Titre : Des tests hydrostatiques sont essentiels avant de donner le feu vert à l inversion de la ligne 9b

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1 Titre : Des tests hydrostatiques sont essentiels avant de donner le feu vert à l inversion de la ligne 9b Pour acheminer le pétrole provenant des sables bitumineux de l'alberta vers Montréal, la compagnie Enbridge a soumis en 2012 à l'office national de l'énergie (ONE) un projet qui prévoit l'inversion du flux d'hydrocarbure sur sa ligne 9b. Rejetant les recommandations formulées en 2013 par les Gouvernements ontarien et québécois de procéder à des tests hydrostatiques pour garantir la sécurité du projet, l'one a autorisé sous conditions le projet en mars Cette décision va à l'encontre des pratiques optimales actuelles en matière d évaluation de la sécurité des oléoducs, mais aussi et surtout, elle fait fi des leçons tirées des plus récents déversements chez nos voisins du sud. L exploitation évidente par Enbridge des faiblesses dans la réglementation canadienne sur les oléoducs et l apparente mollesse de l ONE dans ce dossier ne laissent plus d autres choix que de nous mobiliser en tant que citoyens informés pour forcer Enbridge à procéder à des tests hydrostatiques sur sa ligne 9, avant que l ONE ne donne son feu vert pour la conversion du vieil oléoduc. Des fuites majeures suite à la conversion de vieux oléoducs La conversion de vieux oléoducs pour le transport de nouveaux types d'hydrocarbures, notamment le bitume dilué, est une pratique de plus en plus répandue aux Etats-Unis. Ce changement de vocation, qui inclut souvent une inversion de flux, a résulté en de nombreuses défaillances selon l Agence de sécurité des oléoducs et des produits dangereux des Etats-Unis (PHMSA ). Soulignons trois exemples récents : 1) La rupture de l oléoduc Pegasus d'exxon Mobil à Mayflower en Arkansas en mars 2013 ; 2) La fuite de l oléoduc de Tesoro Logistics au Dakota du Nord en septembre 2013 ; et 3) le cas le plus célèbre d'entre tous : le déversement majeur de la ligne 6b d'enbridge dans la rivière Kalamazoo au Michigan en Dans le cas du Pegasus, il s'agit d'un oléoduc vieux de 65 ans qui a laissé s'échapper pendant 15 minutes environ 5000 barils de bitume dilué dans un quartier résidentiel, forçant l'évacuation d'une vingtaine de résidences. Après enquête, la PHMSA a mis Exxon Mobil à l'amende pour 2,6 millions pour violation multiple des normes de sécurité. Parmi les infractions 1

2 reprochées, soulignons qu'exxon Mobil n'a pas tenu compte, dans son évaluation des risques, des résultats de tests hydrostatiques que la compagnie avait effectués juste avant la conversion de l oléoduc en Dans une ordonnance de mesures correctives (CAO), la PHMSA a exigé qu'exxon Mobil soumette un plan d'action incluant de nouveaux tests de pression hydrostatiques. Ce segment de l oléoduc est toujours en réparation plus d'un an après la fuite. (Références : Inside Climate news, 2/1/2014, CAO du PHMSA 2/4/2013, The Cabin, 6/11/2013 et The Cabin 31/03/2014). Dans le cas de Tesoro Logistics au Dakota du Nord, il s'agit d'une fuite produite par un petit trou dans un oléoduc âgé d'une vingtaine d'années. La fuite a eut lieu dans un champs de blé et a été découverte plusieurs jours après par le fermier propriétaire du champs. On ne sait pas combien de temps exactement l oléoduc a fuit, mais le déversement s'élève a plus de 20,000 barils sur une étendue de 7 acres. Après une année de travaux réalisés 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 6000 barils ont pu être récupérés et le reste semble difficilement récupérable. La facture s'élève à 20 millions de dollars et la compagnie prévoit une autre année de travaux pour compléter le nettoyage. Par chance, le sol glaiseux a empêché le pétrole de percoler plus profondément, mais le sol est encore complètement saturé et impropre à la culture. L oléoduc a été remis en service, mais des questions demeurent quant à l'efficacité des méthodes à distance pour détecter de petites fuites et l'absence de normes minimales de détection de fuite pour les segments d oléoduc qui ne traversent pas des zones dites vulnérables, comme les cours d'eau ou les zones densément peuplées. (Références : Huff post 10/10/2013, NYTimes 23/10/2013, Huff Post 20/10/2014.) Un dernier exemple, et non le moindre, concerne la rupture de la ligne 6b d'enbridge au Michigan en 2010, qui a entraîné à ce jour le plus grand déversement terrestre de l histoire des Etats-Unis. La ligne 6b est un oléoduc construit en 1969, dont on a plus tard inversé le flux pour transporter du bitume dilué provenant de l ouest canadien et du pétrole de shiste provenant du Dakota du Nord. Enbridge a mis 17 heures avant que le bris de l oléoduc ne soit reconnu comme tel, laissant s échapper 20,000 barils de bitume dilué. Le nettoyage a duré 3 ans et a coûté à la compagnie plus de 1,2 milliards de dollars. Le bureau de la sécurité des transports des Etats-Unis (NTSB, 2012) a conclu que la cause probable de la rupture était attribuable à des fissures préexistantes produites par la corrosion. Le Bureau a ajouté que l ampleur du déversement a été rendu possible par une défaillance majeure dans la gestion de la sécurité de l oléoduc, par une formation inadéquate du personnel au centre de contrôle de la compagnie, 2

