IdeAs Idées d'amériques Populismes dans les Amériques

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2 IdeAs Idées d'amériques Populismes dans les Amériques Édition électronique URL : DOI : /ideas.5726 ISSN : Éditeur Institut des Amériques Référence électronique, «Populismes dans les Amériques» [En ligne], mis en ligne le 01 octobre 2019, consulté le 25 septembre URL : ; DOI : doi.org/ /ideas.5726 Ce document a été généré automatiquement le 25 septembre IdeAs Idées d Amériques est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

3 1 NOTE DE LA RÉDACTION Numéro coordonné par Luc Capdevila, François Vergniolle de Chantal et Jean-Christian Vinel, avec le comité de rédaction Rédactrice en chef : Isabelle Vagnoux Secrétaires de rédaction : Rafaëlle Gandini, Maylis Labarthe, Charlotte Le Merdy Créée en 2011, IdeAs est une revue semestrielle pluridisciplinaire et transaméricaine hébergée sur le portail revue.org.

4 2 SOMMAIRE Populismes dans les Amériques Populismes dans les Amériques Luc Capdevila, François Vergniolle de Chantal et Jean-Christian Vinel Populismos en las Américas Luc Capdevila, François Vergniolle de Chantal et Jean-Christian Vinel Populisms in the Americas Luc Capdevila, François Vergniolle de Chantal et Jean-Christian Vinel Populismos nas Américas Luc Capdevila, François Vergniolle de Chantal et Jean-Christian Vinel Populism as a Concept and the Challenge of U.S. History Charles Postel Populisme? Apports et (més)usages d un concept pour comprendre les gouvernements nationaux-populaires latino-américains Franck Gaudichaud et Thomas Posado Populism in the American West: An Enduring and Evolving Trend Nathalie Massip Are Trade Unions and Their Members Populist? Nelson Lichtenstein Du populisme «par le haut» au populisme «par le bas». Les apports d une enquête de terrain à la redéfinition d un concept flou Federico Tarragoni Populist Narratives from Below: Occupy Wall Street and the Tea Party Rachel Meade Revolucionarios o peronistas? Los años en Argentina bajo el prisma de la categoría de populismo Humberto Cucchetti Les élections de 2018 au Québec : un «moment populiste»? Jean Bernatchez A direita radical 'bolsonarista': da aporofobia à defesa da memória de regimes de exceção Edson Dalmonte et Priscilla Dibai Ampliación de derechos laborales en los populismos latinoamericanos e intentos de erosión de conquistas bajo gobiernos conservadores: el caso de Argentina Juan Sebastián Montes Cató et Pablo Neder Entretiens Entrevista com Tamis Parron e Leonardo Marques Angélica Müller

5 3 Interview with Tamis Parron and Leonardo Marques, UFF Angélica Müller Entretien avec Alain Rouquié, Président de la Maison de l Amérique latine Jean-Baptiste Thomas et Carlos Quenan Éclairages : Walt Whitman, chemins parcourus Dossier coordonné par Anne Reynès Delobel Walt Whitman, chemins parcourus Cécile Roudeau Whitman continental Delphine Rumeau Walt Whitman in His Time And Ours Kenneth M. Price Pourquoi il est urgent de relire Whitman Kenneth M. Price Questions of Epic and Lyric: The Challenge of Walt Whitman Thomas C. Austenfeld I hear America singing, I see America dancing : la compagnie new-yorkaise DanceVisions célèbre Walt Whitman et Isadora Duncan Adeline Chevrier-Bosseau Comptes rendus Nikolaï S. Leonov, Raúl Castro, un hombre en revolución Panamá, Ruth Casa Editorial, 2018, Barcelona, Edhasa, 2018, 336 pages. Alvar De La Llosa Analía Argento, La Guardería Montonera. La vida en Cuba de los hijos de la Contraofensiva Buenos Aires, Editorial Marea, 2018, 248 pages María Victoria Famin Magda Sepúlveda Eriz, Gabriela Mistral. Somos los andinos que fuimos Santiago du Chili, Editorial Cuarto Propio, 2018, 196 pages Malva Marina Vásquez Gretchen Helmke, Institutions on the Edge: The Origins and Consequences of Inter- Branch Crisis in Latin America Cambridge, Cambridge University Press, 2017, XVII-190 pages Damien Larrouqué Jeff Menne, Post-Fordist Cinema. Hollywood Auteurs and the Corporate Counterculture New York, Columbia University Press, 2019, 272 pages Anne-Marie Paquet-Deyris Patricia O Connell Killen et Mark Silk (dir.) The Future of Catholicism in America New York, Colombia University Press, The Future of Religion in America Series, 2019, 368 pages Blandine Chelini-Pont

6 4 Jana Riess, The Next Mormons. How Millennials Are Changing the LDS Church New York, Oxford University Press, 2019, 312 pages Blandine Chelini-Pont

7 5 Populismes dans les Amériques

8 6 Populismes dans les Amériques Populism in the Americas Populismos en las Américas Luc Capdevila, François Vergniolle de Chantal et Jean-Christian Vinel 1 Au cours des dix dernières années, le populisme s est affirmé comme une notion souvent clef dans l analyse de l évolution politique et sociale d un grand nombre de pays européens ou américains. Son usage reste cependant très largement négatif car il désigne le plus souvent un appel direct au peuple basé sur le ressentiment contre les élites et/ou certains groupes sociaux, tout en prônant un arsenal de mesures «simples» et démagogiques. Il est d ailleurs principalement utilisé pour dénoncer ses ennemis et il y a fort peu de responsables politiques à l exception par exemple de Jean-Luc Mélenchon de la France Insoumise, d Hugo Chavez, ou encore des leaders de Podemos en Espagne (Chazel L., 2019) qui revendiquent ce label avec fierté 1. En d autres termes, le populisme est perçu d abord et avant tout comme une forme dégradée de la vie démocratique. C est dans ce sens que l analyse Pierre Rosanvallon (2011) en y voyant une triple simplification : d abord une simplification politique en opposant un peuple fantasmé, homogène, à des élites corrompues ; ensuite une simplification institutionnelle en rejetant tout contrepoids face à la volonté populaire ; et enfin une simplification sociale, qui attribue au peuple une identité claire et définie 2. 2 Mais le populisme est aussi une notion dont les pratiques et les styles sont très différents. Dans les Amériques, le populisme a ainsi été invoqué ces derniers temps pour désigner des courants et des sensibilités politiques très variés, en référence à des mouvements, des acteurs, voire des gouvernements tels que Occupy Wall Street, le Tea Party, Bernie Sanders, ou encore Donald Trump. Au Sud, c est notamment le cas des régimes que l on qualifie aussi de national-populaires en Amérique latine : le Venezuela chaviste, la Bolivie dirigée par Evo Morales, l Argentine sous les gouvernements Kirchner ; tandis que le terme de populisme est également utilisé pour désigner des courants ultra-conservateurs, tel celui incarné par Jair Bolsonaro, l actuel président du Brésil, ou les gouvernements néo-libéraux des années 1990 (Fujimori au Pérou, Collor de Mello au Brésil, Bucaram en Équateur ). Ces derniers, tout en étant dirigés par des «hommes forts» élus dans des contextes de crise politique, avaient renoué avec des

9 7 pratiques d appel au peuple, d immédiation avec la société selon de nouvelles procédures (cathodiques, par exemple dans les années 1990, numériques aujourd hui), de pouvoir fortement incarné, en étant parfois directement issu des anciennes organisations populistes (Menem en Argentine). Mais en abandonnant les politiques redistributives et d intervention économique caractéristiques des «vieux populismes en Amérique latine», ils participeraient des «néopulismes» définis à partir de «la fusion entre populisme et néolibéralisme» qu ils négocient (Freindenberg F., 2007). 3 Dans ces conditions, nombreux sont ceux qui dénient à la notion de populisme tout contenu : si le populisme n est pas tant une idéologie, il se réduit dès lors à ses multiples usages. L ubiquité masque en effet une certaine confusion conceptuelle (Mudde C., 2007, Hermet G., 2001, Taguieff P.-A., 1997, Laclau E., 2008), d autant que le populisme semble être l ombre de la démocratie (Arditi B., 2004, Canovan M., 1999). Si l actualité du populisme témoigne du sentiment que les démocraties vacillent sous le poids de demandes économiques, sociales, identitaires et sécuritaires qui, souvent, prennent la forme d une dénonciation des élites et d une défense d un peuple vertueux, sa substance reste floue. D une part, parce que deux niveaux de discours celui des acteurs et celui des analystes, qu ils viennent des sciences sociales ou politiques se mélangent dans les débats. D autre part, parce que le caractère transnational et la diversité du phénomène tendent à masquer les différences séparant les cas nationaux. L histoire du populisme en Europe est notamment fort différente de celles des États- Unis, du Canada et de l Amérique latine. Sur le Vieux continent, le populisme renvoie en règle générale à des mouvements d extrême-droite (Mudde C., 2007), ou, comme le disait George Lavau (1970), à une «fonction tribunitienne» des partis de gauche. En revanche, aux États-Unis, berceau du Parti éponyme, il constitue un langage politique traduisant une passion égalitaire issue de la révolution américaine (Kazin M., 1995). Quant à l Amérique latine, souvent considérée comme sa «terre d élection» (Hermet G., 2001), qui en ferait le «paradigme du populisme moderne» (Dorna A., 1999), il désigne d abord un «populisme de gouvernement» plus que de «dénonciation» ou même «d opposition» (Rosanvallon P., 2011), dont la diversité des expériences a profondément marqué le xxe siècle du sous-continent (Marques Pereira B., Garibay D., 2011), et dont les héritages restent forts dans les premières décennies du iiie millénaire. Mais la «fréquence» et «l imprécision» du concept nécessitent d affiner le contexte de son utilisation conduisant à qualifier une pluralité de mouvements et de régimes historiquement situés, et ce d autant plus que, à quelques exceptions près, «personne ne se dit ou ne se prétend populiste» (Rouquié A., [1987] 1998). 4 Aux États-Unis, le populisme a de profondes racines qui remontent à la fondation du pays. D un point de vue théorique, les affinités entre le premier pays dont la constitution de 1787 stipule «We The People Do» et le populisme, qui revendique les principes de base de la démocratie (règle majoritaire et souveraineté populaire), confirment à quel point le populisme suit en effet la démocratie comme son ombre (Arditi B., 2004). Mais la relation entre les deux est néanmoins pleine de tensions, ce dont témoigne abondamment l histoire des Etats-Unis. Dès les années 1780, les Pères fondateurs fédéralistes dénonçaient la «tyrannie de la majorité», une expression qui recoupe largement l emploi contemporain de «populisme». C est pourquoi la constitution pensée par James Madison et les autres délégués de Philadelphie multipliait les «checks and balances» afin de contrer cette tyrannie tant redoutée. Depuis lors, quantité de mouvements populistes de droite comme de gauche ont critiqué ces «contrepoids» institutionnels comme autant de moyens de museler la

10 8 parole du peuple. Comme l écrivent Yves Mény et Yves Surel (2002), les mouvements populistes partagent l idée que la démocratie ne signifie que le pouvoir du peuple. Ce faisant, ils exploitent volontiers le fossé entre les idéaux démocratiques que l on songe par exemple à la fameuse citation de Lincoln en 1863 louant le «government of, by, for the people» et le fonctionnement élitiste de la démocratie représentative, telle qu analysée par une série de politistes et de théoriciens «réalistes», allant de Joseph Schumpeter, à Robert Dahl, Giovanni Sartori, sans oublier Bernard Manin. Cette critique est lancinante dans la vie politique américaine. Elle revient à intervalles réguliers avec néanmoins comme caractéristique singulière que ces mouvements populistes ne critiquent jamais la constitution. Ils peuvent appeler à sa réforme (c est le cas à gauche), à son respect (c est le cas à droite), mais jamais à son abolition. 5 La particularité états-unienne réside aussi dans le fait que le populisme y est historiquement associé à des mouvements progressistes, à l inverse des démocraties européennes où la très grande majorité des populismes sont de droite. De fait, c est un journaliste du Kansas qui, en 1890, utilise pour la première fois le terme «populisme» en référence au People s Party, un tiers parti, qui se transforme en force politique majeure avec plus de 8 % des suffrages à l élection présidentielle de L émergence de ce mouvement de protestation au sein de l Amérique rurale, à un moment de transition entre un capitalisme de propriétaires individuels et un capitalisme dominé par les grandes entreprises, a nourri un large débat historiographique. En s appuyant sur l Ecole de Francfort, Richard Hofstadter présentait le populisme comme une réaction irrationnelle et pathologique contre la modernisation économique ; il illustrait à ses yeux le «style paranoïaque» de la vie politique américaine dont la droite libertarienne, incarnée par Goldwater, illustrait le potentiel (Hofstadter R., 1955, 1964). Cette thèse, néanmoins, fut mise à mal par des historiens qui, dans le sillage de Lawrence Goodwyn, soulignaient l imprégnation démocratique d un mouvement disposant d une forte dimension associative et dont l influence législative fut également visible sur les premières lois encadrant le travail à l usine, mais aussi sur certaines lois du New Deal (Goodwyn L., 1978, Postels C., 2007, Sanders E., 1999). Certes, dans les années 1930, le populisme prit des accents menaçants, voire fascistes, avec Huey Long et Father Coughlin, mais comme le montre Alan Brinkley, il conservait une dimension démocratique et poussa Roosevelt et les New Dealers à adopter des réformes sociales importantes (Brinkley A., 1982). 6 De fait, toute la difficulté de l analyse du populisme aux Etats-Unis tient à sa grande complexité au cours du xxe siècle. Pour Michael Kazin, il faut en fait opérer un distinguo entre le People s Party et le langage populiste (au sens que l historien Gareth Stedman Jones donne à ce terme) qu il légua à la vie politique américaine. Ce langage, qui oppose un peuple vertueux et travailleur représentant l essence de l Amérique à une élite de parasites la menaçant, opère, selon Kazin, comme un substitut à une rhétorique de classe assumée, mais les démocrates et la gauche américaine n en ont guère l apanage : le populisme devient, à partir des années 1950, un rouage essentiel à la reconfiguration de la droite américaine, qui le met à profit pour critiquer les élites intellectuelles progressistes et leurs projets d ingénierie sociale, attirant ainsi une partie de l électorat ouvrier. Dans un contexte de tensions croissantes liées aux combats autour de la discrimination raciale et sexuelle dans l emploi, aux guerres culturelles, et à la crise économique dans les années 1970, le populisme sert la défense d une Amérique blanche et conservatrice. De George Wallace à Ronald Reagan et Pat Buchanan, ce populisme de droite fait l éloge de l Amérique au travail et critique

11 9 parfois les lobbys de K Street, mais son contenu idéologique et son rapport aux classes sociales reste ambigu, car il débouche sur des réformes qui reflètent les intérêts des élites économiques et participe ainsi à l essor du néolibéralisme (Kazin M., 1995, 2017, Frank T., 2004). 7 Au total, la prégnance du populisme aux Etats-Unis illustre ainsi l absence de toute tradition marxiste d ampleur rendue encore plus marginale après la révolution bolchévique, puis la Guerre froide et le discrédit frappant les arguments liés à la classe qui en a été la conséquence. Cependant, sa malléabilité et son ancrage à droite depuis près de soixante ans témoignent sans doute également de la nécessité de cerner ses liens avec l histoire sociale et politique de l Amérique péri-urbaine et l anti-étatisme des classes moyennes qui y forment l assise électorale du Parti républicain (McGirr L., 2001). 8 Pour ces raisons, insérer Donald Trump dans la trame du populisme américain n est guère aisé, ce qui explique sans doute que bien des observateurs préfèrent revenir à la thèse de Hofstadter, qui a retrouvé une certaine actualité. Nombreux furent ceux à décrier Trump comme une anomalie de la vie politique américaine, qui n avait réussi à conquérir le Parti républicain, puis la présidence, qu à la suite d un concours de circonstances. Le phénomène Trump est néanmoins bien plus complexe que ses discours ne le laissent penser, notamment parce que son électorat, en dépit de basculements au niveau local dans la rust belt, recoupe l électorat traditionnel du Parti républicain, mais aussi parce que ses positions contre l immigration et en faveur du protectionnisme font écho à la politique menée par le Parti républicain à la fin du XIXe siècle. Après des années de mobilisation conservatrice volontiers populiste, Trump peut certes représenter une forme d épuisement de cette «révolution conservatrice» des dernières décennies. Mais il constitue surtout un parfait exemple de ce que P-A Taguieff définit comme un «populisme-attitude» (1997, p. 15), indépendant des visions ou des traditions plus ou moins structurées, politiquement indéterminé, mais idéalisant le «populaire». Qui plus est, l administration Trump constitue une étape cruciale dans l histoire américaine du populisme en ceci que ce dernier n est plus seulement un mouvement extra-institutionnel, mais, bien au contraire, est installé au cœur du pouvoir. 9 En Amérique latine, en revanche, l expérience gouvernementale du populisme est bien plus importante. Le contexte d émergence du terme de populisme en Amérique latine est lié au développement des sciences sociales dans le sous-continent, à la fin des années 1950/début des années Sociologues et politistes se sont alors appropriés le concept pour analyser les régimes autoritaires et nationalistes à l origine des politiques de régulation et de redistribution, caractéristiques de la séquence qui venait de s écouler (Quattrocchi-Woisson D., 1997). D abord appliqué au péronisme en Argentine (Germani G., 1962 ; di Tella T., 1964) et au gétulisme au Brésil (Cardoso F., Weffort F. (eds.), 1970), le concept a été rapidement étendu à l échelle du sous-continent pour appréhender la conjoncture des années 1920/1960, au cours de laquelle des partis (tels l APRA au Pérou, le parti fébrériste au Paraguay, le MNR en Bolivie), des leaders n ayant pas accédé aux affaires (Cesar Sandino au Nicaragua, Jorge Eliécer Gaitán en Colombie), des gouvernements (le Mexique post-révolutionnaire, Gualberto Villaroel en Bolivie, Velasco Ibarra en Equateur), ont incarné les réponses à la crise institutionnelle (fiction démocratique) et économique (modèle agro-exportateur) des républiques oligarchiques. Le dénominateur commun fut d inscrire le «peuple» au cœur de leurs

12 10 discours de mobilisation, qu il ait été celui des «sans chemise» péronistes en Argentine, des «oubliés» en Équateur sous Velasco Ibarra, des «pauvres» au Brésil dirigé par Vargas, des «pieds nus» (pynandi ) colorados au Paraguay. 10 Au-delà de la diversité des expériences nationales vécues, plusieurs éléments permettent de caractériser les singularités et l historicité de ces populismes latinoaméricains. Généralement, les dirigeants ont été portés par une dynamique démocratique associée à l extension du suffrage. Ils impulsèrent des politiques développementistes fondées sur la régulation étatique et la redistribution sociale. Les discours de mobilisation ont reposé sur une double polarisation : le peuple contre les élites, la nation contre les impérialismes. Ce sont en effet des régimes de mobilisation en phase avec les mouvements sociaux, fondés sur un fort encadrement syndical et/ou partisan. Enfin, la plupart de ces régimes se sont engagés dans une transformation limitée des structures socio-économiques, la nationalisation des secteurs stratégiques n ayant que très rarement la réforme agraire pour corollaire. De sorte qu ils ont abouti à un équilibre fragile en organisant l «État de compromis», censé préserver la propriété des élites tout en répondant en partie aux attentes sociales des secteurs populaires et des classes moyennes. 11 Régimes de «transition» qui s efforcèrent «d intégrer les secteurs populaires dans l ordre politique» (Rouquié A., 1998), ils ont marqué une étape essentielle dans la construction du processus démocratique en Amérique latine. Les convocations électorales et l extension du suffrage ont accompagné l accession au pouvoir de Perón en Argentine en 1946 et 1952, d Estenssoro en Bolivie en 1952, le retour de Vargas au Brésil en En ce sens, ces gouvernements «populistes» latino-américains ont généralement engagé et porté les politiques indigénistes du premier vingtième siècle, dans la perspective de tisser la nation, de cristalliser une identité nationale enracinée dans le territoire et fondée sur l autochtonie, mais également d intégrer l ensemble des secteurs populaires, qu ils fussent indiens, afro-latino-américains (Andrews G. R., 2007), voire issus de l immigration. Les conflictualités des années 1960 mettent en évidence les limites idéologiques des populismes historiques latino-américains. La voie révolutionnaire cubaine, la volonté de changement social dont la réforme agraire fut un des maitres mots, ont rompu l équilibre obtenu avec l État de compromis et fracturé les mouvements, dont l unité reposait parfois sur la seule expression de la fidélité à l égard du leader ; tandis que les dictatures de guerre froide des années 1970 ont affirmé vouloir en finir avec l «aberration populiste» (Quattrocchi Woisson D., 1997). 12 Quant aux gouvernements réformistes des années 2000/2010, qualifiés à nouveau de «populistes» par leurs détracteurs (Panizza F., 2008), ils ne peuvent être considérés que dans une mesure toute relative comme étant les héritiers des régimes du siècle passé ; la filiation avec les «vieux populismes» étant plus encore problématique lorsqu il s agit des «néopulismes» contemporains articulant appel au peuple et mise en œuvre des politiques néolibérales et de soutien aux grandes firmes. Néanmoins, les premiers furent d abord le fruit de la consolidation démocratique, qui mit fin aux dictatures de guerre froide, et de l alternance qui s imposa à la suite de la crise sociale provoquée par deux décennies de politiques d ajustement structurel et de dérégulation néolibérale. Au-delà des politiques redistributives et d une action réelle contre la pauvreté engagée dans les années 2000 par les gouvernements de gauche, certains dirigeants ont certes renoué avec un pouvoir personnaliste, clivant, et des pratiques d immédiation avec «le peuple», mais tout en articulant l action gouvernementale

13 11 avec des organisations de base, qu elles soient associatives, communautaires, syndicales ou communales. Ces derniers éléments peuvent caractériser ces nouveaux «populismes» latino-américains. Mais à la différence de leurs prédécesseurs polyclassistes et «national-populaires», ils ont fonctionné dans un contexte démocratique consolidé et se sont positionnés nettement à gauche sur l échiquier politique national et international. 13 Dès lors, existe-t-il un modèle populiste? américain? Ou pourrait-on davantage convoquer un laboratoire américain, avec des expériences populistes diverses et de nombreuses singularités nationales, qui interrogent en particulier : les liens entre populisme et construction démocratique ; entre populisme et électoralisme ; entre populisme et participation? 14 Ce numéro d IdeAs propose un éclairage décalé sur la question en montrant, à partir d études localement situées, comment les historiens, les sociologues et les politistes travaillant sur les Amériques du Sud et du Nord mobilisent la notion de populisme en regard de phénomènes sociaux, politiques et économiques dont elle permet de rendre raison. Qu est-ce qui, dans une démocratie, différencie le populisme de l appel aux suffrages des électeurs, et notamment celui des classes populaires? Comme l écrivaient Yves Mény et Yves Surel (2002), les mouvements populistes s expriment et se comportent en effet comme si la démocratie se réduisait au pouvoir du peuple. Mais ce diagnostic général demande à être affiné, car les populismes, bien loin d être en opposition systématique avec les sophistications de la démocratie libérale et représentative (Manin, B., 2005), se déclinent tout au long d un continuum. Le populisme peut parfois prendre des formes qui sont toxiques pour la démocratie, mais il peut aussi, sous d autres formes, réaliser ce que James Morone (1990) appelle le «vœu démocratique» (Democratic Wish). C est pourquoi, et comme l explique Joseph Lowndes dans son chapitre du Oxford Handbook of Populism (2017), «il est sans doute préférable d analyser le populisme par ce qu il fait plutôt que par ce qu il est» ([it is] perhaps better then to analyze not what populism was but what populism did). Dans cette perspective, l objectif de ce dossier est de contribuer à identifier des critères populistes à partir d expériences et d analyses tirées du continent américain, du Canada au Cône Sud. BIBLIOGRAPHIE Andrews, George Reid, Afro-Latinoamérica, , Madrid/Frankfurt am Main, Iberoamericana/Vervuert, Arditi, Benjamin, «Populism as a Spectre of democracy», Political Studies, vol. 52, n 1, mars 2004, p Brinkley, Alan, Voices of Protest : Huey Long, Father Coughlin and the Great Depresssion, New York : Knopf, 1982.

14 12 Canovan, Margaret, «Two Strategies for the Study of Populism», Political Studies, vol. 30, n 4, Cardoso, Fernando Enrique y Weffort, Francisco, (Eds.), América latina. Ensayos de interpretación sociológico-política, Santiago de Chile, Editorial Universitaria, Chazel, Laura, «De l Amérique latine à Madrid : Podemos et la construction d un «populisme de gauche», Revue Pôle Sud, n 50, 2019, p Di Tella, Torcuato, El sistema político argentino y la clase obrera, Buenos Aires, Eudeba, Dorna, Alexandre, Le populisme, Paris PUF, Frank, Thomas, What s the Matter With Kansas? New York, Holt, Freidenberg, Flavia, La tentación populista. Una vía al poder en América latina, Madrid, Editorial Sintésis, Germani, Gino, Política y sociedad en una época de transición. De la sociedad tradicional a la sociedad de masas, Buenos Aires, Paidós, Goodwyn, Lawrence, Democratic Promise : The Populist Moment in America, New York, Oxford UP, Hermet, Guy, Les populismes dans le monde, Paris, Fayard, Hofstadter, Richard, The Age of Reform : From Bryan to FDR, New York, Knopf, Hofstadter Richard, The Paranoid Style in American Politics, New York, Vintage, Kaltwasser, Cristóbal Rovira & al. (eds.). The Oxford Handbook of Populism, Oxford : Oxford University Press, 2017 Kazin, Michael, «The Populist Persuasion», Ithaca, Cornell UP, Nouvelle édition en Laclau, Ernesto, La raison populiste, Paris, Seuil, Lowndes, Joseph, Populism in the United States, p , in Cristobal R. Kaltwasser, et al., The Oxford Handbook of Populism, Oxford, Oxford University Press, McGirr, Lisa, Suburban Warriors, The Origins of the New American Right, Princeton, Princeton UP, Marques-Pereira, Bérengère, Garibay, David, La politique en Amérique latine. Histoires, institutions et citoyennetés, Paris, Armand Colin, Manin, Bernard, The Principles of Representative Government, Cambridge, Mass., Cambridge University Press, Morone, James, The Democratic Wish. Popular Participation and the Limits of American Government, New York, Basic Books, Mudde, Cas, Populist Radical Right Parties in Europe, Cambridge,UK, Cambridge UP, Panizza, Francisco, «Fisuras entre Populismo y Democracia en América Latina», Stockholm Review of Latin American Studies, n 3, 2008, p Postels, Charles, The Populist Vision, New York, Oxford, Quattrocchi-Woisson, Diana, «Les populismes latino-américains à l épreuve des modèles d interprétation européens», Vingtième siècle, revue d histoire, n 56, 1997, p Rosanvallon, Pierre, «Penser le populisme», laviedesidees.fr, 2011.

15 13 Rouquié, Alain, Amérique latine. Introduction à l extrême-occident, Paris, Seuil, 1998 [1987 1ère édition] Sanders, Eilzabeth, Roots of Reform, Farmers, Workers, and theamerican State, , Chicago, The University of Chicago Press, Surel,Yves, Mény, Yves, «Populism : The Pathology of Democracy?», in Democracies and the Populist Challenge, London : Palgrave, 2002, 3-6. Taguieff, Pierre-André, «Le populisme et la science politique : du mirage conceptuel aux vrais problèmes», Vingtième Siècle, n 56, octobre-décembre 1997, p Wiles, Peter, «A Syndrome, Not a Doctrine: Some Elementary Theses on Populism», in Ghita Ionescu, Ernest Gellner, ed., Populism. Its Meaning and National Characteristics, London, Weidenfeld and Nicolson, 196 NOTES 1. «Mélenchon, le populisme assumé», France Inter, L édito politique, 29 août 2017 : Pierre Rosanvallon, «Penser le populisme», 27 septembre 2011 : Penser-le-populisme.html. AUTEURS LUC CAPDEVILA Luc Capdevila (UMR CNRS 6051 ARENES) est professeur d'histoire contemporaine à l'université Rennes 2. Spécialiste d'histoire sociale et des représentations, ses recherches portent plus particulièrement sur les dynamiques sociales et culturelles des sociétés en guerre en Amérique latine. Auteur de plusieurs ouvrages il a publié notamment : Una guerra total: Paraguay, Ensayo de historia del tiempo presente, Asunción/Buenos Aires, Editorial Sb/Centro de Estudios Antropológicos de la Universidad Católica Nuestra Señora de la Asunción, 2010, 544 pages ; Los hombres transparentes. Indígenas y militares en la guerra del Chaco, , en colaboración con Isabel Combes, Nicolás Richard y Pablo Barbosa, Cochabamba, Instituto de misionología (UCB), col. Scripta Autochtona/Historia Indígena de las Tierras Bajas, 2010, 230 pages ; Le passé des émotions. D'une histoire à vif, Amérique latine et Espagne, Rennes, PUR, 2014, 204 pages, coordonné avec Frédérique Langue. FRANÇOIS VERGNIOLLE DE CHANTAL François Vergniolle de Chantal est politiste et professeur de civilisation américaine à l'université de Paris (LARCA - UMR 8225). Il travaille sur les institutions politiques américaines, notamment le Congrès, les partis politiques et leur évolution, ainsi que les traditions politiques. Ses ouvrages les plus récents sont L'impossible présidence impériale (Editions du CNRS, 2016) et, en co-direction avec Agnès Alexandre-Collier, Leadership and Uncertainty Management in Politics: Leaders, Followers

16 14 and Constraints in Western Democracies (Palgrave, 2015). Il publie en 2020 un ouvrage collectif intitulé Obama's Fractured Legacy: The Politics and Policies of an Embattled Presidency chez Edinburgh University Press. Il a co-dirigé (avec Alexandra de Hoop Scheffer) la revue Politique Américaine de 2012 à JEAN-CHRISTIAN VINEL Jean-Christian Vinel (LARCA-CNRS) est Maître de conférences en histoire et civilisation des Etats- Unis à l'université de Paris. Spécialiste d'histoire sociale et politique, il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment The Employee: A Political History, Philadelphie, The University of Pennsylvania Press, 2013 ; Conservatisme en mouvement. Une approche transnationale. Paris, Presses de l'ehess, 2016 (co-dirigé avec Clarisse Berthezène) et Liberal Orders: The Political Economy Of the New Deal and Its Discontents, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2020 (co-dirigé avec Nelson Lichtenstein et Romain Huret). Il rédige actuellement un ouvrage intitulé Reaction At Work: The Right, Labor and the Making of the New Gilded age, sous contrat avec Oxford University Press.

17 15 Populismos en las Américas Luc Capdevila, François Vergniolle de Chantal y Jean-Christian Vinel Tradución : Marta Gómez 1 En los diez últimos años, el populismo se ha afianzado como una noción, a menudo, clave para analizar la evolución política y social de un gran número de países europeos y americanos. Su uso sigue siendo sin embargo bastante negativo, ya que en la mayoría de los casos se refiere a una interpelación directa al pueblo basada en el resentimiento contra las élites y/o ciertos grupos sociales y en la defensa de un arsenal de medidas «simples» y demagógicas. De hecho, se utiliza principalmente para denunciar al adversario y son muy pocos los responsables políticos a excepción de Jean-Luc Mélenchon, de La France insoumise, Hugo Chávez o los líderes de Podemos en España (Chazel L. 2019) que reivindican este sello con orgullo 1. En otras palabras, el populismo es percibido ante todo como una forma degradada de vida democrática. En este sentido lo analiza Pierre Rosanvallon (2011), quien ve en él una triple simplificación: primero, una simplificación política, al enfrentar a un pueblo fantaseado y homogéneo con élites corruptas; segundo, una simplificación institucional, al rechazar cualquier contrapeso frente a la voluntad popular; y, por último, una simplificación social, que atribuye al pueblo una identidad clara y definida 2. 2 No obstante, el populismo es también un concepto con prácticas y estilos muy diferentes. En las Américas ha sido invocado en los últimos tiempos para designar a corrientes y sensibilidades políticas muy diversas y referirse a movimientos como Occupy Wall Street o el Tea Party, a dirigentes como Bernie Sanders y Donald Trump, e incluso a gobiernos. En el Sur se ha utilizado tanto para referirse a los regímenes llamados «nacional-populares» de América Latina la Venezuela chavista, la Bolivia de Evo Morales o la Argentina bajo los gobiernos de los Kirchner como para designar a corrientes ultraconservadoras, como la que encarna Jair Bolsonaro, actual presidente de Brasil, o a los gobiernos neoliberales de los años 90 (Fujimori en Perú, Collor de Mello en Brasil, Bucaram en Ecuador, etc.). Dichos gobiernos, pese a estar dirigidos por «hombres fuertes» elegidos en contextos de crisis política, recuperaron prácticas de interpelación al pueblo, de contacto inmediato con la sociedad según nuevos procedimientos (catódicos, por ejemplo, en los años 90 y digitales en la actualidad), de enérgica encarnación del poder, siendo a veces directos herederos de viejas

18 16 organizaciones populistas (Menem en Argentina). Sin embargo, al abandonar las políticas redistributivas y de intervención económica propias de los «viejos populismos de América Latina», participaron en los llamados «neopopulismos» definidos a partir de «la fusión de populismo y neoliberalismo» (Freidenberg F., 2007). 3 En estas condiciones, son muchos los que vacían de contenido el concepto: dado que no se trata en sí de una ideología, el populismo se reduce a sus múltiples usos. Su ubicuidad enmascara de hecho una cierta confusión conceptual (Mudde C. 2007, Hermet G., 2001, Taguieff P-A., 1997, Laclau E., 2008), tanto más cuanto que el populismo parece ser la sombra de la democracia (Arditi, B. 2004, Canovan M., 1999). Si bien el populismo actual refleja la sensación de que las democracias se tambalean bajo el peso de demandas económicas, sociales, identitarias y de seguridad, que con frecuencia adoptan un discurso de denuncia de las élites y de defensa de un pueblo virtuoso, su esencia sigue siendo imprecisa. Por una parte, porque en el debate se mezclan dos niveles de discurso: el de los propios actores y el de los analistas, sean estos politólogos o científicos sociales. Y por otra parte, porque el carácter transnacional y la diversidad del fenómeno tienden a enmascarar las diferencias entre los casos nacionales. La historia del populismo en Europa es de hecho muy diferente a la de Estados Unidos, Canadá o América Latina. En el Viejo Continente, el populismo se refiere por lo general a movimientos de extrema derecha (Mudde, C. 2007) o, como decía George Lavau (1970), a la «función tribunicia» de los partidos de izquierda. En cambio, en Estados Unidos, cuna del Populist Party, el populismo designa un tipo de lenguaje político que refleja una pasión igualitaria que surgió de la Revolución americana (Kazin M., 1995). En América Latina, considerada a menudo como su «tierra por excelencia» (Hermet G., 2001), lo que la convierte en el «paradigma del populismo moderno» (Dorna A., 1999), el concepto se refiere sobre todo al «populismo de gobierno» más que de «denuncia» o de «oposición» (Rosanvallon P., 2011), cuya diversidad de experiencias ha marcado profundamente el siglo xx en el subcontinente (Marques Pereira B., Garibay D., 2011) y cuya herencia sigue siendo sólida en las primeras décadas del tercer milenio. Con todo, la «frecuencia» y la «imprecisión» del concepto nos obligan a afinar el contexto de su uso, lo que conduce a determinar una pluralidad de movimientos y regímenes históricamente localizados, sobre todo porque, salvo algunas excepciones, «nadie se dice o pretende ser populista» (Rouquié A., [1987] 1998). 4 En Estados Unidos, el populismo tiene profundas raíces que se remontan a la fundación del país. Desde un punto de vista teórico, la correlación entre el primer país, cuya constitución de 1787 estipula «We The People Do», y el populismo, que reivindica los principios básicos de la democracia (regla de la mayoría y soberanía popular), confirma hasta qué punto el populismo sigue a la democracia como su propia sombra (Arditi, B., 2004). La relación entre ambos está, sin embargo, llena de tensiones, como demuestra ampliamente la historia de Estados Unidos. Ya en los años 1780, los padres fundadores federalistas denunciaron la «tiranía de la mayoría», una expresión que coincide plenamente con el uso contemporáneo del término «populismo». Es por ello por lo que la constitución ideada por James Madison y los otros delegados de Filadelfia multiplicó los checks and balances para contrarrestar a esta tiranía tan temida. Desde entonces, muchos movimientos populistas tanto de derechas como de izquierdas han criticado esos «contrapesos» institucionales como medios de acallar la voz del pueblo. Como escriben Yves Mény e Yves Surel (2002), los movimientos populistas comparten la idea de que la democracia solo significa el poder del pueblo. Con ello explotan de forma voluntaria la brecha entre los ideales democráticos que adivinamos por ejemplo en el

19 17 famoso discurso de Lincoln de 1863 en el que alabó «el gobierno del pueblo, por el pueblo y para el pueblo» y el funcionamiento elitista de la democracia representativa, tal y como la analizan una serie de politólogos y teóricos «realistas», desde Joseph Schumpeter hasta Robert Dahl, Giovanni Sartori, sin olvidar a Bernard Manin. Esta crítica es lancinante en la vida política estadounidense y se repite a intervalos regulares pero con una característica singular que es que estos movimientos populistas no critican nunca la constitución. Pueden pedir su reforma (como en el caso de la izquierda) o su respeto (caso de la derecha), pero nunca su abolición. 5 La particularidad de Estados Unidos reside también en el hecho de que el populismo en este país se ha asociado históricamente con movimientos progresistas, a diferencia de las democracias europeas, donde la gran mayoría de los populismos son de derechas. De hecho, fue un periodista de Kansas quien en 1890 utilizó por primera vez el término «populismo» para referirse al People s Party, un tercer partido que acabó convirtiéndose en una importante fuerza política en la elección presidencial de 1892 con más del 8 % de los sufragios. La aparición de este movimiento de protesta en la América rural, en un momento de transición entre un capitalismo de propietarios individuales y un capitalismo dominado por las grandes empresas, ha alimentado un amplio debate historiográfico. Basándose en la Escuela de Frankfurt, Richard Hofstadter presentaba el populismo como una reacción irracional y patológica contra la modernización económica. En su opinión, el populismo ilustraba el «estilo paranoico» de la vida política estadounidense cuyo libertarismo de derechas, encarnado por Goldwater, demostraba el potencial (Hofstadter R., 1955, 1964). No obstante, esta tesis fue cuestionada por historiadores que, en la línea de Lawrence Goodwyn, subrayaban la impregnación democrática de un movimiento que tenía una fuerte dimensión asociativa y cuya influencia legislativa también fue visible en las primeras leyes que regían el trabajo en las fábricas, así como en algunas leyes del New Deal (Goodwyn L., 1978, Postels C., 2007, Sanders E., 1999). Ciertamente, en la década de 1930 el populismo adquirió tintes amenazantes e incluso fascistas con Huey Long y el Padre Coughlin pero, como muestra Alan Brinkley, conservaba una dimensión democrática y llevó a Roosevelt y a los artífices del New Deal a adoptar reformas sociales importantes (Brinkley A., 1982). 6 De hecho, la gran dificultad para analizar el populismo en Estados Unidos radica en su enorme complejidad durante el siglo xx. Para Michael Kazin, hay que hacer una distinción entre el People s Party y el lenguaje populista (en el sentido que le da al término el historiador Gareth Stedman Jones) que legó a la vida política estadounidense. Dicho lenguaje, que enfrenta a un pueblo virtuoso y trabajador, representante de la esencia estadounidense, con una élite de parásitos que la amenaza, funciona, según Kazin, como el sustituto de una retórica de clase asumida, aunque los demócratas y la izquierda estadounidense no son sus únicos representantes: a partir de la década de 1950, el populismo se convierte en un mecanismo esencial de la reconfiguración de la derecha estadounidense, quien lo utilizó para criticar a las élites intelectuales progresistas y a sus proyectos de ingeniería social, atrayendo así a una parte del electorado obrero. En un contexto de crecientes tensiones ligadas a la lucha contra la discriminación racial y sexual en el trabajo, a las guerras culturales y a la crisis económica de los años 70, el populismo sirve a la defensa de una América blanca y conservadora. De George Wallace a Ronald Reagan y Pat Buchanan, este populismo de derechas ensalza la América trabajadora y critica en ocasiones a los lobbies de K Street, aunque su contenido ideológico y su relación con las clases sociales sigue siendo

20 18 ambigua dado que conduce a reformas que reflejan los intereses de las élites económicas y que contribuyen de esa forma al auge del neoliberalismo (Kazin M., 1995, 2017, Frank T., 2004). 7 En suma, el arraigo del populismo en Estados Unidos ilustra la ausencia de cualquier tradición marxista de peso que se hizo todavía más marginal tras la Revolución bolchevique y luego, la Guerra Fría y el descrédito consecuente de los argumentos de clase. Sin embargo, su maleabilidad y su afianzamiento en la derecha desde hace casi sesenta años sin duda reflejan también la necesidad de definir sus vínculos con la historia social y política de la América periurbana y el antiestatismo de las clases medias que en este país forman la base electoral del Partido Republicano (McGirr L., 2001). 8 Por estas razones, incluir a Donald Trump en la trama del populismo estadounidense no es tarea fácil, lo que probablemente explica por qué muchos observadores prefieren recuperar la tesis de Hofstadter, que ha recobrado una cierta vigencia. Muchos fueron los que desacreditaron a Trump como una anomalía de la vida política estadounidense afirmando que solo logró conquistar el Partido Republicano y luego la presidencia gracias a un cúmulo de circunstancias. Sin embargo, el fenómeno Trump es mucho más complejo de lo que sus discursos dejan entrever, sobre todo porque su electorado, a pesar de los cambios a nivel local en el Rust Belt, encaja con el electorado tradicional del Partido Republicano, pero también porque sus posiciones contra la inmigración y en favor del proteccionismo remiten a la política desarrollada por el Partido Republicano a finales del siglo xix. Tras años de movilización conservadora decididamente populista, Trump puede representar efectivamente una especie de agotamiento de esta «revolución conservadora» de las últimas décadas, pero sobre todo constituye un ejemplo perfecto de lo que P-A Taguieff define como una «actitud populista» (1997, p. 15), independiente de visiones o tradiciones más o menos estructuradas, políticamente indeterminada pero idealizadora de lo «popular». Más aún, la administración Trump representa una etapa crucial en la historia del populismo estadounidense en el sentido de que ya no es solo un movimiento extra institucional sino que, bien al contrario, está instalado en el centro del poder. 9 En América Latina, en cambio, la experiencia con gobiernos populistas es mucho más importante. El contexto de la aparición del término «populismo» allí está ligado al desarrollo de las ciencias sociales en el subcontinente a finales de los años 50 y principios de los 60. En aquel periodo, sociólogos y politólogos se apropiaron del concepto para analizar los regímenes autoritarios y nacionalistas que dieron origen a las políticas de regulación y redistribución características de la secuencia que acababa de terminar (Quattrocchi-Woisson D., 1997). Aplicado primero al peronismo en Argentina (Germani G., 1962 ; di Tella T., 1964) y al getulismo en Brasil (Cardoso F., Weffort F. (eds.), 1970), el concepto se extendió rápidamente por todo el subcontinente para abarcar el periodo entre los años en el cual algunos partidos (el APRA en Perú, el Partido Revolucionario Febrerista en Paraguay o el MNR en Bolivia), líderes sin un acceso previo al poder (César Sandino en Nicaragua, Jorge Eliécer Gaitán en Colombia) y gobiernos (el México posrevolucionario, Gualberto Villarroel en Bolivia, Velasco Ibarra en Ecuador) encarnaron las respuestas a la crisis institucional (ficción democrática) y económica (modelo agroexportador) de las repúblicas oligárquicas. El denominador común fue poner al «pueblo» en el centro de sus discursos de movilización, ya se tratara de los «descamisados» de Perón en Argentina, de los

21 19 «olvidados» del Ecuador de Velasco Ibarra, de los «pobres» en el Brasil dirigido por Getulio Vargas, o de los «pies descalzos» (pynandi ) colorados en Paraguay. 10 Más allá de la diversidad de experiencias nacionales vividas, existen varios elementos que permiten caracterizar la singularidad e historicidad de los populismos latinoamericanos. En general, los líderes fueron impulsados por una dinámica democrática asociada a la extensión del sufragio y promovieron políticas desarrollistas basadas en la regulación estatal y la redistribución social. Los discursos de movilización se basaron en una doble polarización: el pueblo contra las élites, la nación contra el imperialismo. Eran efectivamente regímenes de movilización ligados a los movimientos sociales, basados en un fuerte liderazgo sindical y/o partidista. Por último, la mayor parte de estos regímenes emprendieron una transformación limitada de las estructuras socioeconómicas y, en este sentido, la nacionalización de sectores estratégicos tuvo solo en contadas ocasiones a la reforma agraria como corolario. En consecuencia, lograron un frágil equilibrio al organizar un «Estado de compromiso» que debía preservar la propiedad de las élites, al tiempo que respondía, en parte, a las expectativas sociales de los sectores populares y de las clases medias. 11 Estos regímenes de «transición» que trataban de «incluir a los sectores populares en el orden político» (Rouquié A., 1998) marcaron una etapa fundamental en la construcción del proceso democrático en América Latina. Las convocatorias electorales y la ampliación del sufragio trajeron la llegada al poder de Perón en Argentina en 1946 y 1952 y Estenssoro en Bolivia en 1952, y el regreso en 1951 de Vargas en Brasil. En general, estos gobiernos «populistas» latinoamericanos iniciaron y promovieron las políticas indigenistas de las primeras décadas del siglo veinte con vistas a forjar la nación y materializar una identidad nacional enraizada en el territorio y basada en la autoctonía, pero también con miras a integrar a todos los sectores populares, ya fuesen indígenas, afrolatinoamericanos (Andrews G. R., 2007) o incluso descendientes de inmigrantes. Los conflictos de los años 60 pusieron de manifiesto los límites ideológicos de los populismos históricos latinoamericanos. La vía revolucionaria en Cuba y el deseo de cambio social, cuyo principio rector era la reforma agraria, rompieron el equilibrio alcanzado con el Estado de compromiso y fracturaron los movimientos cuya unidad a veces se basaba únicamente en la expresión de lealtad al líder, mientras que las dictaduras de Guerra Fría de los años 70 afirmaron su deseo de poner fin a la «aberración populista» (Quattrocchi Woisson D., 1997). 12 En cuanto a los gobiernos reformistas de los años , calificados también como «populistas» por sus detractores (Panizza F., 2008), solo hasta cierto punto pueden ser considerados como herederos de los regímenes del siglo pasado. La correlación con los «viejos populismos» es aún más problemática al tratarse de «neopopulismos» contemporáneos que articulan la interpelación al pueblo y la implementación de políticas neoliberales y de apoyo a las grandes empresas. Con todo, los primeros fueron ante todo fruto de la consolidación democrática que puso fin a las dictaduras de Guerra Fría y de la alternancia que se impuso tras la crisis social provocada por dos décadas de políticas de ajuste estructural y desregulación neoliberal. Más allá de las políticas redistributivas y de una acción real contra la pobreza iniciada en los años 2000 por los gobiernos de izquierdas, algunos líderes han retornado efectivamente a un poder personalista y divisor y a prácticas de contacto inmediato con «el pueblo», articulando al mismo tiempo la acción gubernamental con las organizaciones de base, ya sean asociativas, comunitarias, sindicales o comunales. Estos últimos elementos pueden

22 20 caracterizar a estos nuevos «populismos» latinoamericanos pero, a diferencia de sus predecesores policlasistas y «nacional-populares», estos han funcionado en un contexto democrático consolidado y se han posicionado claramente a la izquierda en el tablero político nacional e internacional. 13 En definitiva, existe un modelo populista? Un modelo americano? O podríamos más bien hablar de un laboratorio americano con experiencias populistas diversas y numerosas singularidades nacionales que plantean aspectos como los vínculos entre populismo y construcción democrática, entre populismo y electoralismo o entre populismo y participación? 14 Este número de IdeAs ofrece un enfoque original sobre la cuestión mostrando, a partir de estudios de caso locales, cómo los historiadores, sociólogos y politólogos que trabajan sobre América del Sur y del Norte emplean la noción de populismo para explicar racionalmente fenómenos sociales, políticos y económicos. En una democracia, qué es lo que diferencia al populismo del llamamiento al voto de los electores, sobre todo de las clases populares? Como escriben Yves Mény e Yves Surel (2002), los movimientos populistas se expresan y se comportan como si la democracia pudiera reducirse solo al poder del pueblo. Sin embargo, este diagnóstico general necesita ser afinado porque, lejos de estar en radical oposición frente a la sofisticación de la democracia liberal y representativa (Manin, B., 2005), los populismos pertenecen a un mismo contínuum. A veces, el populismo adopta formas que resultan tóxicas para la democracia pero, bajo otras formas, el populismo también puede operar lo que James Morone (1990) llama el «deseo democrático» (Democratic Wish). Por ello, como explica Joseph Lowndes en su capítulo del Oxford Handbook of Populism (2017), «sin duda es mejor analizar el populismo por lo que hace que por lo que es» (it is perhaps better then to analyze not what populism is but what populism does). En este sentido, el objetivo de este número es contribuir a identificar los criterios que permitan definir el populismo a partir de experiencias y análisis inspirados en el continente americano, desde Canadá al Cono Sur. BIBLIOGRAFÍA Andrews, George Reid, Afro-Latinoamérica, , Madrid/Frankfurt am Main, Iberoamericana/Vervuert, Arditi, Benjamin, Populism as a Spectre of democracy, Political Studies, vol.52, n 1, mars 2004, p Brinkley, Alan, Voices of Protest: Huey Long, Father Coughlin and the Great Depresssion, New York: Knopf, Canovan, Margaret, Two Strategies for the Study of Populism, Political Studies, vol.30, n 4, Cardoso, Fernando Enrique y Weffort, Francisco, (Eds.), América latina. Ensayos de interpretación sociológico-política, Santiago de Chile, Editorial Universitaria, 1970.

23 21 Chazel, Laura, «De l Amérique latine à Madrid : Podemos et la construction d un «populisme de gauche», Revue Pôle Sud, n 50, 2019, p Di Tella, Torcuato, El sistema político argentino y la clase obrera, Buenos Aires, Eudeba, Dorna, Alexandre, Le populisme, Paris PUF, Frank, Thomas, What s the Matter With Kansas? New York, Holt, Freidenberg, Flavia, La tentación populista. Una vía al poder en América latina, Madrid, Editorial Sintésis, Germani, Gino, Política y sociedad en una época de transición. De la sociedad tradicional a la sociedad de masas, Buenos Aires, Paidós, Goodwyn, Lawrence, Democratic Promise: The Populist Moment in America, New York, Oxford UP, Hermet, Guy, Les populismes dans le monde, Paris, Fayard, Hofstadter, Richard, The Age of Reform: From Bryan to FDR, New York, Knopf, Hofstadter Richard, The Paranoid Style in American Politics, New York, Vintage, Kaltwasser, Cristóbal Rovira & al. (eds.). The Oxford Handbook of Populism, Oxford: Oxford University Press, 2017 Kazin, Michael, The Populist Persuasion, Ithaca, Cornell UP, Nouvelle édition en Laclau, Ernesto, La raison populiste, Paris, Seuil, Lowndes, Joseph, «Populism in the United States», p , in Cristobal R. Kaltwasser, et al., The Oxford Handbook of Populism, Oxford, Oxford University Press, McGirr, Lisa, Suburban Warriors, The Origins of the New American Right, Princeton, Princeton UP, Marques-Pereira, Bérengère, Garibay, David, La politique en Amérique latine. Histoires, institutions et citoyennetés, Paris, Armand Colin, Manin, Bernard, The Principles of Representative Government, Cambridge, Mass., Cambridge University Press, Morone, James, The Democratic Wish. Popular Participation and the Limits of American Government, New York, Basic Books, Mudde, Cas, Populist Radical Right Parties in Europe, Cambridge,UK, Cambridge UP, Panizza, Francisco, «Fisuras entre Populismo y Democracia en América Latina», Stockholm Review of Latin American Studies, n 3, 2008, p Postels, Charles, The Populist Vision, New York, Oxford, Quattrocchi-Woisson, Diana, «Les populismes latino-américains à l épreuve des modèles d interprétation européens», Vingtième siècle, revue d histoire, n 56, 1997, p Rosanvallon, Pierre, «Penser le populisme», laviedesidees.fr, Rouquié, Alain, Amérique latine. Introduction à l extrême-occident, Paris, Seuil, 1998 [1987 1ère édition] Sanders, Eilzabeth, Roots of Reform, Farmers, Workers, and theamerican State, , Chicago, The University of Chicago Press, 1999.

24 22 Surel,Yves, Mény, Yves, Populism: The Pathology of Democracy?, in Democracies and the Populist Challenge, London: Palgrave, 2002, 3-6. Taguieff, Pierre-André, «Le populisme et la science politique: du mirage conceptuel aux vrais problèmes», Vingtième Siècle, n 56, octobre-décembre 1997, p Wiles, Peter, «A Syndrome, Not a Doctrine: Some Elementary Theses on Populism», in Ghita Ionescu, Ernest Gellner, ed., Populism. Its Meaning and National Characteristics, London, Weidenfeld and Nicolson, 196 NOTAS 1. «Mélenchon, le populisme assumé», radio France Inter, L édito politique, 29 de agosto de 2017: 2. Pierre Rosanvallon, «Penser le populisme», 27 de septiembre de 2011: AUTORES LUC CAPDEVILA (Universidad de Rennes 2 - ARENES) FRANÇOIS VERGNIOLLE DE CHANTAL (Universidad de París LARCA, UMR 8225) JEAN-CHRISTIAN VINEL (Universidad de París LARCA, UMR8225)

25 23 Populisms in the Americas Luc Capdevila, François Vergniolle de Chantal and Jean-Christian Vinel Translation : Michael Hinchliffe 1 Over the last decade populism has emerged as a frequently key notion when analyzing political and social evolutions in a large number of European and American countries. Its usage, however, is on the whole negative in that more often than not, it designates a direct appeal to the people based on the resentment of elites and/or other social groups while at the same time advocating a ragbag of so-called simple and demagogical measures. It is a notion mainly used to denounce adversaries and there are few political figures with the exception of Jean-Luc Mélenchon, leader of the France Insoumise party, Hugo Chavez, or Podemos leaders in Spain (Chazel L., 2019) who actually lay claim to the label with any pride 1. In other words, populism is primarily perceived as a degraded form of political life in a democracy. Studying populism in that light, Pierre Rosanvallon (2011) sees it in terms of a threefold simplification, as a political simplification pitting a phantasmatic, homogenous people against corrupt elites, as an institutional simplification rejecting any counter-balancing of the popular will and as a social simplification conferring on the people a clear and clearly defined identity 2. 2 Populism is also a notion that comes with a variety of styles and practices. In the Americas it has been invoked in recent times in reference to highly varied political currents and outlooks, designating movements, political players even governments, such as Occupy Wall Street, the Tea Party, Bernie Sanders and Donald Trump. In Latin America, the term has applied particularly to regimes, also referred to as nationalpopulist: Chavist-led Venezuela, Bolivia under Evo Morales or Argentina under the Kirchner governments; at the same time, it is used to designate such ultra-conservative movements as that of Jair Bolsonaro, the current president of Brazil or the neo-liberal governments of the nineties (Fujimori in Peru, Collor de Mello in Brazil, Bucaram in Ecuador ). While governed by strong men, elected in crisis circumstances, these latter regimes also resurrected appeal-to-the-people practices involving an unmediated link with society by new means (via television, for example, in the nineties, via internet in the present day) and strong physical images of power, direct inheritors as they sometimes were of older populist organizations (Menem in Argentina). But in as much

26 24 as they have abandoned the redistributive policies and the practice of intervention in the economy characteristic of the old populisms in Latin America, they can be seen as manifestations of neopulism, defined as the fusion of populism and neo-liberalism that they evince (Freindeberg F., 2007). 3 Given such variety, many are disinclined to recognize any substance in the notion of populism: if, then, it is not grounded ideologically, it whittles down to its multiple usages. And its ubiquity does indeed provide cover for a certain conceptual confusion (Mudde C., 2007, Hermet G., 2001, Taguieff P-A., 1997, Laclau E., 2004), compounded by the fact that populism may be seen as the shadow of democracy itself (Arditi B., 2004, Canovan M., 1999). Hence, though current populisms certainly vehicle the spectacle of democracy tottering under the weight of economic and social pressures, with demands centering on national identity and security, the attendant denunciation of elites and the defense of the people-as-virtuous, their actual substance remains unclear. This is the case firstly because the discursive levels of actors on the one hand and political or social science analysts on the other become mixed up in debate, and secondly because the transnational, multifarious nature of the phenomenon tends to mask real differences in national occurrences. The history of populism in Europe, for instance, differs greatly from its history in the United States, in Canada or in Latin America. On the Old Continent, populism has to do generally with far right movements (Mudde C., 2007), or else, as Georg Lavau (1970) puts it, with a tribunistic function of left-wing parties. But in the United States, home to the eponymous Popular Party, populism involves a political discourse of egalitarianism derived directly from the American Revolution (Kazin M., 1995). Again, in Latin America, often considered as populism s chosen land (Hermet G., 2001), a fact which might well make it a paradigm of modern populism (Dorma A., 1999), the term designates not so much a denunciative or an oppositional (Rosanvallon P., 2011) populism but rather a populism of government, the diverse manifestations of which have left a deep mark on the 20th century history of the subcontinent (Marques Pereira B., Garibay D., 2011) and the heritage of which has remained potent in the opening decades of the third millennium. However, the frequency and the imprecision of the concept require a honing of the context in which it is used, leading to a pluralistic perception of movements and historically situated regimes all the more necessary in as much as no-one, with a few rare exceptions, calls themselves populist or claims to be so (Rouquié A., [1987] 1998). 4 Populism in the US has deep roots going back to the foundation of the country. Seen theoretically, the affinities between this, the first country whose constitution stipulated, in 1787, We The People Do and populism, which lays claim to the basic principles of democracy (majority rule and popular sovereignty), confirm the extent to which populism does indeed follow democracy like its shadow (Arditi B., 2004). Yet the relationship between the two is fraught with tension, as the history of the United States abundantly attests. As early as 1780, the federalist Founding Fathers were denouncing the tyranny of the majority, an expression which is widely echoed in contemporary meanings conveyed by populism. It was to counteract this dreaded tyranny that the constitution conceived by James Madison and the delegates to Philadelphia set up a multiplicity of checks and balances. Since then, any number of populist movements, left or right wing, have criticized these institutional counterweights as so many means of muzzling the voice of the people. Populist movements, as Yves Mény and Yves Surel (2002) have written, all share the idea that democracy means one thing, the power of the people. In consequence of which, they are quick to exploit the gap

27 25 between democratic ideals one example being the famous Lincoln quote from 1863 in praise of government of, by, for the people and the elitist functioning of representative democracy as analyzed by successive political thinkers and realist theoreticians from Joseph Schumpeter to Robert Dahl or Giovanni Sartori, not omitting Bernard Manin. This critical stance has been a constant presence in American political life, resurfacing at regular intervals, with, however, one singular unifying characteristic, the fact that populists never criticize the constitution itself. They might call for constitutional reform (the case on the left) or demand greater respect of the constitution (the case on the right), but they never seek its abolition. 5 The particularity of the US lies also in the fact the populism is associated with progressive movements, whereas in European democracies populisms are overwhelmingly right wing. The first use of the term populism was indeed by a Kansas journalist in 1890, in reference to the People s Party, a third political party which became a major political force with over 8 % of the vote in the 1892 presidential election. The emergence of this protest movement in the heart of rural America at a time of transition from an individual owner capitalism towards a capitalism dominated by large corporations has given rise to wide historiographical debate. Richard Hofstader, taking his cue from the Frankfurt School, portrayed populism as an irrational, pathological reaction against economic modernization. It exemplified in his opinion the paranoid style of American political life, the potential of which was illustrated by the libertarian right as traduced by Goldwater (Hofstader R., 1955, 1964). Historians following the lead of Lawrence Goodwyn effectively disputed this thesis, pointing out the extent of the movement s democratic impregnation, with its strong associative component and legislative influence visible not only in the first laws setting out factory worker rights but even in certain New Deal enactments (Goodwyn L., 1978, Postels C., 2007, Sanders E., 1999). Although in the 1930s populism took on threatening, even fascist-like tones, with men like Huey Long and Father Coughlin, it retained, as Alan Brinkley has shown, a democratic dimension and incited Roosevelt and the New Dealers to promulgate important social reforms (Brinkley A., 1982). 6 The difficulty posed by the analysis of populism in the US derives from the great complexity of its manifestations throughout the 20th century. For Michael Kazin, a careful distinction must be made between the People s Party and the populist language (in the sense that historian Gareth Stedman Jones provides for this term) that it bequeathed to American political life. Setting the people, virtuous and hard-working, representing the essence of America, against a parasitical elite that threatens it, this language functions, argues Kazin, as a substitute for an assumed rhetoric of class, but it is not exclusive to the Democrats and the American left since, starting in the 1950s, populism became an essential ingredient in the reconfiguration of the American right which began to use the same rhetoric to condemn progressive intellectual elites and their social engineering projects, thereby appealing to a section of the working class electorate. In a context of growing tensions arising from conflicts to do with racial and gender discrimination in the work place, from the culture wars and the economic crisis of the 70s, populism became a defensive rampart for white, conservative America. From George Wallace to Ronald Reagan and Pat Buchanan, this right wing populism sang the praises of working America while occasionally sniping at K Street lobbies, but both its ideological content and its relationship to social class were ambiguous and led in the

28 26 end to reforms enacted in the interest of the economic elites, thus participating in the rise of neoliberalism (Kazin M., 1995, 2017, Frank T., 2004). 7 Overall, the forcefulness of populism in the US is a factor of the absence of any important Marxist tradition the marginalization of Marxism after the Bolshevik revolution was compounded by the Cold War and of the resulting discredit attached to arguments involving class. However populism s plasticity and its right leaning anchorage over the last sixty years suggest the need to clarify its links with the political and social history of peri-urban America and the anti-state ethos of the middle classes which there form the Republican party s electoral base (McGirr L., 2001). 8 This being so, it is no easy task to insert Donald Trump into the weave of American populism, which is perhaps why many observers tend to revert to Hofstader s theory which currently has a new impetus. Trump was written off by many as an anomaly of US political life, having conquered the Republican party and gained the presidency by virtue of mere circumstance. But the Trump phenomenon is rather more complex than such explanations allow for, notably because his electorate, in spite of local shifts in the rust belt, corresponds to the traditional Republican electorate and also because Trump s position on immigration and in favor of protectionism echoes policies carried out by the Republicans since the end of the 19th century. Coming after years of populist-leaning conservative mobilization, Trump may well represent a bleeding out of the conservative revolution of the last decades. But more especially he is a perfect example of what P-A Taguieff defines as a populisme-attitude, a posturing populism (1997, p. 15), independent from more or less structured visions or traditions, politically indeterminate, but idealizing the popular. Furthermore, the Trump administration constitutes a crucial stage in the American history of populism in that populism is no longer a mere extra-institutional movement, it sits square at the heart of power. 9 In Latin America, on the other hand, the experience of populism in government is greater by far. The context in which the term populism emerged has to do with the development of social science throughout the sub-continent at the end of the 1950s and the beginning of the 60s. Sociologists and political theorists appropriated the concept in order to analyze the authoritative, nationalist regimes that inaugurated the policies of regulation and redistribution characterizing the sequence that had just unfolded (Quattrocchi-Woisson D., 1997). Initially applied to Peronism in Argentina (Germani G., 1962 ; di Tella T., 1964) and to Getulism in Brazil (Cardoso F., Weffort F. (eds), 1970), the concept was rapidly extended throughout the entire sub-continent in order to deal with situations in the period in which political parties (such as the APRA in Peru, the Febrerist party in Paraguay, the RNM in Bolivia), leaders never having exercised power (Cesar Sandino in Nicaragua, Jorge Eliécer Gaitán in Colombia), and governments (post-revolutionary Mexico, Gualberto Villaroel in Bolivia, Velasco Ibarra in Ecuador) produced responses to the dual institutional (a democratic fiction) and economic (the agro-export model) crisis of oligarchic republics. The common denominator here was the central inscription of the people in mobilization discourse, from the Peronist descamisados in Argentine to the olivados in Ecuador under Velasco Ibarra, to the poor and their father Vargas in Brazil, to the Colorado party s barefeet (py nandí) in Paraguay. 10 Beyond all the diverse national experiences, several elements may be invoked to characterize the singular nature and the historicity of these Latin American populisms. As a general rule, leadership was sustained by a democratic dynamic linked to

29 27 extensions of suffrage. Leaders initiated developmentalist policies based on state regulation and social redistribution. Mobilization discourse depended on a dual polarization: the people against the elites, the nation against all imperialism. These were indeed mobilizing regimes, in tune with social movements and based on effective trade union and/or partisan cadres. For the most part, they entered upon limited transformations of socio-economic structures where nationalizations of strategic sectors were rarely accompanied by corollary agrarian reform. Consequently, they achieved fragile equilibrium by setting up a State of compromise aimed at preserving the property of the elites while responding in part to the social hopes and expectations of the popular and middle classes. 11 These transitional regimes which attempted to integrate popular sectors into the political order (Rouquié A., 1998) represented an essential stage in the construction of democratic process in Latin America. The calling of elections and the extension of suffrage were part and parcel of Peron s accession to power by in Argentine in 1946 and 1952, of Estenssoro s in Bolivia in 1952 and of the return of Vargas in Brazil in In this way, the populist governments of Latin America generally initiated and maintained the indigenist policies of the first half century with the perspective of weaving their nation more closely together and crystalizing a sense of national identity rooted in territory and founded on autochthony but also of integrating all popular sectors, Indian, Afro-Latino American (Andrews G.R., 2007) or immigrant in origin. However, the diverse conflicts of the 60s revealed the ideological limits of the historic Latin American populisms. The Cuban revolutionary way and the quest for social change, of which agrarian reform was one of the key elements, destroyed the equilibrium obtained by the State of compromise and broke up populist movements whose unity frequently depended on nothing more than the expression of loyalty to the leader. The Cold War dictatorships of the 70s then proclaimed their intention of jettisoning the populist aberration (Quattrocchi Woisson D., 1997). 12 The reformist governments of the period, though often called populist by their critics, can only be considered in a very limited measure as the inheritors of the 20th century regimes and any filiation with the old populisms is even more problematic with regard to contemporary neopulisms attempting to articulate an appeal to the people with neoliberal policies favoring big corporations. The reformist governments were nevertheless initially the fruit both of the consolidations of democracy, which put an end to the Cold War dictatorships, and the practice of alternation rendered necessary as a result of the social crisis brought about by two decades of structural adjustment policies and neoliberal deregulation. Aside from redistributive policies and the real action against poverty conducted by left wing governments in the 2000s, certain leaders have indeed resumed the practice of divisive personal power and unmediated relationship with the people, while articulating governmental action with base organizations which are associative, community- or union-based, or part of local administration. These factors may be seen as characteristic of a new Latin-American populism. But, in contrast to their polyclassist and national-popular predecessors, reformist regimes have functioned in a consolidated democratic context and position themselves clearly to the left on the national and international boards of players. 13 All this being so, is there a populist model? an American populist model? Or should we rather speak in terms of a laboratory of the Americas, with is diverse populist

30 28 experiences and its many national specificities, placing particular emphasis on questions such as the links between populism and the construction of democracy, between populism and electoralism, between populism and popular participation? 14 This issue of IdeAs proposes an off-center approach to the problem by bringing together studies situated locally thereby showing how historians, sociologists and political theorists working on North and South America make use of the notion of populism with regard to social, political and economic phenomenon for which it may account. What in a democracy differentiates populism from the appeal for votes made to electors, and in particular those of the popular classes? As Yves Mény and Yves Surel have written (2002), populist movements express themselves and indeed behave as if democracy is reducible to the power of the people. But that is an overall diagnostic and requires finer definition in as much as populisms, far from being systematically in opposition to the sophistications of liberal, representative democracy (Manin B., 2005), must be conjugated along a continuum. The forms populism can assume may well at times be toxic for democracy, but at other times they may bring to life what James Monroe (1990) calls the democratic wish. Thus, as Joseph Lowndes puts it in the chapter he contributes to the Oxford Handbook of Populism (2017), it is perhaps better then to analyze not what populism was but what populism did. The aim in this issue is therefore, in that perspective, to make a contribution to the characterization of populist criteria using experiences and studies relating to the American continent, from Canada to the Southern Cone. BIBLIOGRAPHY Andrews, George Reid, Afro-Latinoamérica, , Madrid/Frankfurt am Main, Iberoamericana/Vervuert, Arditi, Benjamin, Populism as a Spectre of democracy, Political Studies, vol. 52, n 1, mars 2004, p Brinkley, Alan, Voices of Protest: Huey Long, Father Coughlin and the Great Depresssion, New York: Knopf, Canovan, Margaret, Two Strategies for the Study of Populism, Political Studies, vol. 30, n 4, Cardoso, Fernando Enrique y Weffort, Francisco, (Eds.), América latina. Ensayos de interpretación sociológico-política, Santiago de Chile, Editorial Universitaria, Chazel, Laura, "De l Amérique latine à Madrid : Podemos et la construction d un «populisme de gauche", Revue Pôle Sud, n 50, 2019, p Di Tella, Torcuato, El sistema político argentino y la clase obrera, Buenos Aires, Eudeba, Dorna, Alexandre, Le populisme, Paris PUF, Frank, Thomas, What s the Matter With Kansas? New York, Holt, 2004.

31 29 Freindenberg, Flavia, La tentación populista. Una vía al poder en América latina, Madrid, Editorial Sintésis, Germani, Gino, Política y sociedad en una época de transición. De la sociedad tradicional a la sociedad de masas, Buenos Aires, Paidós, Goodwyn, Lawrence, Democratic Promise: The Populist Moment in America, New York, Oxford UP, Hermet, Guy, Les populismes dans le monde, Paris, Fayard, Hofstadter, Richard, The Age of Reform: From Bryan to FDR, New York, Knopf, Hofstadter Richard, The Paranoid Style in American Politics, New York, Vintage, Kaltwasser, Cristóbal Rovira & al. (eds.). The Oxford Handbook of Populism, Oxford: Oxford University Press, 2017 Kazin, Michael, The Populist Persuasion, Ithaca, Cornell UP, Nouvelle édition en Laclau, Ernesto, La raison populiste, Paris, Seuil, Lowndes, Joseph, "Populism in the United States", p , in Cristobal R. Kaltwasser, et al., The Oxford Handbook of Populism, Oxford, Oxford University Press, McGirr, Lisa, Suburban Warriors, The Origins of the New American Right, Princeton, Princeton UP, Marques-Pereira, Bérengère, Garibay, David, La politique en Amérique latine. Histoires, institutions et citoyennetés, Paris, Armand Colin, Manin, Bernard, The Principles of Representative Government, Cambridge, Mass., Cambridge University Press, Morone, James, The Democratic Wish. Popular Participation and the Limits of American Government, New York, Basic Books, Mudde, Cas, Populist Radical Right Parties in Europe, Cambridge,UK, Cambridge UP, Panizza, Francisco, "Fisuras entre Populismo y Democracia en América Latina", Stockholm Review of Latin American Studies, n 3, 2008, p Postels, Charles, The Populist Vision, New York, Oxford, Quattrocchi-Woisson, Diana, "Les populismes latino-américains à l épreuve des modèles d interprétation européens", Vingtième siècle, revue d histoire, n 56, 1997, p Rosanvallon, Pierre, "Penser le populisme", laviedesidees.fr, Rouquié, Alain, Amérique latine. Introduction à l extrême-occident, Paris, Seuil, 1998 [1987 1ère édition] Sanders, Eilzabeth, Roots of Reform, Farmers, Workers, and theamerican State, , Chicago, The University of Chicago Press, Surel,Yves, Mény, Yves, "Populism : The Pathology of Democracy?", in Democracies and the Populist Challenge, London : Palgrave, 2002, 3-6. Taguieff, Pierre-André, "Le populisme et la science politique : du mirage conceptuel aux vrais problèmes", Vingtième Siècle, n 56, octobre-décembre 1997, p

32 30 Wiles, Peter, "A Syndrome, Not a Doctrine: Some Elementary Theses on Populism, in Ghita Ionescu", Ernest Gellner, ed., Populism. Its Meaning and National Characteristics, London, Weidenfeld and Nicolson, 196 NOTES 1. Melenchon, le populisme assumé, France Inter, L édito politique, 29 August 2017: < Pierre Ronsanvalon, Penser le populisme, 27 September 2011: Penser-le-populisme.html AUTHORS LUC CAPDEVILA (Université de Rennes 2 - ARENES) FRANÇOIS VERGNIOLLE DE CHANTAL (Université de Paris LARCA, UMR 8225) JEAN-CHRISTIAN VINEL (Université de Paris LARCA, UMR 8225)

33 31 Populismos nas Américas Luc Capdevila, François Vergniolle de Chantal e Jean-Christian Vinel Tradução : Alice Ferreira Fernandes 1 Ao longo da última década, o populismo surgiu como um conceito muitas vezes fundamental na análise da evolução política e social num grande número de países europeus e americanos. No entanto, o seu uso continua sendo muito negativo pois, na maioria das vezes, se refere a um apelo direto ao povo baseado no ressentimento contra as elites e/ou certos grupos sociais, ao mesmo tempo que defende um arsenal de medidas "simples" e demagógicas. Ele é aliás usado principalmente para denunciar seus inimigos e há muito poucos responsáveis políticos - com exceção de Jean-Luc Mélenchon da France Insoumise, Hugo Chavez, ou os líderes do Podemos na Espanha (Chazel L., 2019) - que reivindicam este rótulo com orgulho 1. Em outras palavras, o populismo é percebido antes de tudo como uma forma degradada da vida democrática. É nesse sentido que a análise de Pierre Rosanvallon (2011) enxerga nele uma tripla simplificação: primeiro, uma simplificação política ao opor um povo sonhador e homogêneo às elites corruptas; segundo, uma simplificação institucional ao rejeitar qualquer contrapeso à vontade popular; e, finalmente, uma simplificação social, que atribui ao povo uma identidade clara e definida 2. 2 Mas o populismo é também uma noção com práticas e estilos muito diferentes. Nas Américas, o populismo tem sido usado recentemente para se referir a uma grande variedade de correntes e sensibilidades políticas, fazendo referência a movimentos, atores e até mesmo governos como Occupy Wall Street, Tea Party, Bernie Sanders e Donald Trump. 3 No hemisfério sul, este é particularmente o caso de regimes que também são chamados de nacionais-populares na América Latina: a Venezuela Chavista, a Bolívia dirigida por Evo Morales, a Argentina sob os governos de Kirchner...; ao mesmo tempo o termo populismo também é usado para designar correntes ultra-conservadoras, como a encarnada por Jair Bolsonaro, atual presidente do Brasil, ou os governos neoliberais dos anos 90 (Fujimori no Peru, Collor de Mello no Brasil, Bucaram no Equador...). Estes governos, liderados todos por "homens fortes" eleitos em contextos de crise política, resgataram práticas de apelo ao povo, de contato imediato com a sociedade através de novos procedimentos (pela televisão, por exemplo na década de 1990, e hoje por meios

34 32 digitais), de poder fortemente incorporado, às vezes diretamente proveniente de antigas organizações populistas (Menem na Argentina). Mas, ao abandonar as políticas de intervenção redistributiva e econômica, características dos "velhos populismos da América Latina", eles estariam participando dos "neopulismos" definidos com base na "fusão entre populismo e neoliberalismo" negociados por eles (Freindenberg F., 2007). 4 Nestas condições, muitos se negam a reconhecer qualquer conteúdo à noção de populismo: o populismo não sendo uma ideologia, ele é, portanto, reduzido aos seus múltiplos usos. A ubiquidade mascara de fato uma certa confusão conceitual (Mudde C., 2007, Hermet G., 2001, Taguieff P.-A., 1997, Laclau E., 2008), especialmente porque o populismo parece ser a sombra da democracia (Arditi B., 2004, Canovan M., 1999). Embora o populismo atual reflita o sentimento de que as democracias vacilam sob o peso de exigências econômicas, sociais, identitárias e de segurança, que muitas vezes assumem a forma de denúncia das elites e de defesa de um povo virtuoso, a sua essência permanece pouco clara. Por um lado, porque dois níveis de discurso - o dos atores e o dos analistas, sejam eles das ciências sociais ou da política - se misturam nos debates. Por outro lado, porque a natureza transnacional e a diversidade do fenômeno tendem a mascarar as diferenças entre os casos nacionais. 5 A história do populismo na Europa é muito diferente da dos Estados Unidos, do Canadá e da América Latina. No Velho Continente, o populismo geralmente se refere a movimentos de extrema direita (Mudde C., 2007), ou, como disse George Lavau (1970), a uma "função tribunícia" dos partidos de esquerda. Por outro lado, nos Estados Unidos, berço do partido homônimo, o populismo é constituído de uma linguagem política que reflete uma paixão igualitária oriunda da revolução americana (Kazin M., 1995). Quanto à América Latina, muitas vezes considerada como a sua "terra por excelência" (Hermet G., 2001), o que a tornaria o "paradigma do populismo moderno" (Dorna A., 1999), refere-se primeiro a um "populismo de governo" mais que de "denúncia" ou mesmo de "oposição" (Rosanvallon P..., 2011), cuja diversidade de experiências marcou profundamente o século XX do subcontinente (Marques Pereira B., Garibay D., 2011), e cujos legados permanecem fortes nas primeiras décadas do terceiro milênio. Mas a "frequência" e a "imprecisão" do conceito pedem maiores precisões sobre o contexto do seu uso, o que conduz a determinar uma pluralidade de movimentos e de regimes historicamente localizados, e sobretudo porque, salvo algumas excepções, "ninguém se diz ou afirma ser populista" (Rouquié A.,[1987] 1998). 6 Nos Estados Unidos, o populismo tem raízes profundas que remontam à fundação do país. Do ponto de vista teórico, as afinidades entre o primeiro país cuja constituição de 1787 estipula "We The People...Do" e o populismo, que reivindica os princípios básicos da democracia (a regra da maioria e a soberania popular), confirmam até que ponto o populismo segue a democracia como sua sombra (Arditi B., 2004). Mas a relação entre os dois está, no entanto, cheia de tensões, como demonstra abundantemente a história dos Estados Unidos. Desde os anos de 1780, os Pais fundadores federalistas denunciavam a "tirania da maioria", uma expressão que coincide em grande parte com o uso contemporâneo do "populismo". É por isso que a constituição pensada por James Madison e os outros representantes da Filadélfia multiplicaram os "checks and balances" para combater essa tão temida tirania. Desde então, muitos movimentos populistas - de direita e de esquerda - têm criticado estes "contrapesos" institucionais como meio de amordaçar a voz do povo. Como escrevem Yves Mény e Yves Surel (2002), os movimentos populistas partilham a ideia de que a democracia significa apenas o

35 33 poder do povo. Desse modo, aumentam volontariamente o abismo entre os ideais democráticos - pensemos na famosa citação de Lincoln em 1863 enaltecendo o "government of, by, for the people" - e o funcionamento elitista da democracia representativa, como é analisada por uma série de políticos e teóricos "realistas", indo de Joseph Schumpeter a Robert Dahl, Giovanni Sartori, sem esquecer Bernard Manin. Esta crítica é assombrosa na vida política americana e se repete com intervalos regulares, porém com a característica singular de que estes movimentos populistas nunca criticam a própria constituição. Podem exigir a sua reforma (é o caso da esquerda), o seu respeito (é o caso da direita), mas nunca a sua abolição. 7 A particularidade americana reside também no fato de que o populismo está historicamente associado a movimentos progressistas, ao contrário das democracias europeias, onde a grande maioria dos populismos é de direita. De fato, foi um jornalista do Kansas que, em 1890, usou o termo "populismo" pela primeira vez em referência ao People's Party (Partido Popular), um terceiro partido, que se tornou uma força política importante com mais de 8% dos votos nas eleições para presidente de O surgimento deste movimento de protesto em meio a uma América rural, em uma época de transição de um capitalismo de proprietários individuais a um capitalismo dominado pelas grandes empresas, alimentou um amplo debate histórico. Com base na Escola de Frankfurt, Richard Hofstadter apresentava o populismo como uma reação irracional e patológica contra a modernização econômica; segundo ele, o populismo ilustrava o "estilo paranóico" da vida política americana cuja direita libertária, incorporada por Goldwater (Hofstadter R., 1955, 1964) ilustrava o potencial. Esta tese, no entanto, foi questionada por historiadores que, na linha de Lawrence Goodwyn, apontaram para a impregnação democrática de um movimento com forte dimensão associativa e cuja influência legislativa também foi visível nas primeiras leis que regem o trabalho na fábrica, mas também em certas leis do New Deal (Goodwyn L., 1978, Postels C., 2007, Sanders E., 1999). Na década de 1930, o populismo assumiu tons ameaçadores e até fascistas com Huey Long e Father Coughlin, mas, como mostra Alan Brinkley, ele manteve uma dimensão democrática e levou Roosevelt e os New Dealers a adotarem importantes reformas sociais (Brinkley A., 1982). 8 De fato, toda a dificuldade advinda da análise do populismo nos Estados Unidos reside em sua grande complexidade durante o século 20. Para Michael Kazin, uma distinção deve ser feita entre o Partido Popular e a linguagem populista (no sentido que o historiador Gareth Stedman Jones dá a este termo) que ele deixou para a vida política americana. Essa linguagem, que coloca um povo virtuoso e trabalhador representando a essência da América contra uma elite de parasitas que a ameaçam, funciona, segundo Kazin, como um substituto de uma retórica de classe assumida, mas os democratas e a esquerda americana não são seus únicos representantes: o populismo tornou-se, a partir dos anos 50, um componente essencial da reconfiguração da direita americana, que o utilizou para criticar as elites intelectuais progressistas e os seus projetos de engenharia social, atraindo assim parte do eleitorado operário. Em um contexto de crescentes tensões relacionadas às lutas pela discriminação racial e sexual no trabalho, às guerras culturais e à crise econômica dos anos 70, o populismo serve à defesa de uma América branca e conservadora. De George Wallace a Ronald Reagan e Pat Buchanan, esse populismo de direita enaltece a América no trabalho e às vezes critica os lobbies da K Street, mas seu conteúdo ideológico e sua relação com as classes sociais permanecem ambíguos, pois levam a reformas que refletem os interesses das elites econômicas e,

36 34 assim, contribuem para a ascensão do neoliberalismo (Kazin M., 1995, 2017, Frank T., 2004). 9 Em suma, a prevalência do populismo nos Estados Unidos ilustra a ausência de qualquer tradição marxista importante - ainda mais marginal após a revolução bolchevique, e depois a Guerra Fria - e o descrédito consequente dos argumentos da classe. No entanto, sua maleabilidade e consolidação à direita por quase sessenta anos também refletem certamente a necessidade de identificar suas ligações com a história social e política da América periurbana e o antiestatismo das classes médias que formam neste país a base eleitoral do Partido Republicano (McGirr L., 2001). 10 Por estas razões, inserir Donald Trump na trama do populismo americano não é fácil, o que provavelmente explica por que muitos observadores preferem voltar à tese de Hofstadter, que recuperou um certo vigor. Muitos criticaram Trump como uma anomalia na vida política americana, que só conseguiu conquistar o Partido Republicano, e depois a presidência, graças à uma série de circunstâncias. No entanto, o fenômeno Trump é muito mais complexo do que seus discursos sugerem, não apenas porque seu eleitorado, apesar das mudanças a nível local na rust belt, coincide com o eleitorado tradicional do Partido Republicano, mas também porque suas posições contra a imigração e a favor do protecionismo contemplam a política defendida pelo Partido Republicano do final do século Após anos de mobilização conservadora e prontamente populista, Trump pode de fato representar uma forma de exaustão desta "revolução conservadora" das últimas décadas. Mas, acima de tudo, é um exemplo perfeito do que P-A Taguieff define como "populismo-atitude" (1997, p. 15), independente de visões ou tradições mais ou menos estruturadas, politicamente indeterminadas, mas idealizando o "popular". Além disso, a administração Trump é um passo crucial na história americana do populismo, na medida em que já não é apenas um movimento extra-institucional, mas, pelo contrário, está no centro do poder. 12 Na América Latina, por outro lado, a experiência governamental do populismo é muito mais importante. O contexto do surgimento do termo populismo na América Latina está ligado ao desenvolvimento das ciências sociais no subcontinente no final dos anos 1950 e início dos anos Sociólogos e políticos apropriaram-se então do conceito para analisar os regimes autoritários e nacionalistas que deram origem às políticas de regulação e redistribuição, características da sequência que acabava de terminar (Quattrocchi-Woisson D., 1997). 13 Aplicado pela primeira vez ao peronismo na Argentina (Germani G., 1962; di Tella T., 1964) e ao getulismo no Brasil (Cardoso F.., Weffort F. (eds.), 1970), o conceito se espalhou rapidamente por todo o subcontinente para apreender a conjuntura dos anos 1920 e 1960, durante os quais partidos (como o APRA no Peru, o Partido Revolucionário Febrerista no Paraguai, o MNR na Bolívia), líderes que nunca tiveram acesso ao poder (Cesar Sandino na Nicarágua, Jorge Eliécer Gaitán na Colômbia), governos (México pósrevolucionário, Gualberto Villaroel na Bolívia, Velasco Ibarra no Equador), encarnaram as respostas à crise institucional (ficção democrática) e econômica (modelo agroexportador) das repúblicas oligárquicas. O denominador comum era colocar o "povo" no centro de seus discursos de mobilização, seja o do peronista "sem camisa" na Argentina, os "esquecidos" no Equador sob Velasco Ibarra, os "pobres" no Brasil dirigido por Vargas, os "pés descalços" (pynandí) colorados no Paraguai.

37 35 14 Além da diversidade de experiências nacionais vivenciadas, vários elementos permitem caracterizar as singularidades e a historicidade desses populismos latino-americanos. Em geral, os líderes foram movidos por uma dinâmica democrática associada à extensão do sufrágio e promoveram políticas desenvolvimentistas baseadas na regulação estatal e na redistribuição social. Os discursos de mobilização se basearam em uma dupla polarização: o povo contra as elites, a nação contra os imperialistas. São, de fato, regimes de mobilização alinhados com os movimentos sociais, baseados em uma forte liderança sindical e/ou partidário. Finalmente, a maioria desses regimes se engajaram em uma transformação limitada das estruturas socioeconômicas, com a nacionalização de setores estratégicos que muito raramente resultaram em reforma agrária. Consequentemente, eles chegaram a um frágil equilíbrio ao organizar o "Estado de Compromisso", que deveria preservar a propriedade das elites satisfazendo parcialmente as expectativas sociais dos setores populares e das classes médias. 15 Regimes de "transição" que se esforçavam para "integrar os setores populares dentro da ordem política" (Rouquié A., 1998) marcaram um passo essencial na construção do processo democrático na América Latina. As convocações das eleições e a ampliação do sufrágio acompanharam a tomada do poder de Perón na Argentina em 1946 e 1952, Estenssoro na Bolívia em 1952 e o retorno de Vargas no Brasil em Nesse sentido, esses governos "populistas" latino-americanos muitas vezes iniciaram e promoveram políticas indigenistas das primeiras décadas do século XX, com o intuito de forjar a nação, consolidar uma identidade nacional enraizada no território e com bases nativas, mas também integrar o conjunto de setores populares, fossem eles indígenas, afrolatino-americanos (Andrews G. R., 2007), ou mesmo oriundos da imigração. 16 Os conflitos da década de 1960 deixaram claros os limites ideológicos dos populismos históricos latino-americanos. A via revolucionária cubana, o desejo de mudança social, dentro da qual a reforma agrária foi umas das palavras de ordem, romperam o equilíbrio alcançado com o Estado de compromisso e fraturaram os movimentos, cuja unidade às vezes se baseava unicamente na expressão de lealdade ao líder, já as ditaduras da Guerra Fria dos anos 70 afirmaram que queriam pôr fim à "aberração populista" (Quattrocchi Woisson D., 1997). 17 Quanto aos governos reformistas dos anos 2000/2010, mais uma vez qualificados como "populistas" por seus críticos (Panizza F., 2008), eles só podem ser considerados de forma muito limitada como herdeiros dos regimes do século passado; a filiação com os "velhos populismos" sendo ainda mais problemática quando se trata de "neopopulismos" contemporâneos articulando um apelo ao povo e a implementação de políticas neoliberais e de apoio às grandes corporações. Contudo, os primeiros foram, antes de tudo, o fruto da consolidação democrática, que pôs fim às ditaduras da Guerra Fria, e da alternância que se seguiu à crise social provocada por duas décadas de políticas de ajustamento estrutural e de desregulamentação neoliberal. 18 Além das políticas redistributivas e de uma ação efetiva contra a pobreza iniciada nos anos 2000 pelos governos de esquerda, alguns líderes certamente retornaram a um poder personalista, divisor e com as práticas de contato imediato com "o povo", mas articulando em paralelo a ação governamental com organizações de base, sejam elas associativas, comunitárias, sindicais ou comunais. Estes últimos elementos podem caracterizar esses novos "populismos" latino-americanos. Mas, ao contrário de seus antecessores policlassistas e "nacional-populares", eles operaram em um contexto

38 36 democrático consolidado e se posicionaram claramente à esquerda na cena política nacional e internacional. 19 Em suma, há algum modelo populista? Americano? Ou poderíamos evocar sobretudo um laboratório americano, com diversas experiências populistas e muitas singularidades nacionais, que questionam especialmente as ligações entre populismo e construção democrática; entre populismo e eleitoralismo; entre populismo e participação? 20 Este número de IdeAs oferece uma nova perspectiva sobre a questão ao mostrar, a partir de estudos de caso locais, como os historiadores, sociólogos e políticos que trabalham sobre a América do Sul e do Norte empregam a noção de populismo tendo em vista os fenômenos sociais, políticos e econômicos que graças a ela podem ser racionalizados. O que diferencia, numa democracia, o populismo do apelo ao voto dos eleitores e, em particular, o das classes trabalhadoras? Como escreveram Yves Mény e Yves Surel (2002), os movimentos populistas expressam-se e comportam-se como se a democracia fosse reduzida ao poder do povo. 21 Mas esse diagnóstico geral precisa ser afinado, pois os populismos, longe de estarem em oposição sistemática à sofisticação da democracia liberal e representativa (Manin, B., 2005), são encontrados ao longo de um continuum. O populismo pode, às vezes, assumir formas que são tóxicas para a democracia, mas pode também, sob outras formas, alcançar o que James Morone (1990) chama de "desejo democrático" (Democratic Wish). É por isso que, como explica Joseph Lowndes no seu capítulo do Oxford Handbook of Populism (2017), "é provavelmente melhor analisar o populismo pelo que ele faz do que pelo que é"([it is] perhaps better then to analyze not what populism was but what populism did). Nesta perspectiva, o objetivo desta edição é contribuir para identificar critérios populistas a partir de experiências e análises tiradas do continente americano, do Canadá ao Cone Sul. BIBLIOGRAFIA Andrews, George Reid, Afro-Latinoamérica, , Madrid/Frankfurt am Main, Iberoamericana/Vervuert, Arditi, Benjamin, Populism as a Spectre of democracy, Political Studies, vol.52, n 1, mars 2004, p Brinkley, Alan, Voices of Protest: Huey Long, Father Coughlin and the Great Depresssion, New York: Knopf, Canovan, Margaret, Two Strategies for the Study of Populism, Political Studies, vol.30, n 4, Cardoso, Fernando Enrique y Weffort, Francisco, (Eds.), América latina. Ensayos de interpretación sociológico-política, Santiago de Chile, Editorial Universitaria, 1970.

