Entre sujet et objet de soin, quelle place pour le patient?

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1 I.F.S.I. de l E.R.F.P.P. du G.I.P.E.S. d Avignon et du Pays de Vaucluse GARCIA Laura Promotion Entre sujet et objet de soin, quelle place pour le patient? Unité d Enseignement 5.6. S6 : "Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles " Directrice de mémoire : SOLLIER Céline Date de remise : 23/05/2022

2 Note aux lecteurs : «Il s agit d un travail personnel et il ne peut faire l objet d une publication en tout ou partie sans l accord de son autrice.»

3 Remerciements : Je souhaite débuter en remerciant Madame SOLLIER Céline, ma directrice de mémoire, qui m a vu rire et pleurer en faisant ce travail mais qui m a parfaitement guidé et soutenu tout du long. Je vous remercie pour votre temps, votre patience et vos conseils qui m ont été précieux. Monsieur GADY Hervé, mon référent pédagogique, sur qui j ai toujours pu compter, et avec qui j ai beaucoup ri et bu de nombreux cafés! Je vous remercie du soutien moral et des encouragements que vous avez pu me donner. L ensemble des formateurs du GIPES et des intervenants, pour l encadrement et la richesse intellectuelle de ces trois années de formation, et grâce à qui j ai acquis les savoirs théoriques essentiels à la pratique de ce beau métier. Rébecca, Anne-Lise et Isabelle, les documentalistes du GIPES, pour leur aide pendant mes recherches ainsi que leur disponibilité et leur écoute tout au long de cette formation. Un remerciement tout particulier aux quatre infirmiers interrogés, sans qui ce devoir ne serait pas ce qu il est. Je vous remercie pour votre participation, votre sincérité, et votre implication en ayant pris de votre temps, personnel et professionnel. Aux infirmiers rencontrés en stage qui m ont transmis leur savoir pratique et m ont permis de devenir l infirmière que je suis en terminant ce devoir, ainsi que l ensemble des personnels soignants et non soignants que j ai eu la chance de rencontrer. Merci pour votre bienveillance et votre gentillesse à mon égard. J ai fait de très belles rencontres Florent, pour sa relecture et ses encouragements dans la fin de l écriture de ce travail. Julie et Charline, mes camarades de promotion devenues des amies, avec qui j ai partagé ces trois années qui n ont pas été tendres avec nous du fait du Covid-19. Merci pour tous ces instants de rires qui nous ont permis de décompresser. Vous avez égayé mes journées et je vous en remercie. Toute ma famille, et plus particulièrement mes parents, mes sœurs et mes grands-parents paternels, que j aime infiniment. Merci à ma maman, pour les heures passées à m interroger avant les partiels. Nicolas et Raphaël, mes meilleurs amis depuis maintenant dix-huit ans, qui ont toujours été présents pour moi, qui m ont fait rire mais ont également séché mes larmes. Je vous remercie pour votre soutien. J espère vous garder toujours dans ma vie. Je vous aime. Et enfin à toi qui prends de ton temps pour lire mon travail et le faire perdurer. J espère qu il te permettra de débuter une réfection sur le sujet et qu il t apportera quelques réponses

4 Joueur de blouse On dit bien souvent «l habit ne fait pas le moine», En psychiatrie parfois, celui-ci nous dédouane. Et si dans les médias on nous dit «blouses blanches», Elles ne donnent surtout pas pour tout, «carte blanche». «Approchez la distance», voilà une injonction, Une bonne occasion de se remettre en question. Ce titre est accrocheur, voire interrogateur, Mais il renvoie aussi, à tout notre intérieur. Car comment réunir deux mots si opposés, Dans une relation dite soignant-soigné. L équilibre est pour tous, une recherche permanente, L atteindre reste une chose, pas du tout évidente. Avouez que dès le départ, tout est un peu faussé. D un côté les soignants, de l autre les soignés. Nos blouses et nos statuts sont là pour rappeler, Où se trouvent la science et puis l autorité. On revêt donc ces blouses comme si cette carapace, Pouvait nous protéger de nos peurs, nos angoisses. Comme si le fait de porter ce signe distinctif, Devait nous dispenser de rester attentif. Sous prétexte de vouloir, ainsi se différencier, Pour autant, certaines bases nous devons respecter. Combien de fois, il nous arrive de rencontrer, Sans même prendre la peine, de se présenter. Cette blouse est un peu notre permis de soigner. Mais reste trop souvent ceinture d sécurité. Elle n est finalement, qu vêtement d identité, Qu on devrait n utiliser, que comme un laisser-parler. Respectez vos distances, il peut venir un choc, Ne pas aller trop loin, surtout pas d équivoque. Comme si ce bout de tissu devait nous protéger, D une sortie de route, d un dérapage non-contrôlé. Pourquoi ne pas oser dire, qu elles sont aussi pouvoir, Quand on écoute parfois certains cris de couloir. Elles devraient nous permettre des abus de «pour voir», Pour que tous nos patients retrouvent un peu l espoir. 1

5 C est vrai que quelquefois, on impose la loi, Par le biais de «cachets», très souvent faisant foi. Ils nous conduisent alors, dans des chambres d isolement, Pour des soins de proximité tout en restant dix, et tant! Pour toutes ces vies, stoppées sur une aire d auto-doute, Qui ont besoin d aide, pour continuer leur route, Parce que parfois à une, deux ou même à quatre voix, Ils traversent des mondes que nous ne maîtrisons pas. A force de penser qu on les connaît très bien, On finit par oublier qu il faut tisser du lien. Et même si son propos souvent, peut dérouter, Un de nos rôles propres est déjà d écouter. Quel droit avons-nous donc aussi de tutoyer, Est ce réduire la distance, cette familiarité? Je suis de ceux qui pensent, que le vouvoiement, Est marque de respect et non d éloignement. Mettre de la distance, c est dire «à tout à l heure» Parler proximité, c est arrêter une heure. Qui parmi nous est capable d infirmer, Que nous avons bien du mal parfois, à préciser. Nous sommes dans la maîtrise du savoir différer, Cela nous permet ainsi de plus nous préserver. Et puis ça nous évite, de trop nous engager, Sans doute par cette crainte de devoir affronter. Parce qu elle reste bien plus qu une vraie protection, Parce qu elle donne le pouvoir de trop souvent dire non. Elle devrait être repère, et source de confiance, Elle est synonyme trop souvent de puissance. En matière de blouse, nous sommes donc joueurs, Nous l utilisons bien au gré de nos humeurs. Aller vers le patient n est pas toujours aisé, Mais alors pourquoi, rendre tout compliqué? Il suffit d écouter, certainement respecter, Ce que veut dire souffrance et puis fragilité. Soigner c est prendre un train, compartiment douleur, Aider dans ces voyages, à mettre la vie à l heure. Yves-Marie FROT Le 19 mars

6 SOMMAIRE : Introduction Situations d appel Situation d appel n Situation d appel n Questionnement Cadre de références Le soin La subjectivation du patient dans le soin Enquête exploratoire Choix de l outil Choix de la population Lieux d investigation Guide d entretien Analyse des entretiens Le soin La subjectivation du patient dans le soin Notions nouvelles Limites de l enquête exploratoire Problématique Question de recherche Conclusion Bibliographie Annexes...

7 INTRODUCTION Au terme de ces trois années d étude à l Institut de Formation en Soins Infirmiers 1, j ai décidé de rédiger mon Travail Ecrit de Fin d Etudes 2 sur la subjectivation du patient dans le soin. Ce travail est le fruit d une réflexion qui se poursuivra dans ma future pratique professionnelle. En effet, j ai pu observer l importance de la relation soignant-soigné et son impact sur le soin prodigué. Je me suis interrogée sur le comportement des soignants lors de stages, et la façon dont ils pouvaient considérer les patients comme sujets ou objets de soin. J ai pu observer divers comportements et situations qui ont nourri ma réflexion. J ai décidé de travailler à partir de deux situations qui m ont marqué de par leur contraste dans la prise en compte du patient dans le soin. Ce travail va me permettre de me questionner sur ma propre pratique soignante afin de faire évoluer la relation établie avec les patients. Au cours de la formation, nous avons eu de nombreux apports théoriques sur l importance de la relation soignant-soigné, or, si celle-ci est primordiale, elle n en reste pas moins subjective car elle dépend des personnes qui entrent en relation. Je débuterai mon travail en décrivant les deux situations vécues en stage à partir desquelles ma réflexion est partie, puis j expliciterai le questionnement qui en a découlé, pour arriver à ma question de départ. Je présenterai mon cadre de références qui m a permis d apporter des éléments de réflexion. Par la suite, je réaliserai une enquête exploratoire auprès des professionnels ciblés, puis j analyserai les résultats obtenus, avant de critiquer les limites de ce travail. Enfin, je confronterai les résultats obtenus lors de l enquête exploratoire avec ceux de mon cadre de références pour rédiger ma problématique, et je terminerai en formulant ma question de recherche à partir des éléments nouveaux que l enquête exploratoire m aura apportés. 1 Institut de Formation en Soins Infirmiers = I.F.S.I. 2 Travail Ecrit de Fin d Etudes = T.E.F.E. 1

8 1. SITUATIONS D APPEL Pour mon T.E.F.E., j ai choisi de présenter deux situations qui se sont déroulées durant le premier stage de ma deuxième année à l Institut de Formations en Soins Infirmiers d Avignon. J ai réalisé ce stage de cinq semaines dans un service de cardiologie d un hôpital local. Ce service est organisé en différents secteurs. Dans le secteur des soins continus se trouvent douze lits en chambres individuelles, dédiés à la surveillance des patients en postangioplastie coronaire, sortie de soins intensifs, pathologies à surveillance continue de gravité intermédiaire entre secteur traditionnel et soins intensifs. Dans le secteur d hôpital de semaine se trouvent dix lits réservés à l'admission des patients pour des examens invasifs programmés (coronarographie, exploration électro-physiologique, implantation de stimulateur cardiaque) qui auront un séjour de courte durée pouvant être inférieur à 24 heures. Enfin, dans le secteur ambulatoire Salle de Surveillance Post-Interventionnelle 3 se trouvent trois lits de soins ambulatoires pour les patients sortant de coronarographies ou d explorations du faisceau de His, ainsi que quatre lits de soins post-interventionnels réservés à des patients venant de subir des interventions sous anesthésie générale et des angioplasties complexes. Concernant les professionnels y travaillant, on y trouve en permanence quatre infirmiers, répartis sur les différents secteurs, dont deux qui travaillent ensembles en SSPI ; ainsi que trois aidessoignants répartis sur les trois secteurs et des agents de services hospitaliers. Ils travaillent en 7h36. De plus, nous retrouvons une cadre de santé et un médecin dans le service. Pour finir, deux blocs opératoires se trouvent dans le service, où nous pouvons retrouver des chirurgiens, anesthésistes et des infirmiers de bloc opératoire SITUATION D APPEL N 1 Ma première situation d appel se déroule un vendredi et je suis d horaires du matin. Je suis à la fin de ma quatrième semaine de stage lorsqu une patiente de 68 ans, Madame B., est hospitalisée dans le service pour un infarctus du myocarde traité par coronarographie avec pose d un stent sur l artère Inter-Ventriculaire Antérieure proximale. La patiente se trouve dans mon secteur. Madame B. est une femme mariée, n ayant pas d enfant, qui a travaillé comme aide-ménagère toute sa vie. Comme antécédents, en plus de son récent infarctus du myocarde, elle a une maladie de Crohn, une hypertension artérielle et un tabagisme sevré. Elle présente depuis plusieurs jours une altération de l état général liée à une restriction volontaire 3 Salle de Surveillance Post-Interventionnelle = S.S.P.I. 2

9 de ses apports alimentaires du fait d une poussée de sa maladie de Crohn qui lui cause des douleurs abdominales et des nausées. A la suite de sa coronarographie, l état de Madame B. ne s améliore pas en raison de sa dénutrition. A cause de cela, elle est très dépendante et a besoin d aide dans la plupart des actes de la vie quotidienne, ce qui n était pas le cas auparavant. Il a alors été proposé par le médecin de lui placer une sonde nasogastrique afin de lui apporter une nutrition entérale. La patiente est en accord avec ce soin. Il est 14h00 lorsque le médecin du service arrive dans la chambre de la patiente. L infirmière et moi-même sommes entrées dans la chambre, emportant avec nous le chariot d urgence à la demande du médecin. Un autre infirmier et une aide-soignante sont également présents dans la pièce, sans que je connaisse la raison de leur présence. J essaie de me positionner à une place où je ne les gêne pas, tout en pouvant observer. Je me place au pied du lit de la patiente, collée au mur, tandis que son mari sort dans le couloir en attendant que la sonde nasogastrique soit posée. Le soin débute et est réalisé par le médecin. La patiente ne réussit pas à déglutir la première sonde, qui s enroule dans sa gorge au lieu de descendre dans son œsophage, malgré ses nombreux essais pour l avaler. Une seconde sonde nasogastrique est utilisée, mais cela se solde également par un échec. Durant tout ce temps, la patiente fait un réel et visible effort pour avaler la sonde. Je peux en témoigner car celle-ci me regarde tout du long et semble très concentrée pour que le soin se déroule le plus rapidement possible. Son visage est crispé et traduit son anxiété qui augmente progressivement. Après une courte pause, de trois minutes tout au plus, il est décidé de réessayer une dernière fois. Mme B. réussit à avaler la sonde, et alors que nous pensons que le soin se déroule bien, le scope se met à indiquer une tachycardie avec une chute de la tension artérielle. Le médecin retire rapidement la sonde, puis Mme B perd connaissance et fait un arrêt cardio-respiratoire. A ce moment-là, je ne bouge pas, il y a tellement d agitation déjà dans la pièce. Je sais pertinemment que les personnes présentes sont bien mieux formées que moi et que je risquerais de gêner leur organisation que je ne connais pas. Cependant, je ne souhaite pas sortir de la pièce, sauf si on me le demande, car je n ai jamais eu l occasion d assister à une prise en charge d urgence, et je pense que cela peut être formateur, malgré que ce soit tragique pour cette dame. J observe ce qui se passe. Le médecin allonge immédiatement le lit de la patiente et débute un massage cardiaque. Il me semble être concentré sur la bonne réalisation de ses gestes pour une prise en charge optimale. Il a une attitude réactive et ordonnée. L aide-soignante présente dans la pièce en sort, en ne refermant pas complètement la porte derrière elle, ce qui m étonne car le mari 3

10 de Mme B est dans le couloir. L infirmier présent dans la chambre prend aussitôt les choses en main pour préparer l oxygène et ballonner la patiente tandis que l infirmière qui m encadre ce jour-là s apprête à sortir le défibrillateur automatique. Mais à ce moment-là le scope nous indique un rythme cardiaque. L agitation retombe, et la patiente reprend connaissance quelques secondes plus tard. Elle reste très calme dans son lit. Le médecin lui parle avec une voix calme et rassurante en lui expliquant que la pose de la sonde nasogastrique n a pas réussi et qu elle a fait un arrêt cardiaque qui a rapidement pu être repris. Elle lui dit également qu elle va être changée de service pour aller en service de Soins Intensifs de Cardiologie 4 pour avoir une surveillance plus importante. Le médecin sort de la chambre pour aller en informer le mari de Mme B, toujours dans le couloir. J ai suivi l infirmière qui m encadrait ce jour-là jusqu à la salle de soin. Nous avons eu peu d échanges au sujet de l arrêt cardiaque auquel je venais d assister. Elle m a expliqué avoir récupéré le dossier de la patiente pour le donner au médecin pour le changement de service puis elle m a demandé si je devais y aller, et puisque j avais fini ma journée de stage depuis longtemps déjà, et que j avais un impératif en fin d après-midi, j ai répondu que oui et je suis partie. Même si cette situation n a pas duré plus d une minute, j ai pu observer que les soignants présents n ont pas tous réagi de la même manière. Il n était pas prévu que je retourne en stage durant le week-end et lorsque je suis revenue le lundi, j ai demandé des nouvelles de la patiente, qui était désormais hospitalisée dans le service de S.I.C.. Elle allait bien et une sonde nasogastrique avait pu lui être posée sans soucis. Il ne me restait que cinq jours de stage, et je ne l ai jamais revu. Aucun membre de l équipe ne m a jamais reparlé de cette patiente et de son arrêt cardiaque, et je ne me suis pas sentie non plus d aller vers l équipe pour en reparler SITUATION D APPEL N 2 Ma seconde situation d appel a également eu lieu durant mon stage dans le service cardiologie. J ai eu la chance de pouvoir passer la matinée au bloc opératoire qui se trouve dans le service. Ce jour-là, j ai pu assister à deux coronarographies et poses de stents avec un premier chirurgien, puis une opération du faisceau de His et pose d un Holter sous-cutané implantable avec un second chirurgien. Tout d abord, j ai pris place dans le bloc opératoire pour assister à deux coronarographies avec un premier chirurgien. Les deux coronarographies se sont déroulées de 4 Soins Intensifs de Cardiologie = S.I.C. 4

