CARTE DE L ETHIQUE DE SPINOZA. Ethique, partie I (de Deo) La nature des choses

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1 CARTE DE L ETHIQUE DE SPINOZA Ethique, partie I (de Deo) La nature des choses Elucidation des lois générales qui déterminent globalement la nature des choses en tant que celle-ci est soumise au principe de causalité. 1. Des notions communes à la nature de Dieu L ordre de la connaissance adéquate exige qu on commence par le plus simple et le plus général de quoi les autres notions pourront être déduites. C est pourquoi la première notion à définir est celle de cause de soi, c'est-à-dire de ce dont la nature ne peut se concevoir qu existante. C est à partir de la cause de soi que seront construites les autres notions que l intellect met en œuvre pour saisir la réalité. Ce sont, dans l ordre, la chose finie en son genre, une chose qui peut être bornée par une autre de même nature ; la substance, qui se conçoit par soi ; l attribut, ce que l intellect perçoit d une chose comme étant son essence et enfin les affections d une substance, autrement dit ce qui est en autre chose et se conçoit aussi par cette chose. Ces opérations de base de l intellect étant définies, le concept de Dieu peut être construit comme celui d une substance consistant en une infinité d attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie. Il ne reste plus qu à démontrer que, dans la nature des choses, il ne peut exister qu une seule substance qui est nécessairement éternelle et infinie ; que cette substance existe nécessairement et qu elle est Dieu. Les 15 premières propositions établissent la validité de cette démonstration qui culmine dans cette affirmation : Tout ce qui est est en Dieu, et rien ne peut sans Dieu ni être ni se concevoir. 2. De Dieu à la nature des choses Tout ce qui est découle de l existence de Dieu qui agit par les seules lois de sa nature. Mais Dieu n est pas un despote qui agit selon son caprice. Les lois de la nature sont les lois de la nature divine et rien ne survient qui n ait été déterminé par l enchaînement rigoureux des causes et des effets, car dans la nature des choses, il n y a rien de contingent, mais tout y est déterminé par la nature divine. La nature doit être conçue d une manière double. D une part, comme principe produisant nécessairement des effets, elle est Dieu au sens propre, nature naturante. Mais d autre part, elle est la nature naturée, l ensemble des choses finies qui sont produites par Dieu et l essence de ces choses n enveloppe pas leur existence. Mais ce n est pas l opposition entre le Créateur et sa création, car Dieu est cause immanente et non transitive de toute chose : les choses finies n existent pas en dehors de Dieu et Dieu n est pas transcendant à sa création. On peut donc dire, moyennant les précautions précédentes, que Dieu et la nature sont une seule et même chose. Et c est pourquoi aussi la pensée et l action ressortissent au même mode de détermination. L intellect, ainsi, n est pas une puissance mystérieuse, mais l action même de comprendre c'est-à-dire d embrasser les attributs de Dieu et les affections de Dieu et rien d autre.

2 La première partie se termine par un appendice consacré à l analyse des préjugés. Si les hommes se trompent et sont fréquemment incapables de comprendre la véritable nature de Dieu, c est parce qu ils sont victimes du préjugé finaliste dont tous les autres préjugés et toutes les superstitions découlent. En effet les hommes sont nés ignorants de la véritable nature des choses mais conscients de leurs désirs et de leurs appétits. Ainsi ils sont conscients de ce qu ils désirent mais inconscients de ce qui les pousse à désirer telle chose ou telle autre. Toute chose est donc conçue exclusivement sous l angle de la finalité qu elle peut remplir pour l existence de l individu. Ainsi naît l illusion du libre arbitre abusivement assimilé à la liberté. De cette première illusion en découle une seconde : les hommes projettent sur l ensemble de la nature leur propre complexion et veulent considérer tous les étants naturels comme des moyens en vue de ce qui leur est utile. Ce préjugé finaliste non seulement renverse l ordre réel de la nature mais encore interdit de comprendre, ce qui est pourtant décisif du point de vue de l éthique, que des notions comme parfait et imparfait, bon ou mauvais, etc. ne sont pas des notions intrinsèques mais n existent que relativement à l homme. Sur le problème de l infini, on lira le scolie de la proposition XV, 1 ère partie ; Sur la critique des conceptions superstitieuses de Dieu : le scolie de la proposition XVII. Ethique, partie II (de Mente) L âme et le corps Déduire, à partir des lois générales qui déterminent la nature des choses, les règles de fonctionnement propres à l ordre psychique, en tant que celui-ci relève d un genre d être irréductible aux déterminations propres à l ordre corporel. 1. Le corps et l esprit Parmi toutes les choses qui suivent de la nature divine, nous nous intéressons spécialement à celles qui sont utiles à la connaissance de l esprit humain et de sa suprême béatitude. Il faut d abord définir les corps des manières finies qui expriment l essence de Dieu en tant qu on le considère comme chose étendue et les idées des concepts formés par l esprit en tant qu il pense, c'est-à-dire agit. Quelques axiomes caractérisent l être humain. L homme est un être contingent son essence n enveloppe pas l existence ; il pense. Cette pensée peut être ce qu on désigne sous le nom d affect (amour, désir, etc.) et ces affects présupposent la présence dans l individu de l idée de la chose aimée ou désirée. Nous sentons qu un certain corps peut être affecté de différentes manières. Et enfin, nous ne percevons que des corps ou des manières de penser. Pour comprendre les rapports entre les corps et les idées, il faut partir du fait que Pensée et Étendue sont des attributs de Dieu et que, en Dieu, Il y a nécessairement une idée tant de son essence que de tout ce qui suit de son essence. Par conséquent, de chaque chose il existe une idée. Ainsi de chaque corps, une idée de ce corps ; mais aussi des choses qui ne sont pas des corps par exemple les nombres il existe aussi une idée. D où il s ensuit que l ordre et l enchaînement des idées est le même que l ordre et l enchaînement des choses.

