IV. Espaces L p. + tx 1. (1 t)x 0
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- Jean-Jacques Laurent
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1 cours 13, le lundi 7 mars 2011 IV. spaces L p IV.1. Convexité Quand deux points x 0, x 1 R sont donnés, on peut parcourir le segment [x 0, x 1 ] qui les joint en posant pour tout t [0, 1] x t = (1 t)x 0 + tx 1. Si on pense à un mouvement où t représente le temps, la position de x t au temps t = 0 est bien le point x 0 donné, et c est x 1 au temps 1. Définition. Si G est une fonction réelle définie sur un intervalle I de la droite réelle, on dit que G est convexe si pour tous les points x 0, x 1 de I et pour tout t [0, 1], on a l inégalité G ( (1 t)x 0 + tx 1 ) (1 t)g(x0 ) + tg(x 1 ). L inégalité signifie que sur le segment [x 0, x 1 ], le graphe de la fonction G est au dessous de la corde qui joint les points (x 0, G(x 0 )) et (x 1, G(x 1 )). Toute fonction affine, de la forme G(x) = ax+b, est convexe, ainsi que G : dans le cas affine, l inégalité de convexité devient une égalité ; on verra un peu plus loin de vrais exemples de fonctions convexes. Notons tout de suite que par l inégalité triangulaire, la fonction valeur absolue G(x) = x est convexe sur R ; en effet, (1 t)x 0 + tx 1 (1 t)x 0 + tx 1 = (1 t) x 0 + t x 1. La fonction x = max(x, x) est le maximum de deux fonctions affines. Plus généralement, on peut voir que le max d une famille finie de fonctions affines est convexe. n fait, si le sup G d une famille quelconque (G i ) i I de fonctions convexes sur I est une fonction finie sur I, alors G est une fonction convexe sur I. On a en effet pour tout i G i ((1 t)x 0 + tx 1 ) (1 t)g i (x 0 ) + tg i (x 1 ) (1 t)g(x 0 ) + tg(x 1 ), d où le résultat en prenant le sup en i. Le lemme qui suit permet de construire la plupart des exemples concrets de fonctions convexes. Lemme. Si g est une fonction réelle croissante sur un intervalle I, si a est un point fixé de I, b une valeur réelle et si on pose alors G est convexe sur I. x I, G(x) = b + 1 x a g(y) dy,
2 Preuve. Si x 0 < x 1 sont deux points de I, si 0 < t < 1 et si on pose z = (1 t)x 0 +tx 1, on a x 0 < z < x 1 ; on peut écrire d après la croissance de g, et en remarquant que z x 0 = t(x 1 x 0 ), x 1 z = (1 t)(x 1 x 0 ), et G(z) G(x 0 ) = G(x 1 ) G(z) = x1 z z x 0 g(y) dy (z x 0 )g(z) = t(x 1 x 0 )g(z) g(y) dy (x 1 z)g(z) = (1 t)(x 1 x 0 )g(z). n multipliant la première inégalité par 1 t et la deuxième par t on obtient (1 t) ( G(z) G(x 0 ) ) t(1 t)(x 1 x 0 )g(z) t ( G(x 1 ) G(z) ), qui devient, après regroupement des multiples de G(z), G ( (1 t)x 0 + tx 1 ) = G(z) (1 t)g(x 0 ) + tg(x 1 ), ce qui prouve que G est convexe sur I. xemples. On a déjà dit que les fonctions affines sont convexes. La fonction exponentielle est convexe sur R, ainsi que G s : x R e sx pour tout s réel. n effet, cette fonction G s est une primitive de la fonction g s : x s e sx, x R, G s (x) = e sx = 1 + x 0 s e sy dy = 1 + x 0 g s (y) dy, et g s est croissante sur R ; c est tout à fait clair quand s > 0, et quand s < 0, x e sx est décroissante, donc x s e sx croissante. La fonction x ln(1/x) = ln(x) est convexe sur ]0, + [. lle est en effet une primitive de la