39 37 Chazel, Laura, «De l Amérique latine à Madrid : Podemos et la construction d un «populisme de gauche», Revue Pôle Sud, n 50, 2019, p Di Tella, Torcuato, El sistema político argentino y la clase obrera, Buenos Aires, Eudeba, Dorna, Alexandre, Le populisme, Paris PUF, Frank, Thomas, What s the Matter With Kansas? New York, Holt, Freidenberg, Flavia, La tentación populista. Una vía al poder en América latina, Madrid, Editorial Sintésis, Germani, Gino, Política y sociedad en una época de transición. De la sociedad tradicional a la sociedad de masas, Buenos Aires, Paidós, Goodwyn, Lawrence, Democratic Promise: The Populist Moment in America, New York, Oxford UP, Hermet, Guy, Les populismes dans le monde, Paris, Fayard, Hofstadter, Richard, The Age of Reform: From Bryan to FDR, New York, Knopf, Hofstadter Richard, The Paranoid Style in American Politics, New York, Vintage, Kaltwasser, Cristóbal Rovira & al. (eds.). The Oxford Handbook of Populism, Oxford: Oxford University Press, 2017 Kazin, Michael, The Populist Persuasion, Ithaca, Cornell UP, Nouvelle édition en Laclau, Ernesto, La raison populiste, Paris, Seuil, Lowndes, Joseph, «Populism in the United States», p , in Cristobal R. Kaltwasser, et al., The Oxford Handbook of Populism, Oxford, Oxford University Press, McGirr, Lisa, Suburban Warriors, The Origins of the New American Right, Princeton, Princeton UP, Marques-Pereira, Bérengère, Garibay, David, La politique en Amérique latine. Histoires, institutions et citoyennetés, Paris, Armand Colin, Manin, Bernard, The Principles of Representative Government, Cambridge, Mass., Cambridge University Press, Morone, James, The Democratic Wish. Popular Participation and the Limits of American Government, New York, Basic Books, Mudde, Cas, Populist Radical Right Parties in Europe, Cambridge,UK, Cambridge UP, Panizza, Francisco, «Fisuras entre Populismo y Democracia en América Latina», Stockholm Review of Latin American Studies, n 3, 2008, p Postels, Charles, The Populist Vision, New York, Oxford, Quattrocchi-Woisson, Diana, «Les populismes latino-américains à l épreuve des modèles d interprétation européens», Vingtième siècle, revue d histoire, n 56, 1997, p Rosanvallon, Pierre, «Penser le populisme», laviedesidees.fr, Rouquié, Alain, Amérique latine. Introduction à l extrême-occident, Paris, Seuil, 1998 [1987 1ère édition] Sanders, Eilzabeth, Roots of Reform, Farmers, Workers, and theamerican State, , Chicago, The University of Chicago Press, 1999.

40 38 Surel,Yves, Mény, Yves, Populism: The Pathology of Democracy?, in Democracies and the Populist Challenge, London: Palgrave, 2002, 3-6. Taguieff, Pierre-André, «Le populisme et la science politique: du mirage conceptuel aux vrais problèmes», Vingtième Siècle, n 56, octobre-décembre 1997, p Wiles, Peter, «A Syndrome, Not a Doctrine: Some Elementary Theses on Populism», in Ghita Ionescu, Ernest Gellner, ed., Populism. Its Meaning and National Characteristics, London, Weidenfeld and Nicolson, 196 NOTAS 1. «Mélenchon, le populisme assumé», France Inter, L édito politique, 29 agosto de 2017 : < aout-2017>. 2. Pierre Rosanvallon, «Penser le populisme», 27 de setembro de 2011: AUTORES LUC CAPDEVILA (Universidade de Rennes 2 ARENES) FRANÇOIS VERGNIOLLE DE CHANTAL (Universidade de Paris LARCA, UMR 8225) JEAN-CHRISTIAN VINEL (Universidade de Paris LARCA, UMR 8225)

41 39 Populism as a Concept and the Challenge of U.S. History Le concept de populisme et le défi de l histoire américaine El populismo como concepto y el desafío de la historia de EE.UU. Charles Postel 1 In January, 2019, Jair Bolsonaro, was inaugurated as the president of Brazil, the world's fifth largest country by population. Promising to "rescue the family" and "our Judeo- Christian tradition," Bolsonaro has built a reputation for his vitriol against women, homosexuals, indigenous people, Afro-Brazilians, and a variety of "traitors" to the country. His motto is "Brazil above everything, God above all." With Bolsonaro's rise to power, Brazil has joined an expanding list of governments that have a common approach to politics. They each have their specific histories and trajectories, and some of them share more than others do; but they have built their political power by various combinations of ethno-cultural division, racial and gender bigotry, and political intolerance. Among such governments stand the administrations of Narendra Modi's Bharatiya Janata Party in India and Donald Trump's Republican Party in the United States, the second and third largest countries in the world respectively. Add to this list Poland, Israel, Hungary, Italy, the Philippines, Turkey, and elsewhere along with kindred political parties across Europe and beyond - and it suggests that Bolsonaro's rise is part of a menacing global phenomenon (Anderson P., 2019; Anderson J.L., 2009). 2 This poses a series of questions about how this menace is to be understood in terms of historical roots, underlying forces, and prospects. The most basic question is: What type of political animal is afoot? And the most common answer is that Bolsonaro, Trump, and the rest, can best be understood as part of a global rise of populism. In one way or another, journalists and pundits, along with a considerable cadre of political scientists and other academics, tell us that the concept of populism is the key to understanding the forces of intolerance and bigotry that have been unleashed on the political landscape. In recent years, this claim has been made in bold headlines in newspapers and magazines of all types, and in confident titles of books, as well as

42 40 academic journals and symposia. But the more claims, the more books, the more studies the weaker the case becomes. 3 The weakness is reflected in the agony of definitions. In recent years, the most diligent efforts to construct workable frameworks for the meaning of populism have only shown how wobbly and unworkable the frameworks tend to be. It is partly the conflicting nature of the definitions. It is partly their ahistorical character. Political experience in the United States, as this paper explores, challenges the way that the term is being used and abused. The challenge extends to the histories of Europe, Latin America, and beyond. As an analytical concept for making sense of the present historical moment, populism is an analytical popgun. The Definition Conundrum 4 There are nearly as many formulas for defining the concept of populism as there are books, papers, and treatises on the topic. The formulas, however, tend to fall within, or at least near, three interpretive models. The first might be called the European model, because it derives mainly from the European context and that is where it is often applied. This is also the simplest and most direct of the definitions: populism is the nationalist politics of hate. This is a definition provided, for example by John Lukacs, who, from his vantage point as a historian of the European carnage of the 1930s and 1940s, used the term broadly. Lukacs experienced the nationalist hatreds of war close at hand in his native Budapest before departing Hungary for the United States in 1946, where he began a long career writing about the European catastrophe. Lukacs wrote of the dangers in the "popular sentiments" unleashed by democracy, sentiments that led to national hatred that is to say populism and which were widespread "almost everywhere" during the long twentieth century. Hitler "was a populist," he argued, as was Emiliano Zapata and other figures of the Mexican Revolution, and so too were the U.S. Populists of the 1890s - what he described as "American national socialists of a kind." It is unclear how influential Lukac's ideas have been, but the basic structure of his claim of populism-as-nationalism is at least widely reflected in the commentary of journalists and analysts on both sides of the Atlantic. The designator populism serves as shorthand for nationalistic passions, anti-semitism, xenophobia, and racial and religious bigotry, and often also carries the connotation of demagogy, authoritarianism, and political intolerance. In this usage, it is unnecessary to mention the family resemblance with the nationalist hatreds unleashed in the inter-war years that produced National Socialism, the Holocaust, and global war. Yet, as in Lukacs's jeremiads, it is the unspoken assumption in the editorials and commentaries about the populist danger (Lukacs, J., 2005: 19, 21, 61; Lukacs, J., 2013: 4-5, 70; Baumgärtner, M., et al., 2019; Mounk, Y., 2014; Galston, W., 2018: 33-40). 5 Then there is the Latin American model, whereby populism has represented an inclusive alternative to exclusive structures of power. In the name of the people, under conditions when formal liberal democracy has represented the narrow politics of oligarchs, populism has expanded political space to include workers, the poor, and the marginalized. In places, populism has also involved a more racially inclusive politics, especially regarding the indigenous and black communities of the Andes, the Caribbean, and elsewhere. Another feature of the Latin American formula has been the key role played by the charismatic leader. From Juan Perón of Argentina and Getúlio

43 41 Vargas of Brazil in the mid-twentieth century, to Hugo Chávez of Venezuela and Evo Morales of Bolivia in the early twenty-first century, populism has represented a personalized politics that has tended towards a type of authoritarian rule that has recurred on the Latin American scene (Halperin, D., 1993: ). This type of politics might also be described as Peronism, after its best-known practitioner. For the Argentine social theorist Ernesto Laclau, populism carried the promise of radical democracy, a path towards the "widening horizons" of social mobilization and political transformation (Laclau, E., 2005: 250). Federico Finchelstein offers a variation on the theme, insisting that populism is neither fascism nor an egalitarian form of democracy, but an authoritarian form of democracy that rose from the wreckage of fascism in postwar Argentina. As such, populism has played its democratic role. But with its reliance on a messianic leader and its repressive tendencies it also poses a global danger. Populism, "born at the Latin American margins," Finchelstein warns, has "moved to Washington, DC," and is "now threatening the future of our democratic times" (Finchelstein, F., 2017: XIII-XVI, 150, ). 6 This brings us to the third and most perplexing of the models, that is the American model in which populism reveals itself as a shape-shifting phantom. In its classic iteration, this takes the form of a narrative about the People's Party (or Populist Party) of the 1890s, which originally pursued progressive and leftwing politics, but which in the second half of the twentieth century reemerged as rightwing bigotry and intolerance. This is the narrative associated with the historian Richard Hofstadter and an influential group of mid-twentieth century social scientists concerned with the social psychology of mass movements. In the work of Hofstadter and like-minded intellectuals, the anxieties, misplaced fears, and irrational delusions of the late nineteenth century Populist farmers served as the fountainhead of America's politics of unreason, demagogy, authoritarianism, xenophobia, anti-semitism, and narrowmindedness. In his 1955 work The Age of Reform, Hofstadter performed a remarkable act of alchemy by finding a way to transform the leftwing Populism of the 1890s into the "illiberal and ill-tempered" and "cranky-pseudo-conservatism" of 1950s McCarthyism. He claimed that the one "soured" into the other (Hofstadter, R., 1955: 20; Ferkiss, V. 1957: ; Lipset and Raab, 1978: 90-4). 7 This claim continues to have wide influence among journalists, pundits, and even within some of the social sciences. It has been absorbed into the European and Latin American interpretive models. Lukacs, for example, cited Hofstadter to describe Joseph McCarthy as "the quintessential populist." Similarly, Finchelstein maps the Hofstadter claim onto his own historical narrative (Lukacs, J., 2005: 51; Finchelstein, F., 2017: ). The historian Alan Brinkley described The Age of Reform as "the most influential book ever published on the history of twentieth-century America" (Brinkley A., 1985). But this says more about the class prejudices of Hofstadter's readers, and their notions of the psychological afflictions of working people, than it does about the veracity of Hofstadter's thesis, which from the time of publication has been thoroughly dismantled. Walter Nugent, Norman Pollack, Michael Rogin, C. Vann Woodward, among many other scholars in the 1950s and 1960s, demonstrated that Hofstadter's claims about the Populist roots of McCarthyism were ahistorical, exaggerated, and otherwise unfounded (Woodward, C.V., 1960; Nugent, W., 1963; Pollack, N., 1962; Rogin, M., 1967; Postel, C., 2016a: ).

44 42 8 Yet, Hofstadter's shape-shifting phantom continues to prowl. In part, this is due to the efforts to keep the kernel of Hofstadter's argument, while discarding what is clearly not verifiable in the historical record. Thus, for example, in his 1995 book, The Populist Persuasion, Michael Kazin accepts that in terms of ideology or politics there was no direct link between Populism of the 1890s and McCarthyism of the 1950s. Rather, Populism and McCarthyism shared a common "mode of persuasion," a language or style that Kazin claims offered both hope and menace across two centuries of U.S. history. He defined populism as "a language whose speakers conceive of ordinary people as a noble assemblage," and who seek to mobilize the people against their "elite opponents" (Kazin, M., 1995). Leaning on Kazin, the journalist John Judis, in his recent offering The Populist Explosion, has given this language uncanny global power. Populism, he claims, "is an American creation that spread later to Latin America and Europe." More specifically, according to Judis, populism is an invention of the leftwing People's Party of the 1890s, that not only gave life to the American rightwing after WWII, it was also "transported" to Europe in the 1970s where it took the form of Jean-Marie Le Pen's French National Front and other rightwing movements (Judis, J., 2016: 14-19, 88-89). 9 These three continental models, providing three different historical narratives, are to a considerable degree incompatible, even in their most generalized form. However, to move from the general to the specific makes the problem of definitions that much more acute. In the Latin American case, for example, the charismatic or messianic leader is the norm; in the case of the People's Party and a number of other supposedly populist movements in the United States, there was no such leader. Rural militias dedicated to fighting federal central authority are claimed to be symptomatic of U.S. populism; Latin American populisms, as Laclau reminded us, were urban based and "essentially state populisms, trying to reinforce the role of the central state against landowning oligarchies" (Crothers, L., 2018: 3-13; Laclau, E., 2005: 192). The list of such fundamental differences in characteristics is a long one, and causes a series of obstacles to those who continue to insist that populism represents a useful general category of analysis. Accordingly, the number of characteristics that supposedly define populism keeps growing shorter, more indefinite, and more tentative. And, as it turns out, the contradictions of definition have so far at least proven insurmountable without a strong dose of the alchemy provided by the American model. Populism as Americanism 10 In this regard the Dutch political scientist Cas Mudde and his Chilean colleague Cristóbal Rovira Kaltwasser have provided a service with their publication of Populism: A Very Short Introduction. The authors are steeped in expertise in European and Latin American politics, and their concise book provides a synthetic explication of the idea of populism as a global concept. They finesse the contradictions in such a way as to provide a universal definition that is presumably sufficiently flexible to stretch across the continents to cover a multiplicity of political phenomena. Mudde and Rovira Kaltwasser preface their definition with the claim that populism is not merely a language or style, but an ideology. But that comes with a key qualifier: populism is what they call a "thin-centered ideology," that is to say it is insufficiently robust to stand on its own, and therefore attaches to "thick-centered" or "full" ideologies (for examples of the latter they list fascism, liberalism, and socialism). This poses the

45 43 immediate question: why then does populism have particular significance as a concept given that it is such a "thin" ideology with such a "restricted morphology"? (Mudde, C., 2007: 23; Mudde, C. & Rovira Kaltwasser, C., 2017: 1-6). Or why so many books and theses and symposia about so-called populism, when it is at most a vaguely defined appendage to "full" ideologies such as conservatism and rightwing nationalism? Or why is it then so important to add the designator "left-populism" to the Spanish Podemos or the Greek Syriza, movements that would be better understood as left-social democratic or a similar "full" ideological designation? The concept of populism as a "thin" ideology, however, serves the authors well, because it allows them to accept that the attenuated nature of populism means that it can only explain so much. Nonetheless, at a certain point thin becomes threadbare (Mudde, C., 2016). 11 Reducing its characteristics to its essential minimum, Mudde writes that populists view society as divided "into two homogenous and antagonistic groups, the 'pure people' versus 'the corrupt elite.'" And in line with this division, he claims that populists also hold that "politics should be an expression of the volanté générale (general will) of the people" (Mudde, C., 2007: 23). That populism involves a contrast between a virtuous and victimized people and a corrupt or malign elite, may seem plausible, but dig a little deeper, and it poses more problems than it answers. Among such problems, there are plenty of rightwing nationalists on the political stage who do not pay much attention to this division. Take Jair Bolsonaro, for example, a former military captain who built his career as a legislator with military votes, and who finds political virtue mainly with the torturers and authoritarians of the Brazilian officer corps (Anderson P., 2019; Anderson J. L., 2019). It is difficult to detect what is "populist" about the Bolsonaro administration with its "motley cabinet, made up of climate change deniers, free-market ideologues, and ultra-right conspiracy theorists" (Baiocchi, G., & Silva, M., 2019). Then there is Donald Trump, who rarely speaks about "the people," and endlessly boasts of his place among the global plutocrats, monarchs, dictators, billionaires, and other elites. Cas Mudde has recognized this about Trump, and has suggested that he may not be a populist at all, but that only his political base is populist (Mudde, C., 2015). There is, however, a better explanation. Trump has built his political career on crude appeals to nationalist sentiment, both in the sense of big-power chauvinism and especially ethnocultural bigotry. Trump takes this as a point of pride. "You know what I am?" he recently asked the crowd at a rally in Texas, "I'm a nationalist, O.K.? Nationalist. Use that word, use that word" (Sonmez, F., 2018; Baker, P., 2018). Indeed, when it comes to "thick ideology," nationalism fits, not only Trump, but also his base supporters in their Make America Great Again caps. And this is not any type of nationalism, but a rightwing nationalism of ethno-cultural division and exclusion and the subjugation of the weak by the strong. 12 There is, however, a more generalized problem here: virtually all politics in the United States, at least since the early days of universal white male suffrage, have been rooted in the assumption that the will of the people is measured by the results of elections, and those elections have inevitably revolved around the narrative of the people taking on the elites at the ballot box. For the last two hundred years, the stage of American politics has been crowded with military generals and wealthy slave holders, corporate lawyers and millionaires, with a few academics and a large number of professional politicians all playing the part of the representatives of the plain people, or the common man, or the middle class, or the silent majority, in their struggle against the

46 44 elites in Washington. Mudde and Rovira Kaltwasser recognize this reality and explain that: "The idea that the people are virtuous and the elite corrupt has been propagated in both high and low culture throughout the history of the United States," and they conclude that populism has been part of the American political "mainstream" since the days of Thomas Paine. They suggest that this is different from Europe with its tradition of suffrage restrictions and where elite politics have had greater prominence. For Mudde and Rovira Kaltwasser then, American political history is essentially populist history. It is the notion of populism as American political language or style repackaged as a global "thin" ideology. (Mudde, C., & Rovira Kaltwasser, C., 2017: ). 13 America, of course, has never been separate from the world. Here it might be noted that there was a reason why Thomas Paine departed the United States for revolutionary Paris. Moreover, nineteenth century France also experienced its moments when "the people" confronted various elites on the political stage. The Revolution of 1848 was such a moment. In Marx's account of events, the democrats, based on the newly expanded suffrage, claimed to "constitute the 'PEOPLE,'" and to represent the "people's rights," and the "people's interests" against their elite "oppressors." And Louis Napoleon also pointed to ballot results to claim himself, "as against the bourgeoisie," the representative of "the farmer and people in general" (Marx K., 1913: 16, 57, 131, 155). Indeed, in modern political history, juxtapositions of the people and the elite have complex roots in the dynamics of political legitimacy and representative governance. Perhaps then, populism is just another way to define popular politics under the conditions of broad suffrage. But that is clearly not what Mudde and Rovira Kaltwasser have in mind, because populism in their descriptions has a distinctly menacing aspect, the whiff of dangerous, anti-pluralist, intolerant, and authoritarian politics. And, their first proof lies in the lessons of U.S. populism, from the People's Party of the 1890s, through the fires of McCarthyism, to the depredations of the Trump White House (Mudde C. & Rovira Kaltwasser, C., 2017: 22-27). The Achilles Heel 14 But this American lesson only works if one ignores the overwhelming historical evidence. More precisely, it is based on ignoring a vast body of scholarship about the actual history of Populism in the United States. Over the last half-century and more since the publication of The Age of Reform, scholars have published an extensive catalogue of monographs and articles based on deep archival research on U.S. Populism. This is a rich historiography, reflecting widely different methods, interests, and interpretations. Lawrence Goodwyn and Bruce Palmer saw the Populists though the lens of the New Left. Sheldon Hackney, Elizabeth Sanders, Charles Postel, and Gregg Cantrell have placed the Populists in the broad left current of a social democratic, progressive, or modern liberal (in the American sense) tradition. Robert McMath, Jr. and Steven Hahn focus on the rural roots of Populism, while the work of Thomas Clinch and Michael Pierce point to its urban and labor foundations. Studies by Barton Shaw and Gerald Gaither give less credence to the racial benevolence of the Populists than other studies have, whereas Omar Ali points to the presence of an African American populism. Essentially none of this archival research has sustained the Hofstadter thesis. Quite the contrary, it has left it in ruins. Yet, essentially none of it has informed the work of Mudde and the other theorists of global populism (Goodwyn, L., 1976; Palmer,

47 45 B., 1980; Hackney, S., 1969; Sanders, E., 1999; Postel, C., 2007; Cantrell, G., 2014; McMath, R., 1975, 1993; Hahn, S., 1985; Clinch, T., 1970; Pierce, M., 2010; Shaw, B., 1984; Gaither, G., 1977; Ali, O., 2010) A very different U.S. Populism comes into view if one takes this scholarship into account. The literature on the American movement is too extensive to properly review in this short essay, but the basic facts are clear enough. Populism was mainly a farmerlabor movement whose roots took hold in the egalitarian zeitgeist of the post-civil War decades. Unlike a traditional political party, the People's Party was formed as a "congress of industrial organizations" that brought under one political roof farmer, labor, women's rights, and associated movements ideologically connected by their demands for economic, sexual, and in some cases racial equality. As Noberto Bobbio reminded us, the "element of egalitarianism" typifies what is "called and universally recognized as left-wing. U.S. Populism, however, was not just any type of leftwing movement, as its egalitarian ideology took shape in a specific time and global context. It was part of the politics of "progressive social and economic equalization" that defined the broad current of late-nineteenth century transatlantic social democracy. In other words, in terms of general categories, U.S. Populism was a social-democratic movement and not a populist one. As Federico Finchelstein points out, "pundits often ahistorically confuse social democracy, progressive politics, and populism." U.S. Populism has been the subject of exactly that type of ahistorical confusion, whose depths are reflected in the following three observations (Postel, C., 2019: 3-10, ; Bobbio, N., 1996: 71; Kloppenberg, J., 1986: 6-7, 184; Finchelstein F., 2017: vx). 16 First, the People's Party had no particular commitment to the idea of "the people," much less "the homogenous people." Rather, the party was founded on explicit interest group politics; it was to be a combination of multiple "class interests," not in the Marxist or Weberian sociological sense, but in the sense of commercial or occupational or professional interests. Charles Macune, the leading theorist of the Farmers' Alliance, the largest of the Populist constituencies, explicitly rejected agrarianism and other precepts that failed to recognize agriculture as a business interest like every other (Dunning, N., 1891). The Minnesota Populist Ignatius Donnelly, often spoke of society (or the people) being comprised of multiple interests or classes and, as he told a group of Minnesota farmers, by securing "justice from other classes," the goal was "not to oppress others but to prevent others from oppressing you" (Donnelly, I., 1873). Similarly, Terence Powderly, the leader of the Knights of Labor, a massive organization of wage earners, called himself "an equalizer," because he believed in equality among workers across skill, sex, and (within limits) nationality and race, and equality for wage earners among other occupations and professions (Powderly T., 1940: 36, 48-51). But as a labor leader, Powderly did not theorize about "the people" as such, any more than the farm leaders did. It would be a mistake, therefore, to read too much into the name "People's Party," because in the nineteenth century this was simply a common party name when "Democratic" or "Republican" were already taken. Also, the famous Preamble of the Populists' "Omaha Platform," refers to the "plain people," and repeats the word people several times in the manner that was nearly universally practiced in nineteenth century politics (People s Party, 1892). Here it should be noted that Ignatius Donnelly was the author of that Preamble, and although he was a mercurial figure of iconoclastic opinions, his opinions were complex when it came to society's divergent interests. Moreover, the Preamble introduced the Populists' platform, which reflected

48 46 not the unitary interests of a "homogenous people" but a mix of labor and farmer demands from the eight-hour day to the progressive income tax that would have been typical of a farmer-labor coalition of that era. And there was nothing simplistic about Populist proposed solutions. Compared to the moralistic dogma of Gold Bug and corporate conservatives, Populist ideas about the currency, farm credit, business regulation, and other matters were flexible, complex, and carefully reasoned, and more often than not they have been sustained by history. 17 Second, far from being "anti-pluralists," most Populists were committed to a representative electoral system. This was tested in practice when the People's Party held state and city office. In power, as compared to the political abuses involved in either Democratic or Republican governance, Populists tended to provide models of transparent, law based, and equitable administration. Among other accomplishments, they worked to professionalize law enforcement and break the grip of party rings over policing. They protected the franchise among African Americans and the poor in North Carolina, and extended the suffrage to women in Colorado and elsewhere (Beckel, D., 2010; Clanton, O., 1969; Larson, R., 1986). At the same time, Populists demanded the secret ballot at a time when employers and party bosses openly bought votes, and blacklisted voters who cast ballots for dissenting candidates. They also demanded the direct election of U.S. senators at a time when senate seats were purchased through bribes to state legislators, and similarly they proposed direct legislation via referenda as an answer to corporate influence buying. Direct legislation implied an element of majoritarianism, but gained support among workers and farmers within the historical context of the extraordinary corruption of Gilded Age politics. 18 Apart from practical politics, however, panaceas and utopias also circulated within the Populist movement. Perhaps the most influential was Henry George's single tax on land values, a solution to economic inequality that was widely embraced among Populist constituencies. George viewed his single tax as a way to realize the "ideals of the socialist" but without confiscations or political repression. In fact, it was something of a classically liberal idea along the lines of the wealth taxes proposed today by the likes of Tomas Piketty or Elizabeth Warren (George, H., 1881: 410; Piketty, T., 2014: ; Irwin, N., 2019). Perhaps less liberal, and less pluralist, Populist thinking was also influenced by notions of a cooperative commonwealth as articulated by two books: Laurence Grondlund's Cooperative Commonwealth and Edward Bellamy's futuristic novel Looking Backward. Both works painted an egalitarian future without politics or government, a harmonious future to be realized through harmonious evolution. Their socialism was part of the transatlantic intellectual movement of Fabian, humanist, and Christian socialisms that is to say socialism stripped of the dyadic conflict of the us against them that is supposedly resting in the heart of the so-called populist menace (Gronlund, L., 1885; Bellamy, E., 1888; Postel, C., 2019: ). 19 Third, Hofstadter's claims about the Populists as the fountainhead of American bigotry, xenophobia, and anti-semitism have been refuted in depth in the scholarship. 2 But Mudde and Rovira Kaltwasser have adopted a twist on the same argument. American Populists, they claim, have always been informed by "producerism," the notion of the people as "producers" who are "squeezed between a corrupt elite above them and a racialized underclass below them" (Mudde C. & Rovira Kaltwasser, C., 2017: 23-4). This claim about the Populists is also made by the analyst Chip Berlet, who defines producerism as the idea that hardworking Americans, defined as white males, engage

49 47 in scapegoating as they fight perceived "parasites at the top and bottom of society" (Berlet, C., 2012: 47-66). Indeed, that is a good description of the late nineteenth century logic of white supremacy in the Democratic Party and ethno-cultural bigotry in the Republican Party, a logic that also afflicted the trade unions, and professional societies of the time. The Populists did, indeed, speak in the name of producers, but what makes the Populists historically significant was the extent to which their egalitarian commitments ruptured this exclusive logic. This included organizing the tramp armies of the unemployed and destitute, and providing a political home for hundreds of thousands of women seeking economic independence and equal citizenship. Its declarations about racial inclusion were less bold, and were too often self-contradictory. Nonetheless, key Populist constituencies openly challenged a narrow producerism as so defined. 20 This especially holds for the Knights of Labor, which rejected trade unionism based on the "aristocrats of labor," in favor of industrial organization based on "the salt of the earth," that is "the millions of unknown toilers who do the work of the world" (Powderly, T., 1940: 42; Powderly, T., 1880; Knights of Labor, 1886). At its core, the Knights was an organization of the Irish and other mainly immigrant laborers who mined coal and laid railway tracks. But in line with its egalitarian doctrine of inclusion across sex, race, and skill, it also enrolled cooks, washerwomen, housekeepers, seamstresses, ditch diggers, and cotton pickers, including overworked and underpaid black women and men of the rural South. At its height the Knights of Labor was not only the biggest labor organization in U.S. history (and probably world history) to that point, it was also the most inclusive large-scale institution of its era. Recognizing this inclusiveness, Friedrich Engels described the Knights of Labor as "the first national organization created by the American working class as a whole" (Engels, F., 1987: , 140). 21 There was, however, a gaping hole in the Knights' egalitarian ethos, and that was its hostility to Chinese immigration. Although Chinese workers joined the Knights in New York, on the West Coast the organization fought hard for Chinese exclusion. The false accusation leveled against the Chinese was that they were, like convict labor, unfree "bound" labor. But two things happened when the Knights of Labor united with the Farmers' Alliance to form the People's Party. On the one hand, unity with the white farmers fractured the Knights' connection with the black poor in the South. And on the other hand, influenced by white farmers in California who depended on Chinese labor, as well as other reformers interested in Asia for humanitarian and spiritual reasons, the forging of the People's Party dampened the agitation for Chinese exclusion. In a word, this story is complicated, but the decontextualized notion of producerism tells us little about its dynamics (Postel, C., 2019: , ; Postel, C., 2007: , 264). The U.S. Populist Legacy 22 In one of its last acts, the Knights of Labor facilitated an electoral agreement between the white Populists and the black Republicans of North Carolina, overturning at the ballot box the corrupt, pro-corporate, and racist tyranny of the Democratic Party. But the Democrats got their revenge in a self-styled "white supremacy campaign" that unleashed the Wilmington massacre of 1898, and drove the Populist-Republicans from office with rifles and torches. From that time until the 1960s, the Democratic Party

50 48 established an anti-pluralist, murderously repressive monopoly of power in the states of the former Confederacy, and it did so as the self-described party of white supremacy. George Wallace, the segregationist governor of Alabama, was entirely the product of that Democratic Party. Yet, for Mudde, Judis, and others, George Wallace represents late twentieth-century U.S. populism (Mudde C. & C. Rovira Kaltwasser, 2017: 25; Judis J., 2016: 32-8). But Wallace, in style and substance, was cut from the same mold as the Democrats who launched the "white supremacy campaign" against the North Carolina Populists. Blaming the Populists and not their Democratic enemies for Wallace is an ahistorical travesty. Similarly, Republican businessmen and academics, not Populist dirt farmers, spearheaded xenophobic campaigns against Jewish, Italian, and other European immigrants. Madison Grant, a New York Republican millionaire, scientific racist and virulent anti-semite, did as much as anyone to put the politics of preserving the Nordic master race in the center of American politics. And the notion that the Populist legacy gave the world Trump, another racist Republican millionaire from New York, is beyond inexplicable (Spiro, J., 2009). 23 It is inexplicable because the Populists actually left a clearly distinguishable legacy in American politics. With the demise of the People's Party, with a few notable exceptions, the Populists either went with Eugene V. Debs into the Socialist Party, or entered the progressive or farmer-labor wings of the Democratic and Republican Parties. In the early twentieth century, the Populist strongholds of Oklahoma and Kansas provided the Socialist Party with some of its best recruiting grounds. Progressive legislative reform of the early twentieth century mapped closely along the congressional lines of farmerlabor Populism. Lyndon Johnson, the New Deal liberal who signed the 1964 Civil Rights Act and thus earned the hatred of Wallace and his ilk, learned his politics at the knee of his grandfather, a Populist cotton farmer from central Texas. Perhaps most significantly, during the Depression, the United Mine Workers, the inheritors of the Knights of Labor's ideals of egalitarian and inclusive organizing, unleashed the Congress of Industrial Organizations, the labor movement that helped spark the civil rights revolution and that was at the center of mid-twentieth century progressive and social-democratic politics. This Populist legacy is reflected in today's campaigns of Bernie Sanders and Elizabeth Warren, with Sanders hanging a picture of the labor Populist and Socialist Eugene V. Debs on his office wall, and with Warren proposing post-office banking and similar proposals once sustained by the Populists and Socialists of her native Oklahoma. In short, the Populist tradition is part of a broad political current as stable, deep, and constant as any other political current in American history (Miller, R., 1987; Argersinger, P., 1995: 173; McMath, R., 1993: 206; Sanders, E., 1999; Cantrell, G., 2014; Kelley, R., 1990: ). 24 The existing general theories about a global populism turn this egalitarian or socialdemocratic tradition into an unusable past. This is especially a problem in the U.S. context, where the conflicted, arbitrary, and ahistorical uses of the term populism threaten to strip it of any viable meaning (Postel, C., 2016b). But it is not just an American problem, because the U.S. example of populism supposedly shape-shifting from left to right is being used as the case study for a general concept, a concept fraught with contradictions and ahistorical thinking. Worse, its main function is to muddy the distinction between leftwing politics of equality and rightwing politics of inequality, and it does so exactly at a wrong historical moment. Norberto Bobbio's work Right and Left insisted on the importance of making the distinction between the two

51 49 political categories. However, as Perry Anderson observed, Bobbio wrote this in the mid-1990s, a historical moment when the practical distinction between the right and the left shrank, with the left, in the form of British New Labor, Clintonian New Democrats in the United States, and Social Democrats across Europe, moving to the center to join hands with the centrist conservative parties. Anderson suggested that Bobbio was insisting on a distinction that was increasingly blurred, as even the vocabulary of right and left was losing its meaning in the swamps of the centrist middle (Anderson, P., 2005: ). But the apparent centrist consensus has frayed. Most importantly, rightwing nationalist parties, including ruling parties in countries around the world, are engaged in what they see as a pitiless struggle against the so-called left, or a supposed "cultural Marxism," or other enemies of the nation. Bolsonaro is not Modi, and Trump is not Orbán, but in the name of the nation, religion, the family, and order the classic shibboleths of the nationalist right over the last two centuries they share a common commitment to the class, gender, and racial/ethno-cultural hierarchies of power. 25 The break with the centrist consensus, at least up until now, has been an overwhelmingly rightwing nationalist phenomenon. There has been no corresponding shift on the left as, for example, much of the U.S. Democratic Party and European Social Democracy (where it has not disintegrated) remain in the centrist middle. But there are small signs Podemos in Spain, Syriza in Greece, a faction of Labor in Britain, and so forth of a reinvigorated social-democratic left. In the United States, too, this is reflected in the Sanders and Warren campaigns. In his attempts to define the populist concept, the political scientist Jan-Werner Müller makes a significant point of clarification by explicitly excluding leftwing social democratic movements, including the U.S. People's Party of the 1890s, from the populist category (Müller, J.-W., 2016: 87-93, 98). But in the main, the advocates of populism as a general concept insist that leftwing movements that critique the centrist middle are a contiguous part of the populist phenomenon. For some commentators, the use of the concept in this way is pregnant with possibilities. John Judis, for example, who writes about the "merit" of "Mr. Trump's nationalist policies," explains that when it comes to the blight of immigration and similar matters, if the left could accept "what is valid in today's nationalist backlash," then it, too, could surf the populist wave (Judis, J., 2016: 159; Judis, J., 2018). But this is more than an apologia for xenophobia and nationalism; it is a failure to recognize the dynamics of the rightwing surge. However, for Mudde and likeminded theorists, the use of the concept of populism serves as a warning: the so-called "left-populists" share a "dark side" with the "right-populists." The populist beast that inhabits territory outside of the centrist middle belongs to an unstable and potentially dangerous category. As Hofstadter suggested back in the frightening days of the early Cold War: beware departures from the centrist consensus. A Modest Proposal 26 There is no easy way out of the confusion, but a modest step towards some type of clarity would be to ground the concept of populism on a firm historical foundation. Exactly where that will end is yet to be determined, but perhaps it will lead in the following direction:

52 50 27 The present usages of the term populism cannot be packaged into a coherent whole. Among other things, the continental models are inherently contradictory and incompatible. It is a mere word game, not a historically based analysis, to suggest that the phrase populism can overcome those contradictions. In Latin America, for example, populism is understandably bound up with a history of a type of personalistic and nationalist politics that has often combined charismatic leadership with an expanded polity in terms of class and race. In the United States, by contrast, populism has deep historic roots in labor-farmer social reform. Of course, these historical processes were not hermetically sealed. For example, a case might be made that in the 1930s Huey Long, whose redistributive politics reflected the earlier Populism, emerged as the political boss of Louisiana with its sugar and oil extractive economy, and in doing so resembled a Caribbean strongman a historically and geographically grounded argument (Lloret Rodà, M., 2016). Given such variable and incompatible meanings, the use of populism as a concept may prove most promising within the boundaries of particular histories and places. 28 At the same time, history has left us with nearly universal concepts that do lend themselves to transnational analysis. Social democracy is such a concept. Ethnocultural nationalism is such a concept, as is xenophobia, racism, religious bigotry, and other variants. Then there are the concepts of the left and the right that have maintained their significance since the days of the French Revolution. These are concepts based on different perceptions of what makes human beings equal and what makes them unequal," and which ultimately shape societies in fundamental ways (Bobbio, N., 1996). In the 1950s, U.S. Cold War social scientists cooked up the ahistorical fallacy of a shape-shifting populism in an attempt to erase the distinction between left and right. In the present historical context, as self-avowed rightwing nationalists run amok across much of the globe, reasserting the most savage inequalities, it seems like a propitious moment to propose that we give this overworked fallacy a rest. BIBLIOGRAPHY Ali, Omar H., In the Lion's Mouth: Black Populism in the New South, , Jackson, University Press of Mississippi, 2010 Anderson, John Lee, "Southern Strategy: In Brazil, a Budding Authoritarian Borrows from the Trump Playbook," The New Yorker, April 1, 2019 Anderson, Perry, Spectrum from Right to Left in the World of Ideas, London, Verso Books, 2005 Anderson, Perry, "Bolsonaro's Brazil," London Review of Books, February 7, 2019 Argersinger, Peter H., The Limits of Agrarian Radicalism: Western Populism and American Politics, Lawrence, University of Kansas Press, 1995 Baker, Peter, "Trump and Cruz Put Aside Vitriol to Present a United Front," New York Times, Oct. 22, 2018

53 51 Baumgärtner, Maik, et al., "The Right Wing Populist Plan to Destroy Europe," Spiegel Online, May 24, 2019 Baiocchi, Gianpaolo, and Silva, Marcelo K, "The War on Brazilian Democracy," Boston Review, May 27, 2019 Beckel, Deborah, Radical Reform: Interracial Politics in Post-Emancipation North Carolina, Charlottesville, University of Virginia Press, 2010 Beeby, James M., Revolt of the Tar Heels: The North Carolina Populist Movement, , Jackson, University Press of Mississippi, 2008 Bellamy, Edward, Looking Backward: , Boston, Ticknor & Co., 1888 Berlet, Chip, "Reframing Populist Resentments in the Tea Party Movement," in Steep: The Precipitous Rise of the Tea Party, Rosenthal, Lawrence, and Trost, Christine, eds., Berkeley, University of California Press, 2012, p Berlet, Chip, and Lyons, Matthew N., Right-Wing Populism in America: Too Close for Comfort, New York, Guilford Press, 2000 Bobbio, Noberto, Left and Right: The Significance of a Political Distinction, Cambridge, UK, Polity Press, 1996 Brinkley, Alan, "Richard Hofstadter's the Age of Reform: A Reconsideration," Reviews in American History, vol. 13, no. 3, 1985, p Cantrell, Gregg, "Lyndon's Granddaddy: Samuel Ealy Johnson Sr., Texas Populism and the Improbable Roots of American Liberalism," Southwestern Historical Quarterly, vol. 118, 2014, p Clanton, O. Gene, Kansas Populism, Ideas and Men, Lawrence, University of Kansas Press, 1969 Crothers, Lane, "Why Populism? Why Now? An Introduction," Populism, vol. 1, 2018, p Donnelly, Ignatius, Speech to North Star Grange, Rochester (Minnesota) Federal Union, May 10, Dunning, Nelson A., Farmers' Alliance History and Agricultural Digest, Washington, DC, Alliance Publishing, 1891 Durden, Robert F., The Climax of Populism: The Election of 1896, Lexington, University of Kentucky Press, 1965 Engels, Friedrich, Letter to Kelley-Wischnewetzky, December 28, 1886, and Preface to The Condition of the Working Class in England, January 26, 1887, in Marx and Engels on the Trade Unions, Kenneth Lapides, ed., New York, Praeger, 1987 Ferkiss, Victor, "Populist Influences on American Fascism," Western Political Quarterly, vol. 10, 1957, p Finchelstein, Federico, From Fascism to Populism in History, Oakland, University of California Press, 2017 Galston, William A., Anti-Pluralism: The Populist Threat to Liberal Democracy, New Haven, Yale University Press, 2018 George, Henry, Progress and Poverty: An Inquiry into the Cause of Industrial Depressions, and the Increase of Want with Increase of Wealth, New York, D. Appleton, 1881

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57 Bien qu il porte le surnom de Parti Populiste, il n a pratiquement aucune des significations qui ont été attachées au terme populisme à une date ultérieure. Le populisme historique aux États-Unis était un mouvement paysan-ouvrier qui correspondait aux mouvements ouvriers et sociaux-démocrates du monde capitaliste de la fin du XIX e siècle. Cela pose le problème suivant : le populisme est-il un concept suffisamment expansif pour inclure le précédent historique américain? Ou bien l inclusion du précédent américain rend-elle la catégorie et le concept impuissants, voire inutiles? Este artículo explora la viabilidad del populismo como una categoría histórica y un concepto político. Su punto de partida es el ejemplo histórico de la primera expresión política de masa que se formó bajo el nombre de populismo, y que fue el Partido del Pueblo de los Estados Unidos de la década de Aunque llevaba el sobrenombre del Partido Populista, esto prácticamente no tenía ninguno de los significados que se le atribuyeron al término populismo en una fecha posterior. El populismo histórico en los EE. UU. fue un movimiento campesino-laboral que correspondió a movimientos laborales y socialdemócratas en todo el mundo capitalista de fines del siglo XIX. Esto plantea el desafío: es el populismo un concepto con capacidad suficiente para incluir el precedente histórico de los Estados Unidos? O incluir el precedente de EE. UU. hace que la categoría y el concepto sean ineficaces o incluso inútiles? INDEX Palabras claves: populismo, nacionalismo, Estados Unidos, democracia social, xenofobia Keywords: populism, nationalism, United States, social democracy, xenophobia Mots-clés: populisme, nationalisme, Etats-Unis, social-démocratie, xénophobie AUTHOR CHARLES POSTEL Charles Postel received his Ph.D from UC Berkeley, and is a professor of history at San Francisco State University. He has been a fellow at the Heidelberg Center for American Studies and the Stanford Humanities Center, and a Fulbright scholar at the Roosevelt Institute of American Studies. His book The Populist Vision (Oxford 2008) won the Bancroft Prize. His latest book is, Equality: An American Dilemma, (Farrar, Strauss and Giroux, 2019).

58 56 Populisme? Apports et (més)usages d un concept pour comprendre les gouvernements nationauxpopulaires latino-américains Populismo? Contribuciones y (mal) usos de un concepto para entender los gobiernos populares nacionales latinoamericanos Populism? Contributions and (mis)uses of a concept to understand national- Latin American popular governments Franck Gaudichaud et Thomas Posado Introduction 1 Au moment où le politiste français Alain Rouquié décrit le vingtième siècle comme «le siècle de Perón» et des «démocraties hégémoniques» (Rouquié A., 2016), l utilisation toujours plus extensive de la notion de populisme, appliquée désormais aussi bien à Jair Bolsonaro qu à Rafael Correa, permet de se questionner à nouveaux frais dans une perspective critique et comparatiste. Depuis l élection de Hugo Chávez au Vénézuela en 1998, puis dans le cadre du «cycle progressiste» sud-américain au cours des 15 dernières années, l utilisation académique, militante ou journalistique du concept de populisme pour analyser l actualité du sous-continent a connu un renouveau sans précédent et généré de nombreux débats au sein des sciences sociales et politiques. Sous la plume de nombreux auteurs et essayistes, ce concept a d ailleurs souvent été utilisé avec une visée normative et pour disqualifier des processus prétendant bouleverser les hiérarchies sociales et systèmes politiques en place, sans toujours chercher à en comprendre les dynamiques concrètes. 2 Symbole de crise, de convulsions, de désenchantement démocratique, l invocation du populisme est présente de manière exponentielle dans les cinq continents : quels mésusages, limites et instrumentalisation politique de l étiquette, souvent considérée

59 57 comme infamante, de «populisme»? Quels sont les apports de cette grille d analyse (dans le sillage notamment des théorisations de l Argentin Ernesto Laclau) pour comprendre le rôle de ces figures charismatiques dans la mobilisation du «peuple», leur rapport ambigu à la démocratie représentative ou leur dénonciation rhétorique des États-Unis? Existe-t-il une spécificité latino-américaine de cette pratique politique? Quelles similarités et différences entre le péronisme et les populismes des années trente et les expériences nationales-populaires récentes (à commencer par le chavisme)? 3 Dans cet article, nous proposons de revenir tout d abord sur les mésusages du terme de «populisme» au-delà, et à l intérieur, de l aire latino-américaine. Une fois définies les précautions d usage et les débats théoriques autour d un terme aussi controversé, nous étudierons sa réalité en Amérique latine, de manière globale puis de manière chronologique 1, du populisme originel du milieu du XX e siècle aux agissements de Jair Bolsonaro en passant par les gouvernements néo-populistes néolibéraux des années 80 et 90 et la vague de gouvernements progressistes des années Mésusages, normativisme et limites d un concept insaisissable 4 Le principal mésusage du terme du «populisme» est son utilisation dans l objectif de disqualifier le gouvernement, le parti, le régime, le dirigeant ou la politique ainsi désignés. Ce travers est magistralement analysé par un des théoriciens essentiels du populisme, Ernesto Laclau, qui voit dans cette utilisation péjorative un «dénigrement des masses» (Laclau E., 2008 : 13 83) dans la tradition de Gustave Le Bon (1895), Hippolyte Taine (1893) et Gabriel Tarde (1901), effrayés par la Commune de Paris et l essor du mouvement ouvrier. Ce courant de l histoire des idées politiques ne voyant dans le peuple qu une foule ignorante ou dangereuse manipulée par un leader. La majeure partie des études perçoivent ainsi le populisme comme une «insulte politique» (Collovald A., 2004 : 9). L usage du mot populisme paraît confirmer le jugement de Bernard Pudal : Le champ politique légitime ne peut fonctionner qu à l auto-exclusion des agents sociaux appartenant aux classes populaires. (Pudal R., 2009 : 192) 5 Les populistes apparaissent ainsi comme des intrus appuyés par les classes populaires face à une oligarchie peu disposée à voir de nouveaux acteurs sociaux émerger sur la scène sociopolitique qu elle domine. Selon la sociologue Annie Collovald, les intellectuels et hommes politiques qui utilisent ce terme se distinguent «par une même vision néolibérale, à la fois misérabiliste et réactionnaire, des groupes populaires» (Collovald A., 2004 : 22). Comme l écrit Jacques Rancière, «ce nom masque et révèle en même temps le grand souhait de l oligarchie : gouverner sans peuple, c est-à-dire sans division du peuple : gouverner sans politique» (Rancière J., 2005 : 8). Cet aspect péjoratif a été particulièrement utilisé à l encontre des gouvernements progressistes latino-américains du XXI e siècle «dans le but, de disqualifier des dirigeants» (Do Alto H., 2008). 6 L autre limite du concept de populisme est d être une catégorie hétérogène avec une définition très imprécise. Cette formulation donne une dimension transhistorique et

60 58 internationale du phénomène sans toutefois définir un contenu idéologique. Comme l écrit Jacques Rancière : Le terme «populisme» ne sert pas à caractériser une force politique définie. Au contraire il tire son profit des amalgames qu il permet entre des forces politiques qui vont de l extrême-droite à la gauche radicale. Il ne désigne pas une idéologie ni même un style politique cohérent. Il sert simplement à dessiner l image d un certain peuple. Car «le peuple» n existe pas. Ce qui existe ce sont des figures diverses, voire antagoniques du peuple, des figures construites en privilégiant certains modes de rassemblement, certains traits distinctifs, certaines capacités ou incapacités : peuple ethnique défini par la communauté de la terre ou du sang ; peuple-troupeau veillé par les bons pasteurs ; peuple démocratique mettant en œuvre la compétence de ceux qui n ont aucune compétence particulière ; peuple ignorant que les oligarques tiennent à distance etc. La notion de populisme construit, elle, un peuple caractérisé par l alliage redoutable d une capacité la puissance brute du grand nombre et d une incapacité l ignorance attribuée à ce même grand nombre (Rancière J., 2013 : ). 7 De fait, le populisme peut entrer en syncrétisme avec la majorité des idéologies politiques : un socialisme agraire comme en Russie, un nationalisme aux accents antiimpérialistes tel celui de Perón, le fascisme dans le cas de Mussolini, le néolibéralisme de Berlusconi ou de Fujimori, les revendications d égoïsme régionaliste de l ancienne Ligue du Nord (Taguieff P.A., 1997) ou de xénophobie eurosceptique dans sa forme contemporaine, soit un concept ainsi «dénué de contenus idéologiques propres et distinctifs» (Taguieff P.A., 2002 : 31). Nous constatons la diversité des aires géographiques (Europe de l Est, Europe occidentale, Amérique latine, Amérique du Nord) et des configurations politiques opposées (démocratique ou autoritaire, urbaine ou rurale, dirigiste ou néolibérale). Jean-Pierre Rioux constate l «élasticité de ce pseudo-concept», aux contours fuyants (Rioux J.P., 2002 : 66). Dans les années 70, Ernesto Laclau confirmait déjà à quel point il s agit d : un concept insaisissable autant que récurrent. Peu de termes ont été aussi largement employés dans l analyse politique contemporaine, bien que peu aient été définis avec une précision moindre. Nous savons intuitivement à quoi nous nous référons lorsque nous appelons populiste un mouvement ou une idéologie, mais nous éprouvons la plus grande difficulté à traduire cette intuition en concepts (Laclau E., 1979 : 143). 8 Dans les années 2000, Alexandre Dézé rejoint ce constat : «rarement la recherche sur le populisme n a été aussi prolifique» en dépit de «l indétermination conceptuelle du terme et (de) la difficulté, voire l impossibilité d en donner une définition minimale», un terme «destiné à rejoindre la longue liste de ces mots valises qui, à force de tout signifier, ne signifient plus rien» (Dézé A., 2004 : 179). L ensemble des études autour du populisme converge ainsi sur un certain nombre de phénomènes : pluralité et relativisme des définitions ; absence d accord autour des caractéristiques discriminantes du phénomène ; estimation variable du caractère populiste de telle ou telle formation ; confusion fréquente entre populisme contemporain et extrême-droite ; prolifération conceptuelle (Dézé A., 2004 : 181). 9 Margaret Canovan propose, pour sa part, une typologie, surgie selon sa propre confession, de l échec pour donner une définition précise du «populisme» (Canovan M., 1981). Aucun des travaux, en France ou dans le reste du monde, ne parvient à une définition acceptée par tous. Un numéro spécial de la revue Critique lui fut consacré en 2012, le qualifiant cependant de «notion galvaudée». Pierre-André Taguieff le délimite comme «un style politique susceptible de mettre en forme divers matériaux

61 59 symboliques et de se fixer en de multiples lieux idéologiques, prenant la coloration politique du lieu d'accueil», avant tout «une rhétorique» dont le message minimal est «un rejet des médiations, jugées inutiles, limitatives ou nuisibles», mettant en question «un système politique fondé sur la représentation parlementaire du «peuple»», un minimum très ténu» (Taguieff P.A., 1997 : 8-11). Plus récemment, Cas Mudde et Cristóbal Rovira Kaltwasser ont tenté de formuler une définition minimale à partir de trois éléments : la définition d un peuple pur, celle d une élite corrompue et l établissement d une volonté générale pour parvenir au pouvoir. Ils concèdent eux aussi que le populisme est une «idéologie mince» qui se retrouve contraint de s hybrider avec des idéologies concrètes pour parvenir à un contenu plus substantiel (Mudde C., Rovira Kaltwasser C., 2018). L Amérique latine, terre d élection du populisme? 10 Au vu des arguments développés ci-dessus, nous pourrions être tenté de proposer, comme certains auteurs, d éliminer l épithète «populisme» de la terminologie des sciences sociales (Quintero R., 1980 ; Roxborough I., 1984) ou affirmer que le «populisme» n existe «ni comme phénomène empirique ni comme catégorie d analyse. C est une notion qui n a aucun sens sociologique dans les deux dimensions du terme», «une pure abstraction» (Collovald A., 2004 : 47). 11 Toutefois, appliqué à un objet proprement latino-américain, affranchi de toute acception normative ou péjorative, le populisme peut avoir une dimension heuristique. L Amérique latine constituerait même selon le mot de Guy Hermet, «la terre d élection du populisme» (Hermet G., 2012), le lieu d un «populisme consolidé» (Hermet G., 2001). Ce dernier combinant ainsi en Amérique latine les deux conceptions de la représentation définies par Hannah Pitkin (Pitkin H., 1982), l une s appuyant sur la dimension délibérative de la représentation fondée sur la légitimité élective et, l autre, sur la représentation directe du «peuple». 12 Pourtant, même conscrit à sa réalité latino-américaine, le terme renvoie à des réalités très disparates et sans points communs. Personne ne se dit ou ne se prétend populiste. L absence de rigueur de cette notion est si grande que l on a quelque mal à situer le niveau d analyse auquel renvoie cette épithète quasi infamante : parti, régime, leaders, ou politiques suivies? Il faut, pour en cerner le sens fortement connoté, se laisser porter par les mots et leur aura. Qu évoque le terme sinon des caudillos urbains adulés par les masses et généralement accusés d être des démagogues? Des noms : Perón, Vargas, mais aussi Velasco Ibarra en Équateur. Ainsi la plupart des définitions bien peu satisfaisantes du populisme relèvent-elles d une conception morale voire moralisante. (Rouquié A., 1998 : 282). 13 La caractérisation est si diverse qu elle assemble selon les auteurs et les optiques des caudillos tels Fulgencio Batista à Cuba, François et Jean-Claude Duvalier à Haïti, Rafael Trujillo en République Dominicaine et la dynastie Somoza au Nicaragua, qui n avaient comme on le sait aucun respect des procédures démocratiques, les dirigeants des principales résistances indigènes mexicaines (de Miguel Hidalgo et José María Morelos au sous-commandant Marcos en passant par Emiliano Zapata et Pancho Villa), des nationalistes de l Alliance Populaire Révolutionnaire Américaine (APRA) péruvien, du PRI mexicain jusqu au gouvernement révolutionnaire de Fidel Castro Les décennies 80 et 90 ont encore accru le spectre des gouvernements appartenant à cette catégorie,

62 60 alors que plusieurs études y intègrent (comme on le verra ci-dessous) ceux de dirigeants comme Carlos Menem en Argentine, Fernando Collor au Brésil ou Alberto Fujimori au Pérou. Aujourd hui, la problématique inclut des nuances plus complexes encore et l inflation de l usage du terme le confirme. Chacune illustrerait la diversité de la nébuleuse populiste. Comme le note Hermet, «les développements plus récents du phénomène ont tellement accru la diversité du populisme de l Amérique latine qu il s apparente désormais à un kaléidoscope aux facettes inépuisables» (Hermet G., 2001 : 236). Une telle diversité, et incohérence même, soulignent toutes les limites du concept. On pourrait arguer qu il est indispensable de parler de «populismes» au pluriel, et que ne s agissant que d un mode de mobilisation du politique et de construction politique d antagonismes sociaux, il pourrait exister des populismes de «gauche» comme de «droite». C est en partie dans cette direction que s engagent les travaux de Laclau, et avec lui ceux de la philosophe du politique Chantal Mouffe. 14 L approche de Laclau définit le populisme «comme un mode d articulation de demandes sociales au sein desquelles les logiques d équivalence prévalent sur les logiques de la différence». En d autres termes, lorsqu un système politique s avère incapable de prendre en compte plusieurs demandes insatisfaites et répond aux citoyens mécontents par le mépris et/ou la répression, la possibilité d une articulation populiste surgit. Une «chaîne d équivalences» entre ces diverses revendications inaccomplies, cette désintermédiation des relations sociopolitiques à partir de celles et ceux «d en bas» instaure une frontière antagonique entre l État (rebaptisé système), les dominants, l oligarchie selon les cas et le camp du «peuple» (Tarragoni, 2017). Ce concept de «chaîne d équivalences» prétend proposer une reconstruction du politique à partir d une crise de la politique (institutions, système de partis). Elle réinterprète la notion d hégémonie d Antonio Gramsci et explique comment forger une coalition populaire à partir d intérêts différents, voire disparates, afin de réussir le passage d une hégémonie à une autre (en tentant de conquérir les postes de commande de la culture dominante dans la représentation politique, les médias, l éducation ). Ces demandes insatisfaites ne se transforment pas nécessairement en une chaîne antagonique d équivalences. Les acteurs peuvent conserver leurs frustrations durant une longue période sans qu une articulation populiste ne se développe. Laclau et Mouffe rejettent la vision péjorative du populisme. Cet antagonisme n est pas pour eux une menace pour la démocratie, bien au contraire et particulièrement en Amérique latine, il serait l essence même de la politique, faite d oppositions et d antagonismes. Ces «chaînes d équivalences» tentent de construire une identité collective d un «vrai peuple», censé représenter la totalité d une société face à un pouvoir institué illégitime ou oligarchique. Sans la création de ces clivages, la politique n est qu une administration des choses et des individus sans possibilité d alternative. Toutefois, cette vision, si elle évite le péril normatif, demeure tout aussi indéterminée à propos du projet politique développé de son contenu réel (ou de «classe») et risque de se heurter au piège de la désociologisation. On peut même y voir une «pensée magique» désincarnée et articulée essentiellement autour du pouvoir et diverses «performativités discursives», invoquant l appropriation de «signifiants vides», supposément capables de donner une identité politique au peuple (Grossman, 2008). Ernesto Laclau reconnaît d ailleurs que le terme «populisme» demeure «indéfinissable» et n est pas «identifiable à une base sociale particulière ou à une orientation idéologique déterminée» (Laclau E., 2008 : 141). Ces visions peuvent ainsi être stimulantes en termes de philosophie

63 61 politique, mais peu à même d appréhender les changements économiques et sociaux d une société donnée. Le «populisme réellement existant» en Amérique latine 15 Contrairement à un populisme décontextualisé dans le temps et dans l espace difficile à définir, son utilisation au regard de l histoire latino-américaine permet potentiellement de déterminer les caractéristiques et les dynamiques de ce type de régime. Alors que les analyses dans d autres parties du monde utilisent le terme de populisme pour se référer à certains mouvements avec une forte dimension agraire, la littérature scientifique latino-américaine insiste davantage sur la place des travailleurs du secteur économique modernisé dans le cadre de l échange inégal Nord-Sud. Dans le contexte de la crise économique de 1929 puis de la Seconde Guerre mondiale, ces gouvernements tentent de répondre à une situation d urgence sociale marquée par de forts taux de chômage et de pauvreté, en profitant d une situation géopolitique internationale leur laissant une marge de manœuvre relative à l égard des États-Unis et des puissances européennes. Une base sociale d origine populaire se constitue ainsi via les concessions octroyées par le gouvernement. Ce soutien actif des classes populaires demeure dans chacune des expériences concernées dans le cadre imposé par l économie de marché et du capitalisme périphérique. Ces gouvernements ont établi un modèle de gestion des relations de travail original «en s orientant moins sur la voie de la répression que sur celle d une tentative d intégration des couches populaires» avec des «stratégies d incorporation, d intégration ou de cooptation de la classe ouvrière, qui furent appliquées pour répondre au défi posé par la question sociale» (Dabène O., 1997 : 59-65). La protection sociale est alors avant tout une réponse des élites politiques à une nouvelle force sociale jugée menaçante, le mouvement ouvrier. Ces leaders charismatiques proclament un projet idéologique imprécis dans le cadre d une alliance de classes large regroupant une élite endogène et les fractions les plus modestes de la population. Le modèle de développement est alors centré sur un marché intérieur protégé par des barrières douanières élevées (Couffignal G., 2013 : 145). L État a des ressources considérables, gérant des centaines d entreprises et répondant aux nécessités basiques de la population (éducation, santé, logement, habitation), en tentant d engager des programmes d industrialisation partielle, le tout soutenu par un fort discours nationaliste, et souvent viriliste. Ces dirigeants renforcent l État au moyen de nationalisations plus ou moins indemnisées et par la négation de l autonomie syndicale. 16 Ces régimes du «populisme réellement existant» (Quattrocchi-Woisson D., 1997 : ) ont des caractéristiques communes que l on peut cette fois-ci tenter de définir, dont les archétypes sont ceux de Getúlio Vargas au Brésil ( ), de Juan Domingo Perón en Argentine ( ) et de Lázaro Cárdenas au Mexique ( ). Mais cela couvre d autres expériences régionales, tel le MNR bolivien dans le sillage de la révolution de Ceux-ci ne sont pas identiques, oscillant d un corporatisme hérité du fascisme à un travaillisme voisin du socialisme, mais possèdent des caractéristiques communes. Tous reposent sur une contradiction assumée : «ils font appel à la mobilisation des classes dangereuses et tentent de garantir, en même temps (on pourrait presque dire par ce moyen même), le maintien du modèle de domination», un

64 62 «vaccin contre la révolution» (Rouquié A., 1998 : ), «une évolution pour empêcher une révolution» (Dabène O., 1997 : 65). Ces «populismes réellement existants» reposent donc sur des contradictions fortes : d une part, susciter un soutien actif des classes populaires et leur octroyer des concessions sociales, d autre part, empêcher toute autonomie du mouvement social dans le cadre d une économie mixte, mariant marché et capitalisme d État. Ces gouvernements sont pour la plupart organisés autour d un parti rassemblant plusieurs classes sociales ayant une vocation majoritaire. L un des paradigmes de ces populismes historiques reste la période du «premier péronisme». Que l on songe aux nombreuses mesures sociales concédées par le justicialisme aux classes laborieuses, à l utilisation systématique de la Confédération Générale du Travail (CGT) pour contrôler les luttes et dissidences syndicales, à la relation quasi-mystique entre «Evita» et ses «queridos descamisados» ou encore au fameux discours de Perón à la Bourse du commerce (1944) où il explique au patronat la nécessité d une alliance entre capital et travail, afin d éviter que les «masses ouvrières» ne «tombent dans les mains des communistes». 17 Plus généralement, ces gouvernements doivent ainsi être différenciés de ceux qui ne suscitent pas une mobilisation particulière des classes populaires, ni ne leur accordent des avantages particuliers, mais également de ceux qui prennent le chemin inverse avec une orientation «rupturiste» et s en prennent aux biens de la grande bourgeoisie comme ce fut le cas du castrisme. Car si la Révolution cubaine de 1959 partage certaines caractéristiques avec ces gouvernements populistes (mobilisations des classes populaires, incarnation par un leader charismatique), elle diverge fondamentalement dans son affrontement violent à l appareil d État, dans la transformation effective des structures économiques, avec notamment la nationalisation intégrale des moyens de production et actifs états-uniens sur l'île. 18 Depuis les années 50, de nombreux auteurs ont essayé de comprendre ces phénomènes politiques contradictoires des populismes latino-américains. Les définitions générales convergent largement, qu elles proviennent d auteurs libéraux ou marxistes. Alain Touraine y voit «une tentative de contrôle antiélitiste du changement social» (Touraine A., 1988 : 165). Seymour Martin Lipset le définit lui comme un «nationalisme populaire et anticapitaliste s appuyant sur le prolétariat et l armée» (Lipset S., 1963 : ). Taguieff a synthétisé en huit critères ce qu il entend par populisme : la capacité de mobilisation des classes populaires ; l hyperpersonnalisation autour d un chef charismatique ; l existence d un lien direct et personnel, d ordre affectivoimaginaire, entre ce leader et ses partisans ; l accent mis sur la nation comme socle de l identité collective ; la mise en œuvre d une stratégie d incorporation et de cooptation des classes populaires, afin de préserver l ordre oligarchique ; un discours programmatique enveloppé d objectifs idéologiques remplissant une fonction de légitimation ; la construction d un parti interclassiste à vocation majoritaire ; l intervention de l État pour conduire la modernisation économique du pays (Taguieff P.A., 2002 : 49-52). 19 À partir d une approche marxiste, Michael Löwy définit le populisme latino-américain ainsi : un mouvement politique avec des formes diverses d organisation (parti, syndicats, associations diverses, etc.) ayant une large base populaire (ouvrière, paysanne et des classes moyennes), sous une direction bourgeoise/petite-bourgeoise et le leadership charismatique d un caudillo. Une fois au pouvoir, ce mouvement, qui prétend représenter le peuple dans son ensemble, mène une politique

65 63 bonapartiste prétendument au-dessus des classes, mais en dernière analyse au service des intérêts du capital (ce qui n empêche pas des frictions avec des secteurs de la bourgeoisie). (Löwy M., 1987 : 3) 20 Son idéologie est celle d un nationalisme très hétérogène, même si elle peut établir un lien privilégié avec les travailleurs. On y trouve une aile droite fascisante (anticommuniste, nationaliste de droite, parfois antisémite), un centre national/réformiste hégémonique, et une aile gauche socialisante (influencée par le marxisme). Cette hétérogénéité provoque parfois des scissions, notamment par le départ de la gauche (Löwy M., 1987 : 4). 21 Ces définitions, si elles mobilisent un champ lexical propre à leur paradigme, se rejoignent souvent sur l essentiel. Certains auteurs ont comparé ce populisme latinoaméricain à un «para-fascisme» (Griffin R., 1991 et 1995) ou à propos du péronisme, à «un fascisme de gauche» (Lipset S., 1963 : 192). Les opposants au péronisme locaux, tant les communistes que les libéraux, ont utilisé ce type de caractérisation pour dénoncer la démagogie et la manipulation des masses du Conductor. Pourtant, selon nous, des différences capitales opposent les fascismes européens et les populismes latino-américains. Ces derniers sont pluralistes, même si c est souvent dans une variante limitée, et s appuient sur les classes populaires urbaines qui bénéficient d avantages sociaux bien réels. De plus, les fascismes européens se fondent sur un projet totalitaire, pratiquent un endoctrinement des masses, suppriment toute démocratie formelle et leur base sociale incline davantage vers les classes moyennes avec une classe ouvrière plus réprimée qu incorporée ou cooptée (Taguieff P.A., 2002 : 53). Guy Hermet juge que les populismes latino-américains et les fascismes européens «ne doivent par conséquent pas s interpréter à l identique» (Hermet G., 2012 : 47). Diana Quattrochi-Woisson a d ailleurs retracé l opposition des fondateurs théoriques du populisme latino-américain à cette explication européanisante (Quattrocchi- Woisson D., 1997 : ). Les assimiliations pertinentes qu Éric Fassin établit entre le fascisme d antan et le populisme européen contemporain ne sont pas opérantes pour nos terrains latino-américains (Fassin É., 2017 : 81). 22 D innombrables chercheurs latino-américains, sociologues comme politologues, ont essayé de comprendre ces nouveaux régimes. Le péronisme a été présenté par le juriste argentin, Carlos Santiago Fayt, comme un «autoritarisme basé sur le pouvoir des masses», et légitimé par les élections (Fayt C., 1967). Gino Germani fut un des premiers à essayer de formaliser le concept de populisme. Selon lui, le gouvernement péroniste ne se base pas sur les qualités personnelles du leader charismatique mais sur les diverses mesures concrètes institutionnellement impulsées par celui-ci et dans lesquelles les classes populaires se reconnaissaient. Germani récuse également le terme de «fascisme» pour proposer le concept de régime «national-populaire». Il le définit comme le soutien de groupes populaires mobilisés et la volonté de rendre son identité au peuple argentin contre les puissances étasunienne et européennes (Germani G., 1961 : ). Selon lui, ces régimes s inscrivent dans un contexte de modernisation accélérée des sociétés agraires et fermées sur elles-mêmes (Germani G., 1968) où l «impression de participation» (Germani G., 1978 : 118) n est qu une soupape d échappement pour de fortes tensions sociales. Torcuato di Tella poursuit ces travaux et popularise ces notions dans l ensemble de l Amérique latine (di Tella T., 1965). Cette notion «national-populaire» est préférée à juste titre selon nous par de nombreux auteurs au terme de «populisme» pour éviter les écueils précédemment cités (Albano S. et Al, 2010 : 81-97).

66 64 23 Au Brésil, le politologue Francisco Weffort, lié à l école de la dépendance, a analysé aussi ce type de gouvernement comme «mécanisme par lequel les groupes dominants exercent leur domination» (Weffort F., 1967 : 626). Les partisans de la théorie de la dépendance analysent ces régimes comme l expression d un cycle économique précis : une conséquence de la crise de 1929, mettant en place un modèle de développement centré sur le marché intérieur, celui de l industrialisation par substitution d importations théorisé par la Commission Économique pour l Amérique latine (ONU) dans les années 50 et qui a conduit à une certaine redistribution des richesses (Cardoso F.H, Faletto E., 1972). Pour lui, ce modèle est valide pour ces expériences fondatrices dans un contexte caractérisé par une «contestation sociale» et «une amélioration mesurable de l égalité sociale» mais ne pourrait être appliqué hors de ce moment, par exemple, durant les années 80 et 90 dans une conjoncture «marquée par un profond désespoir sur le plan social, aux limites de l anomie et de la désarticulation» (Weffort F., 1993 : 299). Octavio Ianni converge avec ce constat. Selon lui, la fin du cycle populiste doit être comprise comme une rupture de l alliance entre la bourgeoisie et le peuple. Face à la radicalisation des expériences populistes, la bourgeoisie a préféré l émergence de régimes autoritaires (Ianni O., 1975). Du néo-populisme néolibéral aux expériences nationales-populaires «progressistes» des années Après plus d une décennie de régimes autoritaires et dictature civico-militaires, des gouvernements souvent qualifiés de «néo-populistes» parviennent au pouvoir dans les années 90, de Carlos Menem en Argentine ( ) à Alberto Fujimori au Pérou ( ), en passant par les expériences de Fernando Collor au Brésil ( ), d Abdalá Bucaram en Équateur ( ). Est parfois incorporée à cette catégorie, l exécutif d Álvaro Uribe en Colombie ( ). Ceux-ci sont caractérisés par une base sociale toujours centrée sur les classes populaires mais davantage leur fraction issue de l économie informelle plutôt que la classe ouvrière organisée. Cette action politique se situe dans le contexte de la mondialisation et de la montée en puissance des politiques néolibérales au lieu du modèle d industrialisation par substitution d importations et d intervention de l État dans l économie (Weyland K., 1996 : 3-31 ; Roberts K., 1995 : ). Ils développent également une stratégie politique, fondée sur le leadership charismatique et la polarisation de la société, mais avec des équilibres socioéconomiques propres au néolibéralisme, éloignés de la définition du populisme fondateur des années 30 à 60. Ces classes marginalisées sont mobilisées comme une simple clientèle électorale et soumises aux plans d ajustement structurel du FMI et au «Consensus de Washington». 25 Cet apparentement du néo-populisme au populisme latino-américain fondateur est donc problématique car il revient à se concentrer sur la stratégie politico-électorale en omettant les facteurs socio-économiques et socio-politiques de mobilisation et d intégration (Weyland K., 2001 : 8-9) pourtant constitutifs du phénomène comme nous l avons constaté. Peu après l investiture d Hugo Chávez, le politiste Olivier Dabène imaginait que ce dernier pourrait s inscrire dans cette variante néopopuliste libérale. Il le percevait comme «un responsable avec qui il est possible de négocier sérieusement»

67 65 prévoyant «un rééquilibrage macro-économique plus que nécessaire» à partir de «la maîtrise de l inflation ( ) placée au rang des priorités» (Dabène O., 1999 : 35). 26 Le cours de la vie politique vénézuélienne va rapidement contredire cette comparaison. Steve Ellner a réalisé en 2004 une analyse comparative entre les gouvernements d Hugo Chávez et d Alberto Fujimori après quelques années d action publique du processus bolivarien (Ellner S., 2004 : 13-37) 2. La principale caractéristique commune des deux phénomènes est «sa séduction particulière vers la classe marginale». Toutefois, Hugo Chávez «a mis fin à dix années de privatisations», contrairement à Fujimori qui s affirmait, pourtant à ses débuts, «anti-néolibéral». Á la différence de l administration Chávez et du populisme latino-américain, il manque aux néo-populistes deux caractéristiques essentielles : «un programme économique populairement accepté et une stratégie de mobilisation». Immanquablement, «le chavisme ressemble davantage au populisme classique des années 30 et 40 qu au phénomène populiste [néolibéral] de courte durée des années 90». 27 Á partir de l élection d Hugo Chávez en 1999, et dans le cadre de l ouverture du cycle progressiste sud-américain, un nouveau type de gouvernements nationaux-populaires émerge, classé à gauche ou plus exactement aux contours nationalistes et postnéolibéraux. Ils ressemblent davantage à celui des années 30 à 60 qu à celui de courte durée des années 90. On retrouve certaines caractéristiques du leader bolivarien vénézuélien ( ) dans l Équateur de Rafael Correa ( ), la Bolivie d Evo Morales (2005-?), et, dans une moindre mesure, dans l Argentine kirchnériste ( ). Ils se distinguent des autres exécutifs progressistes, plus institutionnalisés et sociaux-libéraux, tel le Brésil de Lula ( ) ou les gouvernements du Front Large en Uruguay (Natanson J., 2008). Dans un contexte de montée en puissance de plusieurs mouvements sociaux plébéiens anti-oligarchiques, on constate la consolidation d exécutifs marqués par une base sociale populaire, souvent urbaine, mobilisée au-delà du vote, une direction assurée par un leader charismatique, remettant au goût du jour une rhétorique axée autour du clivage anti-impérialiste à l égard des États-Unis, réinscrivant la question sociale et le retour de l État dans le développement économique et l agenda politique. Des richesses (essentiellement issues des rentes extractivistes) sont redistribuées aux secteurs populaires sous la forme de programmes sociaux en termes d éducation, de santé, d alimentation et de logement. Ces politiques sont alimentées par une conjoncture spécifique, celle d un cours élevé des matières premières au plan mondial, dont la dépendance s est accrue au cours de la période. Le désintérêt relatif des États-Unis pour la région, préoccupés par le front moyen-oriental, permet à ces gouvernements nationaux-populaires néodéveloppementistes de diversifier leurs partenaires commerciaux, principalement en direction de la Chine. 28 À partir d une analyse «par en bas» des formes de politisation et participation populaires, certains sociologues insistent sur un «retour du peuple» et un processus de démocratisation. Ainsi, Federico Tarragoni analyse le tournant «populisteparticipatif» du chavisme et ses contradictions, avec notamment l installation des Consejos comunales de planificación pública, qui se traduit en «relation de don-contredon politique entre un Pouvoir populiste et un Peuple populaire», Chavez étant lui-même l incarnation omniprésente du «père du peuple» (Tarragoni F., 2012). Face à l hyperprésidentialisme, à la corruption ou au contrôle «par en haut» des mouvements populaires et de la société civile, à la répression des dissidences (mouvements indigènes, écologistes, opposition politiques) au nom de la «Révolution», Maristella

68 66 Svampa décrit quant à elle la mise en place progressive de plusieurs variantes de populismes autoritaires. Elle distingue particulièrement, un «populisme de classe moyenne» les présidences Kirchner en Argentine, Rafael Correa en Equateur et un «populisme plébéien» Evo Morales en Bolivie, Hugo Chavez au Venezuela, qui ont tous pour point commun d être ancrés autour d un modèle de développement néoextractiviste et d une forte reprimarisation des économies, et de ce fait à mille lieux des prétentions industrialisantes des «populismes historiques» (Svampa M., 2016). 29 Depuis 2015, ces régimes nationaux-populaires arrivent en fin de cycle, connaissent un reflux important, voire un effondrement brutal (Gaudichaud F., Posado T., 2019). La baisse du cours des matières premières rompt l équilibre socio-économique autour duquel ils s étaient construits. On commence à parler d un éventuel «tournant à droite». Des coalitions conservatrices sont en effet de retour au pouvoir, par les urnes en Argentine ou au Chili, par un coup d État institutionnel au Brésil. Les tensions entre Rafael Correa et son successeur, initialement du même bord, atteignent des intensités inédites, Evo Morales tente de se maintenir au pouvoir malgré la défaite lors d un référendum autour de sa réélection, tandis que le Venezuela s enfonce dans une crise politique, économique et sociale sans précédent. 30 Les développements les plus récents de l actualité latino-américaine ont étendu le spectre des dirigeants assimilés au populisme à un nouvel élément : Jair Bolsonaro. Une telle qualification nécessite quelques éclaircissements. La rhétorique polarisante de Jair Bolsonaro pourrait s inscrire en partie dans le cadre des théories du populisme au sens d Ernesto Laclau. Le nouveau président de la première puissance du sous-continent a été élu en articulant des demandes insatisfaites en termes de lutte contre la corruption, rejet des partis traditionnels et menaces dues à l insécurité galopante. Toutefois, son positionnement est diamétralement opposé à la lignée «national-populaire» : la dimension «nationale» semble faible dans un discours marqué par la subordination à l égard des États-Unis de Donald Trump ; le centre de gravité de son électorat est davantage dans les classes possédantes et la petite-bourgeoisie, que dans les classes populaires. Mais, surtout, qualifier de «populiste» un discours proche de la rhétorique fasciste, relève d une euphémisation funeste, un «dangereux contresens» pour reprendre la formule d Annie Collovald (Collovald A., 2004). Conclusion 31 L Amérique latine est considérée par la plupart des auteurs comme la terre d élection du populisme, marquée par l héritage d une forte incarnation du pouvoir politique dans des systèmes politiques tous fortement présidentialistes depuis leur fondation, lors des indépendances du début du XIX e siècle. Néanmoins, ce concept pose de nombreux problèmes en termes épistémologiques et théoriques du fait de ses contours souvent flous et contradictoires. Les différentes vagues de gouvernements «populistes» ont d ailleurs des caractéristiques très disparates, marquant la nécessité de contextualiser des configurations politiques dissemblables dans un environnement économique et géopolitique spécifique. 32 On pourrait synthétiser le populisme au cours du XX e siècle latino-américain de la manière suivante : l âge d or demeure le second tiers de la période avec des dirigeants tels que Lázaro Cárdenas au Mexique, Juan Perón en Argentine, Getúlio Vargas au Brésil ou Jacobo Arbenz au Guatemala, des partis tels que le MNR de Bolivie ou AD au

69 67 Venezuela. Entre les années 60 et le début des années 70, il existe une crise du populisme avec des coups d État au Brésil ou au Guatemala dès 1954, en Argentine en 1955, au Brésil et en Bolivie en Cette crise s est intensifiée à partir du triomphe de la Révolution cubaine en 1959, le sous-continent «se polarise [alors] entre révolution et dictatures militaires, entre Cuba et l impérialisme. L espace pour le populisme ( ) se rétrécit» (Löwy M., 1987 : 5). Après plus d une décennie de dictatures militaires, des gouvernements dits «néo-populistes» surgissent dans les années 90 avec des leaders tels que Carlos Menem en Argentine, Fernando Collor de Mello au Brésil, Alberto Fujimori au Pérou, mais avec des caractéristiques socio-économiques propres au néolibéralisme, éloignées de la définition du populisme latino-américain traditionnel. Les gouvernements postérieurs à l ère du néolibéralisme, tels ceux d Hugo Chávez au Venezuela et par extension ceux de Rafael Correa en Equateur ou d Evo Morales en Bolivie, s inscrivent dans cette histoire nationale-populaire, revenant davantage aux équilibres des années 30 aux années 60 qu à ceux des années 80 et 90. La présidence récente de Jair Bolsonaro, si elle conserve un discours polarisant, suit des dynamiques politiques diamétralement opposées. Tableau 1 Diversité et hétérogénéité de la qualification de "gouvernements populistes" suivant les auteurs incarnation charismatique intervention de l État dans l économie maintien de l économie de marché nationalisme à visée antiimpérialiste centralité des classes populaires premiers gouvernements nationaux-populaires x x x x x (Vargas, Cárdenas, Perón ) gouvernement révolutionnaire cubain x x x x gouvernements néopopulistes libéraux x x x (Menem, Fujimori, Collor, Bucaram, Uribe )

70 68 gouvernements progressistes (Chávez, Correa, Morales, Lula, Kirchner ) x x x x x le cas Bolsonaro x x 33 L utilisation du terme de populisme est tellement controversée qu elle doit être encadrée par deux conditions : ne pas constituer un préjugé péjoratif ou normatif et l inscrire dans une sous-catégorie correspondant à un contexte historique et géographique précis. Le populisme du second tiers du XX e siècle latino-américain définit des régimes politiques s inscrivant dans le cadre d une économie de marché sous la direction d un leader charismatique jouissant du soutien actif des classes populaires pour affirmer une volonté nationaliste contre les pressions des élites économiques internationales. Ce type de configuration politique comporte davantage de proximité avec les gouvernements post-néolibéraux du XXI e siècle qu avec le néo-populisme. Plus globalement, il nous semble qu aborder ces expériences en termes de nationalpopulaire pourrait permettre de lever certains des mésusages qui ont été ceux du concept de populisme au cours des dernières années. BIBLIOGRAPHIE Albano Sergio, Angelone Juan Pablo, Pungrau María Luz, Sigal Marina, Dearma Nelson Daniel, «Populismo o nacionalismo popular en América Latina? Repensando un concepto con vistas al Siglo XXI», Cuadernos sobre Relaciones Internacionales, Regionalismo y Desarrollo, vol. 5, n 9, janvierjuin 2010, pp Canovan Margaret, Populism, Londres, Junction Books, Cardoso Fernando Henrique, Enzo Faletto, Dependencia y desarrollo en América latina, Mexico, Siglo XXI, Collovald Annie, Le «Populisme du FN». Un dangereux contresens, Broissieux, Editions du Croquant, Couffignal Georges, La nouvelle Amérique latine : laboratoire politique de l Occident, Paris, Presses de Sciences Po, de la Torre Carlos, «El populismo latinoamericano, entre la democratización y el autoritarismo», Nueva Sociedad, n 247, septembre-octobre 2013, pp Dabène Olivier, L Amérique latine au XX ème siècle, Paris, Armand Colin, 1997.