3 Ainsi l esprit de l homme est-il l idée du corps. Or le corps humain est composé de nombreux corps, puisqu il forme un individu complexe et donc son esprit contient également les idées de tous ces corps composant le corps humain et de tous les affects de ces corps. Par conséquent, L esprit humain est apte à percevoir un très grand nombre de choses et d autant plus apte que son corps peut être disposé d un plus grand nombre de manières. 2. L imagination et la connaissance Ainsi, le corps humain étant affecté par les autres corps, l idée du corps englobe aussi les idées de ces autres corps. Mais, en réalité, nous n avons pas directement l idée des autres corps, mais plutôt l idée des affections que ces autres corps produisent sur notre corps ou plutôt sur telle ou telle partie de notre corps. Les réactions de notre corps aux mouvements innombrables des autres corps s expriment dans des images et ainsi l imagination apparaît comme une puissance de l esprit qui nous permet de contempler des objets absents ou même non existants. De l imagination naît la possibilité des associations d idées et tout ce qui ressortit à la connaissance empirique, qui, aussi utile soit-elle, n est cependant pas une connaissance adéquate. Mais de même que l esprit humain est l idée du corps humain, qu il connaît à travers les idées de ses affections, il existe une idée de l esprit humain mais L Esprit humain ne se connaît pas lui-même si ce n est en tant qu il perçoit les idées des affections du Corps. Il s ensuit que l esprit n a pas de connaissance adéquate du corps et qu il est toujours amené à s étonner de ce que peut un corps. Les limites de l imagination en font un mode de connaissance inadéquate. Mais toutes les idées, en tant qu elles se rapportent à Dieu, sont vraies. Même les idées inadéquates ont leur raison d être qu il s agit de comprendre. La fausseté consiste dans une privation de connaissance qu enveloppent les idées inadéquates, autrement dit mutilées et confuses. De là, on doit distinguer trois genres de connaissance : 1. des connaissances mutilées et confuses qui viennent de ce que nous percevons bien des choses et formons des notions universelles à partir des singuliers qui se présentent à nous par le moyen des sens ou encore à partir des signes, c'est-à-dire par ouï-dire ; 2. des connaissances qui découlent de ce que nous avons des notions communes et des idées adéquates des propriétés des choses ; il s agit là de la connaissance adéquate scientifique - des relations entre les choses ; 3. la science intuitive qui nous permet d atteindre l essence singulière des choses. Dans L Éthique est visée l essence de l esprit humain. Ethique, partie III (de Affectibus) La vie affective