fonction croissante x 1/x. Pour p > 1 la fonction x x p est convexe sur R : la dérivée x p sign(x) x p 1 est continue et croissante. On note que a + b p a p + b p 2 2 ce qu on peut récrire sous la forme a + b p 2 p 1( a p + b p). Pour p = 1 la convexité de x x est vraie aussi, conséquence immédiate de l inégalité triangulaire comme on a vu ; mais on peut dire aussi que la fonction valeur absolue est obtenue en intégrant à partir de a = 0, avec valeur initiale b = 0, la fonction croissante g qui vaut 1 pour x < 0 et 1 pour x 0, G(x) = x = x 0 g(y) dy. Pour 0 < p < 1 la fonction x x p est convexe sur [0, + [ : on peut l obtenir en intégrant à partir de a = 1 la fonction croissante x px p 1, définie pour x > 0, x > 0, x p = 1 x 1 py p 1 dy. La dérivée est intégrable en 0, ce qui permet de prolonger en x = 0 la représentation intégrale. On dit qu une fonction f est concave quand f est convexe. Il est plus raisonnable de dire que pour 0 < p < 1, la fonction x x p est concave sur [0, + [. 2
3 Corollaire. Si ϕ est définie sur un intervalle ouvert I, si ϕ (x) existe et ϕ (x) 0 pour tout x I, alors ϕ est convexe sur I. Preuve. Puisque ϕ existe, la dérivée ϕ est continue, et elle est croissante sur I puisque ϕ (x) 0. On a donc, si a est un point quelconque choisi dans I, x I, ϕ(x) = ϕ(a) + ce qui permet d appliquer le lemme précédent. x a ϕ (y) dy, Au début de cette section, on est parti d une fonction croissante g, et on a montré que ses primitives G sont convexes. On va maintenant faire le chemin inverse. Lemme des trois pentes. On suppose que ϕ est une fonction convexe définie sur un intervalle I R. Si u, v, w sont trois points de I tels que u < v < w, on a ϕ(v) ϕ(u) v u ϕ(w) ϕ(u) w u ϕ(w) ϕ(v). w v Preuve. Posons t = (v u)/(w u) ; alors 0 < t < 1 et v = u + (v u) = u + t(w u) = (1 t)u + tw, donc par la convexité de ϕ on a (1) ϕ(v) = ϕ((1 t)u + tw) (1 t)ϕ(u) + tϕ(w) = ϕ(u) + t ( ϕ(w) ϕ(u) ), donc ϕ(v) ϕ(u) t(ϕ(w) ϕ(u)) et Pour l autre inégalité, on transforme (1) en ϕ(v) ϕ(u) v u ϕ(w) ϕ(u). w u (1 t)(ϕ(w) ϕ(u)) ϕ(w) ϕ(v) donc ϕ(w) ϕ(u) w u ϕ(w) ϕ(v). w v Théorème. Soit ϕ une fonction convexe sur un intervalle I, et soit y un point intérieur à l intervalle I ; la fonction p y définie par x I \ {y}, p y (x) = ϕ(x) ϕ(y) x y est croissante ; la fonction ϕ admet une dérivée à droite ϕ d (y) et une dérivée à gauche ϕ g(y), et < ϕ g (y) ϕ d (y) < +. Il en résulte que ϕ est continue au point y. Pour tout réel α tel que ϕ g (y) α ϕ d (y), la fonction ϕ majore la fonction affine x ϕ(y) + α(x y), x I, ϕ(y) + α(x y) ϕ(x). 3
4 Preuve. Considérons un point y intérieur à I ; d après le lemme précédent, la fonction pente p y : x (ϕ(x) ϕ(y))/(x y), définie pour x y élément de I, est croissante (on va donner les détails plus loin) ; la pente p y (x) a donc une limite à droite ϕ d (y) et une limite à gauche ϕ g(y) quand x tend vers le point y, et le lemme précédent indique aussi que ϕ g (y) ϕ d (y). Donnons les précisions annoncées ; considérons quatre points u, u 1, v 1, v dans I tels que u < u 1 < y < v 1 < v ; ces points existent parce que y est intérieur à I. Appliquons le lemme des trois pentes aux points u < u1 < y, u 1 < y < v 1 et y < v 1 < v ; on obtient ϕ(y) ϕ(u) y