11 manière presque identique concernant la posture du chirurgien, donc je vais en faire une description globale, malgré que le premier patient soit un patient arrivé en urgence, et que le second soit une opération programmée. Dans les deux cas, la pose d un stent sur une artère coronaire a été nécessaire. A chaque fois, le chirurgien discute avec l équipe et les patients avant de débuter l intervention, et garde une attitude décontractée par la suite. Le chirurgien explique ce qu il réalise afin que le patient et moi-même soyons informés de ses gestes. Il me laisse la possibilité de donner mon avis sur la coronaire bouchée en regardant sur l écran audessus du patient, ce que j apprécie fortement. Il rassure le patient, notamment celui arrivé en urgence, et il prend en compte ce que le patient ressent. A ce moment, je me dis que le patient est réellement considéré en prenant en compte le physique et le psychique, en le prenant en soin dans sa globalité. Le chirurgien ne laisse pas transparaitre d émotions négatives. Il reste concentré, tout en étant agréable avec l équipe et le patient et en discutant avec celui-ci. Il est calme, rassurant et sympathique. Il met une ambiance agréable et apaisée dans le bloc opératoire. Dans un second temps, j ai assisté à une intervention sur un faisceau de His avec un second chirurgien. Cette intervention était réalisée sur une jeune fille de 16 ans, qui fait régulièrement des malaises vagaux et chez qui un problème au niveau d une de ses valves cardiaques a récemment été découvert. Je m occupe de cette patiente depuis plusieurs jours et une relation de confiance s est établie entre elle et moi. Pour cette intervention, le chirurgien a pour objectif de stimuler électriquement son cœur, afin de provoquer un malaise et de déterminer l activité électrique nécessaire pour qu elle fasse un malaise. Par conséquent, la patiente doit être réveillée et n avoir qu une anesthésie locale, afin de pouvoir communiquer avec le chirurgien et qu il puisse observer la clinique chez elle. Avant de rentrer dans le bloc opératoire, des membres de l équipe m ont prévenu que le chirurgien est angoissé pour cette intervention. Aux dires de l équipe, il semblerait qu il ait régulièrement une attitude anxieuse au bloc opératoire, mais cette fois-ci son angoisse semble être majorée. L équipe émet l hypothèse que cette angoisse pourrait venir du fait que ce chirurgien ait une fille du même âge que la patiente. J ai donc pris place dans le bloc, en essayant de ne pas déranger le chirurgien par ma présence. Je me suis discrètement placée à côté de l infirmière et des écrans de contrôle des stimulations électriques. J observe le chirurgien augmenter progressivement l intensité électrique. Mais au fur et à mesure, la patiente est de plus en plus angoissée et se met à pleurer. Elle demande à ce que je m approche pour lui tenir la main. Le chirurgien 5

12 accepte et je me place du côté gauche de la patiente, puisque le chirurgien est placé à sa droite. Je glisse ma main sous le champ stérile pour attraper la main de la patiente avec ma main gauche, et je pose ma main droite sur le haut de son front d un geste rassurant afin qu elle puisse se détendre. Ma place me permet d avoir une bonne vision des expressions du visage et de la gestuelle du chirurgien. Il me semble percevoir au travers de ses expressions que son anxiété augmente au fur et à mesure qu il augmente l intensité de l électricité. Il fait d ailleurs une remarque à ce sujet à l infirmière, lui disant qu il arrive à un niveau élevé et qu il ne va bientôt plus pouvoir continuer à augmenter. Il soupire dans son masque, ce que je perçois comme un signe d agacement. Ses regards sont fuyants, il marmonne et fronce régulièrement les sourcils. Durant tout ce temps, le chirurgien ne s adresse pas à moi et ne m explique pas ce qu il est en train de réaliser. Il a une attitude froide avec l équipe et la patiente, à qui il ne s adresse qu avec des questions brèves concernant l apparition de signes de malaise, sans prendre en compte ses pleurs et sans essayer de la rassurer. Il ne parait pas prendre en compte son inquiétude. Le chirurgien me parait essayer de cacher ses émotions de cette façon, puisqu il parle avec une voix froide mais dans laquelle je perçois des tremblements. Ne réussissant pas à provoquer un malaise à la patiente, le chirurgien dit à la patiente qu il va lui poser un Holter sous-cutané implantable afin d enregistrer son rythme cardiaque pour le corréler avec les signes ressentis par la patiente (malaises, palpitations) comme cela lui avait été expliqué auparavant. Cela permet de rechercher un trouble du rythme chez une personne faisant des malaises réguliers sans cause retrouvée. A la fin de l intervention, le chirurgien quitte le bloc opératoire sans que je puisse lui poser de questions. 6

13 2. QUESTIONNEMENT Ces situations m ont amené à avoir divers questionnements que je vais développer. Dans ma première situation, les soignants ont fait preuve d une grande réactivité dans leur prise en charge, en agissant immédiatement et efficacement pour donner le maximum de chance à la patiente. La patiente a fait un arrêt cardiaque en service de cardiologie, donc un service spécialisé dans les problèmes cardiaques. Je m interroge donc sur la possibilité que la prise en charge par les soignants diffère selon son lieu, et notamment dans des services non spécialisés. Cette première situation a eu lieu au début de ma seconde année d étude, ce pourquoi je me suis demandée si j aurais pu réagir autrement avec plus d expérience. Cette réflexion m amène à me questionner sur la réactivité d un soignant novice et d un soignant expert dans des situations d urgence, qu il soit novice du fait de l obtention récente de son diplôme, ou qu il le soit car il vient d arriver dans le service. Ma réflexion m a amené à me demander si la maitrise de la technicité par les soignants permet de mieux appréhender l aspect relationnel avec le patient durant un soin. Aussi, nous pouvons voir dans la première situation que le mari de la patiente est sorti dans le couloir pour permettre la réalisation de la pose de la sonde naso-gastrique à son épouse. Celui-ci est resté seul, et n a pas été pris en compte lorsque la patiente a fait l arrêt cardiaque. La situation lui a été expliquée par le médecin à sa sortie de la chambre de la patiente, une fois l urgence passée. Je me suis interrogée sur la manière dont les soignants peuvent inclure les familles des patients pendant et à la suite d une prise en charge. Dans ces deux situations d appel, les patients m ont paru angoissés. Je me questionne sur le rôle des soignants dans l identification, la prévention et la prise en charge de l angoisse ressentie par le patient lors d une hospitalisation, et le lien entre son angoisse et les représentations qu il peut avoir. Ces représentations peuvent concerner l hôpital, le matériel présent lors du soin comme le chariot d urgence, le lieu de la prise en charge comme le bloc opératoire, le motif d hospitalisation, ou la blouse blanche par exemple. Cela m amène aussi à m interroger sur l impact que peut avoir le nombre de soignants présents dans la pièce sur l angoisse du patient. Par extension, je m interroge sur la place de l étudiant dans l observation d un soin. Sa présence peut également ajouter de l angoisse au patient, qui voit la pièce se remplir d une personne de plus vêtue tout de blanc. Je m interroge aussi sur la manière dont l attitude du soignant peut impacter l angoisse des patients. 7

14 Nous savons qu il est préférable que le patient soit acteur de sa prise en charge. Nous pouvons voir cependant que dans la première situation, la patiente semble être considérée comme un objet de soin, ce qui s explique par le caractère d urgence de sa prise en charge. Le médecin se consacre à la bonne réalisation des gestes d urgence afin de donner un maximum de chance à la patiente. Par la suite, en post-urgence, elle me semble être considérée comme un sujet de soin par le médecin qui communique avec elle et lui explique avec douceur ce qui vient de se passer, la prenant en soin psychologiquement, en plus de la prendre en soin physiquement. La deuxième situation met en évidence différents comportements des soignants, dans des soins pourtant similaires. En effet, le premier chirurgien semble avoir eu une approche des patients comme des sujets de soin en communiquant avec eux et en prenant en compte leurs ressentis tout au long des interventions ; tandis que le second chirurgien semble avoir considéré la patiente comme un objet de soin, en ne tenant compte que de l aspect physique, sans prendre en compte l aspect psychique de la patiente. Cela m amène à me demander dans quelle mesure les soignants prennent en compte le côté psychologique des patients lors d un soin, et les considèrent comme des sujets de soin. Je me questionne donc sur l objectivation et la subjectivation du patient lors de sa prise en soin. Aussi, je m interroge sur la manière dont les émotions des patients peuvent être perçues par les soignants, lorsque la communication est non-verbale. La communication peut passer par les expressions du visage, comme c est le cas dans ma première situation lors de la pose de la sonde naso-gastrique. Pour finir, les différences observées dans la gestion des émotions des soignants m interpellent également. Lorsque nous devenons proches de certains patients, je me questionne sur la possibilité pour les soignants de rester professionnels tout en développant de l attachement pour les patients, et la notion de "juste distance" qui en découle. Le soignant étant humain, il peut parfois se sentir sous l emprise de ses émotions, ce pourquoi il me parait pertinent de questionner l impact que peuvent avoir les émotions des soignants sur le soin. Au vu de tous ces questionnements, je décide d orienter ma réflexion sur la subjectivation des patients et l impact que cela peut avoir sur le soin, en posant la question de départ suivante : «Dans quelle mesure la subjectivation du patient impacte le soin?». 8

15 3. CADRE DE REFERENCES 3.1. LE SOIN Le premier concept qui émane de ma question de départ est le soin, et c est à partir de celui-ci que cette première partie va se développer. Il me semble donc important de commencer par le définir pour mettre en avant sa subtilité. Selon Philippe Svandra, il semble être plus aisé de définir ce que sont les soins que de définir ce qu est le soin. Il met en évidence leurs sens différents selon que le mot soit employé au singulier ou au pluriel. En effet, si au pluriel les soins se réfèrent aux «actes de sollicitude, de prévenance envers quelqu un, actions par lesquelles on s occupe de la santé, du bien-être physique, matériel et moral d une personne» (CNRTL), il est intéressant de noter qu au singulier, le soin correspond au «souci, [à la] préoccupation [relative] à un objet, une situation, un projet auquel on s intéresse» (CNRTL). Ainsi, selon Philippe Svandra, le soin renvoie à l attitude que le soignant a envers le patient afin de lui porter une attention particulière. Walter Hesbeen fait également une différence entre les soins et le soin, en y intégrant la notion du métier : «Si les soins relèvent d un métier qui consiste à faire des soins que seuls des soignants dûment habilités peuvent poser dans un contexte professionnel, le soin, quant à lui, ne relève d aucun métier et est accessible à tout un chacun.» (2011, p. 17). De ce fait, ces auteurs nous montrent la complexité des soins infirmiers qui ne se limitent pas à prodiguer des actes techniques. S il n existe qu un mot unique en français pour définir les soins, qu ils soient techniques ou relationnels, en anglais le soin peut être traduit par deux mots : le "care" et le "cure". Selon Philippe Svandra, ce dernier correspond au fait de traiter et fait référence aux soins thérapeutiques, tandis que le "care" correspond au fait de prendre soin et «renvoie aux soins de préservation de la vie [et] dénote la dimension affective mobilisée par ce type d activité dont la plupart nécessitent d être réalisées avec «tendresse»» (2009, p. 2). Nadja Eggert décrit la pensée de Joan Tronto pour qui le "care" correspond à une activité et à une disposition humaine qui sont fondamentales, et qui renvoient à tout ce que nous faisons dans le but de prendre soin de nous et de notre environnement. Ainsi, «les quatre éléments d une éthique du care [sont] : l attention (se soucier de), la responsabilité (prendre en charge), la compétence (prendre soin), la capacité de réponse (recevoir le soin).» (Lefève, C., 2016, p. 204). Cependant, Cynthia Fleury nous dit bien que toute la subtilité du "care" réside dans le fait qu il ne se substitue nullement au "cure", mais qu il est l aura de celui-ci. 9

16 De plus, Jean-Marc Lebret détaille la différence entre "faire du soin" et "prendre soin". Pour lui, "faire du soin" renvoie aux soins techniques qui impliquent l objectivation du patient, tel que Descartes pouvait le faire avec sa vision mécaniste de la maladie. Tandis que selon lui, le "prendre soin" implique une considération du patient par le soignant, et donc renvoie davantage aux soins relationnels. Nous pouvons donc établir un lien entre le "cure" et le "savoir-faire" qui correspond au fait de "faire du soin", ainsi qu entre le "care" et le "savoirêtre" qui correspond plutôt au "prendre soin". Jean-Marc Lebret met en évidence la pensée de Walter Hesbeen selon qui c est la différence que nous faisons entre l idée de ««faire du soin» et celle de «prendre soin de quelqu un» [ ] qui permet d inscrire son action, le contenu de son métier, dans «une perspective soignante, porteuse de sens et aidante pour la personne soignée» (2007). Toujours selon Jean-Marc Lebret, le "prendre soin" implique une attention particulière portée par le soignant au patient qui vit une situation qui lui est également particulière. Cette attention particulière permet au soignant de veiller à contribuer au bien-être du patient et lui permet de veiller à conserver un soin de qualité, ce vers quoi le soignant doit toujours tendre dans ses relations avec la personne soignée. Selon Walter Hesbeen, quel que soit le contexte dans lequel il s exerce, «le soin véritable relève de la rencontre et du cheminement entre une personne soignante, professionnelle ou non, qui a pour intention d être aidante et une personne soignée qui nécessite d être aidée.» (1998, p. 23). Pour que le soin puisse avoir lieu, il est donc nécessaire que deux intervenants entrent en relation : le soignant et le soigné. Alexandre Manoukian définit la relation soignant-soigné comme une «rencontre entre deux personnes, c est-à-dire deux caractères, deux psychologies particulières et deux histoires» (Paillard, C., 2018, p. 349). Jean-Marc Lebret présente l évolution de cette relation en commençant par faire référence à Descartes et à sa vision mécaniste, selon qui le remplacement de l organe malade est suffisant pour guérir le patient, car il établit une dualité entre le corps et l âme. Il cite par la suite l Organisation Mondiale de la Santé qui définit en 1946 la santé comme étant «un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d infirmité» (Lebret, J-M., 2007), ce qui montre l évolution de la relation soignant-soigné dans notre société contemporaine avec une prise en compte du patient dans sa globalité, à la fois physique et mentale. Céline Lefève reprend cette même idée en disant que le corps et l âme d une personne ne peuvent être considérés séparément. 10