4 - Cf. Cours Ethique, partie IV (de Servitute) L existence humaine et ses conflits Déduction des modalités qui définissent spécifiquement la condition humaine, dans ses aspects individuels et collectifs. 1. Dynamique de la vie affective La servitude est la condition de l homme soumis aux affects. Pour qui recherche la béatitude, il faut d abord déterminer en quoi les affects peuvent être bons ou mauvais, sachant que le bon et le mauvais ne sont pas des notions intrinsèques mais seulement des notions relatives à l homme. C est pour, la classification des affects va être maintenant complétée par une dynamique des affects. Si par bien nous entendons ce que nous savons avec certitude nous être utile, la combinaison dynamique des affects devra être comprise en rapport avec cet utile propre. Or rien de ce qu a de positif une idée fausse n est supprimé par la présence du vrai en tant que vrai. L imagination correspondant à des causes naturelles déterminées, ses effets ne peuvent pas être supprimés par la simple connaissance du vrai. Ainsi, la force des passions peut surpasser de loin celle de nos actions et la connaissance, en tant que telle, n y peut rien puisque la connaissance du bien et du mal n est rien d autre que l affect de joie ou de tristesse en tant que nous en avons conscience. De même que la connaissance des lois de la nature ne supprime pas leurs effets, de même la connaissance des affects ne nous soustrait pas à leurs effets. Mais la connaissance des lois de la nature nous permet d utiliser à notre profit les puissances naturelles ; semblablement, la connaissance de la dynamique spontanée des affects nous permet de l utiliser à notre profit. Ainsi la vraie connaissance du bien et du mal, en tant que vraie, ne peut contrarier aucun affect, mais seulement en tant qu on la considère comme un affect. Toutes choses étant égales par ailleurs, les affects de joie sont toujours supérieurs aux affects de tristesse, et donc le sage pourra combattre ces derniers en s efforçant, autant qu il le peut, d opposer l amour à la haine et ainsi de suite. La voie de la béatitude consiste donc d abord à savoir ordonner ses sentiments et gouverner ses passions, sans pouvoir les supprimer. Si la Joie n est jamais mauvaise directement, elle peut l être indirectement certaines joies peuvent être excessives. La tristesse, la haine et tous les affects du même genre sont directement mauvais. Seuls les désirs qui naissent de la raison ne peuvent être excessifs. 2. La communauté des hommes Par conséquent, nous ne savons avec certitude être bien ou mal que ce qui nous conduit véritablement à comprendre ou ce qui peut nous empêcher de comprendre et donc le souverain bien de l esprit est la connaissance de Dieu. Pour s engager dans cette voie, l homme doit rechercher ce dont la nature est la plus proche de la sienne. Ainsi, en tant qu ils

5 vivent sous la conduite de la raison, les hommes conviennent toujours en nature. Mais, soumis aux passions, les hommes se déchirent et sont cruels et envieux les uns vis-à-vis des autres. La vie en communauté est un bien recherché par le sage, car le bien auquel aspire pour soi chaque homme qui suit la vertu, il le désirera aussi pour tous les autres hommes, et d autant plus qu il possédera une plus grande connaissance de Dieu. Donc, la vertu consiste à rechercher tout ce qui permet la plus grande concorde entre les hommes ; est mauvais, au contraire, tout ce qui peut conduire à la discorde dans la cité. L homme que mène la raison est plus libre dans la cité où il vit selon le décret commun, que dans la solitude où il n obéit qu à lui-même. Ethique, partie V (de Libertate) Les voies de la libération Examen raisonné des procédures de libération permettant d effectuer la synthèse entre les fonctions théoriques de l intellect et les fonctions pratiques de l affectivité. Agir par la raison n est donc rien d autre que suivre ce qui découle de notre nature et de notre effort pour nous conserver et accroître notre puissance d agir. D où il s ensuit, premièrement, que l homme libre ne pense rien moins qu à la mort et sa sagesse est une méditation, non de la mort mais de la vie ; et, deuxièmement, qu il n est rien dans la vie d aussi utile que de parfaire l intellect, car la vie rationnelle demande l intelligence et les choses ne sont vraiment bonnes qu en tant qu elles aident l homme à jouir de la vie de l esprit. Ainsi pour l homme asservi aux passions s ouvre la voie d une libération. En effet, un affect qui est une passion cesse d être passion sitôt que nous en formons une idée claire et distincte car la compréhension de la nécessité donne à l esprit une plus grande puissance sur ses affects. En contemplant sa propre puissance, l esprit est affecté de joie et acquiert un certain pouvoir d ordonner et d enchaîner les affections du corps suivant un ordre pour l intellect. L effort de la connaissance est l amour intellectuel de Dieu. Plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons Dieu. Cet amour de Dieu est un sentiment qui ne peut être souillé ni par l envie ni par les autres affects tristes. Par ce troisième genre de connaissance, l esprit conçoit la réalité sous une certaine forme d éternité. Ainsi, il apparaît que la béatitude n est pas la récompense de la vertu, mais la vertu elle-même et que ce n est pas en diminuant nos appétits que nous pouvons en jouir mais, au contraire en en jouissant que nous pouvons diminuer nos appétits. Les résultats essentiels de l étude consacrée à l homme soumis aux passions sont résumés en 32 courts chapitres dans l appendice de la 4 e partie.