u ϕ(y) ϕ(u 1) y u 1 ϕ(v 1) ϕ(y) v 1 y ϕ(v) ϕ(y) v y, donc p y (u) p y (u 1 ) p y (v 1 ) p y (v) : la pente p y est croissante, donc admet des limites à gauche et à droite ; en passant à la limite quand v 1, u 1 tendent vers y on obtient ϕ(y) ϕ(u) y u ϕ g (y) ϕ d ϕ(v) ϕ(y) (y), v y ce qui montre que les deux demi-dérivées sont finies, et entraîne la continuité de ϕ au point y. Si on choisit α entre les deux demi-dérivées en y, on aura ϕ(y) ϕ(u) y u α ϕ(v) ϕ(y), v y ce qui montre que ϕ(v) ϕ(y) α(v y) pour tout v > y et ϕ(y) ϕ(u) α(y u) ce qui donne aussi ϕ(u) ϕ(y) α(u y) pour tout u < y. Il y a aussi égalité quand u = y, donc ϕ(y) + α(x y) ϕ(x) pour tout x I. Remarque. Dans le cas habituel, on a ϕ g (y) = ϕ d (y), le seul choix possible est α = ϕ (y) et la dernière affirmation de l énoncé revient à dire que le graphe de la fonction convexe ϕ est au-dessus de sa tangente au point (y, ϕ(y)), x I, ϕ(x) ϕ(y) + ϕ (y)(x y). Remarque. La fonction convexe ϕ admet une dérivée à droite à valeurs dans [, + [ en tout point y I qui n est pas un majorant de I (pour ϕ(x) = x, qui est convexe sur I = [0, + [, la dérivée à droite vaut au point y = 0) ; de même, la fonction convexe ϕ admet une dérivée à gauche à valeurs dans ], + ] en tout point qui n est pas un minorant de I. Dans le cas d un intervalle fermé [a, b], il est possible que la fonction convexe ϕ ne soit pas continue aux extrémités a et b, comme on le voit dans l exemple où ϕ = 0 sur ]a, b[ et ϕ(a) = 1, ϕ(b) = 2. Les propriétés d une fonction convexe sont plus agréables si on considère l intérieur de l intervalle de définition. lles sont résumées dans le corollaire qui suit. Corollaire. Soit ϕ : I R une fonction convexe sur un intervalle I ; sur l intérieur de I, la fonction ϕ est continue, admet une dérivée à gauche et à droite finies, qui sont deux fonctions croissantes ; la dérivée à droite est continue à droite, et la dérivée à gauche est continue à gauche. L ensemble D des points y de I où ϕ g(y) < ϕ d (y) est au plus 4
5 dénombrable, la fonction ϕ est dérivable en tout point y I \ D, et pour tous x, y dans l intérieur de I on a ϕ(y) ϕ(x) = y x ϕ (u) du. Preuve. Si y 0 < y 1 sont deux points intérieurs à I, on obtient, en appliquant les résultats du théorème précèdent à y = y 0 et à y = y 1, les inégalités (2) ϕ g(y 0 ) ϕ d(y 0 ) ϕ(y 1) ϕ(y 0 ) y 1 y 0 ϕ g(y 1 ) ϕ d(y 1 ). Cela montre que les dérivées, à droite ou à gauche, sont deux fonctions croissantes. La suite de la preuve est moins importante. Montrons la continuité à droite de ϕ d en y 0 ; par (2) et par la définition de la dérivée à droite, il existe y 1 > y 0 tel que ϕ d(y 0 ) ϕ(y 1) ϕ(y 0 ) y 1 y 0 ϕ d(y 0 ) + ε; par la continuité de ϕ au point y 0, on peut trouver h 0 > 0 assez petit pour que y 0 +h 0 < y 1 et pour que pour tout h ]0, h 0 [, on ait ϕ(y 1 ) ϕ(y 0 + h) y 1 y 0 h d après (2), appliqué à y 0 + h < y 1, ϕ(y 1) ϕ(y 0 ) y 1 y 0 + ε ϕ d(y 0 ) + 2ε; ϕ d(y 0 ) ϕ d(y 0 + h) ϕ(y 1) ϕ(y 0 + h) y 1 y 0 h ϕ d(y 0 ) + 2ε, ce qui termine la preuve de la continuité à droite de ϕ d. La preuve de la continuité à gauche de ϕ g est analogue. L ensemble D des points de discontinuité (qui sont des sauts) de la fonction croissante ϕ d est au plus