17 Cette relation entre le soignant et le soigné nous mène à nous questionner sur la distance dans le soin, cette «proximité distanciée ou comme le nomme Levinas le principe de «la séparation liante»» (Lebret, J-M., 2007) qui permet de créer une relation responsable. Celle-ci s appuie sur une relation de confiance selon Jean-Marc Lebret. En effet, Walter Hesbeen développe l idée selon laquelle la relation soignant-soigné est une rencontre qui a pour objectif de construire des liens de confiance. Selon lui, le soignant doit accueillir le patient de façon à permettre à cette relation de confiance de se créer. «Dépassant le simple respect sans verser dans une sensibilité contingente par nature, Paul Ricœur propose [la notion de] sollicitude. A la recherche d une hypothétique bonne distance, la sollicitude doit permettre au soignant d être bienveillant tout en permettant à autrui de demeurer lui-même» (Svandra, P., 2009, p. 3). Philippe Svandra poursuit son développement en faisant référence à la relation asymétrique entre le soignant et le soigné, mais propose l idée selon laquelle c est la personne soignée qui domine en obligeant le soignant à réagir dans la relation de soin. Il reprend l idée d Emmanuel Levinas qui compare cette relation à une prise en otage, car le soignant se sent obligé d agir du fait de la souffrance de la personne soignée. Jean-Marc Lebret évoque également cette relation soignant-soigné qu il considère comme déséquilibrée, et dans laquelle le soignant se sent impacté par des sentiments d affectivité et un certain don de lui-même. Philippe Svandra évoque deux philosophes contemporains, Gildas Richard et Robert Misrahi, qui, malgré leurs traditions philosophiques différentes, sont en accord pour dire que «le soin est une forme de don» (2009, p. 4). Il ajoute que «[le] soin trouve sa nature non pas dans le domaine qu il investigue (le corps), mais dans le but qu il se propose (la personne singulière).» (Ibid, p. 4). Pour finir, il ajoute que le soin est finalement à la fois une relation entre une personne soignante et une personne soignée, un don du soignant mais aussi un ensemble d actions qui mènent à une rencontre et un accompagnement entre ces deux protagonistes du soin, dans le but de réaliser le meilleur soin qu il leur est possible de prodiguer. L Organisation Mondiale de la Santé définit la qualité des soins comme étant «[une] démarche qui doit permettre de garantir à chaque patient la combinaison d actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en terme de santé, conformément à l état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains à l intérieur du système de soins» (Santé Publique). Selon 11

18 Zeynep Or et Laure Com-Ruelle, la qualité des soins est une notion qui prend en compte plusieurs dimensions qui peuvent être regroupées dans cinq indicateurs : «efficacité, sécurité, réactivité, accès et efficience» (2008, p. 4). Elles ajoutent que la mesure de cette qualité des soins prend en compte trois champs d investigation que sont la structure de soins, le processus de soins et les résultats finaux obtenus. Walter Hesbeen ajoute que «l accueil, l écoute, la disponibilité et la créativité des soignants, combinés à leurs connaissances de nature scientifique, et habiletés techniques, sont [les] déterminants essentiels d un soin de qualité.» (cité par Paillard, C., 2018, p. 332). Cependant Walter Hesbeen cite Reerink pour expliquer que la qualité est une notion subjective et dépend de l appréciation de chacun. Ainsi, selon lui, la qualité perçue dépend de la personne qui regarde avec toute sa subjectivité et nous avons tous notre propre perception de cette qualité. Pour lui, on ne peut tendre vers la qualité que lorsque la personne qui souhaite faire un soin de qualité porte une attention particulière au patient et le considère avec du respect. Pour qu un soin soit considéré comme étant de qualité, il nous dit qu il est nécessaire de considérer le patient dans son entièreté, ce qui signifie que l écoute et la disponibilité sont primordiaux. Enfin, Walter Hesbeen souligne que «des soins d une très grande qualité technique ou scientifique peuvent être faits ou donnés dans l oubli de la singularité et de la sensibilité de la personne à laquelle ils se destinent» (cité par Paillard, C., 2018, p. 332). Par cette phrase, il fait une différence entre la qualité du soin et la qualité des soins. Enfin, Walter Hesbeen place le professionnel de santé comme véritable acteur de la qualité du soin, de par l impact que peuvent avoir son attitude, son comportement et son investissement personnel. La qualité du soin passe par des valeurs soignantes que sont «la bienveillance, avec ses valeurs attachées : patience, douceur, attention, tolérance, compassion, empathie, etc.» (Dubas, F., 2012, pp ). Patrick Thominet évoque les valeurs et débute par associer le mot valeur aux valeurs morales qui conditionnent nos actes de la vie quotidienne, que nous soyons soignant ou non. Ainsi, selon lui, la valeur d une personne correspond à sa conscience morale observée au travers de ses actes, puisque la valeur n est évaluable que dans la réalisation pratique. Il poursuit en évoquant l importance des valeurs morales du soignant, partagées entre ses valeurs personnelles, et les valeurs professionnelles qu il a pu acquérir et développer en cours de formation et grâce à son expérience. Pour Danielle Blondeau la différence entre ses deux types de valeurs est dépassée. Selon elle, le professionnalisme n est pas le fruit d une superposition entre les valeurs personnelles et professionnelles de 12

19 l infirmière, mais se révèle être plutôt comme «un tout fondé essentiellement sur l exigence morale de la personne elle-même désignée sous le nom de conscience personnelle» (citée par Patrick Thominet, 2011, p. 36). Au travers de cette conception, Danielle Blondeau centre les valeurs sur les qualités morales de la personne, tout comme Pascale Tocheport le fait. Selon elle, les valeurs de l infirmière se rapportent à la morale, c est-à-dire à l ensemble des «règles, des normes, des lois et des valeurs qui nous guident dans l appréciation du bien à faire et du mal à éviter» (2011, p. 33). Enfin, Patrick Thominet détaille les trois valeurs fondamentales, ou valeurs absolues, que sont la tolérance, le respect et la sollicitude, qui doivent être toujours présentes, et cela sans exception. Il nous dit que celles-ci sont par ailleurs au cœur de la déclaration universelle des droits de l homme et réaffirmées par les codes de déontologie. Egalement, une valeur essentielle nécessaire au soin est la dignité, que Pascale Tocheport évoque. Selon elle, la dignité est le principe selon lequel toute personne doit être considérée comme une fin et jamais comme un moyen ni un objet. Elle nous dit que chaque personne possède une dignité inhérente et mérite le respect quel que soit son âge, son état de santé ou sa condition sociale. «Comme le mentionnait le philosophe Gabriel Marcel, prendre en compte la dignité de l humain c est lui reconnaître, en toute circonstance, la capacité de prononcer deux «tout petits» mots que sont «ma vie»» (Hesbeen, W., 2011, pp ). Thomas et Znaniecki, cités par Stéphane Desbrosses, définissent l attitude comme étant «un état d esprit de l individu envers une valeur» (Ibid, para. 4). Ils établissent donc un lien entre l attitude et la valeur, tout comme Park qui ajoute à cette définition une notion de variation d intensité dans l attitude, et ajoute que l attitude est fondée sur l expérience ce qui la distingue de la notion d instinct. Ils s accordent tous pour dire qu il est impossible d expliquer un comportement sans la notion d attitude, car c est celle-ci qui le guide en prenant son origine sur l expérience. Jacques Chalifour, cité par Lise Riopelle et Montserrat Teixidor, met en évidence le fait que les attitudes de l infirmière, lorsqu elle est auprès du patient, sont aussi importantes que le traitement qu elle lui prodigue. Pour lui, ces attitudes sont l empathie, la compréhension, la compassion, l authenticité et la confiance, qui permettent à chaque personne soignée de pouvoir être regardée tel «un être exceptionnel, c est-à-dire un humain à nul autre pareil» (Hesbeen, W., 2011, p. 19). En 1997, B. Kozier et K. Blais ont défini les soins infirmiers comme étant un «service d aide humaniste centré sur les soins et la santé» (2002, p. 62). Jean Watson affirme que «la discipline infirmière étant une activité profondément humaine, l approche infirmière s appuie 13

20 sur une philosophie humaniste» (cité par Riopelle, L., 2002, p. 44). Il ajoute que Carl Rogers a participé au développement de l humanisme en donnant à la relation soignant-soigné «la vision d une relation interpersonnelle pleine de cohérence, d empathie et de chaleur humaine» (Ibid, p. 44). Mettre en avant cette approche humaniste, c est mettre en avant la place centrale de l humain dans les soins et placer la personne au cœur de toutes nos préoccupations soignantes. C est ce qu évoque Frédéric Dubas avec l Humanisme, un mouvement intellectuel issu de la Renaissance, au cours du XVI siècle, et qui a permis de quitter le théocentrisme pour placer l Homme et ses valeurs humaines au-dessus de toutes les autres valeurs, afin qu il soit protégé et respecté, en prenant en compte sa dignité et son autonomie. Ce mouvement est né de la redécouverte des œuvres de l Antiquité grecque et latine, par des penseurs et des gens de lettres tels que Erasme, Rabelais, Montaigne ou Petrarca, que nous citent Lise Riopelle et Montserrat Teixidor. Ce concept a par la suite été repris par le philosophe Emmanuel Kant dont nous connaissons la citation suivante : «Agis de telle sorte que tu traites l humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais comme un moyen» (cité par Tocheport, P., 2011, p. 32) ; et a inspiré le modèle de l infirmière américaine Virginia Henderson selon Lise Riopelle et Montserrat Teixidor. «[L humanisme] sonne aujourd hui comme une référence un peu anachronique. C est pourtant cette ancienne notion que l on convoque pour promouvoir, en un pléonasme, une «médecine humaine».» (Dubas, F., 2012, p. 133). L Humanisme et l humanitude sont deux concepts que Margot Phaneuf nous explique afin de pouvoir les différencier et en comprendre toute la subtilité car ils sont intimement liés. Elle nous explique que «l humanisme est un concept philosophique qui nous montre l importance de la place de l homme dans le monde, alors que l humanitude, un concept de nature plutôt anthropologique, nous fait voir les racines de notre condition humaine et par là même, ce qui en fait l essence» (2007, p. 2). Margot Phaneuf nous apprend que l humanitude est un concept anthropologique qui a été popularisé par Yves Gineste et Rosette Marescotti pour les personnes âgées en perte d autonomie cognitive. Mais Margot Phaneuf nous indique qu il serait intéressant d appliquer également ce concept aux soins généraux afin d inspirer nos contacts avec les malades, quels qu ils soient, et de «redonner leur noblesse à des soins quotidiens qui nous paraissent souvent plutôt banals et monotones» (2007, p. 1). Elle ajoute que ce concept permet de mettre en lumière l importance «des comportements et des actions simples [qui] rejoignent l être dans ce qu il a de plus essentiellement humain» (2007, p. 3), 14

21 ce qui permet aux soignants de raviver la flamme qui doit animer leurs soins. Ainsi, Margot Phaneuf explique qu effectuer des soins dans une approche d humanitude apporte des bénéfices au patient en lui permettant d avoir un bon équilibre psychologique, un plus grand bien-être, mais aussi de conserver ses capacités humaines. Cela passe par trois piliers majeurs que sont le toucher, le regard et la parole, que nous présente Margot Phaneuf. Le toucher est considéré comme le premier appel d humanitude selon Margot Phaneuf. Elle décrit l importance de ce moyen de communication qui permet de reconnaitre le caractère humain de l autre. «En soins infirmiers nous approchons les corps et le contact de la main se faisant langage, il parle souvent beaucoup plus et beaucoup mieux que toutes nos paroles» (Phaneuf, M., 2007, p. 11). Selon elle, le toucher est capable de transmettre nos attitudes. Elle nous dit qu il peut permettre de manifester du soutien, de l écoute et de l attention à la personne soignée, car «la chaleur de la main soignante peut apporter à la fois, le soulagement, le sentiment de sécurité et le réconfort» (2007, p. 11). Mais nos gestes peuvent également communiquer de la froideur ou de l indifférence, ce pourquoi elle nous dit qu il est important de faire attention au sens que nous voulons donner à nos soins. Ensuite, Margot Phaneuf évoque l importance du regard car il révèle l acceptation que nous avons de l autre et notre ouverture à sa souffrance. Tout comme le toucher, il peut transmettre de l attention à la personne soignée, ou au contraire, de l indifférence. Elle insiste sur le regard bienveillant du soignant qui permet de confirmer la dignité de la personne soignée, «car c est dans l œil des autres que nous percevons ce que nous sommes et ce que nous valons» (2007, p. 13). Enfin, Margot Phaneuf évoque le pouvoir de la parole et la considère également comme un appel d humanitude qui, associée au geste de tendresse et au regard du soignant, permet de faire évoluer le patient. En effet, elle nous indique qu en lui parlant, nous montrons au patient que «quel que soit son état, il est suffisamment important pour que nous lui adressions la parole et que nous l écoutions» (2007, p.15). La parole de l infirmière peut communiquer un espoir de mieux-être au patient et être consolatrice. De ce fait, Margot Phaneuf nous montre que le concept d humanitude nous renvoie à la fragilité humaine et à sa quête de soutien et de protection. Pour conclure, Margot Phaneuf nous montre que le concept d humanitude permet de redonner du sens et de la dignité à nos actions. Elle nous permet de comprendre que la valeur du geste n est plus uniquement liée à son aspect technique ou médical. Les soins sont emplis de chaleur et prennent en compte la personne soignée dans son intégralité. 15

22 3.2. LA SUBJECTIVATION DU PATIENT DANS LE SOIN Pour Carl Rogers, cité par Christine Paillard, chaque individu est unique. C est en cela que la relation soignant-soigné est aussi la «rencontre de deux subjectivités» (Delhaye, M., 2007, p. 57). La subjectivité est définie comme étant une «qualité (inconsciente ou intérieure) de ce qui appartient seulement au sujet pensant» (CNRTL). Il est donc nécessaire de s adapter à la subjectivité, et donc à la singularité de chaque patient. Cette idée est développée par Philippe Svandra selon qui le soin est un acte désintéressé qui doit s adresser au patient en prenant en compte sa singularité et sa vulnérabilité car il est en demande d aide et d humanité. Philippe Svandra reprend les mots de Frédéric Worms : «Pour soigner, il ne suffit pas de le pouvoir, il faut aussi le vouloir.» (2009, p. 2). Il retraduit l idée selon laquelle le fait de soigner ne correspond pas simplement au soin de quelque chose mais au soin de quelqu un. C est pourquoi il est «impossible de considérer la maladie sans faire référence à l organisme dans lequel elle se développe, de même qu à la subjectivité de la personne malade.» (Lefève, C., 2016, p. 57). Jean-Marc Lebret nous rappelle que nous devons nous efforcer de «placer le sujet au centre de la praxis médicale» (2007). En effet, selon Philippe Svandra, la subjectivation du patient nécessite que le soignant associe ses compétences à la notion d humanité que nous avons vue précédemment. Christine Paillard évoque l approche centrée sur la personne. Dans la définition de celle-ci, elle évoque l approche humaniste, la confiance et la complexité des rapports entre la personne soignante et la personne soignée, qui tendent tout d abord vers la réalisation et l expression de soi, avec l autre, au sein de relations éclairées et vers le non-jugement, l acceptation, la congruence et l empathie. Lise Riopelle et Montserrat Teixidor s accordent pour dire que l objectif de l infirmière est la personnalisation de ses actes en fonction des besoins du malade en cherchant à s accorder à son point de vue et à respecter ses prises de décision, donc sa subjectivité. Mais la subjectivation du patient peut avoir des conséquences sur le soin. Philippe Svandra cite Marie-Ange Coudray qui rappelle que «le soin se situe à l endroit exact de la rencontre des vulnérabilités» (2009, p. 3). Ainsi, selon Philippe Svandra, la relation de soin se crée dans la rencontre des vulnérabilités, car la vulnérabilité du soignant est touchée par celle du patient en souffrance. Mais cette vulnérabilité a des conséquences sur le soignant. Céline Lefève évoque la réflexion de Friedrich Nietzsche qui incite à penser aux effets nocifs de la compassion. En effet, Friedrich Nietzsche questionne l ambivalence de certaines valeurs habituellement associées au soin considérées comme bonnes, comme la compassion, qui se 16