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73 71 NOTES 1. Nous suivrons en ce sens, la proposition de Carlos de la Torre (Cf. «El populismo latinoamericano, entre la democratización y el autoritarismo», Nueva Sociedad, n 247, septembre-octobre 2013, pp ). 2. Les citations suivantes sont issues de cet article. RÉSUMÉS Depuis l élection de Hugo Chávez au Venezuela en 1998, puis dans le cadre du «cycle progressiste» sud-américain au cours des 15 dernières années, l utilisation académique et journalistique du concept de populisme pour analyser l actualité du sous-continent a connu un renouveau sans précédent et généré de nombreux débats au sein des sciences sociales et politiques. Sous la plume de nombreux auteurs et essayistes, ce concept a d ailleurs souvent été utilisé avec une visée normative et pour disqualifier des processus prétendant bouleverser les hiérarchies sociales et systèmes politiques en place. Symbole de crise, de convulsions, de désenchantement démocratique, l invocation du populisme est présente de manière exponentielle dans les cinq continents : mais existe-t-il une spécificité latino-américaine de cette pratique politique? Quelles similarités et différences entre les populismes des années trente et les expériences nationales-populaires récentes (à commencer par le chavisme)? Quels sont les apports de cette grille d analyse (dans le sillage notamment des théorisations de l argentin Ernesto Laclau) pour comprendre le rôle de ces figures charismatiques dans la mobilisation du «peuple», leur rapport ambigu à la démocratie représentative ou leur dénonciation rhétorique des États-Unis? Et aussi quels mésusages, limites et instrumentalisation politique de l étiquette, souvent considérée comme infamante, de «populisme»? Au moment où le politiste Alain Rouquié décrit le vingtième siècle comme «le siècle des démocraties hégémoniques», l utilisation toujours plus extensive de cette notion permet de se questionner à nouveaux frais dans une perspective critique et comparatiste. Desde la elección de Hugo Chávez en Venezuela en 1998, y luego en el marco del " ciclo progresista " sudamericano, en curso en los 15 últimos años, la utilización académica y periodística del concepto de populismo para analizar la actualidad del subcontinente tuvo una renovación sin precedente, y generó múltiples debates en el seno de las ciencias sociales y políticas. Por cierto, bajo la pluma de numerosos autores y ensayistas, este concepto ha sido utilizado a menudo con una finalidad normativa y para descalificar procesos que pretenden transformar las jerarquías sociales y los sistemas políticos establecidos. Símbolo de crisis, de convulsiones, de desencanto democrático, la invocación del popularismo está presente de manera exponencial en los cinco continentes : pero se puede afirmar que existe una especificidad latinoamericana de esta práctica política? Qué similitudes y diferencias entre los populismos de los años treinta y las experiencias nacional-populares recientes (comenzando con el chavismo)? Cuáles son los aportes de esta forma de análisis (siguiendo particularmente las teorizaciones del argentino Ernesto Laclau) para comprender el papel de estas figuras carismáticas en la movilización del "pueblo", su relación ambigua a la democracia representativa o su denuncia retórica de los Estados Unidos? E igualmente, qué usos indebidos, límites e instrumentalización política de la etiqueta, a menudo considerada como infamante, del " populismo"? En el momento

74 72 en el que el politista Alain Rouquié describe el siglo XX "como el siglo de las democracias hegemónicas ", la utilización siempre más extensiva de esta noción permite interrogarse nuevamente en una perspectiva crítica y comparatista. Since the election of Hugo Chavez in Venezuela in 1998 and in the context of the South-American progressive cycle over the last 15 years, the academic, militant and journalistic use of the concept populism to analyse the subcontinent s reality has experienced an unprecedented renewal and generated many debates within social and politic sciences. Furthermore, many authors and essayists have used it for normative purposes and to disqualify some processes intended to upset existing social hierarchies and political systems. Symbol of crisis, convulsions, and democratic disenchantment, the invocation of populism has raised exponentially over the five continents : yet, is there a Latin-American specificity for this political practice? What similiarities and differences between the populisms of the 1930s and the recent national-popular experiences (starting with chavism)? What are the contributions of this analytical framework (particularly in the wake of the theories by the argentinian thinker Ernesto Laclau) for understanding the role played by these charismatic figures in the mobilization of the people, their ambiguous relationship to representative democracy or their rhetorical denunciation of the United States? Also what misuses, limits and political instrumentalisation of the label populism, often regarded as disgraceful? At a time when the historian Alain Rouquié describes the XX century as the century of hegemonic democracies, the increasingly extensive use of this notion allows for a questioning from a critical and comparative point of view. INDEX Mots-clés : populisme, Amérique latine, Ernesto Laclau, chavisme, théorie critique Palabras claves : populismo, América Latina, Ernesto Laclau, chavismo, teoría crítica Keywords : populism, Latin America, Ernesto Laclau, chavism, critical theory AUTEURS FRANCK GAUDICHAUD Franck Gaudichaud est professeur des universités en histoire et civilisation de l Amérique latine contemporaine à l Université Toulouse 2 - Jean Jaurés et membre du FRAMESPA (UMR 5136). franck.gaudichaud@univ-tlse2.fr THOMAS POSADO Thomas Posado est docteur en sciences politiques à l Université Paris-8 et chercheur au CRESPPA-CSU. Ses recherches portent sur les reconfigurations du champ syndical dans le Venezuela contemporain. Il est l auteur de divers articles (Nuevo Mundo, 2013, Les Cahiers ALHIM, n 26, Les Etudes du CERI, n ) et a, en outre, coordonné plusieurs dossiers de revue (Recherches Internationales n 93, n 107, ContreTemps, n 25, Cahiers des Amériques latines, n 85). thomas.posado@gmail.com

75 73 Populism in the American West: An Enduring and Evolving Trend Le populisme dans l Ouest américain : permanence et évolution d une tendance El populismo en el oeste de Estados Unidos : permanencia y evolución de una tendencia Nathalie Massip Introduction 1 When members of the Kansas Farmers Alliance coined the word populist to refer to the political ideas that they were discussing, in May 1891 (Judis, J., 2016: 21), they could not predict the fate of the neologism. Little did they know that scholars and journalists would have a hard time agreeing on a consensual definition well into the 21 st century, or that it would be as topical a term in the 2010s as it was in the 1890s. Indeed, a survey of newspapers headlines and articles of the last fifteen or so years would certainly give the impression that populism is a 21 st -century concept, and a very confusing one at that. While the word usually refers to clientelism and economic mismanagement when applied to Latin American countries, it denotes anti-immigration and xenophobia when studied in a European context (Mudde, C., and C. R. Kaltwasser, 2017: 2). In the United States, the word seems to be as flexible as can be, covering the whole political spectrum, from Bernie Sanders to Donald Trump. 2 In The Populist Persuasion, historian Michael Kazin defines populism as a language whose speakers conceive of ordinary people as a noble assemblage not bounded narrowly by class, view their elite opponents as self-serving and undemocratic, and seek to mobilize the former against the latter (Kazin, M., 1995: 1). More recently, Cas Mudde and Cristóbal Kaltwasser have depicted populism as a thin-centered ideology that considers society to be ultimately separated into two homogeneous and antagonistic camps, the pure people versus the corrupt elite, and which argues that politics should be an expression of the volonté générale (general will) of the people (Mudde, C., and C. R. Kaltwasser, 2017: 6). As for John Judis, he considers that populists

76 74 have defined politics in us vs. them terms as struggles of the people against the establishment based on issues and demands that the latter had been sidestepping (Judis, J., 2016: 21). Bearing in mind these characteristics the people, the elite, the resentment of the latter by the former it is my contention that a populist strain has characterized the American West since the late 19 th century. 3 This premise echoes Kazin s claim that populism has always infused American politics, even though the present study focuses on the American West specifically (Kazin, M., 1995). Yet, pinpointing particular periods in order to highlight a populist strain in the US West should not be seen as a suggestion that these outbursts bear equal historical significance. As historian Charles Postel has argued, late-19 th century Populism stands out for a variety of reasons: It was a particular constellation of ideas, circulating within a specific coalition of reform, and set in motion within a distinct historical context (Postel, C., 2007: 22). In other words, this early instance was more than a language or an ideology. This explains why historians have devoted whole monographs if not careers to the Populist movement of the late 19 th century, from John D. Hicks to Richard Hofstadter, Lawrence Goodwyn and Charles Postel, while analyses of the concept of populism in a diachronic and/or global perspective systematically include detailed considerations on the movement, from Kazin s Populist Persuasion to Judis Populist Explosion. It is because the very concept of Populism with a capital P was born in the US West and South that it is used here as a point of reference. 1 4 One can observe three major outbursts of populism in the history of the American West. The very first occurrence, which took place in the late 19 th century, gave Populism its name. Faced with a major economic crisis, farmers from the Great Plains and the South formed Alliances, then united with members of the Knights of Labor, and created the People s party in time for the 1892 presidential election. The party did not last very long, but the reforms of the late 19 th and early 20 th centuries attest to the impact of this first populist movement. A second populist outburst took place in the late 1970s. The purpose of the so-called Sagebrush Rebellion was to force the federal government to turn over control and management of public lands to the states. Rural westerners, allied with western politicians, resented and denounced the overwhelming presence of the federal government in the region; for a couple of years, they used legislative and political tools to reach their goal, but to no avail. The third and most recent populist explosion seems to have risen from the ashes of the Sagebrush Rebellion, though the occupation of the Malheur National Wildlife Refuge (OR) in early 2016 by the People for Constitutional Freedom attests to a radicalization of western populism. 5 This periodization is artificial by force; one could argue that the Sagebrush Rebellion started long before 1979, 2 and/or that the current manifestation of populism in the West is but another episode of the long Sagebrush Rebellion. Yet, the premise of this article is that populism in the American West has been expressed in outbursts, and that the Populist movement of the late 19 th century, the Sagebrush Rebellion of , and the agitation of the mid-2010s amount to such fits. As I intend to show in this article, these three periods of western agitation share the major characteristics that define populism. Yet, they also diverge in ways that are as significant as their common denominators are. First, populism would not exist were it not for the people, and a key element of these movements is their reliance on the sovereignty of the people. However, the latter being as vague and elusive a concept as can be, it will be

77 75 necessary to thoroughly assess who gets to be included and who does not. Finally, because the latest outburst of western populism significantly differs from the first in that it is triadic [...], [looking] upward, but also down upon an out group (Judis, J., 2016: 14), a transformation from left-wing to right-wing populism can be observed. Evaluating the goals and achievements of these movements will provide a better understanding of this evolution. The sovereignty of the people 6 At the heart of these episodes of western agitation lie the people. If one considers, as Kazin does, that populism is a language (Kazin, M., 1995: 1), then the celebration of the people constitutes the backbone of its rhetoric. The name given to the first populist party attests to this centrality. Created in 1892, the People s Party of America gathered members of various Farmers Alliances and of the Knights of Labor. It was born out of a rejection of traditional political parties, when the people [decided to turn] to independent political action, thus forming a mass democratic movement (Goodwyn, L., 1978: xxi). 7 The founding document of the party, known as the Omaha Platform, emphasizes the sovereignty of the people, since the purpose of the movement was to restore the government of the Republic to the hands of the plain people, with which class it originated (National People s Party Platform, 1892). Adopted on July 4, 1892, the party s platform paid tribute to George Washington, the grand general and chief who established our independence, asserted its loyalty to the National Constitution, and echoed Abraham Lincoln s plea for a government of the people, by the people, for the people (Lincoln, A., 1863): We believe that the power of government in other words, of the people should be expanded [...] as rapidly and as far as the good sense of an intelligent people and the teachings of experience shall justify, to the end that oppression, injustice, and poverty shall eventually cease in the land (National People s Party Platform, 1892). 8 If the Sagebrush Rebellion of the late 1970s-early 1980s is remembered for the various state laws passed in order to take hold of land managed by the Bureau of Land Management, the movement was powered by ranchers (Boly, W., 1980: 19). Its most vocal artisan was Nevada rancher Dean Rhoads, who had previously been president of the Public Lands Council, an association of western ranchers grazing their herds on public lands. As a member of the Nevada State Assembly, Rhoads introduced Assembly Bill 413 which would then be nicknamed the Sagebrush Rebellion bill 3 in February Signed by Republican Governor Robert List, the bill forcefully denounced federal ownership and control of lands in Nevada as [working] a severe, continuous and debilitating hardship upon the people of the State of Nevada (Nevada Assembly Bill 413, 1979: 1). It created the Nevada lands commission, whose goal was to manage the public lands of the state in an orderly and official manner (ibid., 3). Just as the members of the People s party of America spoke in the name and on behalf of the people of this country (National People s Party Platform, 1892), the commission was created in order to represent the people of the State of Nevada (Nevada Assembly Bill 413, 1979: 1). Nevada accordingly purported to appropriate no less than 48 million acres of public lands, which amounted to 79% of the state (Cawley, R., 1993: 1). In its wake, Arizona, New Mexico, Utah, Washington, and Wyoming passed the same type of legislation, while in August 1979, western Senator Orrin Hatch introduced S.1680 in

78 76 Congress. Known as the Western Lands Distribution and Regional Equalization Act the bill was meant to confirm the states titles. According to Senator Hatch, the bill was designed to defend and protect the interests of the people of Utah, his home state, but, also, of all Americans (Hatch, O., 1979: 4A). 9 A similar claim was made by Ammon Bundy as he strove to justify the armed standoff that took place on his father s ranch in On March 27, western rancher Ammon Bundy informed the Bureau of Land Management agents that he would do whatever it takes to prevent the BLM from seizing his father s cattle. The court-ordered roundup culminated a 21-year legal dispute opposing Ammon s father, Nevada rancher Cliven Bundy, and the United States Bureau of Land Management, as a result of Bundy s refusal to pay the fees required to graze his herds on federal land. On April 12, Bundy s threat escalated into an armed standoff opposing Bundy s supporters and BLM agents. Largely outnumbered and outgunned, the latter had to retreat and release the cattle, to shouts of Ammon that the West has now been won! Reflecting on the episode, Ammon Bundy declared: As important as it is for a man to fight for his ranch and his livelihood, this is much bigger than that. This is the American people fighting for their freedoms (audio recording in Johnson, J., Feb. 21, 2017). Despite the fact that his father owed more than 1 million dollars in grazing fees to the BLM and, therefore, to the federal government, Bundy characterized the armed standoff that took place on his father s ranch as an act of civil disobedience that was performed in the name of the American people as a whole. Similarly, when the People for Constitutional Freedom occupied the Malheur National Wildlife Refuge in Harney County, Oregon, in early 2016, they claimed to do so because the people have been abused long enough (Bundy Ranch, Jan. 2, 2016). Requesting that all federal land in Harney County be put under local control, leader of the movement Ammon Bundy once again put forward the people to justify the occupation. According to him, the occupiers goal was to assist the people of Harney County [ ] in claiming their rights. [...] Our end goal is to see the people of Harney County back using their rights again, under their claim, not as permittees, not as a privilege, but as a right ( Militant leader explains..., Jan. 3, 2016). Ironically, the refuge, which the occupiers referred to as the people s facility, owned by the people (Bundy Ranch, Jan. 2, 2016), remained closed off for several weeks due to the occupation. 10 What the Bundys and their friends were protesting and denouncing in 2014 and, again, in 2016, was the presence of the federal government in the American West, mostly through the Bureau of Land Management. In the leader s words, the people were the victims of the federal government: We have the EPA that is taking properties away from American people, they re restricting full industries, putting full states and counties into economic depression. We have a slew of other federal agencies that are doing the exact same thing. And they re doing it by controlling the land and resources because they know where wealth generates from. Wealth generates from the earth, from the land and the resources. [ ] The American people have to basically beg them for whatever they give them (ibid.). 11 The same sense of victimization characterized the rhetoric of the Sagebrush Rebels of the late 1970s-early 1980s. The Bureau of Land Management was already depicted as the villain: their decisions are so senseless they seem almost deliberate part of a plan to get rid of the ranchers altogether and leave the whole West to the coyotes (Boly, W., 1980: 21). Ranchers in the late 1970s resented that perfidious absentee landlord on the

79 77 Potomac (ibid., 19) as much as they do today, and western politicians were no less critical of Uncle Sam and Uncle s boys (Hatch, O., 1979: 4A). 12 The target of the early populists, who created the People s Party, was not the federal government; on the contrary, Populists called for more government intervention in and control of the economy, demanding, for instance, a federal takeover of railroads. Yet, like the Sagebrush Rebels and today s proponents of land transfer, their rhetoric rested on the same opposition between the pure people and the corrupt elite which is at the heart of the definition of populism. In the late 19 th century, industrialists and capitalists, acting for and in the name of money, stood for the corrupt elite : capitalists, corporations, national banks, rings, trusts, watered stock, the demonetization of silver and the oppressions of the usurers may all be lost sight of. They propose to sacrifice our homes, lives, and children on the altar of mammon; to destroy the multitude in order to secure corruption funds from the millionaires (National People s Party Platform, 1892). 13 Ultimately, beyond this us vs. them rhetoric (Judis, J., 2016: 21), these three outbursts of populist anger reveal a deep-seated fear of social downgrading on the part of westerners. The preamble of the National People s Party Platform attests to the intensity of this fear. The document opens on a very bleak assessment of the context of the late 19 th century, describing a nation brought to the verge of moral, political, and material ruin. From corruption to demoralization, the first paragraph amounts to a litany of evils affecting American society, before concluding: The fruits of the toil of millions are boldly stolen to build up colossal fortunes for a few, unprecedented in the history of mankind; and the possessors of those, in turn, despise the Republic and endanger liberty. From the same prolific womb of governmental injustice we breed the two great classes tramps and millionaires (ibid.). 14 The rest of the preamble deplores the grievous wrongs [that] have been inflicted upon the suffering people, denounces the plight of the plundered people, and laments the impoverishment of the producing class. Close to a century later, Sagebrush Rebels bemoaned the same social and economic difficulties, and accused the federal government of [seeking] to put us in an economic freeze of no growth, no progress and no future (Hatch, O., 1979: 4A). According to Ammon Bundy, the situation of 21 st - century western ranchers has only gotten worse as a result of the federal presence in the American West: [The people s] lands and [...] resources have been taken from them to the point where it s putting them literally in poverty. [ ] The people cannot survive without their land and resources. [ ] All comfort, all wealth, everything that we have as a people, that we use to live, to eat, to find comfort, comes from the earth. We cannot have the government restricting the use of that to the point where it puts us in poverty (Bundy Ranch, Jan. 2, 2016). 15 Even though the us vs. them rhetoric prevails in all three episodes of western anger, one would be hard pressed to make out a uniform and homogeneous group that would qualify as the people. Therefore, it is important to take a closer look at these movements in order to determine who the people are.

80 78 The people what people? 16 These three episodes of western populism attest to Judis statement that [j]ust as there is no common ideology that defines populism, there is not one constituency that comprises the people (Judis, J., 2016: 15). The People s Party was a motley crowd, gathering mostly farmers, industrial workers, and members of reform movements. According to Charles Postel, the inaugurating conferences that took place in were attended by very diverse groups that included the Farmers Alliance and Industrial Union, the National Farmers Alliance, the Colored Farmers Alliance, the Farmers Mutual Benefit Association, the Knights of Labor, the Women s Alliance, [and] the Citizen s Alliance among others (Postel, C., 2007: 12). Postel argues that [the] combined membership of the Farmers Alliance and kindred associations numbered in the millions (ibid., 14), which gives an idea of the magnitude of the movement. The more diverse the group of people, the more representative it is of the larger society, and the bigger its impact; yet, this diversity may also imply a lack of consensus. In the case of the late 19 th -century Populist movement, though, its members were united in their quest for change, and the spirit of reform encouraged the search for orthodoxy (ibid.). 17 Even though it was born in the South and West of the United States, the first outburst of populism was truly national in scope. Until recently, though, historians have analyzed 1890s Populism along regional lines. While John Hicks saw the Populist Revolt as a Midwestern phenomenon, Lawrence Goodwyn focused on the Texas origins of the movement, and C. Vann Woodward looked further South in his biography of Georgia populist leader Tom Watson. Yet, put together, these analyses show the national scope of the movement, which took root across a broad territory of cotton and wheat, staple crops and specialty crops, mining and railroads, white and black, rural and urban (Postel, C., 2007: 14). 18 The broad, all-encompassing nature of the movement, as well as its geographical scope, sharply contrasts with the later versions of western populism. While the late-19 th century Populism was a social and political movement that touched millions of lives and spanned a continent (ibid., 13), the Sagebrush Rebellion of the late 1970s was a much more circumscribed regional phenomenon, that nonetheless stirred up about a dozen states in the American West. The scope of the latest version of western populism is even smaller, since several western legislatures have decided not to follow Utah s lead in its 2012 request for land transfer. At the grassroots level, the protest and anger seem to come from rural islets, of which Cliven Bundy s Bunkerville, in Nevada, seems to be the most conspicuous example. 19 Despite these differences in representativeness, the people whose interests need to be defended are defined in the same way in all three movements: they are the producing classes. The second item of the Omaha Platform states the party s defense of those who actively contribute to the welfare of society: Wealth belongs to him who creates it, and every dollar taken from industry without an equivalent is robbery. Not only do the leaders of the movement deplore the impoverishment of the producing class, but they also insist that both farmers and industrial workers are united under the same banner: The interests of rural and civil labor are the same; their enemies are identical (National People s Party Platform, 1892). Whether addressing indebted Southern sharecroppers, Western farmers whose livelihoods depended on railroad companies,

81 79 miners from the mountain West, Northeastern urban industrial workers, old-stock Americans, or newly-arrived immigrants, Populist leaders resorted to a rhetoric that managed to generate a shared identity between different groups and facilitate their support for a common cause (Mudde, C., and C. R. Kaltwasser, 2017: 9). 20 Less diverse in terms of membership and more limited geographically, the Sagebrush Rebellion nonetheless united potentially conflicting interests: ranching, mining, oil, coal, and timber industries all gathered around the fear that their very livelihoods were threatened by the environmental policies of the federal government. This fear was best expressed by Nevada rancher Dean Rhoads, when he declared to a congressional committee: Not only do we have to contend with present management policies that restrict production, we must look ahead apprehensively to wilderness review, grazing environmental impact statements and more rules, regulations and restrictions (quoted in Cawley, 1993: 4). As both a rancher and a member of the Nevada State Assembly, Rhoads embodied the peculiar coalition of natural resources industries, politicians (both local and state), and western citizens that the movement comprised. 21 Concerned that the Sagebrush Rebellion might be regarded as an outburst motivated by economic self-interest (Cawley, 1993: ix), some western politicians defended the rebels as citizens who simply wanted to have a say in the way they conducted their lives: Everybody thinks that the Sagebrush Rebellion is just for the benefit of cattlemen. The basic concern is that people here have nothing to say about the large hunks of federally owned and managed lands (Arizona State Senator Anne Lindeman quoted in The Sagebrush Rebellion, Dec. 1, 1980). Similarly to the Omaha Platform, the rhetoric of the Sagebrush Rebellion emphasized the moral superiority of the producing classes, whose work and intimate experience of the land they had lived on for generations granted them the legitimacy the federal bureaucracy lacked: Who should own and manage our lands to assure maximum benefits for all Utahns and ultimately for all Americans? The people of Utah or the officious, oppressive agents of Washington s sprawling marching army of clerks and self-appointed experts? (Hatch, O., 1979: 4A). 22 The episode also revealed a widening gap between rural and urban westerners: the increasingly urbanized population, which enjoyed the wide-open spaces and the recreational opportunities that the region offered, pushed for federal oversight and protection. The rebellion, on the other hand, was meant to be an expression of rural westerners resentment at federal rules and regulations that, to them, valued wilderness and the environment more than people. Not only did farmers, ranchers, miners, loggers, and hunters feel left out of the public debate, but they also claimed to be the best and only experts when it came to managing the land. Rhoads thus argued: We feel we re probably the best environmentalists of all. [...] I think the people who really love that land and are gonna live there would take the best care of it (quoted in Boly, W., 1980: 21). 23 A similar feeling animates the 21 st -century movement to (re)claim the western lands. Its members maintain they are acting to protect the local economy, trying to get the logger back to logging, the rancher back to ranching (Ammon Bundy quoted in Boone, R., Jan. 6, 2016). Echoing late 19 th -century populist discourse, the pure people (Mudde, C., and C. R. Kaltwasser, 2017: 6) are those who work the land and produce the goods needed for the welfare of society. Asked by a journalist what it would take for the People for Constitutional Freedom to put an end to their occupation of the Oregon

82 80 Malheur National Wildlife Refuge, leader Ammon Bundy replied: when the people of Harney County can use the land and resources without being put in fear and without being restricted to the point where it puts them out of business. Once they can use these lands as free men, then we will have accomplished what we ve come to accomplish (Bundy Ranch, Jan. 2, 2016). Like the Sagebrush Rebels of the late 1970s, Bundy and his supporters see the federal government as the enemy of the people, preventing them from making a decent living while caring for the environment. Ironically, the people of Harney County, whom Bundy claimed to have thought out the occupation for, were not particularly thrilled by the gesture and the sudden media attention it triggered (Allen, J., and J. Urquhart, Jan. 4, 2016). His assertion that [i]t might take a little bit for people to realize that, but we re here for them, we re here with them (Bundy Ranch, Jan. 2, 2016) might even sound pathetic. 24 Most importantly, these statements beg the question of the nature of the people whom populists claim to be defending and/or speaking for, and of populists ability to mobilize [...] ordinary people [...] against [...] their elite opponents (Kazin, M., 1995: 1). Despite local and occasional forms of indigenous interracial activity (Goodwyn, L., 1971: 1451), late 19 th -century Populism was very selective. While the idea of progress was its main driving force, the overall movement also believed in white supremacy and separation of the races, seen as essential for the modern development of both blacks and whites (Postel, C., 2007: 176). Notwithstanding the promise of equality, the color line held (ibid.), in tune with the times, marked by Jim Crow laws, the disenfranchisement of black voters, and Chinese exclusion. The latter was called for by Populists, with firebrand leaders like Mary Lease warning of a tide of Mongols and Tom Watson depicting Chinese as moral and social lepers (quoted in ibid., 185). When dealing with populism, what the very elusive people excludes is at least as significant as what it includes. 25 In the case of the People for Constitutional Freedom, the group s appeal to the people was fraught with contradictions. For example, the armed militants claimed that the 2016 occupation was motivated by the imprisonment of two local ranchers, Dwight and Steven Hammond, who had been found guilty of arson on federal land. Yet, the protesters did not ask for the Hammonds release; neither were the Hammonds willing to acknowledge any connection with the armed militants. Instead, the latter s purpose was for all federal land in Harney County to come under local control. Furthermore, while the Malheur occupiers tried to enlist the sympathy of the locals for lack of their help they ignored the fact that what they called the people s facility stood on land that had long been inhabited by Northern Paiutes, until the federal government removed them in 1872 and confined them to the Malheur Reservation. The latter was done away with seven years later, and its lands were added to the public domain, while the wildlife refuge was created in 1908 by President Theodore Roosevelt ( Malheur National Wildlife Refuge ). Despite the fact that the refuge harbors thousands of Native American artifacts, the militants were both oblivious and indifferent to this past, and bulldozed through sacred burial grounds while trying to build a road (Siegler, K., Oct. 27, 2016). When asked about Native Americans rights to the land, occupation leaders offered mixed if not conflicting opinions. While Ryan Bundy was adamant that Native Americans had lost their claim to the land a long time ago, contending that the current culture is the most important (quoted in Keeler, J., 2017: 3), his brother Ammon confessed that he really [didn t] know much about that, and that they have rights as well ( Press Conference..., Jan. 6, 2016). The confusion

83 81 over who the people are was such that even the leaders of the occupation could not agree. 26 Yet, ultimately, since [the] exact referents of the people and the elite don t define populism, one needs to analyze what defines it, i.e. the conflictual relationship between the two or in the case of right-wing populism the three (Judis, J., 2016: 15). In other words, in order to fully assess the significance of each populist outburst at the regional and national level, it is necessary to look deeper into the agendas of the main actors and to evaluate the movements impact. Agendas and achievements: from left-wing to rightwing populism 27 The founding members of the People s Party ambitioned to give American voters an alternative to the traditional two-party contest opposing Republicans and Democrats. They presented candidates at the local, state, and national levels. Their wish to appeal to as large an electorate as possible and to unite American voters materialized in the Populist Party ticket to the 1892 Presidential election: James B. Weaver, running for President, was a former Union general from Iowa, while his running mate, James G. Field, was an ex-confederate general from Virginia (Larson, R., 1986: 3). 28 However, the party s boldest move, besides its creation as a coalition of farmers and industrial workers brought together in time for the 1892 contest, was its platform. By the late 1870s, the country experienced industrial growth and economic prosperity. Yet farmers in the Plains and the South did not benefit from this progress. On the contrary, they faced more and more hardships: agricultural prices sharply decreased; a drought hit the Plains in the late 1880s; and railroad companies, which farmers depended on to send their produce throughout the country and abroad, took advantage of their monopoly status to raise their prices. As they formed Farmers Alliances and organized cooperatives to try and have some control over prices, farmers became more politicized. The realization that they shared a common enemy with the Knights of Labor the plutocracy led them to unite. Among other things, the party s platform forcefully denounced corruption; opposed the gold standard, and requested the unlimited coinage of silver and gold; demanded an end to land speculation; and called for government control of railroads and a shorter work week. 29 Because they did not form as large a coalition as the 1890s Populists and did not constitute a third party that could have challenged the two established political forces of the country, the Sagebrush Rebels of the late 1970s were just that: rebels, who renounce[d] and resist[ed] by force the authority of [their] government ( Merriam- Webster). Even though they did not devise a platform nor a formalized set of demands, they did express specific grievances. Their number one goal was to force the federal government to turn over the control and management of public lands to the states in which they lay. Despite the fact that the dispute had to do with a very regional issue it is estimated that the federal government owns more than 46% of the continental lands lying West of the 100 th meridian (Vincent, C., et al., March 3, 2017: i) the Sagebrush Rebels managed to attract national attention, notably because their more general denunciation of the expansion of federal power appealed to Americans in other parts of the country.

84 82 30 As James Morton Turner argues, their opposition did not stem so much from the 1960s-70s growing concerns over the environment as from the development of the role of the federal government in terms of environmental oversight and regulation, along with the impact of the latter on business and private property (Turner, J., 2009: 125). This enlargement of federal responsibilities in the realm of wilderness preservation resulted mostly from two landmark laws. In 1964, the Wilderness Act turned the United States into the first nation to define and protect wilderness areas through law, on a national scale. Most significantly, it gave Congress power to designate wilderness areas through the newly-created National Wilderness Preservation System. Twelve years later, the prerogatives of the federal government were again expanded with the passage of the Federal Land Policy and Management Act which, among other things, put an end to homesteading in the contiguous United States and placed the public domain under the supervision of the Bureau of Land Management. Consequently, by 1979, the federal government owned about 87% of Nevada and more than 50% of Utah. Along with the economic crisis of the decade, this overwhelming federal presence in the US West explains the region s populist outburst of the late 1970s. 31 Land transfer was the number one demand of the rebels. Beyond the denunciation of federal overreach, their populist rhetoric put forth two major arguments. A legal one rested on the equal footing doctrine, whereby a state entering the Union was admitted on an equal footing with the original states ( Doctrine of the Equality of States ). Westerners argued that, since the federal government owned so much land in western states, the latter were not equal with other states. Westerners also revived the states rights argument. Senator Hatch s indictment of the BLM and its bloated staff contrasted with praise for local authorities: The state manages its lands to satisfy essential human and environmental needs while making a responsible profit with which to meet other needs. In utter contrast, Washington cloaks its costly, self-perpetuating bureaucracy, with all its attendant rules and regulations, under the guise of an ill-defined public interest which changes virtually daily according to the whims of those imposed upon us as its guardians (Hatch, O., 1979: 4A). 32 However, beyond these arguments, a financial issue was also central to the rebellion. Nevada rancher Dean Rhoads contended that the land transfer the rebellion called for represented the biggest land transaction on this continent since the Louisiana Purchase (quoted in Boly, W., 1986: 19). Western politicians slyly bypassed the potential if not inevitable privatization of these lands, if transferred to the states, and swore by the benefits the people could reap from them, including thousands of new jobs, millions of acres of land and billions of dollars in new profits [which] could accrue to the people of our Western states (Senator Hatch quoted in Forrester, S., 1979: 27A). Ultimately, the rebellion was depicted as a moral crusade, the goal being to return control of [their] destiny to westerners (Hatch, O., 1979: 4A). 33 Considering the fact that the latest outburst of populism in the American West rests on the same arguments, it is tempting to conclude that the Sagebrush Rebellion did not achieve its goal. Attracting national attention was not an easy task in itself, and was accomplished only as a result of the flurry of legislative activity throughout the western states (Graf, W., 1990: 230). Yet, what truly emboldened and empowered the rebels was the political turn their fight took. In the summer of 1980, presidential candidate Ronald Reagan told a Republican crowd in Salt Lake City: I happen to be one who cheers and supports the Sagebrush Rebellion. Count me in as a rebel (quoted in

85 83 Salisbury, D., 1980). A couple of weeks after his election, Reagan sent a telegram to the League for the Advancement of States Equal Rights (LASER, also known as the Sagebrush Rebellion Conference ), to reassure westerners he had not forsaken them: my administration will work to insure that the states have an equitable share of public lands and their natural resources (Reagan, Nov. 20, 1980). Reagan s appointment of James Watt as Secretary of the Interior, a concrete illustration of Reagan s support, represented a major victory for the Sagebrush Rebels. Born in Wyoming, Watt was unapologetic in his anti-environmentalist stance, and soon devised a plan meant to undermine the national wilderness preservation system (Zaslowsky, D., and T. H. Watkins, 1994: 217). His policies ended up facing a lot of opposition in Congress. As for the sagebrush legislation, Senator Hatch s bill died [a] quiet death, while the various western bills collected dust in the archives (Graf, W., 1990: 257). Watt s twoyear tenure as Secretary of the Interior was mired in controversy all along. If his appointment contributed to muting the rebellion, his resignation in late 1983 was the final blow that put it down for a while. 34 These mixed results draw attention to the nature of the rebels demands or, rather, to their reasonableness. As Judis explains, [t]he populists believe the demands [they make of the elite] are worthy and justified, but they don t believe the establishment will be willing to grant them. The Sagebrush Rebels petition for land transfer to the states was not ordinary and, therefore, could not be subject to immediate negotiation. It is this clash between the people and the establishment that defines westerners populism (Judis, J., 2016: 16). Similarly, the demands listed in the People s Party s platform were bold and ambitioned to challenge the status quo. The clash their movement triggered partly paid off, as the Populists did get some encouraging results. For instance, the party scored a few electoral victories. In 1894, thirteen People s Party candidates were elected to the US Congress, while hundreds others successfully ran for state legislatures (Kazin, M., 1995: 42). These victories gave legitimacy to the Populists fight and, therefore, heartened them. Most significantly, their demand for free silver was adopted by the Democrats in Even though Bryan lost the election to McKinley, the Democratic Party s adoption of the Populists trademark measure was, in itself, a major victory. 35 However, the People s Party did not survive the 1896 election. Just as Watt s appointment was a win that sealed the fate of the Sagebrush Rebellion, the alliance with the Democrats but, also, with Republicans in the South represented a Pyrrhic victory for the People s Party. For, as Judis asserts, if the populists demands are granted in whole or even in part, then the populist movement is likely to dissipate or to morph into a normal political party or candidacy (Judis, J., 2016: 16). The failure of the People s Party led to a political realignment rather than the demise of Populism and, as Postel argues, it is important to pay heed to the impetus that [Populism] provided for a wave of reform that carried into the new century (Postel, C., 2007: 22). 36 Considering the 21 st -century expression of populist discontent in the American West, it is fair to say that the Sagebrush Rebellion did not disappear completely, either. Even though western farmers and ranchers anger abated for a while, it was revived in the 1990s under the guise of the wise use movement. The same issues of private property rights, public land use and economic exploitation resurfaced, with resource extraction industries pushing for deregulation. The long-simmering dispute exploded again in the 2010s, at both the grassroots and political levels. In 2012, Utah adopted a Transfer of

86 84 Public Lands Act which set a deadline for the federal government to transfer to Utah control and management of the federal lands situated within the state s borders. The same animosity towards the federal government pervaded Utah s lawmakers defense of the legislation, and their justification for the law was clothed in the same populist rhetoric heard during the heyday of the Sagebrush Rebellion. Utah Representative Ken Ivory, who introduced the bill in the Utah House, thus claimed: This is our time to write the history of what will happen in our state. [...] This is our time to look not to the next election, but to the next generation (Gehrke, R., March 3, 2012). As evidenced by the Bunkerville (NV) standoff and the Malheur Wildlife Refuge (OR) occupation, rural westerners also gave vent to their frustration, albeit in a less moderate way. 37 In their analysis of right-wing populism, Chip Berlet and Matthew Lyons contend that [o]ne of the staples of repressive and right-wing populist ideology has been producerism, a doctrine that champions the so-called producers in society against both unproductive elites and subordinate groups defined as lazy and immoral (Berlet, C., and M. Lyons, 2000: 6). In other words, right-wing populism differs from its left-wing counterpart in that the people are opposed not just to the elite but, also, to a third group, an out group consisting of immigrants, Islamists, [or] African American militants among other examples (Judis, J., 2016: 14). 38 Berlet and Lyons break down right-wing populists into three groups: advocates of a get the government off my back ideology, xenophobes, and ultra-conservative Christian evangelicals (Berlet, C., and M. Lyons, 2000: 347-8). Their fight against the federal government these modern-day conquerors, just self-appointed predators (Bundy, A., Sept. 11, 2015) puts the Bundys in the first of these categories. They constantly swear by the Constitution a pocket version of which they always carry because, to them, it protects states rights over the federal government. And, indeed, the Constitution is the sole guiding force (Trenbeath, E., July 2, 2014) of the rightwing and libertarian extremists who came from all over the United States and took part in the Bunkerville standoff: Oath Keepers, Three Percenters, Sovereign Citizens, and other members of the so-called Patriot Movement. Emboldened and legitimized by the retreat of the federal agents at the Bundy Ranch in Nevada, militia members joined the Bundy sons again when they decided to occupy the Malheur National Wildlife Refuge in January Obviously, these latest outbursts of western populism were more than ranchers wars. Ammon Bundy s claim that the land titles need to be transferred back to the people ( Press conference..., Jan. 6, 2016) and the overall issue of public lands were just the tip of the iceberg. Underlying this theme were topics widely discussed in the Patriot movement, as listed by Berlet: government abuse of power; fears about globalism and sovereignty; economic distress (real, relative, and anticipated); apocalyptic fears of conspiracy and tyranny from above; male identity crisis, backlash against the social liberation movements of the 1960s and 1970s, and more (Berlet, C., and M. Lyons, 2000: 289). 40 The heavily armed militants, whether at the Bunkerville standoff or the refuge occupation, were adamant about defending their gun rights: We understand that in order to truly express our First amendment rights, we have to have our Second amendment rights, and that s why the Founders gave them to us, or at least that s why the Founders protected them in the Constitution ( Armed Oregon Militiamen..., Jan. 3, 2016).

87 85 41 Furthermore, these groups are also known for their racism, further matching Berlet and Lyons categorization. Despite its [lacking] the open appeals to white racial purity (Sunshine, S., 2016: 4) which characterized the 1990s militias, today s movement radiates an unspoken White nationalism (ibid., 28), albeit with variations. Xenophobia, for instance, tends to characterize the Three Percenters, while the Patriot Movement is divided between white supremacists and white separatists (ibid., 144). The very concept of citizenship is discussed and debated in racial terms, pitting sovereign white Christian men against Fourteenth Amendment citizens (Zeskind, L., 2009: 81). Cliven Bundy epitomizes the dual racist ideology and producerist thinking underlying right-wing populism. Following the armed standoff that opposed him to the Bureau of Land Management, the rancher declared: I want to tell you one more thing I know about the Negro: I ve often wondered, are they better off as slaves, picking cotton, having family lives and doing things, or are they better off under government subsidies? (CBS This Morning, April 25, 2014). Bundy and the western Patriot movement see farmers, loggers and ranchers as producers, the federal government as the elite, and African Americans and other minorities as lazy and immoral These outbursts seem to have quieted down a bit since the Oregon occupation. Even though the populists demands were not granted in whole or even in part, it is important to acknowledge that the militants did score significant victories when the courts proved to be particularly lenient towards them: in October 2016, the Bundy brothers were acquitted of all charges in the case of the Oregon occupation, and in early 2018, all charges against Cliven Bundy and his sons were dismissed regarding the Bunkerville standoff (Bernstein, M., Jan. 8, 2017). Added to President Trump s pardon of the Hammonds in July 2018, these decisions seem to have legitimized the rural westerners fight and given them signs of encouragement. Just as Trump s indictment of the Antiquities Act and his administration s simultaneous shrinking of Bears Ears National Monument pandered to western politicians populist call for greater state responsibility, the gesture of the people s President towards the Hammonds could certainly be interpreted as a sign that the 21 st -century rebels have a friend in the White House (Ryan Bundy for Nevada Governor). Conclusion 43 In The Age of Reform, Richard Hofstadter depicted 1890s farmers as having a dual character : a soft side, according to which they were the victims of the march of progress, and a hard side, that made them proponents of agricultural improvement, business methods, and pressure politics. Hofstadter contended that the Populist rhetoric stemmed from farmers soft side, that is to say from their attachment to the agrarian myth (Hofstadter, R., 1955: 47). Twenty years later, Lawrence Goodwyn analyzed Populism as the expression of farmers resistance to modernity, and to the corporate state and the creed of progress it put forward (Goodwyn, L., 1978: xxi). In many ways, it is tempting to read the latest episodes of western populism through Hofstadter s and Goodwyn s lens, and to conclude that the outbursts of western populism demonstrate rural westerners conservatism. 44 Yet, as Charles Postel has established, late 19 th -century Populists were modern people, in the sense that they understood that the transformations they sought

88 86 required the uprooting of rural ignorance, inertia, and force of habit (Postel, C., 2007: 9). Even though one could see the Bundy family and their supporters as cowboys clinging to a way of life that has become irrelevant in a predominantly urban West, Postel s argument that the 1890s Populists shape[d] the weapons of protest out of the modern materials of technological, organizational, and ideological innovation (ibid., viii) could well apply to the modern-day western populists. Their use of social media to promote their cause, spread their political messages, call on supporters to join their fight, and appeal to Americans generosity to help them pay their legal fees makes them fundamentally modern. At the same time, in spite of the image of rugged individualism that the Bundys want to advertise, it is the region s relationship with the federal government that has allowed the West to develop and even thrive. 45 Even though the two latest episodes do not match Postel s characterization of 1890s Populism as a national movement with a national vision (ibid., 14), the three of them confirm Kazin s contention that populism in the United States has made the unique claim that the powers that be are transgressing the nation s founding creed, which every permanent resident should honor (Kazin, M., 1995: 2). Given the scope of the People for Constitutional Freedom, it would be an overstatement to claim that the movement function[s] as [a] warning sign of a political crisis (Judis, J., 2016: 16). However, the movement did emerge at a time when people [saw] the prevailing political norms put forward, preserved and defended by the leading segments in the country as being at odds with their own hopes, fears, and concerns (ibid., 17). It certainly is no coincidence that the radicalization of western populism took place just as Trump and Sanders were gaining in visibility, signaling that the standard worldview [was] breaking down (ibid.). BIBLIOGRAPHY Allen, Jonathan, and Jim Urquhart, Sympathy for Jailed Ranchers, Anger at Occupiers in Oregon Town, Reuters, January 4, 2016, visited January 25, Armed Oregon Militiamen Speak Out from Occupied Refuge, ABC News, January 3, 2016, abcn.ws/1rlkuhg, visited January 25, Berlet, Chip, and Matthew N. Lyons, Right-Wing Populism in America. Too Close for Comfort, New York, The Guilford Press, Bernstein, Maxine, Cliven Bundy standoff case thrown out in another stunning blow to government, The Oregonian, January 8, 2017, /01/cliven_bundy_standoff_case_thr.html, visited January 25, Boly, William, The Sagebrush Rebels, New West, November 3, 1980, p Boone, Rebecca, Oregon Tribe: Armed Group Desecrating Their Land, East Oregonian, January 6, 2016, visited January 25, 2019.

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91 89 NOTES 1. As this analysis will show, the later periods of populist agitation have not had the same scope and impact and, therefore, do not carry the same historical significance as the late-19 th century movement. 2. Paul Gates explains how, starting in 1878, miners and loggers united with railroad companies to denounce Secretary of the Interior Carl Schurz s policy targeting unlicensed and wasteful tree cutting on public lands. The Department of the Interior was soon accused of resorting to arbitrary action against the small, defenseless man, of taking steps that threatened the very basis of existence of thousands of people in the South, the Lake States, the mining communities, and the rapidly growing lumber industry on the West Coast (Gates, P. W., 1968: 549). 3. Sagebrush refers to the vegetation of much of the land lying within the borders of Nevada, one of the most arid states west of the 100 th meridian. Despite its low yield, the land is considered as suitable for grazing. The expression Sagebrush Rebellion was meant to be derogatory when it was first used by journalists; yet proponents of the movement quickly adopted it as their rallying cry (Cawley, R., 1993: 14). 4. However, Ammon Bundy, Cliven s son, criticized Donald Trump s xenophobic attitude toward a migrant caravan in late This stance put him at odds with the Patriot movement and with his own father who, wondering if the migrants may have been paid to be in the caravan, seemed to subscribe to conspiracy theories (Levin, S., Nov. 29, 2018). ABSTRACTS This article aims to appraise the populist strain that has characterized the American West since the late 19 th century. Populism, as a political movement, was born in the South and West of the United States. This prairie populism allowed the People s party to score quite a few electoral victories in the 1890s. While the party s influence waned rapidly, outbursts of populism have animated the West since then. In spite of the centrality of the people and its opposition with the elite as the major definitional element that binds these various expressions of populism together, 21 st -century western populism has little in common with its late 19 th -century counterpart. The purpose of this essay is to analyze the evolution of western populism, from the People s party to the late 1970s Sagebrush Rebellion and the People for Constitutional Freedom. Attention is paid to each movement s emphasis on the people as the element at the core of their rhetoric. In addition, this study reveals how this key element has evolved throughout the 20 th century, and in what ways today s populism seeks to defend the interests of a much more limited group. Finally, a close reading of the goals and achievements of each movement offers a better understanding of this evolution from left-wing to right-wing populism. Cet article a pour but d étudier la tendance populiste qui caractérise l Ouest américain depuis la fin du XIX e siècle. Le Populisme, en tant que mouvement politique, est né dans le Sud et l Ouest des États-Unis, et son importance ne saurait être sous-estimée, eu égard aux victoires électorales remportées par le «Parti du Peuple» dans les années Bien que l influence du parti ait décliné après quelques années seulement, la région fut régulièrement le théâtre de résurgences populistes par la suite. La centralité du «peuple», de même que l opposition entre le «peuple» et l «élite», constituent les invariants de ces diverses explosions populistes. Cependant, son

92 90 expression la plus récente n a que peu de points communs avec son équivalent de la fin du XIX e siècle. Le but de cet article est d analyser l évolution du populisme tel qu il s exprime dans l Ouest américain, du «Parti du Peuple» au «Peuple pour la liberté constitutionnelle», en passant par la «Sagebrush Rebellion» de la fin des années Une attention particulière est portée à la façon dont chaque mouvement situe le «peuple» au cœur de sa rhétorique. De plus, cette étude révèle comment cet élément central a évolué tout au long du XX e siècle et de quelle manière le populisme actuel cherche à défendre les intérêts d un groupe beaucoup plus restreint. Enfin, une lecture approfondie des objectifs et de l impact de chaque mouvement permet de mieux comprendre cette évolution d un populisme de gauche vers un populisme de droite. Este artículo tiene por objetivo evaluar la tendencia populista que ha caracterizado el oeste estadounidense desde finales del siglo XIX. El populismo nació como movimiento político en el sur y el oeste de los Estados Unidos. Este populismo de pradera, le permitió al Partido Popular conseguir bastantes victorias electorales en la década de Aun cuando la influencia del partido disminuyera después de unos pocos años, resurgencias populistas no pararon de brotar en la zona desde aquel entonces. Sin embargo, a pesar de la centralidad del pueblo y de la oposición entre pueblo y élite, como elemento principal de la definición de estas diversas expresiones del populismo, dicho populismo occidental del siglo XXI tiene poco en común con su contraparte de finales del siglo XIX. El propósito de este artículo es analizar la evolución del populismo del Oeste de los Estados Unidos, desde el Partido Popular hasta el Pueblo por la Libertad Constitucional, pasando por la Sagebrush Rebellion de finales de los años setenta. El artículo enfatiza cómo cada movimiento pone el pueblo al centro de su retórica. Además, este estudio revela la evolución de este elemento esencial a lo largo del siglo XX, y cómo el populismo actual trata de defender los intereses de un grupo mucho más limitado. Finalmente, una lectura pormenorizada de los objetivos y logros de cada movimiento permite entender mejor esta evolución desde un populismo de izquierda a uno de derecha. INDEX Mots-clés: Ouest américain, Parti du Peuple, Sagebrush Rebellion, Peuple pour la liberté constitutionnelle, populisme de gauche, populisme de droite Keywords: American West, People s party, Sagebrush Rebellion, People for Constitutional Freedom, left-wing populism, right-wing populism Palabras claves: Oeste americano, Partido Popular, Sagebrush Rebellion, Pueblo por la Libertad Constitucional, populismo de izquierda, populismo de derecha AUTHOR NATHALIE MASSIP Nathalie Massip is associate professor of American studies at Université Côte d Azur. She has published on the New Western History, public history, and representations of the American West. Her research currently focuses on public land policy, as well as 21 st -century issues in land management in the American West. She has recently contributed a chapter to the book The Interior Borderlands: Regional Identity in the Midwest and Great Plains to be published by the Center for Western Studies Press. Nathalie.MASSIP@univ-cotedazur.fr

93 91 Are Trade Unions and Their Members Populist? Les syndicats et leurs membres sont-ils «populistes»? Son los sindicatos y sus miembros "populistas"? Nelson Lichtenstein 1 Early in the second decade of the 21st century, shortly after the emergence of the Tea Party phenomenon but just before the Occupy Wall Street movement, hundreds of blue-collar workers, mainly white, mainly male, mostly small-town, and all very angry, had a dramatic standoff with two of the biggest and most aggressive foreign-owned corporations on the planet. The workers were defending a multigenerational way of life that was threatened by a pair of global corporations intent on slashing wages, cutting pensions, and turning a set of skilled occupations into something far more tenuous and contingent. 2 In Longview, Washington, hundreds of workers blocked train tracks and stormed portside loading docks to keep EGT, an East Asian logistics consortium, from outsourcing their jobs to a cheaper set of workers made desperate by a Pacific Northwest economy that had bled logging, manufacturing, and transport jobs for a generation. Until the police stopped their rampage, they used baseball bats to smash windows, damage rail cars, and dump tons of grain onto the ground. More than a dozen were arrested (Greenhouse S., 2011: B2). Meanwhile in Boron, California, deep in the heart of conservative Kern County, scores of beefy miners confronted Rico Tinto, a giant British-Australian combine that was determined to slash labor costs in a small, isolated Mojave Desert town where open pit mining of Twenty Mule Team Borax fame was the only game in town. We re standing up for our community and for every working family in America, was the way most these heavy equipment operators saw their fight 1. 3 Angry white male workers fearful for their jobs; small towns turned upside down by global economic forces. Surely all this proved a breeding ground for populist resentment, xenophobic outrage, and blue-collar support for the kind of political tribune who could promise to Make America Great Again. And indeed, both of these

94 92 protests took place in red counties that would later vote heavily for Donald Trump in the 2016 elections. 2 4 But no. These blue-collar men, and a few women, were all members of the International Longshore and Warehouse Union, a West Coast labor organization that would endorse Bernie Sanders in the 2016 Democratic primaries. No reporter or pundit thought to label these strikers populist even at the very height of their confrontation with multinational capital, which took place in 2010 and 2011 when Tea Party outrage was on the upswing. They were unionists and militants who had the moral and financial support of the rest of the labor movement. They confronted a set of corporate opponents in a highly programmatic fashion. They were not alienated, but found solidarity and friendship in their struggle. 5 The same was true of the upsurges that swept several red states in 2018 when school teachers stopped work and descended upon the state capitals in West Virginia, Oklahoma, and Arizona, even as smaller protests stirred the political waters in Kentucky, North Carolina, and Colorado. While these strikes were non-violent and heavily female in composition, they were hardly genteel. Almost all were a brazen act of mass civil disobedience, because red state politicians had made such public employee work stoppages illegal (Bryant J. 2018; Blanc E., 2019). These protests, all of which demanded higher taxes on the corporations and the rich to channel more money for the public schools, were climaxed by the massive, community-backed Los Angeles teacher s strike of January 2019 which directed much anger at the billionaire philanthropists and financiers who backed an expansion of charter schools, fought unionization in public education and elsewhere, and had poured millions into California school board races to boost candidates with similar ideas (Lichtenstein N., 2018; Sonti S., 2019). 6 To call these strikers, blue-collar or white, populists is to saddle them with a label that does grave injustice. This essay argues that trade unionism in the United States constitutes a very different phenomenon from the social and political movements we today call populist. Although their demographic composition is often similar, labor organizations emphasize social solidarity, programmatic coherence, and organizational longevity. In contrast, the contemporary populist insurgencies of our era, both left and right, are far more episodic in their appearance, are composed of individuals often alienated and atomistic in their approach to politics, and leave behind few institutions capable of functioning on a permanent basis after the fervor of the campaign season fades away. 7 Contemporary confusion over the meaning of the populist idea therefore reflects a failure of analytic observation. To most pundits and politicians deployment of the term populist has become highly problematic because it has become a default phase for various forms of social or political insurgency, with an ideological content that too often lies in the eye of the beholder. As John Judis put it in a recent intervention, As with ordinary language, even more so with ordinary political language, the different people and parties called populist enjoy family resemblances of one to the other, but not a set of traits can be found exclusively in all of them (Judis J., 2016: 13-14). 8 This was not always so. In the 1890s when the Populist Party rose to prominence in the U.S., these workers, farmers, and radical intellectuals put forward a coherent and farreaching program that echoed down the 20th century decades. The Populists wanted electoral reforms to squeeze corruption out of politics, pushed for progressive taxation

95 93 of income, demanded public control of banking, railroads, and utilities, favored silver over gold in order to expand and cheapen credit, and fought for more public schools and colleges. They were not hayseeds. Nor were they remembered as such. In 1962 for example, the New York Times headlined a liberal congressional effort to defeat A.T.& T. and keep satellite communications in public hands. Space Age Populists: Senate Test Today on Satellite Bill Recalls Political Fires of the 1890s. (Philipps C., 1962). In this anti-monopoly effort, contemporary progressives saw the Populists as part of a long and respectable lineage stretching back to the Jacksonians, the Mugwumps, the Progressives, the New Dealers, and the Paul Douglas/Wayne Morse/Estes Kefauver liberals of the 1950s. 9 Populism got a sour, illiberal rewrite when postwar intellectuals like Richard Hofstadter, Seymour Martin Lipset, and Daniel Bell entered the historical and sociological fray. As part of the generation who had witnessed the rise of Stalin and Hitler, these ex-radicals thought they saw in the mass following of Joe McCarthy the kind of authoritarian mobilization that had led to catastrophe in Europe and elsewhere. Since McCarthy came from Wisconsin, and made a regular habit of denouncing Washington civil servants, liberal academics, and moderate Republicans, Hofstadter et al. explained McCarthyism as a kind of revolt against modernity, a pseudoconservatism that traced its roots back to a Populist movement seeking to recapture an agrarian and small town past forever lost in the 20th century. In this reading of their history, Populist mythology celebrated virtuous farmers at the expense of urban sophisticates, found financial conspiracies responsible for the business cycle, and traded in anti-semitic stereotypes and innuendo (Bell D., 1964; Hofstadter R., 1955, 1963). 10 But Hofstadter and the rest of the New York intellectuals were wrong about the original Populists. As early as 1963 historian Walter Nugent published a refutation, The Tolerant Populists: Kansas Populism and Nativism, an assessment sustained by scores of other historians, including Charles Postel, whose The Populist Vision won the Bancroft Prize in Meanwhile, in 1967 political scientist Michael Rogin demolished the idea of a generational or demographic linkage between the Populists, illiberal or otherwise, and the followers of Joe McCarthy. In his The Intellectuals and McCarthy: The Radical Specter, Rogin found that the McCarthyites in the 1950s Midwest were far more closely associated with traditional Republican conservatism than with any authoritarianism arising out of plebian angst (Nugent W., 1963; Postel C., 2007; Rogin M., 1967). 11 But none of this scholarship could dent the evocative framing that took hold in the 1960s and after. The actual Populists of the 1890s, with their well-defined program, their own political party, their affinity for organized labor, and their rootedness in clearly-defined communities, has been forgotten except by academic specialists. Instead, the word populist, following from the work of Bell, Lipset, and Hofstadter, has been applied toward those movements that have arisen as an unstable, often irrational hostility toward an ill-defined elite. George Wallace seemed an early embodiment of the kind of demagogic candidates for high office who took advantage of this strain in American politics (Kazin M., 1995 : ). Over the next half century the populist moniker became a shape shifting category, often an explanatory phrase deployed by journalists to describe the appeal and the following of almost any rightwing politician defaming liberal elites, but also applied at various times to those on the left who

96 94 supported Jimmy Carter, Jim Hightower, Jerry Brown, and Howard Dean. And the Texas billionaire Ross Perot had the populist label applied to him as well (Denison D., 1992). 12 To the extent that there is a cultural or educational elite, populists resent them; indeed, all those of a cosmopolitan, bi-coastal outlook, notwithstanding the many conservatives who also fill this sociocultural niche. But even more important than the cultural posture or economic program held by those labeled contemporary populists, is another feature of their politics: the atomization and anti-institutionalism of their struggle, a condition that sometimes applies as much to those on the left as on the right. Almost by definition, populists are unorganized in any meaningful sense. They do not function through and with an institution, except perhaps via intense engagement in partisan politics at the height of the campaign season. Mass rallies offer an emotive substitute for substantive political organization and engagement. This kind of populism is therefore the label attached to protest sentiment unmoored by institutional loyalties (Goldberg J., 2015; Bonikowski B., and Gidron N., 2016). And such populism is by common if unstated agreement, exclusively white. Thus, on the left, neither Black Lives Matter nor the Latino protests of a few years ago, A Day Without Immigrants are thought to be populist, while Occupy Wall Street and the Bernie Sanders campaign, both predominately white, are offered this label. On the Right, virtually all political activity is white. But significantly, neither the hyper-organized National Rifle Association, nor the equally well-structured Focus on the Family and the more politically active evangelical churches are normally - or rightfully - thought to be populist. 13 Jan-Werner Muller, one of the foremost students of modern populism, argues that a criticism of elites, global or local, is not the defining feature of the populism that has swept Europe and North America in recent years. Such a critique has been part of democratic discourse for centuries. Rather Muller argues, populists are distinctive and dangerous because the crucial feature of modern populism is that those who see themselves as part of this movement claim that they and only they represent the real people, aka the silent majority, or a volk whose authenticity is defined in barely veiled racial or ethnic terms. What matters about populism is its moralistic antipluralism, writes Muller, because such a posture excludes from the definition of the real people a set of marginalized others toward which anger and distain are directed (Muller J.-W., 2018 : ). To Muller populists portray their political competitors as part of the immoral, corrupt elite, which he claims is another way of saying that populism is always a form of identity politics (Muller J.-W., 2017: 3). 14 Muller, who has long focused his scholarship on central Europe, is properly sensitive to the authoritarian and anti-democratic character of a mass movement that seeks to demonize its opponents. Such hostility to political and cultural pluralism has generated historical catastrophes well known to the 20th century. But anti-elitism does not have to be culturally or ideologically authoritarian nor does identity politics always have negative consequences. Socialism s animating character, likewise that of militant trade unionism, has been the identification of and contestation with an economic and political elite whose immorality is juxtaposed to that of the virtuous and industrious mass below. As one stanza of Solidarity Forever, the union anthem puts it: 15 All the world that's owned by idle drones is ours and ours alone. We have laid the wide foundations; built it skyward stone by stone.

97 95 It is ours, not to slave in, but to master and to own. While the union makes us strong The key issue here is not labor s moralism, but rather its organizational form and ethos. It is the union, not the charismatic leader, that makes us strong. And despite the routine demagoguery that labels trade union leaders as bosses, the fact is that unions are one of the more democratic institutions in American society, certainly more so than the modern political campaign, which has become a form of entrepreneurial selfadvancement, displacing the political party, and then dismantling itself immediately after an election once its capacity to generate money, mobilize partisans, and evoke the imagery of a social movement is no longer needed. Indeed, this was the fate of two of the most inspiring and successful campaigns of recent years. Despite all the plans and determination to build a post-election infrastructure, neither the campaigns of Obama in 2008 nor Sanders in 2016 were able to sustain much of an organization independent of the candidate and viable in its own right (Brown D., 2012: 16; Dovere E.-I, 2018). 17 With all this in mind, let s return to those labor protests for a moment. At Longview and Boron, the striking workers were organized, not merely in a legal or economic sense, but on a trajectory that extended from the social and ideological to the profoundly emotive and personal. Although in each case a powerful corporation was the aggressor, the workers were not mere victims, but combatants, empowered by their friendships, their local union, the larger ILWU, and supporters across the country and even abroad. Rico Tinto locked out hundreds of these unionists and replaced them with others, often less skilled, who were glad to find almost any job. But unlike so many others, then and now, who found their jobs stolen or abolished by global production shifts, these Boron workers were not alone. They had prepared for the lockout in a collective fashion, with meetings, strategy sessions, and on-the-job slowdowns and stoppages. The ILWU sent in food caravans, organized demonstrations, and enlisted friendly politicians to put pressure on Rico Tinto. They attended rallies in which prominent labor leaders attacked the global elite, but these workers could also speak for themselves. Their fight was in the news on almost a daily basis and they had their own trusted spokesmen and women who put forth an ideologically and political coherent defense of their cause (Olney P., 2011). 18 At Boron the ILWU won, maintaining key seniority rights, wage standards, and union strength; at Longview the union reached a far less satisfactory agreement. But regardless of the outcome, we can see why populist would indeed serve as such a poor label if applied to their struggle. Many of the workers, especially in heavily Mormon Boron, were Republicans, later Trump Republicans, 4 but their anti-corporate fight was of a far more concrete, programmatic, and efficacious sort than that rhetorically offered by the politicians labeled populist during the 2016 campaign season. 19 This same dichotomy would appear during the teacher strikes of 2018 and Liberal politicians of every sort, including presidential aspirants Bernie Sanders, Elizabeth Warren, and Kamala Harris, and leading Congressional liberals Alexandria Ocasio- Cortez, Ted Lieu, and Adam Schiff rushed to offer support, but while these officeholders are sometimes labeled populists or their programs populist, few pundits or journalists made the mistake of labelling the school teachers themselves populists. 5 Their movement was too programmatic, too rooted in community, and too genuinely democratic for that label to apply. 6

98 96 20 This distinction between populism and the union impulse can also be found in American journalism. Although causality cannot be proved, the deployment of the words organized labor and populism in print media usage has been inversely linked during the last hundred and fifty years. In The New York Times, for example, reporters rarely used the word populist or populism during the era, 1910 through 1970, when the trade union idea was ascendant or when those institutions wielded great economic power. But as the unions declined and ceased to poise even much of a verbal challenge to existing corporate or governmental elites, populism rose to prominence as a descriptive label for working class or insurgent sentiment. By the year 2015 the word populism was used twice as much as the phrase organized labor, an absolute reversal of the relationship 30 and more years before Although a world of political, cultural, and moral difference divided Donald Trump and his supporters from the movement engendered by Bernie Sanders, the two did have this in common: during the 2016 campaign season both appealed to an alienated mass of white men and women who had little direct contact with organized politics or selfconscious interest groups. In both instances the enemy was a distant elite, in one instance the billionaire class, in another craven Washington politicians or foreign trading powers. Trump s dystopian and conspiratorial world view, as well as that of his supporters, has been much debated, but for the purposes of this essay, an examination of left-wing populism might well be more important. 22 The 21st century populist revival tracks well to the right, but there are leftwing variants as well, in the U.S. most notably Occupy Wall Street and the 2016 Bernie Sanders campaign. Both are properly labeled populist. The Sanders achievement was remarkable, perhaps even unprecedented in American presidential politics. Starting as a mere protest candidate, the Sanders candidacy quickly transcended the marginality into which it had been cast by all credentialed observers. Not only did he best the Clinton establishment machine in 22 states and win just over 45% of all Democratic Party primary votes cast in the Winter and Spring of 2016, but Sanders won more support than Clinton from down scale Democrats, an especially amazing development when one considers that most African-Americans, who broke decisively for Clinton, have incomes lower than the norm among Democratic Primary voters. His voters were also of a lower income than those of Trump (Silver N., 2016). Unlike the higher income, white liberal wine track insurgents like Howard Dean in 2004, Bill Bradley in 2000, Edward Kennedy in 1980, and even Barack Obama in 2008, Sanders captured, on a decidedly leftwing program, more white working-class votes than the woman who had long been anointed by virtually every Democratic Party leader and institution as their presumptive presidential candidate. His campaign built a mass constituency, pushed Hillary Clinton to the left, and energized a new generation of young voters. 23 But what was the content of his program and did it have a populist appeal? Sanders called himself a socialist and argued for a political revolution. The fact that millions of people were willing to vote for a self-described socialist generations after Eugene V. Debs and Norman Thomas campaigned for the presidency is a remarkable testimony to the fading away of an older, Cold War inspired, taboo. And the deployment of the phrase political revolution, offers a bracing contrast to Barrack Obama s flaccid invocation of the word change in the 2008 campaign. But regardless of such linguistic labeling, what in fact was the political content of this Sanders populism?

99 97 24 Bernie Sanders has, of course, identified himself as a democratic socialist for decades, and so too do many of those who have become his partisans in recent years. But such a label does not necessarily tell us all that much about the actual content of his politics or the structure of his movement. The meaning of the word socialism has morphed and evolved in countless ways during the last century, so it would be churlish to measure Sanders against an abstract and a-historical standard and thereby declare his program timid and misplaced. But compared to the old 1890s Populists, Sanders is not all that much of a radical. He favors a more progressive income tax, a $15 minimum wage, and a restoration of the Glass-Steagall Act which proscribed putting under the same roof investment and commercial banking. He does not favor nationalization of the banks or utilities, which was central to the Populist Omaha Platform of One of the most notable characteristics of the Sanders campaign, in 2016 and 2020, has been its capacity to generate huge amounts of money from hundreds of thousands of contributors who offer small-dollar donations. And many of these partisans have joined house parties and other organizations, including the rapidly expanding Democratic Socialists of America, to build something approaching a permanent fraction within the larger Democratic Party. But the extent to which such a quasi-organization will outlive the campaign is problematic. Sanders post-2016 political organization, Our Revolution, proved anemic, likewise other efforts to institutionalize the energy engendered by the Sanders electoral effort (Dovere E-I, 2018; Jones S., 2018). In this respect the Sanders campaign resembles less the Populist Party of the 1890s or the Socialist Party a decade later, than the episodic and impermeant populist insurgencies of more recent decades. 26 And then there is the Sanders analysis of the problem facing contemporary America, a viewpoint not only now virtually universal on the liberal/left but shared by some rightwing populists as well. This is economic inequality as the root cause of our difficulties, an outlook ratified in the most rigorous fashion by Thomas Pikertty s multi-century study, Capital in the Twenty-First Century. This attack on wealth and income inequality has a specific phrasing: it is the 1% versus the rest of us, the 99%, a dichotomy first made potent by the Occupy Wall Street protests of 2011 and Sanders supported those occupations of urban parks, university campuses, and other public spaces; and many Occupiers were among the first volunteers joining the Sanders campaign for the Democratic Party nomination. Indeed, it is a tribute to the programmatic coherence of his campaign, in stark and salutary contrast to the studied refusal of the Occupiers to prioritize or even enunciate their politico-economic demands, that explains some of the great success enjoyed by Sanders in the first half of As Sanders put it in a June 2016 Boston Globe OP-ED, Today, 99 percent of all new income is going to the top 1 percent, while the top one-tenth of 1 percent own almost as much wealth as the bottom 90 percent. It is time to say loudly and clearly that corporate greed and the war against the American middle class must end. Enough is enough! To ameliorate such inequality, Sanders would tax the rich, curb Citizens United, which allowed the wealthy to make unlimited and anonymous campaign contributions, break up the big banks, and double the minimum wage to $15 an hour. 28 Unfortunately, the We are the 99%! rally cry obscures and confuses far more than it illuminates. It offers an ineffectual strategy for building the kind of movement that Sanders and his supporters hope to construct. Discourse centering upon the 99% has far more of a populist than a social democratic or trade union flavor. The problem is threefold: first, who are the 99% and are they likely to have anything in common with

100 98 each other? Individuals making less than $480,930 in 2016 were part of the 99% and so too are those on food stamps. 8 They don t have much in common; indeed, their interests are likely to be in opposition. Nor does it help all that much to conflate the 99% with the middle class whose upper reaches would thereby extend well into the ranks of elite professionals and various managers. To champion the 99% is to seek agency where none can be found. This is not a social category that can be mobilized. It is a statistical construct. One does not have to be a Marxist to recognize that class is not defined by income, consumption, or even education, but by the power and autonomy or the lack thereof which people who sell their labor for their wages experience in daily life. Most members of what we, today, call the middle class do that as well. 29 Second, when we focus on this overbroad definition of a middle class as an object of concern, we are necessarily marginalizing, neglecting, and denigrating those who fall below it: those out of the workforce, those chronically unemployed, those on welfare, those whose aspirations are not middle class at all. As Michael Zweig has pointed out in The Working Class Majority: America s Best Kept Secret, when the working class disappears into an amorphous middle class, the working poor a mere forty-six million strong drops out of the picture. From Nixon to Trump, the American right has championed the middle class, often given a political twist by labeling it the silent majority or the moral majority precisely in order to denigrate low-income people of color and their liberal or radical partisans. Should the left be doing this as well? (Zweig M., 2000) And finally, it is important to understand what is wrong with a simple demonization of the 1%. That is a politically imprecise category as well. Most in that 1% may be politically conservative and economically self-serving, while a prominent minority are civic-minded liberals. But that is beside the point: the political significance of the 1% - or as Paul Krugman and others point out, the.01% - is that these people comprise an active group of capitalists whose overweening power over central economic and political institutions is both the cause of our difficulties and the proper target of all those who work for them, either directly in the corporations they control or in a public sector starved by virtue of the political and financial power wielded by that same elite stratum (Krugman P., 2019, A24). Taxing away their income by half would certainly free up money for schools, infrastructure, health care and the like, but it would do little to limit their power. 31 During the Great Depression, income inequality reached record lows, if only because the value of the stocks and real estate held by the 1% of that era declined in precipitous fashion. But we do not remember the New Deal for that. Instead, the Roosevelt Administration and the social movements that sustained it remain a hallmark of progressive statecraft because it helped shift the structure of social and economic power. In the 1930s FDR gave many speeches that today we might easily label as populist. In his famous address to the 1936 Democratic convention, for example, Roosevelt denounced the economic royalists who had carved new dynasties based upon their command of the giant corporations and powerful banks that emerged in the 20th century. He denounced the privileged princes of these new economic dynasties, thirsting for power, (who) reached out for control over Government itself. They created a new despotism and wrapped it in the robes of legal sanction Roosevelt would moderate this rhetoric during World War II, and his heirs, like Truman, Stevenson, Kennedy and Johnson, never offered such red meat to the

101 99 Democratic Party base. But FDR s populism and no observer then or later would ever think of labeling his rhetoric with that word - had a multigenerational longevity because it was backstopped, not only by new governmental laws and regulations, such as the Securities and Exchange Commission or the Fair Labor Standards Act, but by the creation of institutions, most notably the powerful industrial unions, which organized millions of employees who worked for corporations that stood at the commanding heights of the national economy. These unions were mobilizing institutions whose very existence was predicated upon a constant battle to limit the prerogatives of capital and enhance the living standards of all those who exchanged labor for bread and shelter. Thus, was populist rhetoric transformed into a social democratic political culture. 33 Some old ideas remain valid and potent. For two centuries the rise of an organized working class in the West has coincided with the advance of a democratic polity. Conversely, the demise of contemporary U.S. unionism it now stands at about six percent in the private sector means that not only is it much more difficult to raise living standards, but that politics moves in an oligarchic and rightwing direction. The industrial Midwest has swung toward the GOP during the last several years not because there is anything inherently rightwing about a population that is more white, blue collar, and high school educated than in other states, but because the humbling of the union movement in Michigan, Ohio, Indiana, Iowa, Wisconsin and West Virginia has gravely weakened a set of institutions that sustained Democratic Party strength and social democratic values. In their place the door opens wide to resentment, resignation, and atavistic, and authoritarian political leadership. 34 Thus, we have witnessed the dramatic transformation of West Virginia from a bulwark of Rooseveltian liberalism and working-class militancy to a right-to-work state of ruby red coloration. This shift was closely linked not just to the demise of its historic industries, but to the pulverization of a unionized workforce schooled by home grown leaders seeking collective solutions to pressing social and economic problems. Union density in West Virginia declined from above 30 percent in the early 1980s to about 12 percent today, one of the sharpest drops of any state. Unemployment in the state remains generally higher than the national average, but the larger problem is the substitution of low-wage, non-union service sector jobs for those of a much higherpaying and dignified character. Mining and manufacturing employment dropped precipitously from the late 1980s until today, while retail and service sector jobs offered a statistical, if not a substantive, replacement. Walmart, for example, is the state s largest private sector employer, with almost 12,500 workers, about the same as all the coal companies combined (American Friends Service Committee, 2013) But it is not just a question of low wages. In his important book, What Unions No Longer Do, Jake Rosenfeld makes the case that the decline of unionism is responsible for about one third of the overall increase in U.S. wage inequality among men and about one fifth among women. But even more important, the near absence of unionism among workers who stand in the bottom half of the private sector workforce has proven disastrous for political participation within this stratum (Rosenfeld J., 2014). Union members are at least 20 percent more likely to vote in presidential elections than nonmembers and they are 43 percent more likely to volunteer in such a campaign. Other studies have shown that if all other variables are held constant, a unionized worker is about 15 percent more likely to vote Democratic than one not in a union. And as Judith Stein pointed out just before the 2016 election, there are just two places

102 100 where working class people, regardless of race, can get leadership skills in America: the union and the church (Stein J., 2016). Both privilege loyalty, self-education, and organic leadership over formal credentials earned elsewhere. The latter flourishes and tilts right, certainly in its evangelical, mega-church version. The unions are having a harder time, if only because their very existence is demonized and resisted by a huge majority of all employers, both public as well as private. 36 Policy initiatives like the Fight for $15 that seek to raise wages and thereby reduce income inequality are a good thing and widely popular in the contemporary U.S. But such otherwise salutary campaigns for an improvement of U.S. labor standards which include sick leave, regular shifts, overtime pay, increases in the minimum wage often implemented through referenda, executive orders, and new ordnances and legislation are not a substitute for the revival of trade unionism. Without a revival of this bedrock working-class institution, redistributive tax policy and progressive welfare programs will always remain on shaky ground. 37 Trade unions crystalize and institutionalize working-class sentiment and militancy. Consciousness is episodic, public opinion and political commitments come and go, so without an organization that includes a paid staff, recognized leadership, and steady income, employers and their political allies know that they just have to wait a few years for the energy and commitment of a movement like The Fight for $15 to drain away, after which inflation, technological change, and shifting consumption patterns will all erode these social movement achievements. Conversely, the existence of a union, in virtually any form or coloration, constitutes an institutional expression of the elevated consciousness of those who in a moment of engagement actually mobilized their workmates and built an organization to permanently represent that new ideological and social understanding. Member dues pay for a staff whose task it is to continually mobilize the membership, recruit new ones, and confront employer and state opponents. If this appears to be an argument for bureaucracy and against spontaneity, populist or otherwise, the reader is correct In the absence of a union revival or really of any kind of progressive organization or party that gives coherence to working-class fears and aspirations we are condemned to watch populist history repeat itself. On the left, tribunes like Sanders, and before him John Edwards, Howard Dean, Ralph Nader, and Jesse Jackson will come and go. Meanwhile, on the right, populism of a far more retrograde sort makes steady headway within an unorganized and increasingly alienated white working-class that in better days gave its allegiance to a New Deal liberalism that stretched well into the postwar era. These populisms, both on the left and the right, flourish in an episodic fashion today because they are neither true protest movements, like that of civil rights and feminism in their heyday, nor based upon political and social institutions that can exist independent of the feverish campaign season. Not surprisingly, when unions and union-oriented Democrats were stronger in America, such populist impulses found little purchase within the body politic. Should the labor movement stir again, inspiring and channeling the social energy and anti-elite grievance so prevalent in our time, such populisms will rapidly fade, and a good thing too.

103 101 BIBLIOGRAPHY American Friends Service Committee, The State of Working West Virginia: from Weirton Steel to Wal-Mart, Charlestown, West Virginia, Center on Budget and Policy, Bell, Daniel, ed., The Radical Right: The New American Right Expanded and Updated, New York: Anchor Books, Blanc, Eric, Red State Revolt: The Teachers Strike Wave and Working-Class Politics, New York: Verso, Bonikowski, Bert, and Noam Gidron, Trump and Sanders aren t Blazing New Trails. Populist h as Run Through U.S. Politics for a Very Long Time, Washington Post, April 25, Brown, David W., Obama s Missed Opportunities with Organizing for America, Washington Post, April 5, Bryant, Jeff, West Virginia Teachers Tell Us Why Public Schools and Unions Matter, Commondreams.org, March 11, Denison, Dave, Perot: New Style Populist? Baltimore Sun, June 28, Dovere, Edward Isaac, Bernie s Army in Disarray, Politico, May 21, Goldberg, Jonah, Trump and Sanders Break the Mold for Populist Politicians, National Review, December 30, Greenhouse, Steven, Union Dispute, Turning Violent, Spreads and Idles Ports, New York Times, September 9, 2011, B2. Hofstadter, Richard, The Age of Reform, New York, Random House, Hofstadter, Richard, Anti-Intellectualism in American Life, New York: Random House, Judis, John, The Populist Explosion: How the Great Recession Transformed American and European Politics, New York: Columbia Global Reports, Kazin, Michael, The Populist Persuasion: An American History, New York: Basic Books, Krugman, Paul, Bernie Sanders and the Myth of the 1 Percent, The New York Times, April 18, 2019, A 24. Jones, Sarah, Is It Time for Change at Our Revolution? The New Republic on-line, 22 mai Lichtenstein, Nelson, West Virginia Teachers Tell Us Why Public Schools and Unions Matter, Commondreams.org, March 11, Muller, Jan-Werner, How Can Populism Be Defeated? in Michael Ignatieff and Stefan Roch, dirs., Rethinking Open Society, Budapest, Central European University Press, Muller, Jan-Werner, What is Populism? New York, Random House, Muncy, Robyn, The Strange Career of the Working Class in US Political Culture since the 1950s, LABOR: Studies in Working-Class History, vol. 15, n 4 Decembre 2018 Nugent, Walter T.K., The Tolerant Populists: Kansas Populism and Nativism, Chicago, University of Chicago Press, Olney, Peter, Battle in the Mojave: Lessons from the Rio Tinto Lockout, New Labor Forum, 4 Mars 2011.

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105 103 ABSTRACTS If in contemporary parlance populism stands for a social or political movement embodying otherwise unorganized and atomized anti-elite sentiment, then trade unionism is not populist. Labor organizations are anti-elitist, but they have a concrete program, a sense of social solidarity, a reasonably democratic leadership structure, and the capacity to exist once the fever or the election season has passed. Little of this is true of political campaigns and social insurgencies, including those of Bernie Sanders and Donald Trump, which have played such a prominent role in recent American life. A survey of some recent U.S. strikes, including those of blue-collar whites in heavy industry and white-collar teachers of multicultural hue, demonstrates the validity of this thesis. Si, dans le langage contemporain, le «populisme» représente un mouvement social ou politique qui incarne un sentiment anti-élite non organisé et atomisé, alors le syndicalisme n'est pas populiste. Les organisations syndicales sont anti-élitistes, mais elles ont un programme concret, un sens de la solidarité sociale, une structure de leadership raisonnablement démocratique et la capacité d'exister une fois la fièvre ou la saison électorale passée. Cela ne vaut guère pour les campagnes politiques et les insurrections sociales, y compris celles de Bernie Sanders et de Donald Trump, qui ont joué un rôle si important dans la vie américaine récente. Un survol de certaines grèves récentes aux États-Unis, y compris celles des cols bleus de l'industrie lourde et des enseignants cols blancs de couleur multiculturelle, démontre la validité de cette thèse. Si en el lenguaje contemporáneo el "populismo" representa un movimiento social o político que encarna un sentimiento antielite no organizado y atomizado, entonces el sindicalismo no es populista. Las organizaciones sindicales son antielitistas, pero tienen un programa concreto, un sentido de solidaridad social, una estructura de liderazgo razonablemente democrática y la capacidad de existir una vez que haya pasado la fiebre o la temporada electoral. Poco de esto se aplica a las campañas políticas y a las insurgencias sociales, incluidas las de Bernie Sanders y Donald Trump, que han desempeñado un papel tan prominente en la vida estadounidense reciente. Una encuesta de algunas huelgas recientes en Estados Unidos, incluyendo las de los blancos obreros en la industria pesada y las de los maestros obreros de tono multicultural, demuestra la validez de esta tesis. INDEX Palabras claves: populismo, trabajo, huelgas, sindicatos, Sanders, Trump Keywords: populism, labor, strikes, unions, Sanders, Trump Mots-clés: populisme, travail, grèves, syndicats, Sanders, Trump AUTHOR NELSON LICHTENSTEIN Nelson Lichtenstein is Distinguished Professor of History at the University of California, Santa Barbara where he directs the Center for the Study of Work, Labor, and Democracy. He is the author, most recently, of A Contest of Ideas: Capital, Politics, and Labor (2013); The Retail Revolution: How Wal-Mart Created a Brave New World of Business (2010); and the co-editor of The Right and Labor

106 104 in America: Politics, Ideology, and Imagination (2015); and Beyond the New Deal Order (2019). His is

107 105 Du populisme «par le haut» au populisme «par le bas». Les apports d une enquête de terrain à la redéfinition d un concept flou From populism from above to populism from below. An empirical contribution to a new analysis of an all-embracing a vague concept Del populismo «por arriba» al populismo «por debajo». Los aportes de un trabajo de campo a la redefinición de un concepto frágil Federico Tarragoni Du populisme «par le haut» au populisme «par le bas». Les apports d une enquête de terrain à la redéfinition d un concept flou 1 La science politique le reconnaît depuis un demi-siècle : le concept de populisme est problématique (Gellner E. et Ionescu G., 1969 ; Canovan M., 1981 ; Dézé A., 2004). Utilisé comme une insulte, souvent confondu avec la démagogie, il est aujourd hui employé comme un terme fourre-tout permettant de désigner des mouvements d extrême gauche et d extrême droite, aux histoires et aux idéologies difficilement comparables. Les sciences sociales sont désormais face à un choix cornélien : se débarrasser de ce concept plus normatif que positif (Tarragoni F., 2013a), ou le redéfinir drastiquement afin d en restreindre l usage à quelques cas sociologiquement pertinents. Parmi eux, l Amérique latine occupe une place absolument centrale. Si quelque part on peut trouver une définition idéale-typique du populisme, c est dans l histoire latinoaméricaine qu il faut la chercher. Cela pour la simple et bonne raison que ce n est qu en Amérique latine que le populisme est parvenu au pouvoir et que, entre le XX e et le XXI e siècle, il a donné lieu à une tradition politique singulière. Le populisme latino-

108 106 américain n est pas une variante exceptionnelle du phénomène, comme on l a longtemps cru en en faisant le «merle blanc» de la tradition populiste mondiale (Quattrocchi- Woisson D., 1997, ). Il est, avec le narodnischestvo russe ( ) et le People s Party étatsunien ( ), le seul populisme qu on puisse vraiment désigner comme tel. 2 Une telle proposition pourrait paraître incongrue à certains, vu que, depuis trente ans, nous avons contracté la fâcheuse habitude de voir dans les partis ultranationalistes et xénophobes à l échelle du monde, les étendards du nouveau populisme planétaire. Qu est-ce que ce défilé inépuisable de démagogues aux tendances autoritaires, chassant partout les minorités - ethniques, culturelles, sexuelles, a toutefois à voir avec les narodniki, le People s Party ou la tradition populiste latino-américaine? En réalité pas grand-chose, si ce n est la permanence historique de l opposition discursive «peuple vs élite», censée avoir été «relue» dans les termes «nation vs étranger» (Hermet G., 2001 ; Taguieff P.-A., 2007). 3 Une telle permanence, à elle seule, ne saurait légitimer la comparaison. Une partie de la science politique contemporaine a de facto confondu, et continue toujours de confondre nationalisme et populisme (Villacañas Berlanga J., 2017, 21-24). L extrême diversité des projets politiques, anciens et actuels, réunis sous l étiquette de «populisme», est si frappante que certains politistes n hésitent pas aujourd hui à invalider la comparaison. Mais ils le font, pour ainsi dire, «à rebours». Au lieu de penser le populisme à partir de ses manifestations «sûres» - celles du passé sur lesquelles nous avons une ample documentation historique -, ils font exactement l inverse : ils soustraient le populisme à toute historicité. Prenons Jan-Werner Müller, auteur de Qu est-ce que le populisme? Définir enfin la menace : «un certain nombre de mouvements du passé, écrit-il, qui sont toujours présentés comme "populistes" ne l étaient pas, pour l essentiel, selon l acception que je propose ici. [ ] Il faut donc tout d abord nettoyer le concept de populisme des significations qu il a fréquemment revêtues dans l histoire sociale. [ ] Une fois ce concept nettoyé des significations qu il a pu revêtir dans le passé, il apparaît que le populisme représente un danger spécifique, inhérent à la démocratie représentative moderne» (Müller J.-W., 2018, 32-34). Une telle méthode semble toutefois aux antipodes des sciences sociales : comment analyser un phénomène politique sans prendre en compte son historicité? Ce «nettoyage» des «significations de l histoire sociale» ne relève-t-il pas, tout simplement, de l amnésie et du présentisme? 4 C est pourquoi, lorsqu on cherche à comprendre ce qu est le populisme, le recours à l Amérique latine est fondamental. Si celle-ci fut, avec la Russie et les États-Unis, une terre d élection du populisme le «vrai», pas celui «en pacotille» de nos leaders xénophobes c est que la différence avec le nationalisme identitaire y fut très claire. Les oppositions «peuple vs élite» et «nation vs étranger» ne furent guère interchangeables. Entre les années 1930 et 1960, les populismes «classiques» - dont le péronisme argentin est la matrice -, donnent de la nation une définition plébéienne et anti-impérialiste. Comme le répétaient à l envie les militants péronistes, le combat de l «Argentin» était assimilé à celui de toutes les nations opprimées par l «Empire» - les puissances coloniales puis néocoloniales 1. La marque du populisme en Amérique latine n a jamais été l ultranationalisme xénophobe que ses théoriciens contemporains lui reprochent. C était, et c est encore un projet de démocratisation de républiques libérales caractérisées par de forts dualismes sociaux (Touraine A., 1988). Voici le projet politique commun à l yrigoyenismo (du nom du président Yrigoyen) puis au péronisme

109 107 argentin, au cardénisme mexicain (du nom du président Cárdenas), au gétulisme brésilien (du nom du président Getúlio Vargas), au movimientismo bolivien (du nom du parti «Movimiento Nacional Revolucionario»), au velasquisme équatorien (du nom du président Velasco Ibarra) et péruvien (du nom du président Velasco Alvarado), à l adécisme vénézuélien (du nom du parti Acción democrática), au gaitanisme colombien (du nom du leader assassiné Gaitán), à l ibañismo chilien (du nom du président Ibáñez del Campo), à l aprisme péruvien (du nom du parti APRA). 5 Ces différentes expériences politiques sont qualifiées dans l histoire latino-américaine comme autant d «ismes», car elles ne résument pas à des partis ou à des personnalités politiques marquantes. Elles singularisent l histoire politique de leurs pays respectifs et du sous-continent en général : les gouvernements auxquels la majorité d entre elles ont donné lieu, ont tous cherché à démocratiser des républiques libérales - oligarchiques, inégalitaires et corrompues. Comment? En élargissant le suffrage démocratique, tout d abord : il suffit de penser à l élection au suffrage universel de Vargas, Perón, Velasco Ibarra et Ibáñez del Campo ; en créant, ensuite, les conditions économiques d une véritable autonomie par rapport aux ingérences néocoloniales, grâce à la nationalisation des ressources stratégiques et/ou à l industrialisation substitutive des importations ; en mettant en place, enfin, un système de sécurité et de protection sociale, fondé sur des droits collectifs pour les travailleurs. 6 Ce populisme classique est mort avec les dictatures militaires des années 1970, puis il a été définitivement enterré, en tant que projet politique, par le néolibéralisme des années Mais il a connu un «revival» au début des années 2000, dans une partie dudit «tournant à gauche» latino-américain : les gouvernements d Hugo Chávez au Venezuela, d Evo Morales en Bolivie et de Rafael Correa en Équateur. De ces trois expériences, celle du Venezuela est sans doute la plus emblématique. Elle a assumé, au XXI e siècle, le même rôle de modèle que le péronisme au XX e. Elle a incarné la réinvention idéologique et programmatique du populisme latino-américain. Or, tout comme le projet démocratique péroniste fut fragilisé, avant d être liquidé manu militari par la Junta, par l autoritarisme croissant de Perón lui-même, le projet démocratique chaviste a été affaibli par les «néo-bolivariens» au pouvoir. Après le passage au «socialisme du XXI e siècle» (2005) et, surtout, lors de la transition de Chávez à Maduro (2013), le régime bolivarien a entamé un virage décidément autoritaire. La polarisation interne entre «peuple» et «élite» s est transformée en guerre civile larvée dont le dernier épisode, le plus inquiétant, sonne le glas de la dissolution de l État démocratique. Avec l autoproclamation de Juan Guaidó comme président par intérim du pays, dans un contexte de crise socio-économique sans précédents dans le pays, on assiste de facto à une déconnexion des pouvoirs démocratiques - exécutif, législatif, judiciaire et militaire -, et à leur mise en tension réciproque. La révolution bolivarienne, qui avait eu une portée radicalement démocratique pour les classes populaires tout au long de la première décennie du XXI e siècle, est désormais morte institutionnellement. 7 Institutionnellement, j insiste. Le populisme au pouvoir croule sous l effet de ses nombreuses contradictions, économiques et politiques. Mais rien ne nous assure que ses effets radicalement démocratiques sur les classes populaires disparaissent avec lui. Lorsque j ai mené mon enquête ethnographique, entre 2007 et 2011, je m attendais déjà à trouver dans le bastion électoral du chavisme ces mêmes contradictions qui guettaient le populisme au pouvoir : la polarisation, la quête permanente de l ennemi,

110 108 la banalisation de la violence politique, la réduction de certaines libertés démocratiques. Ce que j ai trouvé démentait largement mes hypothèses : des habitants des quartiers populaires (barrios) faisant, souvent pour la première fois de leur vie, l apprentissage d une démocratie radicale, d une démocratie fondée sur l égalité des capacités, des compétences et des droits. Des individus qui luttaient pour se faire reconnaître comme citoyens actifs, qui lisaient et apprenaient par cœur la constitution, qui débattaient passionnément dans leurs assemblées de quartier, qui se sentaient enfin dignes, visibles et écoutés. Les destinataires de l appel populiste étaient restés, au fond, bien plus fidèles au projet démocratique des débuts que les institutions qui parlaient en leur nom. Le populisme «par le haut» divergeait du populisme «par le bas». Les évolutions institutionnelles du populisme au pouvoir étaient (au moins partiellement) déconnectées de celles, politiques, du populisme dans les quartiers populaires, chez les sujets auxquels le populisme gouvernemental s adressait. 8 Mon étonnement avait été fort. Il n a pas cessé de me travailler par la suite, et ce n est qu aujourd hui, lorsque j en fais la base d une nouvelle théorie du populisme, que j y réponds pleinement. Ce n est pas cette théorie que je présenterai ici : je me limiterai à reprendre le matériau empirique de cette époque - les observations et les entretiens -, qui avait suscité mon doute méthodique 2. Ce matériau montre clairement que, en analysant le populisme comme le projet politique d un État ou d un parti au pouvoir, les sciences sociales latino-américaines n en ont vu qu une face. Cette face est bien connue aujourd hui : le populisme a été en Amérique latine le moteur d une réorganisation structurelle de la société «par le haut», par l État ou le parti au pouvoir, dans le sens d une démocratisation sociale (di Tella T., 1965 ; Germani G., 1978 ; Touraine A., 1988). La sociologie a appelé cette réorganisation structurelle «intervention nationalepopulaire». Mais ce n est là qu une face de la médaille. Le populisme a été, et continue d être aussi un phénomène micro-politique, qui affecte le vécu des bénéficiaires du discours étatique et des politiques publiques : ces subalternes qui constituent le «peuple» du populisme au pouvoir. Le populisme n a pas seulement un «haut», il a aussi un «bas». À l instar de l histoire «from below» d Edward P. Thompson, il ne faut pas entendre ce «bas» comme l ensemble des effets sociaux du populisme en milieu populaire : autrement dit, le populisme tel qu il agit «en bas». C est surtout le populisme «vu d en bas» : autrement dit la traduction de la politique populiste dans les catégories de l expérience populaire. Les Conseils communaux vénézuéliens comme institutions du «populisme par le bas» 9 Si l institution par excellence du péronisme «par le bas» fut le syndicat ouvrier, association de travailleurs, habitants et sujets politiques à la fois (Acha O., 2004 ; Martuccelli D. et Svampa M., 1997), celle du populisme vénézuélien a été sans doute le Conseil communal (CC). Créé par le gouvernement bolivarien entre 2002 et 2006, puis réformé en 2009, ce comité local de planification publique s est moulé sur les anciennes «organisations communautaires de base» : des organisations de quartier qui avaient lutté dans les années 1980 pour des besoins sociaux fondamentaux, comme l eau, l assainissement ou l électricité (Tarragoni F., 2012). Le CC se situait ainsi à mi-chemin entre organisation étatique et organisation populaire : c était ce statut hybride qui en faisait le réceptacle idéal du populisme au pouvoir, mais également le lieu de traduction

111 109 populaire de ce populisme (Tarragoni F., 2015a). Cela avait été le cas des syndicats péronistes aussi. 10 Dans les entretiens réalisés entre 2007 et 2011, les CC étaient au cœur d un renouvellement majeur de la vie politique des quartiers populaires. Leurs habitants s y engageaient essentiellement pour promouvoir des projets locaux et les faire financer par l État 3. Mais ils y voyaient aussi, et surtout, les espaces d une autonomie collective à construire : il incombait aux CC de faire surgir ce «peuple démocratique» qui, désormais conscient de sa mission historique, devait transformer le pays en binôme avec Hugo Chávez. Toutes proportions gardées, les CC faisaient penser aux comités sans-culottistes de la Révolution française, eux aussi enracinés dans les quartiers populaires et étroitement dépendants d institutions électives, la Convention et l Assemblée nationale. Dans cet appel à constituer «un peuple» parmi les classes populaires mobilisées, résidait la véritable clé de voûte du populisme au pouvoir. Et l appel avait été très performatif : les habitants engagés dans les CC en étaient tous venus à réfléchir à leur potentiel d émancipation démocratique (Tarragoni F., 2013b). Le populisme les avait amenés à imaginer trois stratégies, indissociablement individuelles et collectives, pour dépasser les rapports de domination dont ils pâtissaient au quotidien. 11 Tout d abord, ils se sentaient dominés vis-à-vis d une société qui les rejetait en tant que périphérie jetable de la ville, de la société et de la nation. Aussi ils revendiquaient leur inclusion dans une nouvelle communauté, intégrée et solidaire, dont le peuple était la métaphore. La deuxième expérience de domination qui apparaissait fortement dans les entretiens touchait la question de l intérêt ou, mieux dit, de l égoïsme : chacun pour soi et contre les autres. Dans les barrios sévissait la loi de la jungle ; un effet puissant de la précarisation néolibérale des années 1980 et 1990, dont l émeute du Caracazo (1989) avait été le moment culminant. Le peuple intervenait ici comme figure d un bien commun à récréer, sur lequel régler des intérêts individuels potentiellement anarchiques et égoïstes. La troisième expérience de domination, enfin, avait trait à l omniprésence du fatalisme. Les habitants des quartiers populaires étaient, la plupart du temps, résignés à leur destinée sociale, car les chances d une mobilité, ou même d un écart par rapport à leur trajectoire prévisible (qu ils prévoyaient très bien), étaient minimes. Cependant, en tant qu individus des sociétés modernes (Martuccelli D., 2017), ils étaient profondément travaillés par l aspiration au bonheur et à l épanouissement. Avec son appel à l empowerment, le populisme les incitait à réclamer le droit à se penser comme êtres libres, égaux et singuliers. Le peuple devenait ici une utopie émancipatrice et le populisme une politique de subjectivation. 12 Le populisme «par le bas» est la somme de ces trois opérations : intégrer la communauté populaire et la faire reconnaître ; régler les intérêts individuels sur un commun partageable ; se subjectiviser, en tant qu individus et en tant que collectif. Le peuple comme métaphore de la communauté 13 Dans mon enquête sur la «ville dortoir» de Santa Teresa del Tuy (État Miranda), il était particulièrement évident que le CC avait été investi par les habitants d une lourde tâche : davantage que faire affluer de l argent public dans les quartiers, il devait servir à réintégrer une communauté de voisinage menacée d éclatement. Les habitants s y engageaient pour reconstituer une vie collective mise en péril par la violence des