dénombrable, et de plus, les propriétés d encadrement des dérivées gauche et droite, t h < t < t + h ϕ g(t h) ϕ d(t h) ϕ g(t) ϕ d(t) ϕ g(t + h) ϕ d(t + h) entraînent que ϕ g admet exactement le même ensemble D de discontinuités. n chaque point t de I \ D, la fonction ϕ est dérivable et ϕ (t) = ϕ g(t) = ϕ d(t). Le calcul de l intégrale de la dérivée peut se faire au moyen du théorème de Riemann sur la convergence des sommes de Riemann vers l intégrale. Si on découpe [x, y] en n parties égales au moyen de points x i, i = 0,..., n, on aura d après (2), en choisissant de former la somme de Riemann en sélectionnant dans chaque intervalle [x i 1, x i ] le point final x i, n n ϕ d(x i )(x i x i 1 ) (ϕ(x i ) ϕ(x i 1 )) = ϕ(y) ϕ(x), i=1 i=1 donc en passant à la limite par le théorème de Riemann, y x ϕ (u)du ϕ(y) ϕ(x). On obtient l inégalité inverse en sélectionnant le point initial x i 1 de chaque intervalle de subdivision [x i 1, x i ], n n ϕ d(x i 1 )(x i x i 1 ) (ϕ(x i ) ϕ(x i 1 )) = ϕ(y) ϕ(x). i=1 i=1 Remarque. Dans le cas d un intervalle fermé [a,b], il est possible que la fonction convexe ϕ ne soit pas continue aux extrémités a et b, comme on l a vu dans l exemple où ϕ = 0 sur ]a,b[ et ϕ(a) = 1, ϕ(b) = 2 ; dans ce cas, ϕ(b) ϕ(a) n est pas l intégrale de ϕ entre a et b. Mais si ϕ est continue sur I, la description intégrale s étend aux extrémités. 5
6 IV.2. Les espaces L p et L p On suppose que p est un nombre réel tel que 1 p < +. On désigne par L p K (, F, µ) l ensemble des fonctions F-mesurables f définies sur, à valeurs dans K = R ou C telles que f(x) p dµ(x) < +. On pose pour toute fonction f L p ( f p = f(x) p dµ(x)) 1/p. Il est clair que pour tout α K, la fonction αf reste dans L p et αf p = α f p. La fonction u u p est convexe, on a vu que u + v p 2 p 1( u p + v p), ce qui permet de montrer que la somme de deux fonctions de L p est dans L p, et on voit ainsi que L p est un espace vectoriel. L espace L K (, F) est formé des fonctions F-mesurables bornées à valeurs dans K. On le munit de la norme du sup ou norme uniforme, qu on désignera par la notation (non consacrée) f u = sup{ f(x) : x }. Pour cette norme l espace L est complet : une limite uniforme f d une suite de fonctions bornées reste bornée, et c est aussi une limite simple de fonctions F-mesurables, donc la limite f est F-mesurable bornée. Semi-norme sur L p, convexité de la boule unité Proposition. Quand 1 p < +, l application f L p (, F, µ) f p est une semi-norme sur L p, c est-à-dire que pour tout scalaire α K et toute fonction f L p, on a αf p = α f p ; pour toutes f, g L p, on a l inégalité triangulaire f + g p f p + g p. Preuve. On a déjà mentionné la propriété d homogénéité αf p = α f p. Pour prouver l inégalité triangulaire, considérons l ensemble B p := { f L p (, F, µ) : f p dµ 1}. C est un ensemble convexe : si f et g sont deux fonctions dans B p, on note que pour tous x et 0 t 1, par la convexité de u u p et par sa croissance pour u 0, (1 t)f(x) + tg(x) p (1 t) f(x) + t g(x) p (1 t) f(x) p + t g(x) p, donc (1 t)f(x) + tg(x) p dµ(x) (1 t) f(x) p dµ(x) + t g(x) p dµ(x) 1. L inégalité triangulaire en résulte : si a > f p et b > g p considérons f 1 = a 1 f et g 1 = b 1 g qui sont dans la boule unité B p, ainsi que la combinaison convexe a a + b f 1 + b a + b g 1 = f + g a + b B p ; 6