23 définit comme un "sentiment poussant à partager, à comprendre la souffrance d'autrui» (CNRTL). Cette réflexion est reprise par Céline Lefève : «Une personne qui compatit, c est [ ] une personne de plus qui souffre» (2016, p. 153). Nous pouvons donc nous questionner sur la place de la compassion dans le soin et la souffrance qu elle provoque. Finalement, Céline Lefève nous invite à réfléchir sur l importance de cette compassion dans le soin, souvent considérée comme un pilier de la sollicitude au même titre que l empathie, et qui permet de porter une attention particulière au patient pour entrer dans une relation de soin. Mais cette compassion, et de façon plus large, la subjectivation du patient, est parfois empêchée. Certains éléments peuvent décentrer l attention du soignant envers le patient comme «l argent, la technique, le pouvoir, la fatigue, la routine, etc» (Svandra, P., 2009, p. 6), ce qui a pour conséquence d empêcher le soin, et d empêcher la prise en soin globale du patient, en se centrant sur la maladie et non le malade. Benoît Dufrénoy montre les difficultés des conditions de travail rencontrées par les professionnels de santé telles que «le sentiment répandu de manque de temps ; le trop peu de considération au sein de l équipe ; la noncoopération des patients ; le matériel insuffisant ou inadapté ; les difficultés inhérentes à la continuité des soins» (cité par Dupuis, M., 2011, pp ). Ce sont ces conditions difficiles au quotidien qui vont amener les soignants à «perdre leur sensibilité, à s éloigner de la valeur attribuée, lors de leur engagement dans la profession, à leur travail, et finalement à ne plus prendre en compte la singularité des humains dont ils prennent soin au quotidien» (Ibid, p. 154). Face à ces conditions de travail, Benoît Dufrénoy questionne la capacité du soignant à se sentir suffisamment bien pour être capable de faire rejaillir son désir de bien traiter le patient au cœur de son travail. Par ailleurs, Céline Lefève évoque la pratique actuelle de la médecine qui se base essentiellement sur les connaissances acquises avec la biomédecine. «L objet-maladie» (Dubas, F., 2012, p. 172) est au centre de cette pratique. Frédéric Dubas reprend les propos de Freud et nous montre que le bio-médecin est un observateur puisqu il le compare à un œil. Or Frédéric Dubas met en évidence que la médecine ne peut pas être pratiquée en prenant en compte seulement les statistiques et les sciences biologiques car «un malade n est pas plus réductible à sa maladie qu un corps à un organisme ou qu une existence humaine à une vie biologique» (Ibid, p. 9). Philippe Svandra s accorde à Frédéric Dubas pour dire que l évolution des techniques médicales tend à faire du malade un simple objet de soin, ce qui va 17

24 à l encontre de la véritable nature du soin. Cette évolution médicale passe par l Evidence Based Medicine 5 que présente Frédéric Dubas. Il nous dit que cette pratique de la médecine est apparue dans les années 1990 et tend à universaliser le soin avec des systèmes de quantification et de visualisation, pour servir la pratique clinique de la maladie. Cela a pour conséquence de tendre à «standardiser les prises en charge plutôt qu à les individualiser.» (Lefève, C., 2016, p. 47). L Evidence Based Medicine est critiquée par Céline Lefève car cette méthode ne prend pas en compte les valeurs et les préférences des patients, en se concentrant uniquement sur la recherche clinique, afin de diminuer les coûts. Il est important de rappeler l importance de prendre en compte le patient dans sa singularité et de considérer son efficience et sa pertinence, et non seulement son efficacité, pour qu un soin soit de qualité selon Frédéric Dubas. Ainsi, il nous dit que «s opposer à l EBM serait prendre le risque de ne pas faire progresser la médecine, donc de la faire régresser, de la ramener à une ère pas si ancienne d empirisme et de dogmatisme» (2012, p. 108). Mais il contraste son propos en disant : «A l opposé, magnifier l EBM et s y assujettir serait exposer la médecine au «tout biomédical», forme moderne du scientisme médical et donc promesse d obscurantisme.» (Ibid, p. 108). De plus, selon Frédéric Dubas, le vocabulaire employé en service de soin est lui-même objectivant et réducteur, et va orienter la pensée du soignant vers la maladie, en le détournant du malade, car la maladie est au centre de cette médecine scientifique. En effet, il précise que nous utilisons des locutions telles que "l observation des signes cliniques", "l histoire de la maladie" ou la "prise en charge" du patient, qui traduisent l idée selon laquelle l objet-maladie est appréhendée en dehors du sujet-malade. Cela a pour conséquence d objectiver le patient, ce que développe Philippe Svandra, en nous disant que les soignants sont amenés à réaliser, sans en être conscients, des actes qui vont oublier le patient sur lequel ils sont pratiqués, ce qui va avoir pour conséquence de nier sa dignité. Frédéric Dubas établit un lien entre cette objectivation du patient et le déficit d Humanisme dans les soins du fait que la maladie est inscrite dans l organisme du patient et qu elle est l objet principal de cette médecine. Il nous dit : «Toute tendue vers cet organisme, d autant plus fascinée par lui qu elle peut mieux le maîtriser techniquement, en pratique en «voir» de plus en plus, le «réparer» de mieux en mieux» (2012, p. 165). Ainsi, il ajoute que la médecine devient une somatologie, tournée vers le symptôme et non plus le malade. «Mais l homme est un corps et de souffrance et de jouissance, pas seulement un organisme, 5 Evidence Based Medicine = EBM 18

25 et il mène une existence qui ne saurait être réduite à une vie biologique. Et si un homme existe plus qu il ne vit, c est qu il parle et, par conséquent, qu il désire (donc manque), en une histoire qui est absolument la sienne.» (Ibid, p. 165). Malheureusement, Philippe Svandra ajoute que les soignants font davantage des soins, que ce qu ils prennent soin, car ils occultent le patient. Cela est à la fois préjudiciable pour les personnes soignées et pour les soignants, car cela va induire progressivement une routine et un désintérêt pour leur métier. En effet, Christine Humblot nous indique que de nombreux professionnels, lorsqu ils sont plongés dans leur pratique quotidienne et dans leurs habitudes, oublient la personne soignée qu ils ont devant eux. Elle évoque certaines expressions qui placent le patient comme étant à «la charge» (cité par Dupuis, M., 2011, p. 129) du soignant telles que : ««Je le lave», «Je le fais»» (Ibid, p. 129). La personne soignée n est plus considérée dans sa globalité de corps et d âme, et devient «une réelle charge, lourde à porter, tel un fardeau qu il faut mobiliser en se donnant le moins de mal possible» (Ibid, p. 129). Christine Humblot nous dit également que les soignants entrent dans une sorte d habitude et de routine qui vient générer chez eux des comportements dépourvus de bientraitance, ce qui les mènent à la banalisation de l humain, comme nous l évoque Michel Dupuis. Pour lui, la banalisation se réfère à «la perte ou l affadissement du spécifique, la disparition ou le gommage du singulier, la normalisation» (2011, p. 30). En d autres termes, banaliser la personne soignée revient à oublier sa singularité, son caractère unique voir son humanité. Michel Dupuis évoque la perte de l attention portée au patient. Il nous dit que la personne soignée cesse d être considérée comme un être exceptionnel, et même comme un sujet de soins, pour n être finalement plus traitée que comme un objet. Cependant, Walter Hesbeen nous rappelle que «cette négligence ne procède pas d une intention malfaisante mais s inscrit dans une forme d oubli, un manque de réflexion quant à la finalité même de tous les actes de soins» (2011, pp ). Enfin, Michel Dupuis met en relief ce lien existant entre ces notions de temps et d expérience pouvant nous mener à «la routine, à l habitude, au déjà-vu, au déjà-dit et au déjà-senti» (2011, p. 29). Pour éviter cela, il nous invite à garder les yeux ouverts sur «tout ce qui endort l esprit critique, ce qui anesthésie les perceptions toujours changeantes, ce qui fait voir les choses globalement ou superficiellement [ ]» (2011, p. 29) afin de ne pas tomber dans la banalisation du patient. Mais l expérience est vue sous un autre angle plus positif avec Marie Delhaye et Françoise Lotstra, qui écrivent sur l évolution des émotions ressenties par le soignant avec 19

26 l expérience. Elles évoquent l importante quantité de celles-ci au début de la carrière du soignant, ce qui peut le submerger. Ainsi, elles disent qu il se trouve dans «une pseudoempathie» (2007, p. 52) qui va le déstabiliser car il sera ««empêché» d être optimalement empathique de par sa subjectivité défensive et ses émotions envahissantes teintées de projections.» (Ibid, p. 53). Dans un second temps, elles nous apprennent que le soignant va entrer dans une «empathie souffrante» (Ibid, p. 53) qui va compliquer son rapport avec le patient et donc par conséquent la relation soignant-soigné. Par la suite, elles décrivent la prise de distance du soignant du fait de son «son attitude défensive» (Ibid, p. 54) qui le pousse à adopter une «position de repli émotionnel» (Ibid, p. 54) dans laquelle il va se centrer sur la technicité de son soin. Enfin, Marie Delhaye et Françoise Lotstra évoquent le dernier stade, qu elles nomment le stade de la maturation, durant lequel les soignants vont apprendre à maitriser leurs affects ce qui va leur permettre de se sentir en pleine possession de leurs moyens pour ne plus être débordés par leurs émotions afin de pouvoir réaliser un soin de qualité. A ce moment-là, le «savoir-être prend de la consistance à côté du savoir-faire. Les psychanalystes diraient qu il s agit de gérer émotionnellement les transferts et les contretransferts.» (Ibid, pp ). Ainsi, selon elles, l expérience peut également avoir des avantages. Pour conclure cette deuxième partie, nos soins et, de façon générale, notre pratique soignante et le soin apporté au patient, doivent donc être pensés avec et pour le patient. Philippe Svandra reprend les mots de Dominique Folscheid avec la phrase : «Nous ne souffrons pas tant d un manque de moyens que d une pénurie de sens.» (2009, p. 5). En effet, l importance d un soin nourri de sens est une idée que partage également Frédéric Dubas. Il met en évidence le respect porté au patient, et place l éthique, la loi, la morale et la déontologie pour base au soin, et au sens que nous lui donnons. Philippe Svandra avance quant à lui la notion de responsabilité du soignant, et son importance pour qu un soin soit éthique. En effet, il reprend les propos de Paul Ricœur selon qui la responsabilité du soignant vient du fait que le patient compte sur lui, ce qui engendre une qualification morale du soignant. «Le soin pourrait être alors défini comme un agir au service d une éthique» (Ibid, p. 4). Il reprend également le triangle éthique de Paul Ricœur, selon qui l éthique est «la recherche de «la vie bonne» [ ], avec et pour autrui [ ], dans des institutions justes» (Ibid, p. 6). Ce serait donc pour lui le lien entre l estime de soi, la sollicitude et la justice qui seraient à la base de l éthique du soin. Soin qui, comme le développe Philippe Svandra, ne 20

27 peut être considéré comme éthique, qu à condition que son unique visée soit le patient et sa subjectivation dans le soin. En effet, l éthique est «une démarche réflexive et pragmatique en quête du préférable. [ ] Il s agit d une affaire singulière, un face-à-face de consciences, unique à chaque fois.» (Maroudy, D., 2015, p. 27). Pour le philosophe Emmanuel Kant, cité par Pascale Tocheport, l éthique se caractérise comme étant une philosophie globale des conditions humaines. Pour lui, elle cherche ce qui est bien pour les individus seuls, mais aussi le groupe social. Il ajoute qu «[elle] met en action le «je» avec ses désirs, dans la relation des autres» (cité par Tocheport, P., 2011, p. 32). De plus, selon Aristote, l éthique «consiste à agir dans l appréciation et l évaluation de ce qui peut être considéré comme bon» (Ibid, p. 32). Pascale Tocheport montre l importance des principes éthiques dans la relation de soins afin de donner du sens aux actions et de pouvoir les appliquer de la manière la plus juste et la mieux adaptée à la personne soignée. Elle met en évidence la responsabilisation de nos actes afin de repérer certaines déviances, de mesurer la portée de nos propres décisions et d approfondir notre professionnalisation. Pour Walter Hesbeen, effectuer une relecture éthique du quotidien des soins permet de «nourrir la réflexion de chacun sur ses propres manières d être et de faire et pour élever ses propres capacités afin de mieux identifier, détecter ce qui pourrait accroître le risque de banaliser l humain» (2011, p. 28). Aussi, peutêtre pourrions-nous avancer, comme le stipule Daniel Maroudy, que «le «supplément d âme» que l on attend des soignants est de nature éthique» (2015, p. 27)? Pour lui, il s agirait d un mélange de raison, de devoir, de conviction et de bonté de service, qui permettraient de prodiguer un soin de qualité, en prenant en compte le patient dans sa globalité, et dont les effets bienfaisants dépasseraient ceux de la pharmacopée. Après avoir exposé mon cadre de références, je vais maintenant mener une enquête exploratoire afin de pouvoir, par la suite, comparer mes recherches aux données sur le terrain. 21

28 4. ENQUETE EXPLORATOIRE 4.1. CHOIX DE L OUTIL Mon sujet de Travail Ecrit de Fin d Etudes est un sujet qui, de par la subjectivité des patients, implique aussi une subjectivité des soignants. L utilisation de l entretien semidirectif est à mon avis l outil le plus approprié pour mon sujet. De cette façon, la personne interviewée peut s exprimer librement en détaillant les points qu elle souhaite, sans être limitée dans ses réponses contrairement aux questionnaires. Cela me permet aussi de reprendre ou de reformuler les réponses de la personne interviewée tout en ayant un guide d entretien comme base pour le déroulé de l entretien. De plus, il s agit d un réel échange, qui permet de nous assurer de la bonne compréhension des questions qui sont en lien avec mon thème et mon cadre de référence préalablement exposé. Un autre avantage est que je peux réajuster mes questions au cours de l entretien, ou demander des précisions à la personne interviewée, afin de pouvoir exploiter correctement les résultats de l entretien par la suite. Chaque entretien est retranscrit en annexes afin d éviter toute interprétation personnelle. Enfin, pour une meilleure retranscription des entretiens, je décide de demander à les enregistrer, et précise la modification des prénoms des soignants interrogés. Pour la réalisation de ces entretiens, une demande d autorisation a été envoyée au préalable à la direction des soins des établissements concernés, et après accord du cadre de santé, des rendez-vous individuels ont été fixés CHOIX DE LA POPULATION J ai décidé d aller interroger sur le terrain des Infirmiers Diplômés d Etat 6 travaillant dans différents lieux. Ces infirmiers pourront compléter mes recherches, apporter des éléments de compréhension ainsi que de nouveaux éléments. Pour chaque lieu, j aimerais interviewer deux IDE, afin de pouvoir établir des liens et des différences dans leurs réponses. Il me parait pertinent d interroger seulement des IDE car je souhaiterais savoir si la présence de soins techniques impacte ou non leur considération du patient, et donc la part de relationnel qu ils leur accordent. Aussi, je souhaiterais pouvoir interviewer des infirmiers avec différentes expériences, afin d établir s il existe un lien entre leur expérience professionnelle et leur manière de considérer le patient. J ai choisi de prendre en considération l ancienneté du diplôme, et non pas l ancienneté dans le service, de peur de ne pas parvenir à respecter ce 6 Infirmier(s) Diplômé(s) d Etat = IDE 22