112 110 narcotrafiquants et l arrivée anarchique des réfugiés climatiques de la Tragedia de Vargas 4. C est sur ce point qu insistait en 2007, dès le début de l entretien, l un des porte-paroles du CC : Ce qui se passe ici depuis quelques années, c est que les gens ont peur de sortir de chez eux. Ils n ont plus la force de supporter ce qui leur arrive. Nous nous levons tous les jours à 4h du matin pour aller travailler à Caracas, nous ne voyons pas nos familles, ni nos enfants. Avant tout ça était encore supportable, parce que nous avions les week-ends et je me souviens qu il y a encore 10 ans on organisait tout un tas de choses pour la communauté, des rencontres, du cinéma en plein air. On se connaissait, les mères parlaient entre elles des gamins, ils allaient à l école ensemble. Après la Tragedia, c est devenu le chaos ici. Les damnificados [victimes de la catastrophe] se sont installés et ont amené la délinquance, la violence. Leurs familles étaient décomposées, ils n avaient plus rien à perdre. Et ils ont tout détruit. Alors maintenant nous avons peur de nous parler entre nous, nous avons peur de faire jouer les enfants dans les rues. Tu as vu qu ici après 19h il n y a plus personne dans les rues [Antonio, Entretien, Santa Teresa del Tuy (Miranda), ]. 14 Face à ces nouvelles menaces, le leader de la section «animation culturelle et sportive» du CC, qui vit dans une maison construite avec des matériaux de récupération (un rancho), insiste en revanche sur un détail fondamental : Contrairement aux autres «comités de sport» du pays, moi je fais jouer tout le monde. Je ne vais pas exclure untel parce qu il est bizarre, ou parce qu on l a vu avec des gens peu recommandables. Je vais organiser des matches de football pour tout le monde. Il y a des gens qui souhaitent jouer avec les autres, il y a des bons, des méchants, des gens qui peuvent être récupérés et avec qui nous pouvons vivre, et d autres qui ne peuvent pas être récupérés. Mais, même s il y a des gens méchants dans le barrio, je parle avec eux et je les fais jouer le dimanche ; c est un peu comme ça le CC non? C est la grande nouveauté de la révolution pour nous, pour moi, de pouvoir parler avec des gens avec qui il serait impossible de parler. Et de faire parler les gens entre eux, tu vois? [Azoulay, Entretien, Santa Teresa del Tuy (Miranda), 2007]. 15 Azoulay interprète son travail d animateur sportif du CC comme une mission d intégration de la communauté. À travers le football, il s agit de faire rencontrer deux univers séparés, celui des «gens bizarres ou peu recommandables», recouvrant les narcotrafiquants, les familles des victimes de la Tragedia et les voisins stigmatisés, et celui des «habitants méfiants» de la communauté. L observation des autres CC a largement confirmé cette hypothèse générale : l une des dynamiques essentielles du populisme «par le bas» n est rien d autre que la reconstitution, par le biais de la participation populaire, d une communauté de voisinage intégrée et solidaire. 16 Cette poussée intégratrice, que l on peut penser comme une «communautisation» (Vergemeinschaftung) au sens de Max Weber, comme un processus de production de liens communautaires (Weber M., 2019), ne vise pas que les inassimilables ou les déviants. Son effet est beaucoup plus large et structurant. Dans la majorité des cas analysés, le populisme agit sur une frontière prégnante de l espace populaire, celle entre les «barrios de fondation» et les «barrios d invasion». Les barrios de fondation, plus proches symboliquement de la ville (la ciudad), se caractérisent par un acte de fondation collective et une forte ancienneté des relations de voisinage. Les barrios d invasion, quant à eux, n ont pas d identité propre, ni urbaine ni collective, et sont le produit d une occupation anarchique de l espace. Ils sont aux barrios de fondation ce qu est le barrio à la ville (Bolivar T. et Baldó J., 1995). Habités par les fractions les plus précaires des classes populaires, ainsi que par les migrants et les «aventuriers» de tout

113 111 acabit, ils cumulent, aux dires des habitants des barrios de fondation, toutes les figures de l anomie sociale Mery et Lourdes, deux leaders de deux CC de la banlieue de Caracas («23 de enero» et «Petare»), consacrent ainsi une grande partie de leurs entretiens à m expliquer que les comités permettront aux habitants des barrios d invasion «qui n ont jamais participé», de venir assister aux réunions de leurs quartiers et d échanger avec leurs voisins : La communauté «23 de enero» a été créée dans les années quand le dictateur Pérez Jiménez a créé ces HLM que tu vois à côté de La Cañada, la grande rue qui longe tout le quartier. À la fin des années 1960 commencent alors à se créer des barrios de fondation, comme le barrio «Santa Rosa» : de 1969 date le premier barrio de fondation à côté de la Avenida Sucre. Des gens venant de la campagne ou chassés de la ville par la spéculation urbaine viennent s installer dans les barrios avec un projet commun : créer un espace agréable, où les voisins échangent entre eux, avec des places, des lieux communs, sans violence ; un espace pour être entre soi, entre gens connus. [ ] À la fin des années 1970, commencent à naître d autres espaces d immigration, les barrios d invasion, comme les barrios «Cristo Rey», «Camboya», «Callejón Negro» ou «La Sierra». Ces barrios sont très différents des nôtres : ce sont plutôt des gens très pauvres, qui n ont rien à perdre, qui viennent sans famille et qui vont organiser ces espaces de manière sauvage. Ces barrios-là sont très fragiles : tu as vu ce qui s est passé en décembre dernier, quand une grande partie des barrios de Caracas a été détruite [En décembre 2010, à cause des inondations dans la capitale, de nombreux déplacements de terrains ont détruit des barrios entiers dans l ouest de la ville]. Ce n était que des barrios d invasion. Avant que ces gens-là soient relocalisés dans les différents espaces d accueil, nous les avions invités à échanger avec nous. Ils étaient venus à la remise des prix du théâtre de rue pour les gamins. On avait discuté des CC, des projets, et on s était fait une idée un peu les uns des autres. C était une occasion pour nous de les faire participer à la vie de notre quartier, et inversement tu vois : faire connaître aux voisins ce qui se passe de l autre côté du quartier, chez eux, leurs problèmes et tout ça. Parce que ces gens-là, tu ne les vois vraiment jamais [Mery, Entretien, 23 de enero (Caracas), 2011]. Les invasions ont commencé ici à la fin des années 1960 : on voyait ces gens construire sans aucune règle des maisons, à Petare Norte. [ ] Alors quand je commence à m intéresser au féminisme, au début des années 1970, je vais travailler à Petare Norte. Alors là, c était un autre monde : des madres solas [mères célibataires] avec je ne sais pas combien d enfants, qui enfantaient comme des animaux. Moi-même j étais madre sola, mais des cas de mères avec 5 enfants, ça dans mon barrio on n en voyait pas. Maintenant, avec les CC, c est un peu la même chose : il faut se rapprocher de ces situations d indigence, de violence, d irrespect des droits fondamentaux. Il faut que les gens de Petare norte viennent travailler avec nous, et que nous allions là-bas les inciter à former des CC [Lourdes, Entretien, Petare (Caracas), 2011]. 18 Comme le suggèrent Mery et Lourdes, la frontière spatiale entre barrios de fondation et barrios d invasion se double d une frontière symbolique et morale : si les habitants des barrios d invasion n ont «jamais participé», c est que, en réunissent migrants, pauvres, exclus et déviants de toutes sortes, ils vivent dans un état de totale anomie. L exclusion sociale se double ici d une représentation morale, qui identifie le «Nous» en excluant, par altérisation, le «Eux» (Elias N. et Scotson J., 1997). Le principal effet des CC a été d inciter les habitants au dialogue : autrement dit, à récuser toutes ces «logiques d exclusion» qui conduisent des groupes populaires à marginaliser d autres groupes populaires, dans des espaces sociaux et spatiaux proches. Il faut intégrer les exclus, les outsiders, les invisibles, pour reconstituer une grande communauté populaire : c est cette communauté de voisinage élargie que figure, par synecdoque, le peuple du

114 112 populisme. Comme l écrit Ernesto Laclau, «la construction du "peuple" va être la tentative de donner un nom à la plénitude absente [de la communauté]» (Laclau E., 2008, 106). Dans des quartiers marqués par l isolement, l incommunicabilité, la violence et la division, cette «plénitude absente» est un souci crucial des habitants. Intégrer et faire reconnaître 19 Cependant la communauté populaire que le populisme pousse à recréer dépasse largement, dans la plupart des cas, le seul groupe de voisinage. Elle recouvre une forte dimension symbolique : c est plutôt un idéal de communauté qui permet aux habitants de pointer les nombreuses dynamiques de stigmatisation dont ils souffrent quotidiennement. Cela apparaît clairement dans le discours de Carmen, Robert et José, trois leaders communaux, deux dans la banlieue de Caracas, le troisième dans la périphérie de Valencia : Ici à Caracas, jamais personne ne s est intéressé à nous. Le barrio «Santa Rosa», mais tous les barrios en général, tout le monde, en ville, en a peur. Les taxis n arrivent pas jusqu ici, tu le sais. Les gens de l Est continuent à penser que nous sommes des sauvages. Mais tu sais quoi? Je pense que c est eux les sauvages. Nous leur avons montré que nous aussi, nous pouvons avoir des beaux quartiers [barrios bonitos], que nous pouvons aussi nous organiser. Ce sont les CC qui ont fait ça : désormais nous nous sentons meilleurs, nous sentons que nous pouvons nous améliorer, que leur mépris, et tout ce que l on ressent quand on va en ville, est injuste et injustifié [Carmen, Journal de terrain, 23 de enero (Caracas), 2011]. Je travaille dans un endroit à Caracas où les gens regardent les pauvres comme s ils étaient des animaux. Dans ce quartier résidentiel, il y a plein de gens qui me parlent des barrios sans savoir que j y habite aussi, que je viens d Antimano et que je me suis installé à El Valle. Ils me disent «tous ces marginales [pauvres votant Chávez] qui volent et tout, ils sont tous des malandros [délinquants]». Les gens me racontent un tas de choses horribles, c est vraiment incroyable. Et moi je ne peux même pas trop dire ce que je pense, je dois tenir ma langue parce qu il s agit de mes clients. Ces gens sont normaux j ai envie de te dire, ils sont aimables, et je crois que s ils venaient faire un tour dans les barrios voir comment nous nous organisons ici, avec les réunions, les discussions des budgets et tout cela, je crois que le racisme partirait comme un mauvais souvenir. Ce serait pour eux comme un antibiotique, tu vois? [Robert, Journal de terrain, El Valle (Caracas), 2011]. Tu vois ces ranchos là-bas? C est la partie la plus pauvre du barrio «La Manguita». Et bien, juste à côté il y a le quartier résidentiel dans lequel tu vis et, encore à côté, le plus luxueux du luxueux, «La Lagunita». Tu vois? On vit côte à côte, mais c est comme si entre nous il y avait un mur infranchissable ; d ailleurs le seul espace de rencontre est la perrera [point de vente d hot-dog], que je définirais comme une «zone de tolérance sociale» : toutes les classes sociales se réunissent devant un hot-dog, non? Nous connaissons ces gens-là, nous travaillons avec eux, mais nous ne nous sentons pas à l aise chez eux, et eux ne viennent jamais chez nous. Ils ont peur de nous : dès qu ils nous voient, ils marchent plus vite, ils se sentent agressés. Et ils ont en partie raison, parce qu ici dans le barrio, les gens tranquilles vivent mal. Mais maintenant que la communauté a commencé à s organiser, nous avons la chance de leur montrer que nous ne sommes pas tous des malandros, que nous travaillons pour nous améliorer. Et alors eux ils devraient devenir moins racistes, non? [José, Journal de terrain, La Manguita (Valencia), 2011]. 20 Le populisme «par le bas» ne pousse pas seulement à intégrer la communauté de voisinage, mais aussi à l exposer à ses dehors et à la faire reconnaître comme une partie

115 113 visible de la société. Le peuple devient ainsi une figure qui soude et dés-altérise, intégre et visibilise. Cette dualité est sa principale force en tant qu imaginaire politique. Le peuple comme figure de l intérêt commun 21 Un autre effet majeur du populisme «par le bas» est de structurer ce qui permet, audelà des liens de sociabilité, à cette communauté populaire d exister et de fonctionner. Autrement dit : la conscience d un intérêt commun, auquel les membres de la communauté tiendraient plus qu à leurs intérêts particuliers. La première figure du peuple est la communauté ; la deuxième est le commun. 22 Or, dans les barrios les lieux qui «font commun» sont tragiquement peu nombreux. Il n y en a souvent qu un : la place du quartier 7. Mais il s apparente davantage à un lieu de passage qu à un véritable espace de socialisation. Cette absence de commun produit un paradoxe saisissant, qui est au cœur de l expérience populaire : d un côté, l isolement et la communauté de voisinage créent de fortes relations de sociabilité ; de l autre, les habitants sont toujours renvoyés à leur petit jardin, à leur intérêt personnel, à leur égoïsme, pour la simple raison qu ils doivent inventer en permanence des stratégies pour survivre à la précarité (comme on dit au Venezuela : «echarle bolas a la vida»). Les quartiers populaires sont tiraillés entre une communauté subjective de vie et une absence objective de commun. 23 Cette situation interroge profondément les leaders du CC. Ils parlent tous, à un moment ou à un autre, de l «intérêt personnel» qui régit la vie des quartiers et les éloigne de la politique (ou dénature celle-ci de manière clientéliste). Les CC les ont poussés à prendre conscience de ce phénomène, à lui trouver des causes et à chercher à le résoudre collectivement. La critique de l égoïsme sert ainsi, pour chaque habitant engagé dans le CC, à éduquer ses voisins à la condition de peuple. Cette critique n est pas abstraite : elle est un rouage essentiel du fonctionnement du comité ; celui-ci doit canaliser, en effet, de l argent public vers des projets d intérêt commun pour le quartier. Or, pour décider de l attribution de l argent, le comité doit suivre une règle de répartition et se prémunir contre toute possibilité de corruption, de favoritisme ou de cooptation. Symétriquement, lorsqu on demande quelque chose au comité une allocation alimentaire ou une réhabilitation de la maison -, on doit le faire dans le langage de l intérêt commun. Ce n est pas qu une simple question de rhétorique ; c est une véritable éducation à l intérêt commun, à cette compétence hautement politique consistant à différencier intérêt individuel et intérêt public. 24 Ce qu il faut éviter à tout prix, c est de passer pour un «individu intéressé» aux yeux des voisins. Et à force de jouer ce rôle, on finit par haïr ceux qui le font. L assemblée du dimanche est le haut lieu de cette construction politique du commun. Pendant des heures, s y alternent les demandes et les besoins des uns et des autres ; on fait valoir des intérêts personnels mais en portant attention aux demandes d autrui ; on insiste sur les problèmes de «sa» famille, mais aussi sur ceux d un voisin «connu par tous» et vivant dans le dénuement ; on accepte de mettre provisoirement de côté son besoin immédiat pour satisfaire celui, plus pressant, que la communauté a jugé prioritaire (Tarragoni F. et Vilas Boas M.-H., 2015b). La première impression que j ai eue en assistant à une assemblée du CC, a été de vivre une gigantesque mise en scène du Contrat social de Rousseau. Tout se passait comme si le concept philosophique de volonté générale prenait corps devant moi.

116 114 L apprentissage du droit 25 L expression publique des demandes en assemblée confronte chaque habitant, avec ses besoins individuels ou familiaux, à la situation d autrui. En entendant les demandes des uns et des autres, chaque individu est familiarisé avec la «carte des besoins» du quartier, et peut s y positionner rationnellement. En amont de chaque projet à financer, les débats doivent permettre à cette «carte des besoins» d être visible par tous. Chaque voisin doit être mis en condition de comparer ses propres besoins à ceux des autres, à la moyenne des besoins insatisfaits de la communauté, et donc à ce qu on peut faire en priorité. C est la conversion de l individu égoïste en voisin à l écoute, et de celui-ci en acteur débattant à l assemblée, qui résume le processus de construction du «peuple» par le bas. 26 Le droit revêt un rôle central dans ce processus. Il permet en effet de partager ontologiquement le privé (donc l appropriable) et le public (le non-appropriable). On en trouve deux exemples très éclairants dans l «affaire du camion pour les déchets», qui déchire le CC paysan de Misintá, et dans les discussions entre élus et experts sur le «statut juridique» de l aqueduc en construction à Bello Monte (Mérida) : Quand on a essayé de nous voler ce camion que le CC avait financé pour régler l histoire des déchets, ça a été malgré tout un moment très important pour la communauté. Un moment central de la vie de la communauté. Tu me diras : comment un vol peut-il être un moment positif de la vie communautaire? Ce n était pas tellement le vol en soi, qu on a réglé après. On a découvert les coupables, qui ont fait amende honorable devant la communauté. L important a été le débat qui a suivi. Parce que toute la communauté a pu discuter autour de cette question : «à qui était vraiment ce camion?». Alors nous, élus du CC, nous avons lancé le débat, parce qu il y avait un type, le fils d un paysan qui vit en bas de la route, vers la ville, qui a dit que du moment où on avait besoin d un camion et que le besoin le justifiait, on pouvait l emprunter à la communauté. Alors je lui ai dit «Tu penses vraiment qu on peut emprunter à la communauté? Tu penses qu on peut s approprier les biens d une communauté comme ça impunément?». Parce que c est de cela qu il s agit. Les gens qui ont fait ça se sont appropriés un truc qui était à tout le monde, et maintenant ils doivent assumer la responsabilité d avoir fait un truc contre la loi de la communauté. Et les autres membres de la communauté ont réagi, c était super, chacun avec sa vision des choses. Un vrai débat sur comment on décide de s organiser ici, sur ce qu on fait des besoins des gens, sur ce qui appartient à tous, à moi, à toi, à tout le monde, et à personne en particulier. [Giorman, Entretien, Misintà (Mérida), 2011]. Il est très important de donner un statut juridique à cet aqueduc. Parce que comme on va demander aux gens de la communauté de le construire selon la modalité du travail socialiste [travail gratuit et coopératif], après, une fois qu il sera construit, il faudra que tout ce travail soit bien valorisé. On ne pourra pas permettre que des gens fassent des dégâts ou se l approprient de manière privative. C est fondamental. Alors je ne sais pas, il faut trouver une manière légale, il faut mettre ça dans un règlement du CC, pour que les gens comprennent que ce n est pas à eux, mais que ça appartient à tout le monde. D ailleurs les voisins de la partie sud du barrio disent que, selon eux, il faut écrire tout cela très clairement dans un code de conduite supplémentaire qui ait valeur d engagement pour tous, et qu on mettrait dans le projet pour le MINCOM (Ministère des Communes) [Intervention du «Professeur» à l Assemblée, Journal de terrain, Bello Monte (Mérida), 2011]. 27 Comme en témoignent ces extraits, les moments du vol du camion et de la construction de l aqueduc ont été des événements structurants du «peuple» de la communauté : les

117 115 habitants ont participé activement au débat sur l appropriable et le non-appropriable, sur le privé et le commun. Or, ces discussions sont monnaie courante des assemblées. C est pourquoi les habitants, pour délibérer en commun, se forment de plus en plus aux logiques du droit. S ils lisent la constitution pendant leur sieste poméridienne ou avant de se coucher, si on trouve partout dans les barrios des vendeurs ambulants de textes juridiques et décrets-lois, ce n est pas parce que le peuple aime viscéralement l État bolivarien et tout ce qu il produit de lois. C est parce que le droit revêt une fonction fondamentale dans la politisation populaire : il permet de faire valoir un besoin, de le construire en besoin légitime, de distinguer ce qui «appartient à tous, à moi, à toi, à tout le monde, et à personne en particulier». Bref, il permet de construire un peuple par la participation. Le peuple comme opérateur de subjectivation 28 De nombreux enquêtés, au moment de raconter leur entrée dans le CC, évoquent le côté «subjectivisant» de leur engagement. Le sociologue avide de matérialité, de «concret», et soucieux de briser les illusions des «agents», pourrait être tenté de passer un voile sur ces dynamiques de subjectivation, n y voyant que le vernis rhétorique ou justificatif que les individus apposent sur leurs stratégies intéressées dans le comité. Et pourtant cette opération s avère un pis-aller interprétatif : comment expliquer en effet que tous les interviewés décrivent de manière extraordinairement précise les émotions ou les épiphanies personnelles vécues suite à leur engagement dans le comité? Répondre à cette question nous conduit à apporter une ultime touche au «peuple» généré par le populisme chaviste : un peuple qui, en plus d être le nom d une communauté intégrée et solidaire et de l intérêt commun sur lequel cette communauté est bâtie, est aussi l opérateur d une émancipation individuelle et collective. 29 La subjectivation trouve son origine dans cet appel à l empowerment que le populisme lance en milieu populaire. Lorsque le leader charismatique enjoint les subalternes à «se faire peuple», l appel est non seulement pris au sérieux, mais devient très performatif. Les CC deviennent des institutions permettant de le réaliser. En participant, en prenant la parole, en s indignant, l habitant se transforme. Ces pratiques politiques s imbriquent chez lui ou chez elle à des ruptures biographiques préalables, en les amplifiant (Tarragoni F., 2015c, ). Que les épreuves que l habitant a à surmonter dans sa vie personnelle et elles sont nombreuses soient familiales ou professionnelles, scolaires ou migratoires, liées à sa santé ou à celle des proches, c est l engagement dans le comité qui le dote de nouveaux supports, de liens, de raisons de continuer à vivre. Prenons un cas assez fréquent pour les leaders des CC, qui sont souvent des femmes : celui d une maternité non choisie, à gérer dans la solitude. C est le cas de Lorena, élue d un quartier indigène de la Guajira (wayúu) qui me raconte avoir décidé de s engager dans le CC après avoir croisé ses voisines aux ateliers de planning familial : Moi, j ai trois enfants [l enquêtée a 19 ans]. J ai fait le premier à 14, le deuxième à 15 et le troisième à 17. Beaucoup eh [en réagissant à mon étonnement]! Je sais Mais pour le moment c est fini. Je m occupe de ma famille et c est tout. Heureusement qu il y a ma mère et Euclide pour m aider. Là j ai commencé à participer aux séances de l atelier de planning familial, et je me suis rendue compte que j étais un peu bête de faire ça. Parce que tu te fais prendre par l inconscience et tu fais un enfant. Nous

118 116 femmes, ça nous arrive souvent ça. Alors que ce n est pas bien, ni pour moi, ni pour l enfant. Mais, tu vois, c est là que je me suis dit que la participation c était bien, parce qu avant je n avais jamais réfléchi à ça : mes voisines m ont ouvert les yeux. Et discuter avec elles dans le planning familial, ça m a permis d aborder des choses dont je ne parle jamais dans la vie de tous les jours. Tu prends ce qui t arrive et tu ne réfléchis jamais vraiment. Maintenant je fais comme les autres, nous sommes là à discuter, nous nous sentons plus fortes, nous pouvons faire des choses qu avant on n aurait pas imaginé de pouvoir faire [Lorena, Journal de terrain, Guajira (région indigène), 2011]. 30 L entrée dans l atelier de planning familial a eu l effet d une révolution subjective : avec ses voisines, Lorena a pu discuter de «choses dont elle n avait jamais parlé dans la vie de tous les jours» et s est rendue compte qu elle pouvait «faire des choses qu avant on n aurait pas imaginé de pouvoir faire». Il est très symptomatique qu elle reconnaisse, d entrée de jeu, que mettre des problèmes en commun et les exposer au regard public, est une manière de «réfléchir à ce qui t arrive» et de se découvrir des capacités insoupçonnées (Tarragoni F., 2014). Souvent ces femmes qui s impliquent dans les CC décrivent leur engagement comme une mise au service de la communauté de compétences vouées, dans le cadre domestique, à l invisibilité et à l illégitimité. Il s agit, pour reprendre le vœu de nombre d entre elles, de se mettre au service du peuple ; et ce faisant, de retirer de la participation une image valorisante d elles-mêmes. 31 Mais afin d expérimenter de nouvelles capacités, l habitant doit avant tout reconnaître de manière réflexive, puis mettre à distance, l ensemble des dominations (culturelle, éducative, politique) qui pèsent sur son existence. Revenir sur la passivité, le fatalisme, l incapacité de naguère est la seule manière de prendre conscience de la nouveauté radicale de ce que l on vit avec le populisme. C est ce que souligne Freddy : Quand je suis allé pour la première fois à l Assemblée, je ne comprenais pas grande chose. Je n ai jamais rien compris à la politique de toute façon. Ça n a jamais été un truc important pour moi, tu vois? Mais bon, là je me suis dit : il y a plein de voisins qui y vont, plein de gens qui se présentent ; voyons un peu à quoi ça rime. Et au début, on parlait de choses très techniques, de matériaux à acheter, de fiches de réhabilitation des maisons à remplir, d échéances fixées par la mairie, de budgets. Je ne savais pas de quoi on parlait, je te l avoue. J étais un peu largué. Maintenant je n ai pas l impression d en savoir techniquement beaucoup plus, mais j ai compris pourquoi nous parlons de tout ça. Nous parlons de ça parce que nous pouvons le faire ensemble, chacun avec ses compétences, chacun avec ses qualités. Alors Branger nous dit comment faire un projet et nous l écoutons ; après nous lui disons comment écrire le projet, ce qu il va mettre dedans, parce que seulement nous, en tant qu habitants, savons ce dont nous avons besoin. Nous apprenons un peu de technique : là, tu vois, je suis en train d apprendre la compatibilité et toutes ces choses, et les autres apprennent de nous. C est ça qui te fait sentir que tu comptes, que t es quelqu un, que t es une personne comme les autres, après une vie passée à vivre comme des animaux ici dans les barrios! [Freddy, Journal de terrain, 23 de enero (Caracas), 2011]. 32 Freddy commence son récit par l expérience d une incapacité et d une incompétence. Il avoue avoir été «un peu largué» dans un premier temps. Ce n est qu en revenant sur les raisons de cette incapacité, et en se donnant les moyens d apprendre ce qui lui faisait défaut, qu il a pu, d une certaine manière, la dépasser. L expérience de ce dépassement produit alors une nouvelle subjectivité. Freddy sent désormais qu il «compte quelque chose, qu il est quelqu un, qu il est une personne comme les autres, après une vie passée à vivre comme des animaux dans les barrios». Cette subjectivité nouvelle est faite, comme on le voit aisément, de latences de l émancipation dans une

119 117 trajectoire singulière : Freddy s est désormais découvert «autre» que ce qu il pensait être, c est-à-dire autre que ce qu il était lorsqu il pensait ne pouvoir être rien d autre. Le CC dit aux habitants : prenez la parole, éprouvez la liberté et émancipez-vous! Autrement dit : devenez un peuple! C est en ce sens que le populisme produit de la subjectivation politique parmi les subalternes : il les conduit à se forger un nouveau rapport à soi qui les valorise à mesure qu ils se sentent part d un collectif virtuel qui les dépasse - le peuple précisément. S émanciper sur fond de précarité 33 Cette subjectivation politique est toutefois travaillée par une forte contradiction interne, qui apparaissait pleinement dans les entretiens de Toujours sous l emprise de la précarité, les barrios faisaient avec le populisme l expérience d un nouveau possible. Mais la précarité n avait pas disparu en un éclair. Bien qu elle fût lézardée par les effets émancipateurs du populisme, elle persistait. Elle subsistait dans la fragilité économique et l incertitude professionnelle des vies populaires, ainsi que dans le fatalisme qui en découlait, très présent dans les entretiens. Ce fatalisme entrait en contradiction avec le sentiment d une puissance retrouvée : tout se passait comme si le populisme accentuât tragiquement, tout à la fois, le potentiel émancipateur de la politique dans les quartiers populaires, et la difficulté de la politique à changer quoi que ce soit ; comme s il ouvrait un nouveau chemin, tout en pointant à quel point il était difficile à parcourir. 34 Les leaders du CC évoquaient souvent, en guise de conclusion des entretiens, cette contradiction. Ils en faisaient la principale aporie du nouveau peuple qu ils étaient chargés de créer en duo avec Chávez. Plus que l isolement des quartiers ou la persistance de l égoïsme, le véritable obstacle, disaient-ils, à la construction d un peuple dans les barrios était la résilience d une culture de la précarité, du fatalisme, de la passivité, de l abandon de soi : Alors Chávez et tous les autres, les gens du Ministère, ils n arriveront jamais à résoudre ça. Le fait que, quoiqu on fasse, on n arrive pas à être un peuple. Je te le dis : les CC ne fonctionneront jamais si nous n arrivons pas à construire la culture socialiste. Parce qu ici, la culture d avant, la culture puntofijista [du nom de la démocratie de Punto Fijo, née en 1961 et enterrée par la révolution bolivarienne ; ce système politique était basé sur l alternance du parti social-démocrate et du parti social-chrétien, et sur l exclusion du parti communiste], règne souveraine et les gens ne seront jamais libres avec cette culture. Les gens ont les taudis (ranchos) dans la tête! Alors ils essaient, et l essai vaut déjà quelque chose, mais après ils retombent dans l indifférence, dans le fatalisme, dans leur petit foyer. Et ils arrêtent de penser aux autres. Et ce n est pas seulement un problème d argent public, ou de transparence du CC. C est un problème de culture, cette culture dans laquelle nous baignons depuis toujours dans les barrios [José, Journal de terrain, La Manguita (Valencia), 2011]. 35 «Les gens ont les ranchos dans la tête!». Autant dire que, malgré leur projection vers un idéal émancipateur, les habitants éprouvent toujours la force de rappel de la précarité. Force de rappel d un mode de vie qui, métaphorisé par les «ranchos», renvoie aux difficultés économiques persistantes, à l incapacité de s en sortir et de se projeter, au cumul des échecs, à l incertitude professionnelle et familiale, à la violence du narcotrafic et de la police. Cette condition de vie, aux antipodes de la «vita activa» dont parlait Hannah Arendt (2002, 17-35), impose, en un certain sens, de penser à soi

120 118 contre les autres. Le peuple apparaît ainsi dans l écart entre ces deux forces opposées et pourtant indissociables, l élan vers l émancipation et la force de rappel de la précarité. Il désigne la communauté politique qui prend forme «sous» le populisme, mais qui reste toujours à faire. Il fait figure d interstice entre la communauté populaire déjà là, celle qui «a les ranchos dans la tête», et le collectif politique à faire, composé des voix, des agir et des revendications des uns et des autres. 36 Ce populisme par le bas semble, à la lumière de l actualité du pays, tragiquement derrière nous. Mes enquêtes datent d il y a dix ans ou presque : tout laisse imaginer que l expérience politique populaire a profondément évolué avec la crise économique, les pénuries, l hyper-inflation. Mais il ne reste pas moins qu une telle politisation démocratique, sur la durée, a laissé des traces indélébiles dans les classes populaires. C est à partir de ces traces qu il faut essayer de comprendre, de manière sociologiquement rigoureuse, la nature du populisme comme mode d action politique. BIBLIOGRAPHIE Acha, Omar, «Sociedad civil y sociedad política durante en primer peronismo», Desarrollo Económico, n 174, 2004, p Arendt, Hannah, Condition de l homme moderne, Paris, Pocket, 2002 (1ère éd. 1958). Bolivar, Teolinda et Baldó Josefina (eds.), La cuestión de los barrios, Caracas, Monte Ávila Editores/Fundación Polar UCV, Canovan, Margaret (ed.), Populism, New York/London, Harcourt Brace Jovanovich, Dézé, Alexandre, «Le populisme ou l introuvable Cendrillon. Autour de quelques ouvrages récents», Revue française de science politique, vol. 54, n 1, 2004, p Elias, Norbert et Scotson, John L., Logiques de l exclusion. Enquête sociologique au cœur des problèmes d une communauté, Paris, Fayard, 1997 (1ère éd. 1965). Germani, Gino, Authoritarianism, Fascism, and National Populism, London/New Brunswick, Transaction Books, Gramsci, Antonio, Nel mondo grande e terribile. Antologia degli scritti (éd. Giuseppe Vacca), Turin, Einaudi, Hermet, Guy, Les populismes dans le monde. Une histoire sociologique xixe-xxe siècle, Paris, Fayard, Ionescu, Ghita et Gellner, Ernest (eds.), Populism. Its Meaning and National Characteristics, London, Weidenfeld & Nicholson, Laclau, Ernesto, La raison populiste, Paris, Seuil, 2008 (1ère éd. 2005). Martuccelli, Danilo et Svampa, Maristela, La plaza vacía. Las transformaciones del peronismo, Buenos Aires, Losada, 1997.

121 119 Martuccelli, Danilo, La condition sociale moderne. L avenir d une inquiétude, Paris, Gallimard, Merklen, Denis, Asentamientos de la Matanza. La terquedad de lo nuestro, Buenos Aires, Catálogos Editora, Müller Jan-Werner, Qu est-ce que le populisme? Définir enfin la menace, Paris, Gallimard, Quattrocchi-Woisson, Diana, «Les populismes latino-américains à l épreuve des modèles d interprétation européens», Vingtième siècle, n 56, 1997, p Revet, Sandrine, Anthropologie d une catastrophe. Les coulées de boue de 1999 au Venezuela, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, Taguieff, Pierre-André, L illusion populiste. Essai sur les démagogies de l âge démocratique, Paris, Champs Flammarion, Tarragoni, Federico, «Comprendre des peuples organisés. Les Consejos comunales de planificación pública et la diversité populaire de la politique», Terrains et travaux, n 21, 2012, p Tarragoni, Federico, «La science du populisme au crible de la critique sociologique : retour sur l archéologie d un mépris savant du peuple», Actuel Marx, n 54, 2013a, p Tarragoni, Federico, «Raison populiste, démocratie et émancipation populaire», in Hadrien Buclin, Joseph Daher, Christakis Georgiou et al. (dir.), Penser l émancipation, Paris, La Dispute, 2013b, p Tarragoni, Federico, «De la personne au sujet politique. Une ethnographie des prises de parole populaires dans les assemblées de barrio au Venezuela», Participations, vol. 9, n 2, 2014, p Tarragoni, Federico, «Entre dépendance et rêve d autonomie : les usages populaires de l État au Venezuela contemporain», Politix, vol. 29, no 110, 2015a, p Tarragoni, Federico et Vilas Boas, Marie-Hélène, «Le concept de clientélisme résiste-t-il à la participation populaire? Une comparaison Brésil-Venezuela», Critique internationale, n 67, 2015b, p Tarragoni, Federico, L Énigme révolutionnaire, Paris, Prairies ordinaires, 2015c. Tarragoni, Federico, «La méthode d Edward P. Thompson», Politix, vol. 30, n 118, 2017, p Tella, Torcuato S. (di), «Populism and Reform in Latin America», in Claudio Veliz (ed.), Obstacles to Change in Latin America, Cambridge, Cambridge University Press, 1965, p Touraine, Alain, La Parole et le sang. Politique et société en Amérique latine, Paris, Odile Jacob, Verret, Michel, L espace ouvrier, Paris, Armand Colin, Villacañas Berlanga, José Luis, Populismo, Milano, Mimesis, 2017 (1ère ed. 2015). Weber, Max, Les communautés (tr. et éd. C. Colliot-Thélène et É. Kauffmann), Paris, La Découverte, 2019.

122 120 NOTES 1. À cet égard, les populismes latino-américains réussirent à instrumentaliser les passions nationales dans le sens du combat anti-impérialiste, combat internationaliste par excellence. Dans les années 1930, Antonio Gramsci préconisait quelque chose de similaire pour l Italie, empêtrée dans l ultranationalisme impérialiste mussolinien. Il soulignait que, depuis le Risorgimento du XIXe siècle, en raison de la place périphérique de l Italie dans la division internationale (capitaliste) du travail, et de l apparition d un «colonialisme interne» du Nord vers le Mezzogiorno, «le peuple italien est [ ] "nationalement" l un des plus intéressés à une forme moderne de cosmopolitisme», qu il identifie avec l internationalisme prolétarien (Gramsci, 2007, p. 182, ma traduction). 2. Ce matériau empirique a été réuni dans un livre, Le peuple et le caudillo. La question populiste en Amérique latine contemporaine, dont l édition a été confiée aux Presses Universitaires de Rennes. En raison d un aléa de financement, cet ouvrage, pourtant finalisé et revu par l éditeur, n a jamais vu le jour. Je profite de l occasion qui m est donnée ici pour en publier partiellement son volet empirique, la partie plus théorique ayant été inclue dans mon livre L esprit démocratique du populisme. Une nouvelle analyse sociologique (La Découverte, coll. «L horizon des possibles»). 3. Les CC ont été introduits dans le cadre d un changement plus global de l architecture des politiques publiques dans le pays, en vue de favoriser un processus de décentralisation, de déconcentration de l État et de responsabilisation des bénéficiaires de l action publique. Chaque comité possède un périmètre réglementaire de 200 familles (hors territoires indigènes), et se trouve en relation directe avec le Ministère de la participation et du développement social (MINPADES, désormais Ministère des Communes, MINCOM). Celui-ci est, par l intermédiaire de FUNDACOMUNAL, le principal bailleur des fonds, issus pour l essentiel de la rente pétrolière. Avec la Loi de 2009, ces comités se dotent d une nouvelle institution, la Sala de batalla electoral, organisme de «conscientisation idéologique» qui pousse de plus en plus les élus locaux à s affilier au parti chaviste, le Partido socialista unido de Venezuela (PSUV). Ainsi tous les porteparoles des CC, dont on écoutera par la suite les prises de parole, sont au moment de l enquête des militants du PSUV, bien que leurs relations avec l idéologie chaviste puissent aller d une loyauté inconditionnelle à une adhésion purement «pragmatique». 4. Catastrophe naturelle s étant produite en décembre 1999 par des inondations et des coulées de boue sur le littoral caraqueño (Revet, 2007). 5. Nous ne donnons pas, dans le cadre de cet article, d indications sociographiques supplémentaires sur les enquêtés, car elles ne sont pas utilisées par la suite. Les interviewés font tous partie des «classes populaires», qui ont, au Venezuela et plus largement dans le souscontinent, une consistance sociologique autrement plus forte qu en Europe ou en France. Elles se définissent à partir de trois critères : la ségrégation spatiale (leur assignation au barrio), le primat du marché du travail informel et la domination symbolique (elles sont assimilées à la barbarie). Cependant, à l intérieur de cet ensemble plutôt homogène, les porte-paroles des CC tendent à former une micro-élite, en raison de leurs capitaux scolaires et militants. C est le cas de tous les interviewés. 6. Dans son travail sur les occupations illégales des terrains dans la banlieue de Buenos Aires, Denis Merklen (1991) a pointé un phénomène tout à fait similaire pour le cas argentin : les bâtisseurs des barrios «de fondation» opposaient leur statut de «bons voisins» (buenos vecinos) à la barbarie des villeros (les habitants des bidonvilles). 7. Pour une analyse similaire à propos de la structuration des espaces ouvriers, cf. M. Verret (1979).

123 121 RÉSUMÉS Le populisme continue d être manié dans les médias et une partie des sciences sociales comme un concept flou, synonyme, tour à tour, de nationalisme, démagogie ou xénophobie. Face à cette inconsistance conceptuelle, l Amérique latine reste un point de passage obligé. Le populisme fait pleinement partie de son histoire politique, et les sciences sociales continentales ont cherché à en donner une définition rigoureuse et comparative. Force est de constater, toutefois, que la sociologie en est restée souvent à une approche en surplomb : elle en a fait un trait idéologique des États, des politiques publiques, des organisations politiques. À l aide d une enquête de terrain menée dans les quartiers populaires vénézuéliens entre 2007 et 2011, cet article interroge, au contraire, les modes de politisation sous-jacents au populisme. Il cherche à comprendre comment un populisme se légitime et se reproduit dans la vie sociale à travers l action de ces mêmes individus que les politiques populistes ciblent : les habitants des quartiers populaires. On montrera que ce populisme «par le bas» correspond à un certain type d expérience politique : une certaine manière d intégrer la communauté populaire et ses dehors, de régler les intérêts des habitants par rapport à une vision du bien commun, et de lier, pour chaque individu, un appel inédit à l émancipation et l héritage écrasant de la précarité. Populism continues to be used in the media and part of the social sciences as a vague concept synonymous with nationalism, demagogy or xenophobia. In the face of this conceptual inconsistency Latin America remains a case in point: populism is an integral part of its political history, and the continental social sciences have sought to define it rigorously in a comparative perspective. It must be noted, however, that Latin American sociologists have often considered populism from above as an ideological trait of States, public policies and political organizations. Based on a field survey conducted in the Venezuelan working-class communities (barrios) between 2007 and 2011, this article seeks, by contrast, to examine the modes of politicization underlying populism so as to understand how it legitimizes and reproduces itself in social life through the actions of the very same individuals that are targeted by populist policies the inhabitants of working class neighborhoods. The aim is to demonstrate that populism "from below" corresponds to a certain type of political experience, i.e. a certain way of integrating community both from within and from without; of regulating the interests of the community members in relation to an ideal of the common good ; and of instilling in each individual an unprecedented call to emancipation while acknowledging the crushing legacy of precariousness. El populismo sigue siendo analizado en los medios de comunicación y parte de las ciencias sociales como un concepto indeterminado, sinónimo de nacionalismo, demagogia o xenofobia. Frente a esta inconsistencia conceptual, América Latina sigue siendo un contexto sociopolítico fundamental: el populismo es parte de su historia política, y las ciencias sociales han tratado de construir una definición rigurosa y comparativa. Sin embargo, la sociología se ha limitado, en la mayoría de sus análisis, à un enfoque puramente "macro" del fenómeno. A menudo se ha convertido el populismo en un rasgo ideológico de los Estados, de las políticas públicas o las organizaciones políticas. A través de un trabajo de campo realizado en los barrios venezolanos entre 2007 y 2011, este artículo cuestiona los modos de politización que subyacen al populismo. Busca comprender cómo se legitima y se reproduce el populismo en la vida social a través de la acción de estos mismos individuos a los que se dirigen las políticas populistas: los habitantes de los barrios populares. Agregaremos que este populismo "desde abajo" corresponde a un cierto tipo de experiencia política: el populismo aparece para integrar a la comunidad popular y su exterior, regular los intereses de los habitantes en relación con una visión del bien común, y

124 122 vincular, para cada individuo, un nuevo llamado a la emancipación y el aplastante legado de la precariedad. INDEX Mots-clés : populisme, participation, démocratie, barrios, subjectivation politique Palabras claves : populismo, participación, democracia, barrios, subjetivación política Keywords : populism, participation, democracy, barrios, political subjectivation AUTEUR FEDERICO TARRAGONI Federico Tarragoni est maître de conférences en sociologie à l Université Paris 7-Denis Diderot et agrégé de sciences sociales. Chercheur au Laboratoire du changement social et politique (LCSP), il dirige le Centre de recherches interdisciplinaires sur le politique (CRIPOLIS) auprès de l Institut Humanités, Sciences et Sociétés de Paris Diderot. Ses domaines de recherches incluent l étude des processus révolutionnaires et des mouvements sociaux à l échelle individuelle et biographique, ainsi que l analyse du populisme entre l Amérique latine et l Europe. Il a publié L Énigme révolutionnaire (Prairies Ordinaires) et Sociologies de l individu (La Découverte), et publiera, en 2019, L Esprit démocratique du populisme (La Découverte).

125 123 Populist Narratives from Below: Occupy Wall Street and the Tea Party Récits populistes d'en bas : Occupy Wall Street et le Tea Party Narrativas populistas desde abajo: Occupy Wall Street y el Tea Party Rachel Meade Populism as Trumpism? 1 While examples of left-wing and grassroots movements that use populist discourse abound, we tend to associate populism particularly with the right, political leaders, and authoritarianism. When Jair Bolsonaro won the Brazilian presidency in 2018, international media quickly classified him as the latest iteration of the worldwide populist phenomenon. Brazil s firebrand leader dubbed Trump of the Tropics blared the BBC (2018). A Washington Post story headlined Making Brazil Great Again, described him as someone elected as a populist promising to shake up politics as usual. So who exactly is this populist firebrand? Bolsonaro certainly shares some Trump-like appeal, running on a law and order and nationalistic platform and attracting the support of conservative evangelicals with his defense of traditional families. Yet in his repeated praise of the military dictatorship which killed hundreds of citizens and tortured thousands which he argues erred only in not killing enough leftists he appears more fascist than populist. In fact, Bolsonaro s right-wing authoritarianism represents just one in a variety of populist responses to global political and economic structures that are increasingly viewed as unrepresentative and illegitimate. Populism has also sprung up on the left, in Spain s Podemos party and Latin America s pink tide governments of the 2000s, and at the grassroots, with the twin US responses to the 2008 economic crisis the Tea Party and Occupy Wall Street. 2 Given this diverse array of populist responses, why have the Trumps and Bolsonaros of the world become shorthand for populism? Furthermore, what do regimes like Trump s

126 124 and Bolsonaro s, which are hostile to immigrants and seek to centralize power in the executive, have in common with Occupy Wall Street, a horizontal, cross-national movement calling for reform of capitalist economic structures? And why are such dissimilar varieties of populism emerging at this particular moment? 3 I argue that academics top-down focus on populist discourse and their normative attitudes about the role of the people in democracy have contributed to conceptions of populism that emphasize leader-centric and right-wing varieties. This emphasis obscures the fact that current and historical left-wing and grassroots movements also display populist discourse; it also obscures the role of democratic practices in constructing populist movements. Furthermore, ideological definitions elide populism s flexible nature as a search for alternatives to democratic institutions that are perceived as corrupt and unrepresentative. 4 In this paper, I draw on ethnographic observations and interviews conducted in 2016 and 2017 with members of an Occupy Wall Street 1 and a Tea Party group in Traverse City, Michigan, to illustrate the characteristics of left-wing populist movements and show how the latter both overlap and diverge from right-wing populism. Such groups are important for understanding populist identity since populist discourse contends that mainstream sources of information such as the media can t be trusted, thus leading supporters to turn to their trusted communities for political information. Furthermore, since the categories that comprise populist discourse the people and the elite are imagined in different ways by individuals in different social and regional contexts, local studies of political groups are crucial for understanding why people support populism. Typical methods for studying populism analysis of elite populist discourse or individual-level surveys miss this communal aspect of populism. 5 Overall, I found that for members of both groups, populist narratives and grassroots participation helped them make sense of and respond to political and societal changes relating to the globalization and financialization of the economy. Yet members of the Occupy group exclusively blamed economic and political elites, whereas Tea Party members additionally blamed citizens they saw as threatening to the nation s values or as unfairly profiting off the backs of hard-working Americans. As a result, Occupy s conception of the populist people is more inclusionary than the Tea Party s, thus positioning it to create populist institutional change that presents a truly democratic challenge to the status quo. Before discussing these ethnographic findings, I review existing definitions and explanations for populist politics. Towards a Bottom-up Approach to Populism 6 Scholars of comparative populism have recently coincided in agreeing that populism is a thin-centered ideology that pits a pure, homogenous national people against a corrupt elite (Mudde C., 2007). Scholars use this definition to measure and compare the populist discourse used by politicians, and to identify the attitudes and characteristics of populist voters (Hawkins K., 2009; Akkerman A., et. al. 2014). While revealing consistent patterns in populist discourse and support across time and place, these studies emphasize a top-down conception of populism as consisting of support for political language which employs populist language. 7 Meanwhile, in the years since Donald Trump s election, media and academics have increasingly presented populism as synonymous with exclusionary right-wing and

127 125 authoritarian regimes and as a threat to democracy. These accounts reveal fears that scholars hold about popular sovereignty and rule by the people in general. Nadia Urbinati (2017) and Jan-Werner Muller (2016) each argue that populism s claim to represent a homogenous national people makes it inherently incompatible with democracy and pluralism. Urbinati focuses on populist discourse that is articulated by a populist leader in power, arguing that in this case it leads to majoritarian rule hostile to the institutions of liberal democracy (2017). Muller makes a similar point, noting that since populist leaders claim exclusive authority to represent the people, their administrations are inherently hostile to the opposition. Since he sees populism as antipluralist, Muller excludes many cases of left-wing populism from his definition including movements like Occupy Wall Street or the politics of Bernie Sanders. 8 Similarly, another set of scholars fear that the people s ignorance and psychological maladies make them susceptible to elite manipulation. These scholars also tend to focus particularly on cases of right-wing populism. Hofstadter diagnoses 1960s rightwing anti-communism as a paranoid style of thinking, while a recent study of Trump and Brexit support blames individually-held authoritarian values (Hofstadter R., 1964; Norris P., and Inglehart R., 2019). Meanwhile, Frank blames Republican elites for manipulating poor whites into voting against their interests, while Skocpol suggests that appeals from right-wing think tanks and Fox News resulted in a cooptation of grassroots populist sentiment in the Tea Party (Frank T., 2004; Skocpol V., 2012; Skocpol V. and Hertel-Fernandez A., 2017). Since these explanations point to some inherent limitations in the democratic capacity of citizens either due to psychological tendencies or propensity for elite manipulation they also imply that populism poses a danger for democracy. 9 Alternatively, if we recognize what Honig calls the paradox of democracy the always unfulfilled promise that the whole of the democratic people would rule themselves, populism takes on a very different relationship to democracy (2009). This tension is particularly notable in the US, where while the Constitution opens with We, the People, our federalist system aims to protect against the dangers of direct democracy. As Honig notes, the people, the so-called center of democratic theory and practice, are always inhabited by the multitude, their unruly, ungovernable other (2009: 3). One way to understand this tension is to view the political participation and passionate politics of populism as a periodic and necessary counter to institutions that have become overly bureaucratic or unresponsive (Canovan M., 2002). Similarly, Morone argues that throughout US history, the people have periodically sought to rejuvenate corrupt government institutions with a communal vision of democracy, paradoxically resulting in increases in the size and scope of national bureaucracy (1998). 10 In order to view populism as a participatory alternative to unrepresentative institutions we must broaden out from the predominant ideational approach to populism to encompass how movements use discourse and democratic practices to challenge institutions and elites. Laclau s discursive approach to populism comes closest to providing a guide to how grassroots movements might build toward democratic alternatives (2007). He suggests that populism starts not with a leader s discourse, but rather with a set of unfulfilled demands that creates an antagonistic division between the people and their political institutions. The collective people are then instantiated either by shared identification with a leader or by a symbolic demand. However, in both his own work and his co-author Mouffe s recent study of left

128 126 populism, only the former possibility is fully examined (2018). As Riofrancos argues, Mouffe s examples for left populism highlight leaders like Corbyn and Sanders. Yet the dramatic institutional change that populist movements seek is only likely to be produced if movements engage in rebellious grassroots activity to hold them accountable to their promises (2019: 2). 11 Laura Grattan s theoretical study of grassroots populist movements through US history offers a useful counter to the prevailing leader-focused populist studies. She examines not only discourse, but also what she calls everyday populism, the set of practices by which citizens enact democratic power (2016). She focuses particularly on left-wing populist movements that deepen democracy and challenge status quo institutions, such as the original Populist Party and Occupy Wall Street. On the other hand, she argues that the Tea Party s democratic potential was limited both by its narrow and largely white conception of the people as well as by its mutually beneficial collaboration with right-wing media, thus leading to an individualistic approach to politics that ultimately reinforced the status quo. 12 Similarly, historian Michael Kazin distinguishes between the democratic capacities of left versus right populism (1995). Unlike many scholars who are suspicious of US populism in particular for its propensity, at least since the 1960s, to align with the right-wing politics of racial backlash and conspiracy, Kazin nevertheless argues that the democratic projects of liberals have only advanced when they used a hopeful, expansive, even romantic language of populism (6). In contrast to Mudde s approach to populism as a set ideology, he argues that populism is rather a flexible mode of persuasion that is too elastic and promiscuous to constitute a clear-cut identity (Kazin M., 1995: 3). 13 Kazin s understanding of populism as ideologically flexible also aligns with Taggart s contribution to the populist literature the idea that populist movements contain an implicit or explicit heartland that is conjured up in different ways by its participants (Taggart P., 2000). For Taggart, the heartland constitutes an idealized version of the past from which populist supporters draw their sense of the characteristics and values that define the movement and its people. While this feature of populism can be seen most clearly in right-wing versions of populism in Western Europe and the US, as in Trump s catchphrase Make America Great Again, its backward-looking nostalgia is also compatible with left-wing varieties of populism that are centered in opposition to the unequal impacts of globalization on communities. 14 In the ethnographic analysis that follows, I employ a bottom-up approach to populism to show how the left grassroots populism of Occupy Wall Street both overlaps with and challenges better understood right-wing and leader-centric varieties. Unlike the focus on the discourse and actions of populist leaders, bottom-up conceptions of populism are attentive to the ways citizens participate in enacting democratic power through new forms of mobilization and organization that challenge existing structures. These practices often precede and accompany populist political administrations. Populist Mobilization in Traverse City 15 Traverse City is a productive site for studying both left and right populism. The city hosts active Tea Party and Occupy Wall Street groups, both of which have been meeting weekly since their respective movements formation in 2009 and Additionally,

129 127 while Clinton won democratic stronghold Traverse City, anti-establishment presidential candidates Donald Trump and Bernie Sanders each had strong support in the region (Bloch M., et. al. 2018). Following the election, multiple chapters of the leftwing activist group Indivisible sprang up. 2 Finally, Traverse City was also divided in 2016 over a local populist issue Prop 3, a successful ballot measure to put tax-funded corporate development projects in the downtown up for a vote of the people. 16 I build on a dataset of interviews and observations gathered before and after the 2016 presidential election. This research included semi-structured interviews with key participants, as well as group observations and interviews with populist groups. In the analysis that follows, I draw the majority of quotations and examples from members of the Occupy Wall Street group, which I compare to a local Tea Party group. However, my findings are based on comparison with a broader research sample including Trump, Sanders, and Clinton supporters, anti-trump Republicans, and supporters of Prop 3. 3 Members of both groups meet often enough, both in weekly meetings and in other political activities, that they share and receive much of their political information from one another. 17 Occupy Traverse City has gathered for weekly protests in downtown Traverse City, Michigan, since the beginning of the national movement in Today the group consists of a core of retirees that gather every Saturday, rain, shine, or snow, for two hours of protest downtown, followed by coffee, lunch, and chitchat at a nearby cafe. In general, members tend to be registered Democrats, though some identify as Independents, Socialists, or as members of the Green Party. Many are involved in local and national political advocacy organizations relating to the environment, anti-war, and indigenous rights issues. All strongly supported and some campaigned for Bernie Sanders in the primary, and those that are active in the local Democratic Party call for greater transparency and democratic accountability. It should be noted that the group s demographics predominantly elderly and white may diverge from the Occupy movement and left populism more generally. 18 The local Tea Party group formed after seeing Fox News Glenn Beck s call for American patriots to organize into local political groups in March The group, which identifies with Beck s 9/12 movement, consists of middle aged to elderly constitutional conservatives who meet weekly for political discussions and presentations from state and local politicians and think-tanks. 4 Like the Occupy members, they are engaged outside the group, especially in local politics, serving on county and city boards, and in the Republican Party. While not all members initially supported Donald Trump, they became strong supporters once he won the primary. 19 It should be noted that these groups represent just one possible version of populism, and are not perfectly representative of the broader Occupy and Tea Party movements. Nevertheless, my sustained ethnographic focus on these tight-knit populist groups helps illuminate general patterns of populist socialization, discourse, and identityformation. Narrative of Decline 20 The clearest similarity between members of Occupy and the Tea Party in Traverse City is their shared narrative of national decline. They look back nostalgically to their youth as a model for community, shared values, and moderation, as compared to today s

130 128 polarized era. Supporters of Bernie Sanders and members of the Occupy group cite the increasing power of corporations and special interests and the rising cost of housing, college education, and other staples of life. On the other hand, members of the Tea Party and supporters of Donald Trump are more likely to point towards cultural changes such as a loss of moral values and pride in country, especially among young people. Yet both Occupy and Tea Party members also mention the opposite explanation, suggesting that many link community and cultural losses with economic ones. Finally, in contrast to the recollections of right-wing populists, left populists are less likely to wholly idealize the period, acknowledging that minority populations such as African Americans, women, and the LGBTQ community have made important progress in the intervening years. 21 Occupy members say the relative economic opportunity and job security of the postwar era has slowly disappeared. Paul recalled how good jobs and affordable education used to be attainable, while nevertheless acknowledging that I don t think America s ever been great. He described working summer jobs and over Christmas break to pay his way through school and graduating with just $ 1200 in debt. Others say the social safety net supported them through difficult times, as in the case of James, whose father was killed in a car accident just as he started college. However, he said, since the Great Society was in full swing, the government helped me get a Bachelor s and Master s. Tea Party members have similar reflections. Brenda, a 62-year-old Trump supporter said, In 1973, guys that didn t want to go to college would go to Great Lakes Steel and make 60 grand plus full benefits. Back then you could work at one place until you retired, because we were making stuff. 22 The comparative economic security of the era was most apparent when people compared their early educational and school experiences with those of their children or friends today. Occupy member Charlie, a Green Party voter who said he has little hope that things will ever change, grew even gloomier when he discussed his grown children: They ve never seen the better side of life, they work meaningless low paying jobs and have terrible health care I do think our best years are behind us. But they were never [as] great as we thought. 23 Similarly, Carol compared her own experiences first entering the workforce with those of her current coworkers in the healthcare industry. I graduated in the 1970s right when the median wage started to flatten, said Carol. Nevertheless, she believed in the American Dream, and managed to get through college and into a job with relative ease. Yet today she sees that those same lab techs and other professionals that once would have been middle class now can t afford their retirement or mortgage. 24 Both left and right populists blame politicians, particularly those from their own party, for these losses. Left populists mention the Clinton administration as a flashpoint for when things started to go wrong with the Democrats. In retrospect, Carol blames Clinton-era policies like the removal of the Glass-Steagall Act of and the North American Trade Agreement (NAFTA). 6 Reflecting on her slow realization about what these policy changes meant, she said, Who did this work out for? Corporations and rich people. Walter, a Sanders supporter from a neighboring county, said he first became disillusioned with the Democrats under Jimmy Carter, when the party began to shift towards neoliberalism. Yet he also holds particular ire for the Clintons, whom he views as a unit. It is hard to express the depth of my anger towards the loss of

131 129 manufacturing, he said. I can t think of how to describe the damage he [Bill Clinton] did to working Americans. Similarly, Tea Party members hold a lot of anger towards Republican officials, who they see as failing to live out conservative principles of small government and spending, due to corruption from the political establishment and big money. 25 While Occupy and Tea Party members align in their concerns about loss of economic stability as a result of party incompetence, their explanations of the causes diverge. Whereas Occupy members generally cite the pro-corporate shift in both parties, Tea Party members point to more individualized causes relating to changes in the culture. Brenda faulted young people for failing to value the sacrifices and hard work necessary to make a good living, and studying unrealistic subjects like gender studies in college. Then she reflected on the patriotism of her youth, when we respected the process and flag and president, suggesting that for her, patriotism and prosperity go hand in hand. 26 While Tea Party members emphasize it more, members of both groups recall a strong sense of community in their neighborhoods knowing neighbors, walking to school, and playing outside without fear. Occupy member Helen noted that when she grew up on the outskirts of Detroit in the 1930s, people walked most places, and her family had an ethic of waste not, want not, saving everything from aluminum foil to rubber bands. Meanwhile Rose, an 86-year-old longtime environmental activist and Occupy member, seemed to combine the left and right explanations for loss of community, perhaps since she is a former Republican who switched parties in the Reagan era. She recalled how her father s company, Dow Chemical, a major employer in Midland, Michigan, sponsored a city orchestra. Do corporations still do that now? she asked. Herbert Dow cared about his employees and his town. Corporations now aren t beholden to the country they grew initially in. For Rose, the modern distant attitude of corporations has had a profound negative effect on culture as a whole. If you work for a boss that treats you with respect and furnishes your society, you have a whole different attitude on life, she mused. 27 Finally, members of both groups appear nostalgic for an era of comparatively less partisan rancor. Rose noted that her parents were Republicans, and that back then they were a very moderate, decent, thoughtful party. I learned to care about the environment from my dad. Those on both the left and right lamented the loss of unbiased news media, typically referencing Walter Cronkite as an example of a trusted figure that no longer exists in the media. 28 While left populists do not idealize the 1950s to the same extent as right populists, they project many of the same values onto the era, including community, trust, and economic security. This nostalgic vision illuminates the democratic and social deficits that people feel in their current communities, such as social and political alienation, distrust in institutions, and economic insecurity. Thus the imagined heartland of the past allows populist supporters to envision a different kind of future for the nation. Populist Realizations and Alternative Media 29 These narratives show that Occupy members link their current distrust to particular historical moments when parties or government failed to act in their interests. Yet, in many cases, they weren t concerned about these events in the historical moment. Instead, they describe particular moments of realization, often coinciding with

132 130 accessing alternative media sources or populist political communities. This route towards a populist view of politics corresponds with similar narratives among Tea Party members. 30 Left populists often trace their shift towards populist perspectives to the increasing frivolity, commercialism, and dishonesty of the news media, which they blame on corporate influence. Many say they do not watch any mainstream TV news and get the majority of their news from a set of alternative leftist media sources. Carol said she began to distrust the media during the constant coverage of President Clinton s affair with intern Monica Lewinsky in the 1990s, the moment when she stopped watching TV news: It was weeks of nothing but Lewinsky That was the beginning where it was obvious that it was infotainment, dramatization, sound bites, it wasn t really investigative reporting. 31 Reflecting on the recent outcry over fake news coming from the president and others, she said, Well, it s been fake a long time. People will say it s the liberal media, I call it corporate media. As Charlie explained, If all the TV and newspapers are owned by six corporations, you re not going to get honest news It s the fox in the henhouse. 32 Rob and Sharon, a couple that attends Occupy together, pinpoint their distrust of both the media and government to discovering alternative left media in the1990s. Stumbling on Free Speech TV on satellite dish That just blew me away, said Rob. For the first time, he started hearing about how the U.S. had supported right-wing authoritarian regimes throughout Latin America under Reagan: I was like, is this for real? It s been going on since Vietnam! Others had more personal reasons for distrusting the US military, stemming from participation or protest in the Vietnam War. Charlie said he was politicized after participating in protests of the establishment Democrats and Vietnam War at the Democratic Convention of 1968, which ended in police repression. I was struck dumb by the violence, said Charlie. I had always figured if a cop does something, he would have a reason, but this was just they were enjoying their work. I see that today in North Dakota 7 and lots of other places. 33 Similarly, right populists distrust major news networks and stations and rely on a small set of right-wing sources. However, they mostly blame liberal bias in the education system and among individual journalists, rather than corporate influence. Mary, a Tea Party activist, traces her conversion from what she calls unthinking liberalism to populist conservatism to listening to Rush Limbaugh on the radio in the 1980s. Employing a common phrase among left and right populist supporters, she said, it opened my eyes to how politics were. From Populist Outrage to Political Action 34 As I have shown, both Occupy and Tea Party members perceive that political institutions and culture have changed over their lifetimes in ways that make it harder for most Americans to live a good life. As a result, they are angry and outraged at the elites they hold responsible. They feel especially betrayed by trusted politicians from their own parties who failed to acknowledge or address the problems that people face, including cultural losses to local and national communities, as well as economic and structural changes relating to economic globalization. These feelings motivate people to engage in politics with the intent of reforming institutions and political culture.

133 Dylan, a self-identified socialist and one of the few younger members of the Traverse City Occupy group, joined in 2016 hoping to meet others who were as angry as he was about the political and economic system. He believes that anger can be productive for making change in the face of overwhelming structural problems. Every one of us [is] a part of an unjust system that exploits, he said. I look around and think people need to be more angry [sic]. To posit means to put something on display, so talking about ugly things should be part of being positive. In other words, identifying injustice helps build a sense of what a just nation would look like. 36 These feelings motivated some to try to change these systems from the inside. Emily, a local politician in her early thirties, was motivated to volunteer for Bernie Sanders and then run for office herself out of deep frustration with the situations she saw people facing in her community. 37 We re not making it and it feels like no one cares. Corporations have swallowed up the politicians, they ve taken over. It s angering, motivating. If you want to actually understand and live your values, talk to people. 38 She went on to describe the difficult living conditions she saw and heard about when she door knocked for various campaigns. 39 Sanders supporters sense of betrayal deepened during the 2016 election, when they perceived that the Democratic Party used its delegates and funds to back Clinton over Sanders. Paul, who served as a Sanders delegate at the Democratic National Convention, described his experience: Bernie had four workshops scheduled the DNC cancelled all four, they didn t want all these Bernie people excited Just one more thing that points the finger at the DNC, Hillary, Bill, all the insiders of the Democrats. 40 In part as a result of these experiences, Paul and other Occupy members became more active and vocal in the local county Democratic Party, where they lobbied for change to policies on superdelegates and campaign finance. Responding to the outcry, the DNC subsequently reduced the role of superdelegates in an attempt to bring the party together after the fractious 2016 primary elections. Tea Party members have been similarly vocal critics in the local county Republican Parties, where they have worked to push the party in a rightward and democratically transparent direction. 41 Finally, on a local level, both Occupy and Tea Party members were active participants in the years-long campaign to hold city officials and developers to account as the city underwent rapid economic expansion. Proposition 3, which passed in 2018 and is now in effect, mandates that City Council cannot grant permits for new buildings higher than 60 feet until they are approved by a vote of the people. The Yes campaign for Prop 3 echoed the populist narrative of national decline, with supporters lamenting that the new developments, raised rents, and influx of tourism resulted in losses for community cohesion, local character, and accessible services for the longtime residents of Traverse City. 42 Furthermore, the issue drew on distrust of local political institutions and corporations. Prop 3 supporters claimed that city officials had a history of approving taxpayer funds for private developments without sufficient transparency. On behalf of a local environmental nonprofit, Occupy member Helen issued the initial legal challenge to a development that kicked off the campaign, whereas several Tea Party members

134 132 regularly voiced their discontent with the city permitting process at City Council meetings. The Left Populist People: Pluralism and Unity 43 The preceding analysis of the left populist narrative helps illuminate how left populism s idea of the national people differs from versions on the right. On the one hand, Occupy members look back with nostalgia on an earlier era of U.S. politics when the working class had comparatively more power and polarization was lower. Yet they also acknowledge that some minorities had fewer rights in this era. Overall, they argue that groups of Americans face varying challenges but are also united through their mutually shared exploitation by elite institutions and corporate power in particular. This conception of the people is thus more pluralistic than right-wing varieties that often exclude portions of the working class on the basis of perceived work ethic, race, or religion. Yet it differs from more typical left-wing narratives in its focus on the people, united through joint oppression from corporate elites and fueled by the righteous mass politics and protest. 44 Political theorist Ernesto Laclau s account of collective identity formation in populism helps make sense of this combination of difference and equivalency (2007). He contends that when people start to link together a variety of unmet demands, the group as a whole becomes bonded in antagonism to the unresponsive system, and to shared allegiance to a leader or symbolic idea that each demand can attach itself to. In the case of Occupy Wall Street, the unifying idea is the notion that the corporate interests or the 1% have made U.S. institutions less democratic, thus uniting the 99% in righteous indignation. This metaphor allows for a wide variety of interests to coalesce including concerns about the environment, community losses, and media bias, among others. 45 This logic can be seen in the way Occupy members make sense of the varied oppressions that different Americans face. At the Saturday protests downtown, a large portion of Occupy signs deal with immediate and constantly shifting concerns facing specific populations, such as Native Americans, women, and African Americans. Many of these signs, reading Black Lives Matter or Respect Women were created in response to perceived threats from Trump as both candidate and President. They coexisted alongside more clear-cut populist signs that had long graced many Saturday protests, such as The System Isn t Broken, It s Fixed, and Billionaires bought our Democracy! Steve, an Occupy member who works with a local indigenous rights organization, put it well when he articulated how the unique challenges of African Americans fit together with challenges that all Americans face: It has become clearer and clearer that the increase in inequality is related to the financialization of American corporate structures, privatization of the prison system. We saw it from the inside, we lived most of our lives in African American communities There s a portion of society that benefits from this. White people, yes, but also the 1% benefit way more. 46 When it comes to the balance between difference and equivalence, left populists clearly fall more to the difference end of the spectrum than right populists. Nevertheless, I found that the central framing of the economic oppression faced by the 99% or working people does allow for a vision of unity among the people. Anything that s ever been accomplished for people is bottom up, not top down, said Helen, citing the importance

135 133 of local community organizing over party-led politics. Dylan, the young socialist Occupier, put it more forcefully: What counts as a political act are not the ones that involve polls and voting, it s standing up to police firing water cannons in winter in North Dakota Pain is something that speaks, it s hard to fake. 47 This understanding of a people united by oppression is nevertheless tempered by the frustration members felt about the apparent apathy of fellow leftists who remained disengaged, ignoring their small protests week after week. Yet, they shared a rare moment of hope while reflecting on the first annual Women s March, inspired by Trump s electoral victory, which members attended in Traverse City as well as in the Michigan capital, Lansing. Ellen: It was more emotional for me the second day, I had no idea so many were there in Lansing. Then on Sunday I was on Facebook for hours looking at the demonstrations all over the world. Helen: I m waiting on a report from my granddaughter [who attended the DC march with a college feminist group]. The young people will keep us going. Beverly: It made the world feel like a planet, [and] we were all in it. 48 This uncharacteristically hopeful moment for the group expressed the yearning at the root of their ongoing political actions for a feeling of solidarity with their fellow citizens. That ordinary people coming together to protest and scrutinize could begin to change the unjust systems controlling their lives. Conclusion 49 While this study is based on the dynamics of particular groups of people in one U.S. city, the patterns found in these groups can help explain the rise of populism at this particular political moment across the globe. While the populist movements and administrations that have recently emerged vary broadly, they each express a search for political alternatives amid rapid social and economic change and increasing distrust of traditional institutions and organizations that have failed to mediate these changes. In our current moment, both left and right populist narratives provide a compelling story that helps explain and respond to rising polarization, community fragmentation, and the uneven economic effects of globalization. While the specific grievances will vary across context, and the mostly elderly participants in my study likely felt these changes more strongly than younger people would, these ongoing shifts affect people across the world. 50 The discourse and practices of the Traverse City Occupy Wall Street and Tea Party groups illustrate both similarities and differences between left and right versions of grassroots populism. Most strikingly, the two groups subscribe to similar narratives of decline based in nostalgia for a heartland from their youth in the 1940s-70s. Members describe a downward trajectory for the nation over the course of their lifetimes, and feel a strong sense of loss when they reflect on memories from an era when they felt more strongly connected to their communities, more economically secure, and more trusting of political institutions. They are outraged at the elites who let these losses occur, reserving particular ire for politicians in their own political parties. In turn this outrage led to political action, with members of both groups motivated to hold their respective political parties to account, protest and advocate for issues they care about,

136 134 and join community boards or run for local political office. Thus grassroots populism on both left and right increases political participation and engagement. 51 On the other hand, differences between these narratives also illuminate broader differences between left and right populism. Occupy members hold a more inclusionary and pluralistic notion of the people as comprising everyone but the elite. Thus, their version of populism exhibits more flexibility in responding to demands from a variety of different communities, demonstrating the greater capacity of grassroots left populism to enact truly democratic alternatives to unresponsive political institutions. 52 Given these real differences between left and right populists, one might ask, why should scholars bother to widen conceptualizations of populism so that they are inclusive to movements and left-wing varieties? After all, we could simply categorize Occupy Wall Street as a progressive social movement. Perhaps, as many scholars argue, including the Occupy Wall Street movement and a leader like Donald Trump in the same category of politics results in conceptual stretching, and a loss of usefulness in the concept. Yet, while narrowing the definition of populism may result in increased parsimony, it is important to consider the effects that academic concepts have beyond academia. At a time of high journalistic and popular interest in understanding the rise of populist politics across the world, scholarship on populism inevitably contributes to setting the parameters for popular understandings and responses. Thus, if left-wing, inclusive, and grassroots varieties are left out of stories of populism, the average citizen might be left with the impression that democracy is threatened by populism. On the other hand, if left-wing politicians and grassroots movements are also presented as populist, this same citizen might start to wonder why so many people with distinct ideologies all appear to be outraged about democratic institutions. In this case, the implications might be exactly the opposite that rising inequality around the globe is a real threat, and even a crisis for liberal democracy, and that the many faces of populism are a symptom of that crisis. BIBLIOGRAPHY Akkerman, Agnes, Zaslove, Andrej, and Cas Mudde, How Populist are the People? Measuring Populist Attitudes in Voters, Comparative Political Studies, vol. 47, n o 9, 2014, p BBC News, Jair Bolsonaro: Brazil s firebrand leader dubbed the Trump of the Tropics, BBC News, December , page consulted January 7, Bloch, Matthew, Larry Buchanan, Josh Katz, and Kevin Quealy, An Extremely Detailed Map of the 2016 Election, The New York Times, July 25, 2018, upshot/election-2016-voting-precinct-maps.html#6.02/43.67/-84.56, page consulted August 5, Canovan, Margaret, Populism, New York, NY, Harcourt Brace Jovanovich, 1981.

137 135 Frank, Thomas, What s the Matter with Kansas? How Conservatives Won the Heart of America, New York, Henry Holt and Company, Grattan, Laura, Populism s Power: Radical Grassroots Power in America, New York, Oxford University Press, Hawkins, Kirk Andrew, Is Chavez populist? Measuring populist discourse in comparative perspective, Comparative Political Studies, vol. 42, n o 8, 2009, p Hofstadter, Richard, The Paranoid Style in American Politics. Harper s Magazine. November, 1964, page consulted March, Honig, Bonnie, Emergency Politics: Paradox, Law, Democracy, Princeton, Princeton University Press, Kazin, Michael, The Populist Persuasion: An American History, Ithaca, Cornell University Press, Laclau, Ernesto, On Populist Reason, London, Verso, Lopes, Marina, Making Brazil great again: How Jair Bolsonaro mirrors and courts Trump, The Washington Post, December 31, 2018, making-brazil-great-again-how-jair-bolsonaro-mirrors-and-courts-trump/2018/12/29/df8bf7faf1d9-11e8-99c2-cfca6fcf610c_story.html?utm_term=.22225cea75c4, page consulted January 7, Morone, James, The Democratic Wish, New Haven, Yale University Press, Mudde, Cas, The Populist Zeitgeist, Government and Opposition, vol. 39, n o 3, 2004, p Mueller, Jan-Werner, What is Populism?, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, Norris, Pippa and Ronald Inglehart, Cultural Backlash: Trump, Brexit, and Authoritarian Populism, Cambridge, Cambridge University Press, Riofrancos, Thea, Populism Without the People: On Chantal Mouffe, N+1 Magazine, November 23, page consulted May 20, Skocpol, Theda and Vanessa Williamson, The Tea Party and the Remaking of Republican Conservatism, Oxford, Oxford University Press, Skocpol, Theda and Alexander Hertel-Fernandez, The Koch Network and Republican Party Extremism. American Political Science Association, vol. 14, n o 3, 2016, p doi: / S Taggart, Paul, Populism, Buckingham, Open University Press, Urbinati, Nadia, Populism and the Principle of Majority in Cristóbal Rovira Kaltwasser, Paul Taggart, Paulina Ochoa Espejo, and Pierre Ostiguy (eds.), The Oxford Handbook of Populism, New York, Oxford University Press, 2017, p

138 136 NOTES 1. Occupy Wall Street began as a months-long occupation near the Wall Street financial district in New York City that aimed to bring attention to economic inequality in the wake of the 2008 financial crisis. 2. Indivisible is a national organization with local chapters that was created as a progressive Tea Party by several congressional staffers just after the election of Donald Trump. Among other activities, members make coordinated phone calls relating to national and local politics. 3. While I share Kazin s (1995) contention that it is not useful to call someone a populist (particularly since almost no one calls themselves a populist), in an effort to make comparisons, I refer to supporters of politicians and groups that employ populist narratives and modes of practices as left or right populists. 4. While the 9/12 movement is a distinct organization, I refer to the group as the Tea Party henceforth, since its members also attended Tea Party protests and identify more broadly with the Tea Party movement. 5. The Glass-Steagall Act was designed to separate commercial banking from investment banking and prevented commercial banks from engaging in a number of investment activities. Some argue that the repeal led indirectly to the 2008 financial crisis. 6. Both Trump and Sanders criticized NAFTA during the 2016 presidential campaign, arguing that it led to a loss of American manufacturing jobs. 7. Charlie is referring to the months-long occupation and protests by members of the Standing Rock Sioux tribe and other activists in order to block construction of an oil pipeline that threatened Native water supplies, a subject which the Occupy members discussed frequently, receiving updates from a fellow member who was at the occupation. ABSTRACTS The election of Donald Trump and the rise of anti-immigrant parties throughout Europe have led many to define populism as exclusionary and anti-democratic. Yet inclusive, grassroots, and leftwing varieties of populism have also surged across the world in the same period. This paper aims to conceptualize left populism through the discourse of its supporters. I draw on interviews and observations with supporters of Bernie Sanders and members of Occupy Wall Street in Northern Michigan, gathered before and after the 2016 presidential campaign. I find that left-wing populists feel that it has become harder for the average American to live a decent life due to growing corporate influence on institutions. Like right populists, they are outraged at the failures of elites to acknowledge people s lived realities. However, unlike right populists, they acknowledge that minority populations face unique challenges. Contrary to theorists who claim that populism is incompatible with pluralism, I show that the left populist narrative of oppression by the 1% allows for both difference and unity within the people. L élection de Donald Trump et la montée de partis anti-immigration à travers l Europe ont amené de nombreux observateurs à définir le populisme comme un mouvement anti-démocratique et d exclusion. Pourtant, des variantes populistes inclusives, populaires et de gauche ont également pris leur essor durant la même période. Cet article cherche à conceptualiser le populisme de gauche à travers le discours de ses partisans. Je me base sur des entrevues auprès de

139 137 sympathisants de Bernie Sanders et du mouvement Occupy Wall Street et d observations réalisées au cours de rassemblements pendant et après la campagne présidentielle de 2016 dans le nord du Michigan. Je conclus que les populistes de gauche estiment que l Américain moyen a aujourd hui moins de chances de mener une vie décente en raison de l influence croissante des entreprises sur les institutions. Comme les populistes de droite, ils s indignent de l inaptitude des élites à reconnaître la réalité vécue du peuple. Cependant, à l'inverse des populistes de droite, ils reconnaissent que les minorités font face à des défis uniques. Contrairement aux théoriciens qui soutiennent que le populisme et le pluralisme sont incompatibles, je montre que le récit populiste de gauche de l oppression par le «1 %» permet à la fois la différence et l unité au sein du «peuple.» La elección de Donald Trump y el aumento de los partidos antiinmigración en Europa ha hecho que muchos definen el populismo como excluyente y antidemocrático. Sin embargo, las variedades de populismo inclusivas, de base, y de izquierda han aumentado también a través de todo el mundo en el mismo período. Este artículo pretende conceptualizar el populismo de izquierda usando el discurso de sus partidarios. Saco mis conclusiones de entrevistas y observaciones con partidarios de Bernie Sanders y miembros de Occupy Wall Street en el norte de Michigan, obtenidas durante y después de la campaña presidencial de Concluyo que los populistas de izquierda y derecha sienten que las posibilidades de vivir una vida digna han disminuido debido a la creciente influencia corporativa en las instituciones. Al igual que los populistas de derecha, están indignados por la incapacidad de las élites para reconocer la realidad vivida por el pueblo. Sin embargo, a diferencia de los populistas de la derecha, reconocen que las poblaciones minoritarias enfrentan desafíos únicos. Contrariamente a los teóricos que afirman que el populismo es incompatible con el pluralismo, muestro que la narrativa populista de izquierda de la opresión por el "1 %" permite tanto la diferencia como la unidad dentro del "pueblo". INDEX Mots-clés: populisme, pluralisme, mouvements sociaux, ethnographie, Occupy Wall Street Keywords: populism, pluralism, social movements, nationalism, Occupy Wall Street Palabras claves: populismo, pluralismo, movimientos sociales, etnografía, Occupy Wall Street AUTHOR RACHEL MEADE I am a fifth year Ph.D. candidate in Comparative and American politics. My dissertation investigates the processes by which citizens connect with populist political parties, groups, and leaders, and form their conceptions of "us" and "them". My primary methods are participant observation and interviews with members of local political groups in the U.S. and Argentina, as well as surveys and survey experiments to reveal how people process political news and populist discourse. Other research interests include political identity, emotion in politics, nationalism, and party-society linkages. Rachel_meade@brown.edu

140 138 Revolucionarios o peronistas? Los años en Argentina bajo el prisma de la categoría de populismo Révolutionnaires ou péronistes? Les années en Argentine sous le prisme du populisme Revolutionaries or peronists? The years in Argentina under the prism of the category of populism Revolucionarios o peronistas? Los años en Argentina bajo el prisma de la categoría de populismo Humberto Cucchetti Introducción 1 El peronismo o justicialismo 1 habría encarnado, en su primer gran período de existencia ( ), una manifestación típico-ideal de la categoría de populismo. Es cierto, tal caracterización no es excluyente de otras más o menos contiguas, como lo son los debates sobre los totalitarismos y, en especial, los fascismos. Su abordaje en términos de régimen autoritario nacional-popular alcanzó, desde la evolución de los trabajos del sociólogo italiano radicado en Argentina Gino Germani (Amaral S., 2018), un cierto consenso en la descripción de las dinámicas sociopolíticas presentes en tal fenómeno. Desde dicha veta, otras lecturas más recientes coinciden en definirlo como nacional-populismo (Taguieff P-A, 2002) o, alternativa y recientemente, en términos de democracia hegemónica (Rouquié A., 2016). 2 El peronismo histórico, o primer peronismo, se estructura alrededor de un Estado redistribuidor, de sectores industriales y sindicales, alrededor de principios nacionalistas y tomando como eje dos figuras: Juan Domingo Perón ( ) 2 y Eva Duarte de Perón ( ) 3. Qué sucede, en cambio, cuando pretende abordarse una etapa de la historia peronista en la que sus parámetros de funcionamiento y

141 139 reproducción parecen profundamente amenazados? Tal es el caso del período largo, complejo e internamente contradictorio que se abre desde el golpe de Estado de 1955 hasta el fallecimiento de Juan Perón, en plena tercera presidencia, el 1 de julio de Se ha señalado que la plasticidad organizativa es un rasgo central para comprender la larga historia de la supervivencia peronista (Levitsky S., 2005). Sin embargo, en el cruce de dos niveles históricos, el de la historia local y el de las circulaciones transnacionales, el período ofrece un contexto singular del cual los actores peronistas no están exentos. Entre la radicalización de una experiencia social y política que ha sido desalojada militarmente del poder (con el propio Perón destinado a un largo y por momentos penoso exilio), y la emergencia de una radicalización juvenil y universitaria por demás dinámica a escala internacional, un significado singular de lo revolucionario penetra los espacios militantes y actividades de la adhesión peronista. 3 A partir de esta base histórica, retomando debates historiográficos así como elementos empíricos diversos, podemos abordar el interrogante que se presenta en el título de nuestra contribución. En ese sentido, evocar la pertinencia de la idea de populismo para dar cuenta de las transformaciones atravesadas por el movimiento en cuestión durante la época aludida busca enriquecer la comprensión de las tensiones que se presentan en los años de la radicalización justicialista. Para ello, hemos organizado nuestra contribución en tres grandes momentos. En primer lugar, ofreceremos una síntesis bibliográfica donde se aborda de diferentes ángulos, a veces indirectamente, el problema de nuestro análisis. En segundo lugar, apelando a fuentes heterogéneas y a investigaciones precisas y minuciosas, abordaremos cómo se presenta una relación de solidaridad/tensión entre las manifestaciones más clásicas del fenómeno (que podrían ser calificadas de populistas ) y expresiones de una radicalidad que se propone ir más allá de los marcos conocidos, hasta la época, de la acción peronista. Finalmente, como conclusión, damos cuenta de un debate no saldado alrededor de tal cuestión, pensando en qué medida la exacerbación de principios revolucionarios habría evacuado (o no) los elementos constitutivos de la adhesión peronista. En particular uno de ellos, la fidelidad a Perón. La aclimatación de procesos transnacionales (guerras anticolonialistas, Revolución cubana y Concilio Vaticano II), ofrece así otros temas de discusión que aluden a la capacidad de absorción (y a los límites de la misma) que evidenció el peronismo en tales años. Las dinámicas contestatarias en los sesenta : un aporte bibliográfico 4 Una primera y sintética lectura del período abordado 4 nos lleva a constatar que el eje conceptual populismo se ve en gran medida desplazado por otros fenómenos preponderantes (agitación revolucionaria, organizaciones armadas, Nueva Izquierda, compromiso juvenil, radicalización política, etc.). Sin embargo, este desplazamiento no es total ya que algunas alusiones a la cuestión populista emergen más no sea indirectamente en determinadas interpretaciones. 5 Es importante no olvidar que los cambios sociales y culturales (Manzano V., 2017 ; Cosse I., 2010) que vive el país no son ajenos procesos más vastos que se presentan en diferentes sociedades nacionales (Hobsbawm E., 1994). Ahora bien, la extensión de la población universitaria, así como la influencia de revueltas estudiantiles en Argentina, están ambas asociadas a particularidades propias de la política local que refractan en

142 140 gran medida los rasgos propios de la politización juvenil que en el país se conoció como nacionalización y/o peronización de los estudiantes 5. El peronismo, resignificado en clave disruptiva debido a su exilio y a la permanencia de la fidelidad que aún despertaba en los medios obreros, comenzaba a expresar un valor contestatario, una revisión revolucionaria de tipo maoísta (léase popular ) del principio de la guerra prolongada de masas. Esto es, la etapa clásica de la guerra fría (bloque capitalista vs. bloque comunista) daba lugar a conflictos dispersos y triangulares, donde los intereses del Tercer mundo podían pensarse localmente, aunque sin ahorrar conflictos y controversias, a partir de la adhesión al peronismo entendido como socialismo nacional. 6 Así, tales años en ebullición son marcados por dimensiones bien arraigadas en la política argentina, a saber su fuerte inestabilidad institucional y la legitimidad perdida 6 en su sistema político: la erradicación del peronismo de la vida política, las proscripciones parciales o totales de éste último, así como el grado de politización de las Fuerzas Armadas son incentivos importantes que favorecen la extensión y radicalización de la actividad contestataria extra-partidaria. Todo esto, potenciado por acontecimientos internacionales que se inscriben en una cultura general proclive a la transformación estructural del orden vigente. 7 La proscripción del peronismo, la emergencia de la llamada Resistencia 7, la existencia de un sindicalismo combativo y la persistencia de una identidad popular peronista llevaron a reconocer su radicalidad y su potencialidad revolucionaria. Como en pocos escenarios, la Argentina de los sesenta mostró la coexistencia, la cooperación (también los antagonismos) entre aquello que Pascal Ory (2017) advirtió, para diferentes sociedades y momentos históricos, como dos fenómenos unidos por un tronco mesiánico y utópico común : mitología de izquierda radical y reivindicación populista. 8 La reconsideración del peronismo entrañó un fenómeno vasto, de adhesión a un movimiento aborrecido en 1955, que había sido calificado sucesivamente de nazifascismo, totalitarismo, autoritarismo o, buscando una fórmula más matizada, movimiento nacional popular (Amaral S., 2018). Diferentes oleadas autoritarias tanto civiles como militares, y con la ayuda de una revalorización de la idea de pueblo y de los métodos insurreccionales, generaron la llegada de nuevos actores al peronismo. Desde este punto vista, se trata de un dinámica de clase social, de la llamada clase media que, sobre todo a partir de sus trayectorias intelectuales, habría extrapolado sus orientaciones de clase social (sentimiento de vanguardia, objetivos socialistas) hacia peronismo (Spinelli M-E., 2013). Tal idealización (Sigal S., 1991) no habría impedido la reproducción de viejos prejuicios antiperonistas (desconfianza hacia Perón, rechazo hacia la dirigencia sindical) en el interior del propio movimiento justicialista (Spinelli M-E., 2013:203). 9 Conviene destacar que una parte importante de los estudios propuestos giraron alrededor de indagaciones típicas en términos de historia intelectual. La revalorización del peronismo, incluso su definición, es obra de intelectuales comprometidos en los debates públicos (Neiburg F., 1998). Progresivamente, se fue construyendo un campo nacional-revolucionario en el cual los intelectuales de izquierda comenzaron a comprender el peronismo bajo otras connotaciones, imponiendo una apertura hacia la cuestión nacional (Georgieff G., 2008). El peronismo fue un re-ordenador de las significaciones de la cultura de izquierda, promoviendo un encuentro entre socialismo y nación (Altamirano C., 2011:97). Así, esta revisión supuso un fenómeno de clase

143 141 actores provenientes de los sectores medios y universitarios que se ocupaban de desterrar la vieja asociación fascismo-peronismo para proponer a este último como horizonte de la transformación social. Esto supuso igualmente una verdadera representación de la clase media como actor de la historia argentina a partir de una lectura populista : el encuentro con el peronismo, según Oscar Terán, ofrecía una estructura de culpabilización donde se denunciaba su europeísmo, sus opciones desacertadas durante el 17 de Octubre de 1945 (Terán O., 2017:93-94, 139). En contrapartida, la idea de un pueblo sano integraba esta retórica (Terán O., 2017: ). Se van cimentando así las bases de un populismo radical que movilizará, tiempo después, referencias intelectuales y activistas, dando lugar a la memoria de un peronismo verdadero que se encarnará en Montonero : allí, la revolución se transformará en un hecho absoluto (Altamirano C., 2011: ). 10 Además de la dimensión intelectual señalada más arriba, una idea emerge para dar cuenta de la especificidad de tal proceso de ebullición política y cultural : la Nueva Izquierda. Se trata de un efecto de generación y de ruptura generacional producido por el hecho peronista (Altamirano C., 2011:70-73). Se trata, asimismo, de un fenómeno activista, que en su versión extrema incluyó la radicalización armada. La expresión conoce una gran diversidad de significados según los autores y las autoras en cuestión (Tortti M-C., 2000), abarcando fenómenos y manifestaciones heterogéneos, incluso contradictorios. Además de sus ribetes intelectuales, la Nueva Izquierda habría incluido todo un entramado de emergencia generacional y de crítica interna en el seno de la izquierda argentina que, desde mediados de los años 1950, comienza a poner en tela de juicio a sus partidos tradicionales (el Partido Comunista y el Partido Socialista). Una forma de delimitar el fenómeno consiste en atribuirle, a tal manifestación, la creación, hacia fines de los años 1960 e inicios de la década de 1970, de organizaciones de lucha armada (Hilb C.- Lutzky D., 1984). Sin embargo, las manifestaciones históricamente anteriores de tal emergente generacional incluyeron actores colectivos e itinerarios individuales que no desembocaron en la lucha armada, o que su acceso al horizonte guerrillero fue por demás complejo De este modo, conviene abordar el fenómeno justamente a partir de su complejidad : la violencia política cristalizada finalmente en organizaciones férreamente militarizadas, y las memorias anacrónicamente inteligibles que emanarán del heroísmo revolucionario, serán la tentativa de simplificación extrema de un proceso que, desde la caída de Perón en 1955, fue por demás imprevisible y nebuloso. Desde un punto de vista cultural, la revisión del peronismo supuso una transformación de sus representaciones visuales. Desde el punto de vista de la imagen, así como en función de sus características sociales y conceptuales, se produjo una remarcable transformación del peronismo, yuxtaponiéndose imaginario popular e imaginario de la revuelta (Cristiá M., 2016:221), que retomaba tramas culturales diversas en el seno de un imaginario revolucionario transnacional. Emergió así el mito revolucionario de Eva Perón (explotado en los años 1970, como el de Evita Montonera), que expresa la irrupción de valores culturales modernos y la re-significación del rol disruptivo moral y político que encarnaba la segunda esposa del General (Ehrlich L., 2018). En pleno tercer gobierno de Perón, Eva será el centro de disputas simbólicas y estéticas : mártir popular, ella podía ser recuperada en clave revolucionaria por unos, o de manera maternal por el gobierno justicialista y sus versiones más tradicionales (Cristiá M., 227:2016).