7 par l homogénéité de la fonction. p on en déduit que f + g p a + b, et on fait tendre a vers f p et b vers g p. À la limite, f + g p f p + g p. On a donc l inégalité triangulaire, et une semi-norme sur L p. L espace quotient L p, normé L ensemble N p = { } { } f : f p = 0 = f : f p dµ = 0 est le noyau de la semi-norme. p. Comme on a une semi-norme, le noyau est un sousespace vectoriel : si f, g N p, alors αf + βg p α f p + β g p = 0 ; de façon générale, tous les éléments f d une classe fixée f de L p /N p ont la même seminorme (on peut invoquer l inégalité triangulaire : si f 1, f 2 sont dans la même classe, on a f 2 p f 1 p + f 2 f 1 p = f 1 p, et on échange ensuite f 1 et f 2 ) ; on peut donc attribuer cette semi-norme constante à la classe, en posant f p = f p pour un représentant f quelconque. On obtient une semi-norme sur le quotient, qui est en fait une norme : en effet f p = 0 signifie que f p = 0 quand f est un représentant de cette classe f, donc f appartient à N p et f = N p, qui est le 0 de l espace quotient, f p = 0 f = 0 L p. Remarquons que N p coïncide avec le sous-espace vectoriel des fonctions négligeables { } N = f : f est F-mesurable et nulle µ-presque partout, qui est indépendant de la valeur de p ; en effet, si l intégrale de la fonction mesurable positive f p est nulle, on en déduit que f p, donc aussi f, est nulle µ-presque partout. Inversement, si f N, on a f p dµ = 0 donc f N p. L espace L L espace N des fonctions négligeables est contenu dans tous les espaces L p pour p < +, mais les fonctions négligeables ne sont pas nécessairement bornées. On introduit N = N L, l espace des fonctions µ-négligeables bornées. L espace L K (, F, µ) est formé des classes de fonctions F-mesurables bornées à valeurs dans K, L K (, F, µ) = L K (, F)/N. L espace L (, F) était déjà normé (par la norme uniforme), et on peut voir que son sous-espace N est fermé pour cette norme. On est dans le cadre du quotient d un 7
8 espace normé par un sous-espace vectoriel fermé : les éléments d une même classe n ont pas la même norme uniforme ; par définition, la norme d une classe f L (, F, µ) est l inf des normes des éléments de la classe. Cela revient à définir la norme ainsi : si f est un représentant de la classe f, alors f est le plus petit M tel que f M presque partout. On dit que M est le sup essentiel de la fonction f. Posons en effet M = f et soit f un élément quelconque de la classe f ; par définition de la norme quotient, il existe f n équivalente à f telle que f n u < M + 2 n, pour tout entier n 0, où cette fois la norme est la vraie norme du sup ; on a donc f n M + 2 n partout, et comme f est égale à f n µ-presque partout, µ ( {x : f(x) > M + 2 n } ) µ ( {f f n } ) = 0. n faisant varier n on obtient une famille dénombrable d ensembles négligeables, dont la réunion N = { f > M } est encore un ensemble µ-négligeable ; il en résulte que µ-presque partout, on a f M. Réciproquement, si f M µ-presque partout, on trouve une fonction f équivalente à f qui est partout M, donc f M. On peut dire tout de suite que L, quotient d un espace de Banach