29 critère. Ainsi, j essayerai d interroger dans chaque lieu un IDE avec moins de deux ans d ancienneté de diplôme, et un IDE avec plus de cinq ans d ancienneté de diplôme. Cependant, je souhaiterais interviewer des infirmiers, hommes ou femmes, de manière indifférenciée car je n ai pas retrouvé dans mon cadre de référence d éléments qui m ont amené à penser que cela pouvait faire une différence LIEUX D INVESTIGATION J ai déterminé trois lieux dans lesquels j aimerais aller réaliser mes entretiens. Ces lieux ont été déterminés en fonction de l importance de la technique et du relationnel dans les soins qui y sont prodigués. Tout d abord, il me paraît intéressant d aller dans un service de Réanimation Polyvalente. Il s agit d un service réputé pour la technicité des soins, ce qui m interroge quant à la place du sujet dans le soin. Le soin relationnel pourrait sembler parfois oublié au profit du soin technique, ce qui positionnerait le patient dans une place d objet de soin, notamment lorsqu il est sédaté. Par la suite, je souhaiterais aller rencontrer des soignants dans un Centre Médico-Psychologique 7. Il s agit d une structure axée principalement sur le relationnel avec les patients, et dans lesquelles les gestes techniques sont moins nombreux que dans d autres lieux, ce qui laisserait supposer que le patient est davantage considéré comme un sujet de soin. Pour finir, j aimerais aller dans un service d Hémodialyse. Il s agit d un service où le relationnel et la technique sont autant présents l un que l autre, en raison de la longue relation établie avec les patients du fait de la chronicité de leur maladie, mais aussi de l importance de la prise en charge technique avec des soins réalisés en stérile. Il me semble donc que le patient y est à la fois considéré comme un sujet et un objet de soin, selon le moment de la prise en soin GUIDE D ENTRETIEN Tout d abord, je demanderai à la personne interviewée de se présenter en me donnant son prénom (qui sera modifié), l année d obtention de son diplôme, le service dans lequel elle travaille et depuis combien de temps elle y travaille, ainsi que les autres services dans lesquels elle a exercé. Ces informations me serviront dans mon analyse, afin de déterminer s il existe un lien entre l expérience professionnelle et la subjectivation du patient durant les soins. Par la suite, afin d être certaine qu il n y ait pas de quiproquos avec les IDE, il me parait essentiel de commencer l entretien en leur demandant de me donner leur définition des mots-clés de 7 Centre Médico Psychologique = CMP 23

30 ma recherche et de mon cadre de référence : la "subjectivation du patient" et le "soin". Une fois ces mots définis, j aimerais leur demander de me raconter une situation où selon eux, la subjectivation du patient a impacté le soin prodigué. Cela dans le but qu ils entament une réflexion personnelle sur mon sujet de travail. Je n ai pas préétabli de questions de relance afin de laisser majoritairement la parole aux soignants, et ne pas être limitée par un trop grand nombre de questions préétablies. Selon ce qui est dit, je poserai des questions adaptées aux propos du soignant, et je pourrai lui faire approfondir ses propos ANALYSE DES ENTRETIENS Tout d abord je vais présenter les infirmiers auprès de qui j ai eu la chance de pouvoir réaliser mes quatre entretiens. Il s agit d un homme et de trois femmes, dans deux services de soins différents. Le premier entretien a été réalisé auprès de Nathan, infirmier en Hémodialyse depuis neuf mois. Malgré qu il soit un ancien aide-soignant, Nathan n est infirmier que depuis juillet 2020, et a donc une expérience en tant qu infirmier de moins de deux ans, ce qui correspond à mon critère d inclusion. Le second entretien, auprès de Claire, infirmière depuis 2006, a également été réalisé dans le service d Hémodialyse où elle travaille depuis six ans. Son ancienneté de diplôme m a permis de l interroger. Par la suite, j ai interrogé Gwenaëlle, infirmière dans un service de Réanimation Polyvalente depuis cinq ans et demi, et diplômée depuis Elle a donc une expérience de diplôme de plus de cinq ans. Enfin, dans le même service, j ai rencontré Emma, infirmière depuis juillet 2020 tout comme Nathan, et toute jeune arrivée dans le service puisqu elle y travaille depuis seulement trois mois. Je vais maintenant procéder par une analyse croisée organisée de manière thématique, en reprenant les thèmes évoqués précédemment dans mon cadre de références, et l ordre de ceux-ci Le soin J ai choisi de débuter chaque entretien en demandant aux infirmiers de me définir ce qu est selon eux le soin afin d introduire une notion centrale de mon devoir. Nathan et Emma ont clairement explicité l importance de la visée physique ainsi que psychologique du soin, tandis que cette distinction n a pas été clairement dite par Gwenaëlle même si elle la laisse supposer dans ses propos. Elle met néanmoins en avant que «c est toujours dans un but d aider le patient à aller mieux et à lui amener quelque chose de positif» ( ) ce qui rejoint les propos d Emma qui parle d apporter un bénéfice au patient et un mieux-être. Il est 24

31 cependant intéressant de noter que Claire n a pas défini le soin en expliquant que pour elle «il n y a pas vraiment de soin, il y a une prise en charge» ( ) qu elle définit comme devant être globale, en prenant en compte toutes les pathologies du patient. Elle apporte une précision qui semble être importante pour elle et dit : «On prend soin des gens mais pour moi on ne soigne aucune maladie» (. La notion de prendre soin a été citée par Claire et Emma. Pour elles, le prendre soin prévaut sur le faire soin. Pour Claire, cela passe par l acceptation du soin et cela fait écho à sa définition du soin puisqu elle y revient encore lorsqu elle dit qu on «ne soigne pas les gens d un infarctus, on prend en charge un infarctus» ( ). Emma choisit également d axer sa pratique «plus sur le prendre soin que sur le faire soin», ( ans un service de soins qu elle qualifie elle-même comme étant très technique et pouvant être angoissant pour les patients, d où l importance des soins relationnels qui priment sur les soins techniques. Toutefois, elle ajoute une précision en cas de difficultés relationnelles avec un patient, ce qui la pousse à moins s intéresser au côté relationnel de leur relation de soin. Nathan a débuté en évoquant les soins techniques et le faire soin, dans un discours qui semblait centrer sa pratique sur la technicité des soins lorsqu il dit : «mon soin je l ai fait de la même manière, de manière stérile, je reste concentré sur le poids à perdre, sur le bain du dialysat, je sais pourquoi on est là. On va dire que je ne pense pas que le soin aurait pu être [ ] mieux fait ou moins bien fait» ( ). Mais son discours a évolué au fur et à mesure de l entretien, laissant place aux soins relationnels, et permettant de montrer l importance qu il leur accorde, expliquant qu il aime parler aux patients et leur expliquer les soins. Il semble toutefois regretter la part de relationnel qu il avait avec ses patients lorsqu il était aide-soignant : «en tant qu infirmier tu as beaucoup moins de temps à accorder au relationnel, tu vois plus de patients mais par contre tu es beaucoup plus limité dans ta façon de leur parler» ( ). Seule Gwenaëlle n a pas développé les soins relationnels, en qualifiant sa pratique de «très technique» ( ). Pour Nathan et Claire qui travaillent en service d Hémodialyse et prennent en soin des patients chroniques, la relation soignant-soigné se doit d être une relation de confiance car c est une relation qui va durer dans le temps. Emma ne prononce pas le mot "confiance" mais explique que les patients aiment bien se confier à elle, laissant sous-entendre la confiance qu ils lui portent. Nathan explique qu il a observé que la relation soignant-soigné diffère selon le lieu de soin, selon les services dans lesquels il a travaillé. Il explique cependant qu elle 25

32 implique pour lui «beaucoup de responsabilités» ( ) mais qu elle peut être oubliée dans le cas de soins techniques ou de soins d urgence, afin de ne pas perdre de temps dans la réalisation des soins nécessaires au patient. Gwenaëlle explique quant à elle qu elle «considère plus le patient qu à [ses] débuts d infirmière» ( ) car elle arrive à lui parler tout en surveillant son scope, mais n approfondit pas davantage la relation qu elle crée avec ses patients. Tandis qu Emma évoque une relation qui peut être différente dans le cas de patients intubés, car elle n est pas communicante, mais insiste sur le fait que la relation persiste et est intéressante. Elle évoque durant l entretien une communication physique et ajoute qu «on se surprend à apprécier un regard un contact» ( ). La relation passe alors par d autres biais que la parole, même si elle nous dit que son objectif reste de rendre le sourire aux patients et de leur remonter le moral avec des blagues. Aucun soignant n a spontanément définit ce qu est selon lui la qualité dans le cadre du soin ou des soins. Cependant, Emma axe la qualité de sa pratique sur le prendre soin, plutôt que sur les gestes techniques, ce qui rejoint Nathan lorsqu il évoque la situation où son patient n a pas parlé durant toute la séance de dialyse, ce qui n a pas été un soin de qualité selon lui, car la part de relationnel n était pas présente en plus de la part technique du soin. Claire évoque la possibilité d avoir un soin de meilleur qualité du fait de la chronicité des patients en Hémodialyse et que «la prise en charge du patient peut être optimale [à condition] qu il en ait envie aussi» ( ). Enfin, Gwenaëlle reste sur un discours très technique : «Mon soin il va être de qualité parce que [ ] quand je vais lui poser une perfusion de manière propre [ ] il développe pas de sepsis sur sa voie centrale» ( ). Cependant, elle évoque une notion intéressante en associant la qualité à la fin de vie. Elle explique qu une «réunion éthique avec des limitations thérapeutiques [ ], c est un non acharnement thérapeutique et c est un soin comme un autre qui amène malheureusement au décès du patient mais si le patient meurt dans la dignité et sans douleur [ ] c est un soin de qualité aussi malheureusement» (. De nombreuses valeurs sont ressorties dans les entretiens, mais peu ont été nommées par les infirmiers. Dans la majorité des cas, ces valeurs étaient visibles au travers des propos des soignants, sans qu aucun mot ne soit posé dessus. Claire a cependant expliqué que «chaque soignant va avoir une attitude différente, et c est ça qui est difficile dans notre profession» (, tout en sachant que l attitude est un état d esprit envers une valeur. Parmi ces valeurs, celles qui ont été clairement énoncées par les soignants sont la patience, 26

33 l attention, l empathie, la dignité et la confiance. Le respect se retrouve dans les propos de Claire, mais ne concerne pas le respect du patient, mais plutôt le non-respect de ses volontés. La bienveillance, qui correspond à une disposition favorable à l égard de quelqu un, peut être observée dans l entretien de Nathan lorsqu il évoque l impossibilité pour lui de brancher une perfusion sans parler au patient, ou dans l entretien de Claire lorsqu elle explique s être assise avec la patiente deux minutes afin de discuter avec elle de sujets qu elle aime dans le but de la détendre et que la séance se passe bien. Gwenaëlle dit que dans tous les cas selon elle «le soin [ ] c est [ ] apporter quelque chose à un patient pour lui permettre d aller mieux» ( ), ce qui passe également par la douceur et la patience dans le soin. A ce sujet, Nathan dit : «tu vas avoir beaucoup de soin relationnel [ ] et tu vas passer un temps fou à essayer de les déstresser» ( Il ajoute qu il faut chercher à rassurer les patients en leur expliquant qu on va s occuper d eux, notamment dans les situations d urgence, ou dans certains soins désagréables comme l évoque Emma lorsqu il faut aspirer des patients intubés. Le tout étant de leur parler «le plus calmement possible» ( ) et de leur laisser du temps, d être patient avec les patients, ce qui donne d autant plus de sens à ces homonymes. Emma dit par ailleurs qu il est important de faire usage de cette patience, qu elle explique du fait de son jeune diplôme, ce qui peut nous faire réfléchir quant à la patience des soignants plus expérimentés, d autant plus que la patience n est pas ressortie dans les discours des infirmiers avec plus de cinq ans de diplôme. Une autre valeur retrouvée dans les discours des soignants est l attention : l attention à l autre, au soin qui lui est fait et à la manière dont il lui est présenté. Nathan et Claire énoncent clairement cette valeur, tandis qu elle se comprend dans les mots choisis par Gwenaëlle : «je place toujours le patient, si je le peux, au cœur de ma prise en charge» ( ). Cela se retrouve également dans le discours de Nathan lorsqu il dit qu «il faut qu on adapte son soin à cette personne, savoir ce qu elle ressent, savoir dans quel état elle est sur le moment» ( ). L attention portée au patient peut entrainer chez le soignant deux autres valeurs qui se retrouvent aussi dans leurs discours : la compassion et l empathie. Nathan cherche à rassurer ses patients en leur expliquant qu il va y avoir beaucoup de monde autour d eux mais que les soignants vont bien s occuper d eux. De leurs côtés, Claire Gwenaëlle et Emma évoquent l empathie ressentie chez le soignant. Claire dit même être parfois «peut-être trop même empathique avec les patients» ( tandis que Gwenaëlle nous met en garde contre cette empathie, qui fait que nous ne pouvons pas prendre en charge des personnes que nous connaissons et qui peut nous rendre 27

34 plus longs à réagir dans des situations d urgence. Quant à Emma, elle parle d une situation où sa patiente est décédée et où elle aurait pu pleurer tant ça l a affecté. La tolérance et la compréhension sont d autres valeurs que nous retrouvons dans le discours des soignants interrogés. Cela peut passer par l adaptation de l heure des repas ou de la toilette, comme le dit Gwenaëlle, mais l objectif est dans tous les cas d «essayer de composer avec le patient» ( ). Nathan reprend cette idée : «On est là pour s occuper des gens, qu ils aient un sale caractère ou pas, qu on soit d accord avec eux ou pas, on n est pas là pour juger quoique ce soit» ( ). Il ajoute : «Ils sont tous différents, ils peuvent vivre les choses différemment» ( ). L autonomie des patients est également à prendre en compte pour adapter le soin. C est ce que nous dit Claire qui travaille en Hémodialyse, un service dans lequel elle arrive à rendre ses patients acteurs de leurs soins, de les faire participer en se lavant le bras, en s installant pour la pesée puis sur le lit, en pouvant regarder la télévision et voire même parfois demander de changer les réglages de la dialyse car cela ne leur convient pas. Enfin, la confiance est une autre valeur essentielle dans le soin. Elle ressort dans les entretiens de Nathan et Claire qui travaillent avec des patients chroniques. En effet, «ce sont des patients qui ont besoin d avoir confiance en les soignants» ( ). Il est donc intéressant de noter que la chronicité et donc la longévité de leur prise en charge implique une relation de confiance avec les soignants, ce qui ne ressort pas dans le discours de Gwenaëlle et d Emma, qui ont d avantage l habitude de travailler avec des patients en urgence vitale, avec des prises en charge plus brèves. La confiance qu a le patient envers le soignant provient également du respect que celui-ci lui porte et de la dignité qui y est associée. Dans tous les cas, «il ne faut pas oublier que ce sont des êtres humains avec un psychique et que ce n est pas qu un corps» ( ). Gwenaëlle ajoute que la digité peut également être observée dans une fin de vie et qu elle permet au patient de recevoir un soin de qualité et une fin de vie correcte, malgré une finalité tragique. L Humanisme et l humanitude sont des concepts qui peuvent être retrouvés dans les discours des soignants malgré qu ils n aient jamais été nommés. Tous les soignants mettent en avant l importance de placer le patient au cœur de leur soin, et les notions d autonomie et de dignité sont ressorties de leurs discours. Concernant les trois piliers de l humanitude, la parole est celui qui revient dans tous les entretiens. Nathan nous dit qu il «ne [peut] pas brancher une perfusion et ne pas parler à un patient» ( ) et qu il «aime bien leur demander comment la séance précédente s est passée pour avoir des idées sur la séance qui va se 28