144 El debate sobre el significado final de la guerrilla peronista sigue por lo tanto abierto. Representó Montoneros 9 la tentativa de una guerrilla nacionalista viendo el origen católico y nacionalista de una parte de sus fundadores, la presencia de redes católiconacionalistas en su interior, y el respeto programático de principios de intervención estatal en el marco de una economía de mercado? Fue una tentativa estrictamente socialista que buscaba la colectivización de las áreas económicas argentinas? O ese socialismo se definía básicamente por su voluntad de satelización explícita y concreta dentro de la influencia diplomática cubana lo que habría podido generar, de manera casi paradójica, el único caso de imitación exitosa del dos, tres, muchos Vietnam, una insurrección guevarista a la argentina, en medio de una sociedad urbana y fuertemente industrial? 13 Las respuestas pueden ser legítimamente diversas ya que el proyecto en cuestión fracasó, que su resultado final no puede ser apreciado globalmente y que las interpretaciones dependen de algunas de sus manifestaciones empíricas parciales. El desarrollo de la Tendencia revolucionaria del peronismo significa, para algunos autores, la presencia de una heterogeneidad radical entre el peronismo de Perón, la organización carismática construida a partir de una identidad populista, y el universo del peronismo revolucionario. Para Samuel Amaral, en una célebre obra colectiva, los católicos Montoneros descendían del entrismo trotskista practicado tras la caída de Perón : reclamarse peronistas les habría permitido tener una penetración política de relativa importancia evitando su reducción a simple maquinaria militar (Amaral S., 1993:304). En la misma línea, otros autores señalaron que varios documentos programáticos de tal organización ( Plenario de 1968, Estrategia y tácticas revolucionarias del mismo año, y Ateneo de 1969) buscaban nítidamente la instalación en Argentina de un sistema socialista (Salcedo J., 2015:251). Desde el punto de vista de la sociología política, y analizando las modalidades de organización de las clases populares a partir de tipologías extraídas de manifestaciones latinoamericanas, el sociólogo Torcuato Di Tella propone básicamente dos (además de los partidos socialistas obreros y de los partidos populistas de clase media), que reflejan, justamente por su definición típico-ideal, una delimitación neta entre pertenencia populista y pertenencia revolucionaria (Di Tella T., 2011: ) : los partidos socialrevolucionarios ( fidelistas ) y los partidos obreros populistas ( peronistas o chavistas ). 14 Al contrario, en otra línea de interpretación (Lanusse L., 2010: ) se señala que, en la pluralidad de concepciones existentes dentro de la guerrilla peronista, habría coexistido un conjunto de tensiones constitutivas en lo referente a la relación con el peronismo : la expresión movimientista (quienes creían que el peronismo era revolucionario y relegaban sus diferencias con él), la tendencia revolucionaria (quienes ponían el acento en su potencialidad revolucionaria, conviviendo así tácticamente con los burócratas ), finalmente los alternativistas (quienes mantenían la identidad peronista sin querer convivir con los burócratas, y definiendo al líder como referente burgués ). Sin embargo, en esta misma línea se reconoce que uno de los grupos originales de Montoneros, el erigido alrededor de Emilio Maza y Fernando Abal Medina, encarnaba, previo a su fundación, su expresión más foquista (Lanusse L., 2006:132, ). Hacia 1972, Montoneros se habría estructurado en función del foquismo teorizado por Régis Debray pero de una forma híbrida : aceptaba el rol político de Perón (aspecto impensable en el imaginario guevarista, y en

145 143 el del intelectual francés), aunque de manera secundaria (en el origen de profundas tensiones con el resto del mundo peronista). Populismo y revolución: tensión, enemistad, afinidad o síntesis? Revolución y pueblo: un populismo a la escala militante? 15 Podemos abordar las consideraciones bibliográficas precedentes a la luz de manifestaciones sociopolíticas dispersas. En efecto, el mundo rasante de los militantes, de sus proyectos, de sus redes, de sus organizaciones y de sus itinerarios nos lleva a precisar finamente el alcance de algunos procesos de politización. Ello completa, a veces, o corrige, en otras oportunidades, algunas consideraciones meramente intelectuales o generalizantes. 16 La profundización contestataria durante la segunda mitad de la década de 1960, y los tejidos de la Tendencia Revolucionaria en los primeros años de la década siguiente, se proponen revalorizar a la Resistencia Peronista como primer modelo insurreccional de intransigencia peronista. En efecto, la lógica de la violencia se fue gestando en respuesta a las decisiones más drásticamente antiperonistas que se toman desde fines de Sin embargo, los actores concretos, las prácticas utilizadas y las representaciones construidas obedecieron a entramados mucho más complejos que los argumentos invocados por Montoneros alrededor de la Patria Socialista. 17 La exclusión de Perón de la vida política argentina fue total, la del peronismo por momentos también lo fue. La represión de sus adherentes, extremadamente dura. Y la desactivación de ciertas tentativas de recuperación del poder, netamente sangrienta. En junio de 1956, militares peronistas producen un levantamiento que es finalmente aplastado y sus responsables fusilados. La memoria entroniza tal gesta, la visualiza como un episodio tendiente a producir el retorno de Perón al país. En los hechos históricos, la afinidad entre tales militares y el líder exiliado, y la aceptación de este último a tal modalidad de recuperación del poder (lo que, en los hechos, debilitaba su autoridad popular máxima) es mucho menos evidente (Melón Pirro J., 2009). Ese peronismo insurreccional, aun cuando se manifestaba extremadamente devoto de la figura de Perón, producía imágenes difícilmente compatibles con el estilo y la trayectoria de este último. Incluso, podía desafiar veladamente sus decisiones, apelando a diferentes declaraciones falsificadas, desautorizando por ejemplo el acuerdo entre el líder y el dirigente radical Arturo Frondizi para las elecciones presidenciales de Así, la Resistencia, tiempo después mitificada, encarnó en los hechos un terrorismo amateur (Melón Pirro J., 2009 : 245). Y tuvo manifestaciones en diferentes puntos urbanos del país (Álvarez Y., 2016). Lo guerrillero se erigió, y antes del éxito de la Revolución cubana, en un valor de la cultura peronista 11 al menos para sus activistas y para los nuevos compagnons de route. En la primera mitad de los años 1960, varias publicaciones militantes y organizaciones de juventud, que por momentos fueron estrictamente grupúsculos, desarrollaron una actividad política y de propaganda intensas 12. En ese contexto, ven la luz organizaciones como Guardia de Hierro 13, el Comando de Organización, el Movimiento Nacionalista Revolucionario Tacuara, el Movimiento Revolucionario Peronista, entre otros núcleos de juventud peronista. Y publicaciones diversas, vinculadas a diferentes espacios de activistas : Trinchera de la

146 144 Juventud Peronista, Palabra Argentina, GH, Argentinos a la lucha, 18 de Marzo, entre otras. Como ha sido señalado (Ehrlich L., 2013), antes de la realización del Concilio Vaticano II y de la impronta guevarista alrededor del Hombre Nuevo comenzó a manifestarse un combativismo juvenil alrededor de figuras heroicas y sacrificiales provenientes de referencias católicas y del nacionalismo. Ello podría incluso invertir los argumentos explicativos, ya que podría pensarse en el rol jugado por trayectorias nacionalistas en el proyecto de Guevara por ejemplo, el caso del ex miembro de la Alianza Libertadora Nacionalista argentina, Jorge Masetti (Rot G., 2010), lo que habría contribuido a gestar la ética revolucionaria del sacrificio. Los actores, los espacios de sociabilidad y los valores activistas que animaron el clima contestatario a principios de los años 1960 encontraron en el peronismo el vehículo ideal en términos de pertenencia insurreccional. Los orígenes católicos de tales vectores de la contestación y las reivindicaciones políticas nacionalistas nutrieron en gran medida dicha pertenencia. 19 Así, las representaciones revolucionarias estuvieron bien extendidas en el arco de los órganos de propaganda peronista. La militancia territorial, sindical y activista implicaba la existencia de publicaciones militantes dirigidas por los jóvenes militantes que se entrenaron políticamente en las experiencias y los valores de la Resistencia. Para citar un solo ejemplo, es el caso de la publicación Compañeros, fundada en 1963, núcleo a partir del cual se constituye el Movimiento Revolucionario Peronista (MRP). En esas páginas, se repetían algunos valores clásicos de un peronismo entendido en clave insurreccional. Perón era un dirigente revolucionario, Eva, una líder revolucionaria ; gran parte de la dirigencia sindical y partidaria eran burócratas que traicionaban el más genuino legado de Perón ; el discurso implicaba la adopción de una violencia retórica incontestable, y una idealización del sacrificio activista (Funes A., 2018). 20 El lenguaje contestatario, las apelaciones guerreras y la denunciación del capitalismo y del imperialismo, elementos que podrían significar una profunda atracción en términos de utopía radical de izquierda, no se invocaba al interior de las izquierdas, del esquema analítico del marxismo o de los objetivos del colectivismo socialista. La izquierda argentina, para muchos de estos actores, integraba el amplio mundo antiperonista, y una enajenación con respecto a los intereses nacionales y populares. La aceptación de la Revolución cubana era posible en tanto que modalidad nacional de la liberación nacional el peronismo era el representante exclusivo de esta misma pretensión en Argentina (Funes A., 2018:130, 167). La posibilidad, sin embargo, de desembocar en una concepción leninista (foquista) de la guerra revolucionaria no estaba completamente descartada. 21 Sin embargo, la radicalización ideológica no produjo necesariamente una radicalización política en términos de violencia guerrillera (Ollier M., 1998). Desde el nacionalismo y desde el peronismo intransigente, munidos de una retórica insurreccional, no se llegó necesariamente a la violencia armada en algunos casos, hubo, entre 1973 y 1976, una oposición visceral al foquismo. Comprender tales bifurcaciones (de la agitación sesentista a la oposición a la lucha armada) y pasajes (del peronismo a la guerrilla guevarista, de los orígenes de izquierda al peronismo revolucionario) es central para dar cuenta de la complejidad existente en los itinerarios militantes de la época. 22 La fascinación resistente que había producido la radicalidad peronista en un contexto de exclusión política trastocó la antigua identificación que diferentes voceros tradicionales de la izquierda argentina habían producido del justicialismo como versión local del fascismo. No se trató sólo (ni tanto) de un fenómeno intelectual sino de un

147 145 conjunto de experiencias concretas en términos de sociabilidad y de mutación de pertenencias. 23 Así, en tanto que representación nativa, el populismo como identidad no constituye un dato siempre evidente 14. En algunos casos, como en ciertas variantes clasistas (peronistas o no), se rechaza explícitamente la identidad populista entre otras manifestaciones que eran ajenas a la clase obrera. En otros casos, al contrario, la retórica que insiste en una identidad popular inextricablemente ligada al peronismo resulta un vector esencial dentro de la justificación de la adhesión política. Hemos encontrado tal vector en entrevistas realizadas a militantes politizados durante los años 1960, provenientes de diferentes ciudades argentinas 15. Sus orígenes socioeconómicos son diversos, la mayoría habiendo realizado estudios universitarios. Ideológicamente, los peronistas puros (es decir, aquellos que surgieron de familias peronistas y que no habrían tenidos mayores dilemas al momento de participar políticamente en las filas de tal movimiento político) son raros. En ellos, incluso, adherir al peronismo supuso alguna forma de reinvención de la pertenencia (su peronismo no es el mismo que el de sus familias de origen) o de rodeo por organizaciones nacionalistas o de izquierda en este sentido, la familia no socializa políticamente de manera automática o transparente. Para los ajenos al movimiento nacional, los antecedentes previos al encuentro con el pueblo podían provenir de la izquierda trotskista, del socialismo, de las juventudes comunistas, de los activistas formados en Tacuara, de otros espacios nacionalistas, del compromiso católico y de la democracia cristiana (este último no coincide siempre con la participación en las filas del movimiento católico), entre otras opciones posibles. 24 Podemos citar una trayectoria individual cuya socialización política proviene de espacios bien alejados del movimiento peronista, cuando no hostiles a este último. Roberto Grabois, procedente de una clase media judía (Grabois R., 2014:21), quien tiene 12 años en las jornadas que desembocan en el derrocamiento de Perón en 1955, proviene del Partido Socialista (PS). Su familia tenía una relación extremadamente estrecha con el dirigente socialista David Tieffemberg. Allí comenzó siendo un precoz militante de la rama juvenil. En la segunda mitad de los años 1950, y producto de la penetración que el hecho peronista producía en el partido (caracterizado hasta allí por su marcado socialismo liberal y, consecuentemente, su antiperonismo), el PS atravesó escisiones y disidencias. Grabois fue testigo de ellas. Diferentes cuadros socialistas comenzaron a entablar relaciones con miembros de la Resistencia peronista. La Revolución cubana y la invasión de Bahía de los Cochinos en 1961 produjeron nuevas tensiones en este espacio partidario. 25 En su propia experiencia, él atraviesa una serie de decepciones. En 1961, precisamente, asiste, como miembro de la delegación socialista, al Foro de las Juventudes en la Unión Soviética. Según su relato, allí descubre una realidad que está muy alejada de la idea de progreso social y de humanismo con el que se identificaba al comunismo (Grabois R., 2014:80-98). Al mismo tiempo, sus redes militantes en Argentina comenzaban a alistarse detrás del proyecto de Guevara. Ello lo llevó a confirmar la existencia de solidaridades por demás ceñidas entre aparato cubano, estrategia continental y cuadros socialistas (Grabois R., 2014:75). Como dirigente estudiantil, y profundizando sus contactos con redes del peronismo revolucionario de la época (por ejemplo, el dirigente de la Juventud Peronista Gustavo Rearte), Grabois comenzó a construir una legitimidad en el interior de las agrupaciones universitarias. Progresivamente, y debido

148 146 a la presencia del aparato cubano (verdadera constante en su relato), él manifestó una creciente identificación con el peronismo. Cheville ouvrière del Frente Estudiantil Nacional (FEN), proceso organizativo que data de mediados de los años 1960, con implantación en los principales centros universitarios del país, Grabois propone una justificación intelectual que insiste con dos tiempos de adhesión política, la nacionalización y, enseguida, la peronización de los estudiantes. En 1971, en representación del FEN, se reúne con Perón para sellar el ingreso de su agrupación a las huestes peronistas. 26 Entrevistado junto a otros dirigentes estudiantiles por los realizadores Fernando Solanas y Osvaldo Gettino en el marco del célebre documental La hora de los hornos (1968), Grabois precisa el deber de las luchas universitarias, subordinadas a las luchas nacionales, lo que da pie a comprender cuál es el valor específico (es decir, no en tanto que modelo a imitar ), de la Revolución cubana. tal vez lo que podríamos decir, que lo que caracteriza el proceso del movimiento estudiantil, venir desde el universitarismo, entendido éste como el de la lucha de grandes ideales desde una perspectiva estrecha, parcializada como universitarios, y de tipo paternalista respecto al movimiento popular, hacia una conciencia nacional entendida ésta como fusión con el movimiento popular. Conciencia de que la lucha por una patria liberada, por una patria socialista, deviene inevitablemente de nuestra fusión con el eje fundamental de la revolución argentina, que es la clase obrera. Y una clase obrera no entendida como categoría abstracta, sino entendida en su historia, en sus luchas, en sus sentimientos. Y de allí lo fundamental también, el proceso de toma de conciencia nacional, es la comprensión, la valorización como cosa nuestra, como cosa propia, del proceso peronista, del significado del peronismo para la clase obrera argentina. El peronismo no de los burócratas, entregadores de la lucha para la negociación y la conciliación. El peronismo de las masas, el peronismo de la lucha antiimperialista, el peronismo anti-yanqui, revolucionario, que marca, sin dudas, el derrotero del camino nacional hacia el socialismo. En este sentido, ha tenido una gran influencia el proceso de la Revolución cubana. Revolución nacional, nacionalista y antiimperialista que, en cuyo legado, es para nosotros, marxistas-leninistas, no interpretar este método y esta guía para la acción como un sombrero para pretender encasillar e impostarlo al movimiento popular. Sino como un método de encuentro, de entronque, con la Historia, con la vida de nuestra clase obrera, para gestar en conjunto, con ella adelante, junto a nuestro pueblo, en el camino de la liberación nacional y hacia la construcción del socialismo Tal visión busca situar el rol positivo de la experiencia cubana 17, sin sostenerla como eje o modelo de la transformación política en Argentina, y sin dar lugar tampoco a un posicionamiento anticastrista. Es decir, Grabois hace explícita su procedencia marxista-leninista, el hecho de no haber nacido en el peronismo. Es más, esto incluye una crítica al universitarismo, en el cual la reivindicación particular realizada desde los grandes ideales es efectúa desde una perspectiva estrecha. Se trata de evocar la vieja antinomia entre intelectuales y peronismo, entre universidad y pueblo. La toma de conciencia implica un reconocimiento de lo nacional, de la identidad obrera (peronista), de la particularidad de la revolución argentina. Allí se inscribe el camino nacional hacia el socialismo, la vía revolucionaria que, en clave anti-imperialista, debía hacer posible a la liberación nacional. Revolución cubana? Sí, pero en Cuba. Lo cual muestra la complejidad que manifestarán las oposiciones y alianzas políticas durante los años 1970 cuando, el propio presidente Perón se encargue de invocar, ante la continuidad operativa de las organizaciones armadas, el deber de erradicar toda forma de guerrilla.

149 Ahora bien, dicha centralidad alrededor de la figura de Perón no excluía otras pertenencias que se fueron elaborando, las que resuelven la ecuación pueblo- clase obrera identidad política de otra manera. El peronismo de base expresa, a inicios de los años 1970, una reivindicación atravesada de críticas hacia los enemigos internos. El proyecto, una organización independiente de la clase obrera que llegaba casi a la incompatibilidad con el movimiento que reivindicaban. Alrededor de una cultura clasista, podía afirmarse que ya no creemos en desarrollistas, nacionalistas, populistas, golpistas, solo creemos en nuestras propias fuerzas de clase explotada 18, agregando además que nosotros no somos populistas revolucionarios porque creemos que la clase obrera es la que tiene la capacidad numérica y de decisión para dirigir un proceso revolucionario y para construir una sociedad sin explotación 19. Entonces, tal peronismo de corte clasista pretendía purificar las deformaciones, las nostalgias y las traiciones en el seno del propio movimiento político buscando concretar la utopía de una organización plenamente autónoma de la clase obrera. Reflexiones finales: solidaridad y tensión entre pertenencias disruptivas 29 La presente contribución aborda en gran medida una relación que el historiador y ensayista Carlos Altamirano describió en términos de peronismo y cultura de izquierdas (Altamirano C., 2011). Los términos deben, sin embargo, ser formulados en plural para captar la complejidad de interacciones extremadamente dinámicas, donde la cristalización de los programas, doctrinas e ideologías se diluye en el carácter difuso, histórico y maleable de las pertenencias políticas. Hubo, entonces, peronismos e izquierdas, deudores del mismo contexto, y con respuestas a veces similares y continuas, a veces opuestas. 30 En términos conceptuales, cuál es la pertinencia de la idea de populismo en un período signado por la puesta en suspenso de la dominación carismática, por el avance de la identidad revolucionaria y de la cultura disruptiva, por el auge de proyectos socialistas definidos igualmente en ruptura con la tutela comunista tributaria de la coexistencia pacífica y de la supremacía diplomática soviética? La pregunta incluye interrogantes diversos, pero queda claro que, como hemos abordado en otros trabajos (Cucchetti H., 2013), el guerrillerismo justicialista que emerge en el contexto de la Resistencia se realimenta de la emergencia del fenómeno cubano y de otras legitimidades tercermundistas. La dominación carismática, en cuestionamiento por el exilio del fundador, se potencia con una reapropiación revolucionaria del carisma del líder teñida de acentos maoístas. Y la afinidad entre justicialismo y Revolución, concretizada en diferentes proyectos de poder, da lugar a solidaridades y tensiones que apuntan a dirimir quién es o qué es, en definitiva, el polo de poder en la sociedad política nacional de la época. La antigua tradición populista está atravesada por numerosos conflictos, pero también se extiende en la presencia de lógicas que le eran completamente ajenas o simplemente marginales. 31 La radicalidad que adquirió el peronismo podía ser interpretada (o confundida, para los lectores más puristas) como una versión vernácula de la idea revolucionaria. O como concretización nacional de la utopía socialista. Ello dio lugar a diferentes tentativas de síntesis, algunas de ellas comenzaron incluso durante el período del peronismo clásico.

150 148 Desde el punto de vista de la historia intelectual, se produjeron dos grandes intentos de síntesis : tanto desde el lado de los ideólogos marxistas (el peronismo como horizonte de la liberación social y expresión de las luchas obreras) como desde los anhelos antiimperialistas de los nacionalistas (donde el peronismo representaba el vehículo privilegiado de la liberación nacional). 32 Desde el lado del peronismo, la cultura revolucionaria se insertaba en sus espacios militantes para definir cómo debían establecerse los criterios de la contestación activista. Esto implicó la adopción de un repertorio vasto y diferencial, como el trabajo de agitación, los dispositivos de propaganda, las actividades de vinculación territorial (compromiso en los barrios, alrededor de la población carenciada), de vinculación en los medios obreros (alrededor de los sindicatos), las estrategias de movilización, y, desde ya, los debates sobre la posible creación de partidos armados: insurrección popular o guerra de guerrillas (esta última, en ascenso desde )? Foco guevarista o guerrilla urbana? 33 Agreguemos un entramado colectivo que, re-irrumpiendo 20 en el peronismo, encuentra en éste un espacio ideal para plasmar en su interior un compromiso secular de orígenes mesiánicos : las redes y trayectorias del catolicismo (Donatello L., 2010). La participación de los católicos en diferentes espacios políticos contestatarios constituye una verdadera turbina de politización radical, que puede desembocar, aunque no obligadamente, en la violencia revolucionaria. 34 El antiliberalismo, asociado a una visión de lo nacional entendido en clave revisionista 21, representaba un terreno común por demás extendido en tal clima de época. Este antiliberalismo, transformado en radicalidad mesiánica ofrecía un espacio de entente entre las lógicas nacionalistas (dinámica populista) y las ambiciones rupturistas de actores, representaciones y grupos provenientes de horizontes sociales históricamente hostiles al peronismo (dinámica revolucionaria). La relación entre sectores dirigentes (en el sentido vasto, de actores dotados de recursos de poder) y peronismo no era un hecho extraño en la historia de los orígenes de este último, cuando elites anti status quo (Di Tella T., 2011) adhirieron al primer proyecto peronista desde diversos entramados institucionales Iglesia, Fuerzas Armadas, intelectuales, partidos radicales y conservadores, dirigentes sindicales que se conformaron como entramados de poder. El período que se abre entre 1955 y 1956 verá acrecentar, con el correr de los años, la llegada de estudiantes y activistas que se definirán como peronistas. El control de estas adhesiones por parte de Perón, alejado del poder, devendrá extremadamente parcial, precario. Y estará a la base de la ruptura entre él y Montoneros pocos días antes de su muerte. 35 Ir al pueblo, reivindicar a la clase trabajadora cuando justamente la socialización y la sociabilidad políticas se encontraban ajenas al universo proletario industrial, significó en Argentina la particularidad de la implantación de una pertenencia colectiva estructurada, la de la adhesión peronista, la de un partido carismático. A diferencia de otras realidades donde se presenta ese mismo tipo de legitimidad (en Europa se trataba de buscar el rostro revolucionario en los explotados del Tercer Mundo; en diferentes países latinoamericanos, la existencia de tradiciones de partidos de izquierda constituía un dato insoslayable), en el caso argentino, el mundo obrero ya presente tenía características sociopolíticas propias ello obedece más a una estructura política existente que a los condicionamientos socioeconómicos o a los supuestos del enfoque de la modernización. Entonces, hacia 1973, la coexistencia entre populismo peronista y

151 149 partido revolucionario fidelista se traduce estrictamente en una antinomia 22. Se trata menos de un clivaje que de una tensión : los actores y posicionamientos son cambiantes, las alianzas y discursos provisorios, hasta que, entre las milicias populares 23 y la masacre de Ezeiza (20 de junio de 1973), se cristaliza una oposición aguda: el peronismo en el poder debía erradicar la lucha armada. Es este populismo el que bloquea, en definitiva, la difusión popular de la idea socialista, que en su versión socialista nacional no era otra cosa que, en el mejor de los casos, una expresión sinónima de movimiento peronista. Una parte de la intelectualidad de izquierda y de los partidos armados, munidos de diferentes versiones de guevarismo y de fidelismo, pensaban en la posible influencia de la vía cubana como modelo cuya importación parecía posible. Tal tentativa, en los hechos, representó un fracaso ineluctable. BIBLIOGRAFÍA Aboy Carlés, Gerardo, Populismo y polarización política, in Asociación Latinoamericana de Ciencia Política, Noveno Congreso Latinoamericano de Ciencia Política, Montevideo, de julio de Altamirano, Carlos, Peronismo y cultura de izquierdas, Buenos Aires, Siglo veintiuno, 2011 (2001). Álvarez, Yamile, Aportes para una historia de la Revolución Libertadora en Mendoza, in Páginas. Escuela de Historia, vol. 8, n 16, 2016, p Amaral, Samuel, Conclusión. Del exilio al poder: la legitimidad recobrada, in Samuel Amaral y Mariano Ben Plotkin, Perón: del exilio al poder, Buenos Aires, Cántaro, 1993, p Amaral, Samuel, El movimiento nacional popular. Gino Germani y el peronismo, Sáenz Peña, UNTREF, Basquetti, Roberto, Militantes del peronismo revolucionario uno por uno : Bouilly, Felipe, La Federación Juvenil Comunista como ariete de la ruptura del Partido Comunista de la Argentina, 1967/1969, Jornadas de Historia Reciente, UNL Santa Fe, Cosse, Isabela, Pareja, sexualidad y familia en los años sesenta, Buenos Aires, Siglo Veintiuno, Cristiá, Moira, Imaginaire péroniste. Esthétique d un discours politiques , Rennes, PUR, Cucchetti, Humberto, Servir Perón. Trajectoires de la Garde de Fer, Rennes, PUR, Cucchetti, Humberto, Péronisme ou voie cubaine en Argentine : une histoire transnationale par défaut, in Etudes transaméricaines, Institut des Amériques de Rennes, 25 janvier Di Tella, Torcuato, Sociología de los procesos políticos. De la movilización social a la organización política, Buenos Aires, El Ateneo, Donatello, Luis, Catolicismo y Montoneros. Religión, política y desencanto, Buenos Aires, Manantial, 2010.

152 150 Ehrlich, Laura, El mito revolucionario de Eva Perón en los años sesenta: política, cultura y mercado editorial, in Carlos Altamirano y Adrián Gorelik, La Argentina como problema. Temas, visiones y pasiones del siglo XX, Buenos Aires, Siglo veintiuno editores, 2018, p Ehrlich, Laura, Nacionalismo y arquetipo heroico en la Juventud Peronista a comienzos de la década del 60, in Anuario IEHS, n 28, 2013, p Funes, Andres, Una voz en la bruma. El semanario Compañero y la tradición peronista en los años 60, Tesis de Maestría en Ciencia Política, IDAES- Universidad Nacional de General San Martín, Georgieff, Guillermina, Nación y Revolución: itinerarios de una controversia en Argentina , Buenos Aires, Prometeo, Grabois, Roberto, Memorias de Roberto Pajarito Grabois. De Alfredo Palacios a Juan Perón ( ), Buenos Aires, Corregidor, Hilb Claudia y Lutzky Daniel, La Nueva Izquierda argentina Política y violencia, Buenos Aires, Centro editor de América Latina, Hobsbawm, Eric, Historia del siglo XX, Buenos Aires, Crítica, 2010 (1994). Lanusse, Lucas, Montoneros. El mito de sus 12 fundadores, Buenos Aires, Zeta, 2010 (2007). Lanusse, Lucas, Del motor pequeño al grande. El debate acerca de la relación entre lucha política y lucha militar en los orígenes y primeros tiempos de Montoneros, in Cuestiones de Sociología. Revista de Estudios Sociales, n 3, 2006, p Levitsky, Steven, La transformación del justicialismo. Del partido sindical al partido clientelista, , Buenos Aires, Siglo Veintiuno Editora Iberoamericana, Manzano, Valeria, La era de la juventud en Argentina. Cultura, política y sexualidad desde Perón hasta Videla, Buenos Aires, Fondo de Cultura económica, Neiburg, Federico, Los intelectuales y la invención del peronismo, Buenos Aires, Alianza, Ollier, María Matilde, La creencia y la pasión: privado, público y político en la izquierda revolucionaria, Buenos Aires, Ariel, Ory, Pascal, Peuple souverain : de la révolution populaire à la radicalité populiste, Paris, Gallimard, Rot, Gabriel, Los orígenes perdidos de la guerrilla en la Argentina, Buenos Aires, Waldhuter, 2010 (2000). Rouquié, Alain, Le siècle de Perón. Essai sur les démocraties hégémoniques, Paris, Seuil, Salcedo, Javier, Estrategias y tácticas de la militancia originaria de Montoneros , in PolHis, año 8, n 16, 2015, p Slipak, Daniela, Las revistas Montoneras. Cómo la organización construyó su identidad a través de sus publicaciones, Buenos Aires, Siglo veintiuno, Sigal, Silvia y Verón, Eliseo, Perón o Muerte. Los fundamentos discursivos del fenómeno peronista, Buenos Aires, Eudeba, 2003 (1988). Sigal, Silvia, Intelectuales y poder en Argentina, Buenos Aires, Puntosur, Spinelli, María Estela, De antiperonistas a peronistas revolucionarios. Las clases medias en el centro de la crisis política argentina ( ), Buenos Aires, Sudamericana, Solanas, Fernando y Gettino, Octavio, La hora de los hornos, Grupo Cine Liberacion, 1968.

153 151 Taguieff, Pierre-André, L illusion populiste. Essai sur les démagogies de l âge démocratique, Paris, Champs-Flammarion, 2007 (2002). Terán, Oscar, Nuestros años sesentas. La formación de la nueva izquierda intelectual argentina, Buenos Aires, Siglo veintiuno, 2017 (1991). Tortti, María Cristina, El viejo partido socialista y los orígenes de la nueva izquierda, Prometeo, Buenos Aires, Tortti, María Cristina, Protesta social y Nueva Izquierda en la Argentina del Gran Acuerdo Nacional, in Hernán Camarero, Pablo Pozzi y Alejandro Schneider, De la Revolución Libertadora al menemismo, Buenos Aires, Imago Mundi, 2000, p Archives orales de l'auteur. Publications militantes : Trinchera de la Juventud Peronista, Palabra Argentina, GH, Argentinos a la lucha, 18 de Marzo. NOTAS 1. Centrado en la idea de justicia social, el justicialismo es la expresión utilizada para caracterizar al movimiento peronista. Doctrinariamente, tal caracterización remite a las 20 verdades, principios axiales establecidos por su conductor Juan Domingo Perón en 1950 (segunda mitad de su primera presidencia), y que aluden a la importancia de la representación popular y plebeya, la defensa de los trabajadores (entendidos estos en un sentido laxo, los que trabajan ), de la soberanía nacional y así como al uso social del capital y de la vida económica. A partir de un rol estatal fuerte, la definición filosófica e incluso geopolítica del peronismo pasa por una oposición tajante al capitalismo liberal y al colectivismo marxista, sosteniendo así el principio de la Tercera posición (troisième voie). 2. Oficial del ejército y miembro del grupo de militares que pergeñó el golpe de Estado de 1943, Perón comienza una carrera administrativa ascendiente al frente de la Secretaría de Trabajo y Previsión, donde realiza importantes transformaciones sociales e interactúa con los sindicatos argentinos. Tales medidas lo erigen en ícono de la clase obrera, vínculo a menudo conflictivo sobre el cual se funda el movimiento peronista. Después de un largo exilio ( ), es elegido nuevamente presidente en 1973, pocos meses antes de morir al año siguiente. 3. Segunda esposa de Perón, Evita es asociada a toda una vasta obra de acción social realizada desde el Estado peronista y destinada a sectores desfavorecidos. Sus vínculos con el sindicalismo argentino fueron por demás ceñidos. Sus discursos enfatizaban la radicalidad de la revolución justicialista, y están asociados a un fuerte resentimiento político, plebeyo y vindicativo. Falleció en 1952, afectada por un tumor cancerígeno. 4. Como es de suponer, citamos sólo algunas lecturas significativas, entre otras que habrían podido señalarse. 5. Lo que no quiere decir que el peronismo haya sido un destino omnipresente en la politización juvenil. 6. En relación a la cuestión de la legitimidad, ver Samuel Amaral (1993), y Claudia Hilb- Daniel Lutzky (1984). 7. Núcleos activistas de oposición a las autoridades militares y civiles de turno que emergen con claridad durante 1956, ante los proyectos de desperonización llevados adelante por la Revolución Libertadora, nombre otorgado a la revuelta cívico-militar que produjo la caída de Perón.

154 Ver, en este sentido, el caso de las escisiones en el interior del Partido Socialista Argentino (Tortti MC., 2009) o la fundación del Partido Comunista Argentino en 1969 (Bouilly F., 2012). 9. La organización Montoneros representó la principal guerrilla argentina, implantada en particular en los medios urbanos. Sus grupos fundadores se fueron formando en la segunda mitad de los años 1960, recibiendo algunos de sus dirigentes instrucción militar en Cuba. Con el secuestro y asesinato del ex presidente Pedro Aramburu el primero de junio de 1970, eminente figura del antiperonismo que derrocó a Perón en 1955, la organización expresó su voluntad vanguardista dentro del peronismo y su objetivo de erradicar toda traición interna. Opuesta a la burocracia sindical, en 1973 era inocultable que su antagonismo principal se encarnaba en el liderazgo del propio líder justicialista. 10. Tal es el caso, por ejemplo, de la publicación El Guerrillero, del Comando Nacional de la Resistencia Peronista, uno de los más insurreccionales de la época. 11. Ver, por ejemplo, la guerrilla peronista implantada entre Tucumán y Santiago del Estero Uturuncos. 12. En el contexto de inicios de los años 1970, surgieron publicaciones estrictamente vinculadas a Montoneros (Slipak D., 2015). 13. Ver, por ejemplo : Cucchetti H., Aunque conviene reconocer que la idea de populismo está mucho más presente en el lenguaje de los autores que en el de los actores, quienes muchas veces adoptan tal identidad como consecuencia de la proliferación de discursos exógenos. 15. Nuestro archivo oral, iniciado en 2005, sigue engrosándose au fur et à mesure. Cuenta con más de 30 entrevistas biográficas que buscan erigirse en verdaderos relatos de vida. 16. Declaración de Roberto Grabois en el documental La hora de los hornos (1968). 17. En sus memorias, el mismo actor sostiene que Cuba siguió sosteniendo el apoyo al aparato guerrillero en Argentina durante el gobierno peronista, a pesar de las relaciones económicas sostenidas por el ministro de economía peronista José Gelbard y la isla, tendiente a evitar su bloqueo económico (Grabois R., 2014 : ). 18. Por qué somos peronistas de base? de 1971 (comillas en el texto). 19. Ibíd. (comillas en el texto). 20. Ya que el pasaje del catolicismo al peronismo, y las síntesis entre ambos fenómenos, son bien extendidas durante el período Conviene señalar que la caída de Perón en septiembre de 1955 es el desenlace de un agudo conflicto entre el entonces presidente y la Iglesia : en noviembre de 1954, Perón denuncia la infiltración clerical en política, desatando un conjunto de medidas de gobierno para golpear fuertemente el rol público y social de las instituciones eclesiásticas. Las movilizaciones católicas opositoras durante 1955 permiten coagular todo un vasto universo antiperonista, el que es sostenido militarmente por importantes fracciones de las Fuerzas armadas. 21. Corriente historiográfica que propone establecer continuidades entre figuras y procesos del siglo XIX y siglo XX. 22. En este sentido, la tensión Perón o muerte analizada por Silvia Sigal y Eliseo Verón (2003), entre proyecto totalitario de Montoneros de un lado, y distancia entre peronismo y totalitarismo, de otro, (en otros términos, el Perón de los revolucionarios armados, y el populismo desestabilizador, paradójicamente democrático e institucional aunque poco republicano del primer peronismo) se manifestaron, al menos en los episodios de 1973 y 1974 en términos irreductibles. Tensión y no clivaje que incluso penetró diferentes experiencias militantes y proyectos intelectuales. Gerardo Aboy Carlés sostiene que, por ejemplo, los significados del populismo en Ernesto Laclau (joven militante en los años 1960) son diversos, teorizando aspectos centrales del populismo clásico, pero dando lugar a interpretaciones claramente jacobinas, cristalizadas sobre todo en su célebre último libro La Razón populista (Aboy Carlés G., 2017). Esto permite explicar, desde nuestro punto de vista, la influencia del intelectual argentino en las filas

155 153 de experiencias de izquierda europea como Podemos y la France Insoumise. Podemos remitir, igualmente, a una contribución reciente de Cucchetti H. (2019). 23. Rodolfo Galimberti, dirigente Montonero de la Juventud Peronista, propuso, en abril de 1973, la creación de milicias populares, generando un profundo malestar en Perón y su entorno. RESÚMENES Un conjunto de debates sigue girando alrededor del fenómeno de politización y radicalización militante que se inicia durante la década de Las categorías de Nueva Izquierda, Izquierda Revolucionaria, Peronismo Revolucionario son utilizadas para dar cuenta de tal proceso de agitación estudiantil y de creación de entramados organizativos con vocación revolucionaria de toma del poder de Estado. El abanico de actores, de redes y de métodos de acción contestataria es, sin embargo, más amplio. Este involucra un espacio abigarrado y a veces heteróclito de referencias y de pertenencias militantes. El peronismo mismo es transformado por tales circunstancias históricas y por el advenimiento de una radicalidad política que parece trastocar los fundamentos de la autoridad discursiva (Perón, el orden sindical, cierto estatus partidario legítimo). Retomando algunos trabajos sobre el tema en cuestión, la presente propuesta se propone ir al fondo de una discusión en la que los procesos aludidos son abordados a partir de la pertinencia o no de la categoría de populismo. Es el populismo una categoría pertinente para dar cuenta del período en cuestión? Es posible pensar en términos de militancia populista o se trata, por el contrario, de una ruptura en los acontecimientos que pone en tela de juicio la continuidad de una versión clásica del fenómeno peronista? Entre lectura bibliográfica y análisis de manifestaciones empíricas, este texto pretende fijar las bases conceptuales y metodológicas de tal tipo de interrogación. Concernant le phénomène de la politisation et de la radicalisation militante qui débute au cours des années 1960, nombre de débats demeurent toujours d actualité. Les catégories de Nouvelle Gauche, de Gauche révolutionnaire ou encore de Péronisme révolutionnaire sont mises en œuvre pour rendre compte des mouvements des étudiants et de l instauration de tissus organisationnels à vocation révolutionnaire pour conquérir le pouvoir. L éventail d acteurs, de réseaux et de méthodes d actions contestataires restent pourtant extrêmement large. Cet horizon-là implique un espace souvent hétéroclite de références et de compétences militantes. Le péronisme luimême est secoué et transformé par ces mêmes circonstances historiques, notamment par l essor d une radicalité politique qui semble bouleverser l autorité discursive et politique, à savoir, Perón, les syndicats et le parti. En faisant appel à certains travaux qui traitent de la question, notre contribution se propose d aller au cœur d un débat où les processus mentionnés sont abordés à partir de la pertinence, ou du manque de pertinence, de l idée de populisme. Le populisme est-il une catégorie appropriée pour aborder la période de la radicalisation? Est-il possible de penser en termes de «militantisme populiste»? Ou bien, s agit-il d une rupture dans les événements qui met en cause la continuité du péronisme classique? Entre analyse bibliographique et analyse de manifestations empiriques, notre travail s efforce d orienter les bases conceptuelles et méthodologiques de l interrogation proposée. A series of debates continue to revolve around the phenomenon of politicization and militant radicalization that began during the 1960s. The categories of New Left, Revolutionary Left, and

156 154 Revolutionary Peronism are used to account for such a process of student agitation and the creation of organizational frameworks with a revolutionary vocation to seize state power. The range of actors, networks and methods of contestation is nevertheless broader. This involves a variegated and sometimes heteroclite space of references and militant belongings. Peronism itself is transformed by such historical circumstances and by the advent of a political radicalism that seems to disrupt the foundations of discursive authority (Perón, the union order, a certain legitimate party status). Returning to some work on the subject in question, this proposal aims to go to the bottom of a discussion in which the processes referred to are addressed from the relevance or not of the category of populism. Is populism a relevant category to account for the period in question? Is it possible to think in terms of "populist militancy" or is it, on the contrary, a break in the events that calls into question the continuity of a classic version of the Peronist phenomenon? Between bibliographical reading and analysis of empirical manifestations, this text intends to establish the conceptual and methodological bases of such type of interrogation. ÍNDICE Palabras claves: peronismo, populismo, lucha armada, activismo, militancia revolucionaria Mots-clés: péronisme, populisme, lutte armée, activisme, militantisme révolutionnaire Keywords: peronism, populism, armed struggle, activism, revolutionary militancy AUTOR HUMBERTO CUCCHETTI Investigador en el Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas (CONICET Argentina), Habilitado para dirigir investigaciones (HDR Sorbonne Université), autor de diversos libros (por ejemplo, Servir Perón, PUR, 2013), de artículos en revistas con referato, el autor realiza proyectos de investigación en perspectiva transnacional y comparativa sobre trayectorias militantes, reconversiones y élites político-estatales América latina Europa.

157 155 Les élections de 2018 au Québec : un «moment populiste»? The 2018 elections in Quebec: a populist moment? Las elecciones de 2018 en Quebec: un momento populista? Jean Bernatchez Introduction 1 Les élections d octobre 2018 au Québec marquent une rupture. Après cinquante ans d alternance du pouvoir entre le Parti Libéral de centre-droit et le Parti Québécois de centre-gauche, la Coalition Avenir Québec (CAQ), un parti de droite fondé en 2011, est appelée à former un gouvernement majoritaire. Elle récolte 37 % des voix et 59 % des sièges. Son chef François Legault ne se prétend pas de droite, mais sur les plans économique et social, la CAQ campe objectivement à droite. Il présente plutôt son gouvernement comme celui du gros bon sens. Il reconnaît comme valeur phare la vertu entrepreneuriale 1. Lui-même entrepreneur multimillionnaire et self-made-man, il se définit comme un premier ministre économique. Sa campagne électorale est modulée autour de thèmes qui incarnent le changement pragmatique : baisser les taxes, combattre la bureaucratie, réduire les seuils d immigration et imposer aux nouveaux arrivants un test des valeurs québécoises. En outre, des nuances s imposent afin de décoder les véritables intentions du nouveau gouvernement. Le commentateur politique québécois David Desjardins (2014) affirme que ce parti regroupe des phares et des éteignoirs. François Legault a en effet recruté quelques personnalités reconnues pour leurs compétences (médecins, enseignants, etc.), des phares, mais aussi des éteignoirs, entrepreneurs peu scrupuleux et libertariens partisans du tout-au-marché 2. 2 Un autre fait marquant de cette élection est le succès d un parti de gauche fondé en 2006, Québec solidaire (QS), produit d une union des forces progressistes. Il récolte 16 % des suffrages et 10 des 125 sièges du parlement. Les dirigeants de QS comparent leur parti au mouvement La France insoumise, à la fois sur le plan du message et sur celui de la stratégie partisane déployée. QS est en rupture de ban avec le néolibéralisme et ose

158 156 des propositions audacieuses, notamment quant à la protection de l environnement. Ses détracteurs le qualifient d utopiste. Un journaliste traduit ce sentiment en écrivant que QS «fait campagne sur le dos d une licorne» (Boisvert Y., 2018). 3 En première analyse, la CAQ semble incarner un populisme de droite et QS, un populisme de gauche, populisme non pas comme idéologie aux contours bien définis, mais populisme comme stratégie discursive anti-establishment. Aussi, considérant la théorie politique des réalignements, les élections de 2018 au Québec marquent une rupture et pourraient constituer aussi un «moment populiste» susceptible de se cristalliser dans un nouvel ordre électoral. C est la thèse que nous soutenons dans le présent article. 1. Théorie, approches et techniques d analyse 4 La théorie politique des réalignements est proposée par le politologue français Pierre Martin (2000, 2015). Elle relève de la systémique sociale (il est question de systèmes partisans) et de l institutionnalisme historique (elle considère l évolution des institutions). Un système tend vers l équilibre, mais lorsque celui-ci est rompu, le système entre en crise. Cette crise est la phase de réalignement. Les crises sont porteuses d incertitudes, mais aussi d occasions de changement. La cristallisation d un nouvel ordre électoral marque la fin d une phase de réalignement. Elle intervient [ ] lors d une élection ou d un moment de réalignement. (Martin P., 2015 : 3) 5 La théorie du réalignement postule le passage d un ordre électoral à un autre avec l effondrement de l ordre ancien (la rupture), une phase chaotique marquée par un moment (la phase de réalignement) puis la cristallisation d un nouvel ordre électoral (le réalignement). Le réalignement correspond à un changement de paradigme avec une nouvelle configuration de la vie politique : orientations des politiques publiques, caractéristiques des systèmes partisans, enjeux structurants, relations entre les électeurs et leurs représentants (Monteil P.-O., 2001). 6 Cette théorie transpose dans l univers électoral des concepts éprouvés par ailleurs. D abord, les travaux du psychologue étatsunien Kurt Lewin (1948) sur le processus de changement des attitudes évoquent que celui-ci est caractérisé par trois phases : la décristallisation, la transition et la recristallisation. Les travaux du philosophe des sciences étatsunien Thomas Kuhn (1962) sont articulés autour du concept de paradigme comme manière de concevoir les choses selon un modèle cohérent qui, pour un temps, constitue la manière consensuelle de se les représenter. De la même manière que Thomas Kuhn parle de «science normale» pour caractériser la recherche qui s appuie sur un paradigme, la théorie des réalignements évoque la notion de «politique ordinaire» pour caractériser une assez longue période (vingt, trente ou quarante ans) où se déploie une forme cristallisée de politique. 7 Au Québec, la rupture puis possiblement le «moment populiste» observés lors des élections de 2018 pourraient annoncer une phase plus longue de «politique ordinaire» caractérisée par une forme souple de populisme adaptée à la démocratie parlementaire et au néolibéralisme économique, une forme «imprécise, multifacettes et impressionniste» (Müller J.-W., 2016) qui se déploierait surtout comme stratégie discursive anti-establishment.

159 157 8 La théorie des réalignements est complémentaire d une approche plus globale intégrée à notre pratique de recherche. La présente analyse en porte la trace. L approche cognitive et normative est l œuvre du politologue français Pierre Muller (2018). Elle repose sur le postulat selon lequel les politiques sont le fruit d interactions sociales qui donnent lieu à la production d idées et de valeurs communes. Les politiques sont liées à un référentiel, à une «vision du monde» qui est «un espace de sens où vont se cristalliser les conflits» (Muller P., 1995 : 160). Le référentiel articule plusieurs composantes, entre autres les valeurs, les normes et les images associées au système. L analyse sur un temps long permet de constater le passage d un référentiel à un autre, de repérer les ruptures, les réalignements et les périodes de politique ordinaire. 9 Ce modèle idéel (fondé sur les idées) doit être couplé à un modèle actionnel (qui analyse l action concrète) pour comprendre la joute politique, selon la dialogique idées-actions qui s inscrit dans une boucle récursive : les idées conditionnent les actions qui à leur tour conditionnent les idées, en un cycle sans fin (Morin E., 2005). Notre choix théorique se porte alors sur la gouvernétique à la manière du politologue québécois Vincent Lemieux (2009). Son approche est une synthèse des écrits classiques de chercheurs étatsuniens qui misent sur le pluralisme. Des acteurs (élus, agents, intéressés et particuliers) joutent dans l arène politique pour identifier des problèmes, les prioriser à l agenda et y apporter des solutions, ces phases étant conditionnées par leurs propres intérêts, mais aussi par des critères de faisabilité. Notre analyse porte aussi la trace de cette approche. 10 L analyse documentaire (ouvrages historiques, articles scientifiques, plates-formes des partis politiques, etc.) et l observation sont les techniques mobilisées dans le contexte de notre analyse. La stratégie d observation de l élection québécoise de 2018 se déploie notamment à travers une veille des événements liés à cette campagne électorale, rapportés dans tous les types de médias (y compris les médias sociaux), réalisée en qualité d analyste politique invité à commenter la campagne électorale sur les ondes de la radio publique d État. 11 Nous présentons d abord la synthèse d un récit historique des élections québécoises depuis 1867, année de la fondation du Canada et du Québec. Ce récit est organisé en fonction de cinq grandes époques associées chacune à une image caractéristique du référentiel dominant ; ces périodes sont caractérisées par la séquence rupture, réalignement et politique ordinaire. Nous proposons ensuite des précisions conceptuelles concernant le populisme. Nous présentons finalement notre analyse des élections québécoises de 2018, appréciées sous l angle du populisme. 2. Les élections au Québec : ruptures, réalignements et politique ordinaire 12 Le Québec est l une des dix provinces canadiennes. Sa population est de 8,4 millions d habitants (Institut de la statistique du Québec, 2018). Le français, langue officielle, est parlé par 80 % de sa population. Son système parlementaire est de type Westminster : le gouvernement est dirigé par un premier ministre chef du parti politique qui obtient le plus de sièges au parlement. Il choisit ses ministres parmi les députés élus aux élections tenues à date fixe tous les quatre ans. Le premier ministre choisit les ministres d un cabinet qui exerce le pouvoir exécutif. Le pouvoir législatif est confié au parlement. Le

160 158 parlement canadien, la Chambre des communes, compte 338 députés rattachés à autant de circonscriptions territoriales. Le parlement québécois, l Assemblée nationale, regroupe 125 députés aussi associés à des circonscriptions électorales, mais dont les frontières sont distinctes de celles prévues pour les élections fédérales. Les élections fédérales et celles de chaque province sont tenues à des moments différents, selon des calendriers distincts. 13 Le système fédéral prévoit un partage des compétences défini dans les lois constitutionnelles. Les pouvoirs qui portent sur les domaines d intérêt national (défense, monnaie, citoyenneté, etc.) sont exercés par le parlement canadien et ceux qui touchent les questions d intérêt local (santé, éducation, services sociaux, etc.), par les parlements provinciaux. Certains pouvoirs sont de juridiction partagée (économie, science, immigration, etc.) et les pouvoirs résiduaires relèvent du parlement fédéral. L évolution de la vie en société rend plus importantes au fil des ans certaines compétences : les télécommunications par exemple, pouvoir résiduaire confié au gouvernement fédéral ; l éducation et la santé, qui commandaient peu de ressources en 1867, mais qui imposent maintenant d importants investissements 3. Les gouvernements provinciaux sont ceux auxquels les citoyens s identifient le plus en raison de la proximité des enjeux considérés. Cela est surtout vrai au Québec puisque les Québécois forment une nation distincte au sein du Canada Le scrutin uninominal majoritaire à un tour est en vigueur (le candidat député qui recueille le plus de votes dans une circonscription est élu). Avant de prendre le pouvoir au Québec en 2018, la CAQ a signé avec d autres partis un pacte visant à instaurer un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire ; en 2019, il a amorcé les démarches visant à mettre en œuvre cette réforme à temps pour les élections de Ce nouveau mode prévoit que chaque électeur disposerait de deux votes plutôt que d un seul : un pour choisir le député de sa circonscription et un autre pour choisir un parti politique. Le nombre de circonscriptions passerait de 125 à 75, mais 50 sièges de plus seraient attribués en fonction du deuxième vote et des listes établies par chaque parti. L objectif est de faire en sorte que la composition de l Assemblée nationale traduise le mieux possible l appui populaire à chacun des partis politiques (Castonguay A., 2018) En 2019, vingt et un partis politiques provinciaux sont officiellement reconnus au Québec (Élections Québec, 2019). Les partis fédéraux sont distincts des partis provinciaux, mais d un point de vue historique, quelques grandes familles politiques influencent les valeurs de ces nombreux partis. Les deux premières familles sont caractérisées par la dichotomie entre conservateurs et libéraux. Les conservateurs défendent les valeurs établies et perçoivent le changement comme un élément perturbateur ; cette idéologie ne renvoie pas à des éléments de programme précis, mais se caractérise par une méfiance vis-à-vis du progrès. Les libéraux sont attachés à l idée de progrès, à l économie de marché et aux libertés individuelles 6. Au Canada, à compter de la crise économique des années 1930 se déploie une famille socialiste qui exerce le pouvoir en Saskatchewan pendant vingt ans à compter de 1944 ; elle s incarne à compter des années 1960 dans des partis sociaux-démocrates. En réponse à cette même crise se développe aussi la famille créditiste, une option s appuyant sur une doctrine de redistribution de la richesse et sur des valeurs morales de droite ; les créditistes exercent le pouvoir en Alberta de 1935 à La famille écologiste se développe depuis les années 1980, mais sans grands succès électoraux 7.

161 Afin de comprendre la dynamique électorale québécoise, le temps long s impose. De nombreux chercheurs s intéressent aux élections de manière spécifique à quelque époque ou personnalité, mais le politologue québécois Jean-Herman Guay et son collègue historien Serge Gaudreau (2018) proposent une synthèse compréhensive des enjeux, des idées, des personnes et des partis politiques qui marquent les quarante et une campagnes électorales québécoises organisées entre 1867 et Leur périodisation est découpée en cinq époques dont nous nous inspirons librement pour rendre compte avec nos mots et nos images des vecteurs qui caractérisent chacune d elles. 17 De 1867 à 1897, la rivalité entre conservateurs et libéraux s inscrit dans une logique de Décolonisation tranquille. Les conservateurs sont promoteurs de la Confédération, processus par lequel les colonies de l Amérique du Nord britannique s unirent en 1867 pour fonder le Canada. Certains libéraux militent plutôt pour une annexion des colonies britanniques aux États-Unis. Des Canadiens-français 8 libéraux voient aussi dans la Confédération une tentative d assimilation des francophones héritiers de la Nouvelle-France disparue avec le Traité de Paris de Les conservateurs parlent d une seule voix alors que les libéraux sont divisés sur plusieurs questions, de sorte que les conservateurs monopolisent le pouvoir lors de cette période, sauf durant six années ( ) qui laissent présager la possibilité d une alternance politique. 18 L Ère du Progrès s amorce en 1897 et se termine en Le XX e siècle insuffle un vent de renouveau et les électeurs aspirent au changement. Le Québec s industrialise massivement et la croissance économique est forte. Le progrès est le maître-mot et les libéraux se l approprient. Le Parti Libéral se dote de clubs politiques afin de mobiliser ses militants, adoptant une stratégie précoce de marketing politique. La presse est favorable à ses politiques. Des scandales financiers ont finalement raison du gouvernement libéral au terme de quarante années d un pouvoir sans partage. 19 Maurice Duplessis, chef conservateur, gagne en capital politique en dénonçant ces scandales. Grâce à une alliance avec des libéraux, il fonde l Union Nationale qui prend le pouvoir en Ce parti est au gouvernement jusqu en 1960, sauf durant un mandat ( ) qui coïncide avec la Seconde Guerre mondiale. Cet épisode de vingt ans est qualifié de Grande Noirceur par les historiens en raison de la résistance du chef autoritaire aux mouvements sociaux de l après-guerre. L exercice du gouvernement est marqué par le nationalisme identitaire, un anticommunisme primaire, un pacte avec la faction réactionnaire de l Église catholique et un conservatisme affirmé. L historien Jean-Charles Falardeau (1966) utilise l analogie du «couvercle vissé de force sur une société convertie en marmite de Papin». 20 À compter de 1960, ce couvercle explose lors de la Révolution tranquille, mouvement de réforme initié par le Parti Libéral qui propose un modèle de société dont l unité est possible «par des compromis s articulant autour d un interventionnisme d État, du nationalisme économique, d une démocratisation des services collectifs» (Lévesque B. et al., 1999 : 2). Cette entrée du Québec dans la modernité contribue à l instauration d un modèle québécois social-démocrate qui résiste aux gouvernements qui se succèdent de 1960 jusqu en Un transfuge du Parti Libéral, René Lévesque, fonde en 1968 le Parti Québécois qui milite pour la souveraineté du Québec, mais perd le référendum de 1980 sur cette question. Il exerce le pouvoir de 1976 à La récession économique mondiale du début des années 1980 amène une reformulation des politiques. Le Parti Libéral reprend le pouvoir en 1985 et impose un Ajustement

162 160 structurel aux valeurs du néolibéralisme triomphant. Le Parti Québécois lui succède de 1994 à 2003, mais délaisse son option sociale-démocrate. Le deuxième référendum sur la souveraineté, gagné en 1995 par le camp fédéraliste avec 50,6 % des voix, illustre le clivage qui conditionne alors la dynamique électorale : l axe fédéralisme-souverainisme est plus déterminant que l axe gauche-droite. Après les élections de 2003, le Parti Libéral amorce une ère d austérité. Les réductions de personnel, le contrôle des dépenses, la rationalisation et la réorganisation des services vont être au cœur des débats politiques et électoraux. (Guay J.-H. et Gaudreau S., 2018 : 421) 22 Cette période marque aussi le désintérêt de la population envers les partis politiques 9. Les citoyens se mobilisent contre certains projets particuliers, mais ils ne sont plus au rendez-vous pour soutenir les projets de société, la souveraineté du Québec par exemple, ou la promotion du modèle québécois social-démocrate. 3. Populisme : précisions conceptuelles 23 Il existe un procédé nommé Loi de Godwin : à court d argument avec un interlocuteur, on le disqualifie en le traitant de fasciste. Pareil procédé existe aussi avec le populisme : Qualifier un homme politique [ ] de populiste revient [ ] à le disqualifier en le situant en dehors de la politique respectable et en faisant peser sur lui un double soupçon de démagogie et d autoritarisme. (Raynaud P., 2017 : 8) 24 Cependant, le populisme n est pas le fascisme, même si le fascisme est fondé sur certains procédés populistes. 25 Le sémioticien italien Umberto Eco (2017) établit les caractéristiques du fascisme. Elles ne peuvent être intégrées dans un même système puisque certaines se contredisent, mais «il suffit qu une seule [ ] ne soit présente pour faire coaguler une nébuleuse fasciste» (Eco U., 2017 : 35). Ces caractéristiques sont le culte de la tradition, le refus du modernisme, le culte de l action, la méfiance à l endroit des intellectuels, le recours à une novlangue, le désaccord interprété comme une trahison, la peur de la différence, l obsession du complot, la remise en question de la légitimité des parlements et le nationalisme. En outre, le fascisme naît d une frustration fondée sur l idée de l état primitif de l homme décrit par le philosophe anglais Thomas Hobbes : la guerre de tous contre tous, puisque l homme est un loup pour l homme. Le populisme est aussi une caractéristique du fascisme : le peuple est considéré comme une entité monolithique exprimant une volonté commune, laquelle s oppose à celles des élites et des gouvernements parlementaires. Notre avenir voit se profiler un populisme qualitatif télé ou Internet, où la réponse émotive d un groupe sélectionné de citoyens peut être présentée et acceptée comme la voix du peuple. (Eco, U., 2017 : 46) 26 Cela dit, qu est-ce que le populisme? Le politologue français Guy Hermet rappelle que le mot, inscrit dans les dictionnaires français en 1929, est précédé de la chose. Les auteurs identifient trois sources du populisme (Hermet G., 2018 ; Raynaud P., 2017 ; Reynié D., 2013). La première est située en Russie à compter de 1840 : les narodniki ont comme règle de conduite l action avec et pour le peuple et inaugurent le populisme utopique. Ils sont rebaptisés socialistes révolutionnaires et figurent parmi les premières victimes du bolchévisme en Le général français Georges Boulanger, dans la seconde moitié des années 1880, incarne un populisme charismatique :

163 161 Orchestré par des experts de la communication, le boulangisme répond à l attente d un vaste public scandalisé par l exercice quotidien du pouvoir et tout disposé à acclamer un redresseur de torts. (Hermet G., 2018 : 25) 27 Le boulangisme préfigure les poussées populistes en Europe. Un populisme réformiste s incarne dans le People s Party étatsunien de la fin du XIX e siècle. «Il s appuie sur le postulat d une décadence nationale délibérément provoquée, sur la stigmatisation d un complot planétaire, et sur le sentiment que les honnêtes gens échappent à ce pourrissement.» (ibid. : 28.) Ces trois mouvements sont «l archétype du populisme présent, tant par son identification à une volonté populaire [ ] que par la primauté qu il accorde au discours plutôt qu à l énoncé d un programme» (ibid. : 29). 28 Par la suite, les manifestations de populisme sont nombreuses et contrastées. L entredeux-guerres voit poindre un populisme de crise qui se transforme en fascisme et en nazisme. Après la Seconde Guerre mondiale se déploient les populismes décoloniaux, le nassérisme en Égypte par exemple. En Amérique latine, le populisme étatiste (Juan Perón en Argentine, Hugo Chávez au Venezuela) précède un populisme néolibéral (Carlos Menem en Argentine, Jair Bolsonaro au Brésil). Donald Trump aux États-Unis incarne un populisme réactionnaire qui s inscrit dans une rhétorique aussi utilisée par le Tea Party. «L Asie, dans sa diversité, est parcourue par un mouvement commun : la reviviscence des nationalismes et [ ] l expansion des populismes.» (Raillon F., 2017 : 84.) L Europe n est pas en reste avec ses droites (Rassemblement national en France, Parti national britannique, Mouvement 5 Étoiles en Italie, etc.) et ses gauches populistes (La France insoumise, Podemos en Espagne, Syriza en Grèce, etc.). 29 Il existe des populismes autoritaires, mais celui qui nous intéresse se déploie dans les régimes démocratiques. Le politologue français Dominique Reynié (2013) le caractérise ainsi : un appel au peuple, un discours antiélitiste, un nationalisme xénophobe, un opportunisme programmatique qui aimante les protestations sans assurer une cohérence dans le discours, l autorité personnelle d un chef, la démagogie et la mise en cause personnelle des adversaires. 30 Dans les régimes démocratiques, les partis de centre-droit et de centre-gauche ne rallient plus les populations. En outre, la politologue belge Chantal Mouffe croit que «tous ceux qui s opposent au consensus du centre et au dogme, déclarant qu il n existe pas d alternative à la mondialisation néolibérale, sont [ ] disqualifiés comme populistes» (Mouffe C., 2018 : 31). À la condition que la xénophobie ne soit pas une de ses caractéristiques, le sociologue français Éric Fassin croit qu il est possible de réhabiliter le populisme : Il n est plus nécessairement perçu comme l envers démagogique de la démocratie ; il se donne désormais comme une forme de renouvellement démocratique. (Fassin É., 2017 : 21) 31 Le «moment populiste» se caractérise par «l émergence de multiples résistances contre l actuel système politico-économique perçu comme étant de plus en plus contrôlé par une minorité privilégiée» (Mouffe C., 2018 : 33). Il s agit d un moment où l hégémonie dominante est déstabilisée, où le bloc historique se désagrège. Ce moment ouvre la voie à un nouveau sujet d action collective le peuple capable de reconfigurer l ordre social injuste 10. Pour la gauche, c est une occasion à saisir. Alors que les populistes de droite considéreraient un peuple qui exclut certaines personnes, notamment les immigrés, les populistes de gauche chercheraient plutôt à «fédérer les demandes démocratiques en une volonté collective pour construire [ ] un peuple uni

164 162 contre un adversaire commun : l oligarchie» (ibid. : 41). Cependant, les deux populismes font appel aux émotions plutôt qu à la raison, en rupture avec la tradition rationaliste des Lumières. 32 Qu est-ce que le populisme au Québec? Ses usages savants et médiatiques apparaissent dans les années 2000 (Mazot-Houdin A., 2017). Le politologue québécois Philippe Bernier Arcand (2013) prévient que le populisme est moins présent au Québec qu en Europe, mais qu il l est néanmoins, et «rares sont ceux qui se lèvent pour le dénoncer, sans doute parce qu il y est moins visible» (Bernier Arcand P., 2013 : 10). Il évoque ses caractéristiques, assorties d exemples glanés dans la vie politique et médiatique. D abord, le populisme est antiélitiste. Il propose une rhétorique identitaire traduisant la peur de l étranger qui menace le peuple, son identité, sa culture et ses traditions. Le populisme voue un culte au peuple et s adresse directement à lui par-delà ses représentants. Le populisme flatte les sentiments, mise sur les émotions plutôt que sur la raison. Le gros bon sens du monde ordinaire est le fondement de la légitimité. Le populisme, c est des solutions simplistes, la désignation de boucs émissaires et la recherche de la sagesse populaire face à la technocratie. (Bernier Arcand P., 2013 : 12) 33 Le populisme est aussi démagogie. 34 Le juriste québécois Frédéric Bérard (2018) observe également qu au Québec : Le populisme a le vent en poupe, à droite comme à gauche. Nourri par les institutions qui croulent sous les effets de la politique-spectacle et de la démagogie, il menace du même coup la démocratie et l État de droit. (Bérard F., 2018 : jaquette) 35 Considérant les caractéristiques du fascisme évoquées par Umberto Eco, le juriste y voit des similitudes avec le discours de plusieurs individus, si bien qu il craint que des sociétés comme le Québec ne sombrent dans un fascisme soft. Et quoi qu on en pense, aucun régime ne peut être considéré comme parfaitement à l abri d une chute prochaine ou éventuelle. Particulièrement avec la tangente populiste récemment empruntée. (Bérard F., 2018 : 106) 36 Son angle d analyse est celui du droit : il observe une recrudescence des mesures inconstitutionnelles, de plus nombreuses violations des libertés civiles et le déploiement d un système de justice populaire 11 encouragé par les médias (Bérard F., 2014). 37 Il existe en effet au Québec une radio d opinion très écoutée, la radio-poubelle qui fait la promotion de l intolérance envers les groupes vulnérables. Leurs cibles sont les immigrants, les pauvres, les gais, les autochtones, les gauchistes et les cyclistes 12. Leurs animateurs ne sont plus marginalisés, de sorte que leurs discours sont relayés dans les médias sociaux et dans certains médias traditionnels. Des poursuites judiciaires en diffamation ou en incitation à la haine sont lancées, mais ratent le plus souvent leurs cibles. Ces médias sont rentables d un strict point de vue financier. Des personnalités médiatiques deviennent de véritables hérauts du populisme. 38 Au Québec, les mouvements d extrême droite sont aussi plus visibles et décomplexés, observe la politologue québécoise Aurélie Campana. Elle identifie une vingtaine de ces groupes et dresse un parallèle avec les radios-poubelles : Il y a un contexte [ ] qui est entre autres entretenu par les [ ] radios-poubelles. Je ne suis pas en train de dire que c est ce qui propulse ces groupes-là, mais [ ] ça aide à les banaliser. [...] Le groupe Atalante-Québec 13, par exemple, a organisé des marches

165 163 dans les rues du centre-ville. Des autocollants affublés du slogan Brûle ta mosquée locale sont aussi apparus sur des poteaux en ville.» (Porter I., 2017) 39 La Meute, un autre groupe d extrême droite fondé en 2015, prône un nationalisme identitaire. Certains de ces groupes sont associés à des mouvements internationaux (PEGIDA-Québec par exemple), mais la plupart sont propres au Québec : La différence ne tient pas aux moyens d action et au public ciblé, mais plus à une couche de complexité qui tient [au] discours identitaire [ ]. Il y a au Québec des groupes qui ancrent leur discours dans un nationalisme québécois très exclusif [ ], anti-immigration, de plus en plus anti-musulman», croit Aurélie Campana. (Porter I., 2017) 4. Analyse des élections de 2018 sous l angle du populisme 40 Comment réagit la classe politique québécoise face à la montée de ces groupes d extrême-droite? Le premier ministre libéral sortant, Philippe Couillard, accuse ses adversaires de la Coalition Avenir Québec et du Parti Québécois de susciter la mobilisation de ces groupes (Chouinard T., 2017). En pré-campagne électorale, il affirme que la CAQ est à l extrême droite du spectre politique, une affirmation contredite par l anthropologue québécoise Denise Helly : La CAQ n a jamais fait appel à la violence et elle respecte les institutions parlementaire et juridique. [L]es positions de la CAQ sur l immigration et sur la taille de l État se rapprochent d une droite dure pour le Québec, même si on est loin de l extrême droite. (Valeria A. et al., 2018) 41 La Meute aime la CAQ, mais son chef François Legault n accepte pas cet amour : «[O]n ne peut pas empêcher un cœur d aimer. Mais j aimerais mieux qu ils ne m aiment pas.» (Lecavalier C., 2018.) Il rejette aussi toute association avec la présidente du Rassemblement national après que celle-ci a encensé la CAQ qualifiée de parti antiimmigration dans un journal de France (Grondin M.-R., 2018). Lors des élections de 2018, aucun parti n adhère aux thèses des groupes d extrême droite. 42 Les précédentes élections de 2014 sont favorables au Parti Libéral, au pouvoir depuis 2003 sauf durant un bref intermède de dix-huit mois entre 2012 et Les élections de 2012 font suite au Printemps érable, manifestation étudiante qui se transforme en une contestation plus large traduite dans le Mouvement des casseroles 14 (Porter I. et al., 2012). Cette crise porte un dur coup au gouvernement libéral qui est remplacé par celui, minoritaire, du Parti Québécois, qui perd le pouvoir en Au lendemain de cette élection, le Parti Libéral forme le gouvernement en récoltant 42 % des suffrages et 70 des 125 sièges de l Assemblée nationale. Le Parti Québécois constitue la première opposition officielle (25 % des votes, 30 sièges). La Coalition Avenir Québec (23 % des votes, 22 députés) et Québec solidaire (8 % des votes, 3 députés) sont aussi représentés à l Assemblée nationale. Au cours de ces quatre années, le gouvernement libéral met en œuvre une politique d austérité 15. Des coupes budgétaires en éducation et en santé contribuent à priver la population de ressources. Malgré un réinvestissement à compter de la dernière année de son mandat, la grogne est importante et le Parti Libéral perd la confiance de la population. 43 Les élections de 2018 sont les premières à se tenir à date fixe, le premier lundi d octobre. La campagne de 2018 dure trente-six jours, mais la pré-campagne s amorce au début de Le gouvernement est prolixe en investissements. Il argumente que la

166 164 rigueur budgétaire contribue à ce que l état des finances publiques soit excellent. Son programme mise sur un développement associé à la logique néolibérale, mais en y associant quelques promesses glanées dans les programmes électoraux de ses adversaires et susceptibles de séduire l électorat : soins dentaires et transports publics gratuits pour les jeunes et les aînés, prestations d allocation familiale bonifiées, services de garde gratuits pour les enfants de quatre ans, etc. La campagne électorale du Parti Libéral est sans éclat et sa défaite est historique : 25 % des votes, et 31 sièges seulement. 44 Le Parti Québécois forme la première opposition officielle, mais se retrouve en mauvaise posture. Cette coalition souverainiste regroupe depuis 1968 des gens de la droite nationaliste et de la gauche sociale-démocrate, réunis autour de cette volonté de faire du Québec un pays. Deux référendums perdus, l éloignement par rapport à son option sociale-démocrate et la mise en veilleuse de l article premier de sa plateforme politique mènent à un cul-de-sac électoral. Les gens de droite et de gauche ne se reconnaissent plus dans ce parti, qui n est plus programmatique (attaché à des valeurs fortes), mais opportuniste (il ajuste son programme à la conjoncture et à l esprit du temps) (Lemieux V., 2005). Or, l esprit du temps n est pas favorable à la souveraineté du Québec : cette option rallie au cours des cinquante dernières années entre 35 % et 55 % de la population ; l appui est estimé à 25 % en L esprit du temps n est pas non plus propice au déploiement des valeurs de gauche. Les chefs se succèdent, marqués tantôt au centre-droit, tantôt au centre-gauche. Jean-François Lisée, en poste en 2018, propose un programme de centre-gauche. Toutefois, la stratégie électorale qu il déploie est caractéristique de sa personnalité. Il joue son va-tout sans tenir compte de l avis de ses conseillers. Il distribue des micro-promesses et s acharne sur Québec solidaire (dont les appuis sont concentrés dans quelques quartiers montréalais) plutôt que sur la Coalition Avenir Québec, objectivement son principal adversaire dans la plupart des circonscriptions, cela au grand dam des députés péquistes qui risquent de perdre leurs sièges. La dégelée est historique. Le Parti Québécois réalise son pire score en termes d appuis depuis sa création en 1968 : 17 % des votes, et seulement 10 des 125 sièges La Coalition Avenir Québec, cette «idéologie à la recherche du pouvoir» (Boily F., 2018), est créée en 2011 à un moment où le bipartisme ne correspond plus aux attentes de la population. Le politologue italien Giovanni Sartori (2011) soutient que l existence de tiers partis n affecte pas l alternance au pouvoir entre deux partis, ce qui s observe historiquement au Québec. Or, une fenêtre d opportunité (Kingdom J., 1984) s ouvre en Si la CAQ peut aujourd hui espérer obtenir sa place au gouvernement, [ ] c est que le contexte s y prête en raison de changements importants dans la dynamique politique d ensemble. (Boily F., 2018 : 8) 46 François Legault, un transfuge du Parti Québécois, saisit l occasion. Sans programme et sans candidat au moment de sa création en 2011, la CAQ est néanmoins en tête des sondages (Bourgault-Coté, 2011). Son option est celle de gérer le Québec comme un business 17. «Je rejette le recours systématique aux étiquettes de gauche et de droite», prétend-t-il (Legault F., 2013 : 76). En soi, cette déclaration illustre une posture politique campée à droite, en adéquation avec le programme politique qu il propose lors des élections de 2018 : coupes de postes dans l administration publique, réduction des coûts d approvisionnement d au moins 10 %, baisse des taxes scolaires (cela malgré l ajout de ressources dans le système d éducation), etc. En dépit d une

167 165 campagne difficile, la CAQ obtient 37 % des votes et 74 sièges. Elle forme un gouvernement majoritaire. 47 La CAQ est-elle populiste? Les recherches du politologue québécois Frédéric Boily (2018), spécialiste de la droite et du populisme, tendent à le confirmer. Il dégage deux grandes formes de populisme. Le populisme protestataire consiste à dénoncer les élites, accusées de contrôler le système pour leur profit personnel. Cela correspond au discours de la CAQ. Dénonçant la confiscation du bien national, les populistes protestataires ne cherchent cependant pas à renverser la démocratie parlementaire. Ils prétendent au contraire mieux représenter le peuple. (Boily F., 2018 : 99) 48 Le populisme identitaire postule que l autre (l immigrant notamment) puisse dénaturer le peuple. La CAQ ne va pas aussi loin dans son discours, mais prône une baisse des taux annuels d immigration ( comme cible par rapport à en 2018). «Accueillons-en moins, mais accueillons-les mieux!» Cela se traduit par l imposition d un test des valeurs québécoises pour les nouveaux arrivants assorti de l extradition de ceux qui ne le réussissent pas. Ce projet est préoccupant sur le plan des droits et libertés. Il présente des difficultés sur le plan pratique. Quelles sont les valeurs québécoises? Est-il possible de les connaître sans les reconnaître? Dans un autre registre, François Legault ne possède pas de grandes qualités oratoires, si bien que les ressorts habituels du populisme ne sont pas tous en place. 49 Québec solidaire est fondé en 2006, de l union de plusieurs partis de gauche, depuis le Parti Communiste jusqu aux tiers partis sociaux-démocrates. Ceux-ci parviennent à peine à récolter 1 % des votes dans une circonscription, et ne présentent que quelques candidats. La donne change dans les années 2000 lorsque des scores respectables sont enregistrés dans quelques quartiers de Montréal. Lorsqu un des leurs est finalement élu en 2007, son travail parlementaire est remarqué, si bien qu il ouvre la voie aux autres. Ils sont trois députés élus en 2014, mais créent de fortes assises dans leurs circonscriptions. Une élection partielle en 2017 permet même au co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, leader du Printemps érable de 2012, de récolter 69 % des voix. Le programme que QS propose lors des élections de 2018 est audacieux. Son vecteur est un plan de transition économique et écologique qui s appuie sur des changements de comportements et des investissements majeurs dans le transport collectif. C est un parti en rupture de ban avec le néolibéralisme qui propose aussi des projets pragmatiques : gratuité scolaire, hausse du salaire minimum, augmentation de l impôt des riches, etc. La campagne électorale de 2018 lui permet d obtenir 16 % des voix et 10 sièges à Montréal et en région, un résultat au-delà de ses attentes. 50 Québec solidaire est-il populiste? Il correspond aux caractéristiques du populisme protestataire, alors que le système et ses élites sont remis en question dans ses discours et dans ses actions, en phase avec la tradition de la gauche québécoise d être à la fois un parti des urnes et un parti de la rue. QS cherche à fédérer les personnes, notamment les plus vulnérables, autour de la volonté de combattre un adversaire commun : l oligarchie. Il rejoint en cela le souhait formulé par la politologue Chantal Mouffe (2018) et le sociologue Éric Fassin (2017) de réhabiliter le populisme et d adopter, sur le front de la gauche, une posture adaptée au «moment populiste».

168 166 Conclusion 51 Les élections de 2018 au Québec marquent une rupture et pourraient constituer un «moment populiste» susceptible de se cristalliser dans un nouvel ordre électoral. C est la thèse que nous soutenons dans le présent article. 52 D abord, sur le plan théorique, la théorie des réalignements (Martin, 2000) que nous mobilisons ici pour la première fois s avère porteuse. Couplée à l approche cognitive et normative (une approche idéelle) et à la gouvernétique (une approche actionnelle) que nous utilisons déjà dans le contexte de plusieurs chantiers de recherche, elle permet de rendre compte de manière compréhensive des dynamiques électorales à l œuvre au Québec depuis C est ce que nous illustrons dans la partie de cet article qui fait le récit des élections québécoises, un récit découpé en cinq périodes, chacune associée à une image : la Décolonisation tranquille ( ), l Ère du progrès ( ), la Grande noirceur ( ), la Révolution tranquille ( ) et l Ajustement structurel ( ). Rappelons que la théorie des réalignements postule le passage d un ordre électoral à un autre avec l effondrement de l ordre ancien (la rupture), une phase chaotique marquée par un «moment» (la phase de réalignement) puis la cristallisation d un nouvel ordre électoral (le réalignement). 53 Sur le plan conceptuel, la partie de cet article qui vise à cerner le concept de populisme met en évidence que celui-ci est porteur d un sens négatif, utilisé pour disqualifier l adversaire en le situant hors de la politique respectable et en faisant peser sur lui des soupçons de démagogie et d autoritarisme. Le populisme est très présent dans le monde de 2019 et certains gouvernements du continent américain peuvent être ainsi qualifiés : ceux de Donald Trump aux États-Unis et de Jair Bolsonaro au Brésil, par exemple. Au Québec, le populisme est moins présent qu en Europe, mais il a le vent en poupe, à droite comme à gauche. En outre, une certaine gauche tente de réhabiliter le concept de populisme, de le présenter comme une forme de renouvellement démocratique à condition que la xénophobie et l intolérance ne le caractérisent pas. 54 La partie de cet article consacrée à l analyse des élections de 2018 au Québec illustre d abord une rupture : la fin de cinquante années d alternance entre le Parti Libéral de centre-droit et le Parti Québécois de centre-gauche et la prise du pouvoir par un parti politique créé depuis peu. Ce parti, la Coalition Avenir Québec, réunit des éteignoirs et des phares, propose un programme nettement campé à droite et incarne une forme de populisme protestataire. Il correspond à l esprit du temps, d autant que sans programme, sans candidat ni tradition, au moment de sa création en 2011, il rallie déjà suffisamment d électeurs potentiels pour lui permettre d aspirer au pouvoir. Au terme des six premiers mois de son mandat, en avril 2019, la lune de miel avec la population se poursuit, voire même s intensifie puisque la CAQ gagne sept points de pourcentage alors que le Parti Québécois perd des appuis. Cela tend à confirmer la thèse selon laquelle le Parti Québécois serait un parti générationnel et qu une fusion avec la CAQ, formelle ou de facto, est possible. Québec solidaire, qui incarne un populisme de gauche, profite de cette conjoncture pour recruter ceux de la gauche qui, par habitude ou par loyauté, sont fidèles au Parti Québécois, mais refusent de joindre un parti nationaliste campé à droite. Le réalignement politique à l œuvre favorise la Coalition Avenir Québec et Québec solidaire, un parti de droite et un parti de gauche populistes. 55 Est-il possible de prétendre que les élections de 2018 au Québec constituent un «moment populiste»? Il est trop tôt pour l affirmer. Certaines actions du

169 167 gouvernement caquiste, notamment les nominations partisanes et son soutien à l employeur dans le cas d un conflit de travail important, suggèrent que la CAQ n est pas fondamentalement différente des autres partis qui ont exercé le pouvoir. Il n y a pas, dans cette perspective, «reconfiguration d un ordre social injuste» ou «construction d un nouveau sujet d action collective». Néanmoins, la Coalition Avenir Québec et Québec solidaire, deux jeunes partis qui s inspirent de certains principes caractérisant le populisme, pourraient être les deux principaux acteurs de la phase de «politique ordinaire» d un nouvel ordre électoral au Québec. BIBLIOGRAPHIE Audier, Serge, Néolibéralisme(s). Une archéologie intellectuelle, Paris, Grasset, Bérard, Frédéric, La fin de l État de droit?, Montréal, XYZ, Bérard, Frédéric, Dérèglements politiques, Montréal, Somme toute, Bernier Arcand, Philippe, La dérive populiste, Montréal, Poète de Brousse, coll.» Essai libre», Boily, Frédéric, La Coalition Avenir Québec. Une idéologie à la recherche du pouvoir, Québec, Presses de l Université Laval, Boisvert, Yves, «Faire campagne sur le dos d une licorne», La Presse, 22 septembre 2018 : page consultée le 31 janvier Bourgault-Côté, Guillaume, «Sondage. Legault maintient ses appuis», Le Devoir, 19 septembre 2011 : page consultée le 31 janvier Castonguay, Alec, «Pour que chaque vote compte vraiment», L Actualité, 9 mai 2018 : lactualite.com/politique/elections-2018/2018/05/09/pour-que-chaque-vote-compte-vraiment/, page consultée le 31 janvier Chouinard, Tommy, «Lisée et Legault suscitent la mobilisation de l extrême droite, dit Couillard», La Presse, 15 août 2017 : page consultée le 31 janvier Desjardins, David, «Monsieur le Directeur», Le Devoir, 15 mars 2014 : opinion/chroniques/402698/monsieur-le-directeur, page consultée le 31 janvier Eco, Umberto, Reconnaître le fascisme, Paris, Grasset, Falardeau, Jean-Charles, «Des élites traditionnelles aux élites nouvelles», Recherches sociographiques, vol. 7, n o 1-2, janvier-août 1966, p Fassin, Éric, Populisme : le grand ressentiment, Paris, Textuel, 2017.

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171 169 Muller, Pierre, «Les politiques publiques comme construction d un rapport au monde» in Faure, Alain et al., La construction de sens dans les politiques publiques. Débat autour de la notion de référentiel, Paris, L Harmattan, 1995, p Québec économique, Répartition par mission des dépenses de programmes, Québec, Gouvernement du Québec, 2019 : page consultée le 31 janvier Porter, Isabelle, «L extrême droite de Québec sort de l ombre», Le Devoir, 2 février 2017 : page consultée le 31 janvier Porter, Isabelle et al., «Le mouvement des casseroles se répand aux quatre coins de Montréal et du Québec», Le Devoir, 29 juin 2012 : page consultée le 31 janvier Raillon, François, «Asie orientale : le syndrome national-populiste», Questions internationales, n o 83, janvier-février 2017, p Raynaud, Philippe, «Le populisme existe-t-il?», Questions internationales, n o 83, janvier-février 2017, p Reynié, Dominique, Les nouveaux populismes, Paris, Fayard, coll.» Pluriel», Sartori, Giovanni, Partis et systèmes de partis. Un cadre d analyse, Bruxelles, Éditions de l Université de Bruxelles, Savard-Tremblay, Simon-Pierre, «Youri Chassin en 10 enjeux», Journal de Montréal, 17 avril 2018 : page consultée le 31 janvier Valeria, Andréa et al., «Non, la CAQ n est pas l extrême droite», Journal de Montréal, 28 avril 2018 : page consultée le 31 janvier NOTES 1. Considérant les analyses faites par Michel Foucault et par Pierre Bourdieu, cette valeur phare traduit l avènement du paradigme de l homme-entreprise et la dissolution des collectifs dans l utopie néolibérale (Audier S., 2012). 2. Mentionnons le cas du président de la CAQ, Stéphane Le Bouyonnec, qui s est retiré de la campagne en raison des attaques de ses adversaires. L homme est actionnaire d une compagnie de prêts privés dont les taux d intérêt annuels sont de 90 % ; sa clientèle est constituée de personnes à très faibles revenus (Lecavalier C. et Joncas H., 2018). Il y a aussi le cas du député caquiste Youri Chassin dont les idées «vont dans le sens d un démantèlement radical des institutions qui font la spécificité québécoise» (Savard-Tremblay S.-P., 2018). Il dit ne pas croire au bien commun et milite pour la privatisation des sociétés d État. 3. La santé et l éducation monopolisent respectivement 43 % et 24 % des dépenses de programmes du gouvernement québécois (Québec économique, 2019). 4. Malgré deux référendums perdus sur la proposition de souveraineté politique du Québec (en 1980 et en 1995), il est symboliquement reconnu que le Québec forme une société distincte en raison de sa langue et de sa culture, voire une nation au sens de la motion adoptée par le

172 170 parlement canadien en 2006 : «Cette Chambre reconnaît que les Québécoises et les Québécois forment une nation au sein d un Canada uni.» 5. Au Québec, le mode de scrutin donne lieu à des distorsions électorales : en 1973, avec 55 % des voix, le Parti Libéral récolte 93 % des sièges ; en 1998, avec moins de votes que son principal adversaire (43 % contre 44 %), le Parti Québécois récolte 61 % des sièges. L indice de Gallagher permet de mesurer les distorsions électorales ; cet indice est déterminé pour chacune des quarante et une élections québécoises (Guay J.-H. et Gaudreau S., 2018). 6. Néoconservatisme et néolibéralisme sont des concepts différents de conservatisme et de libéralisme. Le néoconservatisme émerge dans les années 1960 aux États-Unis en opposition à la Nouvelle gauche (New Left) et s incarne dans la politique du président républicain Ronald Reagan. Le néolibéralisme est à la fois idéologie, mode de gouvernance et catalogue de préconisations économiques (Audier S., 2012). 7. Le premier succès électoral du Parti Vert est enregistré lors des élections provinciales d avril 2019 à l Île-du-Prince-Édouard où, avec 8 des 27 sièges du Parlement, le Parti Vert forme l Opposition officielle. 8. Le terme «Québécois» n est généralisé qu à compter des années 1960, lors de la Révolution tranquille. 9. Le membership du Parti Libéral passe de dans les années 1980 à en 2016 ; chez le Parti Québécois, adhésions sont enregistrées en 2016 contre dans les années 1980 (Guay J.-H. et Gaudreau S., 2018). 10. Merci à l évaluateur anonyme pour ses commentaires liés à la conceptualisation du «moment populiste». 11. Il cite l exemple du sénateur conservateur canadien Pierre-Yves Boisvenu qui propose que les assassins aient droit à une corde dans leur cellule de prison pour pouvoir se pendre. 12. Un site ( recense les déclarations discriminatoires des animateurs de radio-poubelle en utilisant comme catégories leurs victimes. Il invite à dénoncer ces propos auprès de leurs commanditaires, afin qu ils cessent leur publicité à ces antennes. 13. Ce groupe d extrême droite fondé en 2016 utilise le nom d un navire français coulé par les Britanniques en 1760 lors de la Guerre de Sept ans (L Atalante). 14. Il s agit d une forme de protestation populaire d abord pratiquée en France au XIX e siècle puis utilisée ensuite dans certains pays hispanophones. Elle consiste à manifester en frappant sur des casseroles pour attirer l attention. 15. Le gouvernement prétend qu il s agit d une politique de rigueur budgétaire, mais ses adversaires et les médias parlent d une politique d austérité. 16. Catherine Fournier quitte le Parti Québécois en mars 2019 pour siéger comme députée souverainiste indépendante. Ainsi, le Parti Québécois ne dispose plus que de 9 sièges à l Assemblée nationale et devient la troisième opposition, derrière Québec solidaire comme deuxième opposition. 17. Malgré une tradition implantée chez tous les autres partis, ce ne sont pas les membres de la CAQ qui élisent le candidat appelé à les représenter dans une circonscription : le chef fait ce choix. Il procède dans certains cas avec un appel de candidatures où les intéressés transmettent leur curriculum vitae, comme s ils postulaient un emploi.