par un sousespace vectoriel fermé, est complet d après la théorie générale, mais on donnera aussi un argument ad hoc plus loin. Remarque : classes de fonctions et fonctions définies presque partout. À chaque fonction µ-intégrable f (donc, mesurable définie presque partout) correspond une unique classe, un unique élément de L 1 (, F, µ). n effet, toutes les corrections f de la fonction f forment une classe, élément de L 1. L espace normé L p est complet Théorème de Fischer-Riesz, L espace L p K (, F, µ) est complet, pour 1 p +. Preuve. On a déjà vu le cas de L, on suppose ici que 1 p < +. On suppose que ( f n ) est une suite de Cauchy dans L p. On choisit des représentants (f n ) L p, qui sont des vraies fonctions réelles ou complexes F-mesurables. On peut trouver une sous-suite (n k ) telle que f nk+1 f nk p = f nk+1 f nk p < 2 k pour tout k 0. Comme la suite de départ est de Cauchy, il suffit de trouver une limite f dans L p pour la sous-suite ( f nk ). Posons u 0 = f n0, u k+1 = f nk+1 f nk pour tout entier k 0, de sorte que U k := u u k = f nk, Û k = f nk ; il faut donc faire converger dans l espace normé L p la série de vecteurs û k, c est-à-dire montrer que la suite (Ûk) des sommes partielles converge vers une limite dans L p. Posons x, V k (x) = 8 k u j (x) ;
9 c est une suite croissante, de limite ponctuelle V(x) = + u j (x) à valeurs dans [0, + ]. La suite croissante (V k (x)) p tend vers (V(x)) p, où on a convenu que (+ ) p = +. Par l inégalité triangulaire pour la norme de L p, et en notant que les fonctions h L p et h ont la même (semi)-norme, h p p = h p dµ = h p, p on voit que V p k k dµ = u j p ( k p u j p ) p ( u 0 p + j 0 2 j) p =: M < +. Par le théorème de convergence monotone, on obtient que V p dµ = lim dµ M < + ; k l ensemble V p k N = {V p = + } = {x : V(x) = + } F est donc de mesure nulle. Quand x / N, on a V(x) = + u j (x) < +, ce qui permet de considérer la fonction f définie par f(x) = + u j(x) pour tout x / N, ce qui est vrai µ-presque partout, et f(x) = 0 sinon. Cette fonction f est F-mesurable, et (+ ) p f p u j V p est intégrable, donc f L p. Il reste à prouver que les sommes partielles U k tendent vers f pour la norme de L p. On a en dehors de N, c est-à-dire µ-presque partout, f U k p = p u j u j p V p j>k et f(x) U k (x) p 0 pour tout x / N, ce qui donne une convergence vers 0 dominée par la fonction intégrable V p. Donc f f nk p p = f U k p p = f U k p dµ 0. La classe f de f est un élément de L p, limite de la suite de Cauchy ( f n ). On a montré que L p est complet. 9 j>k
10 L espace L est complet aussi, on l a déjà expliqué par des raisons générales et promis une preuve ad hoc ; cette preuve n utilise pas de résultat d intégration, seulement un peu de théorie de la mesure et les résultats sur la convergence uniforme. Si (f n ) est de Cauchy dans L et si on choisit une sous-suite (f nk ) telle que f nk+1 f nk < 2 k, il existe pour tout k un ensemble µ-négligeable N k tel que x / N k, f nk+1 (x) f nk (x) < 2 k. n dehors de l ensemble négligeable N = k N k, la série de fonctions f n0 + k 0(f nk+1 f nk ) converge normalement ; sa somme f donne la limite voulue. 10
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