35 produire» ( ). Il aime aussi ajouter une pointe d humour lorsque celle-ci est bien reçue par le patient. Tout comme lui, Claire aime parler avec les patients et comprendre pourquoi ils sont malades, notamment avec les patients de psychiatrie qu elle a pu rencontrer. Elle souhaiterait par ailleurs que les soignants expliquent davantage aux patients ce qu ils leur font dans la globalité. Gwenaëlle et Emma qui travaillent en Réanimation évoquent également l importante part de la parole dans le soin dans ce service qui peut être très anxiogène pour les patients selon Emma. Mais si Gwenaëlle débute en disant que c est aussi «d avoir un patient qui communique avec toi qui fait que c est un sujet et non pas un objet» ( ), elle poursuit en expliquant qu elle continue de parler aux patients dans le coma, en leur expliquant les soins qu elle leur fait, même avec les patients qui sont sédatés et curarisés, avec qui elle sait qu il n y aura aucun échange. Emma évoque «une communication très différente même si on se surprend à apprécier un regard un contact» ( ) ce qui permet d introduire les deux autres piliers de l humanitude qui sont le regard et le toucher. Selon elle, cette communication physique avec les patients de réanimation permet d apprendre à faire attention au moindre mouvement du patient, et d apprendre «à bien connaître le patient déjà quand il est sédaté pour pouvoir mieux le comprendre quand il va se réveiller» ( ), ce qui ajoute une attention particulière portée au patient par le soignant, et contribue à le placer au centre de sa prise en soin La subjectivation du patient dans le soin La subjectivité des intervenants de la relation et la subjectivation du patient est au centre de mon travail. Le fait de soigner ne correspond pas simplement au soin de quelque chose mais au soin de quelqu un. C est ce qui ressort des entretiens réalisés auprès des quatre infirmiers malgré que la question ait tout d abord été mal comprise par Nathan et Emma, qui possèdent moins de deux ans d ancienneté de diplôme. Je souhaite tout d abord mettre en avant les notions qui sont revenues le plus souvent durant les entretiens. Nathan a répété à de nombreuses reprises que les patients sont tous différents, afin de justifier la différence de leurs prises en charge qui tend à s adapter à chacun d eux. Claire a insisté sur l acceptation du soin par le patient et sur l adaptation que cela implique pour le soignant. Gwenaëlle est souvent revenue sur le fait que le soignant doit s adapter au patient. Enfin, Emma a mis en avant la prise en charge du patient qui doit se faire dans son intégralité, à la fois physique et psychologique. Durant l entretien, Nathan a dit qu il est important d adapter son soin au 29

36 patient, de savoir ce qu il ressent et comment il se sent, car l objectif est qu il se sente le mieux possible. Il faut justement essayer «d éviter d être en mode automatique en fait et de considérer tous les patients comme les mêmes» ( ). Il ajoute qu on soigne des personnes avec une histoire de vie personnelle et qui ont peut-être un statut et une importance en dehors de l hôpital. Claire, qui travaille avec Nathan auprès de patients chroniques, dit que cela lui permet d avoir «vraiment un suivi, une connaissance des patients avec tous les inconvénients que cela engendre mais il y a aussi des avantages et même beaucoup d avantages» ( Elle parle d une prise en charge plus globale facilitée par le fait qu elle ne prend que quatre patients en charge par demi-journée, et qu elle revoit souvent et longtemps les mêmes patients qui connaissent et comprennent un peu leur maladie, même si cela les rend exigeants. Elle évoque aussi qu il faut s adapter aux patients, et que cela passe par «leur faire accepter, essayer de composer avec le patient donc [ ] prendre en charge dans la mesure du possible ses soins en fonction de ce qu il veut» ( ), car ce qui compte le plus c est qu ils adhèrent au soin et qu ils l acceptent. Mais elle parle aussi de l adaptation entre professionnels de santé qui n est pas toujours facile. Enfin, elle explique que la manière dont nous nous présentons aux patients peut induire un comportement, et qu il faut faire attention à la manière dont nous disons bonjour et nous nous présentons. Pour terminer, elle implique le soignant ainsi que le soigné dans l approbation du soin, car selon elle, il s agit d un tout, entre ce qu est le soignant et ce qu est le soigné. Gwenaëlle insiste sur le fait d adapter son soin et sa prise en charge en fonction du patient, afin qu il soit placé au cœur de celle-ci. Selon elle, il s agit d un «être à part entière [ ] ce n est pas un objet» ( ). Elle dit que «ça va être lui et ses défaillances [ ] le centre de la prise en charge» ( ) et parle de l importance des scopes et de l hémodynamique du patient afin de rappeler au soignant qu il prend en soin un être humain, même si celui-ci est sédaté, voire curarisé. Elle ajoute qu elle «aime l être humain foncièrement» ( ) et que c est pour cette raison qu elle a choisi ce métier. Ainsi, elle accorde une grande place à la subjectivation du patient dans le soin, mais cela est également possible dans une procédure de prélèvements multi organes comme elle l évoque, car le patient est toujours considéré comme un sujet de soin, et il va permettre d améliorer la vie d autres patients. Enfin, chaque patient vit sa propre situation, qui lui est subjective, ce qu elle évoque en disant qu «effectivement il y a pire dans la vie mais c est pas grave, [ ] c est sa situation» ( ). Emma a finalement défini la subjectivation du patient comme le fait de «le prendre dans son intégralité, savoir ne pas 30

37 prendre en compte uniquement ce pourquoi le patient est hospitalisé» ( ). Elle évoque une prise en soin à la fois physique et psychologique, ainsi que l importante part des familles en réanimation, qui sont très présentes et peuvent permettre de majorer la subjectivation du patient par les soignants, en apportant des photos par exemple, ce qui donne l impression de connaître davantage leur vie personnelle. La vulnérabilité et la compassion dans le soin sont deux notions qui sont revenues dans les situations racontées par les quatre infirmiers, malgré qu ils n aient jamais prononcé les mots de "vulnérabilité" et de "compassion". «C est quelqu un [ ] qui arrive dans ton domaine, l hôpital, et là elle est complètement déstabilisée et elle dépend presque complètement de toi» ( ) dit Nathan. Il évoque aussi cette dépendance des patients envers les soignants ce qui les rend plus vulnérables car il dit qu à l extérieur ce ne sont pas du tout les mêmes personnes que lorsqu ils se retrouvent à l hôpital. Il ajoute qu il ne faut pas oublier que le patient ne vient pas à l hôpital pour son plaisir, ce qui le positionne d emblée dans une position de vulnérabilité, où il peut ressentir de l angoisse. Les soignants sont face à des situations qui peuvent être difficiles. En effet, malgré son expérience professionnelle, Claire dit : «Je vois quelqu un mourir, ça me fait toujours de la peine, je vois quelqu un souffrir ça me laisse pas indifférente» ( ). Elle poursuit en disant : «j essaie d être peut-être trop même empathique avec les patients mais je pense que c est important pour la qualité des soins» ( ). Emma la rejoint avec des propos dans lesquels elle émet un doute quant au fait qu elle soit peut-être trop empathique ou pas avec ses patients, tandis que Gwenaëlle dit qu il est important de ne pas être trop empathique avec le patient dans une prise en charge d urgence pour ne pas perdre de temps et ainsi pouvoir être plus efficace. Aussi, elle évoque une situation où «c était [sa] vie personnelle qui rencontrait [sa] vie professionnelle et ça [l a] vraiment perturbé» ( ). Elle dit aussi que cela peut être plus compliqué pour le soignant lorsqu il doit prendre en charge des personnes jeunes avec de mauvais pronostics vitaux. Malheureusement, certains éléments semblent empêcher les soignants de rendre les patients sujets de leur prise en soin. Parmi ces éléments, le manque de temps est majoritairement revenu dans les entretiens de Nathan et Claire. Selon Nathan, il est particulièrement visible en Hémodialyse où le temps de dialyse est calculé en avance, et où les patients arrivent et partent à une horaire définie. Il parle de «ce temps qui pèse énormément et ce patient qui te le fait ressentir» ( ). Mais il évoque aussi que le 31

38 soignant ne peut pas se permettre de perdre du temps lors des soins techniques ou des soins d urgence, ce qui fait qu il peut oublier la relation avec la personne soignée. Par ailleurs, il revient sur ses expériences passées en tant qu aide-soignant et estime qu il pouvait consacrer plus de temps au relationnel avec les patients, car aujourd hui il dit que «tu vois plus de patients mais par contre tu es beaucoup plus limité dans ta façon de leur parler» ( ). Claire dit s être déjà sentie «soumise à la pression d avoir 15 ou 30 patients à gérer» ( ) et rejoint Nathan quant au fait que toute la prise en soin en Hémodialyse est minutée. Elle introduit un autre élément, l argent, lorsqu elle évoque son expérience en libéral, et estime que cela l empêchait de visualiser le soin et donc de pouvoir placer le patient au centre de celui-ci. Gwenaëlle est la seule à évoquer la pandémie que nous venons de vivre avec le Covid-19. Cela a généré des conditions de travail difficiles pour les soignants, ce qui les a empêchés de considérer les patients comme sujets de soin du fait de la fatigue engendrée. Emma parle d un «épuisement qui est de plus en plus tôt, qui arrive de plus en plus tôt chez les soignants [ce qui] peut engendrer déjà un mal-être [ ] des soignants qui peut du coup se répercuter sur la relation» ( ). La relation avec le patient, et la manière dont il est considéré dans le soin, peut aussi de dégrader lorsque le soignant ne s épanouit plus dans son travail. A ce sujet, Gwenaëlle dit «que le jour où t es blasé de ton travail, où tu banalises le patient, il faut changer de service, il faut te remettre en danger et repartir dans une situation autre» ( ). Cela dans le but de pouvoir replacer le patient au centre de sa prise en soin et de ne pas tomber dans l objectivation de ce dernier. Ce qui ressort des différents entretiens est le risque d objectiver le patient dans le soin malgré que cela semble être nécessaire dans certaines situations. Lorsqu il est demandé à Nathan de parler de l objectivation du patient dans le soin, il lui vient tout de suite à l esprit les situations d urgence qui ont un enjeu majeur pour le pronostic vital de la personne soignée. Il explique : «je ne dis pas que le patient devient un objet mais tu vas faire des soins invasifs, tu vas agir sur un corps [ ]. Toi ton seul objectif c est de faire revenir la personne, de ne pas la perdre. Peut-être que dans ces moments-là tu te détaches complètement du patient. C est vraiment un organisme [ ] voilà un corps avec des fonctions [ ] vitales sur lesquelles tu vas agir» ( Il dit cependant de faire attention dans le reste de la prise en soin à continuer de parler aux patients, pour ne pas faire des soins à la chaine sinon «on se déshumanise complètement [ ] Ça devient des objets» ( ). Claire évoque quant à elle une expérience personnelle où elle a été hospitalisée, ce qui permet d obtenir son 32

39 point de vue en tant que patiente également, ce qui semble l aider à considérer davantage le patient dans son soin du fait de l enseignement qu elle en a tiré. Elle raconte que «les personnes elles ouvrent la porte de ta chambre, elles tapent mais elles attendent pas que tu répondes, elles viennent te réveiller, on vient te prendre la tension dans la nuit pendant que tu dors, on allume la lumière alors que t'es endormi, que t'as mis très très très très très longtemps à t'endormir on t'a mis une chemise d'hôpital sauf que t'as pas envie d'être en chemise d'hôpital, et voilà tu partages des fois ta chambre avec quelqu'un avec qui t'as pas du tout envie de partager ta chambre». Elle témoigne que les soignants ont souvent tendance à dire aux patients ce qu ils doivent faire, comment le faire et à quelle heure le faire, sans jamais leur demander leur avis ou si c est dans leurs habitudes, ni même leur expliquer la raison pour laquelle ils doivent le faire. Cela inclut l alimentation, qui n est pas adaptée aux préférences des patients et est souvent un problème pour les patients durant leur hospitalisation. Malheureusement, elle dit qu «on dépersonnalise souvent les patients» ( ) et cela est visible avec les chemises d hôpital que doivent porter les patients. Selon sa propre expérience, elle témoigne : «j ai senti que j étais un objet de soins alors que je sais que c était pour moi et que c était pour ma santé» ( ). Mais cet objectivation du patient est également présente dans la pratique professionnelle de Claire qui explique ne pas pouvoir faire des soins à la carte aux quatre patients lorsqu elle n a que quarante-cinq minutes pour les brancher en Hémodialyse. Elle dit même qu elle est parfois allée contre la volonté du patient, qui n était donc plus au centre de sa prise en soin, car le médecin estimait nécessaire la séance. Malheureusement, l objectivation des patients est mal vécue par ceux-ci et «quand ils voient que c est telle infirmière bah ils repartent parce qu ils savent que justement ils ne pourront pas être acteurs» ( ) de leurs soins. Gwenaëlle explique que la prise en charge d entrée en réanimation implique une objectivation du patient, avec de nombreux soignants autour de lui, qui discutent entre eux. «Nous, tout ce qui nous intéresse, c'est horrible de dire ça mais c'est ce qui fait qu'on est efficaces et que la prise en charge va être efficace, c'est à dire c'est sa tension, ses pulsations, son état de conscience, comment il arrive, qu'est-ce qu'on fait, où est-ce que le médecin va poser les voies, l'artère radiale ou fémorale, la voie centrale en radiale ou fémorale, le champ, qui fait quoi, les sédations, est-ce qu'on l intube ou est-ce qu'on l intube pas» ( ). Elle dit alors que le patient «est au centre de la prise en charge mais pas comme une personne à part entière» ( ). Mais cela ne s applique qu aux entrées en réanimation qui sont des 33

40 urgences, et pas au reste des soins prodigués par Gwenaëlle. Elle ajoute que «considérer le patient comme un objet c'est mal dans un concept soignant parce qu'on est là pour aider la personne, [ ] pour être bien traitant c'est à dire pour lui rapporter forcément quelque chose de meilleur [ ] alors qu un objet finalement tu le laisses là, tu reviens, tu t'en fiches un peu, donc c'est un peu deux concepts qui sont complètement éloignés» (. Pour terminer cette sous-partie, Emma définit l objectivation du patient comme le fait d agir mécaniquement sur le patient, en prenant sa pathologie, en lui distribuant ses traitements, en faisant ce qui nous est demandé mais sans chercher à en savoir davantage. Elle évoque quant à elle des situations avec des difficultés relationnelles, où elle a occulté le patient et l a considéré comme objet de soins, ainsi qu une situation de fin de vie, où elle savait que les soins prodigués ne changeraient pas le mauvais pronostic de la patiente. Par la suite, les infirmiers ont été interrogés quant à ce que l expérience professionnelle leur a apporté pour ceux avec plus de cinq ans d ancienneté de diplôme, ou sur ce qu ils pensent que cela leur apportera pour ceux avec moins de deux ans d ancienneté de diplôme. La gestion des émotions n a été que très peu abordée, par les deux infirmières travaillant en Réanimation. Gwenaëlle l a évoqué en disant qu il ne faut pas faire entrer ses émotions en jeu dans une situation d urgence telle qu une entrée en Réanimation, de peur d être empathique et d être plus lente, mais elle ne l a pas mis en lien avec son expérience professionnelle ni personnelle. Emma, qui a moins de deux ans de diplôme, évoque un infirmier du service de Réanimation qui y travaille depuis quinze ans et qui «n a plus aucune émotion face à la mort d un patient» ( ). Selon elle, ce n est pas la bonne attitude à avoir car elle dit : «il y a des décès qui touchent plus que d autres, et dans tous les cas je pense que le jour où un décès ne m'affectera plus ou que une prise en charge qui se passe mal ne m affectera plus, je pense que je n'aurai plus ma place dans les soins parce que justement on manquera de cette chose qui fait dire qu on est encore dans le soin.» (. Les autres infirmiers la rejoignent pour dire qu il y a effectivement un danger de banaliser le patient et le soin qui lui est prodigué, notamment lorsqu on se lasse du service dans lequel on travaille, car cela est délétère à la fois pour le soin et pour la relation soignant-soigné. Nathan dit à ce propos que le soin technique sera maitrisé mais la relation avec le patient sera impactée si le soignant est lassé car il sera moins agréable avec le patient. Mais Gwenaëlle avoue que cela peut être parfois difficile de ne pas être blasé lorsqu on rencontre sans cesse des situations similaires ou des situations toutes plus graves les unes que les autres. C est pour 34