3 et par un manque de préparation des autorités publiques et des services d urgence. Aucun test hydrostatique récent n avait été mené avant l inversion du flux, et bien que la technologie du smart pig ait été utilisée, la compagnie Enbridge ne se serait pas occupé de la faille qui a mené à la rupture. Après enquête, la PHMSA a émis une ordonnance de mesures correctives qui exigeait, entre autres, de faire un test hydrostatique avant la remise en service. Certaines parties de cet oléoducs étaient tellement endommagés que la compagnie est en train de remplacer plusieurs kilomètres de cet oléoduc dans cette région. Le nouvel oléoduc comprend une paroi plus épaisse, une protection cathodique contre la corrosion, et fera l objet de plusieurs tests de sécurité. (Références pour 3: mlive.com 5/11/2014, line9communities.com, The Voice 27 juillet 2014, NTSB 2012 Michigan spill report, PHMSA CAO, 2010, Line6b citizen s blog) Leçons tirées de la conversion d oléoducs existants pour le transport de brut lourd D importantes leçons doivent être tirées de la catastrophe impliquant la ligne 6b au Michigan. La PHMSA a également publié des exigences nouvelles suite aux déversements récents mentionnés plus haut (Bulletin du 12 septembre 2014) L Agence a conclu que le changement de type d'hydrocarbure et l'inversion de flux constituent des changements fondamentaux qui méritent de prendre des mesures spécifiques pour garantir la sécurité des oléoducs qui font l'objet d'une telle conversion. Le test hydrostatique (ou test de pression à l eau) constitue une pratique optimale reconnue par l'association canadienne de pipelines d'énergie pour garantir la sécurité de tout nouvel oléoduc. Ce test est aussi employé sur des oléoducs existants. C est notamment ce qu a fait Enbridge en 2013 sur un oléoduc de 60 ans qu il a loué de la compagnie Woolverine Pipe Line Company dans le cadre d un projet d expansion de sa ligne 79 pour relier sa ligne 6b à la raffinerie Marathon de Détroit au Michigan (Ann Arbour News, 19 mars 2013). Enbridge a également fait des tests de pression hydrostatiques sur ses lignes 6b et 14, suite aux exigences de la PHMSA. Pourquoi la ligne 9b ne mérite-t-elle pas de passer ce test de pression à l eau pour en valider l intégrité? Le projet soumis à l ONE par Enbridge prévoit une inversion de flux pour acheminer du pétrole issu des sables bitumineux de l Alberta et du pétrole 3

4 de shiste du Dakota du Nord. Pour ce faire, de nouvelles stations de pompage ont été construites. Un agent diluant sera incorporé au brut lour, afin de permettre à ce type d'hydrocarbure plus visqueux de circuler. On prévoit acheminer 300,000 barils par jour aux raffineries de Suncor à Montréal et de Valero à Lévis (via bateaux), en plus de son exportation à d'autres raffineries capables de traiter ce type de pétrole. Ne serait-on pas en droit de voir appliquer en sol canadien ces nouvelles pratiques optimales en matière de sécurité lors de la conversion de vieux oléoducs? Tout comme la ligne 6b, la ligne 9b est un vieil oléoduc (construit en 1975) de diamètre et de matériau similaires, qui connaîtra une inversion de flux pour transporter du bitumen dilué à une pression similaire à la ligne 6b Plusieurs autorité ont demandé à l ONÉ que des tests hydrostatiques soient fait sur la ligne 9 préalablement à l inversion du flux: Richard Kuprewicz, expert en sécurité de pipeline (août 2013) Le ministère de l énergie de l Ontario (octobre 2013) Ontario Pipeline Landowners Association (octobre 2013) La coalition Equiterre (octobre 2013) La Communauté Métropolitaine de Montréal (novembre 2013) Le gouvernement du Québec (CAPERN, décembre 2013) Enbridge exploite le vide réglementaire canadien sous le regard bienveillant de l ONE Lors de la soumission du projet à l'one, la compagnie Enbridge a tout fait pour ne pas avoir à soumettre la ligne 9b à des essais hydrostatiques, car il a tiré la leçon suivante de Kalamazoo : ça coûte trop cher de réparer les défauts identifies suite à un test hydrostatique dans un vieux pipeline ; mieux vaut remplacer les tronçons les plus abimés. Enbridge a donc insisté pour que son projet soit défini non pas comme une modification de l'utilisation de l'oléoduc mais plutôt comme la construction d éléments externes (ex.: pompes d injection de diluant aux stations de pompage) afin de permettre une nouvelle vocation. En se gardant bien de ne pas augmenter la pression maximale de service autorisée en 1999 (par l injection de diluants ) et en minimisant l importance des essais hydrostatiques face aux outils d inspection interne (comme le smart pig), la compagnie a réussi à éviter que l ONE ne lui impose de realizer des essais hydrostatiques sur la canalization existante dans le but d établir la sécurité de l'oléoduc aux fins des nouvelles 4