173 171 RÉSUMÉS Les élections de 2018 au Québec marquent une rupture. Après cinquante ans d alternance du pouvoir entre le Parti Libéral de centre-droit et le Parti Québécois de centre-gauche, la Coalition Avenir Québec, un parti de droite fondé en 2011, est appelé à former un gouvernement majoritaire. Un autre fait marquant de cette élection est le succès d un parti de gauche fondé en 2006, Québec solidaire, produit d une union des forces progressistes. Ce parti est en rupture de ban avec le néolibéralisme et ose des propositions audacieuses, notamment quant à la protection de l environnement. La Coalition Avenir Québec incarne un populisme de droite et Québec solidaire, un populisme de gauche, populisme comme stratégie discursive anti-establishment. Aussi, considérant la théorie politique des réalignements, ces élections marquent une rupture et pourraient constituer aussi un «moment populiste» susceptible de se cristalliser dans un nouvel ordre électoral. Nous présentons dans notre article la synthèse d un récit historique des élections québécoises depuis 1867, année de la fondation du Québec, organisé en fonction de cinq grandes époques associées chacune à une image qui illustre le référentiel dominant. Ces périodes sont caractérisées par la séquence rupture, réalignement et politique ordinaire. Nous proposons ensuite des précisions conceptuelles concernant le populisme. Nous présentons enfin notre analyse des élections québécoises de 2018, appréciées sous l angle du populisme. The 2018 elections in Quebec marked a breakthrough. After fifty years of alternating power between the centre-right Parti Libéral and the centre-left Parti Québécois, the Coalition Avenir Québec, a right-wing party founded in 2011, is called upon to form a majority government. Another highlight of this election was the success of a left-wing party founded in 2006, Québec solidaire, a product of a union of progressive forces. This party is at odds with neoliberalism and dares to make bold proposals, particularly with regard to environmental protection. The Coalition Avenir Québec embodies right-wing populism and Québec solidaire, left-wing populism, populism as an anti-establishment discursive strategy. Also, considering the political theory of realignments, these elections mark a rupture and could also constitute a populist moment likely to crystallize into a new electoral order. In this article, we present a summary of a historical account of the Québec elections since 1867, the year Québec was founded, organized according to five major periods, each associated with an image that illustrates the dominant frame of reference. These periods are characterized by the sequence of rupture, realignment and ordinary politics. We then propose conceptual clarifications regarding populism. Finally, we present our analysis of the 2018 Québec elections, assessed from a populist perspective. Las elecciones de 2018 en Québec marcaron un gran avance. Después de cincuenta años de alternancia entre el Parti Libéral de centro-derecha y el Parti Québécois de centro-izquierda, la Coalition Avenir Québec, un partido de derecha fundado en 2011, está llamada a formar un gobierno de mayoría. Otro punto culminante de estas elecciones fue el éxito de un partido de izquierda fundado en 2006, Québec solidaire, producto de una unión de fuerzas progresistas. Este partido está en desacuerdo con el neoliberalismo y se atreve a hacer propuestas audaces, en particular con respecto a la protección del medio ambiente. La Coalition Avenir Québec encarna el populismo de derecha y el Québec solidaire, el populismo de izquierda, el populismo como estrategia discursiva antisistema. Además, considerando la teoría política de los reajustes, estas elecciones marcan una ruptura y podrían constituir también un momento populista susceptible de cristalizar en un nuevo orden electoral. En este artículo, presentamos un resumen de un relato histórico de las elecciones de Québec desde 1867, año de su fundación, organizado en cinco grandes períodos, cada uno de ellos asociado a una imagen que ilustra el marco de referencia dominante. Estos períodos se caracterizan por la secuencia de ruptura, realineación y política

174 172 ordinaria. Proponemos entonces aclaraciones conceptuales sobre el populismo. Por último, presentamos nuestro análisis de las elecciones de 2018 en Québec, evaluadas desde una perspectiva populista. INDEX Mots-clés : Québec, élections, populisme, Coalition Avenir Québec, Québec solidaire Palabras claves : Quebec, elecciones, populismo, Coalition Avenir Québec, Québec solidaire Keywords : Quebec, elections, populism, Coalition Avenir Québec, Québec solidaire AUTEUR JEAN BERNATCHEZ Jean Bernatchez est politologue et professeur-chercheur à l Université du Québec à Rimouski (UQAR). Il est directeur des programmes de cycles supérieurs en éducation de l UQAR et directeur local du programme de doctorat réseau en éducation de l Université du Québec. Ses recherches sont organisées en trois chantiers : analyse des politiques publiques ; gestion et gouvernance scolaires ; épistémologie et méthodologie. Il publie et communique les résultats de ses travaux au Québec et à l étranger. Jean_Bernatchez@uqar.ca

175 173 A direita radical 'bolsonarista': da aporofobia à defesa da memória de regimes de exceção The radical right of Jair Bolsonaro: from aporophobia to the defense of the memory of exception regimes La droite radicale de Jair Bolsonaro : de l'aporophobie à la défense de la mémoire des régimes d'exception La derecha radical de Jair Bolsonaro: de la aporofobia a la defensa de la memoria de los regímenes de excepción Edson Dalmonte e Priscilla Dibai Introdução 1 A defesa de modelos restritivos e autoritários de Estado e sociedade por políticos eleitos democraticamente tem chamado a atenção de pesquisadores de todo o mundo, desde o final do século XX. No Brasil, esse tipo de modelo tem ascendido e encontrado ressonância principalmente em discursos e performances de Jair Bolsonaro, que foi deputado federal por 30 anos e eleito presidente da República, em outubro de O pressuposto adotado por este artigo é de que há uma versão mais radicalizada de direita, que sustenta determinadas particularidades e rotinas que se alinham com o que a literatura internacional tem conceituado como novo radicalismo de direita, cujos líderes participam do sistema de regras democrático, mesmo que suas ideias/propostas imponham contradições aos princípios, valores e crenças da própria democracia representativa (Minkenberg M., 1998). 3 A partir dessa premissa, o trabalho analisa discursos de Jair Bolsonaro em meios de comunicação, de 1986 a 2017, bem como sua atuação política na Câmara Federal, com o objetivo de compreender como esse ator mobiliza e insere os temas do nacionalismo, xenofobia, racismo, Estado forte e (anti)democracia no debate público, identificando

176 174 similaridades e divergências em relação a outros casos internacionais, já mapeados pela literatura. 4 Autores têm indicado que uma nova direita radical ressurgiu no final dos anos 1970, muito relacionada a efeitos desestabilizadores nos pilares da família, nação e tradição, a partir da política de abertura de mercados e privatizações e inserção da tecnologia na vida cotidiana, que resultou em grandes fluxos migratórios, formação de blocos econômicos transnacionais e intensa modificação nas relações homem x sociedade (Giddens A., 1996; Betz H.-G., 1993). Além disso, a literatura aponta convergências, regularidades e similaridades entre as mais diversas ocorrências, mesmo em países e culturas diferentes (Langenbacher N. e Schellenberg B., 2011; Norris P., 2005; Tostes A., 2009). 5 Grande parte da teoria tem sinalizado não apenas o aumento no número de partidos políticos, mas, principalmente, a efetividade e força com que os radicais de direita vêm disputando espaço, adesão e poder, seja no cenário político-eleitoral seja na Internet ou nas ruas. Schain et al (2002) indicam que a presença e as propostas da direita radical têm se tornado cada vez mais normalizadas, tanto na percepção popular quanto na disposição dos demais partidos em compor com esse espectro, a aumentar as chances nas disputas locais e nacionais. 6 O conceito de direita radical passa pela discussão de suas características fundadoras, sobre as quais não há consenso. Em 26 definições pesquisadas por Mudde (1996), são mencionados 58 aspectos diferentes, sendo que apenas cinco se repetem em pelo menos metade dos autores: nacionalismo, racismo, xenofobia, Estado forte e antidemocracia. Esse autor, que posteriormente testou essas características em cinco partidos europeus (Mudde C., 2000), serve como referência importante para este trabalho, que replica a ideia no caso brasileiro, não em partidos políticos, pelas especificidades do nosso contexto, mas para pensar a atuação e ascensão de uma das principais lideranças do espectro, no país. 7 No campo da pesquisa, há uma tendência forte em defender mudanças entre o radicalismo de direita recente e o nazifascismo da primeira metade do século XX. Minkenberg (2011), por exemplo, afirma que essa renovação parte do conceito de ethnopluralism, que se diferencia do antigo discurso nazifascista baseado na hierarquia da diferença racial. O etnopluralismo seria uma estratégia defensiva contra a imigração e a incompatibilidade cultural, a partir da construção de uma filiação nacional, na qual critérios étnicos, culturais ou religiosos são acentuados e condensados em ideias de homogeneidade coletiva, ligados a modelos políticos autoritários (Minkenberg, M. 2011). Ele acredita que a direita radical recente não quer voltar a regimes prédemocráticos, tais como a monarquia ou feudalismo, mas jogar com os antagonismos da democracia para disputar poder e reforçar sua ideia de Estado autoritário, repressivo, fechado e minimamente plural (Minkenberg M., 2000). 8 Conforme indica Mudde (2010), as pautas radicais de direita na Europa têm girado em torno de três temas principais: corrupção, imigração e segurança, de modo que, diferentemente dos políticos tradicionais, suas lideranças não costumam se concentrar em questões socioeconômicas (inflação, desemprego, planos econômicos, acordos internacionais, etc), mas principalmente em temas socioculturais, explorando-os a partir de performances extremadas em meios de comunicação e recorrentes ataques a outgroups (Rydgren J., 2007).

177 175 9 Seguindo esses referenciais teórico-metodológicos, o artigo analisa o caso brasileiro, observando as formas de ocorrência da direita radical no Brasil recente e identificando o que o caso Bolsonaro pode contribuir para a compreensão do fenômeno para além da Europa e dos Estados Unidos. Metodologia 10 O corpus da pesquisa é composto por discursos de Jair Bolsonaro, publicizados na mídia e disseminados para o público em geral. Inclui 26 itens 1, entre matérias, entrevistas, artigos de opinião e participação em documentário. Para a seleção do material, buscamos incluir a maior variabilidade de datas possível, de maneira a formar um intervalo de tempo representativo, condizente com a longa carreira política do ator. Embora não tenha sido possível evitar certas lacunas, principalmente entre os anos de 1987 a 1996 e 2002 a 2010, acreditamos que esse conjunto de dados possa reconstruir satisfatoriamente as maneiras pelas quais a realidade é narrada por esse ator político (Bauer M. et al, 2004). 11 Também nos preocupamos em selecionar diferentes programas, veículos, apresentadores, horários de veiculação e emissoras/empresas de comunicação. Como parte da análise, realizamos uma ampla investigação sobre a carreira e atuação política do ator analisado, sobretudo no que se refere à maneira como votou no Legislativo ao longo dos 30 anos como deputado (anexo 1), relação com os ex-presidentes da época, principais polêmicas em que se envolveu, pedidos de cassação, projetos de lei apresentados, etc. Levantamento da Fundação Getúlio Vargas (CPDOC-FGV), informações do site da Câmara Federal e arquivos jornalísticos ajudaram na execução dessa etapa. 12 Todas as entrevistas em vídeo foram transcritas, a fim de evitar imprecisões. Depois de lido, o material foi codificado e analisado de acordo com as categorias que estruturaram a pesquisa: xenofobia, racismo, nacionalismo, Estado forte e antidemocracia, mais categorias extras, nas quais foram registrados outros achados importantes, como posição econômica defendida, posição em relação à ditadura civil-militar e tipos de inimigos construídos. Depois dessa sistematização, foi realizada a análise de cada um dos aspectos, em sintonia com o mapeamento da atuação política do ator no Parlamento. 13 Este trabalho, apesar de adotar rigor nos procedimentos, apresenta algumas limitações. Como já foi mencionado, o corpus possui lacunas temporais, em função de o ator não ter ocupado a mídia de maneira constante e regular ao longo da carreira. Também, por questões de foco, objetivo e limite de espaço, pode deixar de descrever ou se aprofundar nas relações desse ator com outros espectros, grupos, pautas políticas, contextos e problemas sociais e/ou políticas públicas do país. É preciso pontuar ainda que entendemos a direita radical como um espectro em disputa, integrada por diversas correntes e grupos, multifacetada e diversa, não estável nem uníssona, não sendo nosso objetivo reduzi-la a Jair Bolsonaro tampouco a nossa análise.

178 176 Brevíssimo perfil 14 Jair Messias Bolsonaro nasceu em Campinas (SP), em Ingressou no Exército em 1977, tendo chegado à patente de capitão. No entanto, com pouco mais de 10 anos de carreira, foi encaminhado à reserva por atos indisciplinares, inclusive pelo plano Operação beco sem saída, no qual ameaçava explodir bombas de baixa potência na Academia Militar das Agulhas Negras e em vários quartéis, por reajuste salarial 2. Em 1988, venceu sua primeira eleição, como vereador do Rio de Janeiro. A partir disso, foi deputado federal por sete mandatos consecutivos, de 1990 até Embora tenha protagonizado atos infracionais contra as Forças Armadas, é defensor da memória da ditadura civil-militar de 1964 e tem os militares como seu principal nicho de apoio, pelo menos até 2012, quando supomos que ele tenha ganhado mais visibilidade e representatividade, conquistando simpatia/apoio de outros grupos, sobretudo evangélicos e parte da classe média ressentida com a esquerda/pt 3 (Partido dos Trabalhadores). 16 Ele se declara católico, ainda que tenha protagonizado uma celebração de batismo evangélico no rio Jordão, em Israel, em Mantém estreita ligação política com a bancada e grupos evangélicos, sobretudo nas pautas morais. Também é muito próximo da bancada da bala, que reúne políticos alinhados com a defesa do empoderamento das forças de repressão e liberação do porte de arma; e, nos últimos anos, tem se aproximado dos ruralistas, principalmente na defesa da flexibilização de leis ambientais e na ampliação dos benefícios financeiros a esse segmento. 17 A maioria dos projetos apresentados no Parlamento está relacionada à segurança pública e defesa da categoria militar. Aprovou apenas dois projetos de lei, porém nenhum referente a esses temas, sendo: extensão da isenção do Imposto sobre Produto Industrializado (IPI) para bens de informática e uso da pílula do câncer (fosfoetanolamina sintética). Aprovou uma emenda à Constituição, em 2015, referente à impressão do voto após uso da urna eletrônica, questão contestada pela Procuradoria Geral da República e ainda em discussão no Supremo Tribunal Federal Ao longo da carreira política, foi alvo de pelo menos 30 pedidos de cassação do mandato 5, a imensa maioria por quebra de decoro parlamentar. Desses, apenas três chegaram a tramitar no Conselho de Ética, mas foram arquivados em seguida (Dibai P., 2018). Formou em torno de si o clã Bolsonaro, integrado pelos três filhos políticos: Eduardo, que é deputado federal por São Paulo; Flávio, senador pelo Rio de Janeiro; e Carlos, vereador pelo município do Rio de Janeiro. Análise do caso Jair Bolsonaro Concepções de Nacionalismo 19 Ainda que não seja uma exclusividade da direita radical, o nacionalismo é um aspecto muito importante para a problematização e compreensão desse espectro. A perspectiva nacionalista está relacionada ao surgimento do Estado nacional, como resultado da unificação dos indivíduos de mesma língua, cultura e tradições em um território (Bobbio N. et al, 1998). Assim, a exaltação à nação substituiu a antiga adoração ao rei, com a modificação de que, na monarquia, independentemente da nacionalidade, todos

179 177 eram súditos do monarca, enquanto que no estado nacional, os estrangeiros passaram a significar ameaça (Mosca G. e Bouthoul G., 1987). 20 Na análise empírica, percebe-se que o tema do nacionalismo aparece muito vinculado ao militarismo. A temática militar é tão importante na visão de mundo de Bolsonaro que aparece em 78% dos materiais pesquisados. A defesa da memória/legado da ditadura é, de longe, o tema mais falado. O interessante é que os posicionamentos são todos positivos à ditadura, nunca como crítica, pedido de desculpa ou reflexão dos equívocos. Sempre a postura assumida é a de defesa dos militares ou da memória do regime, seguida de ataque à esquerda e/ou aos guerrilheiros. 21 Em suas narrativas, as Forças Armadas são exaltadas nos planos social, moral e político. A ditadura de 1964 é construída como aquela que defendeu o Brasil da ameaça comunista iminente, que apenas reagiu à violência dos grupos paramilitares armados, que não foi corrupta e que fez uma ótima gestão econômica. (Sente saudade na ditadura) Do respeito às autoridades, aos professores, do pleno emprego, da segurança e da seriedade como se tratava a coisa pública. Não há notícia de um só oficial-general, coronel, capitão ou sargento que tenha enriquecido. Essa foi a principal causa de o Brasil ter passado da 49ª para a 8ª economia mundial. Os militares não eram corruptos. (ÉPOCA, 2011, versão online 6 ) Que época (ditadura militar) maravilhosa! Você podia ir para a rua com segurança, a tua família era respeitada, policial era policial, tá ok?! O Brasil passou da 49ª para 8ª economia do mundo. O Médici fez 15 hidrelétricas. (PROGRAMA DO JÔ, ) 22 A exaltação do militarismo é percebida desde 1986 quando publicou seu primeiro artigo em meios de comunicação, cobrando salários mais justos para o Exército 8 até 2017 quando afirmou que colocaria militares em metade dos ministérios, caso fosse eleito presidente da República 9. No entanto, ao longo desse tempo, os temas variaram de reivindicações salariais para defesas cada vez mais contundentes da ditadura e seus atos, inclusive com a prática de negacionismo histórico. No salvaguardo do regime, ele adota linhas de argumento nem sempre retilíneas ou constantes. É o que acontece com a tortura. Por vezes, assume que existiu, reafirmando que havia uma guerra e/ou risco de comunização do país. Em outras, nega prontamente que a prática tenha existido, alegando que a esquerda se vitimiza e considera qualquer coisa como tortura. Entrevistador: Deputado, deputado, o governo militar torturou ou não? Bolsonaro: Sim, torturou. Sim. E daí? Entrevistador: E aí, o senhor defende isso? Bolsonaro: A tortura é uma arma de guerra. Como eles (guerrilheiros) nos torturaram. (...) Então, guerra é guerra, guerra é guerra, tá certo?! (BRASIL EM DISCUSSÃO, ) Entrevistador: Foi a época (na ditadura militar) em que mais se torturou no Brasil. Bolsonaro: Se você for hoje à Papuda (complexo penitenciário no Distrito Federal), vai ver gente sendo torturada, o pessoal se vitimiza. Entrevistador: Estamos falando de presos políticos. Bolsonaro: Que presos políticos? Eles estavam no foquismo. Eles queriam fazer o que Fidel Castro fez em 1959, na Sierra Maestra. Esses caras (guerrilheiros) são doentes mentais. (CORREIO BRAZILIENSE, )

180 178 Quadro 1 Ideias e argumentos em defesa da ditadura militar 23 Nos primeiros 15 anos como deputado, Bolsonaro se mostrou contrário às medidas neoliberais dos governos Collor e Fernando Henrique Cardoso, sobretudo privatizações, sucateamento das estatais, subserviência ao FMI (Fundo Monetário Internacional), crescimento da dívida externa e entrada massiva de capital estrangeiro no país. Barbaridade é privatizar, por exemplo, a Vale do Rio Doce como ele (FHC) fez, é privatizar as telecomunicações, é entregar nossas reservas petrolíferas para o capital externo(...) (PROGRAMA DO JÔ, 2005) 24 A partir de 2014, começou a adotar uma posição um tanto contraditória sobre a economia, que mescla autoritarismo com neoliberalismo, vontade de controle sobre a iniciativa privada com a diminuição do Estado. Desde esse período, tem se afirmado liberal, defensor da propriedade privada, da meritocracia e assumido discursos próempresários e ruralistas, contra direitos dos trabalhadores (INFOMONEY, ). Comentou certa vez que é justo mulheres ganharem menos por engravidarem (ZERO HORA, ). Também mudou de opinião sobre as privatizações, defendendo a venda de certas estatais. (...) sou totalmente a favor da meritocracia, do livre mercado, mas claro que não é tudo, afinal, eu sou a favor de um governo autoritário. O governo não pode perder a mão e deixar tudo no [setor] privado, senão vira palhaçada (...) Têm coisas que não dá para não privatizar. O setor de telecomunicações, por exemplo, não tinha como não ter sido feito, mas a privatização da Vale eu fui contra... Petrobrás, eu sou contra. (INFOMONEY, 2014) Eu sou um liberal, se eu quero empregar você na minha empresa ganhando R$ 2 mil por mês e a Dona Maria ganhando R$ 1,5 mil, se a Dona Maria não quiser ganhar isso, que procure outro emprego! O patrão sou eu. (ZERO HORA, 2014) 25 Jair Bolsonaro não costuma assumir discursos idealizados de nação nem do povo brasileiro, embora faça, algumas vezes, generalizações nesse sentido. Também não costuma endossar o discurso nativista que apela para o laço sanguíneo ou para o

181 179 pertencimento territorial. Inclusive, tem se mostrado contrário aos direitos de povos tradicionais, como índios e quilombolas 14, da mesma forma que vê os nordestinos como um grupo diferenciado, contribuindo para sua estigmatização ao considera-los refém dos políticos da seca (BRASIL EM DISCUSSÃO, 2012) ou excessivamente dependentes de benefícios sociais (THE NEW YORK TIMES, ). 26 O Brasil é retratado por Bolsonaro a partir de seus problemas de corrupção, alta criminalidade, maus governantes (de Collor a Dilma Rousseff fez crítica a todos, embora em graus variados) e políticas equivocadas (das privatizações às cotas). Os elementos verdadeiramente motivadores para a reconstrução da nação não viriam de sua realidade material, que deixa a desejar, mas do desejo por um Executivo centralizador e poderoso, intransigente em relação aos valores morais, que exalta a autoridade e a exclusividade da família heterossexual, que governa ao lado das Forças Armadas, sob o alento da religião. A partir dessas bases, que emolduram sua sociedade desejada, tenta construir sua imagem como um político capaz de honrar a Deus e salvar a pátria, forjando-se como decente, corajoso, independente, defensor dos bons costumes, que não deve favores e não teme ninguém, como aquele que não foi comprado pelo PT, que não está citado no Mensalão e nem no escândalo da Petrobras (Petrolão) 16 (Dibai P., 2018). Xenofobia 27 A xenofobia é um tipo de pensamento/sentimento que considera os estrangeiros como ameaça e/ou risco à unidade, pureza e/ou estabilidade da nação. A postura xenófoba estaria muito vinculada ao autoritarismo e ao nacionalismo, que seriam seus principais sustentáculos (Mudde C., 2000). Pela teoria, essa visão se manifestaria por meio de discursos de radicalização das diferenças culturais, étnicas, religiosas e políticas entre os grupos nativos e não-nativos (Minkenberg M., 2011), de maneira que os não-nativos são vistos como impuros, despertencentes e imorais. Como efeitos desse sentimento/ ideia estão apelos a políticas imigratórias mais rígidas, desburocratização dos processos de deportação e maior controle sobre os imigrantes. 28 Embora a xenofobia não tenha se mostrado uma pauta recorrente ou central nos discursos de Jair Bolsonaro como a literatura tem indicado nos casos europeus, suas posições a respeito do tema merecem descrição e problematização. A partir da análise dos dados, identificou-se que, nesse ator, os estrangeiros são vistos de forma claramente desigual, a depender do status socioeconômico e da cultura do país de origem. Enquanto os europeus e estadunidenses são geralmente bem aceitos (ou não criticados), mulçumanos, africanos e latinos tendem a ser estigmatizados, figurando como ameaças, seja pelos aspectos cultural, religioso, econômico ou ideológico. 29 Em relação aos europeus ou estadunidenses, Bolsonaro diz que eles vêm suprir mão de obra especializada que no Brasil não tem (ÉPOCA, 2011), posicionando-os como qualificados profissionalmente. Já senegaleses, iranianos, bolivianos, sírios e haitianos são classificados como escória do mundo (JORNAL OPÇÃO, ), representados como mais um problema para o país. (...) senegaleses, haitianos, iranianos, bolivianos e tudo que é escória do mundo, né?! E agora estão chegando também os sírios aqui. A escória do mundo está chegando aqui no nosso Brasil, como se a gente já não tivesse problemas demais para resolver. Esse é um grande problema que nós podemos ter. (JORNAL OPÇÃO, 2015)

182 Os haitianos figuram como um dos alvos principais e são entendidos em associação direta com a miséria e o caos sociopolítico de seu país de origem. São retratados como aqueles que oferecem riscos sanitários e podem trazer novas doenças ao Brasil. Agora ele (o haitiano) vem pra cá e não toma uma vacina... vai tudo para São Paulo. Tem uns problemas de saúde aparecendo aqui (no Brasil), coisa nova. Não é discriminar o haitiano. (NYT, 2016) 31 O Haiti é citado como o lugar que não tem nada, sujo, miserável, com mulheres se oferecendo para a prostituição ou para serem empregadas domésticas no Canadá, com lodo no lugar de rios (NYT, 2016). Quando uma menina começa a se aparecer na sala de aula, depois de uma certa idade, ela vai ser empregada doméstica no Canadá, que fala a língua dela. Isso é o Haiti. Hoje em dia, não tem nada lá. (...) Carvão lá, o galho de carvão lá, é da grossura do dedo mindinho. Lá por exemplo não tem rio, é lodo, tá ok? Eu vi mulher lá se oferecendo lá, o sexo, sem higiene nenhuma (...) (NYT, 2016) 32 Os mulçumanos, por sua vez, tendem a ser considerados como essencialmente perigosos, diretamente associados ao terrorismo e ao radicalismo político, que oferecem riscos por querer impor sua cultura. Agora gente do Hamas não dá, do Estado Islâmico não dá. Tá ok? (...) E outra, que venha pra cá para querer impor a sua cultura, também não. (NYT, 2016). 33 Assim, percebe-se que Bolsonaro tende a dividir os imigrantes entre superiores qualificados, que vêm para o Brasil para suprir aquilo que falta, que contribui com o país e os inferiores pobres, cuja vinda para o Brasil traz algum tipo de desordem, que afeta o país negativamente. Esse tipo de raciocínio/sentimento passa pelo que Cortina (2017) chama de aporofobia. Ela argumenta que a aversão não existe a todo e qualquer estrangeiro, mas apenas a uma parte deles, aqueles que não têm posses, os pobres, mal vistos e malquistos, desprezíveis na hegemonia capitalista, de modo que a intolerância à pobreza seria o sustentáculo do desprezo a certos imigrantes. Racismo 34 Autores como Minkenberg (2011) e Wieviorka (1998) têm indicado que o discurso racista não se fundamentaria mais na hierarquização da raça, como ocorrera no nazismo, mas na inferiorização e/ou negativização de certas culturas. De acordo com essa perspectiva, o racismo típico da segunda metade do século XX se manifestaria como aversão e/ou medo do que a diferença cultural de certos grupos traria e/ou imporia para as identidades do grupo dominante e/ou à homogeneidade nacional. Apesar de ser uma interpretação de grande ressonância, este trabalho não acredita que houve superação completa das práticas de hierarquização racial ou do preconceito de cor, ainda que reconheça ter havido, em muitos países, inclusive no Brasil, um aumento da pressão social contra o discurso abertamente racista. 35 No corpus analisado, a temática racial aparece em 25 trechos, em oito entrevistas. As falas tratam de três questões principais: 1) posição contrária às cotas para negros (44% das citações); 2) versão sobre o incidente com Preta Gil, em 2011, que o processou por racismo, após ele declarar na TV que os filhos não se casariam com uma negra, porque foram bem educados (32%); 3) posição contrária à demarcação de terras e benefícios para povos indígenas e quilombolas (16%).

183 Bolsonaro se declara totalmente contrário à política de cotas raciais. Ele apoia sua justificativa na retórica pacificada de que todos são iguais perante a lei, de modo que os negros não merecem tratamento ou políticas diferenciadas apenas por serem negros, forjando a igualdade como algo natural e não social e política. O que é que o negro tem de inferior a mim? (...) nós temos de partir do princípio de que todos nós somos iguais perante a lei. Não podemos criar privilégios (...) (PROGRAMA DO RATINHO, ) 37 A sustentação do argumento exclusivamente na ideia de iguais perante a lei é a estratégia utilizada para modalizar a cota como privilégio ou injustiça, disputando a reversão de seu sentido e fomentando a polarização, à medida que coloca em condição de rival negros e brancos pobres. Assim, ele constrói o discurso alarmista de que o sistema de cotas é divisionista e reflete a política do ódio da esquerda, priorizando injustamente o afrodescendente e prejudicando os demais. (...) entre um filho afrodescendente e um filho da Paraíba, porque um filho afrodescendente tira uma nota menor e vai pra faculdade e o do paraibano, que é sofrido também, que ele e o pai virou (viraram) laje pra fazer prédio aqui, não vai pra faculdade, e o do afrodescendente vai? É a política do ódio, da luta de classes. Lênin explica isso. Branco contra negro, homo contra hétero, homem contra mulher, é comum no Brasil. (NYT, 2016) 38 Também desqualifica a capacidade de formação/profissionalização dessa política, ao atribuir significado pejorativo ao termo cotista. Eu não entraria em um avião pilotado por um cotista nem aceitaria ser operado por um médico cotista. (CQC, ) 39 O que chama a atenção é que seus discursos ignoram ou distorcem toda a discussão social, política e histórica que guiaram ou justificaram a implementação do sistema de cotas raciais no Brasil, inclusive seu principal objetivo, o de aumentar o acesso de negros e negras ao ensino superior e serviço públicos. Está evidente nas falas de Bolsonaro a ausência de qualquer problematização em relação à questão racial no país. Prova disso é que, quando perguntado sobre o que acha da mistura de raças no Brasil, responde: Sem problemas. Aqui é um paraíso. Por isso é que eu sou contra as cotas. (NYT, 2016) 40 Assim, fica perceptível em seus enunciados a repetição de uma ideia que vem estruturando o pensamento social brasileiro por séculos: a de que as diferentes raças convivem harmônica e pacificamente no país, naturalizando dominações e opressões. Como lembra Almeida (2017), boa parte do pensamento social sobre o Brasil ancora-se na ideia de cordialidade, mesmo com toda a sua violência, ainda que não explícita. 41 Diferentemente dos achados de Pierucci (1990), quando ele detectou que os radicais de direita tendiam a demarcar diretamente que o negro é diferente do branco, Bolsonaro segue a estratégia retórica de igualá-los, desarmando a força e a celebração das diferenças que Pierucci anuncia e considera estrutural no pensamento racista brasileiro no fim do século XX. Isso leva a pensar que as retóricas em torno do racismo são variantes, admitindo contornos múltiplos e argumentos multifacetados. No entanto, mesmo com essa divergência, no fim, os significados parecem caminhar para os mesmos objetivos: construir distâncias entre as raças para evitar ampliação de direitos e poder, com o incremento de que Bolsonaro ancora e consuma seu incômodo com as conquistas negras na ideia de privilégio e/ou injustiça e não na demarcação da diferença das raças.

184 Em relação ao caso Preta Gil, ele alegou diversas vezes que não é racista e que foi vítima de má fé por parte do programa, que o induziu ao erro. No entanto, no Brasil é raríssimo alguém se declarar publicamente racista. O racismo normalmente aparece de forma velada e indireta, muitas vezes complexa, em signos de inferiorização/ ridicularização dos modos de ser/viver desse grupo ou na limitação de seu acesso a políticas, direitos e ascensão, embora nem sempre proclamados. 43 Bolsonaro também é contrário à demarcação de terras para os povos indígenas. Em seus discursos, quer passar a ideia de que as demarcações inutilizam áreas enormes, que poderiam ser agricultáveis ou profissionalmente cultivadas, gerando riquezas para o país. Julga como absurdo o fato de a Amazônia, a área mais rica do mundo, estar sob o controle dos índios. Em suas falas, o elemento de disputa é a terra. Sua preocupação central ou motivo de interesse é com o valor material da terra e não, necessariamente, com a discussão social, política e histórica em torno dos grupos que a ocupam. Pela força que a terra representa na perspectiva capitalista, ele vê as comunidades primitivas como aquelas que impedem o solo de gerar/virar riqueza e lucros. A demarcação é vista como uma política antinacional, antidesenvolvimentista e improdutiva. 44 Percebe-se, assim, também no caso das demarcações, a intenção de afastar indígenas e quilombolas de políticas sociais e direitos, principalmente relacionados à terra. Contra os índios, são mobilizados os significados de desproporcionalidade são poucos para muita terra e improdutividade terras excelentes que foram demarcadas e estão ociosas. Em relação aos quilombolas, o referente improdutividade ganha força, à medida que a imagem dessa população é vinculada à preguiça e ao ócio absoluto. Assim, diferentemente da estratégia que utiliza na retórica das cotas, ao igualar negros e brancos, com índios e quilombolas ele evidencia as diferenças, criticando seus hábitos e seus modos de ser/viver. Reservas indígenas, um crime o que acontece no nosso país, essa demarcação de terra indígena. (BRASIL EM DISCUSSÃO, 2012) (...) uma área do tamanho do Rio de Janeiro, enorme estado, multiplica por dois: reserva ianomâmi, nove mil índios. (NYT, 2016) 45 Com tudo isso, no caso analisado, o signo do privilégio tem um papel importantíssimo como o ponto onde é materializada, apoiada e disfarçada a intenção de construir distâncias entre brancos e não-brancos (índios, negros e quilombolas). A ideia de privilégio é sustentada tanto pela perspectiva da injustiça (contra os demais pobres, contra as demais minorias) quanto pela meritocracia ( o que eles fizeram para merecer isso?), ideia muito forte e recorrente nas ideologias de direita. Uma vez construída como privilégio, as políticas compensatórias/emancipatórias se transfiguram em imoralidade, o que justifica seu combate e oposição. O esforço discursivo de Bolsonaro é, a partir disso, inverter a lógica dessas ações, reforçando ao mesmo tempo sua visão econômica de que o Estado deve evitar benefícios e políticas sociais. 46 Há um duplo e imbricado aspecto que nos permite sugerir dois incômodos principais no tema do racismo: à questão racial propriamente dita, que tem como base o naturalismo hierarquizante de que o negro/quilombola não está no mesmo nível intelectual-moral de um branco; e ao incômodo com a ascensão social, cultural, política e econômica dos negros em uma sociedade historicamente escravista e desigual, que tem se reproduzido a partir de relações duradouras de dominação e opressão sobre essa população.

185 183 Estado repressor e punitivo 47 A partir da análise empírica, identificamos que a defesa de um Estado penal, repressor e punitivo tem destaque no conteúdo discursivo de Jair Bolsonaro, figurando entre seus temas mais abordados e uma de suas bases ideológicas principais. A pena de morte, a prisão perpétua e endurecimento das leis são justificados por meio de discursos como: a árvore que não der frutos deve ser cortada e lançada ao fogo 20, quem morre não volta para matar mais ninguém 21, os bandidos são, na maioria dos casos, irrecuperáveis 22 e essas penas diminuiriam a população carcerária Bolsonaro tem defendido sistematicamente a redução da maioridade penal, com frequentes e contundentes ataques a menores infratores, vistos como vagabundos e marginais, que precisam ser punidos, contidos e encarcerados urgentemente. Suas posições contra esse grupo são duradouras, de 1993, quando vota favoravelmente na PEC (não aprovada) até Quando se fala em menor vagabundo, você tem que ter uma política para aprisionar esses caras, buscar a redução da maioridade penal e não defender esses marginais, como se fossem excluídos da sociedade. Não são excluídos, são vagabundos. (PROGRAMA DO RATINHO, 2014) 49 Também é favorável à castração química para estupradores e trabalho forçado para presidiários. Afirma-se contrário aos direitos humanos, sob os argumentos de que essa política favorece os bandidos e/ou bandidos não deveriam ter direitos humanos ; é preciso rigidez para lidar com os criminosos ; e certas informações, o bandido tem que dizer 24. A ideia de que os direitos humanos significam mordomia para presos não é nova no Brasil entre os apoiadores da direita radical, tendo sido identificada por Pierucci (1987), desde o fim dos anos No entanto, para além desse espectro, Caldeira (2000) também encontrou, em sua tese, forte resistência ao cumprimento ou respeito aos direitos humanos em diversos grupos sociais, alertando que nem mesmo após a redemocratização, o país tem mostrado avanços no fortalecimento dessa política/princípio. 50 Bolsonaro chega a fazer defesas explícitas da tortura, principalmente nas duas primeiras décadas de sua carreira política (até 2007). Depois, passa a evitar o termo, adotando expressões indiretas como tratamento/método enérgico. Em uma entrevista, explica que método enérgico é controlar a alimentação, bebida e cela do preso, a forçá-lo a falar. Um traficante que age nas ruas contra nossos filhos tem que ser colocado no paude-arara imediatamente. Não tem direitos humanos nesse caso. É pau-de-arara, porrada. Para sequestrador, a mesma coisa. O objetivo é fazer o cara abrir a boca. O cara tem que ser arrebentado para abrir o bico (ISTOÉ GENTE, ). Pegaram um irmão de um deputado federal em São Paulo, com 500 quilos de cocaína em um caminhão. (...) Esse cara tem que falar. Amigo, fica aqui, chegou a hora do almoço, tá com fome? Eu quero saber de onde veio essa droga? Não tem almoço, isso é tortura? Quantas famílias esses caras levam à miséria? Que passam fome por causa das drogas? Crianças são executadas que servem como aviãozinho e depois não repassam o dinheiro e são executadas. Torturados estamos sendo nós, pessoas de bem. Deixa o cara sem almoço ali, não tem janta, dá só um biscoitinho pra ele. Não precisa torturar o cara, ele vai contar. (NYT, 2016) 51 Em suas falas, Bolsonaro não faz referência ao sujeito torturador, que fica implícito, embora facilmente identificável, mas explicita as figuras a serem torturadas: sequestradores e traficantes de drogas, por exemplo. Essa ênfase no torturado reforça

186 184 tanto sua vontade/intenção de demarcar grupos indesejados, quanto de justificar a tortura como um instrumento recursivo do Estado, útil para limpar a sociedade. 52 O tema do porte de arma de fogo gira em torno, principalmente, do argumento: o bandido está armado, enquanto o governo desarmou o cidadão de bem (em referência ao Estatuto do Desarmamento, do qual Bolsonaro é totalmente contrário). O porte de arma é defendido não apenas como um direito, mas como uma necessidade, visto que o cidadão de bem precisa proteger a si e a sua família da violência. 53 Nesse sentido, os policiais são isentados de qualquer responsabilidade sobre o problema da violência no país. Nos discursos de Bolsonaro, esse grupo aparece como heróis nacionais, como aqueles que enfrentam a guerra nas ruas, que mesmo expostos à criminalidade, não são valorizados pelo Estado e sociedade. Os policiais são retratados como os defensores dos cidadãos de bem e integram, na sua visão polarizada, o lado honrado e bom da sociedade, contra o mundo cruel do crime e da marginalidade, sendo quaisquer excessos e abusos cometidos por eles resultado da guerra nas ruas. Quadro 2 Resultados qualitativos Estado forte 54 Já o criminoso é visto como alguém desprovido de origem, classe social, história pessoal e contextos, recortado apenas no ato de seu crime e carimbado como degenerado moral permanente, a quem chama, muitas vezes, de vagabundo, marginal e canalha 26. Com isso, são construídas representações generalizantes tanto da polícia quanto dos bandidos, ambos vistos como blocos uniformes, a partir de quadros morais opostos. Esse tipo de leitura impede a compreensão dos grupos em suas variadas dimensões, assimetrias e contradições. Além disso, contribui para um imaginário social absurdamente desigual, que demoniza um grupo e superempodera o outro, a partir da exacerbação da violência de uns dos criminosos e da naturalização da violência de outros dos policiais. 55 Dessa maneira, a violência urbana é explorada como pauta, ao mesmo tempo em que a discussão sobre suas causas e circunstâncias é esvaziada, e sua consequência supervalorizada. É exatamente no efeito que está a ênfase da narrativa: no dano provocado, no medo instaurado. É aí que é lançada a força de seu apelo: na reafirmação

187 185 do risco iminente, na possibilidade de ser ferido, de ver nossos filhos mortos, de nossas esposas serem estupradas, nossa casa violada, nossa dignidade roubada. Como aponta Pierucci, os atores da direita radical tendem a recorrer à estratégia da chamada defesa de si, de maneira que suas opiniões e ações, mesmo alarmistas, potencialmente violentas e até preconceituosas, pareçam justificáveis pelo desejo de proteger suas vidas, casas, bens, família e os valores cristãos (Pierucci F., 1987). 56 No caso da violência urbana, os desejos de punição e aversão operam para transformar os bandidos, no que Butler (2017) chamaria de sujeitos destrutíveis e não passíveis de luto, podendo suas vidas serem perdidas ou sacrificadas, uma vez que são modalizados como ameaças à vida e não como grupos sociais vivos. Reconvocando Cortina (2017), que já sinalizou que grupos não hegemônicos tendem a estar mais suscetíveis ao rechaço e as fobias sociais, pode-se sugerir que a defesa do Estado penal no Brasil, tendo em vista que a maioria dos criminosos são oriundos das classes baixas, também acaba corroborando o processo de criminalização da miséria (SINGER, 1998). Antidemocracia 57 Embora seja um conceito complexo, a antidemocracia, para os fins dessa análise, foi compreendida como: a) resistência/oposição ao sistema democrático formal (posição contrária ao voto, instituições democráticas, partidos políticos e Estado laico); e b) resistência/oposição aos valores e princípios democráticos (a exemplo da tolerância, pluralidade, diversidade, diálogo e respeito aos direitos humanos). 58 A partir dos dados, identifica-se que, embora não haja opiniões contrárias ao sufrágio universal, Jair Bolsonaro é muito favorável a regimes autoritários, defendendo a memória e os feitos da ditadura civil-militar de 1964, a qual avalia como melhor do que a democracia 27. O termo democracia aparece muito relacionado à crítica ao comunismo e ao PT, a partir da ideia central de que a esquerda não luta(va) pela democracia. Pergunta: Qual a opinião do senhor sobre a democracia? Bolsonaro: Vivemos um período de pleno emprego, segurança, liberdade e respeito entre 1964 e Se houver uma pesquisa entre pessoas com idade superior a 60 anos, tenho certeza de que a quase totalidade concordará com essa afirmação. Hoje, temos medo de ir à escola, pois corremos o risco de sermos assaltados ou assassinados, mesmo durante o dia. Nossa democracia é governada por líderes que idolatram democratas como Fidel Castro, Hugo Chávez, Ahmadinejad e Khadafi. (ÉPOCA, 2011) 59 O ator analisado tem criticado a utilidade/papel do Parlamento brasileiro com certa recorrência, ao longo de sua carreira. Discursos com esse teor são identificados em 1997, 1999, 2005, 2012, 2015 e No entanto, a retórica variou. Na década de 1990, chegou a pedir o fechamento do Congresso e sugeriu transformar o Parlamento em uma delegacia 28. A partir dos anos 2000, evita falas tão incisivas, porém continua a representar o Legislativo como um espaço de poder ineficiente, improdutivo e prejudicial ao país, a partir das ideias de que o Congresso é totalmente subserviente ao Executivo (com os parlamentares vendendo votos) e de que a Câmara Federal não tem autonomia nem vida própria e não vota os próprios projetos. Hoje em dia, eu acho que o Poder Público, quase de maneira geral, está aí para acharcar, para assaltar, para roubar o povo. E digo mais, eu acho que o nosso Parlamento, em Brasília, só existe para dizer que existe democracia, mas absolutamente nada. (CÂMERA ABERTA, 1997)

188 186 Eu estou no sexto mandato e costumo dizer que quando a casa tá (está) cheia, é porque o Executivo assim quis e é para votar algo que é salgado para sociedade. Como novos impostos, como foi aquela taxação de inativos no passado (...) (AGORA É TARDE, 2012) 60 Também afrontou discursivamente o Poder Executivo, defendendo o fuzilamento de Fernando Henrique Cardoso 29 (enquanto era presidente) e o assassinato de Dilma Rousseff (também enquanto presidente). Acho que o fuzilamento é uma coisa até honrosa para certas pessoas. (...). Não é difícil matar o presidente. Só tem que ter coragem. O esquema de segurança dele (de Fernando Henrique) é falho. Por exemplo, tenho uma casa no litoral em Mambucabinha, próxima do local onde ele passeia quando vai a Angra dos Reis. Sou primeiro lugar no curso de mergulho do Corpo de Bombeiros do Rio de Janeiro. Bastava planejar. E as chances de sucesso de se cumprir a missão são grandes. Não é difícil eliminar uma autoridade no País. Isso até serve para alertar o presidente. (ÉPOCA, 2011) Pergunta: Deveriam tê-la (a presidente Dilma Rousseff) matado? Resposta: Sim, é a minha opinião. Todos esses traidores da pátria deveriam ter recebido pena de morte. Essa é a minha opinião. Espero que nenhum imbecil, ao ler esta entrevista, diga que sou antidemocrático. (PLAYBOY, 2011) 61 Em relação ao sistema partidário, manifesta pouca confiança e/ou vinculação ideológica com os partidos políticos os quais foi filiado. Seus discursos indicam que ele manteve com essas agremiações apenas uma relação de filiação por exigência das regras democráticas. Como prova disso, diz repetidas vezes que não vota com seu partido e que, mesmo que o partido seja da base governista, ele não apoia o governo. 62 Sobre os princípios e valores, sacudiu a incontestabilidade do Estado laico, afirmando que a maioria da população brasileira é cristã e que o Estado também deveria ser. O Estado é laico, mas seu povo não. Somente católicos e evangélicos somam mais de 90% de brasileiros. A religião é fator de união dos povos e não pode ser desassociada da família, dos bons costumes e da moralidade. (ÉPOCA, 2011) 63 Também assume narrativas contrárias aos direitos humanos, questionando sua eficácia e aplicabilidade; admite a tortura como um mecanismo útil no enfrentamento da violência urbana; demonstra intolerância ao pluralismo e aversão à diversidade, a partir de posturas de ataque a LGBTQ+, feministas, esquerdistas, professores, cientistas, quilombolas, etc. 64 Sua visão da democracia não dá conta das contingências sociais e políticas existentes. É moldada, sobretudo, como um procedimento essencialmente eleitoral, no qual os cidadãos meramente escolhem seus representantes por meio do voto. Ele oculta o antagonismo social, os conflitos de interesse, não faz menção às acentuadas desigualdades do país, à concentração de renda e não fala em participação popular. Detectamos o paradoxo de que seu direito à livre opinião se reverte contra princípios da própria democracia, à medida que, em algumas falas, a tolerância e o respeito às diversidades, pluralidades e pessoas são levadas ao limite. Prova disso são as várias acusações de quebra de decoro parlamentar, que levaram a dezenas de pedidos de cassação contra ele, bem como processos no STF e inúmeras polêmicas ao longo da carreira política. 65 Com tudo isso, a visão de mundo de Bolsonaro tende a afrontar a tolerância, a constranger a laicidade do Estado, a limitar o pluralismo e a diversidade, principalmente pela tendência de não reconhecer a condição paritária ideal que os sujeitos sociais devem ter nos regimes democráticos, não desejando ou não lidando

189 187 satisfatoriamente com a heterogeneidade de interesses, de identidades, bem como com os próprios conflitos da multiplicidade democrática. CONCLUSÃO 66 Por meio da análise de discursos e da atuação parlamentar de Jair Bolsonaro, percebemos seu alinhamento ao espectro da direita radical, tanto no que se refere aos enredos extremados que adota quanto à performance ofensiva e teorias conspiratórias que coloca em circulação. 67 Especificamente no caso brasileiro, a xenofobia não aparece como principal pauta de disputa de público/voto, ao contrário do que a literatura indica ocorrer na Europa. No Brasil, a violência urbana, o avanço da luta LGBTQ+ e feminista, a corrupção e o antiesquerdismo são enredos e apelos que se configuraram mais recorrentes na batalha por visibilidade e adesão popular. Além disso, não é representativo em Bolsonaro o discurso nativista que reivindica a nação exclusivamente para os nativos, uma vez que ele tende a aprovar a vinda de certos imigrantes para o Brasil (como estadunidenses e europeus, rejeitando porém os oriundos de países tidos como subdesenvolvidos) e se colocar contrário a povos nativos, como os índios, por exemplo. 68 Outra possível descontinuidade em relação à teoria europeia é que o ator brasileiro defende e vincula sua imagem a uma ditadura, quando na Europa, a tendência dos radicais de direita, sobretudo daqueles que pleiteiam cargos nacionais, é afastar sua imagem o máximo possível de regimes autoritários e violentos, como o nazismo e o fascismo (MINKENBERG, 2000). Um exemplo que ilustra isso é o caso de Jean-Marie Le Pen, que afirmou, certa vez, que as câmaras de gás nazistas eram um detalhe da história. A declaração levou sua filha, Marine Le Pen, a expulsá-lo do partido (Frente Nacional) que, outrora, ele mesmo havia fundado Outra particularidade é que Bolsonaro é forte opositor do Estado de Bem Estar Social, criticando benefícios de transferência de renda, programas de inclusão social e educacional, direitos trabalhistas, etc. De modo diverso ao brasileiro, na Europa, conforme Mudde (2000), os radicais de direita tendem a defender o welfare chauvinism (Chauvinismo de Bem-Estar Social), ou seja, um Estado Social forte e protetor, mas voltado exclusivamente para os nativos. 70 Bolsonaro parece seguir uma tendência política percebida no final do século XX, que quer substituir o Estado social pelo Estado penal, com menos benefícios sociais, menos seguridade para o trabalhador, menos políticas de reparação sócio-históricas, e, por outro lado, leis mais rígidas, prisões mais seguras, penas mais duras, formas de ordem e controle social mais abrangentes, com absoluta autonomia às forças de segurança. 71 Concluímos que os discursos refletem um ultraconservadorismo punitivista, princípios militaristas fortes, antiesquerdismo e uma suposta inclinação para o liberalismo econômico. Como parte de sua estratégia político-eleitoral, ele explora os assuntos, extrapolando a cautela que a política costuma impor e imprimindo sua marca naquilo que nenhum outro político diria. Faz isso com a violência urbana, quando externaliza profundos desejos de vingança contra bandidos e naturaliza a violência policial; faz isso com a democracia, quando exalta, em comício, o Estado cristão, pede o fuzilamento de um presidente da República eleito ou constrange uma presidenta que foi torturada quando presa política, saudando, em pleno Congresso, em frente às televisões, um

190 188 militar da repressão 31 ; faz isso em relação à memória do país, negando ter havido tortura e exaltando um regime que seviciou e matou centenas de opositores políticos. 72 Com tudo isso, este artigo chama a atenção para os enunciados de viés autoritário e a performance antipluralista que Jair Bolsonaro tem colocado em circulação, bem como sua estratégia discursiva de ressaltar a desordem e o caos social, como forma de justificar medidas drásticas, soluções superficiais, purismos salvadores e simpatias pela violência. Desnaturalizar essas posturas são fundamentais para compreender e aperfeiçoar a democracia brasileira, bem como para compreender o fenômeno do radicalismo de direita, que ascende em boa parte do mundo. BIBLIOGRAFIA Almeida, Ronaldo, A onda quebrada: evangélicos e conservadorismo. São Paulo: Cadernos Pagu, n. 50. Bauer, Martin; Gaskell, Gerorge; Allum, Nicholas, Qualidade, quantidade e interesses do conhecimento: evitando confusões. In: Bauer, Martin; Gaskell, Gerorge (Orgs.). Pesquisa qualitativa com texto, imagem e som: um manual prático. Rio de Janeiro: Vozes (17-36) Betz, Hans-George, The New Politics of Resentment: Radical Right-Wing Populist Parties in Western Europe. Comparative Politics, vol. 25, n. 4, (p ). Bobbio, Norberto (et al), Dicionário de Política. Brasília: Editora UNB, 11ª ed. Butler, Judith, Quadros de guerra: quando a vida é passível de luto? São Paulo: Civilização Brasileira. Caldeira, Teresa, Cidade de muros: crime, segregação e cidadania em São Paulo. São Paulo: Edusp. Colombo, Eduardo (et al)., Políticas do medo. São Paulo: Intermezzo. Cortina, Adela, Aporofobia, el rechazo al pobre: un desafío para la democracia. Barcelona: Paidós. Dibai, Priscilla, A direita radical no Brasil pós-redemocratização: o caso de Jair Bolsonaro. Dissertação (mestrado) Departamento de Ciências Sociais, UFBA. Giddens, Anthony, Para além da esquerda e da direita: o futuro da política radical. São Paulo: Editora da Unesp. Langenbacher, Nora e Schellenberg, Britta, Introduction: An anthology about the manifestations and development of the radical right in Europe. In (eds). Is Europe on the right path? Right-wing extremism and right-wing populism in Europe. Bonn: Bonner Universitats-Buchdruckerei. Mosca, Gaetano e Bouthoul, Gaston, História das doutrinas políticas: desde a antiguidade. Brasília: Zahar Editores, 6ª ed.

191 189 Minkenberg, Michael, The Radical Right in Postsocialist Central and Eastern Europe: Comparative Observations and Interpretations. East European Politics and Societies, v. 16, n. 2 ( ). Minkenberg, Michael, The Renewal of the Radical Right: Between Modernity and Antimodernity. Government and Opposition, v. 35, n. 2 ( ). Minkenberg, Michael, The radical right in Europe today: Trends and patterns in East and West. In Langenbacher, Nora e Schellenberg, Britta (eds). Is Europe on the right path? Rightwing extremism and right-wing populism in Europe. Bonn: Bonner Universitats-Buchdruckerei. Mudde, Cas, The war of words defining the extreme right party family. West European Politics, v. 19, n. 2 ( ) Minkenberg, Michael, The ideology of the extreme right. Manchester: Manchester University Press. Minkenberg, Michael, Populist Radical Right Parties in Europe. New York: Cambridge University Press Norris, Pippa, A tese da "nova clivagem" e a base social do apoio à direita radical. Opinião Pública, Campinas, v. 11, n 1 (p.1-32) Pierucci, Flávio, As bases da nova direita. São Paulo: Revista Novos Estudos Cebrap, nº 19, dez, p Minkenberg, Michael Ciladas da diferenc a. São Paulo: Revista Tempo Social, v. 2, n. 2, p Disponível em Rydgren, Jens, The Sociology of the Radical Right. Annual Review of Sociology, v. 33, ago 2007 ( ). Schain, Martin et al (coord), Shadows over Europe: The Development and Impact of the Extreme Right in Western Europe. New York: Palgrave MacMillan. Singer, Helena, Direitos humanos e volúpia punitiva. São Paulo: Revista USP, n. 37, marçomaio, p Tostes, Ana Paula, Razões da Intolerância na Europa Integrada. Dados: Revista de Ciências Sociais, v. 52, n. 2, (335 a 376). Wieviorka, Michel, El Racismo: una introducción. Barcelona: Gedisa. ANEXOS Histórico de algumas votações 1990: Sim ao impeachment de Fernando Collor de Mello 1993: Sim à redução da maioridade penal para 16 anos (PEC ) 1994: Ausente à sessão que rejeitou o fim do voto obrigatório; Sim à criação do IPMF e do Fundo Social de Emergência (FSE), fontes de financiamento para o plano Real 1995: Não à abertura da navegação de cabotagem às embarcações estrangeiras; Não à abolição do monopólio estatal nas telecomunicações e Não à abolição do monopólio estatal na exploração do petróleo (CPDOC-FGV).

192 : Não à Contribuição Provisória sobre Movimentação Financeira (CPMF); seu projeto pela revogação do Parque Indígena Yanomami foi rejeitado pela Câmara de Deputados 1997: Não à emenda da reeleição para prefeitos, governadores e presidente da República; Não à emenda de reforma administrativa de FHC 2000: Não à criação do Fundo de Combate à Pobreza (foi o único voto contrário) 2001: Sim ao fim de votações secretas nas casas legislativas 2002: Não à prorrogação da CPMF 2004: Sim à chamada lei de Biossegurança, que regulamenta o plantio e a comercialização de produtos transgênicos 2005: Não à proibição da venda de armas (referendo) Não à PEC que proibia o nepotismo na administração pública 2006: Não à política de cotas e Não à volta da CPMF 2011: Não à privatização dos hospitais universitários Propôs moção de louvor ao presidente dos Estados Unidos, Barack Obama, pela ação militar que matou o líder da organização Al-Qaeda, Osama Bin Laden. 2012: Não ao projeto de distribuição dos royalties de petróleo do pré-sal entre todos os estados brasileiros; Sim ao novo Código Florestal (mais flexível e permissivo à exploração florestal); ausente à votação da PEC do Trabalho Escravo; propôs moção de louvor ao presidente indonésio pela condenação à morte do brasileiro Marco Archer Cardoso Moreira, preso por tráfico internacional de drogas. 2013: Abstenção da votação da PEC das Domésticas; Não à PEC 37, que reduzia os poderes do Ministério Público; e Não ao fim do voto secreto nas sessões das casas do Legislativo 2014: Não à Lei das Palmadas, que proibia os pais de punirem e castigarem fisicamente os filhos (crianças e adolescentes) e Não ao Marco Civil da Internet. 2015: aprovou sua primeira emenda constitucional, referente à impressão do voto após uso da urna eletrônica; Não ao fim do voto obrigatório e Sim ao financiamento empresarial de campanha 2016: Sim ao impeachment de Dilma Rousseff; Não à anistia ao caixa 2 ; Sim à abertura do pré-sal ao capital estrangeiro; Sim à PEC 241, que estipulou teto para os gastos públicos por 20 anos; abstenção na lei da terceirização geral. NOTAS 1. Integram o corpus: O salário está baixo / Veja (3/9/86); 1997 Câmera Aberta/ Record (35:39); 1999 Câmera Aberta/ Record (23/5/99-53:19); 2000 IstoÉ Gente (14/2/00); 2003 Discussão com Maria do Rosário /Rede TV (2:19); 2011 Programa do Jô/Globo (22:24); 2011 Playboy (29/6/11); 2011 CQC/ Band (5:55); 2011 Comissão da Inverdade /Folha de São Paulo (11/1/11); 2012 Contra a Lei que proíbe dar palmadas /O Dia (9/1/12); 2011 Época (2/7/11); 2012 Brasil em Discussão/Record News (13/5/12-56:04); 2012 Agora é Tarde/ Band (32:12);

193 Época (18/10/13); 2013 Documentário com Stephen Fry/ BBC (12:53); 2014 El País (14/2/14); 2014 Censura Escancarada / FSP (3/4/14); 2014 Infomoney (22/5/14); 2014 Zero Hora (10/12/14); 2015 Mariana Godoy Entrevista Rede TV (3/7/15-41:03); 2015 Correio Braziliense (15/11/15); 2015 Jornal Opção (21/9/15 5:05); 2016 Programa do Ratinho/SBT (6/3/16-43:16); 2016 The New York Times (24/3/16 vídeo - 1:16:26); 2017 FSP (13/3/17); 2017 Veja (22/7/17). 2. Ver Revista Veja, 28/11/87, p Pôr bombas nos quartéis, um plano na Esao, p Partido político que governou o Brasil de 2003 a Ver matéria da Folha de São Paulo, 06/06/18. maioria-do-stf-suspende-voto-impresso-nas-eleicoes.shtml. Consultado em 11/04/ Casos que resultaram em processos de cassação: declaração pelo fechamento do Congresso (1993); agressão verbal contra o ministro Luiz Carlos Bresser-Pereira, a quem chamou de ladrão dos servidores (1995); declaração pelo fuzilamento do presidente Fernando Henrique Cardoso (1999); agressão verbal à senadora Marinor Brito (PSOL), a quem chamou de heterofóbica e disse, com conotação sexual, que ela não o interessava por ser muito ruim (2011); agressão verbal e apologia ao estupro à deputada Maria do Rosário (PT), ao repetir que ela não merecia ser estuprada porque era feia (2014); ofensa à presidenta Dilma Rousseff, ao homenagear o coronel e torturador Carlos Alberto Brilhante Ustra (2016), etc. 6. Entrevista disponibilizada também na versão online da revista. Ver revistaepoca.globo.com/revista/ Epoca/0,,EMI ,00- JAIR+BOLSONARO+SOU+PRECONCEITUOSO+COM+MUITO+ ORGULHO.html. Acesso em 10/06/ Entrevista disponível em Acesso em 10/02/ Veja, 1986, artigo O salário está baixo. Disponível em o-artigo-em-veja-e-a-prisao-de-bolsonaro-nos-anos-1980/. Acesso em 16/05/ Disponível em Acesso em 20/03/ Entrevista disponível em Acesso em 01/03/ Disponível em interna_politica, /cunha-nao-se-safa-dessa-afirma-jair-bolsonaro-em-entrevista.shtml 12. Disponível em Acesso em 20/03/ Disponível em Acesso em 20/03/ Habitantes de comunidades negras rurais formadas por descendentes de africanos escravizados, que vivem, em sua maioria, da agricultura de subsistência em terras doadas, compradas ou ocupadas há bastante tempo. Fonte: Fundação Joaquim Nabuco. 15. Entrevista disponível em Acesso em 01/03/ Mensalão e Petrolão são escândalos de corrupção que abalaram os governos do PT. 17. Áudio da entrevista disponível em Acesso em 30/09/ Entrevista disponível em Acesso em 01/03/ Entrevista disponível em Acesso em 10/03/ IstoÉ Gente, IstoÉ Gente, 2000.

194 Playboy, Programa do Ratinho, IstoÉ, 2000; Playboy, 2011; Programa do Ratinho, 2014; Brasil em Discussão, 2012; El País, 2014; Mariana Godoy Entrevista, 2015; The New York Times, 2016; Folha de São Paulo, Arquivo online da revista. Ver entrev_jair.htm. Acesso em 01/03/ Câmera Aberta, 1999; Programa do Jô, 2005; Playboy, 2011; Brasil em Discussão, 2012; Época, 2013; Programa do Ratinho, 2014; El País, 2014; The New York Times, 2016; Folha de São Paulo, Época 2011; Playboy, 2011; Mariana Godoy Entrevista, Câmera Aberta, CQC, 2011; Época, 2011; Folha de São Paulo, Ver Na sessão de impeachment de Dilma Rousseff, em RESUMOS Este artigo analisou discursos do político Jair Bolsonaro em meios de comunicação, de 1986 a 2017, bem como sua atuação política no Parlamento, com o objetivo de identificar as maneiras como esse ator insere os temas do nacionalismo, xenofobia, racismo, Estado forte e antidemocracia no debate público, relacionando os achados com a teoria do radicalismo de direita. A pesquisa identificou que ele manifesta posições bem demarcadas contra pessoas nãobrancas negros, índios e quilombolas e contra imigrantes sobretudo os pobres, bem como defende modelos de Estado e sociedade baseados no militarismo, na supervalorização da lei e da ordem e na fragilização dos direitos humanos, impondo determinados paradoxos às instituições e princípios democráticos. This article analyzes Jair Bolsonaro's speeches in the media from 1986 to 2017, as well as his political activities in Parliament, in order to identify the ways in which this actor inserts the themes of nationalism, xenophobia, racism, antidemocracy in the public debate, relating the findings to the theory of radical right. The research identified that he shows well-demarcated positions against non-white people - blacks, Indians and quilombolas - and against immigrants - especially the poor - as well as defending models of state and society based on militarism, overvaluation of law and order and in the weakening of human rights, imposing certain paradoxes on democratic institutions and principles. Cet article analyse les discours de Jair Bolsonaro dans les médias de 1986 à 2017, ainsi que ses activités politiques au Parlement, afin d'identifier les moyens par lesquels cet acteur insère les thèmes du nationalisme, de la xénophobie, du racisme, d'un État fort et de l'anti-démocratie dans le débat public, reliant les résultats à la théorie du radicalisme de droite. La recherche a révélé qu'il montrait des positions bien démarquées à l'égard des personnes non blanches - Noirs, Indiens et Quilombolas - et des immigrés - en particulier des pauvres - tout en défendant des modèles d'état et de société fondés sur le militarisme, la surévaluation de l'ordre public dans

195 193 l affaiblissement des droits de l homme, imposant certains paradoxes aux institutions et principes démocratiques. Este artículo analiza los discursos del político Jair Bolsonaro en medios de comunicación de 1986 a 2017, así como su actuación política en el Parlamento, con el objetivo de identificar las maneras cómo ese actor inserta los temas del nacionalismo, la xenofobia, el racismo, el Estado fuerte y la (anti) democracia en el debate público, relacionando los hallazgos con la teoría del radicalismo de derecha. La investigación identificó que él manifiesta posiciones bien demarcadas contra personas no blancas -negros, indios y quilombolas- y contra inmigrantes -sobre todo los pobres-, así como defiende modelos de Estado y sociedad basados en el militarismo, en la sobrevaloración de la ley y del orden y en la fragilización de los derechos humanos, imponiendo determinadas paradojas a las instituciones y principios democráticos. ÍNDICE Palabras claves: radicalismo de derecha, derechas brasileñas, Jair Bolsonaro, democracia Mots-clés: radicalisme de droite, droits brésiliens, Jair Bolsonaro, démocratie Palavras-chave: radicalismo de direita, direitas brasileiras, Jair Bolsonaro, antidemocracia Keywords: right-wing radical, Brazilian rights, Jair Bolsonaro, antidemocracy AUTORES EDSON DALMONTE Edson Dalmonte é doutor em Comunicação e professor do Programa de Pós-Graduação em Comunicação e Cultura Contemporâneas da Universidade Federal da Bahia (UFBA). edsondalmonte@gmail.com PRISCILLA DIBAI Priscilla Dibai é doutoranda no Programa de Pós-Graduação em Comunicação e Cultura Contemporâneas da Universidade Federal da Bahia (UFBA) e mestra em Ciências Sociais, também pela UFBA. pdibai@gmail.com

196 194 Ampliación de derechos laborales en los populismos latinoamericanos e intentos de erosión de conquistas bajo gobiernos conservadores: el caso de Argentina Enlargement of labor rights in latinoamerican populisms and intempts of erosion of the conquests under the conservative governments: the case of Argentina ( ) Extension des droits du travail dans les populismes latinoaméricains et tentatives d érosion des conquêtes sous les gouvernements conservateurs : le cas de l Argentine ( ) Juan Sebastián Montes Cató y Pablo Neder Introducción 1 En varios países de América Latina se sucedieron experiencias democráticas que permitieron sobre todo en la primera década del siglo XXI ampliar derechos sociales y producir mejoras en las condiciones de vida de las clases populares y de los trabajadores. Por su proyección política y por contraponerse a experiencias internacionales de gobiernos neoliberales de derecha vienen suscitado interés en vista de interpretar sus rasgos, límites y proyecciones en función del debate en torno al populismo 1. Los procesos de gobiernos de la década reciente tienen características diversas, de acuerdo a sus coyunturas nacionales y a las propias idiosincrasias de los países. Sin embargo, la región en su conjunto experimentó un proceso de desarrollo económico y mejora de los indicadores sociales (CEPAL 2010). Este proceso ha sido caracterizado desde dos paradigmas. Mientras algunos autores argumentan a favor de

197 195 la explicación de este proceso como un 'consenso de commodities' (Gudynas E. y A. Alayza, 2012; Svampa M., 2013; Petras J. y H. Veltmeyer, 2014), una literatura creciente explica el proceso de mayor presencia estatal en la economía y la redistribución de riqueza como de 'neodesarrollismo' (Boito Jr A., 2012; Bresser-Pereira, L.C., 2012; Bresser-Pereira L.C. y D. Theuer, 2012; Feliz M., 2014; Katz C., 2016). La principal diferencia entre las dos interpretaciones refiere a cuál fue el actor central de los procesos. Los autores de 'consenso de commodities' argumentan que la parcial distribución de riqueza fue posible por el boom exportador de materias primas, con un alto impacto socio-ambiental y económico, ya que dejó a los países de la región en una mayor dependencia en la exportación de materias primas. Por el lado del neodesarrollismo, la explicación se basa en la intervención estatal en algunos mercados monopólicos servicios públicos, hidrocarburos, minerales y de exportación agropecuaria y la promoción de un determinado nivel de industria local como una clave para el desarrollo (Dobrusin B., 2017). En las dos versiones interpretativas, se explican procesos de rupturas con políticas neoliberales y mantenimiento de otras, en especial en lo que hace a la estructura productiva y la agenda macroeconómica. 2 La explicación 'neodesarrollista' incorpora las alianzas de clase que se llevaron adelante durante estos procesos político-económicos, con las clases bajas y trabajadores integrando pactos políticos en conjunto con la burguesía interna 2, pactos que fueron factibles por el crecimiento económico que experimentaron los países de la región en la década del 2000 (Saad-Filho A., 2013; Morais L. y A. Saad-Filho, 2012). Entre estos actores, está el sindical como un factor relevante dentro de los pactos políticos que realizaron los gobiernos y permitieron las políticas distributivas características de la época (Boito Jr A., 2012). La lógica explicativa del consenso de commodities no tiene la misma profundidad explicativa en términos de las alianzas sociales que permitieron mantener a estos procesos de gobierno. 3 En el marco de este debate los gobiernos de la región produjeron cambios de variada intensidad y se manifestaron en diferentes ámbitos de la vida social: el Estado asume un rol protagónico (en algunos casos apropiándose de rentas extraordinarias o estatizando empresas), se introducen regulaciones sobre el mercado, la democracia es potenciada (en algunos países de la región como Uruguay se llevaron adelante plebiscitos mientras que en otros se evidencia aumento de participación ciudadana), se reconceptualiza la política como terreno de acción colectiva y posibilidades de cambio (mayor incidencia de agrupamientos que no estaban representados como los pueblos originarios) y el mapa de alianzas económicas se redefine (Seoane J., 2008). 4 En el caso de Argentina durante la década de los 2000 se experimentó una mayor presencia del aparato estatal en la economía y en la sociedad (Bresser-Pereira L.C., 2012; Katz C., 2016). El Estado surgido de los años 2000 se contrapone esencialmente al modelo de gobierno neoliberal, donde tenía un rol regulador de la economía, pero no incidía en los factores más importantes (Bresser-Pereira L. C., 2015). La experiencia neoliberal, con casi dos décadas de extensión en la región, terminó con altos niveles de pobreza, alto desempleo, endeudamiento externo, y bajo crecimiento económico. La crisis política, económica y social generada por la profundidad de las políticas neoliberales produjo crecientes conflictos sociales, y eventualmente un cambio en las fuerzas de gobierno (Natanson J., 2008). Así, surgieron nuevos liderazgos que se caracterizaron por poner foco en la revitalización del actor estatal y en la redistribución de la riqueza mediante ampliación de la protección social y de acceso a

198 196 derechos. En líneas generales, los países de la región implementaron el modelo neodesarrollista con algunas rupturas respecto al desarrollismo clásico de los años de la segunda posguerra, en especial por el cambio de contexto en la economía mundial. 5 Este debate también adquirió forma en el campo de la política cristalizándose en el concepto de populismo 3. Si bien para una parte de la literatura y de los medios hegemónicos posee connotaciones negativas 4, en este artículo retomamos el planteo de Ernesto Laclau 5 que busca resignificarlo asignándole una connotación positiva- en cuanto apela a esta noción para escapar de ciertas posiciones binarias que se derivan de la noción de lucha de clases. Siguiendo a E. Adamosky (2017), Laclau busca superar esta oposición fundamental que se generaba por la propia naturaleza de la opresión de clases, por la idea de que en la sociedad existe una pluralidad de antagonismos, tanto económicos como de otros órdenes. En tal escenario, no puede darse por sentado que todas las demandas democráticas y populares van a confluir como una opción unificada contra la ideología del bloque dominante. El plano político tiene un papel fundamental a la hora de articular esa diversidad de antagonismos. Y los discursos aquí son fundamentales, ya que son ellos los que articulan las demandas diversas, produciendo un Pueblo en oposición a la minoría de los privilegiados 6. De ahí que el populismo es una instancia en que se conjugan la equivalencia de diversas demandas sociales y la diferenciación interna entre pueblo y no-pueblo. El modelo populista se activa cuando varias demandas sociales y/o políticas individuales se agrupan como equivalentes haciendo frente a un factor de poder común. El grupo se auto-designa como el pueblo verdadero en oposición a la elite asociada con el poder. La formación de esta frontera interna en la sociedad y la construcción de demandas como equivalentes y colectivas es lo que define populismo (Chamosa O., 2013). 6 Para anclar estos debates en un campo empírico preciso y específico, el artículo analiza el período político entre el desarrollado en Argentina. En particular nos centraremos en las políticas laborales como cristalización de una demanda latente luego de una etapa de descomposición del mercado laboral, aplicación de políticas de flexibilidad y deslegitimación del actor sindical durante la década de los noventa. Su significación adquiere mayor relevancia al realizar el contrapunto con las políticas que viene aplicando el gobierno de Mauricio Macri asumido en diciembre del 2015 (que se extiende por cuatro años hasta el mismo mes de 2019). 7 En este nuevo marco político-social iniciado en mayo del 2003, resulta de interés preguntarnos por los rasgos de las políticas laborales como expresión de la dinámica entablada entre Estado y sociedad (Neder P., 2015). Para ello el texto aborda en el primer apartado los principios que guiaron la política laboral, su vinculación con la política económica y el modo en que las organizaciones sindicales participaron de las demandas por mejora de las condiciones laborales. En el segundo apartado, se coloca el foco en una de las instituciones claves para incentivar una mayor distribución del ingreso como es el salario mínimo que fue reactivo, a su vez también resulta de interés dar cuenta de ciertos límites y contradicciones del período que demuestran el estado de las correlaciones de fuerza en un momento determinado. En el último apartado analizamos las políticas laborales del nuevo gobierno asumido a fines del 2015 con el objeto de estudiar el cambio de lógica en las políticas laborales y colocar en contexto de mediano plazo ambos períodos.

199 197 Lógicas laborales en el gobierno kirchnerista 8 El estancamiento de la economía argentina hacia fines de la década de los noventa se combinó con una fuerte deslegitimación política de la alianza gobernante y con el debilitamiento de los entramados sociales que concluyó en una crisis sin precedentes en el El saldo de la aplicación de políticas de reestructuración fue una profunda reforma de las instituciones del trabajo alentada por las tendencias neoliberales que supuso un deterioro de todos los indicadores del mercado de trabajo y precarización de las relaciones laborales (Philipp E., A. Makon, M. Con y A. Salvia, 2001; Novick M., 2001; Altimir O. y L. Beccaria, 2000; Roca E. y J.M. Moreno, 1999) al descentralizar la negociación colectiva e implantar la flexibilización de las condiciones de trabajo (Battistini O. y J.S. Montes Cató, 2000; Deibe E., P. Matheu y A. Estévez, 1994). 9 Estas políticas estuvieron alentadas por sectores del capital concentrado nacional y multinacional fuertemente beneficiados por el programa de privatización, por el financiamiento de la economía a través del endeudamiento, la apertura indiscriminada de las barreras aduaneras, por la consolidación de monopolios y reprimarización de la estructura económica (Schorr M., 2004; Kulfas M., 2001; Basualdo E., 2000). El acuerdo entre los sectores dominantes y el gobierno durante generó un retroceso en las conquistas laborales fraguadas en largas luchas obreras en períodos anteriores y se concatena directamente con los objetivos proyectados durante la dictadura de posibilitando de ese modo una ofensiva neoconservadora. 10 A partir del año 2003 se inaugura un nuevo periodo de desarrollo que posibilitó un crecimiento del producto casi sin precedentes en la historia de Argentina alcanzando una tasa promedio anual de casi 8% hasta el 2010 disminuyendo a 2,9% a partir de ese momento hasta el 2015 en promedio (INDEC, 2016) 8. Durante este ciclo de crecimiento se produjo una recomposición del trabajo que condujo a una caída sustancial del desempleo, aumento de los salarios, revitalización de la negociación colectiva del trabajo, desarrollo de políticas estatales de reconstrucción del entramado industrial y a un nuevo protagonismo de los sindicatos que habían perdido terreno frente a otras organizaciones sociales que despuntaron durante la década de los noventa. Las políticas asumidas por el gobierno kirchnerista ( ) irán dando forma a esta nueva etapa. El objetivo central fue la superación de la crisis del 2001 con un fortalecimiento del mercado de trabajo y recuperación de derechos laborales. Todo ello acompañado por disminuciones muy importantes de la pobreza y la indigencia que fueron fortalecidas por políticas activas de incorporación de los sectores populares al circuito de consumo y derechos sociales En términos macroeconómicas el programa estuvo destinado a sustituir el régimen de acumulación financiera pre-existente y promover un régimen de acumulación productiva, con crecimiento sostenido de la producción, que se orienta a la generación de empleos y a lograr una mayor equidad en la distribución del ingreso. Este modelo neo desarrollista fue apuntalado por una serie de medidas macroeconómicas: 1) sostenimiento de un tipo de cambio real competitivo; 2) control a la entrada y salida de capitales; 3) renacionalización de varias empresas públicas privatizadas que incumplieron sus contratos; 4) desendeudamiento del sector público y 5) retenciones al sector primario (Panigo D., P. Chena y P. Makari, 2011). En los últimos años, en especial luego de la crisis internacional de 2008 se implementaron un conjunto de medidas contracíclicas en vista del menor ritmo de crecimiento económico y frente a algunos

200 198 indicadores del mercado de trabajo que proyectaban una luz de alerta. Estas medidas han estado orientadas a incentivar el mercado interno y a sostener el empleo El crecimiento económico señalado más arriba para el caso analizado entre posibilitó una disminución importante del desempleo. Así, luego de la crisis de empleo más aguda de los últimos cincuenta años, cuyos valores máximos fueron registrados en 2002 con una desocupación abierta de 22%, desde el 2003 el mercado de trabajo comenzó a dar muestras de recuperación. Paulatinamente la desocupación fue disminuyendo hasta ubicarse en un promedio del 6,4%. Precisamente, la década del 90 estuvo signada por un proceso de polarización social, anclado en desigualdades crecientes, producto del desempleo, la precarización de las condiciones de trabajo, una regresiva distribución de la riqueza y del retiro del Estado como medio de compensación redistributiva. 13 Los cambios incentivados, además de la baja de la desocupación, permitieron un aumento de la tasa de actividad y empleo y la diminución del trabajo no registrado, aunque a valores aún muy altos Entre los sectores que aportaron a los más de cinco millones de puestos de trabajo creados durante esta etapa se destaca la industria manufacturera, constituyéndose en una de las actividades más dinámicas a diferencia del periodo donde los sectores vinculados a los servicios se habían visto favorecidos. 15 Tanto la mejora de los indicadores del mercado de trabajo, la recuperación de la negociación salarial, así como el incremento de la conflictividad laboral volvieron a colocar al actor sindical en el centro de la escena política consolidando hasta el año 2012 una alianza estratégica con el gobierno. Pero este fortalecimiento del actor sindical operó de manera paradójica. El sindicalismo se robusteció en tanto actor corporativo, pero sin perspectivas de proyección política, ni en el plano institucional (por la desindicalización del partido político gobernante) ni por una renovación de su concepción política que lo posicione como articulador de una clase trabajadora diversa y fragmentada 12 distinta a cierta homogeneidad que poseían los trabajadores bajo la forma salarial hasta la década de los 70 (Delfini M. y P. Ventrici, 2016). 16 En paralelo, al situar el nivel de análisis en los procesos políticos internos de los sindicatos, más específicamente en su desarrollo en los espacios productivos, surgieron algunos fenómenos novedosos 13 en términos políticos en el marco del ensanchamiento de las bases de representación sindical. Se observó una recuperación de la posición de fuerza del sindicalismo y la emergencia de importantes niveles de organización y conflictividad en las instancias de menor escala. Ya sea por la creación de nuevas organizaciones en sectores donde no había representación (por ejemplo, en el sector informático) o por la reactivación de otras ya existentes pero pasivas, estas organizaciones se convirtieron en el factor dinámico para la movilización de los trabajadores asalariados. Precisamente a partir del año 2003 los conflictos laborales estuvieron orientados, en términos generales, a la recuperación del salario real. Este proceso se refleja en el contenido de las cláusulas negociadas en los convenios colectivos de trabajo como en los motivos de la conflictividad. En este marco, se destacó una participación muy significativa de los niveles centralizados de la estructura sindical (federaciones y uniones), y por ello mismo de los conflictos por rama de actividad. En el año 2008 tiende a modificarse esta tendencia cuando diversos indicadores comenzaron a dar cuenta de una creciente descentralización de los conflictos (ODS, 2011).

201 Si bien el fenómeno al que hacemos referencia es difícil de mensurar puede ser caracterizado a través de ciertos indicadores que permiten aproximarnos al tema en términos cuantitativos. Por un lado, se verifica una amplia cantidad de conflictos circunscriptos al ámbito de la empresa, que representan el 78% del total en desmedro de los conflictos a nivel de actividad o rama (ODS, 2010). En segundo lugar, se consolida un crecimiento de los reclamos promovidos por sindicatos locales o seccionales, que explican el 64% de los casos en el 2009 (frente a un 51% el año anterior). En tercer lugar, persiste una importante cantidad de conflictos (un 14% del total) llevados adelante en espacios de trabajo en los que no se consigna la presencia de representantes sindicales o se trata de colectivos que poseen una representación de hecho (muchas veces opuesta a la conducción de la organización sindical) construida en el desarrollo del propio conflicto. Esto último es significativo, porque señala la existencia de conflictos que son encabezados por activistas que actúan como delegados de hecho. 18 A partir del 2009 también se ha profundizado una tendencia hacia la descentralización de los conflictos laborales, tanto en lo que hace a los sujetos que participan en ellos como al ámbito en el que se producen. A partir de entonces, comenzó a crecer la participación de los sindicatos de base y las secciones en los conflictos. Ellos pasan de representar el 50% del total en los años 2007 y 2008, a alrededor del 65% en los años 2009 y 2010, y llevan a un 78 en el año Como contrapartida, se registra una retracción de la intervención de las federaciones y las uniones, que pasan de explicar más de un tercio de los conflictos laborales en 2007 y 2008, a poco menos de un 10% en el año 2011 (ODS, 2011). Un dato concomitante con este fenómeno es la canalización de conflictos con autonomía de los mandatos de la dirigencia sindical o con organizaciones de trabajadores sin representación sindical. 19 Esta observación se complementa con el análisis del ámbito de los conflictos. En el sector privado, los conflictos por empresa pasan de representar el 68% en 2007 al 82% en Este auge de conflictos en los espacios productivos de forma autónoma con respecto al sector constituye una novedad para el campo sindical. En general los conflictos eran convocados por los sindicatos para toda la rama y actividad. Este nuevo fenómeno son un indicio de cierta autonomía que fueron adquiriendo las comisiones internas de las fábricas con respecto al control de las instancias más altas de la estructura sindical. El desarrollo de nuevas experiencias sindicales de base de la mano de una repolitización de la militancia gremial constituye una novedad de este período 14. El trabajo como dispositivo de integración social: límites y contradicciones 20 Un elemento que apuntaló la recomposición de los ingresos durante el kirchnerismo es la rehabilitación del Salario Mínimo Vital y Móvil (SMVM) que constituye el piso de las remuneraciones en trabajos registrados y un factor de impulso decisivo para las remuneraciones de los trabajadores no registrados. De esa manera, el SMVM protege a los trabajadores más vulnerables, aquellos con menores calificaciones profesionales y que ocupan los puestos de trabajo situados en los niveles inferiores de los escalafones o grilla de personal. A su vez, en el año 2007, mediante la Ley , aquellos empleadores que otorgaban beneficios tales como los vales de almuerzo, las tarjetas de transporte, los vales alimentarios y las canastas de alimentos, tuvieron que transformarlos en prestaciones dinerarias de carácter remunerativo, en forma

202 200 escalonada y progresiva. Con esta modificación, se incrementa el salario directo y, con él, las distintas prestaciones asociadas: jubilaciones futuras, preaviso e indemnizaciones por despido, sueldo anual complementario, vacaciones pagas. 21 Simultáneamente a estas transformaciones se llevaron adelante un conjunto de medidas tendientes a la ampliación de derechos laborales y recuperación del actor sindical. Las nuevas normativas se vinculan con una serie de reformas en la legislación que buscaron desandar algunos de los impactos más regresivos en las normativas laborales y en la seguridad social preexistentes. Siguiendo a A. Berasueta y E. Biafore (2010) se desatacan avances en: a) la relación individual del trabajo en vista de abandonar las estrategias de flexibilidad de ingreso al empleo (reducción temporaria y estableciéndose limitaciones formales tendientes a evitar el fraude laboral, rescatando institutos como la integración del mes de despido; se procede a una reglamentación específica para las agencias eventuales). b) como se dijo más arriba, se restablece el salario mínimo, vital y móvil dejado en desuso desde A su vez, en el anterior esquema flexibilizador del salario y sus componentes el rubro no remunerativo había ido en aumento impactando en la conformación del salario y en la seguridad social, en el 2008 estos componentes comienzan progresivamente a incorporarse en el salario en carácter de remunerativo; c) se produce la unificación del sistema de pasantías 15 ; d) se reinstala la indemnización por antigüedad frente al despido sin causa. Con la sanción de la ley se reunifica el sistema indemnizatorio frente al despido sin causa introduciendo diferentes modificaciones: la base del cálculo será la mejor remuneración mensual, normal y habitual; el monto mínimo de la indemnización será equivalente a un mes de ese salario y el cálculo se realiza en función de la fórmula que resulta más beneficiosa para los trabajadores. A su vez, en el marco de la Ley de emergencia económica se aprobó la duplicación de las indemnizaciones, factor que fue decreciendo hasta el 2007 cuando la desocupación estuvo por debajo de los dos dígitos. 22 Se realizan cambios en el derecho a huelga. La misma norma también modificó las disposiciones anteriores en materia de mantenimiento de servicios mínimos (esenciales) en caso de huelga, reduciendo la nómina a aquellos que son mencionados de manera taxativa: servicios sanitarios y hospitalarios; producción y distribución de agua potable, energía eléctrica y gas; control del tráfico aéreo. 23 Por su parte, se sancionaron nuevas leyes que permitieron ampliar los derechos a sectores históricamente relegados como los peones rurales y empleadas domésticas y a su vez, tendientes a controlar el trabajo no registrado. El Plan Nacional de Regularización del Trabajo apunta a esto último y dos nuevas leyes que interpelan esos sectores más afectados. Nueva Ley del empleo doméstico (2013) y el nuevo Estatuto del peón rural (2012), ambas destinadas a equipar las condiciones de trabajo con la de otros asalariados. 24 Más allá del crecimiento experimentado por la economía desde 2003, comandado por sectores diferentes al de la década neoliberal (especialmente por la actividad industrial), se fueron profundizando ciertas dinámicas que venían observándose en periodos anteriores. En este sentido, la economía posibilitó y se sustentó en las actividades extractivas (básicamente el crecimiento de la minería), la exportación de materias primas y de productos industriales de bajo valor agregado, favorecido a su vez, por el aumento de los precios de los commodites (Delfini M., G. Pinazo y A. Drolas,

203 ), a la vez que mantuvo ciertos pilares como el sector financiero, cuyas ganancias se han incrementado de manera notable durante el periodo analizado. 25 En torno al mercado de trabajo, se observan fuertes dificultades para disminuir los niveles de trabajo no registrado que. En este sentido, el empleo no registrado se ubica en 2013 en una tasa cercana al 34%, habiendo alcanzado su máximo nivel en el 2003 cuando llegó al 49%, momento en el que comienza a disminuir hasta el nivel mencionado Por su parte, un rasgo distintivo que trajo la negociación colectiva de trabajo de la década de los 90 fue la incorporación de cláusulas flexibilizadoras tanto en su dimensión interna como externa, es decir se flexibilizaron las relaciones laborales, la organización del trabajo y el mercado laboral. Si bien la mejora en las condiciones laborales observada a partir del 2003 permitió disminuir la arbitrariedad empresaria al momento de la contratación de personal como en el momento de su desvinculación (fijando límites como la doble indemnización y dando por tierra varias de las normas de contratación segmentada orientadas a disminuir cargas laborales) en lo referente a la flexibilidad interna analizada en los convenios colectivos de trabajo su performance fue más discreta en tanto las cláusulas de polivalencia, modelos productivos flexibles, reestructuración horaria, formas de gestión e individualización salarial por medio de los pagos variables mantuvieron cierta continuidad con el período anterior. 27 De esta manera, se puede observar entre los convenios colectivos de trabajo (CCT) el predominio de ciertas prácticas como son la polivalencia (68%), otros pagos variables (89%), evaluación de desempeño (59%) y, en menor medida, premios por productividad y calidad; mientras que la jornada diferencial alcanza el 61% del total de CCT analizados 17. La lógica de individualización salarial vía otros pagos variables parece extenderse a un conjunto significativo de empresas. 28 Así, como estos elementos ya estuvieron presentes durante el vendaval neoliberal de los 90 y continuaron manifestándose durante el actual proceso, los contenidos de los CCT que habían sido objeto de transformaciones imponiéndose lógicas de flexibilidad laboral interna, sobre todo aquellos firmados a nivel de la empresa, en el actual periodo el capital sigue imponiendo en ellos las lógicas de flexibilidad que se expresan en lo que refiere a las formas de organización del proceso de trabajo. Restauración neoconservadora: discurso y practica neoliberal 29 El cambio político en Argentina iniciado en diciembre del 2015 con el gobierno de Mauricio Macri cristaliza un nuevo rumbo en materia económica que viene afectando de forma crítica a los trabajadores y sectores populares. Si en la fase política anterior a se logró recomponer gran parte del mercado de trabajo destruido por el neoliberalismo noventista, se recuperaron derechos laborales y consolidaron las estructuras sindicales a partir del protagonismo de las bases obreras, el ciclo del actual gobierno representa una transformación regresiva de los marcos laborales regulatorios que recompone el poder de los sectores dominantes en detrimento de los intereses y de las condiciones laborales de los trabajadores. 30 El gobierno de la Alianza Cambiemos de cual Macri constituye su referente político más importante- marca un hito en la historia argentina. Se trata de la primera vez que

204 202 la derecha liberal tradicional consigue llegar al poder a través del voto popular y no por intermedio de golpes de Estado o elecciones proscriptivas y fraudulentas, como ocurrió sistemáticamente en décadas pasadas (Fernández A., 2016). 31 El bloque de poder en el gobierno representa fundamentalmente los intereses de dos de las fracciones socio-económicas tradicionalmente más poderosas y reaccionarias en el país: los agronegocios y el sector financiero. 32 Este programa de la ortodoxia impuso un enfoque desregulatorio de la actividad financiera, la liberalización del flujo de capitales y la pérdida de herramientas de fiscalización en materia cambiaria. Se suma una continua espiral de endeudamiento, altos niveles de inflación sostenidos, el deterioro de los sectores industriales productivos que se habían robustecido en la última década y un progresivo ajuste del gasto fiscal. La consecuencia lógica de estas medidas ha sido el aumento notable de la precarización laboral y la pobreza. 33 Desde que se inició el nuevo gobierno, se agravó exponencialmente el histórico problema de la fuga de divisas. Sólo en concepto de Formación de Activos Externos, salieron del país desde 2015 unos millones de dólares (BCRA, 2017). La profundización de este fenómeno obtura cualquier posibilidad de desarrollo soberano y erosiona gravemente las arcas del Estado. 34 Complementariamente, se agravaron los términos del endeudamiento externo en moneda extranjera que, en 16 meses de gestión, ha superado los 80 mil millones de dólares. La porción del presupuesto 2017 destinada a pagar los intereses de la deuda ( millones de pesos) compromete seriamente la capacidad de proyección sustentable de la economía nacional. 35 En consonancia, se evidencia un empeoramiento acelerado de las condiciones la economía real. En febrero, la actividad industrial cayó un 6% en términos interanuales, mientras que en 2016 la caída fue del 4,5 por ciento. El PBI en 2016 cayó un 2,3 por ciento (contra un crecimiento de 2,6 por ciento en 2015). Las importaciones crecieron más de un 20% interanual, atentando contra la producción nacional en varios rubros intensivos en la generación de empleo, como la industria metalúrgica y textil (INDEC). 36 El cuadro se completa con la problemática de la inflación. En el 2018 ésta alcanzó el 47,7 por ciento con acuerdos salariales en promedio del 24% 18. Valores inflacionarios que sobrepasan la meta fijada por la actual administración, agravando la ya muy importante pérdida del poder adquisitivo de la población asalariada. 37 Esta reconfiguración macroeconómica se produce en un contexto político conflictivo, con una sociedad fuertemente movilizada y también altamente polarizada. A pesar de haber llegado con un discurso de campaña que hacía eje en la conciliación, la derecha en el poder viene instalando, a través de distintos gestos discursivos y políticas públicas concretas, un clima de verdadera revancha política contra lo que han dado en denominar el populismo kirchnerista. Se trata de una política de estigmatización y, en muchos casos, de persecución de dirigentes y militantes de partidos y organizaciones populares críticas al gobierno. En el último período, a la par de la agudización de la recesión económica se puso de manifiesto un recrudecimiento de la política abiertamente represiva contra las manifestaciones en el espacio público. Los visos autoritarios se complejizan con la existencia de presos políticos denunciados por la unanimidad de los organismos nacionales 19 e internacionales de derechos humanos, el desobedecimiento a los fallos de la Comisión Interamericana de Derechos Humanos y

205 203 la abierta utilización del aparato judicial para perseguir dirigentes opositores, militantes y jueces que no responden a los mandatos políticos del gobierno. 38 El programa político-económico neoliberal que encarna el macrismo es más que una teoría o un dogma económico, es la representación de los intereses de los sectores dominantes. Naturalmente tuvo como uno de sus ejes centrales, desde el comienzo de su gestión, la reconfiguración de las relaciones de fuerza al interior del mundo del trabajo. 39 Siguiendo a pie juntillas el manual de políticas públicas en materia laboral de la ortodoxia económica, en el último año se reeditaron en Argentina los discursos característicos de la década de los 90 - acerca de las bondades de la flexibilización laboral como mecanismo central para atraer inversiones y hacer crecer el empleo. Esa prédica se tradujo en acciones políticas concretas. Por un lado, como prolegómeno a una ley de reforma laboral ya anunciada, se promulgaron leyes alentando la creación de empleo precario (llamada Ley de Empleo Joven ) y favoreciendo la desregulación de las condiciones de trabajo (la nueva Ley de Aseguradoras de Trabajo vuelve mucho más dificultosa la posibilidad de realizar un juicio a las patronales por accidentes de trabajo) Los marcados intentos de profundizar la precarización de los trabajadores vinieron acompañados por una ofensiva contra sus organizaciones y formas de expresión colectiva. Este ataque tiene varios frentes y mayormente se instrumenta por la vía de la judicialización, en consonancia con grandes campañas de desprestigio de los trabajadores y sus dirigentes orquestadas por los más importantes medios masivos de comunicación, aliados estratégicos del nuevo gobierno. 41 Por un lado, apuntan a la estructura institucional, especialmente de los gremios más movilizados, presentando recursos para quitarles sus personerías gremiales (figura que instituye la legalidad y las prerrogativas de los sindicatos según el modelo argentino), como sucedió en el caso de los docentes o los trabajadores del subte, dos sectores tradicionalmente de los más combativos en el país. Se sumó una disposición del ministerio de Trabajo para avanzar en la realización de auditorías a los gremios en busca de irregularidades en materia de incumplimiento de la normativa electoral y cupo femenino. Claramente se presenta como un mecanismo de presión a los sindicatos más fuertes de la Confederación General del Trabajo (la central sindical más importante) en las vísperas de la primera huelga general realizada al nuevo gobierno. Esto se ha materializado en la intervención, en un año y medio de gestión, de cuatro sindicatos (Federación de Empleados de la Industria Azucarera, Sindicato de Vigiladores privados, Sindicato de Obreros Marítimos Unidos y el Sindicato de Vendedores de Diarios y Revistas de Capital Federal y Gran Buenos Aires). 42 Además, en la práctica, se desconocieron de hecho institutos claves de la negociación que tuvieron continuidad por más de una década, como las paritarias libres para fijar los aumentos salariales, en un contexto de sostenida alta inflación. Dos ejemplos claves de este accionar furibundo de la nueva gestión son el incumplimiento de la ley que lo obligaba a convocar a paritarias nacionales para el sector docente y el pedido de juicio político (mecanismo para la destitución) a los jueces del fuero laboral que homologaron el acuerdo paritario de los trabajadores bancarios ya consensuado con las patronales, pero con un incremento salarial por encima de lo que pretendía fijar el gobierno. Se trata de muestras claras de la decisión política de disciplinar las demandas de los trabajadores a través de acciones ejemplificadoras.