41 cela qu elle propose de changer de service lorsque cela arrive afin de se remettre en danger et de retrouver la pression positive et le côté stimulant et intéressant qu évoque Nathan lorsqu on arrive dans un nouveau service, même si cela peut sembler angoissant de ne plus être dans le confort d un service de soin qu on connait bien. Mais Nathan dit qu il faut retenir le vécu des situations, et en effet l expérience a également des avantages qui sont évoqués par les infirmiers tels que le fait d être plus serein, de mieux appréhender les profils de patients pour améliorer l approche qu on a avec eux ou encore le fait de pouvoir «avoir plus de pistes pour désamorcer une situation difficile» ( ). Gwenaëlle dit aussi que l expérience professionnelle lui a permis de réussir à placer réellement le patient au centre de sa prise en soin et de se détacher de son rôle propre infirmier sur lequel elle était focalisée en arrivant dans le service de Réanimation. Mais si Emma aime à croire qu elle restera toujours la même soignante avec plus d expérience professionnelle, elle émet tout de même un doute sur cela, «un gros point d interrogation» ( ) lorsqu elle voit ses collègues de boulot qui «disent eux-mêmes [n être] plus du tout comme ils étaient avant» ( Enfin, Claire dit quant à elle que malgré son expérience professionnelle, elle ne s est habituée ni aux décès, ni à la maladie, ni à la souffrance. Elle estime aussi que son expérience vient également de son expérience personnelle, ce qui fait qu elle faisait déjà très attention à l acceptation du soin par ses patients dès l obtention de son diplôme d infirmière. Pour terminer, les quatre infirmiers interrogés disent unanimement qu ils se questionnent beaucoup sur leur pratique afin de lui donner un sens, et qu ils reviennent souvent sur des expériences vécues dans le but de pouvoir «optimiser [leur] pratique» (. Nathan dit que «des fois on fait des bons choix, parfois des mauvais. On peut les regretter pour éviter de les reproduire si on pense que cela n était pas la bonne méthode» (. De par son expérience personnelle en tant que patiente, et les expériences vécues par ses proches, Claire fait très attention à garder du sens dans ses soins, et à la manière dont elle présente les choses aux patients. Emma et Gwenaëlle disent qu elles n hésitent pas à échanger avec leurs collègues de travail et Gwenaëlle ajoute : «je me demande toujours est-ce que j'ai bien fait, qu'est-ce que je fais mal, j'essaie globalement [ ] de toujours m'intéresser à ce que je fais, de toujours donner un sens à ma pratique en comprenant ce que je fais» (. Ainsi, il semble que les quatre infirmiers aient conscience de l importance d une relecture éthique de leurs soins. 35

42 En conclusion, les quatre infirmiers disent considérer leurs patients comme sujets de soin, et y accordent une grande importance. Cependant, il semble que certaines situations entrainent une objectivation du patient, qui est nécessaire pour leur bon déroulement, comme les situations d urgence. Les infirmiers travaillant dans le service de Réanimation semblent donc y être plus souvent confrontés. Le critère d inclusion des infirmiers interrogés était l ancienneté de leur diplôme, mais cela ne semble pas avoir d impact quant à leur volonté de considérer le patient comme sujet de soin. La subjectivation du patient semble toutefois plus aisée avec une meilleure maitrise du service en lien avec une plus grande expérience professionnelle. Finalement, les soignants relèvent plus de points positifs que de points négatifs à l expérience professionnelle, car ils ont conscience du risque d objectivation et de banalisation du patient qui vient avec la routine. Par conséquent, ils y font davantage attention afin que cela ne leur arrive pas, et ont l habitude d avoir une réflexion sur leur pratique professionnelle Notions nouvelles Durant les entretiens, certaines notions ont été évoquées par les infirmiers interrogés mais elles ne faisaient pas partie des notions définies dans mon cadre de références. Claire qui travaille en Hémodialyse évoque les patients chroniques qu elle prend en soin et le fait qu elle les connaisse très bien. Elle dit : «on les connait assez bien, même des fois trop bien» ). Par ces mots, elle introduit la notion de sur-connaissance des patients dans les soins chroniques, et l impact que cela peut avoir sur la relation soignant-soigné. En effet, si cela permet au soignant de mieux connaitre son patient, cela peut également créer une routine dans le soin et engendrer un risque de banalisation du soin. La chronicité peut donc être à la fois un atout et un frein à la subjectivation du patient. Nathan, qui travaille avec Claire, introduit la notion d expérience du patient, du fait de la chronicité de sa maladie, l insuffisance rénale chronique. Il dit que «certains connaissent leur pathologie le soin l environnement et même tes collègues mieux que toi. Donc quand t arrives, t as beau avoir une petite expérience, ils te montrent quand même qu eux ils en ont une aussi» ( et il ajoute que les patients ont «un bon caractère du fait de la chronicité» (. Ainsi, le soignant n est plus le seul à avoir de l expérience dans les soins prodigués. Emma parle aussi d expérience, mais évoque celle des aides-soignantes : «les aides-soignantes mine de rien dans des services en tout cas comme la réanimation elles 36

43 ont énormément d'expériences» ( ). L expérience provient également des collègues de travail, on peut apprendre d eux. Le travail en équipe est alors d autant plus important. Emma apporte une deuxième notion, celle de la place de la famille des patients dans les soins, et notamment dans un service aussi anxiogène que la Réanimation. Elle dit : «t'as toujours la famille qui est très présente surtout dans des services comme ça où ils s inquiètent d'autant plus donc le fait de voir la famille, d'avoir les photos, on a l'impression de connaître plus sa vie que dans peut-être d'autres services» (. La famille permet alors aux soignants de subjectiver le patient, en ayant de plus amples informations sur lui, ce qui permet de pouvoir le considérer comme sujet de soin. Enfin, Gwenaëlle a évoqué un nouvel élément pouvant rendre plus difficile la subjectivation du patient dans le soin. Elle évoque le cas du patient sédaté et intubé, voire curarisé, et le fait que le soignant sait qu il n aura pas de contact avec ce dernier. Elle dit que «C'est aussi d'avoir un patient qui communique avec toi qui fait que c'est un sujet et non pas un objet. [ ] Donc le patient dans le coma je le considère comme sujet de soins parce que, même si c'est compliqué, je lui parle en fait. [ ] Alors plus quand ils sont en phase de réveil voilà mais même quand ils sont sédatés et curarisés et tu sais qu'il n'y aura aucun échange, moi je lui parle en tous cas.» ( LIMITES DE L ENQUETE EXPLORATOIRE Après avoir reçu l accord de la Direction des soins pour réaliser mes entretiens, j ai pris contact avec les différents services. Cependant, je n ai pas pu réaliser tous mes entretiens en raison de l importante charge de travail dans le Centre Médico-Psychologique contacté, et de la difficulté pour voir les infirmiers en dehors de leur temps de travail. J ai donc finalement réalisé quatre entretiens, deux dans un service d Hémodialyse et de deux dans un service de Réanimation Polyvalente, en respectant pour chaque service mon critère d ancienneté du diplôme. Après avoir analysé mes quatre entretiens, je regrette de ne pas avoir pu réaliser les deux entretiens en C.M.P. car je pense que cela aurait pu apporter une nouvelle vision du soin, et enrichir mon devoir. Mes entretiens ne se sont pas tous déroulés durant le temps de travail des infirmiers et dans un cadre professionnel. Les deux entretiens en Hémodialyse ont été réalisés au sein du Centre Hospitalier, au calme, dans une pièce à part et sans être dérangés. Cependant le premier entretien avec une I.D.E. de Réanimation Polyvalente a été réalisé à son domicile du fait de ses contraintes familiales et qu elle travaillait de nuit à ce moment-là. Un appel 37

44 téléphonique a interrompu notre entretien mais le cours de celui-ci n a pas été perturbé par la suite. Enfin, le dernier entretien avec l I.D.E. de Réanimation Polyvalente a été réalisé au sein du G.I.P.E.S., à la demande de l infirmière, ce qui ne m a finalement pas semblé idéal du fait de la présence d autres étudiants et de la perte de concentration que cela a engendré pour l infirmière interviewée. Durant mes entretiens, j ai remarqué que ma question sur la subjectivation du patient dans le soin n était pas toujours bien comprise par les soignants. Emma a fait un contresens en parlant d objectivation du patient, tandis que Nathan n était pas certain qu il prenait la bonne direction dans sa réponse. J ai essayé de poser la question différemment dans les entretiens, et il m a finalement semblé plus clair de parler de "patient sujet" plutôt que de "subjectivation". Aussi, après analyse des entretiens, je pense que j aurais dû demander clairement aux soignants les valeurs importantes selon eux dans le soin, car il m a été parfois difficile d associer leurs propos avec les valeurs retrouvées dans mon cadre de référence. De plus, le thème de mon devoir est extrêmement vaste et peut s appliquer à tous les services de soins, ce pourquoi il me semble que mon échantillon de soignants est trop faible pour obtenir des résultats probants. Mais les entretiens semi-directifs sont très longs à analyser, ce qui ne me permettait pas d augmenter le nombre d infirmiers interrogés. L utilisation d une autre méthode en complément, telle qu une analyse quantitative avec un questionnaire, aurait permis une analyse plus poussée. Enfin, je n avais jamais réalisé d entretiens auparavant et j ai été confronté à la difficulté d être attentive à chaque mot utilisé par les soignants afin de pouvoir rebondir sur leurs propos. On peut ainsi passer à côté de certaines notions qui auraient méritées d être approfondies. Malgré que les soignants m aient tous proposé de les recontacter si besoin, je n ai pas souhaité le faire car cela aurait impliqué une réflexion des soignants sur le sujet, et rendu leurs propos peut-être moins honnêtes. 38

45 5. PROBLEMATIQUE Après avoir fait l analyse de mes entretiens, les recherches effectuées pour le cadre de références me semblent être pertinentes. Toutefois, certains éléments n ont pas été ou peu abordés par les infirmiers, tandis que d autres notions sont apparues afin d enrichir la réflexion autour du thème de mon devoir. Je remarque tout d abord que l ensemble des auteurs lus et des professionnels interrogés parlent du patient en tant que sujet de soin ainsi qu en tant qu objet de soin. Cette distinction semble donc être faite également par les infirmiers, bien que le terme de "subjectivation" ait pu en perturber certains au départ. La notion de subjectivation du patient dans le soin est centrale dans mon écrit, ce pourquoi une question l abordait dès le début des entretiens avec les quatre infirmiers. La notion du soin, dans lequel s inscrit la subjectivation du patient, a également été questionnée. Aucun infirmier n a différencié le soin des soins contrairement aux auteurs. Le prendre soin s est révélé être plus important que le faire soin pour les infirmiers, malgré que la bonne réalisation des soins techniques permet également d inscrire le soin dans une démarche de qualité. La qualité est une notion qui a été plus difficile à aborder avec les soignants, car elle reste très subjective comme l a évoqué le cadre de références. Ils ont eu des difficultés à expliciter ce qui permettrait d inscrire une prise en soin dans une démarche de qualité. Cependant, le soignant et le soigné entrent en relation, et l importance de celle-ci semble être identique pour les auteurs et les infirmiers. Cette relation soignant-soigné se doit d être une relation de confiance pour Claire et Nathan qui travaillent auprès de patients chroniques. Pour cela, l infirmier possède de nombreuses valeurs qui se traduisent par son attitude. Les valeurs évoquées dans le cadre de référence se sont retrouvées dans les propos des infirmiers, malgré qu il m ait parfois été difficile de relier leurs mots aux valeurs. Enfin, l humanitude et l Humanisme n ont pas été cité à proprement parlé mais font intégralement partie du discours des soignants qui essaient de placer le patient au centre de leur prise en soin. Pour cela, la parole est majoritairement utilisée, puisque les quatre infirmiers l ont évoqué durant les entretiens. Il faut toutefois noter que le toucher et le regard prennent également une petite place dans le discours des infirmiers de Réanimation du fait de la communication avec le patient qui passe davantage par des biais physiques. Emma évoque une communication différente mais toujours intéressante, ce qui peut s expliquer par la prise en soin de patients inconscients, sédatés voire curarisés. 39

46 La relation soignant-soigné est la rencontre de deux subjectivités, tel que cela a été décrit par les auteurs dans le cadre de références. Cependant, la subjectivité des patients a été majoritairement évoquée durant les entretiens. La subjectivité des soignants a été très peu évoquée, mais s est retrouvée dans les propos de Claire, lorsqu elle évoquait l impact de ses expériences de soin personnelles dans sa pratique professionnelle à ce jour. Cependant, les quatre infirmiers s accordent pour dire qu il est important de considérer le patient comme un sujet de soin, ce qui rejoint le cadre de références, malgré que certains éléments puissent rendre cela difficile. Certaines éléments, et notamment le manque de temps, est un problème majeur pour les quatre infirmiers interrogés, mais d autres ne se sont pas retrouvées dans les entretiens. Peut-être qu en faisant davantage d entretiens, je pourrai avoir une vision plus large et globale des éléments empêchant la subjectivation du patient. De plus, la vulnérabilité et la compassion n ont jamais été abordés de manière explicite, malgré que l empathie fasse partie intégrante des propos de certains infirmiers. Gwenaëlle dit par ailleurs à ce sujet qu il est important de ne pas prendre en charge des personnes que nous connaissons. Finalement, le risque majeur est l objectivation du patient, malgré que cela semble être nécessaire dans certaines situations de soins tels que les situations d urgence. Ainsi, bien que ces situations aient plus de chance d arriver dans un service tel que la Réanimation, il ne me semble pas que cela soit attrait au service dans lequel le soin est réalisé, mais plutôt au type de soin qui doit être effectué. Aucun infirmier n a évoqué l Evidence Based Medecine, ou médecine centrée sur la maladie, et cela ne semble pas faire partie de leur pratique habituelle. L expérience professionnelle des quatre infirmiers interrogés différait, ce qui correspondait à mon principal critère d inclusion dans le choix des infirmiers interrogés. Cependant, les infirmiers plus expérimentés ne se considèrent pas comme objectivant les patients, car ils ont conscience de ce risque et y fond attention. L expérience professionnelle semble ne leur apporter que des points positifs, avec une meilleure prise en charge du patient, car ils se sentent plus à l aise dans le service et dans les soins. La banalisation du patient, telle qu elle est évoquée dans le cadre de références, ne fait pas partie des pratiques des infirmiers interrogés. Lorsqu ils sont interrogés à ce sujet, ils considèrent la banalisation du patient comme un risque, mais pas comme une finalité qui vient avec l expérience professionnelle. Pour cela, ils proposent de changer de service et de se remettre en danger si un infirmier considère son patient comme un objet de soin du fait de la routine qu il a acquis dans le service. Les infirmiers possédant moins de deux ans de diplôme ont également connaissance de ce risque, qu ils observent 40

