardus. Nous ne possédons pas de manuscrit du premier mais nous pouvons découvrir le colophon d Albricus dans le Ms 2 et les colophons de Rothardus dans les Ms 24 et 50. Ces deux derniers sont d origines différentes, l un écrit à Lobbes (Ms 24) où Rothardus a suivi Richard de Saint-Vanne et l autre écrit à Liége (Ms 50). L abbaye possédait bien sûr une grosse bible, il s agit du Ms 42 qui n est pas citée par Dom Le Court. (Photos 3 et 4). Nous ne savons pas exactement où elle était conservée à cette période. Peutêtre restait-elle dans l église de l abbaye. Le Ms 70, le plus ancien manuscrit enluminé des Méditations de Saint Anselme vient de l abbaye de Saint-Albans de Cantorbery. Il serait «arrivé» avec Henri de Winchester, évêque de Verdun au XIIè siècle. Le Ms 25 «Traité d astronomie du 13è siècle» est l un des plus beaux manuscrits de la collection. (Photos 5 et 6). Il est en parfait état de conservation. Les représentations du cosmos sont de véritables petits chefs d œuvre. On peut noter l extrême fraîcheur des couleurs, la finesse des fonds or. La qualité de la représentation se trouve rarement dans un traité scientifique où l illustration n est là que pour appuyer le texte comme c est le cas du Ms 24. Au 13 ème siècle, il faut encore citer le Ms 96, Missel de Saint-Vanne. 2

3 Il possède au f. 176v, une peinture en pleine page sur fond or qui représente le Christ en croix entre la Vierge et Saint Jean. On trouve aussi au f. 174 r la représentation de la messe et l initiale V représentant l Eglise et la Synagogue. On retrouve dans ce manuscrit «Le serment que doivent prester les eschevins et officiers de Sainct Vanne». Une mention toute spéciale est à accorder au Ms 84 qui est l œuvre de Jean de Torquemada «Commentaire sur l apocalypse». Son parcours historique est chaotique. Il a appartenu à la bibliothèque de Saint-Arnould de Metz agrégé à la congrégation de Saint-Vanne en 1619, puis devient propriété de Monsieur de Nothomb de Longlaville et racheté par Monsieur Attel de Luttange qui nous l a légué en (Photos 7 et 8). Ce manuscrit est d autant plus intéressant pour nous que nous possédons sa version incunable (Inc 26). Nous pouvons ainsi vérifier le travail de mise en place des «typographes». Il y a adéquation totale entre notre manuscrit et l incunable. (Photo 9). Il n est pas possible de citer les 72 manuscrits mais il est important de rappeler que la bibliothèque de Saint-Vanne est rare par le nombre et la qualité de ses manuscrits. C est surtout un fonds très cohérent par rapport à la période couverte : du 9è au 18è siècle sans interruption. Elle est très représentative d une bibliothèque ecclésiastique. Les ouvrages *liturgiques sont bien représentés : une bible, un missel, plusieurs bréviaires, plusieurs processionnaux, deux évangéliaires, des psautiers, un graduel. Les livres *patristiques tenaient bien leur rang avec Grégoire de Naziance, Saint Jean Chrysostome, Saint Grégoire, Saint Ambroise, Saint Augustin et Saint Jérôme. L hagiographie (les saints de Verdun) est bien représentée ainsi que les arts libéraux avec les trois traités d astronomie (Ms (disparu)) et le livre de mathématiques Ms 24. C est grâce à la maquette de l abbaye exécutée selon les informations contenues dans le Ms 431 que nous pouvons situer la bibliothèque au XVIIe siècle. (Photo 10). Mais comment est-elle encore là aujourd hui? 3

4 A la révolution française, tous les ouvrages sont rassemblés à l abbaye Saint-Paul. Puis à la fin de 1803, ils sont transportés à l ancien collège des Jésuites aujourd hui collège Buvignier. Enfin en 1890, la bibliothèque est transférée du Collège à l ancien théâtre, devenu ensuite bâtiment des bains-douches, disparu en Sa façade constitue aujourd hui l entrée de la nouvelle piscine. Au début de la guerre, le bibliothécaire de l époque, Monsieur Leboyer, avait protégé les documents les plus précieux dans les sous-sols de l évêché. Devant le développement du conflit, il recherche une ville susceptible d accueillir les collections. Ce sera Riom, sa ville natale. Les documents les plus précieux sont évacués le 28 septembre 1915 à Bar-le- Duc. La bibliothèque est bombardée le 1 er octobre! (Photos 11 et 12). Pendant 11 mois, des milliers d ouvrages restés dans la bibliothèque gisent à terre sous la pluie qui «entre là comme chez elle». Ils seront transportés en septembre 1916 à Bar-le-Duc où ils rejoindront les manuscrits, les incunables, les archives de la Ville et les tableaux les plus précieux du musée de la Princerie. Le dépôt complet sera ensuite transporté à Riom en mars L ensemble des documents reviendra à Verdun en Si les imprimés sont jetés pèle-mêle dans les caves de l Evêché, les manuscrits et les incunables, eux, étaient en lieu sûr. (Photos 13 et 14). Cet historique un peu fastidieux permet de comprendre comment Verdun possède encore aujourd hui, malgré les vicissitudes de la Grande guerre, son fonds précieux de manuscrits et d incunables. Le 21 septembre 1927, la bibliothèque est inaugurée dans les locaux du palais épiscopal où elle se trouve encore aujourd hui. Malgré les guerres, malgré les vicissitudes de l histoire, la bibliothèque de Saint- Vanne conserve encore aujourd hui un fonds très cohérent et très représentatif d une bibliothèque ecclésiastique pendant tout le moyen-âge jusqu à la période moderne incluse. La bibliothèque de Verdun est la seule aujourd hui a avoir conservé in situ depuis le IXe siècle les manuscrits des abbayes de Verdun et principalement ceux de Saint-Vanne. Cette bibliothèque fait partie des fonds français les plus riches de province. 4

5 Les photos 15, 16 et 17 correspondent à des *incunables. DEFINITIONS Cartulaire : recueil de chartes Charte : acte écrit contractuel entre des personnes et/ou des communautés. Colophon : petit texte placé à la fin d un livre et qui donne des renseignements sur le nom du scribe, le lieu de rédaction et éventuellement la date. Incunable : livre imprimé de 1455 à 1500 inclus grâce aux caractères mobiles et à la presse. Livre liturgique : ouvrage servant à la célébration des offices et cérémonies religieuses chrétiennes. Livre patristique ou Patristique : ce sont les œuvres des Pères de l Eglise et principalement celles des quatre plus grands d entre eux : Saint Ambroise, Saint Jérôme, Saint Augustin et Saint Grégoire le Grand. Nécrologe / obituaire : liste des défunts d une communauté, ici ceux de Saint-Vanne, pour lesquels on priait chaque année à la date anniversaire de leur mort. Scribe : celui dont la fonction ou le métier est de copier manuellement un texte. Il travaille dans le scriptorium, pièce dans l abbaye où l on copie les textes. 5