5 conditions d'opération (nouveaux types d'hydrocarbures, inversion de flux). Bien que de tels tests aient été demandés par plusieurs intervenants lors des audiences (experts en sécurité d oléoducs, citoyens informés et gouvernements provinciaux concernés), l'one s'en est tenue au minimum, i.e., accepter la vision restrictive du projet telle que définie par Enbridge et appliquer le règlement sur les pipelines terrestres (DORS/99-294). L article 23 de ce règlement stipule que la compagnie doit avant la mise en service établir un programme relativement aux essais sous pression à effectuer sur la conduite et le soumettre à l office lorsqu il l exige. Extrait de la décision de l ONÉ en mars 2014 : L Office n impose pas pour le moment d essais hydrostatiques sur les tronçons de la canalisation 9 qui existent déjà. [ ] Après avoir reçu l évaluation technique à jour et les documents déposés par Enbridge au sujet des travaux de réparation terminés et de la fiabilité de l outil d inspection interne et après avoir tenu compte des politiques et de la stratégie générales d Enbridge au sujet des essais hydrostatiques, il se pourrait que l Office se penche à nouveau sur la possibilité d exiger la tenue d essais hydrostatiques avant la mise en service. [ ] l Office étudiera les dépôts faits par Enbridge en conformité avec les conditions 9, 10 et 11 pour déterminer s il doit l obliger à effectuer des essais hydrostatiques sur des tronçons existants de la canalisation 9. (ONE. Motif de decision, Enbridge Pipelines Inc., mars 2014, pp ) Ainsi, jusqu à present, les seuls tests hydrostatiques qui ont été exigés par l ONE sont ceux requis sur les nouveaux éléments construits dans les stations de pompage. Les essais hydrostatiques sur la canalisation existante sont d autant plus cruciaux que le pipeline est vieux, qu il a nécessité près de 1000 excavations en pour fins de réparation et qu il n a presque jamais transporté une telle quantité de pétrole (300,000 barils par jour). La mobilisation citoyenne est encore nécessaire pour assurer la sécurité de la ligne 9b! Aux Etats-Unis il y a eu une prise de conscience sur les mesures à prendre pour encadrer adéquatement la pratique de conversion de vieux oléoducs afin d en garantir la sécurité. L autorisation conditionnelle émise par l ONE dans le dossier de la ligne 9b est malheureusement exempte de cette prise de conscience. Pourtant, plusieurs intervenants informés tant au Québec 5

6 qu en Ontario ont demandé que la vérification de l'intégrité de l oléoduc le long de la ligne 9b d'enbridge se fasse par la réalisation d'un essai hydrostatique sur l ensemble du pipeline avant sa mise en service. Heureusement, la partie n'est pas encore jouée pour Enbridge. Il reste une petite porte entre-ouverte pour forcer l ONE à exiger ces tests pour valider l intégrité du pipeline. Il faut maintenant que nos élus mettent leur pied dans cette porte pour ne pas que celle-ci ne se referme! Avec le flou actuel qui prévaut - quant à savoir si l'one juge qu'il détient toutes les informations et garanties suffisantes pour donner son feu vert à Enbridge - il est urgent d'obtenir un suivi du processus décisionnel de l ONE pour savoir si l ONE s est décidé ou non d exiger des essais hydrostatiques sur toute la ligne 9b. Il est vrai que s'il n'y avait pas eu l'intervention du Maire Coderre et de la CMM en septembre et en novembre derniers, l'oléoduc serait déjà en opération vers Montréal. Cependant, cette fonction de garde-fou ne peut reposer seulement sur la vigilance des élus des villes concernées. Il nous faut maintenant ranimer la mobilisation citoyenne envers le projet de la ligne 9b d'enbridge. Il va sans dire que nous doutons de l'objectivité de l'organisme fédéral et de la rigueur et de la transparence de son processus d'évaluation. C'est sans compter que l'actuel gouvernement du Québec ne fait rien pour faire respecter les recommandations émises par la CAPERN. Par conséquent, il semble que le seul et dernier rempart pour assurer la protection de nos sources d'eau potable, c'est de nous mobiliser pour réclamer haut et fort que la compagnie procède à un test de pression hydrostatique sur l ensemble de la canalization existante avant d'obtenir de l'one son permis d'opération (le fameux "Leave to Open"). 6