206 Junto con las políticas de explícita ofensiva en materia laboral, otra vía de fuerte disciplinamiento se consolida a partir del notable y acelerado empeoramiento de las condiciones materiales de vida de los trabajadores en su conjunto. Desde fines de 2015 a esta parte se produjo un importante deterioro del mercado de trabajo. Como producto de la caída del consumo y la apertura de importaciones, en un marco de recesión de la economía, se destruyeron puestos de trabajo, tanto en el sector público como privado y se incrementaron los niveles de informalidad. En el sector estatal tuvieron lugar olas de despidos masivos durante todo 2016 (se calcula que ascienden a cerca de en total ODS-), en paralelo a la implementación de nuevos regímenes de control desplegados por el recientemente creado ministerio de Modernización. 44 En el sector privado se destruyeron casi puestos de trabajo registrados entre el 4 trimestre de 2015 y el 3 trimestre de 2016, marcando una caída sostenida del 2% 21. Entre los sectores de actividad que sufrieron las mayores destrucciones de empleo se destaca la crítica situación industria manufacturera y la construcción, en consonancia con la baja en los niveles de producción de ambos sectores. 45 Este cuadro recesivo se completa con el registro de una importante pérdida del poder adquisitivo de los salarios y un consiguiente crecimiento en los niveles de desigualdad. Así, los asalariados registrados sufrieron en este período una disminución de alrededor del 10% de su capacidad de compra, particularmente intensa para los trabajadores de menores ingresos, lo que determinó un aumento en la desigualdad entre los ocupados. Con la rebaja del salario real y el empleo, los asalariados vieron disminuida su participación en el valor agregado, que pasó del 37,4% al 34,9% 22. La agudización de la desigualdad distributiva se corrobora al comparar la relación entre el ingreso per capita familiar (IPCF) promedio de los hogares más ricos y los hogares más pobres que pasó de ser 16 veces en el segundo trimestre de 2015 a casi 20 veces en el tercer trimestre de Conclusión 46 En este artículo interesó analizar en profundidad el desempeño del gobierno kirchnerista en el a partir del estudio específico de unas de las políticas más importantes desarrolladas durante este periodo, el programa laboral. A su vez, se buscó desarrollar un contrapunto con las políticas desplegadas por el nuevo gobierno que asume en diciembre del 2015 y que llegará a fines del 2019 a los cuatro años de gobierno. Heredero de la década los noventa, donde la mayoría de los indicadores del mercado de trabajo y de las relaciones laborales tendieron a erosionar conquistas obtenidas históricamente por los trabajadores y sectores populares, este nuevo ciclo incentivó el mercado interno y la recuperación de instituciones ligadas al trabajo. Esta trayectoria no estuvo exenta de límites y contradicciones interpretadas como producto de las correlaciones de fuerza desplegadas en un país dependiente y de las propias limitaciones propuestas por las fracciones internas del propio gobierno. A pesar de estas restricciones evidentes los principales indicadores observados permitieron la participación de los sectores populares en la distribución del ingreso vía su incorporación al mercado del trabajo y como beneficiarios de un abanico enorme de políticas sociales. A su vez, los procesos de integración social y ampliación de derechos laborales encontró en los trabajadores rurales y trabajos domésticos los hitos más emblemáticos del periodo al incorporarlos formalmente dentro del derecho laboral.

207 Este desempeño posibilitó dotar a la experiencia neo desarrollista y populista su rasgo distintivo en cuanto posibilitó la participación de los sectores populares en los destinos de los programas de Estado y en su política de distribución de la renta y ampliación de derechos laborales. Esta canalización de demandas, su interlocución por parte del Estado en el marco democrático se desplegó en un contexto de organizaciones sindicales y populares muy activas. 48 A pesar de las mejoras en los indicadores de trabajo hacia fines del período se fueron evidenciando limitaciones en el programa económico como el estancamiento en el crecimiento y las dificultades para valorizar las cadenas productivas del sector industrial que enfrentó al gobierno al clásico problema de la economía argentina de la restricción externa. A ello se sumó en el plano estrictamente del mercado laboral las fuertes dificultades para disminuir el trabajo no registrado e informal. 49 En este marco de ralentización de la economía mundial, desgate luego de 12 años de gobierno y acorde con un cambio de signo político de muchas de las democracias de América del Sur el gobierno que llega al poder a fines del 2015 despliega una política de claros signos neoliberales y de ajuste sobre los sectores obreros cristalizada en deterioro del mercado laboral, pérdida del salario y flexibilización laboral de hecho (a través por ejemplo de la firma de convenios colectivos de trabajo con cláusulas de este tipo orientada a flexibilizar los mecanismo de contratación y de gestión de la fuerza de trabajo). Esta política buscó disminuir el costo laboral y disciplinar a la fuerza de trabajo. A pesar de ello los trabajadores, las organizaciones sindicales y la composición del Congreso Nacional logró detener la reforma laboral que buscaba profundizar la flexibilización a través de una amplia ley que permita aumentar la discrecionalidad empresaria. BIBLIOGRAFÍA Abal Medina, Paula y Diana Menéndez, Nicolas (comp.), Colectivos resistentes. Procesos de politización de trabajadores en la Argentina reciente, 2011, Editorial Imago Mundi, Buenos Aires. Atzeni, Maurizio y Ghigliani, Pablo, Nature and limits of trade unions mobilisations in contemporary Argentina, Labouragain online publications 2008, Vol. 2008, p Adamovsky, Ezequiel, De que hablamos cuando hablamos de populismo, Anfibia. revistaanfibia.com/ensayo/de-que-hablamos-cuando-hablamos-de-populismo-2/ Consultado 30 junio Altimir, Oscar y Beccaria, Luis, El mercado de trabajo en el nuevo régimen económico en Argentina. En Heymann, D. y Kosacoff, B. (Editores). La Argentina de los noventa. Desempeño económico en un contexto de reformas, 2000, Buenos Aires: EUDEBA. Banco Central de la República Argentina (BCRA 2017 Basualdo, Eduardo, Concentración y centralización del capital en la Argentina durante la década de los noventa. Una aproximación a través de la reestructuración económica y el

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211 209 Ecuador (gobierno de Rafael Correa entre con el partido Movimiento Alianza PAÍS); Uruguay (desde el año 2005 gobierna el Frente Amplio bajo las presidencias de Tabaré Vázquez, José Mujica y nuevamente desde el 2015 con Tabaré Vázquez); Venezuela (Partido Socialista Unido de Venezuela bajo el gobierno de Hugo Chávez y Nicolás Maduro del 2013 hasta la actualidad); Argentina (en el período bajo los gobiernos alternativo de Néstor Kirchner y Cristina Fernández del partido Frente para la Victoria). 2. La burguesía interna se refiere a la burguesía de origen nacional. No se la denomina nacional porque se considera que no tiene ya un proyecto nacionalista como lo pudo tener en el pasado, sino que está basada en un mercado interno del que puede rápidamente desprenderse en caso de ser necesario para sus márgenes de ganancia. Es una burguesía que requiere de la protección activa del Estado para poder competir en el mercado internacional, y también en el nacional vía protecciones directas o indirectas a la importación, pero que ya no tiene a ese mercado interno como su destino, sino su base para competir en el mercado global. 3. Si bien se trata de un concepto polisémico que puede rastrearse en el siglo XIX, fue recuperado en la década del 50 y lo utilizaron para nombrar a un conjunto de movimientos reformistas del Tercer Mundo, particularmente los latinoamericanos como el Peronismo en Argentina, el Varguismo en Brasil y el Cardenismo en México. En muchos casos para referirse negativamente sobre aspectos institucionales y democráticos. Para sus diversas acepciones en su uso en Latinoamérica ver M. Retamozo (2017). Para algunos, el uso generalizado de populismo es un término fuertemente cargado de prejuicios contra todo lo que se aparta de la racionalidad burguesa global. También puede consultarse G. Hermet (2012). 4. Ver A. Groppo, 2004 y P. Birnbaum, En especial en su obra La razón Populista. 6. El Pueblo es un efecto de la apelación discursiva que lo convoca, antes que un sujeto político pre-existente. En esta visión política, la articulación de un Pueblo en oposición al bloque dominante, es decir, el ordenamiento de una variedad de demandas en una oposición binaria, es fundamental para la radicalización de la democracia (Adamovky E., 2017). De eso modo, la idea de pueblo es un recurso retórico para buscar el poder político. De allí la importancia de detenerse sobre las demandas y el modo que se procesan para caracterizar un proceso político (Retamozo M., 2017). 7. Las políticas neoliberales aplicadas entre bajo los gobiernos de Carlos Menem (presidente en dos oportunidades entre 1989 y 1999) y de Fernando de la Rúa ( ) se alinearon con las prescripciones del Consenso de Washington. Implicaron una fuerte privatización, apertura económica, reforma del Estado, reconversión productiva y flexibilización laboral. Hacia fines de este ciclo la caída en la tasa de crecimiento económico, la imposibilidad de pago de la deuda externa, el aumento de la desocupación a valores históricos del 25% (EPH- INDEC, 2002), el aumento de la pobreza e indigencia sumado a la pérdida de legitimidad gubernamental y la conflictividad social decantaron en una crisis generalizada que culminó con la renuncia del presidente de la Rúa en diciembre del Recordemos que la crisis mundial de 2008 impactó en términos generalizados en la economía mundial. Según el FMI en el periodo el crecimiento mundial fue de 3,9%. A estos factores, en el caso argentino, se le suman las restricciones externas determinadas por factores comerciales y financieras (Gaggero A., M. Schorr y A. Wainer, 2014). 9. El crecimiento del PBI fue acompañado por programas de transferencia directa como el Programa Asignación Universal por Hijo (AUH) que contribuyó a la baja en la pobreza del 45, 8 % en el 2003 a 13,2% en el 2013; y la indigencia pasó de 19,4% a 4% en el mismo período. La distribución del ingreso observa una mejora que permitió pasar del 0,55 (2002) al 0,37 (2013). A su vez se produjo una ampliación de la cobertura previsional que alcanzó el 94,6%. 10. Entre algunas de los programas gubernamentales más relevantes para abordar la merma en el crecimiento económico y alentar el empleo se destacan los siguientes. PROCREAR: créditos

212 210 hipotecarios para viviendas. PROCREAUTO: créditos adquisición de automóvil a tasas bajas. REPRO: programa destinado a completar el sueldo frente a crisis de las industrias. PROGRESAR: programa de inclusión social y laboral. AHORA 12: programa de crédito para fomentar el consumo. 11. El trabajo no registrado es aquel en el que los empleadores no realizan aportes al sistema de seguridad social conformado por los sistemas de jubilaciones y obras sociales y por lo tanto estos trabajadores no gozan de esos derechos. 12. A diferencia del asalariado que predominó en Argentina entre la década del 40-70, la estructura del mercado laboral que se cristaliza desde la década de los 90 complejiza su representación en vista del aumento de trabajo informal y precario, trabajadores autónomos y cuentapropismo, nuevas formas de contratación a plazo. Estos fenómenos fueron consolidando una profunda segmentación del mercado laboral (A. Salvia, 2003). 13. La década de los noventa produjo un proceso de desmovilización sindical en los espacios de trabajo de la mano de los efectos disciplinantes de la alta desocupación, los embates contra las organizaciones sindicales y de las políticas de flexibilización laboral. Ver, J.S. Montes Cató, Los efectos desmovilizadores de la ofensiva del capital sobre el movimiento obrero y los sindicatos en la década de los noventa se montó sobre un fenómeno de persecución y desaparición de delegados acaecida durante la dictadura militar de Ambos fenómenos afectaron las relaciones sindicales en los espacios productivos. Sin embargo, el poder sindical de base no se eliminó totalmente y se vio favorecido por una legislación protectoria de la actividad gremial y el rol clave que esta figura ocupa en la tradición sindical argentina. A partir del 2003 y en un contexto caracterizado por una alianza estratégica entre el gobierno kirchnerista y la central sindical CGT- se proyecta un espacio propicio para la repolitización del espacio laboral de la mano de los sindicatos con actividad de base. Numerosas investigaciones dieron cuenta de este fenómeno en diversos ámbitos productivos (Cambiasso M., 2016; Varela P., 2013; Duhalde S., 2013; Ventrici P., 2012; Abal Medina P. y N. Diana Menéndez, 2011; Lenguita P. y J.S. Montes Cató, 2009). Incluso algunos han caracterizado y discutido este período como de revitalización sindical recuperando el debate que en Europa suscitó el concepto (Senén González C. y J. Haidar, 2009; Atzeni M. y P. Ghigliani, 2008). Rent-Argentina 15. El nuevo sistema de pasantías educativas delimita su aplicación a estudiantes universitarios, formación profesional, mayores de 18 años y crea numerosos dispositivos de contralor para monitorear su utilización fraudulenta ocultando bajo el rotulo de formación relaciones salariales. 16. Esto supone que cuatro millones de trabajadores se ven afectados por condiciones de profunda precarización (INDEC, 2012) en la medida que el trabajo no registrado implica no sólo el incumplimiento con los aportes correspondientes a la seguridad social, sino también menores niveles salariales y bajas o nulas posibilidades de encarar procesos conflictivos en vista de los procesos de disciplina a los que están sometidos. 17. Porcentajes sobre el total de convenios colectivos de trabajo analizados en el periodo (Delfini M., A. Drolas y J.S. Montes Cató, 2015). 18. Ibidem. 19. Madres Línea Fundadora, la Asamblea Permanente por los Derechos Humanos, Familiares de Detenidos y Desaparecidos por Razones Políticas, el Movimiento Ecuménico por los Derechos Humanos, HIJOS Capital, Familiares y compañeros de las 12 de la Santa Cruz, el padre Paco Oliveira, la Intersindical de Derechos Humanos, la Organización Túpac Amaru, el Partido Comunista, el Partido de la Liberación, el Frente Grande, el Partido Solidario, Miles, ATE Capital, el Llamamiento Argentino Judío, entre otras. 20. Este tema lo hemos desarrollado in extenso en J.S. Montes Cató y P. Ventrici (2017). 21. Ibidem. 22. Ibidem.

213 211 RESÚMENES En los inicios del siglo XXI, en América Latina se fueron consolidando una serie de experiencias gubernamentales que llegaron democráticamente al poder permitiendo el desarrollo de transformaciones socioeconómicas progresistas que han suscitado el interés por su proyección en el marco de un contexto internacional que vira hacia políticas neoliberales de ajuste. Si en la década de los 90 el caso de Argentina fue referenciado como un ejemplo de aplicación de políticas neoliberales, resulta interesante analizar en qué medida a partir del con la asunción del gobierno de Néstor Kirchner- el contenido de las políticas públicas adoptó otro contenido y sentido. En particular el artículo se centra en el estudio de los programas de empleo, las relaciones laborales y sindicales en Argentina. Además de caracterizar estas políticas se busca subrayar el alcance, límites y contradicciones de esa etapa a partir de evidencias empíricas obtenidas. Este ciclo que se extendió entre el 2003 y el 2015 llega a su fin a partir del ascenso de la nueva alianza gobernante Cambiemos de la mano de Mauricio Macri. Interesa también caracterizar las políticas laborales de este nuevo gobierno en busca de marcar su conexión con aquellas que caracterizaron la década neoliberal de los noventa y sus diferencias con la etapa anterior. A través de esta investigación, esperamos poder establecer desde una perspectiva de conjunto, pero anclada en evidencias empíricas específicas la lógica que ha direccionado los programas de empleo, la performance del mercado laboral como así también aquellas normativas orientadas a operar en las relaciones laborales. También interesó analizar la dinámica sindical enfatizando la que marcó la relación entre las organizaciones sindicales y el gobierno. El estudio se inscribe fundamentalmente en la perspectiva cualitativa, aunque se apela a datos cuantitativos para caracterizar algunas dimensiones de análisis ligadas al mercado laboral. In Latin America, at the beginning of the 21 st century, a number of democratically elected governments successfully launched a series of progressive socio-economic transformations. They have aroused international interest as being counter-examples to the frequently prevailing neoliberal economic adjustment policies. This article analyzes the significance of Argentinian employment, labor relations and trade union programs under the Kirchner Government. It includes an appraisal of the scope, limitations and contradictions of these developments, and a comparison with the results of previous empirical investigations. Finally, the article considers the impact on these policies of the changes proposed by the new coalition government at the end of Through this research, we hope to establish an overview, anchored in specific empirical evidence, of the logic that influenced labor policies between This includes an examination of the employment programs and the performance of the labor market, as well as the regulations governing labor relations. It was also interesting to analyze the dynamics of trade union activity, with particular emphasis on the relationships between the union organizations and the government. The study is essentially qualitative, although quantitative data is also used, in order to explain certain dimensions of the labor market. The key objective is to analyze Argentinian labor policies, as they constituted the cornerstone of the economic program. This will make it possible to appraise the impact of the Kirchner government as regards its very important policies concerning the distribution of wealth and the expansion of workers rights. Au début du XXI e siècle, en Amérique latine, une série d'expériences gouvernementales démocratiquement parvenues au pouvoir, permettent le développement de transformations

214 212 socio-économiques progressives ayant suscité l'intérêt par sa projection dans le contexte international qui se tourne vers des politiques néolibérales d ajustement. D abord, le texte traite le sens de ces politiques fondées sur l étude des programmes d emploi, des relations de travail et des syndicats en Argentine. Ensuite, à partir des résultats obtenus, il souligne la portée, les limites et les contradictions de cette étape sur la base des preuves empiriques obtenues lors d investigations. Enfin, l'article propose également de réfléchir à ces politiques en fonction des changements proposés par la nouvelle alliance au pouvoir à la fin de Grâce à cette recherche, nous souhaitons établir, d un point de vue global, mais en s appuyant sur des preuves empiriques, la logique qui a conduit aux politiques du travail au cours du gouvernement Kirchner entre 2003 et À cette fin, les programmes d'emploi, les performances du marché du travail ainsi que les réglementations visant à opérer dans les relations de travail ont été examinés. Il était également intéressant d'analyser l action syndicale en mettant l'accent sur la dynamique qui a caractérisé les relations entre les organisations syndicales et le gouvernement. L étude s'inscrit ainsi essentiellement dans la perspective qualitative, bien que des données quantitatives soient utilisées pour caractériser certaines dimensions de l analyse du marché du travail. En effet, l objectif principal est d analyser les politiques du travail mises en œuvre en Argentine parce qu elles constituent la pierre angulaire du programme économique. Cela permettra de caractériser l'expérience du gouvernement Kirchner par rapport à l'une des politiques les plus importantes lors des discussions sur le champ d'application en termes de répartition de la richesse et d'élargissement des droits. ÍNDICE Palabras claves: populismo, políticas laborales, derechos, democracia, Argentina Mots-clés: populisme, politiques du travail, droits, démocratie, Argentine Keywords: populism, labor policies, rights, democracy, Argentina AUTORES JUAN SEBASTIÁN MONTES CATÓ Juan Sebastián Montes Cató es doctor en Ciencias Sociales por la Universidad de Buenos Aires (UBA) y Magister en Ciencias Sociales del Trabajo (UBA). Posee postdoctorado en el Instituto de Filosofia e Ciencias Sociales de la Universidad Federal de Río de Janeiro (UFRJ) de Brasil. Se desempeña como investigador en el Centro de Estudios e Investigaciones Laborales (CEIL- CONICET) y profesor en la Carrera de Relaciones del Trabajo de la UBA. jmontescato@gmail.com PABLO NEDER Pablo Eduardo Neder es doctor europeo en Ciencias Políticas por la Universidad Complutense de Madrid (España) y la Universidad de Paris 8 (Francia). Se desempeña como presidente del Instituto Latinoamericano de Gobierno y Políticas Públicas (sede Lima, Perú) y como doctor asociado en el Centro de Investigaciones Sociológicas y Políticas de Paris (CSU-CRESPPA), del Centro Nacional de Investigaciones Científicas de Francia (CNRS). pabloneder@hotmail.com

215 213 Entretiens

216 214 Entrevista com Tamis Parron e Leonardo Marques Angélica Müller 1 Em maio de 2019, a Universidade Federal Fluminense (UFF) localizada na cidade de Niterói no estado do Rio de Janeiro (Brasil), inaugurou o Centro de Desigualdades Globais recebendo a biblioteca, os projetos e a herança intelectual do Centro Fernand Braudel, localizado na Universidade de Binghamton. Na cabeça deste projeto estão dois jovens historiadores da UFF, 2 Tamis Parron e Leonardo Marques. Parron é professor de história do Brasil Império. Doutorou-se na Universidade de São Paulo (2015) e realizou estágio pós doutoral na Harvard University (2016). Em 2012, ganhou o maior prêmio da literatura no Brasil, o Jabuti, pelo livro A política da escravidão no Império do Brasil, , fruto do seu trabalho de mestrado. Leonardo Marques é professor de história da América Colonial. Doutorou-se na Emory University (2013) e realizou estágio pós doutoral na Universidade de São Paulo (2015). Dentre os seus trabalhos destaca-se o livro The United States and the Transatlantic Slave Trade to the Americas, publicado pela Yale University Press (2016). Angélica Müller: Qual foi o contexto da construção do Centro Fernand Braudel na Universidade de Binghamton, em 1976? Tamis Parron e Leonardo Marques: O CFB foi uma resposta institucional e científica inovadora aos desafios globais que a crise do capitalismo impôs à governança mundial na década de Uma série de processos contraditórios vinham se formando no seio da ordem mundial do pós-guerra, como o fim da reconstrução europeia, a descolonização afro-asiática e a crise ambiental da chamada Grande Aceleração. Com o tempo, esses processos se articularam com o Choque do Petróleo, a elevação de preços do petróleo pela OPEP. A crise foi gigantesca e permanente, pois o petróleo era (e é) uma mercadoria elementar que integra as principais cadeias produtivas globais, regulando o custo geral de produção de mercadorias e o custo geral de reprodução da mão de obra no mundo inteiro. A combinação imprevista desses eventos elevou o custo do dinheiro, dos insumos e do trabalho do dia para a noite. Deu um banho de água fria no American Way of Life e criou pressões

217 215 competitivas globais que redefiniram padrões de acumulação de capital no mundo. Curiosamente, a crise dos anos 1970 desaguou em dois processos mundiais aparentemente contraditórios, mas no fundo complementares: o neoliberalismo no mundo atlântico e o arranque produtivo do Indo-Pacífico (ou o deslocamento do eixo dinâmico dos processos produtivos industriais globais do Atlântico para o Indo- Pacífico). Essas transformações que, aliás, estão na gênese das desigualdades crescentes que abalam as democracias hoje é que motivaram a criação do CFB na década de Pense que na época a visão de mundo mais consensualmente aceita era a teoria da modernização, formulada por Walt Rostow, consultor da política externa dos EUA (em particular, de Eisenhower) e patrocinada pelo Departamento de Estado norteamericano. Rostow dizia que a diferença na trajetória econômica entre países ricos do Ocidente e os demais países se devia ao desenho institucional das nações e que bastaria aos países pobres imitar as receitas dos países ricos para que seu bolo econômico também crescesse. Para voltar à sua pergunta, a crise generalizada dos anos 1970 e a dissolução da visão de mundo da teoria da modernização criaram o estímulo para o surgimento do CFB, um espaço de pesquisa concebido para explicar mudanças sociais de larga escala na longa duração. Assim, quando Terence Hopkins e Immanuel Wallerstein fundaram o CFB em 1976, o seu primeiro desafio científico foi entender as transformações mundiais do capitalismo nos anos 1970 não só como o resultado parcial de causas complexas do tempo presente, que era o que fazia a maioria dos melhores analistas da época, mas como a materialização historicamente específica de processos que remontavam, digamos, às origens da História Moderna, como a expressão particular de uma história muito mais profunda e plurissecular. A. M.: Por que homenagear o importante historiador francês? T. P., L. M.: A amizade de Wallerstein e Braudel nasceu quando o Wallerstein começou a enviar para Braudel os capítulos manuscritos do primeiro volume do que viria a ser o seu magnum opus, O sistema mundial moderno (1974). Na época, Braudel estava escrevendo Civilização material, economia e capitalismo, outra interpretação de fôlego do capitalismo, e ele leu com muito entusiasmo a produção ambiciosa de um acadêmico norte-americano quase trinta anos mais jovem que ele. Dali nasceu uma troca intelectual rica, uma influência recíproca genuína, um daqueles diálogos que são, ao mesmo tempo, o resultado e a causa da grandeza intelectual dos interlocutores. Graças à amizade que fizeram, Wallerstein trabalhou com Braudel durante um ano na École des Hautes Études en Sciences Sociales, em Paris, logo depois da publicação do primeiro volume do seu livro, O sistema mundial moderno. Quando ele voltou para os Estados Unidos, Terence Hopkins, que fora seu ex-colega, aluno e professor na Universidade de Columbia, tinha conseguido a autorização para abrir um centro de ciência social histórica sobre o capitalismo na Universidade de Binghamton. Wallerstein se juntou à iniciativa, e aí a homenagem ao Braudel pareceu natural e oportuna. Afinal de contas, Braudel era o intelectual mais bem aparelhado para atender à demanda por uma ciência social capaz de explicar o mundo como uma totalidade processual.

218 216 A gente pode dar um passo adiante na análise e verificar que Braudel influenciou até mesmo as noções de espaço e tempo na obra de Wallerstein. De fato, Wallerstein levou a sério a noção braudeliana de que a história é o campo da síntese das outras ciências sociais graças à dialética das durações: a longa duração, o recitativo de conjuntura, os eventos de curta duração. Ao passo que economistas, cientistas políticos e sociólogos lidam com tempos mais curtos, e os antropólogos com o mais longo, a história realizaria a reunificação do saber social por entender a mudança social como resultante da interação dialética dos diversos tempos constitutivos da vida humana. Braudel foi de fato muito agudo e sagaz na relevância causal que atribuiu aos tempos sociais. Antes dele, outros acadêmicos franceses, como François Simiand e Ernest Labrousse, já tinham entendido que qualquer evento da vida social nasce do concurso mais ou menos contingente de causas independentes, que solicita não um antecedente, mas uma pluralidade articulada de precedentes. Braudel refinou essa percepção dando a essa série de causas independentes camadas estratigráficas de durações temporais. Wallerstein aprendeu muito com isso. Braudel não legou a Wallerstein só uma visão complexa da pluralidade do tempo social. Ele ainda lhe permitiu refinar a noção de espaço histórico. Braudel sempre frisou o fato de que o espaço através do qual as atividades humanas se formam não se reduz à simples territorialidade homogênea dos Estados nacionais. Wallerstein soube incorporar essa percepção e levá-la a seu corolário lógico. Ele argumentou que o coração do capitalismo histórico deve a sua vida, o seu ritmo e a sua pulsação a uma tensão espacial primária, uma contradição entre a espacialidade zonal da política (ou do Estado) e a espacialidade reticular das atividades econômicas. Graças à sensibilidade espacial de Braudel, Wallerstein nos faz ver que o capitalismo histórico é um sistema de acumulação que nasce, se desenvolve e entra em crises manipulando as diferentes territorialidades dos movimentos sociais, das decisões políticas e dos fluxos de capital. É importante, por fim, lembrar que Wallerstein também influenciou Braudel. A bem da verdade, parece que Braudel não sabia ainda muito bem como encaminhar seu argumento em Civilização material, economia e capitalismo. O terceiro volume foi escrito depois do contato epistolar com Wallerstein e, principalmente, depois da estadia de Wallerstein na École des hautes études en sciences sociales, no ano acadêmico de O próprio Braudel reconheceu, no terceiro volume (que é de 1979) que o trabalho de Wallerstein o ajudou a entender melhor sua própria interpretação. A. M.: Como vocês entraram em contato com o Centro? T. P., L. M.: Um diálogo muito profícuo, envolvendo um número significativo de historiadores brasileiros, foi construído ao longo das últimas duas décadas em torno do conceito de segunda escravidão, originalmente lançado por Dale Tomich (figura central na história do Centro Fernand Braudel) no fim da década de A ideia originalmente proposta por Tomich é relativamente simples: o século XIX, era de expansão do abolicionismo, foi também marcado pela expansão da escravidão em novos espaços, nomeadamente o oeste de Cuba, o Vale do Paraíba, no Brasil, e o sul dos Estados Unidos. Com este ponto de partida, um conjunto de pesquisadores tem explorado os múltiplos condicionamentos entre as diferentes sociedades escravistas do oitocentos e seu lugar na economia mundial capitalista. Uma das primeiras pesquisas coletivas surgidas desse movimento foi uma análise comparada da

219 217 paisagem e arquitetura da segunda escravidão com Rafael Marquese, os cubanos Reinaldo Funes e Carlos Venegas, além do próprio Tomich. Nos anos seguintes, Marquese e outros historiadores brasileiros como Ricardo Salles, Mariana Muaze, dentre outros, expandiram os debates em torno do conceito, não raro com a participação dos outros membros da rede da segunda escravidão, o que invariavelmente levou a debates críticos em torno de toda a tradição intelectual que estava subjacente ao conceito. Nesse contexto foi fundado o Lab-Mundi por Rafael Marquese e João Paulo Pimenta, em 2013, na Universidade de São Paulo, cuja intenção explícita é explorar a história do Brasil em suas relações com o sistema mundial capitalista. Desde o início, o laboratório contou com três dos membros fundadores do Centro UFF de Desigualdades Globais: Douglas Leite, Leonardo Marques e Tâmis Parron. Em suma, vínhamos travando um intenso diálogo não apenas entre nós, mas com os próprios membros do Centro Fernand Braudel, especialmente Dale Tomich. Em 2017, tivemos a felicidade de estarmos os três trabalhando na Universidade Federal Fluminense (Douglas é membro do Departamento de Direito desde 2010, Leonardo entrou para o Instituto de História em 2015, seguido por Tâmis dois anos depois). Considerando nossas afinidades intelectuais, rapidamente decidimos que deveríamos formar algum grupo de pesquisa na universidade. Conforme conversávamos com colegas de diferentes disciplinas, soubemos da decisão da direção do Centro Fernand Braudel de encerrar as suas atividades. Considerando nosso longo diálogo com o CFB, demos início a uma série de conversas com Tomich e Richard Lee, atual diretor do Centro, para discutir as possibilidades de herdarmos os recursos acumulados pelo CFB ao longo de meio século. Com o apoio de muitas pessoas, de diferentes departamentos da UFF, e da própria Reitoria, conseguimos costurar um acordo que levará à transferência da enorme biblioteca de periódicos e toda a rede de contatos do Centro Fernand Braudel para o recém-fundado Centro UFF sobre Desigualdades Globais. A. M.: Depois de mais de 40 anos de funcionamento na Universidade de Binghamton, os arquivos serão doados para o novo Centro UFF sobre Desigualdades Globais. O que significa esta mudança? Mais do que isso: o que significa uma mudança norte-sul? T. P., L. M.: Você tocou num ponto importante: as relações norte-sul no mundo contemporâneo. Em geral, achamos que essas relações se restringem à circulação de bens, pessoas e capital. Na verdade, elas também englobam ideias e trocas acadêmicas. Infelizmente, a noção de troca desigual se aplica não só à economia mundial, mas também à cultura acadêmica. Como você sabe, a troca desigual é aquela em que se realiza o aparente intercâmbio de equivalentes, mas na qual, na verdade, há ganhos e perdas diferenciais para os envolvidos. É exatamente isso o que ocorre na academia em nível mundial. Na maior parte das vezes, a comunidade científica internacional permite que cientistas sociais do Norte produzam conhecimento teórico, quadros conceituais, formulações abstratas. Quando dizemos permite, queremos dizer consome e divulga. Essa mesma comunidade, porém, reduz os pesquisadores do sul ao papel de fornecer dados empíricos e descrições particulares. Isto é, ignora sua produção teórica e cita no rodapé apenas a que aporta dados, fatos e eventos.

220 218 Quando você aperta para ver o que exatamente é o norte, logo se torna claro que ele também é desigual: o norte são, fundamentalmente, as academias angloamericanas. É como se não houvesse vida inteligente no mundo para além da vila anglo-saxã. Os autores da perspectiva do sistema-mundo sempre viram com muito ceticismo e crítica as trocas desiguais no plano material e simbólico da comunidade científica internacional. Se deixarmos Braudel de lado por um instante, além de inspirações óbvias como Marx, veremos que algumas das principais fontes intelectuais da perspectiva do sistema-mundo provieram de espaços ditos periféricos: a noção de centro e periferia, do argentino Raúl Prebisch; a noção de troca desigual, de Amir Samir e Arghiri Emmanuel; a dimensão internacional dos processos econômicos, da teoria da dependência; e o radicalismo do pensamento negro marxista, de C. L. R. James, Eric Williams e Frantz Fanon. Os autores da perspectiva do sistema-mundo, Wallerstein entre eles, rejeitaram o paroquialismo científico anglo-saxão, incorporando, em seu lugar, o conhecimento científico do sul ( sul aqui é uma metáfora geográfica) não como repertório de dados e fatos, mas como uma tradição de saber social que também pode falar dos processos universais em pé de igualdade com pensadores do norte. Isso ficou evidente, também, na prática do CFB de convidar pesquisadores visitantes de fora dos circuitos tradicionais, como Aníbal Quijano e Walter Rodney, com a intenção não de sobrepor uma tradição à outra, que poderia levar a novos paroquialismos, e sim de quebrar os limites estabelecidos por trocas acadêmicas desiguais. Que a UFF receba, desenvolva e reformule, conforme os desafios contemporâneos, a herança intelectual do CFB é algo extremamente consistente com a própria agenda intelectual, política e ideológica do CFB. A. M.: Quais os projetos para o Centro em Niterói? T. P., L. M.: O Centro UFF nasce com a missão de ser um polo produtor de conhecimento de ponta sobre o problema mais dramático do mundo contemporâneo: a difusão da desigualdade socioeconômica dentro de um mundo cada vez mais rico e integrado. Como fazer isso? Nós seguimos três valores inegociáveis: interdisciplinaridade comparativa, conhecimento participativo e conceitos sensibilizadores. Vejamos um por um. Até o momento, a produção científica sobre desigualdades tem sido quase um assunto privê da economia. O conhecimento obtido é de excelência, sem dúvida. Mas a maioria dos economistas, por formação, coloca a ênfase da análise nos tempos curtos e médios e enfoca nos fluxos de capital e pessoas. O Centro UFF, por sua vez, se propõe estudar processos que estão na base da acumulação assimétrica de capital olhando para relações estruturadas de poder, geopolítica, ecologia mundial, enfim para relações multidimensionais e espaço-temporalmente multiestratigráficas que determinam rendas diferenciais de modo mais complexo do que dão a entender noções como produtividade, vantagens comparativas e capital humano. Como fazer isso sem perpetuar as relações e estruturas de poder que produzem desigualdade no interior da própria produção do conhecimento? Aí entra o nosso segundo valor inegociável. O Centro UFF se apresenta como um espaço de

221 219 conhecimento participativo. Vamos reunir acadêmicos, gestores de política pública e atores sociais tanto do Brasil como de outros países diante de um problema comum, para que possam criar e compartilhar ideias sobre como encontrar suas possíveis soluções. As práticas da interdisciplinaridade comparativa e do conhecimento participativo vão levar a um novo enquadramento do problema da desigualdade e, a partir daí, à formulação de conceitos sensibilizadores, o nosso terceiro valor. Conceitos sensibilizadores são aqueles que desnaturalizam a maneira como vemos a reprodução da vida social. Atualmente, a maior parte dos conceitos mais usados para entender o mundo contemporâneo é moldada por interesses geopolíticos, pela lógica de empresas e pela linguagem do capital. O Centro UFF deve estimular uma revisão radical dessas noções e propor no lugar delas outras que despertem o ânimo para a ação. Há algo de curioso nisso tudo. O Brasil é um país extremamente desigual, porém não possui uma boa teoria social sobre a desigualdade. O paradoxo do Brasil, se podemos dizer assim, é também o paradoxo do mundo contemporâneo. A nossa utopia científica é fornecer pontos de partida para reorganizar o nosso atual sistema de diagnósticos sobre o Brasil e o mundo contemporâneo. Uma sensibilização que desencadeie a convergência sinérgica de forças sociais distintas em torno de iniciativas comuns contra os efeitos disfuncionais das desigualdades globais. A. M.: No seu famoso artigo sobre a longa duração publicado na revista dos Annales, em 1958, Braudel falava de uma crise das ciências humanas oprimidas pelo seu próprio progresso. Apelava, então, para a necessidade de um trabalho coletivo entre as ciências (tão cara aos Annales) e discutia a importância dos diferentes tempos para análise das estruturas históricas. Qual a atualidade das premissas levantadas por Braudel? T. P., L. M.: Na década seguinte ao artigo clássico de Braudel, as ciências sociais passaram por transformações radicais trazidas pelas diferentes guinadas (linguística, cultural, etc.). Para além de uma certa angústia em torno de uma suposta impossibilidade de se escrever a história, que assolou parte do campo, historiadores responderam aos desafios trazidos por tais mudanças com um mergulho ainda mais intenso nos arquivos, com o desenvolvimento de importantes tradições historiográficas. Uma das principais estratégias metodológicas empregadas por historiadores foi a redução da escala com a micro-história, que, no caso francês, se desenvolveu em contraposição direta ao legado do Braudel. Ao reduzir a escala de análise seria possível perceber os limites de grandes narrativas e compreender como estruturas operaram de modo distinto do que antes imaginado, além de permitir compreender as relações entre diferentes tempos, conexões que Braudel teria, aparentemente, negligenciado. Nesse sentido, parte desses trabalhos prometia realizar mais do que uma redução de escala; o objetivo era desenvolver um jogo de escalas que eventualmente retornasse ao processos macro-históricos. A ideia de que a compreensão de diferentes tempos era fundamental para a compreensão de estruturas históricas ainda estava presente. Mas aquele ponto de chegada revelou-se muito mais difícil de ser alcançado do que o anunciado. Com o mergulho intenso nos diferentes acervos documentais e a redução da escala de análise, as próprias perguntas de pesquisa passaram a ser crescentemente guiadas pelo arquivo, resultando em um conjunto de platitudes que

222 220 foram travestidas de teoria, como bem apontou Gary Wilder: o estado nunca domina por completo, fenômenos históricos são mais complexos do que as suas representações abstratas, discursos e práticas nem sempre estão alinhados, o ser humano é sempre capaz de agir mesmo quando oprimido, e por aí vai. Não por acaso, o próprio conceito de capitalismo foi desaparecendo ou se restringindo a breves referências nas introduções e conclusões de livros de história. O outro aspecto do ensaio clássico de Braudel que você levanta, a necessidade de um trabalho coletivo entre diferentes ciências, também foi, em parte, empobrecido por esses desenvolvimentos. Ao mesmo tempo que o mergulho nos arquivos fortaleceu a disciplina e a permitiu sobreviver ao longo do último meio século, acompanhada de algumas apropriações teórico-metodológicas de vertentes da antropologia, por exemplo, a possibilidade de um diálogo mais profundo entre diferentes disciplinas ficou muito restrita. A maior parte dos historiadores entrincheirou-se na própria disciplina. Para um exemplo do limite dos diálogos possíveis postulados por esse movimento, veja as considerações recentes de Giovanni Levi, que sugere que a microhistória e as histórias conectadas estariam ligadas à antropologia enquanto a famigerada global history estaria em sintonia com as sínteses simplificadoras da sociologia. No entanto, uma tradição distinta emergiu a partir do diálogo original entre a segunda geração dos Annales e a perspectiva de sistemas-mundo. Concomitante ao desenvolvimento da micro-história nas décadas de 70 e 80, um conjunto de pesquisadores travou um diálogo crítico com o (e no interior do) Centro Fernand Braudel. Quando olhamos cuidadosamente para os trabalhos de Sidney Mintz, Michel- Rolph Trouillot, Eric Wolf, Philip McMichael e Dale Tomich, dentre outros, observamos que algumas das mesmas questões estão ali postuladas: a relação dinâmica entre as partes e o todo, entre o micro e o macro, entre as diferentes temporalidades da história. As respostas produzidas nesse contexto implodiram com divisões disciplinares, mostrando a riqueza de abordagens que atravessavam e combinavam os ganhos da história, antropologia, sociologia, geografia, economia, dentre outras disciplinas. Qual é a atualidade das premissas originais de Braudel? Em um momento no qual se debate a possibilidade de se estabelecer uma nova categoria geológica - o antropoceno - para descrever o impacto das atividades humanas sobre o meio ambiente e a possibilidade de extinção da própria espécie em um futuro próximo, o trabalho coletivo entre diferentes ciências deixou de ser uma possibilidade para ser uma necessidade. Tais atividades humanas não são atemporais, mas produto de diferentes formas de organização econômica, política e sociocultural que se transformam através do tempo. Compreender tais transformações e, especificamente, o lugar do capitalismo enquanto sistema histórico (com todas as suas assimetrias em diferentes níveis) em tais desenvolvimentos é uma das tarefas mais urgentes da ciência contemporânea. Nesse sentido, para além do necessário trabalho coletivo que transcenda as tradicionais divisões disciplinares, a perspectiva de Braudel em torno de uma pluralidade de tempos permanece extremamente útil. Apesar de sua interpretação das dinâmicas naturais serem fruto de seu tempo, como aponta Dipesh Chakrabarty, ainda assim, ao não tratar a natureza como simples pano de fundo, Braudel apontava

223 221 para caminhos possíveis de incorporação do meio ambiente na análise. O problema em sua formulação original era que a determinação se dava de modo cíclico, os ciclos da natureza afetando a humanidade. Nossa época, no entanto, produziu uma enorme imprevisibilidade em tais processos (algo que ainda não estava evidente por ocasião da publicação do Mediterrâneo), com implicações devastadoras para o presente e o futuro da humanidade. A crise ambiental, é claro, está profundamente articulada à crise econômica, política e sociocultural que estamos vivenciando em escala global no presente. Braudel, Wallerstein e toda a tradição que temos mencionado aqui oferecem instrumentos extremamente ricos para que possamos compreender onde estamos e para onde vamos. A. M.: Quais os desafios para se realizar uma história sobre as desigualdades em escala global? T. P., L. M.: Os desafios são muitos. Um dos principais é conseguir construir debates interdisciplinares que imprimam a dimensão histórica em fenômenos contemporâneos de desigualdade e transcendam as amarras do nacionalismo metodológico, tão arraigado nas ciências sociais até os dias de hoje. Como dissemos anteriormente, boa parte dos debates sobre desigualdades conduzidos por economistas é marcado pelo foco em tempos curtos e médios. Historiadores econômicos, por sua vez, apesar de visões de mais longa duração, desenvolvem boa parte das análises nos marcos de um forte nacionalismo metodológico. Em geral, buscam um fator essencial do crescimento (direitos de propriedade bem definidos, maior participação política da população etc.) para, então, construir um receituário a ser seguido por estados interessados em se desenvolver. O foco recai sobre dinâmicas internas, o que se reflete tanto em interpretações históricas quanto em receitas prontas para se eliminar desigualdades contemporâneas, como se essas mudanças dependessem exclusivamente de medidas tomadas na esfera política nacional. Processos sistêmicos - e, com eles, a própria ideia de capitalismo - são descartados ou naturalizados. Seus pressupostos dificilmente são objeto de discussão. Em alguma medida, alguns dos debates de meados do século passado continuam presentes, em versões 2.0 das antigas teorias da modernização. No entanto, se a reificação da ideia de crescimento econômico e desenvolvimento já era problemática na época da Guerra Fria, como apontavam Wallerstein e muitos outros, hoje ela é simplesmente mortal. O colapso ambiental e suas implicações extremas para a vida humana obrigatoriamente nos forçam a pensar estratégias que transcendam os limites dos estados nacionais. Voltando a um ponto no qual já tocamos, será necessário pensar as estruturas que nos trouxeram até aqui. Trabalhos coletivos, para além das fronteiras disciplinares e da própria academia, são fundamentais. Felizmente, eles estão acontecendo. A nossa esperança é que o Centro UFF contribua para seu aprofundamento.

224 222 AUTOR ANGÉLICA MÜLLER Professora de história do Brasil República da Universidade Federal Fluminense (Rio de Janeiro Brasil) e pesquisadora-associada do CHS/Paris 1. Bolsista produtividade do CNPq e Jovem Cientista do nosso estado Faperj. Atualmente é editora da revista Tempo e membro do Comitê de redação internacional da revista IdeAs.

225 223 Interview with Tamis Parron and Leonardo Marques, UFF Angélica Müller 1 In May 2019, the Fluminense Federal University (UFF), located in the city of Niterói, in the state of Rio de Janeiro (Brasil), founded the Center on Global Inequalities, receiving the library, projects, and intellectual heritage of the Fernand Braudel Center, from the Binghamton University. Among the leaders of this project are two young UFF historians, Tâmis Parron and Leonardo Marques. Parron is professor of history of nineteenth century Brazil. He earned his PhD at the University of São Paulo in 2015 and spent a year as postdoc at Harvard University in In 2012 he earned the greatest Brazilian prize in literature, the Jabuti, for his book A política da escravidão no Império do Brasil, , based on his MA thesis. Leonardo Marques is professor of history of colonial America. He earned his PhD at Emory University in 2013 and spent one semester as a postdoc at the University of São Paulo in Among his works is the book The United States and the Transatlantic Slave Trade to the Americas, , published by Yale University Press in Angélica Müller: Why was the Fernand Braudel Center created at Binghamton University in 1976? Tamis Parron e Leonardo Marques: The FBC was an innovative institutional and scientific reaction to the global challenges brought by the crisis of capitalism in the 1970s. A number of contradictory processes had been in the making after World War II, such as the end of the reconstruction of Europe, Afro-Asian decolonization movements, and the environmental crisis produced by the so-called Great Acceleration. After a while, these processes became connected to the oil crisis brought about by the rise of prices by OPEC. The crisis was huge and permanent because oil was, and still is, a key commodity that integrates the main global production chains, regulating the general costs of commodity production and the reproduction of the labor force across the world. The unexpected combination of these events led to rising costs of capital, raw materials, and labor overnight. This challenged the American way of life and created global competitive pressures that redefined the patterns of capital accumulation in the world. The crisis of the 1970s

226 224 led to two contradictory - albeit complementary - global processes: the development of neoliberalism in the Atlantic world and the productive takeoff of the Indo-Pacific, or the displacement of the dynamic axis of industrial production from the Atlantic to the Indo-Pacific. These transformations - which by the way are at the genesis of the growing inequalities that are shaking democracies today - were the main motivations for the creation of the FBC in the 1970s. At the time, the modernization theory was widely shared as a worldview, formulated by figures such as Walt Rostow, a consultant for US external policies, and sponsored by the US State Department. Rostow used to say that the differences between the economic trajectories of the West (which many reduce to the wealthy countries of the Atlantic) and the rest were produced by the institutional designs of these nations. Poor nations would solve their problems once they started copying the recipes for economic growth from their rich counterparts. To go back to your question, the general crisis of the 1970s and the collapse of modernization theory created the context for the emergence of the FBC, a research center that sought to explain large scale social change in the longue durée. Thus when Terence Hopkins and Immanuel Wallerstein founded the FBC in 1976 their first scientific challenge was to understand the world changes of capitalism in the 1970s. They did not want to see them only as the product of their times, but also as the materialization of processes that went all the way back to the early modern period, or, in other words, as the particular expression of a much deeper and long history. A. M.: Why did they pay a tribute to the French historian? T. P, L. M.: The friendship between Wallerstein and Braudel was born when Wallerstein started sending to Braudel the chapters of the manuscript that would eventually be published as The Modern World System (1974), Wallerstein s magnum opus. At the time Braudel was writing Civilization and Capitalism, an interpretation of capitalism in the long run, and read with excitement the ambitious work of a North American scholar that was almost thirty years younger than him. From this came rich intellectual exchanges, with genuine mutual influences. This was one of those dialogues that are both cause and effect of the intellectual greatness on both sides. Because of this friendship, Wallerstein worked with Braudel for one year at the École des Hautes Études en Sciences Sociales, in Paris, shortly after the publication of the first volume of The Modern World System. When he returned to the United States, his former colleague as a student and professor at Columbia University, Terence Hopkins, invited him to participate in the creation of a center of historical social science on capitalism at Binghamton University. When Wallerstein accepted the offer, the tribute to Braudel seemed to be something natural. After all, Braudel was the intellectual who could best satisfy the demand for a social science capable of explaining the world as a processual totality. We could go further and argue that Braudel also shaped the ideas of time and space in Wallerstein s work. Wallerstein took very seriously the Braudelian argument that history is the field where all other social sciences could be synthesized because of the dialectic of temporalities: the longue durée, the conjuncture, and the events of the short term. While economists, political scientists, and sociologists deal with shorter

227 225 time periods and anthropologists with the longest, history could reconnect social knowledge with the understanding that social change was a result of the dialectical interaction between the different times of human life. Braudel was indeed very sharp in attributing causal relevance to social times. Before him, scholars such as François Simiand and Ernest Labrousse had already realized that any event in social life comes from the relatively contingent combination of independent causes, which leads to the tracking not of one antecedent but a plurality of combined precedents. Braudel refined this view by interpreting these series of independent causes within stratigraphical levels of time. Wallerstein learned a good deal from this. Braudel not only offered a complex view of the plurality of social times to Wallerstein, but also allowed him to further explore the idea of historical space. Braudel always emphasized that the space in which human activities develop are not reducible to the homogenous territoriality of national states. Wallerstein managed to incorporate this view and further develop it to its logical conclusion. He argued that the life and rhythms of historical capitalism depended on an essential primary spatial tension: the contradiction between the territorial spatiality of politics (or the State) and the network spatiality of economic activities. Influenced by the Braudelian sensibility to space, Wallerstein allowed us to see that historical capitalism is a system of accumulation that emerges, develops, and experiences multiple crises by manipulating different territorialities: those of social movements, political decisions, and flows of capital. Finally, it is important to note that Wallerstein also influenced Braudel. The French historian did not seem to be completely aware of how to further develop his argument in Capitalism and Civilization. The third volume was written after a number of exchanges with Wallerstein and especially after Wallerstein stayed at École des hautes études en sciences sociales in the academic year of Braudel himself acknowledged in this third volume (first published in 1979) that Wallerstein s work helped him understand his own interpretation. A. M.: How did you get to know the Center? T. P, L. M.: A very rich dialogue involving a number of Brazilian historians has emerged in the last two decades around the concept of second slavery, first developed by Dale Tomich (a central figure in the history of the Fernand Braudel Center) by the end of the 1980s. The original idea was relatively simple: the nineteenth century was both the age of abolitionism and of the expansion of slavery in new settings, especially in the western region of Cuba, the Paraíba Valley, in Brazil, and the southern states of the United States. Based on this idea, historians have explored the mutual influences between the different slave societies of the nineteenth century and their place in the capitalist world economy. One of the first collective enterprises that came out of this movement was a comparative study of landscapes and architecture of the second slavery involving Rafael Marquese, Cuban historians Reinaldo Funes and Carlos Venegas, and Tomich himself. In the following years, Marquese and other Brazilian historians such as Ricardo Salles, Mariana Muaze, among others, have engaged in a number of debates, frequently including other members of the second slavery network, which inevitably led to critical discussions around the intellectual tradition that was behind the concept of second slavery. In this context Rafael Marquese and João Paulo founded the Lab-Mundi (2013) at the University of São Paulo with the explicit goal of studying the history of

228 226 Brazil within the framework of the capitalist world system. Since its early days the group had three of the founding members of the UFF Center on Global Inequalities: Douglas Leite, Leonardo Marques, and Tâmis Parron. In sum, we had been developing a very intense dialogue not only among ourselves, but also with Dale Tomich and other members of the Fernand Braudel Center. In 2017 the three of us happened to be working at the Fluminense Federal University (Douglas is a member of the Law School since 2010, Leonardo became part of the Institute of History in 2015 followed by Tâmis two years later). Since we have a number of intellectual affinities, we soon decided to start some kind of research group at the university. While we started talking to colleagues from different departments, we learned that the Fernand Braudel Center had decided to end its activities. In view of our previous dialogue with the FBC, we started talking to Tomich and Richard Lee (present day director of the Center) to discuss the possibilities of inheriting the resources that the FBC had accumulated over half a century. With the help of many people from different departments at UFF, the FBC accepted to transfer its fantastic library of journals and its network to the recently founded UFF Center on Global Inequalities. A. M.: After more than 40 years at Binghamton University, the FBC resources will be donated to the new UFF Center on Global Inequalities. What is the meaning of this change? What is the meaning of such a change from North to South? T. P, L. M.: This is a very important point: North-South relations in the contemporary world. We usually tend to think that these relations are based on the flows of goods, people, and capital. In fact, they also include ideas and academic exchanges. Unfortunately, the idea of unequal exchange can be used not only for the world economy but also for global academia. As you are aware, unequal exchange is the exchange between apparently equivalent things that leads to differential gains and losses for those involved in it. This is precisely what happens in academia on a world level. Usually the international scientific community allows social scientists from the North do develop theoretical knowledge, conceptual frameworks, abstract formulations. When we say it allows we want to say it consumes and publicizes. This same community, however, turns researchers from the Global South into producers of empirical data and local descriptions. Their theoretical production is often ignored. Global academia only cites works that bring raw data, facts, and events. When you press further to see what exactly is the North it soon becomes clear that the North is also unequal: they are basically the Anglo-American universities. It is almost like there is no intelligent life outside the Anglo-Saxon village. Scholars within the perspective of the world systems were always very skeptical and critical about the unequal exchanges in the material and symbolic levels of the international scientific community. If we leave Braudel aside for a moment, and obvious influences such as Marx, we see that some of the main sources of intellectual inspiration for world system analysis came from the so-called peripheral areas: the idea of center and periphery with the Argentinian Raúl Prebisch; the idea of unequal exchange from Amir Samin and Arghiri Emmanuel; the international dimensions of economic processes from dependency theory; the radicalism of the black Marxism of C.L.R. James, Eric Williams, and Frantz Fanon. World system scholars, among them

229 227 Wallerstein, rejected scientific Anglo-Saxon parochialism. They incorporated the scientific knowledge of the South ( South here as a geographical metaphor) not as a repertoire of data and facts, but as an intellectual tradition that can also teach something about universal processes. This was evident in the FBC practice of inviting non-us scholars, such as Aníbal Quijano and Walter Rodney. The idea was not to simply replace one tradition for another, which could easily lead to new parochialisms, but to break with the limits established by unequal academic exchanges. In this sense, the transference and further development of the FBC tradition at the Federal Fluminense University is completely attuned to the intellectual, political, and ideological agenda of the FBC. A. M.: What are the projects for the UFF Center? T. P, L. M.: The UFF Center was created with the goal of becoming a center of knowledge on the most dramatic problem of the contemporary world: the reproduction of socioeconomic inequality in an increasingly wealthy and connected world. How can we do this? We have established three non-negotiable values: interdisciplinary and comparative research, participative knowledge, and sensitizing concepts. Let s take a look at each of them. The scientific production on inequalities has usually been a subject for economists. All the knowledge produced by these scholars is obviously of very high quality. But most economists (a good exception is Thomas Piketty s latest book) tend to emphasize the short and medium terms, focusing on the flows of capital and people. Our focus is on processes that are at the basis of the asymmetrical accumulation of capital by looking at the structured relations of power, geopolitics, world ecology. In other words, the UFF Center will look at the multidimensional and temporal-spatial relations that influence wealth inequality in ways that ideas such as productivity, comparative advantages, and human capital do not let us see. How can we do this without reproducing the structures and relations of power that produce inequality within the production of knowledge itself? This is where our second value is important. The UFF Center is a space of participative knowledge. We plan to gather scholars, public policy managers, and social actors from Brazil and other countries to tackle a common problem so that they can create and share ideas and find possible solutions. Comparative interdisciplinary research and participative knowledge can help us tackle inequality in new ways, and in this the creation of sensitizing concepts, our third value, is important. Sensitizing concepts are those concepts that denaturalize the way we look at the reproduction of social life. Most concepts currently used to understand the contemporary world are shaped by geopolitical interests, by the logic of private enterprises, and the language of capital. The UFF Center wants to stimulate a radical revision of these ideas and replace them with others that can stimulate people to act. There is something very interesting about this. Brazil is a highly unequal country but it does not have a good social theory on inequality. The paradox of Brazil, if we could frame it this way, is also the paradox of the contemporary world. Our scientific

230 228 utopia is to offer starting points to reorganize our present-day system of diagnostics about Brazil and the contemporary world. A sort of sensitizing that can unleash the convergence of different social forces around common initiatives against the dysfunctional effects of global inequalities. A. M.: In his famous article on the longue durée, published in the Annales journal in 1958, Braudel spoke of a crisis in the social sciences, which had been oppressed by their own progress. He then called for a collective work among different sciences (a central part of the Annales) and discussed the centrality of different temporalities for the analysis of historical structures. How relevant are these ideas today? T. P, L. M.: In the decade following Braudel s classic article, the social sciences went through radical changes brought by various turns (linguistic, cultural etc.). Leaving aside a certain melancholy that took over part of the field, historians reacted to these challenges by further diving into the archives, which led to the development of important historiographical traditions. One of the most important methodological strategies developed by historians was the reduction of scale with micro-history, which, in the French case, emerged as a direct reaction to the work of Braudel. Reducing the scale would let us see the limits of great narratives and understand how structures operated in unexpected ways. Moreover, it would be possible to understand the relations between these different temporalities, connections that Braudel had supposedly neglected. In this sense, part of these works promised to do more than reducing the scale of analysis: the goal was to develop a play of scales that eventually led historians back to macro-historical processes. The idea that understanding different times was fundamental for understanding historical structures was somewhat still there. But developing such a movement was harder to achieve than had been announced. By diving into the archives and reducing the scale of analysis, research questions became increasingly guided by the archive itself, leading to a number of platitudes that appeared as theory, as pointed out by Gary Wilder: the power of the state is never absolute, concrete phenomena are always more complex than their abstract representations, discourses and practices are not always aligned, humans are capable of acting even under the most oppressive conditions, so on and so forth. It is not a coincidence that the concept of capitalism nearly disappeared, occasionally appearing only in the introductions and conclusions of history books. The other aspect of Braudel s classic article that you raise - the need for a collective work involving different sciences - was also relatively abandoned in this context. While going to the archives strengthened history as a discipline and allowed it to survive for the last half century, with some theoretical and methodological appropriations from Anthropology, the possibility of a deeper dialogue between different disciplines became very restricted. To cite only one example of the limits established by this movement, take a look at the recent comment by Giovanni Levi that reinforces the divide between disciplines. He says that micro-history and connected histories have been connected to Anthropology while the so-called global history has been more akin to the reductionist syntheses of sociology. However, a different tradition came out of the original dialogue between the second generation of the Annales school and world systems scholars. While micro-history was becoming increasingly popular among historians in the 1970s and 80s, a group of scholars developed a critical dialogue with (and within) the Fernand Braudel Center.

231 229 When we take a careful look at the works of Sidney Mintz, Michel-Rolph Trouillot, Eric Wolf, Philip McMichael, and Dale Tomich, among others, we see that some of the same issues are also there: the dynamic relationship between the parts and the whole, between the micro and the macro, between the different temporalities of history. The responses that came out of that context imploded with disciplinary divisions, showing the richness of approaches that crossed the frontiers of History, Anthropology, Sociology, Geography, Economics, among other disciplines. What is the relevance of Braudel s original premises? At a time when scholars debate the possibility of using a new geological category - the anthropocene - to describe the impact of human actions on the environment and the possibility of human extinction itself in the near future, the collective work involving different sciences should not be seen as a desirable possibility but as an inevitable necessity. Human actions are a product of different forms of economic, political, and sociocultural organization that change over time. Understanding these transformations and, especially, the role of capitalism as a historical system (with all its asymmetries on multiple levels) in these developments is one of the most urgent tasks of contemporary science. In this sense, besides the necessity to transcend traditional disciplinary divisions, the Braudelian idea of a plurality of times is still very useful. His interpretation was certainly a product of its time, as Dipesh Charkrabarty argues. Still, by avoiding to look at nature as context, Braudel showed possible ways of incorporating the environment into the analysis. One of the problems in his original formulation was that the determinations from nature were usually cyclical, the cycles of nature affecting humanity. Our own time in turn has produced a vast unpredictability regarding the environment (something that was still not evident when he first published The Mediterranean), with devastating consequences for the present and future of humanity. The environmental crisis is obviously connected to the economic, political, and sociocultural crises that we are experiencing on a global level today. Braudel, Wallerstein, and the alternative tradition described above offer very effective tools to understand our present and possible futures. A. M.: What are the challenges of producing a history of inequalities on a global scale? T. P, L. M.: They are many. One of the main ones is to build interdisciplinary debates that can show the historical dimensions of contemporary inequalities and transcend the limits of a methodological nationalism that is still very influential in the social sciences until today. As we said earlier, most debates on inequality are conducted by economists and focus on the short and medium term. Economic historians have in turn explored the theme in the long run but usually influenced by a very strong methodological nationalism. They usually look for an essential factor that explains economic growth (such as well defined property rights, broader political participation, higher levels of education etc.) and then build a recipe to be followed by developing countries. The focus is on internal dynamics, which appears both in their historical interpretations and in the recipes to end contemporary inequalities, as if these changes depended on measures that could be exclusively taken in the national political sphere. Systemic processes - and the idea of capitalism itself - are usually neglected or naturalized. Deeper aspects of the system are rarely the object of discussion. In a sense, some of the debates of the mid-twentieth century are still with us, in renewed

232 230 versions of the old modernization theory. However, if reifying the idea of economic growth and development was already problematic in the old days of the Cold War, as Wallerstein and others pointed out at the time, today this is leading us to collapse. The environmental crisis and its brutal consequences for human life should inevitably force us to think of strategies that transcend the limits of national states. To go back to something we have already said, it is necessary to think the structures that led us to where we are. Collective work that can transcend the frontiers between different disciplines and academia itself are fundamental for this. Fortunately, this kind of work is already emerging. Our hope is that the UFF Center can contribute to their further development. AUTHOR ANGÉLICA MÜLLER Professor of history of Brazil Republic of the Fluminense Federal University (Rio de Janeiro - Brazil) and associate researcher of the CHS/Paris 1. Productivity fellow of CNPq and Young Scientist of state Faperj. She is currently the editor of Tempo review and a member of the international editorial committee of IdeAs review.

233 231 Entretien avec Alain Rouquié, Président de la Maison de l Amérique latine Jean-Baptiste Thomas et Carlos Quenan Carlos Quenan et Jean-Baptiste Thomas : Vous récusez le concept de «populisme» dans la mesure où vous estimez que sa plasticité est sa principale faiblesse, servant souvent à définir des mouvements aussi dissemblables que le «trumpisme» ou le «chavisme». En prenant comme référence pour votre analyse le péronisme, lorsque le mouvement est au pouvoir, vous optez pour le concept de «démocratie hégémonique» qui réconcilie, suivant André Sigfried, «l autorité et la démocratie». Toutefois, quelle est l explication de la généralisation de l utilisation du terme «populisme» au cours de la dernière décennie, notamment en Occident, pour designer la méfiance, voire le rejet des élites politiques? Les «régimes hégémoniques» auraient-ils tendance à ne plus se limiter aux démocraties représentatives «récentes et non consolidées» (Le Siècle de Perón. Essai sur les démocraties hégémoniques, 2016, p. 393)? Alain Rouquié : Le populisme? Je n utilise pas ce «concept flasque» et aux significations multiples. Premièrement, on l utilise trop abondamment, et alors que personne ne sait exactement ce qu il recouvre. Deuxièmement le populisme c est toujours l autre, l adversaire. Traditionnellement, c est celui que l on n aime pas. Je ne connais personne qui ait dit «je suis populiste». Ni Perón, ni Vargas. «Populaire», oui, «national-populaire», également, mais pas populiste. Le terme sert surtout à stigmatiser un adversaire. Il est vrai que Podemos et la France Insoumise, aujourd hui, se réfèrent positivement à un «populisme de gauche». Et ils semblent partager avec Ernesto Laclau cette idée, qui est très péroniste, que «le peuple n est pas un donné, mais un construit». C est ce que dit Jean-Luc Mélenchon. C est également ce qu affirment les dirigeants de Podemos, et quand bien même, jusqu à présent, ceci n a pas tellement réussi, mais c est aussi et avant tout ce que disait Juan Domingo Perón. Je le prends comme modèle heuristique même si cela ne veut pas dire qu il a inspiré les populismes dans le monde entier. Mais le projet de Perón, pour l Argentine, c est ce qu il appelle «la Communauté organisée», la «Comunidad organizada» : il faut tout organiser, depuis le sommet, car c est ainsi que cela doit marcher, selon lui. Et cela implique de «construire le peuple»,

234 232 exactement comme le dit Mélenchon. C est-à-dire imposer, depuis le centre, des formations qui répondent, hiérarchiquement, aux intérêts du peuple, tels que définis par le leader. Mais pour cela, il faut également un leader, bien entendu. Voilà la façon dont je conçois le terme de «populisme», que je n utilise pas, malgré Mélenchon et malgré Podemos. J utilise dans mes travaux le terme de «régime hégémonique». De quoi s agit-il? C est un régime, où au nom du peuple, de la majorité et du leader qui l incarne, le gouvernement tend à supprimer les contre-pouvoirs et et à cesser de respecter la séparation des pouvoirs. Or la séparation des pouvoirs, c est la définition de la démocratie. Ne pas respecter la minorité, c est le contraire de la démocratie. Voilà pourquoi j appelle cela des régimes hégémoniques. Alors, cette hégémonie peut advenir de façon lente ou soudaine, mais les régimes hégémoniques, à la différence des dictatures, acceptent les élections et les résultats des élections. Le résumé de tout cela, c est que dans un «régime hégémonique», il n y a rien audessus de la décision du peuple. Dans un régime démocratique, il y a la loi, c est-àdire la Constitution. Ce que fait Donald Trump, en ce moment, et il est en train d établir graduellement l hégémonie de l exécutif, c est d essayer de rogner les contre-pouvoirs et de faire en sorte que la séparation des pouvoirs fonctionne à son profit. Ce qu il s est passé en Hongrie est similaire. On peut comparer avec ce qu il s est passé au Venezuela. Le gouvernement issu de la majorité électorale fait en sorte que la presse passe sous l autorité du ministère de la communication et, peu à peu, il y a un régime hégémonique. En revanche, lorsqu il y a élections et qu on les perd, soit on est une véritable démocratie hégémonique, et on s en va, en essayant de déstabiliser éventuellement son successeur, à l instar de ce que fait Rafael Correa, en Equateur, ou comme a fait Perón après 1955 (il n avait pas perdu les élections, il avait été renversé par un coup d Etat). L autre possibilité, et c est ce qui est à l œuvre aujourd hui au Venezuela, c est d «organiser» des élections pour rester au pouvoir, en disant «j ai la majorité avec moi», la majorité telle qu on l imagine ou telle qu elle a été créée de façon mythologique, puisqu on l a eue un jour et qu on ne peut pas la perdre. On ne peut revenir en arrière. Si vous lisez bien Laclau, c est exactement ce qu il dit : la continuité du leadership est indispensable pour qu il n y ait pas de régression sociale. Lénine n est pas loin. Mais les démocraties hégémoniques, telles que je les définis, ne sont pas des dictatures. Le cas limite, c est le Venezuela de Nicolás Maduro, qui n est plus une démocratie hégémonique, comme c était le cas sous Hugo Chávez. Maduro, lui, a établi un Etat autoritaire. En mettant la main sur l ensemble des pouvoirs, en marginalisant l assemblée élue parce qu elle n était pas de son côté et en créant une instance extra-constitutionnelle qui permet de disposer d un semblant de législatif. A un moment, même, c était la Cour suprême qui faisait office d organe législatif, ce qui ne manque pas de piquant lorsque l on pense à la séparation des pouvoirs. Il n y a pas meilleure confusion que de légiférer à travers la Cour suprême. Et après, il y a ce qu il se passe en ce moment. C. Q. et J.-B.T. : Vous dites que les «régimes hégémoniques» prétendent parler au nom du peuple et de la majorité. Pourtant, si l on prend quelques exemples, en l occurrence le gouvernement Perón en 1955 ou le gouvernement péroniste constitutionnel en 1973, ils font face à des coups d Etat qui peuvent être menés au nom de la démocratie ou contre cet

235 233 «illibéralisme», ce qui semble assez paradoxal. C est également ce à quoi on assiste lors du coup d Etat contre Chávez, en A. R. : Bien entendu. Quand il y a une situation où le parti au pouvoir semble se perpétuer, que ce soit de manière légale ou illégale, la tentation, compte-tenu de la tradition de coups d Etat en Amérique latine, c est d aller frapper à la porte des casernes. Aujourd hui, on va frapper à la porte des juges. Regardez la Cour suprême hondurienne et son rôle dans le renversement de Manuel Zelaya, en Voyez ce qu il s est passé au Brésil avec la destitution de Dilma Rousseff, tout d abord, puis le jugement de Lula Da Silva. On n a plus besoin de faire appel aux militaires, on fait appel aux juges et aux parlementaires : c est un équivalent des coups d Etat militaires. Mais il y a un précédent, c est le Venezuela, en On assiste, alors, à un coup d Etat contre le président constitutionnel de l époque, Rómulo Gallegos. La raison de ce coup d Etat militaire appuyé par tous les partis? Tout simplement parce que l Action démocratique, le parti de Gallegos, gagnait toutes les élections et que ce mouvement politique était trop fort et prenait un peu de libertés avec les minorités et les autres partis. Cela ne veut pas dire que partout où il y a des régimes hégémoniques, l armée va être contre. Dans le cas du Venezuela actuellement, par exemple, si l armée n était pas derrière Maduro, les choses auraient changé depuis longtemps. Il y a eu donc parfois des coups d Etat militaires contre des partis ou des gouvernements jugés trop révolutionnaires ou réformistes, mais également contre des partis trop forts. Celui de 1948 au Venezuela, et celui qui s est passé de façon civile, et non militaire, au Brésil sont assez paradigmatiques de ces derniers. C est-àdire que Dilma a été destituée comme s il s agissait d un Premier ministre dans un système parlementaire, avec des raisons plus ou moins valables et un usage détourné de clauses constitutionnelles. Mais on n utilise plus les militaires. Dans le cas de Lula, ce sont les juges qui l ont «neutralisé» sinon, il gagnait les élections, parce que le Parti des travailleurs était très puissant. Certains ont dit que ces élections auraient été gagnées grâce aux programmes sociaux instaurés par le PT, que le plan Bolsa Familia aurait acheté des voix. Mais non, les pauvres allaient voter pour Lula. Et comme dans la plupart des pays on compte plus de pauvres que de riches. C. Q. et J.-B.T. : Si l on revient aux origines du péronisme, dans cette notion de «démocratie hégémonique» la mobilisation des masses ou des secteurs populaires, parfois même du mouvement ouvrier organisé, est un élément décisif. Quelle est la part de mobilisation, «par en haut», et quelle est la part d autonomie, «par en bas», qui a présidé à la structuration du mouvement ouvrier argentin qui ne naît pas avec l ascension du péronisme mais que le premier péronisme a contribué à façonner, durablement, jusqu à aujourd hui, et qui est un acteur important sur l échiquier politique? A. R. : Dans le cas du premier péroniste, il n y a aucune autonomie. Par la suite les choses changent, tous les acteurs sont autonomes puisqu il n y a plus de référent. Jusqu en 1955, la Communauté Organisée, c est Perón qui l organise. Les syndicats combatifs qui existaient avant son arrivée au pouvoir sont pris en main et Perón les fait dépendre d autorisations du ministère du Travail qu il a lui-même créé. Les leaders sont des dirigeants qu il désigne et tout se passe de façon pyramidale. C est ainsi qu il voit le peuple organisé : la communauté, le peuple, le régiment, pour Perón, tout cela était un peu la même chose. Perón est persuadé qu il va y avoir une explosion sociale à la fin de la guerre et qu il fallait tout verrouiller pour que l Argentine puisse tirer son épingle du jeu. Ce n est

236 234 pas ce qui a eu lieu, finalement, pour un ensemble de raisons qui n ont rien à avoir avec la définition du régime, mais qui sont liées aux rapports internationaux et à la position de l Argentine pendant la guerre. Après 1955, Perón a pu encourager divers courants, changeant régulièrement de délégué spécial lorsqu il était en exil, en ayant recours aux «formations spéciales», à la fin des années 1960 et au début des années 1970, notamment aux Montoneros, pour mieux les désavouer par la suite. Mais ces dernières formations étaient devenues tellement autonomes qu il n a pas pu les freiner et qu elles lui ont échappé. Tout comme le péronisme d après-perón lui a échappé, d ailleurs, et pour cause. Il n avait pas de successeur et ce n est pas sa veuve, Isabelita, qui pouvait remplir ce rôle. C est pour cela qu il y a eu, par la suite, Carlos Saúl Menem, Eduardo Duhalde, les Kirchner, donc des péronismes extrêmement différents. Des péronistes qui se référaient à l idole, à l icône, mais qui avaient pris dans la boîte à outils que représentait le justicialisme ce qui leur convenait. Il est vraisemblable que le candidat du justicialisme pour les élections présidentielles du 27 octobre, Alberto Fernández, prendra dans cette boîte à outils ce qui lui conviendra le mieux. C. Q. et J.-B.T. : Le péronisme, forme la plus aboutie ou paradigmatique de ce «populisme», n a jamais été qu un mouvement d envergure majeure, certes, mais nationale, à la différence des grandes idéologies du XX siècle qui ont pu prétendre à l universalité. Faut-il y voir, dans le cas du péronisme, l expression d une tentative, in situ, à partir de la périphérie, de renégocier plus favorablement, d un point de vue national ou nationaliste, la subalternité du pays et de son insertion sur la scène mondiale, mais sans jamais remettre en cause les grands équilibres systémiques à échelle internationale? A. R. : Dans le cas de l Argentine, le gouvernement était entré dans la Seconde Guerre mondiale in extremis, car il n avait pas accepté les conditions indispensables pour figurer parmi les Alliés. C est ce qui fait la différence avec Getulio Vargas, au Brésil, qui entre en guerre dès 1942, après les Etats-Unis. L Argentine, elle, entre en guerre en 1945, ce qui est très mal vu par les Etats-Unis, dans la mesure où le pays a flirté avec l Axe jusqu à la fin. C était au nom de la neutralité, pour pouvoir commercer, disait-on. Mais ces arguments ne tenaient pas aux Nations unies, la réunion des vainqueurs. Personne n ignore par ailleurs que le cœur de Perón battait pour Benito Mussolini. Je le sais puisqu il me l a dit, dans un entretien que j ai réalisé à son domicile madrilène, pendant son exil, en Il n avait pas d admiration pour Francisco Franco, qu il détestait, qu il prenait pour un militaire catholique et borné. Perón, lui-même, en réalité, était athée. Mais Mussolini, ancien socialiste, c était exactement le genre de leader qui pouvait lui convenir. En outre, faire se battre contre l Italie un pays peuplé d Italiens ne lui semblait pas possible. Dans l ancienne métropole anglaise ou la nouvelle métropole états-unienne, cette sympathie pour les Etats de l Axe était très mal vue et il fallait donc se préparer à des jours difficiles et faire en sorte de compter sur la cohésion du gouvernement et de la «communauté», du peuple, pour faire face aux difficultés qu il allait y avoir à affronter. Tout ceci s est assez mal passé, d où l histoire de l antinomie «Braden [ambassadeur des Etats-Unis à Buenos Aires en 1945 et anti-péroniste convaincu] / Perón», que ce dernier a très bien utilisée, mais en se faisant un ennemi de plus. Perón était déjà mal vu et cela empire en disant «c est les Etats-Unis ou moi».

237 235 C. Q. et J.-B.T. : Dans la construction du récit péroniste cette antinomie «Braden-Perón», «nation ou colonie», a joué un rôle fondamental, pourtant A. R. : Mais le récit du péronisme, c est surtout Braden qui l a fourni, par gaucherie et revanchisme. Braden vivait dans un monde dominé par les références de la Seconde Guerre mondiale, dont on sortait à peine, alors qu au Pentagone et au département d Etat on était en train de préparer la suivante, c est-à-dire la Guerre froide avec l URSS. Mais Braden continue à dire que Perón est un «nazi-fasciste» alors que la guerre était finie. Braden lui tend sur un plateau cet argumentaire nazi-fasciste auquel Perón répond «non, regardez, j organise des élections, tous les partis sont présents, j ai gagné. Où voyez-vous que je suis nazi-fasciste?». Braden quitte par la suite son poste d ambassadeur à Buenos Aires et on le nomme responsable des Amériques au département d Etat. Il continue sur cette ligne alors que le gouvernement états-unien envoie à Buenos Aires un nouveau diplomate, Georges S. Messersmith qui, lui, est dans l actualité, à savoir l anti-communisme, la Guerre froide à venir. Cela fait des étincelles avec Braden qui reste convaincu qu il faut en découdre avec les nazi-fascistes et Perón. Cela donne une marge de manœuvre à ce dernier. Une fois Braden mis de côté, avec des ambassadeurs qui comprennent Perón et mettent l accent sur l économie, tout ira beaucoup mieux dès Au moment où économiquement, néanmoins, la conjoncture est moins favorable en Argentine. C. Q. et J.-B.T. : Quels que soient les facteurs ayant présidé à ce «premier récit du péronisme», il y a eu, selon vous, de la part du kirchnérisme, une «véritable réécriture de l histoire» (p.253), qui s applique tant aux références politiques dont ont pu se réclamer Néstor et Cristina Kirchner (Evita, et surtout Cámpora, davantage que Perón lui-même ou les autres présidents justicialistes qu a connus le pays), qu à sa «politique de mémoire», sur les droits de l Homme et les années 1970, notamment, et qui s est articulée à rebours des autres récits ayant caractérisé le discours officiel depuis la fin de la dictature. A. R. : J entends encore le discours de mon ami José Nun, ministre de la Culture sous Kirchner entre 2004 et 2009, disant «on n a rien fait pour punir les dictateurs». Cela revient à dire : «Alfonsín, connais pas» ; «Les procès et la condamnation à des peines de prison quinze généraux, connais pas». Kirchner, disait que la démocratie avait été rétablie une première fois en 1973, ce qui est vrai, puis à nouveau seulement à son arrivée au pouvoir, en 2003, mais qu entre les deux, c était la continuation de la dictature. Cela veut dire réécrire l histoire. En 1983 Raúl Alfonsín se fait élire alors que l armée est au pouvoir et a tous les pouvoirs, que tout est gangréné par des militaires qui sont, comme on le sait, des massacreurs et des tortionnaires. Rien de ceci, pour Kirchner, n a existé. Alfonsín a pourtant eu le courage de traduire les militaires devant la justice. Il a dû faire face à neuf tentatives de coups d Etat et à treize grèves générales qui allaient dans le même sens que les coups d Etat, mais tout ceci n a jamais eu lieu, selon Kirchner. C est ce que j appelle réécrire l histoire. Alors, certes, il s est rendu aux obsèques d Alfonsín, où il a fait un beau discours. Cependant, il n a jamais reconnu avoir réécrit l histoire. C. Q. et J.-B.T. : Comment le péronisme contemporain s inscrit dans cet héritage? A. R. : Il y a deux problèmes. Perón est mort et tout le monde est péroniste. Même Mauricio Macri fait alliance avec des péronistes, comme Miguel Ángel Pichetto, qui est son candidat à la vice-présidence. La bipolarisation argentine, ce n est plus «Perón ou pas Perón». En revanche, il y a une bipolarisation autour du kirchnérisme, et surtout autour de Cristina Kirchner. Il y a une reconstitution des polarisations qui remonte au péronisme. Mais si Perón avait perdu les élections, que

238 236 ce serait-il passé? Il serait resté au pouvoir, comme Maduro, j en suis sûr. En revanche, Cristina Kirchner a perdu les élections en 2015, et elle est partie. C est une démocrate. Elle a essayé, graduellement, de mettre la main sur les journaux, sur les juges, à travers un ensemble de réformes qui n ont pas fonctionné. Elle a accepté qu elles soient rejetées par la Cour suprême. Il y a divers types de démocraties hégémoniques. Chávez est un extrême, et de l autre il y a Cristina Kirchner ou, dans une certaine mesure, Lula. Lula n a jamais essayé de créer une démocratie hégémonique. Lorsqu on lui a demandé s il ne se présentait pas une troisième fois, il a répondu que cela reviendrait à instaurer une dictature. Il se référait peut-être à Chávez et aux réélections infinies des présidents bolivariens. C. Q. et J.-B.T. : Il existe, notez-vous, une «prospérité nécessaire» (p.372) à la consolidation de gouvernements à l instar de ceux de Perón ou, plus proche de nous, de Chávez ou Correa. La situation économique argentine, marquée aujourd hui par des éléments récessifs et de crise, empêcherait, a priori, la consolidation d une expérience péroniste, ou qui n aurait de péroniste que le nom ou quelques références, et ce bien qu Alberto Fernández soit identifié, de l avis général, comme le candidat du péronisme? A. R. : Il faut toujours distinguer les périodes. Ce que j appelle les démocraties hégémoniques naissent dans des contextes de crise économique et sociale. Que ce soit au sortir de la «décennie infâme», à savoir les années 1930 en Argentine, ou que ce soit après le Caracazo de 1989, au Venezuela. A ce moment-là, il y a un problème social grave, avec, dans le cas du Venezuela, la concentration des revenus pétroliers dans des secteurs très peu nombreux et privilégiés. Au Venezuela, à cette époque, lorsque l on était employé ou cadre, on gagnait très bien sa vie. Mais en dessous, il y avait des millions de miséreux qui ne voyaient même pas les miettes de la prospérité. Pour l Argentine de 1940 c était assez similaire. Mais si le cours du pétrole n était pas monté en 1999, passant de 8 à 20 dollars le baril, ou s il n y avait pas eu, dans l Aprèsguerre, une forte demande de produits argentins, ni Chávez, ni Perón ne seraient restés au pouvoir très longtemps. Au départ, c est plutôt la crise économique qui amène au pouvoir ces régimes qui se veulent sociaux et redistributeurs. Mais s ils ne peuvent plus redistribuer, alors ils deviennent très autoritaires. Perón, par exemple, lors de sa deuxième présidence, est à la fois très libéral économiquement à l égard des Etats-Unis, et autoritaire, en réprimant l opposition par exemple. Dans le cas de Cristina Kirchner, lors de sa seconde présidence entre 2011 et 2015, qui n est pas une réussite, elle devient, bien que légaliste, autoritaire. Au Venezuela, si outre la gestion catastrophique des revenus pétroliers par Chávez et Maduro, la prospérité s était poursuivi, il n y aurait pas eu le passage d une démocratie hégémonique à un régime autoritaire. Les comparaisons ne sont jamais que la superposition de situations diverses dans le temps et dans l espace, mais avec des éléments communs. L exemple de Menem, dont on ne parle jamais, un peu comme la statue du Commandeur, est intéressant. Lorsque l on évoque le péronisme, en général, on parle de Perón, d Evita, mais jamais de Menem. Et pourtant, pour l Europe, pour les financiers, ce fut un «miracle économique». Quand il arrive au pouvoir, en 1989, la situation est catastrophique et les choses, par la suite, s améliorent. Il y a eu la convertibilité, qui s est avérée très problématique, par la suite, mais qui sur le moment a sous-tendu une croissance forte, avec une politique économique ultralibérale qui a attiré les capitaux. A l époque, au FMI, on donnait Menem en exemple, comme cela avait été fait dans le cas de la présidence de Carlos Salinas de Gortari, au Mexique, entre 1988 et 1994 pour les mêmes raisons. Le libéralisme sans-frontières

239 237 plaît toujours aux capitaux et aux entreprises, même si, après eux, c est le déluge et même si cela conduit à des situations dramatiques et à la destruction de l économie. Mais il y a eu un moment de miracle économique argentin et mexicain. La dérégulation, la réforme de l Etat, comme on dit par euphémisme, à savoir la privatisation de toutes les entreprises nationalisées, y compris la poste, les chemins de fer, tout cela est très bien vu par les milieux financiers internationaux. Et ça marche, du moins un certain temps. Mais Menem est arrivé par la crise et il est resté jusqu à la fin, parce que ça a marché. Il est parti à temps. Celui qui est arrivé après a reçu en héritage une situation particulièrement difficile et même dramatique. C. Q. et J.-B.T. : C est bien de cet héritage que nous voulions parler, pour conclure cet entretien. La crise actuelle, en Argentine, permettra-t-elle au très probable futur président argentin, Alberto Fernández, de rebondir, ou son gouvernement se profile déjà comme une «Alianza bis», ce gouvernement qui succède à Menem en 1999 et qui a naufragé sur les écueils de la crise, fin 2001? Existe-t-il un schéma intermédiaire entre ce qui avait été fait par Menem, dans une phase particulière, à savoir le péronisme qui se convertit au néolibéralisme, et la perspective plus traditionnelle des démocraties hégémoniques qu a incarnée le kirchnérisme? A. R. : Je ne connais pas Alberto Fernández, mais je crois qu il cherche à constituer un gouvernement d union nationale. Il a d ailleurs dit qu il n allait pas remettre en question les accords très impopulaires avec le FMI. Il ne peut pas gouverner seul, ni revenir à la politique économique argentine d avant 2015, car il n en a pas les moyens. Ce qu Alberto Fernández a dit, jusqu à maintenant, ne laisse pas penser qu il souhaite gouverner comme Menem ni comme Cristina Kirchner. Il a dit qu il admirait l Uruguay du Frente Amplio, à savoir un gouvernement social-démocrate. Il ne va pas être le «redistributeur» à tout va, péroniste traditionnel, mais il ne va pas choisir la voie néo-libérale, parce que ce n est pas possible, ce n est pas là où on l attend et parce qu il a fait une campagne électorale sans ambiguïté. Il n a pas fait la campagne électorale du type de celle de Menem en 1989, qui disait «suivez-moi», et rien d autre. Personne ne savait ce qu il allait faire. Et, au bout du compte, il a procédé à une «opération chirurgicale sans anesthésie», comme il le dira une fois élu. Je n ai pas l impression qu Alberto Fernández puisse ou veuille en faire autant. Il n était pas d accord avec Cristina Kirchner, et ce n est pas pour revenir en arrière alors que la prospérité n est pas là. Quand on a 51 % d inflation et pas de croissance, on essaie avant tout de remettre la maison en ordre. Dans ce cadre, et compte tenu de ces contraintes Fernández, s il est élu, devra très certainement inventer un autre type de péronisme. 1 Directeur de recherche émérite au Centre d études et de recherches internationales (CERI)-Sciences-Po, ancien directeur des Amériques au ministère des Affaires étrangères (France), Alain Rouquié a plusieurs fois été ambassadeur de France, dont au Brésil de 2000 à Il a notamment publié L Etat militaire en Amérique latine (1982), Amérique latine: introduction à l Extrême-Occident (1987), Guerres et paix en Amérique centrale (1992), Le Brésil au XXIe siècle (2006), A l ombre des dictatures: La démocratie en Amérique latine (2010), Le Mexique: Un Etat nord-américain (2013), Le Siècle de Perón. Essai sur les démocraties hégémoniques (2016).

240 238 AUTEURS JEAN-BAPTISTE THOMAS Jean-Baptiste Thomas est Professeur assistant (MCF) en études hispano-américaines à l Ecole polytechnique (Département Langues et Cultures), chercheur au CRLA-Archivos (UMR 8132), membre du Conseil Scientifique de l Institut des Amériques. Il travaille sur l histoire du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux en Amérique latine, plus particulièrement dans le Cône Sud. A paraître (décembre 2019), avec Thomas Posado, Révolutions à Cuba, de 1868 à nos jours. Emancipation, transformation, restauration (Paris, Syllepse). CARLOS QUENAN Carlos Quenan est professeur d économie à l Institut des hautes études en Amérique latine (IHEAL) à l université de la Sorbonne Nouvelle, et vice-président de l Institut des Amériques. Il a publié de nombreux articles et ouvrages sur le développement économique et sur la macroéconomie et les relations économiques internationales de l Amérique latine.

241 239 Éclairages : Walt Whitman, chemins parcourus Dossier coordonné par Anne Reynès Delobel

242 240 Walt Whitman, chemins parcourus Cécile Roudeau 1 To conclude, I announce what comes after me. 2 Ainsi s inaugure l ultime chant des Feuilles d herbe, salut du poète à son lecteur et compagnon de route, adieu et envoi mêlés dans l interjection finale, «so long», cri et prière du prophète marcheur, dont le regard arrimé aux lointains s attarde aussi, en même temps, sur les chemins parcourus, à l instant de quitter le monde, c est-à-dire de nous en léguer le texte. Ce texte, qui nous parvient à travers l étendue des ans, nous tient autant que nous y tenons, autant que nous le tenons, corps fugace, labile, et impérieux, entre nos mains. 3 Walt Whitman, né en 1819, à Long Island, la même année que l homme au cachalot, Herman Melville, que John Ruskin et George Eliot en Angleterre, et un an après Frederick Douglass, cette autre voix de l Amérique, aurait donc eu deux cents ans cette année, et alors que les États-Unis d Amérique célèbrent le poète qui les a tant chantés, qui, de son chant, en a fait «le plus grand poème», Whitman l homme et le texte, ou peut-être faudrait-il dire, l homme-texte tant les deux désirent ne faire qu un continue de nous interpeller, au gré de ses multiples contradictions. Prenant Whitman au mot, qui se dépeint, à la lueur chancelante de la première vieillesse, lui et son livre, jetant un dernier regard en arrière, sur les chemins parcourus («So here I sit gossiping in the early candle-light of old age I and my book casting backward glances over our travel'd road»), ce dossier revient sur les lectures de Whitman, depuis un présent que le poète lui-même avait anticipé, dont il avait même désiré qu il se souvînt d un texte happé par son propre devenir. S adressant aux poètes à venir («poets to come») qui seront les relais de sa voix, rugissante ou intime, le poème/poète sait qu il faudra au moins un siècle («nothing less than a hundred years from now») pour juger de la «valeur» de ce volume qu il appelle une «sortie» en français dans le texte. Si l œuvre, toujours inachevée, est ancrée dans le siècle «ces trente années de 1850 à 1880»» qu elle embrasse et livre «à vous, lecteurs», elle se veut aussi un souffle vivant, fièrement propulsé vers l avenir. Ce «maintenant», emersonien, whitmanien, américain sans doute, ou du moins construit comme tel, est celui du «yawp» poétique et barbare ; instant de l éjaculation poétique, il est aussi celui de la rencontre, de

243 241 l entrecroisement des temporalités, celle du texte et celle du camarade-lecteur, une rencontre, un toucher, que ce dossier réitère par-delà les frontières et les siècles. 4 Car si Whitman défie la circonscription de l instant, son écriture se projette aussi hors des contours géopolitiques des nations qu il voit se constituer dans le bruit et la fureur des guerres et des révolutions : la ferveur démocratique de 1848, le sombre vacarme de la guerre de Sécession qui résonne, lugubre et beau, de part et d autre du livre, comme il traverse les autres écrits en prose du poète : Democratic Vistas (1871), Memoranda During the War ( ) ou Specimen Days (1882). Ces chants excèdent leur moment, et le terreau d où ils surgissent. Delphine Rumeau revient sur un Whitman hémisphérique, Whitman américain, c est-à-dire mexicain, brésilien, chilien, enrôlé, dès les années 1920, dans les combats du prolétariat mondial, un Whitman démocratique car socialiste, mobilisé, avec et contre la lettre de ses poèmes, contre l impérialisme états-unien. Voix des prolétaires, ce Whitman-là, est aussi soviétique, britannique, montre-t-elle, mais si son chant révolutionnaire trouve un écho, à la même époque, dans le Harlem de la Renaissance afro-américaine, il faillira à emporter dans son élan les voix amérindiennes. De fait, il demeure des ombres dans le Whitman solaire et démocratique, qu il serait vain, voire délétère, de vouloir masquer. Kenneth Price affronte la question épineuse de ce «Whitman noir», dont les écrits en prose révèlent les ambiguïtés, la tiédeur politique quand il s agit, par exemple, de prendre parti pour le vote afro-américain. Serait-il temps de détrôner le barde, voire de ne plus lire, ne plus enseigner, des textes trop vite canonisés peut-être par l institution littéraire? Comment lire Whitman à l heure de Black Lives Matter, deux siècles après sa naissance, dans une autre Amérique? 5 Comment lire Whitman est aussi ce que nous invite à penser Thomas C. Austenfeld qui remet sur le métier la question de l épique et du lyrique. Faut-il se laisser emporter par l ampleur continentale du verbe whitmanien, l incommensurable poussée de ses vers dont le rêve fou est d embrasser l Amérique, ou s agit-il d écouter, sous le tumulte et le rugissement patriotique, la voix intime, le lamento déchirant d un moi en lambeaux, quand le flux turgescent laisse place au ressac et que le «je» lui-même se retire et se perd? Ce lyrisme qu on a parfois eu tendance à oublier émerge plus que jamais si l on accepte de se laisser porter par la pulsation du poème dégagé des contraintes d une forme fixe, sinon d un genre par le rythme d un poème-danse alliant mouvement et beauté. Allant à l encontre des chorégraphies rigides des ballets classiques, Whitman, souligne Adeline Chevrier-Bosseau, laisse danser les corps masculins hors des conventions genrées de son temps pour célébrer une sensualité que la danseuse et chorégraphe Isadora Duncan, «fille spirituelle de Walt Whitman» c est elle qui le dit saura offrir à la scène américaine. Le corps des danseurs, vigoureux, électrique, exulte de santé et incarne l action. Mais est-il aussi opposé à toute forme de régulation que la critique a voulu le dire et le croire? Whitman, auteur sous pseudonyme d un pamphlet intitulé Manly Health and Training (1858), Whitman journaliste au Brooklyn Eagle, impliqué dans les réformes urbaines des années 1840 et défenseur d une administration municipale démocratique, a sans doute plus à nous dire qu il n y paraît sur la pratique politique et esthétique d un en-commun toujours à venir, d une organisation moins anarchique que démocratiquement instituée. Jeter un regard en arrière sur l œuvre de Walt Whitman, comme il nous invite à le faire, deux cents ans après sa naissance, c est ainsi retrouver, sous l image que l on croyait connaître, les contradictions d un poète rétif à l embrigadement dans une quelconque catégorie, c est renouer avec l énergie des

244 242 commencements et la beauté trouble, inconclusive, d une expérimentation toujours continuée. AUTEUR CÉCILE ROUDEAU Cécile Roudeau est professeur de littérature des États-Unis à l Université de Paris, où sa recherche porte sur le long dix-neuvième américain, l articulation de l esthétique et de la politique, de la littérature et de l histoire. Auteur de La Nouvelle-Angleterre : Politique d une écriture (PUPS, 2012), C. Roudeau a publié de nombreux articles dans des journaux français, européens et américains (ESQ, William James Studies, RFEA, EJAS ). Récemment, elle a contribué à l ouvrage Whitman & Dickinson: a Colloquy (U. of Iowa P., 2018), dirigé par Eric Athenot et Cristanne Miller, et travaille actuellement à deux monographies : Fictions d un en-commun : lectures de la littérature américaine au XIXesiècle et Beyond Stateless Literature : Practices of Democratic Power in Nineteenth-Century US Literature.Cécile Roudeau est directrice du LARCA- UMR 8225, responsable d A19, le séminaire sur la littérature américaine du XIXe siècle à l Université de Paris, et co-rédactrice en chef de Transatlantica, revue en ligne de l Association française d études américaines.

245 243 Whitman continental Delphine Rumeau 1 L œuvre de Walt Whitman constitue un jalon essentiel non seulement pour la littérature américaine, mais encore pour la littérature mondiale. La première édition de Feuilles d herbe date de 1855, puis l œuvre a été considérablement réécrite et remaniée au fil d éditions successives, jusqu à la dernière, en Or s il a fallu encore un certain temps avant que Whitman ne trouve sa place dans le canon états-unien (pour le dire vite, avec le livre de F. O. Matthiessen, American Renaissance, en 1941), il s est imposé en revanche dans les débats poétiques européens et latino-américains dès la Belle-Époque, suscitant une remarquable réception créatrice. Le détour par l étranger semble avoir été nécessaire pour que Whitman soit reconnu comme poète national (c est aussi ce que suggère Ezra Pound lorsqu il explique dans Patria Mia, en 1913, avoir pu entendre Whitman seulement depuis l Europe). Les interprétations les plus polémiques y ont été proposées (le Whitman homosexuel est d abord anglais et allemand ; le Whitman socialiste britannique est relayé par le Whitman communiste soviétique), avant de faire retour, mutatis mutandis, aux États-Unis. Whitman a lui-même largement programmé cette intense réception, s adressant dans les poèmes liminaires aux «poets to come», poètes de l avenir qui le «justifieront» ; il s est en outre adressé aux «foreign lands», et son poème «Salut au monde» (le titre original est bien en français) a rencontré un écho considérable, constituant souvent l une des premières pièces traduites 2 Pour autant, on est en droit de se demander pourquoi l appel lancé par Whitman à ces lecteurs mondiaux et à ces poètes de l avenir a si bien été entendu et a trouvé tant de «répondants». L hypothèse que je formule dans mon livre Fortunes de Walt Whitman (Rumeau D., 2019) est que le poète américain a essentiellement incarné l idée de modernité, notion fondamentale pour l Europe de la fin du XIX e siècle, dans tous ses aspects (social, politique et bien sûr poétique). Pour l Amérique latine, sur laquelle je concentrerai ici mon propos, ce qui a surtout sollicité l attention, c est le modèle continental, l exemple d une poésie authentiquement «américaine» inventant ses représentations et s affranchissant des formes européennes. Cela étant, la réception de Whitman en Amérique latine passe souvent par des médiations européennes, surtout lorsqu elle est un peu plus tardive (c est le cas du Brésil, dans les années 1920). Le

246 244 rapide parcours continental que nous proposerons ici impliquera ainsi quelques détours transatlantiques. Prolonger Whitman 3 C est au Cubain José Martí que l on doit le premier texte important en espagnol sur Whitman : il s agit du compte rendu d une lecture par le poète lui-même à New York, en Martí écrit pour la presse un éloge appuyé de l homme et de son œuvre, dont il salue la nouveauté. Il fournit ainsi la matrice d une tradition de portraits de Whitman en poète chenu, comme dans un sonnet de Rubén Darío en 1890 qui insiste sur l autorité du barde américain ou un autre, plus tardif, de Jorge Luis Borges, en 1966, qui prend une inflexion beaucoup plus mélancolique. Le modernismo sud-américain s empare ensuite de la poésie de Whitman, quand bien même celle-ci peut sembler en contradiction avec certaines caractéristiques de ce mouvement, d abord tourné vers le Parnasse français et vers la recherche formelle. C est que la revendication whitmanienne marque précisément un tournant dans l évolution du modernismo, de plus en plus à la recherche d une voix «autochtone» : cela est très visible dans l œuvre de Darío, qui pratique davantage le poème long, volontiers énumératif, et la polymétrie. À terme, tout un pan du modernismo devient nuevomundismo (nouveaumondisme) : chez des poètes comme Leopoldo Lugones (Las montañas de oro, 1897) ou José Santos Chocano (Alma américa, 1906), la référence à Whitman est forte et le modèle continental s affirme. Chocano déclare ainsi vouloir être «le poète de l Amérique» dans le prologue de Alma América et sous-titre certains de ses poèmes «à la manière yankee». Il faut aussi mentionner l œuvre de l Uruguayen Armando Vasseur (Cantos augurales, 1904, Cantos del Nuevo Mundo, 1907), premier traducteur conséquent de Whitman en espagnol : son anthologie Poemas, publiée en 1912, fera date et sera longtemps la seule version de Whitman pour les hispanophones. Vasseur, d origine française, publie la traduction en Espagne et s appuie sur les traductions italiennes et françaises : le filtre transatlantique est ici puissant. 4 Cela étant, les lectures hispano-américaines diffèrent des lectures européennes en ce qu elles mettent davantage l accent sur la dimension continentale. Cela a deux implications majeures. D une part, Whitman apprend aux poètes latino-américains à se dégager des modèles européens et à appréhender par eux-mêmes l espace et la nature qui les constituent. Cet aspect est encore très visible chez Pablo Neruda, qui est en un sens l héritier prodige des poètes nuevomundistas. Dans l ode qu il lui consacre en 1956, il s adresse à Whitman pour le remercier de lui avoir appris «à être américain», à regarder le paysage. D autre part, la dimension épique de l œuvre whitmanienne est davantage soulignée qu en Europe : elle inspirait déjà les longs poèmes de Lugones et de Chocano, elle est encore plus visible dans Canto General de Neruda (1950), qui se présente explicitement comme une épopée du continent. Notons que les poètes antillais saluent aussi l invention épique américaine de Whitman : Derek Walcott lui rend hommage dans The Muse of History (aux côtés de Neruda, lui aussi «poète adamique»), tout comme Édouard Glissant dans La Poétique de la Relation. 5 Whitman est aussi présent dans les francophonies américaines, en particulier dans le Canada français des années 1930, où il joue un rôle dans la réorientation de la poésie vers des formes continentales, dans un mouvement qui peut rappeler le tournant nouveau-mondiste du modernismo. C est à un Franco-Américain (c est-à-dire un États-

247 245 Unien né de parents canadiens-français émigrés), Rosaire Dion-Lévesque, que l on doit une traduction de Whitman en «français d Amérique». Dion-Lévesque, juriste et poète à ses heures, a découvert Whitman lors d un voyage en Belgique : il en est bouleversé et entreprend une traduction (partielle). Or dans le contexte alors très clérical et très conservateur du Canada français (où il entend faire publier son travail), il s avère impossible de trouver un éditeur qui accepte le volume, jugé trop scandaleux. Dion- Lévesque s associera avec un éditeur pour fonder une maison ad hoc, Les Elzévirs, qui accueille en 1933 les Meilleurs pages traduites de l anglais de Walt Whitman. Si la traduction est, en fait, passé relativement inaperçue, Whitman a en revanche marqué plusieurs poètes de la période (notamment ceux des cantons de l Est, comme Alfred DesRochers) et Les Elzévirs, devenues les Éditions du Totem, publieront par la suite des textes qui remettent en question les fondements de l identité canadienne-française. Compléter Whitman 6 La revendication whitmanienne fait toutefois rapidement entendre des accents moins concordants. C est qu il ne s agit pas d être l imitateur de Whitman, son strict équivalent pour l Amérique latine, dans la mesure où la différence culturelle et politique est de plus en plus ressentie avec les États-Unis. Il faut alors compléter, sinon corriger, l œuvre de Whitman. 7 Pour l Amérique hispanophone, deux éléments de différentiation (qui peuvent sembler contradictoires) sont particulièrement saillants : l hispanité et l indianité. On pourra s étonner de la revendication «d hispanité» par certains héritiers de Whitman, puisque ce qui a séduit chez le poète états-unien a d abord été l affranchissement des modèles européens. C est qu il faut se resituer dans le contexte de la guerre de 1898, qui a conduit à la perte de Cuba pour l Espagne et à l affirmation d une volonté impériale états-unienne : les anciennes colonies constituent à leur tour une menace impériale. Ce sentiment apert très nettement dans le poème de Rubén Darío adressé à Theodore Roosevelt en 1905 : Darío, tout en suggérant que seule la voix de la Bible, ou celle de Whitman, pourrait atteindre le président états-unien, oppose clairement l Amérique du Nord, tournée vers l avenir, la richesse, à «son» Amérique, celle du passé et surtout de l amour. Est ici introduit l autre élément majeur de différenciation : le rapport au passé indigène. Dans le prologue des Proses profanes et autres poèmes, Darío est plus explicite, déclarant que toute la poésie de son Amérique réside dans les vieilles choses, Palenke et Utatlán, dans l Indien légendaire, l Inca sensuel ou le grand Moctezuma, et s adressant à Whitman pour lui dire : «Le reste est à toi!». De manière très similaire, Chocano aurait déclaré (mais la citation, quoique partout rapportée, n est pas attestée) : «Walt Whitman a le Nord et moi j ai le Sud». Surtout, il donne comme sous-titre à son long poème Alma América «Poemas indo-españoles», où l on voit bien réunies les deux composantes historiques de l épopée du Sud. Le rapport à l histoire, au passé à la fois colonial et américain, est en effet une différence culturelle importante entre les deux Amériques (Octavio Paz reprendra cette idée dans L Arc et la Lyre), et si le Chant général de Neruda témoigne de la force du modèle whitmanien, on voit aussi combien celui-ci est lesté d un poids historique tout autre. 8 L idée de compléter l œuvre de Whitman plutôt que de la prolonger est plus forte encore au Brésil, où il s agit même parfois de la «corriger». Whitman y a été lu un peu plus tardivement, et sa première réception est très marquée par les filtres français, qui

248 246 ont par exemple rendu topique l association avec Verhaeren. En d autres termes, le Whitman brésilien incarne moins les grands espaces que le Whitman hispanoaméricain, et il est plus lié à la modernité urbaine. Il est ainsi cité dans la préface de Paulicéia Desvairada de Mário de Andrade, le grand recueil du modernismo brésilien, qui, en 1922, introduit le vers libre, associé à l argot paulista. En 1925, le recueil de Ronald de Carvalho Toda a America, sans citer explicitement Whitman, est très marqué par son empreinte stylistique. Or le titre du recueil, qui est aussi celui du poème final, ne doit pas induire en erreur : le panaméricanisme n est pas recherche d une totalité unifiée, mais inclusion d une très grande diversité, et l accent est notoirement mis sur tous ceux qui ne figurent pas, ou si peu, chez Whitman. Dans le poème de Jorge de Lima «A minha America» (1927), la volonté de compléter Whitman, à qui est présenté «l arcen-ciel des races», devient plus polémique et se double de la dénonciation des lynchages et des violences raciales aux États-Unis. L exemple brésilien montre en accéléré l évolution de la réception de Whitman en Amérique latine, marquée par une appropriation politique de plus en plus vigoureuse. 9 Avant de développer ce dernier point, je voudrais toutefois suggérer que le même rapport de complémentation voire de rectification s est produit aux États-Unis mêmes, avec un léger décalage par rapport à l Amérique latine. Ce sont d abord les poètes afro-américains qui se sont appropriés Whitman à partir des années 1920, suivis par les poètes latinos, alors que les Amérindiens ont entretenu un rapport beaucoup plus critique au poète. Cela s explique en partie par l œuvre de Whitman elle-même : pour le dire vite, Whitman, sans être un grand abolitionniste, inclut les Noirs dans sa poésie, alors qu il ne retient des Amérindiens que des noms de lieu, traces d une présence vouée à l effacement. Cela s explique aussi partiellement par des décalages temporels : la réception amérindienne est plus tardive, commençant à une époque (les années 1980), où le discours sur le multiculturalisme a changé, tout comme le rapport au canon national. Quoi qu il en soit, Whitman a été longtemps revendiqué par des poètes afro-américains (cela est beaucoup plus complexe aujourd hui), à commencer par Langston Hughes. Son poème «I, Too, Sing America» (1925), qui demeure l un des plus célèbres de l auteur, constitue la part la plus visible de la relation au long cours de Hughes à Whitman. Le titre de ce poème a, au demeurant, beaucoup été repris par d autres poètes des Amériques noires, mais aussi par des poètes comme Rafael Alberti (traducteur de Hughes en espagnol) ou Pablo Neruda, traçant des communautés poétiques transatlantiques. Les poètes latinos (Hispanic American) ont eux aussi un rapport généralement très positif à Whitman, et l on peut penser que la vigueur et l enthousiasme des réceptions latino-américaines ont agi en retour. En revanche, la relation est beaucoup sceptique, voire critique, chez des poètes amérindiens ou d origine amérindienne comme Simon Ortiz ou Bruce Cutler (qui évoquent tous deux Whitman dans des poèmes sur le massacre de Sand Creek). Enrôler Whitman 10 Je voudrais dans un dernier temps insister sur le caractère de plus en plus politique de la réception «hémisphérique» de Whitman. La relation de Neruda à Whitman est à cet égard emblématique : si Whitman a d abord été pour lui le pionnier d une poésie continentale, il devient après la Seconde Guerre mondiale (et l adhésion de Neruda au Parti communiste) le grand «compañero», qu il enrôle dans les combats du prolétariat

249 247 et surtout contre l impérialisme états-unien : en 1948, dans «Que despierte el leñador» («Que s éveille le bûcheron»), Whitman est interpellé pour chanter avec Neruda la reconstruction de Stalingrad. Cette évolution est même thématisée dans «l Ode à Walt Whitman», dans laquelle Neruda s adresse d abord à son guide américain avant de convoquer le peuple pour restaurer la fraternité. 11 Or pour comprendre cette appropriation très radicale, deux détours transatlantiques sont encore nécessaires. D une part, une tradition whitmanienne socialiste, puis communiste, s est constituée en Europe dans la première partie du XX e siècle. Whitman a connu un très grand succès auprès des socialistes britanniques, qui l ont érigé en prophète politique. Cette lecture s est fortement amplifiée lorsque Whitman a été récupéré à des fins de propagande communiste au moment de la Révolution russe : des tirés à part ont été distribués aux soldats de l Armée rouge, des tirages importants de la traduction de Tchoukovski, avec une postface du Commissaire du peuple Lounatcharski ont été réalisés ( exemplaires en 1919). Le succès de Whitman ne s est jamais démenti pendant la période soviétique, même si le début des années 1920 marque le sommet de sa popularité. L autre élément important pour comprendre ce virage politique est la traduction de «Song of Myself» par le poète León Felipe, Espagnol en exil au Mexique. Celui-ci publie en 1941 une traduction intitulée «Canto a mí mismo», qu il faut lire dans le contexte de la défaite des Républicains en Espagne et dans celui de la Deuxième Guerre mondiale, qui, à cette date, tourne plutôt à l avantage du camp fasciste. La traduction, que Felipe préfère nommer «paraphrase», est précédée d un prologue qui insiste sur la nécessité d agir et fait de Whitman le porte-drapeau de la révolte et de l appel à l intervention des puissances démocratiques. On notera aussi que Felipe a développé une conception de la traduction originale, qui autorise l écart, l intervention, et revendique le brouillage des frontières auctoriales on pourrait y voir une forme de «collectivisation» textuelle. Si Jorge Luis Borges, lui-même grand lecteur de Whitman, s est insurgé contre la traduction de Felipe (il dira même avoir commis en réaction sa propre traduction de Whitman, plus tard, en 1969), celle-ci demeure jusqu à aujourd hui très diffusée et très connue en Amérique latine. 12 C est donc sur ce double fond que l on situera les lectures politiques, le plus souvent communistes, qui sont faites de Whitman après la Seconde Guerre mondiale. L exemple de Neruda est le plus illustre. Il est également l un des plus radicaux : dans son dernier recueil, en 1973, Incitation au nixonicide et éloge de la révolution chilienne, Neruda demande ainsi à Whitman de tirer avec lui des balles poétiques sur Nixon. Il faudrait toutefois mentionner d autres textes, parmi lesquels le Contracanto a Walt Whitman de Pedro Mir. Comme Felipe, et comme Neruda en 1948, c est en exil que le Dominicain Pedro Mir s adresse à Whitman dans un long poème politique, publié au Guatemala en Mir propose essentiellement de substituer au «je» de Whitman un «nous» qui sera plus à même d actualiser le programme démocratique du barde états-unien. Ce contrechant est non seulement dialogique, mais choral. En effet, Mir répond aussi, quoique plus implicitement, par des jeux d intertextualité et par le rappel de motifs, à Neruda et à García Lorca, lui-même auteur d une «Ode à Walt Whitman», écrite à New York à la fin des années 1920 et publiée de manière posthume en 1940 (l ode de Lorca touchait plus à l homosexualité de Whitman, mais la question politique y affleurait également, puisque les idéaux whitmaniens y apparaissaient bafoués, sans espoir de restauration : à ce pessimisme répondent les exhortations à l action collective de Neruda et de Mir).

250 Pour conclure, on notera que, là aussi, les lectures latino-américaines, très politisées, ont agi en retour sur l image de Whitman et l usage qui en est fait aux États-Unis mêmes. Si un Whitman prolétarien avait déjà surgi dans les années 1930, dans le contexte de la Grande Dépression, il a ensuite été surtout considéré comme poète fondateur du canon national. Dans les années 1970, resurgit un Whitman très militant, chez des poètes souvent lecteurs de poésie latino-américaine. C est ainsi que Ginsberg (sans être communiste) a traduit en anglais une partie du poème de Neruda «Que despierte el leñador», qui, on s en souvient, faisait de Whitman un stalinien. À l instar de Neruda, il associe souvent Maïakovski et Whitman dans ses poèmes. Plus récemment, en 2015, Martín Espada, grand lecteur de Neruda, a publié un recueil très politique, Vivas To Those Who Have Failed, dont le titre est un vers de Whitman. À l heure de la commémoration de l anniversaire de Whitman, les lectures politiques dominent aux États-Unis (la question dépasse bien sûr le cadre de cette réception hémisphérique et s inscrit dans une tendance plus générale de la critique). Si elles sont largement encomiastiques, cherchant toujours en Whitman un idéal démocratique que l expérience historique n a pas confirmé mais qui demeure fécond, elles ont aussi fait entendre des voix plus discordantes (en particulier du côté des poètes afro-américains). Whitman demeure ainsi un poète plus polémique que l image de «poète national» ne le laisse penser, et il n est pas inutile de rappeler que les interprétations et les appropriations les plus audacieuses ou les plus controversées, ont vu le jour à l étranger et ont circulé dans des trajectoires transatlantiques et hémisphériques avant d être entendues aux États-Unis. AUTEUR DELPHINE RUMEAU Delphine Rumeau est Maître de conférences en littératures comparées, habilitée à diriger des recherches, à l Université Toulouse - Jean Jaurès (LLA CREATIS) delphine.rumeau@univ-tlse2.fr

251 249 Walt Whitman in His Time And Ours Kenneth M. Price 1 What should we make of Walt Whitman and his legacy on the 200 th anniversary of his birth? There have been innumerable exhibits, conferences, readings, and celebrations in the U.S. and around the world to mark the occasion. In a way that is rare for a nineteenth-century writer, Whitman still matters to people today. What accounts for his currency, his being regularly invoked especially in the U.S. but also internationally in advertisements, television programs, films, and political speeches? What makes him still a living force? Crucial, of course, is what Whitman wrote, but perhaps more important is what he has come to mean through his reception and remaking across the decades and now centuries and across national borders in his extraordinary afterlives. Whitman also continues to seem fresh because new writings by him are located at a remarkable rate. In the past few years a stunning amount of new material has become available: a hitherto unknown novel (Jack Engle), a pseudonymously published health guide for urban men (Manly Health and Training) previously unidentified early poetry, and other writings by Whitman (letters, notebooks, art criticism, etc.). Nor is this just the purview of the scholar the internet makes it all widely available. 2 In marking this 200 th anniversary most events have been laudatory but not entirely so. This year the North American Review has hosted online a brilliant series, Every Atom, consisting of two hundred short annotations of Whitman s masterpiece, Song of Myself, by poets, activists, physicists, astronomers, artists, environmentalists and others. These accounts often praise Whitman to the rooftops, but he doesn t escape sharp criticism as well. Whitman has long been thought of as a proponent of artistic, political, and sexual liberation, and when his words are inconsistent with these ends, people are prone to feel let down if not betrayed. Whitman often has been seen as one of the forefathers of American multiculturalism. As a poet who celebrated slang and language mixing, loved to imagine himself in other lands, and vowed not to discriminate, he appears like a good candidate for this position. He was also, however, a poet who gave voice to a culture that experienced slavery, genocide, and

252 250 discriminatory policy. Whitman's meanings and legacy are receiving heightened scrutiny in the current moment of ethnic, racial, and religious intolerance. 3 A key mystery that perhaps his voluminous prose documents shed light on is how Whitman could give voice so movingly to a diverse U.S., to celebrate the teeming and varied crowds of a nation of nations, and yet also fail to support African Americans at vital moments. He claimed he would give voice to what had long gone unexpressed: I speak the password primeval I give the sign of democracy; By God! I will accept nothing which all cannot have their counterpart of on the same terms. Through me many long dumb voices, Voices of the interminable generations of slaves, Voices of prostitutes and of deformed persons, Voices of the diseas d and despairing and of thieves and dwarfs, Voices of cycles of preparation and accretion, And of the threads that connect the stars and of wombs and of the fatherstuff, And of the rights of them the others are down upon, Of the trivial and flat and foolish and despised, Of fog in the air and beetles rolling balls of dung. Through me forbidden voices, Voices of sexes and lusts voices veil d, and I remove the veil, Voices indecent by me clarified and transfigured. 4 During the Civil War, Whitman collected newspaper clippings on the crucial contributions of African Americans to the Union war effort, but he never got around to poetically celebrating their achievements. Nor did he provide significant commentary on emancipation, what Charlotte Forten called the most glorious day this nation has yet seen. Whitman was silent about the Fifteenth amendment to the U.S. Constitution, too, that right articulated in the negative prohibiting the exclusion of voting rights on the basis of race or previous condition of servitude. Moreover, he rarely used the term Reconstruction, with its implications of radical social change. Whitman's reluctance to support black suffrage remains a disturbing aspect of his career, and it is all the more puzzling because of the importance of cross-racial sympathy in fueling his early poetic development. Whitman occasionally wished that problems he associated with African Americans would just vanish. 5 During the war Whitman tended mostly to white soldiers of north and south, though he assisted and consoled African American soldiers also. He remarked in Memoranda During the War (1875): Among the black soldiers, wounded or sick, and in the contraband camps, I also took my way whenever in their neighborhood, and did what I could for them. Early in the war, when formerly enslaved people who made their way to a Union camp, they were termed contraband of war when Union General Benjamin Butler refused to return them to southerners demanding the return of their property. The term contraband stuck, and contraband camps soon became notorious for their poverty and unsanitary conditions. A visit to contraband camps was dangerous because of the widespread disease that afflicted them. Whitman's efforts on behalf of blacks, in both contraband camps and hospitals, was warmly appreciated. In the account of his seventieth birthday celebration in With Walt Whitman in Camden, Horace Traubel mentions a "negro cook" who rushed to embrace and shake hands with Whitman. When asked about this encounter later, Whitman recalled going "frequently to a hospital for negroes... at Culpepper (Traubel H : 299).

253 251 6 A decade after the Civil War, Whitman noted in 'Tis But Ten Years Since (1874): To me, the war, abdicating all its grand historical aspects, and entirely untouched by the Slavery question, revolves around these miniature pages [his hospital notebooks], and what is designated by them. They are the closest; they are not words, but magic spells. Out of them arise yet active and breathing forms. They summon up, even in this silent and vacant room as I write, not only the sinewy regiments and brigades, marching or in camp, but the countless phantoms of those who fell and were hastily buried by wholesale in the battle-pits, or whose dust and bones have been since removed to the National Cemeteries, all through Virginia and Tennessee. 7 What Whitman accomplished in caring for thousands of wounded ill, lonely, and disoriented Civil War soldiers was remarkable. Many soldiers, feeling a deep indebtedness to him, named their children after Walt while others remarked that he had saved their lives. Whitman's highly personalized approach yielded important results. D. Willard Bliss, the chief surgeon of Armory Square, the Civil War hospital with the highest mortality rate and where Whitman spent most of his time, asserted: From my personal knowledge of Mr. Whitman's labors in Armory Square and other hospitals, I am of [the] opinion that no one person who assisted in the hospitals during the war accomplished so much good to the soldier and for the Government as Mr. Whitman. His work in the hospitals was an indisputably great humanitarian achievement. Nonetheless, after the fact, to mystify as magic spells his hospital notebooks over larger political and social change is a self-indulgent fantasy. His word "abdicating" is noteworthy since it suggests that Whitman realized that it was also his responsibility (as someone who aspired to be the national bard) to speak to the epoch-making transformation underway more than three million enslaved people had been liberated even as he chose to vacate that duty. 8 Curiously in the years after the war, his concern for African Americans gradually declined. He worked for the Attorney General's office from where he primarily functioned as a clerk, but in slack times and after hours he also wrote letters to friends and family, conducted literary business, and pondered the future of democracy as he gazed through the large windows of the Treasury building in Washington, D.C. He was writing Democratic Vistas in these years, his meditation on the prospects for America, his attempt to be a sage akin to, say, Matthew Arnold and Thomas Carlyle in England. The view for Democratic Vistas was here, as he gazed out his windows facing to the south and to the west. Looking to the west, he could examine the prospect of the future: For These States tend inland, and toward the Western sea (Whitman W., 1860 : 371). Looking to the south, he could see across the river into bloodsoaked Virginia, and he could muse on the devastation of the recent Civil War and the ongoing troubles of its aftermath, including the rise of the Ku Klux Klan, a recurrent topic in the scribal letters. It is remarkable, in fact, given the prominence of the Klan in the scribal documents, that Whitman is not more forceful and direct in responding to Thomas Carlyle's racist diatribe Shooting Niagara, a text Democratic Vistas sought to answer but ultimately failed to do. Carlyle had lamented that a "half million excellent White men... full of gifts and faculty, have torn and slashed one another into horrid death,... and three million absurd Blacks,...are completely emancipated ; launched into the career of improvement, likely to be improved off the face of the earth. For Carlyle, extending the franchise in England was a bad idea, and the possibility of

254 252 extending it to blacks in the U.S. was culturally suicidal, the equivalent of going over Niagara Falls in a barrel. 9 Although Whitman promised in the opening of Democratic Vistas to answer Carlyle, he never adequately did so but instead evaded the topic another of his silences. Only in the small notes at the back of the short volume does Whitman say: As to general suffrage, after all, since we have gone so far, the more general it is, the better. I favor the widest opening of the doors. Let the ventilation and area be wide enough, and all is safe (Whitman W., 1871 : 83).This is a curious affirmation. It holds promise for women and Native Americans, not just those formerly enslaved, but rather than the rhetoric of brotherly affection that appears in Whitman s poetry about democracy, the language of opening the doors and seeking ventilation invokes theories about illness as caused by poverty and crowding in such places as hospitals, urban tenements, and contraband camps. His point here all can vote safely if the country is free from the diseasebreeding conditions that are likely to infect these new voters seems far from his own assertion in Over the Carnage Rose Prophetic a Voice where Whitman writes more vaguely if less conditionally, Affection shall solve the problems of freedom. 10 In short, when Whitman dodged race, he could still speak the language of poetic and democratic universalism, of common adhesiveness. When he mentioned race specifically, he hedged. To many people these days, Whitman is disappointing in his treatment of race. The poet and critic Lavelle Porter has provocatively asked, Should Walt Whitman Be #Cancelled? Porter's question is challenging, especially in an era newly sensitized to what some fear may be a belief in white supremacy hard wired into a significant portion of American society. Porter was responding to a 2013 incident involving a black, gay graduate student in music at Northwestern University, who refused to perform a piece of music based on Whitman s poetry because of Whitman s (not the composer s) racism. Porter says: I hope that we can celebrate him while also telling the truth about his flaws and America s flaws. As June Jordan says, I too am a descendant of Walt Whitman. And I am not by myself struggling to tell the truth about this history of so much land and so much blood, of so much that should be sacred and so much that has been desecrated and annihilated boastfully Langston Hughes, who famously decided not to throw Leaves of Grass overboard on a journey to Africa (he discarded much else from western culture), counselled a more forgiving approach and urged us to remember the best in people, particularly in Whitman. In divisive, racially-charged times like the present, however, it is difficult to reckon honestly with the limitations of Whitman without killing off the expansive Whitman of hope and possibilities, the poet who has fueled progressive projects nationally and internationally. 12 Relations between persona and person are vital in Whitman's case. He grasped that in creating the Walt Whitman of Leaves of Grass he had forged an idealized version of himself distinct from his everyday life as Walt Whitman. Some commentators have seen the distance between person and persona as a sign of bad faith, hypocrisy, duplicity, or insincerity. But we should not regret that in his best writings he reached for more generous, more loving, and more tolerant views than those he imbibed and sometimes allowed himself to express in more hastily conceived journalism, in private jottings in notebooks, in correspondence with family members or working-class white soldiers,

255 253 and (more rarely) blinkered moments in his poetry. To his credit, Whitman regularly strove to rise above the biases of his culture. 13 Interpretation of Whitman is tricky because he conflated the created character Walt Whitman with the real life Walt Whitman. The two co-exist often seeming to be the same person. On the other hand, there are aspects of the persona he claims to be rude, uncouth, and the begetter of many children, for example that do not align with the biographical person. The projected self in Whitman is always complex, ample, contradictory, and ultimately never one and the same. Brian Clements has noted: We struggle with Whitman continually, and our grip on him shifts, just as our grip on our individual and national identities shifts. [The U.S.], like Whitman, is a great contradiction a place of hope, yet a place of failure to provide the most basic services like health care and clean drinking water to all of our citizens; a place that holds up the rule of law as its guiding principle, yet a place of obvious quotidian injustice. If The United States themselves are essentially the greatest poem, as Whitman asserts early in his Preface to the 1855 Leaves of Grass, then the greatest poem is both a dirty mess and a surviving promise for the possibility of renewal, justice, and reconciliation The political and cultural outlook Whitman offers is alternately inspired and shortsighted, occasionally marred by an attraction to nativist politics and pseudo-scientific racial theories. Yet even as we may lament Whitman s shortcomings, we recognize his role as a rebel, an autodidact, an outsider, and the poet who insisted that the slave is equal to the master. Whitman offers a messy and complicated legacy, perhaps fit for a land that can be both disheartening and inspiring. 15 The United States imprisons a larger percentage of its black population than South Africa did at the height of apartheid. In the nation s capital city, Washington, D.C., approximately three out of four young black men (and nearly all those in the poorest neighborhoods) can expect to be imprisoned. What have most of us done about, say, the incarceration rate of African American males in DC or elsewhere. Our own silences and inactivity should give us pause before we become too critical of Whitman. BIBLIOGRAPHY Carlyle, Thomas, Shooting Niagara And After?, Macmillan s Magazine, Edinburgh, Vol. XVI, April Forten, Charlotte L, The Journals of Charlotte Forten Grimké, Brenda Stevenson (ed.), New York and Oxford, Oxford University Press, Traubel, Horace, With Walt Whitman in Camden vol. 5 (April 8 September 14, 1889), Gertrude Traubel (ed.), Carbondale, Illinois, Southern Illinois University Press, 1964, p Also available online: Whitman, Walt, Leaves of Grass, Brooklyn, New York, Whitman, Walt, Tis Ten Years Since, New York Weekly Graphic, 24 January 1874, p. 3.

256 254 Whitman, Walt, Memoranda During the War (Camden, NJ, ). whitmanarchive.org/published/other/memoranda.html NOTES 1. Lavelle Porter, Should Walt Whitman Be #Cancelled? JSTOR Daily, April 17, Brian Clements, Introduction, in Every Atom: reflections on Walt Whitman at 200, North American Review, May 30, AUTHOR KENNETH M. PRICE Kenneth M. Price is Co-Director of the Walt Whitman Archive and Hillegass University Professor of American Literature at the University of Nebraska-Lincoln.

257 255 Pourquoi il est urgent de relire Whitman Kenneth M. Price Traduction : Anne Reynès Delobel 1 Que penser de Whitman et de son héritage à l heure où nous célébrons le bicentenaire de sa naissance? À cette occasion, pléthore d expositions, de conférences, de lectures et de célébrations ont été organisées aux États-Unis et de par le monde. Whitman est en effet l un des rares écrivains du XIX e siècle qui continuent d exercer une influence sur l opinion publique. Comment expliquer cette popularité jamais démentie (en particulier aux États-Unis, mais également à l étranger), notamment dans les campagnes publicitaires, les émissions de télévision, le cinéma et les discours politiques? Pourquoi Whitman suscite-t-il encore aujourd hui autant d intérêt? La réponse se trouve bien entendu dans son œuvre mais, plus encore, dans le sens qu on lui a donné à travers sa réception et ses transformations, par-delà les frontières, au fil des décennies et désormais des siècles. Si Whitman nous parle aujourd hui, c est aussi parce que de «nouveaux» écrits de sa main ne cessent de refaire surface. Au cours des dernières années, un volume impressionnant d archives et de documents inédits a été mis au jour : un roman dont on ignorait jusqu alors l existence (Jack Engle), un manuel de santé à l usage du citadin, publié sous un pseudonyme (Manly Health and Training), des poèmes de jeunesse jusqu ici non-identifiés, ainsi que d autres écrits (lettres, carnets, essais sur l art, etc.). Loin d être l apanage des chercheurs, ces documents ont été mis en ligne et sont accessibles au grand public 1. 2 Les commémorations qui ont marqué ce bicentenaire n ont pas toutes donné lieu à un concert d éloges. Cette année, la revue North American Review a fait paraître une brillante série, intitulée «Every Atom» sous la forme de deux cents brèves annotations du chef-d œuvre de Whitman, «Chanson pour moi-même», rédigées par divers auteurs, parmi lesquels des poètes, des activistes, des physiciens, des astronomes, des artistes et des défenseurs de l environnement. Si la plupart de ces commentaires portent Whitman aux nues, d autres sont beaucoup plus critiques. On a longtemps voulu voir en Whitman un défenseur de la liberté artistique, politique et sexuelle, et lorsqu il s avère que ses écrits ne sont pas en accord avec ces principes, d aucuns ont

258 256 tendance à se croire abandonnés, voire trahis. Whitman a souvent été rangé parmi les pères du multiculturalisme américain. Sa poésie, qui recourt volontiers à l argot et mélange les langues, se projette en imagination vers d autres pays et rejette toute forme de discrimination, apporte un solide argument en faveur de cette thèse. Toutefois, elle fait également entendre la voix d une culture fondée sur l esclavage, le génocide et les politiques discriminatoires. Dans le climat actuel, marqué par l intolérance ethnique, raciale et religieuse, il n est guère étonnant que la pensée et l héritage de l écrivain fassent l objet d un surcroît d attention. 3 Le débat achoppe sur une question dont la réponse se trouve peut-être dans la volumineuse œuvre en prose : comment se fait-il que Whitman, qui a su si éloquemment prêter voix à la diversité américaine pour célébrer les multitudes foisonnantes et variées qui composent «une nation de nations», n ait pas soutenu la cause des Afro-Américains à des moments-clés de leur histoire? N avait-il pas en effet affirmé qu il ferait entendre la voix de celles et ceux qui n avaient jamais eu droit à la parole? À travers moi maintes voix longtemps muettes, Voix des interminables générations d esclaves, Voix des prostituées et des mal formés, Voix des malades, des désespérés, des nains Voix des cycles de préparation et d accroissement, Et des fils qui relient les étoiles - des matrices et de la semence des pères, Et des droits de ceux qu on accable, Et des falots, ternes, sots et méprisés, Du brouillard qui flotte dans l air et des scarabées qui poussent leur boule de fumier. À travers moi voix proscrites, Voix des sexes et de leurs désirs Voix voilées, dont j écarte le voile, Voix indécentes par moi clarifiées et transfigurées. (Whitman W., 2008) 4 Pendant la guerre de Sécession, Whitman rassemble des coupures de journaux relatant la contribution déterminante des Afro-Américains à l effort de guerre de l Union, mais sa poésie n en porte pas trace. L écrivain ne s exprime pas non plus sur la question de l émancipation, au contraire de Charlotte Forten qui parle du «jour le plus glorieux de notre nation» (Forten C., 1988 : 428). Il garde également le silence sur le Quinzième Amendement de la Constitution des États-Unis qui dit, quoique de manière négative, que le droit de vote des citoyens des États-Unis «ne sera refusé pour des raisons de race, couleur ou de condition antérieure de servitude». En outre, il emploie rarement le terme «Reconstruction» qui connote un changement social radical. Cette réticence de Whitman à s engager en faveur du droit de vote des Noirs demeure l un des aspects dérangeants de sa carrière. Elle est d autant plus surprenante que l amitié entre les races était l une des sources d inspiration majeures de ses premiers poèmes. À plusieurs reprises Whitman forme le vœu que les problèmes qu il associe aux Afro-Américains se résoudront d eux-mêmes. 5 Au cours de la guerre, Whitman soigne surtout les soldats blancs du Nord et du Sud, bien qu il lui arrive d apporter aide et réconfort aux soldats afro-américains. Dans Memoranda During the War (1875), il rapporte : «dès que cela était possible, je me suis aussi porté au chevet des soldats noirs, blessés ou malades, ou dans les campements de contrebande, faisant de mon mieux pour les soulager». Le terme «contrebande de guerre» est utilisé dès le début du conflit pour désigner les esclaves fugitifs qui

259 257 choisissent de s engager dans les rangs de l Union et que le général Benjamin Butler refusera de rendre aux sudistes lorsqu ils réclameront qu on leur rende leurs «possessions». Dès lors, on aura coutume de parler des soldats noirs de l Union comme de la «contrebande». Quant aux campements de contrebande, ils sont réputés pour la pauvreté et les conditions sanitaires déplorables qui y règnent. Les épidémies qui y sévissent rendent leur fréquentation dangereuse. Aussi, le bénévolat de Whitman auprès des Noirs, dans les campements de contrebande ou les hôpitaux, est apprécié à sa juste mesure. À l occasion du soixante-dixième anniversaire de Whitman, Horace Traubel relate, dans With Walt Whitman in Camden, qu une «domestique noire» se précipite pour saluer chaleureusement le poète. Au souvenir de cette rencontre, Whitman se remémorera aussi ses visites fréquentes «à un hôpital pour nègres [ ] à Culpepper» (Traubel H : 299). 6 Près de dix ans après la fin du conflit, Whitman note dans «Tis But Ten Years Since» : Pour moi, la guerre, abdiquant toute grandiloquence historique, et entièrement épargnée par la question de l Esclavage, se rapporte à ces pages miniatures [ses carnets d hôpitaux] [ ] ce ne sont pas des mots, mais des formules magiques [ ] Elles convoquent, dans la pièce vide et silencieuse où j écris [ ] les fantômes innombrables de ceux qui sont tombés et ont été hâtivement ensevelis en masse sur les champs de bataille, ou ceux dont la poussière et les ossements ont été depuis transférés dans les cimetières nationaux, dans toute la Virginie et le Tennessee. (Whitman W., 1874 : 3) 7 L engagement bénévole de Whitman auprès de milliers de soldats blessés, isolés et désorientés fut en tout point remarquable. Pour lui témoigner leur gratitude, nombre d entre eux choisiront de donner son prénom à leurs enfants. D autres ont dit qu ils lui devaient la vie. L attention qu il portait à ces hommes donnait, de fait, des résultats extraordinaires. Le docteur Willard Bliss, chirurgien en chef de l hôpital des armées (Armory Square) à Washington, qui enregistrait le taux de mortalité le plus élevé et où Whitman passait le plus clair de son temps, a déclaré : «d après ce que j ai pu personnellement observer du travail que M. Whitman a accompli à Armory Square et dans d autres hôpitaux, je suis d avis qu aucun autre bénévole n a accompli autant auprès de soldats et du gouvernement que M. Whitman». Si l on ne peut mettre en doute la portée humanitaire de l action bénévole de Whitman, il convient cependant de déceler la part de fantasme qui entre dans son désir de faire de ses carnets des «formules magiques» capables de résumer les bouleversements politiques et sociaux de l époque. Le verbe «abdiquer» est de ce point de vue révélateur car il indique tout autant la conscience que le poète a de sa responsabilité (lui qui ambitionne de devenir le barde de la nation) face aux immenses changements en train de se produire (près de trois millions d esclaves viennent d être émancipés) que de son choix délibéré d échapper à ses devoirs. 8 Il est curieux d observer qu au cours des années qui suivent le conflit, l intérêt que Whitman porte aux Afro-Américains ne cesse de diminuer. De 1865 à 1873, il occupe un emploi de bureau dans le cabinet du Procureur Général à Washington. Pendant ses heures creuses ou de loisir, il se consacre à sa correspondance, gère ses affaires littéraires et médite sur l avenir de la démocratie. À cette même période, il s attache à l écriture de Perspectives démocratiques (1871), où il entend livrer ses réflexions sur l avenir des États-Unis dans la veine des grands critiques britanniques, tels Matthew Arnold ou Thomas Carlyle. Ces «perspectives» démocratiques, il peut les contempler depuis la fenêtre de son bureau : à l ouest, il voit l avenir du pays se dérouler «vers

260 258 l intérieur du pays et en direction de l océan pacifique» (Whitman W., 1860 : 371). Au sud, au-delà du Potomac, il aperçoit les collines de la Virginie, gorgées de sang, ce qui l amène à réfléchir aux ravages causés par le conflit qui vient de s achever et à ses lendemains troublés, notamment marqués par l émergence du Ku Klux Klan, l un des sujets récurrents de sa correspondance. De fait, au vu de la place qu il accorde à la question du Klan, on peut s étonner que Whitman ne réagisse pas de manière plus énergique et plus directe à la diatribe raciste de Carlyle dans «Shooting Niagara», un texte auquel Perspectives démocratiques tente de répondre sans pour autant y parvenir. Carlyle avait déploré que «un demi-million d excellents Blancs [ ] dotés des plus grands talents et des facultés les plus remarquables, se soient entretués de la manière la plus atroce [ ] tandis que trois millions de Noirs ineptes [ ] se voient complétement «émancipés» et lancés sur la voie du progrès» (Carlyle T., 1867). L historien écossais considérait en effet que le droit de vote de 1867 («Reform Act») représentait un danger pour l Angleterre et que les États-Unis commettraient un suicide culturel s ils accordaient le droit de vote aux Noirs (le titre de son pamphlet fait référence aux cassecou qui dévalaient les chutes du Niagara dans un tonneau). 9 Or, si Whitman promet dans la préface de Perspectives démocratiques de répondre à Carlyle, force est de constater qu il ne parvient pas vraiment à ses fins et préfère éviter la question encore un silence de sa part. Ce n est que dans les notes placées à la fin de l ouvrage qu il déclare : «Quant au suffrage universel, après tout, puisque nous sommes allés si loin, plus il sera généralisé, mieux ce sera. Je suis en faveur de l ouverture des portes la plus large qui soit. Que le vannage se fasse sur l aire la plus large possible et tout ira bien» (Whitman W., 2016 : 224). Cette affirmation ne laisse pas d être étrange. Whitman propose que le droit de vote soit étendu non seulement aux anciens esclaves noirs, mais aussi aux femmes et aux Amérindiens. Cependant, la rhétorique de la fraternité que l on retrouve dans les poèmes consacrés à la démocratie cède ici le pas à un langage plus scientifique emprunté aux discours hygiénistes de l époque selon lesquels les maladies étaient véhiculées par la pauvreté et la surpopulation qui régnaient dans les hôpitaux, les taudis urbains et les camps de contrebande. Whitman considère que chacun pourra voter sans risque pour sa santé lorsque le pays aura résolu ces problèmes d hygiène publique. On est bien loin d «Au-dessus du carnage une voix s éleva» où le poète affirme, quoique de manière vague, que «l affection encore viendra résoudre les problèmes de la liberté» (Whitman W., 1865 :49). 10 Pour le dire vite, Whitman peut encore parler le langage de l universalisme poétique et démocratique, et de l adhésion aux idéaux démocratiques, tout en évitant de traiter la question raciale. Et lorsqu il mentionne spécifiquement cette question, c est pour l esquiver. Voilà pourquoi aujourd hui de nombreux critiques se déclarent déçus par Whitman. Le poète et critique Lavelle Porter a récemment demandé, en manière de provocation : «Faut-il #zapper Walt Whitman?». La question de Porter nous pose un défi, particulièrement à un moment où d aucuns s inquiètent de l écho favorable que le suprématisme blanc semble trouver auprès d une partie non négligeable de la population du pays. Porter fait référence à un incident, survenu en 2013 à l Université Northwestern, lorsqu un étudiant noir et gay inscrit en master de musicologie avait refusé d interpréter une composition inspirée de la poésie de Whitman au motif que l écrivain était raciste. Porter écrit : J espère que nous pouvons encore rendre hommage à Whitman sans pour autant nous voiler la face sur ses défauts ni sur ceux de l Amérique. Comme le dit June Jordan : «Moi aussi, je suis une descendante de Walt Whitman. Moi aussi, je cherche

261 259 à dire la vérité au sujet de l histoire de ces terres qui ont vu couler tant de sang, de toutes ces choses que nous devrions considérer comme sacrées et de toutes celles que certains se vantent d avoir profanées et anéanties» Langston Hughes, qui avait décidé, dans un geste demeuré célèbre, de ne pas jeter Feuilles d herbe par-dessus le bastingage du paquebot qui le conduisait en Afrique (il a choisi de se délester d autres aspects de la culture occidentale) nous invite à une approche plus magnanime lorsqu il nous incite à garder le meilleur chez autrui, et en particulier chez Whitman. Alors que nous traversons à nouveau une période marquée par de vives tensions raciales, juger trop sévèrement Whitman, c est aussi courir le risque d oublier qu il fut aussi et avant tout un poète qui a célébré l espoir et un monde d infinies possibilités, et qui a su inspirer nombre de progressistes aux États-Unis et à travers le monde. 12 Dans le cas de Whitman, le lien entre l homme et l artiste est une question capitale. L écrivain avait compris qu en créant le «Walt Whitman» des Feuilles d herbe, il avait inventé une version idéalisée de lui-même, distincte de celle de l individu Walt Whitman. Pour certains critiques, cette distance est un signe de mauvaise foi, d hypocrisie, de duplicité ou de manque de sincérité. Mais faut-il regretter que dans ses plus beaux écrits Whitman ait cherché à exprimer un point de vue plus généreux, plus bienveillant et plus tolérant que ceux qu il pouvait lire et se laissait parfois aller à exprimer dans ses écrits journalistiques (de moins bonne facture), dans des notes hâtivement griffonnées dans ses carnets, dans ses lettres à ses proches ou à des soldats issus de la classe ouvrière et (quoique plus rarement) dans les points aveugles de sa production poétique? À sa décharge, Whitman s est, la plupart du temps, efforcé de s élever au-dessus des préjugés de son époque. 13 Si Whitman présente tant de difficultés à l interprétation, c est que chez lui, le personnage fictif «Walt Whitman» et le vrai Walt Whitman semblent souvent ne faire qu un. Toutefois, certains aspects du personnage (il se targue ainsi de sa grossièreté et de son manque de manières, ainsi que d avoir engendré une nombreuse descendance) ne s accordent pas avec les faits biographiques. Le «moi» projeté de Whitman est toujours complexe, ample, contradictoire et, en fin de compte, jamais univoque. Brian Clements a écrit : Avec Whitman, c est une lutte continuelle et il ne cesse de nous échapper, de même que la question de l identité (individuelle ou nationale) nous échappe. À l instar de Whitman, [les États-Unis] sont une énorme contradiction : une nation investie d espoir, mais qui s avère incapable d offrir les services les plus basiques, comme les soins médicaux ou l accès à l eau potable, à l ensemble de ses citoyens ; une nation qui prétend être fondée en droit, mais où l injustice règne quotidiennement en maître. Si «les États-Unis sont le plus grand poème» comme l affirme Whitman au début de sa préface de l édition de 1855 des Feuilles d herbe, alors ce grand poème est à la fois un beau gâchis et le souvenir falot de la possibilité de renouveau, de justice et de réconciliation La perspective politique et culturelle que nous donne Whitman est tour à tour inspirée et myope, et parfois entachée par son penchant pour les politiques nativistes et les théories raciales pseudo-scientifiques. Pourtant, alors même que nous déplorons ces errances de Whitman, nous lui reconnaissons un rôle de rebelle, d autodidacte, de marginal, et saluons le poète qui a dit avec insistance que l esclave est l égal du maître. L héritage de Whitman est brouillon et complexe, à l image de ce pays qui peut tout à la fois susciter chez nous le découragement le plus profond et l enthousiasme le plus ardent.

262 Actuellement, aux États-Unis, le pourcentage de détenus issus de la population noire est supérieur à celui enregistré en Afrique du Sud au plus fort de l apartheid. Dans la capitale du pays, Washington D.C., près de trois jeunes Afro-Américains sur quatre (issus pour la plupart des quartiers les plus défavorisés) passeront un jour par la case prison. La majorité d entre nous ne se sent pas concernée par ce triste constat. Voilà pourquoi, avant de reprocher à Whitman ses silences et son absence de mobilisation, nous devrions peut-être nous livrer à un examen de conscience. BIBLIOGRAPHIE Carlyle, Thomas, Shooting Niagara And After?, Macmillan s Magazine, Edinburgh, Vol. XVI, April Forten, Charlotte L, The Journals of Charlotte Forten Grimké, Brenda Stevenson (ed.), New York and Oxford, Oxford University Press, Traubel, Horace, With Walt Whitman in Camden vol. 5 (April 8 September 14, 1889), Gertrude Traubel (ed.), Carbondale, Illinois, Southern Illinois University Press, 1964, p Also available online: Whitman, Walt, Feuilles d herbe, traduit de l anglais (États-Unis) par Éric Athenot, [ed. orig. Leaves of Grass, Brooklyn, New York, 1855], Paris, José Corti, Whitman, Walt, Calamus in Leaves of Grass, 1860 edition. Whitman, Walt, Drum-Taps, New York, Whitman, Walt, Tis Ten Years Since, New York Weekly Graphic, 24 January 1874, p. 3. Whitman, Walt, Manuel d Amérique, traduit de l anglais (États-Unis) et préfacé par Éric Athenot, Paris, Corti, Whitman, Walt, Memoranda During the War (Camden, NJ, ). NOTES 1. Note de la rédaction : le site Walt Whitman Archive, co-dirigé par Ed Folson et Kenneth Price, publié par le Center of Digital Reseach Humanities (University of Nebraska-Lincoln), est accessible à partir du lien suivant : 2. Lavelle Porter, Should Walt Whitman Be #Cancelled? JSTOR Daily, April 17, Brian Clements, Introduction, in Every Atom: reflections on Walt Whitman at 200, North American Review, May 30, 2019.

263 261 AUTEURS KENNETH M. PRICE Kenneth M. Price is Co-Director of the Walt Whitman Archive and Hillegass University Professor of American Literature at the University of Nebraska-Lincoln.

264 262 Questions of Epic and Lyric: The Challenge of Walt Whitman Thomas C. Austenfeld 1 The genres of Whitman's most famous poems and the consequences to be drawn from their classification have been debated at least since the middle of the past century. Depending on the prevailing critical spirit of a given decade, critics have sought to enlist Whitman in their respective versions of literary history. F.O. Matthiessen suggested in American Renaissance that Whitman's poetry could be understood through the analogies of oratory, opera, and ocean (Matthiessen F.O., 1941 : ). These three manifestations have epic features in common, namely extended size, large or universal "audience" or spectatorship, and sublime power. Roy Harvey Pearce argued that Whitman was the necessary bridge between Joel Barlow's post-revolutionary but undervalued Columbiad and Ezra Pound's desultory Cantos: all three authors seek to come to terms with the idea of America and develop more or less appropriate forms of epic representation. Instead of memorializing a hero, they poetically create one (Pearce R. H., 1959 : 363). In a different vein, Bill Hardwig diagnosed in Whitman primarily the disruptive use of elements of the epic tradition in order to show all the more clearly how America was not going to be like ancient empires (Hardwig B :166, 170) 1. In every case, a generalized understanding of "epic" as large, dignified, built on classical models and connected with the nation served as the foil against which Whitman's work was evaluated and seen as either conforming, modifying, or rejecting. 2 Situated in temporal terms halfway between these critics, James E. Miller offered a compound argument: the subtitle of his study, Whitman's Legacy in the Personal Epic, claimed Whitman as originator of a characteristically American genre, while his title, The American Quest for a Supreme Fiction, generalized the argument of Wallace Stevens's long poem by investing it with a Romantic quest-motif. Miller concluded in a Whitmanesque manner: This is an epic poet who will break all the rules for the epic, but insist on writing an epic anyway ( ) The book ( ) had more beginning, middle, and end than a merely miscellaneous collection of lyric poems. (Miller J. E., 1979 : 33)

265 263 3 Miller then proposed the designation "Lyric-Epic" (Miller J. E., 1986) and further elaborated his argument in a 1992 book. According to Miller, "Lyric-Epic" can be understood as Whitmanesque because it resolves a contradiction by accepting it as intentional. Crediting ancient epics for their form and Edgar Allan Poe for his insistence on lyric brevity, Miller argues, Whitman tries to have it both ways by bringing into existence a "new American genre, the personal or lyric-epic" (Miller J. E., 1986 : 291). Miller also acknowledges Whitman's original articulation of sexual joy as a structural feature of his work. 4 However, I believe that the question of having to decide between lyric or epic as Whitman's form may present us with a false dichotomy which is not resolved even with a "both/and" response. Whitman's paradoxes and acceptance of contradiction are well known: "Do I contradict myself? / Very well, then, I contradict myself" says the speaker in section 51 of "Song of Myself." But the speaker continues: "(I am large, I contain multitudes.)" In other words: the large size of Whitman's imagination and of his poem equally point to his temperamental inclination towards the epic. Still, literary critics want more when they evoke the question of genre. 5 Genre, as Heather Dubrow asserted, "functions much like a code of behavior established between the author and his reader" (Dubrow H., 2014 : 2). As we read a text, it teaches us through its generic markers how it wants to be read. The form guides our understanding but also limits it. Readers know that a long poem in elevated style that focuses on a hero and implicates the fate of a people or nation is likely to be an epic and wants to be read as such. But when sufficient evidence to the contrary lack of followthrough, choppy structure, low style and subject matter (what else could a poignantly democratic country produce?), an unconventional anti-hero gets in the way, readers' expectations are thwarted and they decide that the work before them is not an epic after all. What remains? It must be a collection, however organic, of multiple lyrics. But this does not satisfy, either. The national sweep, the pathos-filled invocations, the insistent exclamation points signal at least a public oratory more compatible with epos than with the largely private lyric. 6 Thus, when reading about Whitman's epic impulse, we activate our assumptions about "epic," and these mostly direct us towards notions of size. In the Walt Whitman Archive, for example, David Baldwin particularly addresses the question, not of "epic" as such, but of "Epic Structure," as he concludes: Whatever arguments may be made against the work's being an epic, Leaves of Grass is undeniably of such proportions. While the term epic might well be jettisoned in favor of another more flexible one, such as architectonic, with its distinguished tradition it remains suitable for honoring Whitman's truly magnificent accomplishment. (Baldwin D., concluding paragraph). 7 In Whitman, size clearly matters, but in literary criticism, it is not enough. 8 Generic attributions must generate new knowledge in order to be justified. In resuscitating the debate over Whitman's genre, I ask what new insights we can gain with the help of recent theories of the epic and the lyric. I query how our reading of Whitman might be enriched if we had more clarity about the question we ask when we raise the notion of genre. In what follows, I formulate the questions that may lead us to some tentative answers.

266 264 "Epic" as noun or adjective? 9 First, we must carefully state what part of speech we invoke and what part of Whitman's work we examine when we look for "epic." If we use "epic" as noun, "Song of Myself" might qualify as an epic within Whitman's canon. Or are we referring to the entire Leaves of Grass through all of its eight editions as the epic accomplished over the course of a lifetime? Now that critics have recently paid more attention to Whitman's other works, Specimen Days (Tuggle L., 2017), or the reassembled Calamus (Karbiener K., 2019), or the newly-discovered "Manly Health and Training" or Life and Adventures of Jack Engle (Turpin Z., 2017), none of which is epic by any stretch, is it more convenient to classify just a portion of Whitman's work as his "epic" and not others? In other words: did he write an epic, namely "Song of Myself," but also a novel, lyrical poems, and journalism? If so, we can stop calling Whitman an "epic" poet and can instead concentrate on those texts that invoke traditional epic requirements, whether they fulfill or thwart them. 10 Alternately, we can use "epic" as an adjective to describe Whitman's epic impulse, his seeming inability to restrain himself, and his impetuous need to enlarge everything to cosmic scale, mowing down mercilessly any real or imagined (or cognitive or conceptual) obstacle in his path. Used in this way, "epic" as an adjective merely provides a way to avoid more clinical terms of opprobrium such as uncontrolled, prolix, repetitive, or formulaic. I propose to abandon "epic" as a generic adjective when speaking about Whitman's style. His style, when reaching for greatness, is infused with pathos and oratorical; it is prophetic and visionary, but to designate it as "epic" serves little purpose. His reach for elevated style and Latinate syntax was not uncommon among his contemporaries. Situated in its time, Whitman's voice is a unique but still characteristic, profoundly 19 th -century voice that his contemporaries either understood or, even more interestingly, understood well enough to satirize. Epic poets do not get satirized in the normal order of things. National, literary, personal 11 Second, it is worth distinguishing more carefully between national epics and literary epics when we apply the noun "epic" to part or all of Whitman's work. "Epic" suggests size first of all, as we have seen: before the emergence of novels, epics were simply the largest literary works around. Yet national epics of heroes and etiologies of a people's or nation's coming into existence are by no means coherent or textually unified; rather, they generally originate in the oral tradition, are at some point collected and codified, perhaps given a unitary authorial voice by a redactor, but still, they are recognizably grown rather than shaped. Gilgamesh, Beowulf, The Iliad, The Nibelungenlied are stories coming down to us from the deep dark past of oral history, having been turned into texts only at a much later stage. By contrast, literary epics such as The Aeneid, Gerusalemme Liberata, Paradise Lost are visibly shaped by their (known) authors and seek intentionally to cast a kind of global appeal and ambition. Even if The Aeneid is "just" the story of Rome's founding, Rome was the world, and so the text is global. The global ambitions of Tasso and Milton are evident from the stakes they attribute to the liberation of Jerusalem or, larger yet, to the origin of Man's Fall, where Milton takes on "things unattempted yet in prose or rhyme" (Paradise Lost, Book I, line 16).

267 If we determine that Whitman sought to write a national epic, the story of America, a collection of parts of which he was merely the receiver, recorder, and conduit, then every lyrical sequence in his work can usefully be examined for itself before it takes its place in the larger scheme. If, on the other hand, he sought to write a literary epic, with a plan for its direction and completion, deliberately shaped by a towering authorial presence, then we should examine each lyrical portion primarily in its function as a part of the whole and only secondarily in and of itself. Minimally then, we always need to specify what kind of epic intention we refer to when we say "epic" in connection with Whitman. 13 Ezra Pound's quip, "an epic is a poem including history" can lead the way, but it does not suffice. It suggests that "history" is not normally a part of poetry. My reading of the entire Leaves of Grass suggests again and again that Whitman's historical comparisons with other epics serve as scenery, but are not action. Responding repeatedly to a perceived need to justify his work, Whitman gestures towards past realms and kingdoms across the globe and across recorded history only to further the contrast with his present (and future!) America. Ancienneté has no ethical validity in Whitman. His mythic hero, the poet who bestrides the land, characteristically disappears by the end of the long poem ostensibly centered around him, "Song of Myself." While Whitman's speaker repeatedly gives us "Americans" in their manifold variations, he refers to himself only as "an" American, not "the" American. Instead of defining himself as a model for others, this speaker suggests the many possibilities for being, or for coming into being. Each individual, American or not, is challenged to become himself or herself on their own, in the way that suits them best. 14 In contrast to national epics whose mythic heroes are meant to be emulated, at least aspirationally, "Walt" is no such hero. Readers must become their own heroes, "Walt" is unique. The familiar features of a national epic do appear intermittently, for example, in Section 34 of "Song of Myself" in the episode commemorating the 1836 Goliad Massacre in the Texas Revolution. The features of a literary epic appear in such passages as the dialogue (or perhaps sexual congress?) between self and soul in Section 5 of "Song of Myself." Yet clearly non-epical passages, such as the "Twenty-eight young men" episode in Section 11, decidedly lyrical, predominate. As it grew, "Song of Myself" attained more formal determinacy, be it through the 52 sections or the fleshing out of many individual lines and episodes. 15 In sum, "Song of Myself," particularly in its original 1855 version, may well benefit from being called an epic because, like Milton's Paradise Lost, it successfully performs something "unattempted yet in prose or rhyme." Completed in its original shape well before the Civil War, it breathes throughout that air of optimism and potential and limitless enthusiasm that a young man (Whitman was 36 when it was published in 1855) may possess. If we had no other texts by Whitman, the 1855 "Song" could stand as his poetic testimony. We would in that case likely call it an epic based on its ambition. 16 Then the Civil War intervened. America turned darker. In Whitman's subsequent editions of Leaves of Grass, exuberance is tempered by knowledge of suffering and tragedy. The author's health waned after While Leaves of Grass becomes more comprehensive with every subsequent edition, the lyric mode, instantiated in countless moments of celebration and meditation and momentary insights, becomes more and more dominant as the collection grows into its final shape. The textual agglomeration

268 266 and thematic diversification make the post-civil War editions of Leaves of Grass more comprehensive, but not more epic. To the contrary: the lyric mode takes precedence. Whitman as Lyricist 17 Approaching Whitman again now through the lens of Jonathan Culler's recent insights about lyric theory, I find Whitman's voice and form responding well to Culler's criteria. For Culler, lyric is an expressive form that relies on "ritualistic dimensions" (Culler J., 2016: 350) is an event, "a statement about this world" (350) neither primarily a narrative nor again the mimetic representation of an event. Since Culler further considers the lyric a transhistorical phenomenon, one whose forms can wax and wane, disappear and reappear, it is potentially more rewarding to examine Whitman's work for its lyrical features. Within that context, then one should attend both to the lyrical forms of Whitman's own time the stanzaic ballads, the long-established forms of English-language poetry and also to recognizable lyrical features of epics, such as the use of stress, mnemotechnic devices such as alliteration, or formulaic set-pieces of invocations, descriptions of heroes, or their accoutrements. It is tempting to think that Culler wrote this sentence, "Lyrics hyperbolically risk animating the world, investing mundane objects or occurrences with meaning" (38) with Whitman in mind. 18 Culler's criteria seem to me to articulate the experience of reading a section, or sections, of Whitman's Leaves of Grass, whether it's the more continuous flow of the 1855 edition without titles for individual poem or whether it's the titled poems of the later editions. Since so many of Whitman's poems are titled in synchronicity with their first lines, each text functions as an opportunity to enter the unfolding of an event at a specific, iterable moment in time. The ritual features of Whitman's poems the long prophetic line, the catalogues, the anaphoras and epiphoras, the bardic exclamations signaled by exuberant punctuation! make them unmistakably Whitmanesque and hence easy to parody. But the event-character of the poems, a conceptual setup that allows meditations to body forth from the contemplation of a scene unfolding each time at this very moment of reading or performance whether this be the activities of lusty wagon-drivers, carefree swimmers, or frightened runaways marks the texts as supremely lyrical. Our reading experience is always again immediate; we never feel that we are reading a narrative of an event. Instead, we are present witnesses to that event. We memorize lines, or sequences of lines, not the structure of a Whitman poem, while we relish the joy (occasionally unmotivated) of his linguistic exuberance. In the middle of a century that saw British epics continue to be produced in steady pace (see Tucker), Whitman appears to have used the history and conventions of epic mainly as an apparatus, while the expressive center of his poetry is definitively lyrical. Returning our attention to the lyrical features of his works note the many poems that have the word "Song" in their title we can freshly appreciate Whitman's haecceitas, his beingin-the-moment, present and future, and continuing right up to our day.

269 267 BIBLIOGRAPHY Baldwin, David B., "Epic Structure", The Walt Whitman Archive. criticism/current/encyclopedia/entry_440.html Blanton, C.D., The Dialectical Poetics of Late Modernism, Oxford University Press, Culler, Jonathan, The Theory of the Lyric, Cornell University Press, Donoghue, Denis, The American Classics. A Personal Essay, Yale University Press, , "'Leaves of Grass' and American Culture", The Sewanee Review, vol. 111, no. 3, 2003, p Dubrow, Heather, Genre (Methuen and Co., 1982), New York, Routledge Revival, Hardwig, Bill, "Walt Whitman and the Epic Tradition: Political and Poetical Voices in Song of Myself ", Walt Whitman Quarterly Review, vol. 17, no. 4, 2000, p Karbiener, Karen, "Afterword," in Live-Oak, with Moss, by Walt Whitman, illustrated by Brian Selznick, Abrams ComicArts, Matthiessen, F.O., American Renaissance. Art and Expression in the Age of Emerson and Whitman, Oxford University Press, Miller, James E., Jr., The American Quest for a Supreme Fiction. Whitman's Legacy in the Personal Epic, University of Chicago Press, , Leaves of Grass. America's Lyric-Epic of Self and Democracy, Twayne Publishers, , "Whitman's Leaves and the American Lyric-Epic ", in Poems in their Place. The Intertextuality and Order of Poetic Collections, Neil Fraistat (ed.), University of North Carolina Press, 1986, p Milton, John, The Complete Poetical Works of John Milton, Douglas Bush (ed.), Houghton Mifflin, Pierce, Roy Harvey, "Toward an American Epic", The Hudson Review, vol. 12, no. 3, 1959, p Tucker, Herbert, Epic: Britain's Heroic Muse, , Oxford University Press, Tuggle, Lindsay, The Afterlives of Specimens. Science, Mourning, and Whitman s Civil War, University of Iowa Press, Turpin, Zachary (intro. and ed.), Life and adventures of Jack Engle, an auto-biography: a story of New York at the present time in which the reader will find some familiar characters, by Walt Whitman, University of Iowa Press, Whitman, Walt, Leaves of Grass. The Complete 1855 and Editions, with an introduction by John Hollander, Library of America Classics, NOTES 1. Hardwig's 2000 article offers the best historical-critical summary to date of the epic/lyric debate in Whitman studies.

270 268 AUTHOR THOMAS C. AUSTENFELD Professeur de littérature américaine à l Université de Fribourg. Thomas.austenfeld@unifr.ch

271 269 I hear America singing, I see America dancing : la compagnie new-yorkaise DanceVisions célèbre Walt Whitman et Isadora Duncan Adeline Chevrier-Bosseau 1 Dans le cadre de l événement «Walt la compagnie Dance Visions a donné une représentation de son ballet I hear America singing, I see America dancing dans la maison familiale des Whitman à Long Island le 27 juillet 2019, en l honneur du bicentenaire de Walt Whitman et du 141 e anniversaire de la danseuse et chorégraphe Isadora Duncan. Le ballet, qui allie le mouvement naturel prôné par Duncan et la poésie de Walt Whitman, rend hommage à ces deux artistes dont l œuvre et l influence ont à jamais bouleversé le paysage poétique et chorégraphique américain. 2 La compagnie Dance Visions, fondée par Beth Jucovy (qui en est également la directrice artistique) se spécialise dans le style Duncan et œuvre à perpétuer la tradition chorégraphique et la philosophie de la danse de cette pionnière de la danse moderne. Beth Jucovy a appris les ballets d Isadora Duncan, ainsi que toute sa technique et son esthétique si particulière, auprès d Anna Duncan une ancienne «Isadorable», comme étaient surnommées les élèves de Duncan puis auprès de Julia Levien et Hortense Kooluris, qui font partie de la deuxième génération de danseuses spécialisées dans le style Duncan. Outre les représentations et les créations chorégraphiques, la compagnie a une fonction de conservation et de transmission du matrimoine : il faut ici rappeler que la danse américaine moderne doit beaucoup aux femmes, à des artistes engagées comme Loïe Fuller, Isadora Duncan, Ruth Saint Denis, Martha Graham ou Doris Humphrey, qui ont révolutionné la danse, repensé toute l approche au corps et au mouvement, et fondé une tradition de la transmission d une certaine philosophie de la danse américaine en créant leurs écoles. En œuvrant pour la conservation de l école Duncan, Dance Visions s inscrit directement dans cette tradition et rend hommage au matrimoine de la danse américaine.

272 270 3 Née à San Francisco en 1877, Isadora Duncan se considérait comme «la fille spirituelle de Walt Whitman» ; dans son autobiographie, Duncan explique que l inspiration pour sa philosophie de la danse une danse «naturelle», qui ne restreint pas le corps mais en célèbre la beauté naturelle et le mouvement non entravé lui est venue de la contemplation de la beauté sauvage du territoire américain : I have discovered the dance. I have discovered the art which has been lost for two thousand years. ( ) I bring you the dance. I bring you the idea that is going to revolutionize our entire epoch. Where have I discovered it? By the Pacific Ocean, by the waving pine-forests of Sierra Nevada. I have seen the ideal figure of youthful America dancing over the top of the Rockies. The supreme poet of our country is Walt Whitman. I have discovered the dance that is worthy of the poem of Walt Whitman. I am indeed the spiritual daughter of Walt Whitman. For the children of America I will create a new dance that will express America. (Duncan I., 2013 : 21-22) 4 Comme Whitman, Duncan célèbre la jeunesse et la vigueur du corps américain, ainsi que la majesté de son territoire. Tout comme son père spirituel aime à offrir des images de corps en mouvement, de corps d ouvriers qui travaillent (on pense par exemple au charpentier, au maçon ou au cordonnier en plein labeur du poème «I Hear America Singing», auquel fait référence le titre du ballet et que Duncan reprend dans son fameux «I See America Dancing»), la danse que Duncan imagine pour l avenir est une danse qui rejette une certaine tradition aristocratique de la danse et honore la noblesse du corps naturel. Cette dimension démocratique, très américaine, est commune à Whitman et Duncan ; dans Leaves of Grass, la danse telle qu elle se pratiquait dans la bourgeoisie ou la noblesse au XIX e siècle selon des codes genrés et sociaux stricts est vue comme un divertissement décadent et malsain dans la 7 e section de «Song of the Exposition» par exemple : Away with old romance! Away with novels, plots and plays of foreign courts, Away with love-verses sugar'd in rhyme, the intrigues, amours of idlers, Fitted for only banquets of the night where dancers to late music slide, The unhealthy pleasures, extravagant dissipations of the few, With perfumes, heat and wine, beneath the dazzling chandeliers. (Whitman W., 2002 : 170) 5 Cette danse, artificielle, bourgeoise, anti-démocratique («the extravagant dissipations of the few») et malsaine, qui ne se danse que dans l atmosphère étouffante des salles de bal, est vivement condamnée par celui qui s auto-proclame le «poète du corps» dans «Song of Myself». Au contraire, quand Whitman représente les classes populaires qui dansent, leur danse est toujours spontanée et joyeuse, comme dans la 15 e section de «Song of Myself» («The bugle calls in the ball-room, the gentlemen run for their partners, the dancers bow to each other», Leaves of Grass, 37) ; les bourgeois dansent dans des salles de bal confinées, tandis que les ouvriers dansent le plus souvent dehors (dans «Native Moments», «Our Old Feuillage» ou «We two Boys Together Clinging», par exemple). La valse qui régnait dans les salles de bal en Europe et aux États-Unis à l époque disparaît bien souvent au profit de danses populaires plus libres et dynamiques comme la gigue («Proud Music of the Storm», Leaves of Grass, 341) ou les danses mystiques, dionysiaques, énumérées dans le même poème. Dans son essai «La Danse de l avenir» (1903) 1, Isadora Duncan rejette quant à elle toute la tradition noble du ballet européen, cet art «aristocratique» prend sa source à la cour de Louis XIV, qui entrave et déforme les corps avec ses codes rigides :

273 271 The school of the ballet today, vainly striving against the natural laws of gravitation or the natural will of the individual, and working in discord in its form and movement with the form and movement of nature, produces a sterile movement which gives no birth to future movements, but dies as it is made ( ) look under the skirts, under the tricots are dancing deformed muscles. Look still farther underneath the muscles are deformed bones. A deformed skeleton is dancing before you. This deformation through incorrect dress and incorrect movement is the result of the training necessary to the ballet. The ballet condemns itself by enforcing the deformation of the beautiful woman s body! (Copeland R. et M. Cohen, 1983 : 263) 6 Tout comme Whitman admire les «membres souples» et la démarche «libre et élastique» de la jeune squaw dans la 6 e section de «The Sleepers» 2, Duncan écrit : 7 The movements of the savage, who lived in freedom in constant touch with Nature, were unrestricted, natural and beautiful. Only the movements of the naked body can be perfectly natural. Man, arrived at the end of civilization, will have to return to nakedness, not to the unconscious nakedness of the savage, but to the conscious and acknowledged nakedness of the mature Man, whose body will be the harmonious expression of his spiritual being. (Ibid.) 8 Duncan s inspire également de Whitman dans sa conception de la pédagogie ; dans «Song of Myself», Whitman convoque l image d un pédagogue-élève, en perpétuel apprentissage, dans la 16 e section («A learner with the simplest, a teacher of the thoughtfullest, / A novice beginning yet experient of myriads of seasons», Leaves of Grass, 40) et prône une vision agonistique de l enseignement qui ne soumet pas l élève au maître, mais l encourage au contraire à le dépasser, dans la 47 e section : «I am the teacher of athletes, He that by me spreads a wider breast than my own proves the width of my own, He most honors my style who learns under it to destroy the teacher.» (Whitman W., 1955 : 73) 9 De même, Duncan souhaite libérer la créativité et les corps de ses élèves : My intention is, in due time, to found a school, to build a theatre where a hundred little girls shall be trained in my art, which they, in their turn, will better. In this school I shall not teach the children to imitate my movements, but to make their own. I shall not force them to study certain definite movements; I shall help them to develop those movements which are natural to them. Whosoever sees the movements of an untaught little child cannot deny that its movements are beautiful. They are beautiful because they are natural to the child. (Copeland R. & Cohen M., 1983 : ) 10 Whitman, le «poète du corps», aimait la danse, qui apparaît dans Leaves of Grass comme l exultation du corps en mouvement, et incarne également pour le poète la démocratie (tous les corps en mouvement sont beaux), et ce que Jimmie Killingsworth a appelé la «moralité physique» whitmanienne 3 un rejet de l oisiveté bourgeoise et de ses codes sociaux en faveur d une saine valorisation du corps en mouvement. La danse incarne également le lyrisme whitmanien, la fluidité identitaire et corporelle du sujet lyrique dans Leaves of Grass 4. Il n est donc pas surprenant que celui qui a chanté l Amérique et le corps américain ait été une telle source d inspiration pour les pionniers de la danse américaine moderne ; outre Duncan, Whitman apparaît comme un modèle d américanité et d innovation formelle chez Ted Shawn et Lincoln Kirstein, une figure tutélaire pour toute une nouvelle génération de danseurs, de l école Denishawn à

274 272 Martha Graham, et sa quête démocratique trouve un écho dans les travaux du New Dance Group dans les années Le ballet créé par Beth Jucovy et Shirley Romaine rend hommage à l esprit novateur de Duncan et Whitman, alternant soli et tableaux de groupe, tous précédés d une lecture d un poème de Whitman. Les danseurs étaient accompagnés au piano par Mark Fiedler, qui a joué une sélection majoritairement composée de valses par Chopin, Brahms, Schubert, Strauss et Glück. Les divers tableaux dansent la nature, les éléments, le corps naturel et les émotions. «Ménade», interprétée par Louisa Cathcart sur la valse n 11 en si mineur de Brahms (Opus 39) danse le flux continuel de l univers qui converge vers le sujet dans la section 20 de «Song of Myself» («I know I am solid and sound, / To me the converging objects of the universe perpetually flow», Leaves of Grass, 42), et incarne à la fois l ancrage terrien du sujet lyrique et la fluidité de son être et de ses identifications multiples dans une danse dionysiaque tout autant whitmanienne que duncanienne. Louisa Cathcart in «Maenad» Whitney Browne 12 Le tableau suivant, intitulé «Gypsy», interprété par Vanessa Ferranti sur la valse en mi mineur (Opus 39, n 4) de Brahms, est précédé d une lecture de la célèbre section 21 de «Song of Myself» qui s ouvre sur la déclaration «I am the poet of the Body ; / And I am the poet of the Soul» (Leaves of Grass, 43). Dans le plus pur style Duncan, la chorégraphie joue de l envol vaporeux du costume, inspiré des toges fluides de la Grèce antique ; la «gitane» est vêtue de rouge, et sa danse célèbre la sensualité de la terre et du corps féminin libre de toute entrave que chante Whitman dans cette section de Leaves of Grass : I am the poet of the woman the same as the man; And I say it is as great to be a woman as to be a man; And I say there is nothing greater than the mother of men. ( )

275 273 I call to the earth and sea, half-held by the night. ( ) Smile, O voluptuous, cool-breath'd earth! Earth of the slumbering and liquid trees; Earth of departed sunset! earth of the mountains, misty-topt! Earth of the vitreous pour of the full moon, just tinged with blue! Earth of shine and dark, mottling the tide of the river! Earth of the limpid gray of clouds, brighter and clearer for my sake! Far-swooping elbow'd earth! rich, apple-blossom'd earth! Smile, for your lover comes! (Whitman W., 2002 : 43) Vanessa Ferranti in «Gypsy» Noel Valero 13 Par son aspect joueur et séducteur, la danse de cette «gitane» rappelle en outre les danses espagnoles qui étaient beaucoup dansées sur scène au XIX e siècle particulièrement par Fanny Elssler, la «danseuse païenne» comme la surnommait Théophile Gautier, qui avait fait de la «cachucha» sa spécialité et avait connu un immense succès lors de sa tournée américaine en Whitman, qui mentionne ces danses espagnoles dans la section 3 de «Salut au Monde» 5, avait même créé un personnage de danseuse espagnole inspiré d Elssler dans The Life and Adventures of Jack Engle. La «gitane» incarne cette «terre voluptueuse» que chante Whitman, cette féminité opulente et délibérément terrienne : comme Martha Graham après elle, Duncan dansait pieds nus et enseignait à ses élèves à faire de même, car c est ainsi que le corps du danseur est réellement ancré dans le sol, dans la terre, et en contact avec les éléments naturels. Ce rapport d ancrage du corps en mouvement à la terre, cette osmose naturelle entre le corps humain et la terre, font bien évidement penser à l enfant pieds nus dans «Out of the Cradle Endlessly Rocking» 6 ou à la réaction physique, viscérale, à la musique du locuteur dans la section 26 de «Song of Myself» qui se représente pieds nus dans les vagues, dans une posture très duncanienne 7. Le ballet «I hear America singing, I see America dancing» comporte un tableau intitulé «Narcissus», dansé par Nam Jiemvitayanukoon 8 sur la valse en ré bémol majeur, opus

276 274 64, n 1 de Chopin, précédé d une lecture de «Not heat flames up and consumes», extrait de «Calamus» (Leaves of Grass, ). Nam Jiemvitayanukoon in «Narcissus» Melanie Futurion. At Central Park, Bethesda Fountain 14 Outre le rapport aux éléments (eau, feu) présents dans le poème de Whitman et inhérents au style Duncan, la chorégraphie célèbre la sensualité du corps masculin un thème cher à Walt Whitman, qui dans Leaves of Grass représente surtout des hommes qui dansent, en rupture totale avec les conventions de son époque. Whitman écrit en effet à une période qu on a surnommée dans l histoire de la danse «l âge d or de la ballerine», tant les ballets du XIX e siècle mettent la danseuse sur pointes au centre de la chorégraphie (tandis que son partenaire se voit relégué à un rôle de soutien pour les portés) et sa fascination pour le corps masculin qui danse est à contre-courant des conventions de son époque. 15 Le titre du ballet de Jucovy et Romaine évoque cette déclaration de Duncan dans son autobiographie : In a moment of prophetic love for America Walt Whitman said: "I hear America singing," and I can imagine the mighty song that Walt heard, from the surge of the Pacific, over the plains, the voices rising of the vast Choral of children, youths, men and women, singing Democracy. When I read this poem of Whitman's I, too, had a Vision the Vision of America dancing a dance that would be the worthy expression of the song Walt heard when he heard America singing. This music would have a rhythm as great as the exhilaration, the swing or curves of the Rocky Mountains. ( ) it would be like the vibration of the American soul striving upward, through labour to harmonious life. (Duncan I., 2013 : ) 16 Fidèle à l esprit de Duncan et à celui de Whitman, «I hear America singing, I see America dancing» danse le corps américain libre, son rapport organique au territoire américain, ainsi que la démocratie incarnée dans ses corps en mouvement libérés de toute contrainte.

277 275 Dancers at the Walt Whitman Birthplace after the performance BIBLIOGRAPHIE Chevrier-Bosseau, Adeline, «Dance in Walt Whitman s Leaves of Grass: Haptic Connectedness and Lyric Choreography», in Agnès Derail et Cécile Roudeau (dir.), Whitman, Feuille à feuille, Paris, Presses de l ENS, 2019, p Copeland, Roger, et Cohen, Marshall (dir.), What is Dance? Readings in Theory and Criticism, Oxford & New York, Oxford University Press, Derail, Agnès, et Roudeau, Cécile, Whitman, Feuille à feuille, Paris, Presses de l ENS, Duncan, Isadora, My Life [1927] New York & London, Liveright Publishing, Duncan, Isadora, «The Dancer of the Future», in Roger Copeland & Marshall Cohen (dir.), What is Dance? Readings in Theory and Criticism, Oxford & New York, Oxford University Press, 1983, p Jucovy, Beth, et Romaine, Shirley. «I hear America singing, I see America dancing», compagnie Dance Visions, première représentation à la Jericho Library, New York, avril Killingsworth, Jimmie, Whitman s Poetry of the Body; Sexuality, Politics, and the Text, Chapel Hill & London, University of North Carolina Press, Whitman, Walt, Leaves of Grass and Other Writings [1955] Michael Moon (dir.), New York, Norton, 2002.

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