47 parfois dans les pratiques de certains infirmiers plus expérimentés, mais Emma dit qu elle aime à croire qu elle ne changera pas, malgré que cela la questionne à juste titre. La meilleure gestion des émotions n a été que très peu abordée, mais semble toutefois être en accord avec le cadre de références dans les quelques propos à ce sujet des infirmiers. Pour terminer, les quatre infirmiers interrogés prêtent attention à leur pratique professionnelle et disent essayer de l améliorer constamment en n hésitant pas à revenir sur des soins effectués pour s améliorer ou en discutant avec leurs collègues sur des situations vécues. L importance d une relecture éthique des soins se retrouve donc également dans les quatre entretiens réalisés. Toutefois, le fait de n avoir réalisé que quatre entretiens ne me permet pas de savoir si les résultats obtenus sont une généralité parmi les soignants. Durant les entretiens, certaines notions ont été évoquées par les infirmiers interrogés mais elles ne faisaient pas partie des notions définies dans mon cadre de références. En effet, Claire qui travaille en Hémodialyse évoque les patients chroniques qu elle prend en soin et le fait qu elle les connaisse très bien. Elle introduit la notion de sur-connaissance des patients dans les soins chroniques, et l impact que cela peut avoir sur la relation soignant-soigné. En effet, si cela permet au soignant de mieux connaitre son patient, cela peut également créer une routine dans le soin et engendrer un risque de banalisation du soin. La chronicité peut donc être à la fois un atout et un frein à la subjectivation du patient. Nathan, qui travaille avec Claire, introduit la notion d expérience du patient, du fait de la chronicité de sa maladie, l insuffisance rénale chronique. Le soignant n est plus le seul à avoir de l expérience dans les soins prodigués. Emma parle aussi d expérience, mais évoque celle des aides-soignantes. L expérience provient également des collègues de travail, on peut apprendre d eux. Le travail en équipe est alors d autant plus important. Emma apporte une deuxième notion, celle de la place de la famille des patients dans les soins, et notamment dans un service aussi anxiogène que la Réanimation. La famille permet alors aux soignants de subjectiver davantage le patient, en ayant de plus amples informations sur lui, ce qui permet de pouvoir le considérer comme sujet de soin. Enfin, Gwenaëlle évoque un nouvel élément pouvant rendre plus difficile la subjectivation du patient dans le soin. Elle évoque le cas du patient sédaté et intubé, voire curarisé, et le fait que le soignant sait qu il n aura pas de contact avec ce dernier. Au cours de ce travail, je remarque que la prise en charge des patients en Réanimation semble être plus complexe que ce que je pouvais m imaginer en débutant ce travail. En effet, 41

48 les infirmiers prennent en soin des patients sédatés, intubés et parfois curarisés, avec qui ils savent par avance qu il n y aura aucun échange. Pourtant, la relation soignant-soigné est définit dans le cadre de références comme la rencontre de deux subjectivités. Mais comment cette rencontre peut-elle avoir lieu lorsque la communication n est possible que dans un sens? Qu implique pour le soignant la prise en soin d un patient inconscient? Comment peut-il le considérer comme sujet de soins, tandis qu il pratique sur lui des soins invasifs dont il ne gardera aucun souvenir? Du fait de mon projet professionnel, qui est de devenir infirmière en Réanimation, je décide de me pencher sur la question de la subjectivation du patient en Réanimation. 42

49 6. QUESTION DE RECHERCHE De ce fait, dans la possibilité de poursuivre ce devoir, mais également au vu de mes recherches et des résultats obtenus après l analyse des entretiens, ainsi que de l avancement de mon questionnement personnel, je pose la question de recherche suivante : «Dans quelle mesure le soignant de Réanimation peut-il considérer son patient comme un sujet de soin et établir une relation avec lui, tandis qu il est sédaté et curarisé?» 43

50 CONCLUSION Au fur et à mesure de l écriture de ce Travail Ecrit de Fin d Etudes, j ai remarqué la complexité du sujet choisi mais l immense intérêt de celui-ci puisqu il peut s appliquer à tous les services de soin, et à tous les professionnels de santé. Les recherches effectuées pour mon cadre de référence et l analyse des entretiens m ont permis de constater l importance de la subjectivation du patient dans le soin. Le prendre soin, l écoute, la parole, le regard, l attention portée et la confiance, semblent être essentiels pour y parvenir. L expérience professionnelle doit être un support pour améliorer sa prise en soin mais ne doit pas venir créer une routine au risque de banaliser le soin et d objectiver le patient. Ce travail a été enrichissant et m a permis de trouver des éléments de réponses à certaines de mes questions. Je souhaitais comprendre l impact que peut avoir la subjectivation du patient dans le soin, mais c est finalement un travail beaucoup plus complet, évoquant davantage l importance de celle-ci que son impact, que j ai mené. Il m a permis d avancer dans mon questionnement et d acquérir de nouvelles connaissances. Cela m a également permis de continuer à me construire en tant que future professionnelle de santé. J ai aimé faire ce travail de recherche, lire ces livres et articles, malgré que ce fut un exercice long et que j ai cru ne jamais terminer. J ai trouvé particulièrement intéressant et enrichissant la confrontation des idées des auteurs avec les infirmiers interrogés durant la phase exploratoire. J ai ainsi pu comprendre la manière et la raison qui pousse parfois les infirmiers à considérer leurs patients comme des objets de soin. Les connaissances acquises me permettront, je l espère, de continuer à me remettre en question tout au long de ma pratique professionnelle, de garder cette relecture éthique des soins que j évoque dans ce travail, afin de toujours considérer mes patients comme des sujets de soins, même si je suis amenée à travailler dans des services très techniques comme la Réanimation. Je souhaite également que ce travail puisse m aider lorsque des collègues rencontreront des difficultés dans la prise en charge de patients, et dans la manière dont ils les considèrent dans le soin. Enfin, j espère transmettre cette réflexion aux étudiants que je croiserai en stage, et à toute personne qui s y intéressera, qu elle soit professionnelle de santé ou non, comme c est déjà le cas à ce jour. Ainsi, si je devais continuer ce travail, j approfondirai la notion de subjectivation du patient en me centrant sur le service de Réanimation, et en questionnant la relation soignantsoigné établie avec un patient sédaté et curarisé. 44

51 BIBLIOGRAPHIE ARTICLES DE PERIODIQUE PAPIER : Delhaye, M., & Lotstra, F. (2007). Soignants... Soignés, un rapport complexe. Une réflexion «chemin faisant» quant au statut émotionnel du soignant. Cahiers de psychologie clinique, 28, Gruat, F. (2015). Le soin, un acte éthique. Soins, 801, Maroudy, D. (2015). L éthique du soin. Soins, 801, 27. Or, Z., & Com-Ruelle, L. (2008). La qualité des soins en France : comment la mesurer pour l améliorer? Institut de recherche et documentation en économie de la santé, 18, 20 p. Riopelle, L., & Teixidor, M. (2002). Approche humaniste de la pratique infirmière (1/2). Soins cadres, 44, Svandra, P. (2009). Penser le soin. Paris : Elsevier Masson, B-10, 8 p. Thominet, P. (2011). Les valeurs en devenir. Soins, 754, Tocheport, P. (2011). Principes éthiques dans la relation de soins. Soins, 754, MONOGRAPHIE : Dubas, F. (2012). La médecine et la question du sujet : enjeux éthiques et économiques (4 tirage). Paris : Les Belles Lettres, 283 p. Dupuis, M., Gueibe, R., & Hesbeen, W. (2011). La banalisation de l humain dans le système de soins : de la pratique des soins à l éthique du quotidien. Paris : SeliArslan, 156 p. Hesbeen, W. (1998). La qualité du soin infirmier : Penser et agir dans une perspective soignante. Paris : Masson, 207 p. Lefève, C., Mino, J.-C., & Zaccaï-Reyners, N. (2016). Le soin : approches contemporaines. Paris : Puf, 224 p. Paillard, C. (2018). Dictionnaire des concepts en sciences infirmières (4ème édition). Noisy-legrand : Setes, 565 p. 45

52 CHAPITRE D UN OUVRAGE COLLECTIF : Eggert, N. (2016). Le care, une exigence politique. In Lefève, C., Mino, J.-C., & Zaccaï- Reyners, N., Le soin : approches contemporaines (pp ). Paris : Puf. SITES INTERNET : Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. (s.d.). Compassion. En ligne consulté le 07 février Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. (s.d.). Soin. En ligne consulté le 29 janvier Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. (s.d.). Subjectivité. En ligne consulté le 29 janvier Desbrosses, S. (2007). Attitudes : Définitions et caractéristiques. En ligne sur le site Web Psychowebhttp:// consulté le 16 février Fleury, C. (2015). Le care-cure. En ligne sur le site Web L Humanité consulté le 16 février Lebret, J-M. (2007). Réflexion philosophique sur la relation soignant/soigné. En ligne sur le site Web de Cadre de Santé consulté le 29 janvier Phaneuf, M. (2007). Le concept d humanitude : une application aux soins infirmiers généraux. En ligne consulté le 20 février PUautomne. (2015). Patient et médecin. En ligne consulté le 26 avril Santé Publique. (s.d.). Qualité des soins : définition. En ligne consulté le 06 février

53 ANNEXES

54 SOMMAIRE DES ANNEXES: Annexe 1 : Autorisations d entretiens... I Annexe 2 : Guide d entretien... II Annexe 3 : Retranscription des entretiens... III Annexe 4 : Analyse des entretiens... XXIII Annexe 5 : Autorisation de diffusion... L II

55 ANNEXE 1 : AUTORISATIONS D ENTRETIENS I

56 ANNEXE 2 : GUIDE D ENTRETIEN Date de l entretien : QUESTION 1 : Présentation du soignant - Prénom : - Age : - L année d obtention de votre diplôme d infirmier(ère) : - Depuis combien d années travaillez-vous dans ce service? - Quelles sont les différentes structures de soin ou services dans lesquels vous avez travaillé? QUESTION 2 : Pourriez-vous me définir rapidement ce qu est selon vous la «subjectivation» du patient? Et le «soin»? QUESTION 3 : Pouvez-vous me raconter une situation où la subjectivité que vous avez accordé au patient a impacté le soin que vous réalisiez? QUESTION 4 : Avez-vous quelque chose à ajouter? Notions : Soin / soins / faire du soin / prendre soin Patient objet / patient sujet Relation soignant-soigné / expérience professionnelle Réflexion sur sa pratique / éthique / qualité II

57 ANNEXE 3 : RETRANSCRIPTION DES ENTRETIENS IDE 1 : Nathan en Hémodialyse Bonjour, je vais commencer par la présentation sachant que ton prénom sera anonymisé dans la retranscription de l entretien. Alors, quel âge as-tu? 38 ans, depuis deux jours. Joyeux anniversaire! rires Merci! rires En quelle année t as eu ton diplôme d infirmier? Depuis euh bein depuis Du coup c est le premier service dans lequel tu travailles? J ai fait néphrologie juste avant, pendant 10 mois, puis hémodialyse depuis 9 mois maintenant. Peux-tu me définir rapidement ce qu est selon toi le soin? Oh! Le soin Quelle définition donnerais-tu au soin? C est de, je ne sais pas, de répondre à un besoin on va dire physique ou psychique euh à une personne voilà souffrante quoi. Mouais voilà. Une douleur physique ou psychique, c est lui apporter le plus de confort possible. Je vois ça comme ça. D accord. Et pourrais-tu me définir ce qu est la subjectivation du patient? Le patient en tant que sujet de soin. Qu est-ce que cela t évoque? Rohlala je ne sais plus du tout ce que c est. Comme sujet de soin c est-à-dire? Comme acteur du soin? Qu est-ce que ça veut dire? Je n arrive pas à comprendre le truc. Ce serait dans le sens d être considéré comme un sujet durant le soin. A l inverse de l objet de soin. Ouais mais c est, euh ouais, la dimension de sujet elle est juste au fait que ce soit un être humain c est ça? C est ta vision. Il n y a pas de mauvaise réponse. Toi si je te dis sinon de quelle manière tu pourrais considérer le patient comme un sujet de soin, qu est-ce que Bah on va dire, après je ne sais pas si je vais dans la bonne direction ou pas, mais on va dire que par exemple en hémodialyse le soin va être plus ou moins le même, en gros parce que quand même il y a des différences, mais pour les patients ils viennent faire une séance de dialyse car ils sont insuffisants rénaux mais chaque patient est différent. Ils vont avoir, je ne sais pas, la raison de leur insuffisance rénale qui peut être différente, une historie de vie différente, un âge qui peut être différent, il y en a certains qui bossent encore alors que certains sont des personnes âgées, et puis il y en a qui vont vivre le soin d une manière différente aussi. On va dire qu il faut sans arrêt même si on fait quelque chose d assez répétitif dans le fond dans n importe quel service. Selon le patient à qui on le fait c est toujours différent car il faut qu on adapte son soin à cette personne, savoir ce qu elle ressent, savoir dans quel état elle est sur le moment, enfin voilà il faut il faut essayer d éviter d être en mode automatique en fait et de considérer tous les patients comme les mêmes. Ils sont tous différents, ils peuvent vivre les choses différemment. Voilà moi je comprends plus les choses de cette façon. D accord. Ouais c est s adapter aux sujets. Alors, pourrais-tu me raconter une situation où la subjectivité que tu as accordé au patient a impacté le soin que tu réalisais? Euuuh. Je peux reposer la question si besoin. Donc une situation Où la subjectivité que tu as accordé au patient a impacté le soin que tu lui prodiguais. Alors euh ouais. Ouais on va Enfin ça n a pas trop modifié le soin mais je pensais à un truc il n y a pas trop longtemps. Je suis tout nouveau dans le service et je me confronte forcément aux patients chroniques et du coup avec, je pense être quand même quelqu un d assez patient, mais je me confronte à des gens qui font toujours la même chose, qui viennent trois fois par semaine 4 heures donc ça représente énormément de temps dans leur semaine. Et du coup ils arrivent avec de forts caractères et avec une idée du soin. Avec un rapport au temps qui est quand même assez particulier pour toujours être branché au plus vite pour être rentré au plus vite. Du coup ça ne va pas forcément avec le soin et je pensais à quelqu un. J avais un souci de branchement avec un premier patient et le deuxième patient que je devais brancher voyait que ça allait être un peu plus long pour lui et du coup il a commencé à souffler souffler souffler et je l entendais râler. Donc moi je devais me concentrer sur la ponction de quelqu un, régler les soucis et c est vrai que j ai un peu perdu mon sang froid sur le moment, j ai un peu voulu recadrer tout le monde parce que je sentais en fait que, c est des secteurs de 4 et s il y en a un qui III

58 commence à faire monter la pression au niveau du temps ça se répercute forcément sur les 3 autres et du coup, enfin j ai monté un peu le ton, ce qui n est pas quelque chose d habituel. J ai monté le ton en expliquant au patient qu on n était pas là pour s amuser, que cela nécessite de la concentration et qu il peut y avoir des aléas de temps donc finalement ça prendra le temps qu il faut. C est vrai que ça a été un gros blanc parce que je viens d arriver dans le service et ce sont des patients qui ont besoin d avoir confiance en les soignants, ils sont amenés à me revoir et j ai un peu des preuves à faire auprès d eux. J aime bien faire en sorte que cela se passe bien et c est vrai que le fait d avoir monté le ton comme ça a fait que je ne suis pas parti sur des bonnes bases avec lui pour sa prise en charge. Après quand ça a été son tour il n'a pas décollé un mot pendant le branchement. Moi j aime bien leur demander comment la séance précédente s est passée pour avoir des idées sur la séance qui va se produire et là je n avais aucune info, il s est complètement fermé. Mouais voilà je branchais un patient, alors que c était pour lui à la base. On les soigne quoi. Donc euh bon la séance était calme, j ai fait la séance et on a réussi à se réexpliquer un peu plus tard mais pour moi je n avais pas passé une dialyse de qualité par rapport à lui parce que bah voilà quand on essaie de s imaginer un peu leurs quotidiens ils ne sont pas là non plus pour se faire pourrir par un infirmier. C est bien d être cadré un peu mais une séance où la personne est renfermée sur ellemême qu elle ne te donne aucune information et que limite elle est en boule tout le long à attendre qu on la débranche et qu elle s en aille, pour moi ce n est pas possible je ne peux pas soigner comme ça. Voilà, je pense plus à ça, il n y a que ça qui me vient pour le moment. Dans la manière dont tu as considéré toi du coup le patient, est-ce que tu penses que cela a changé le soin, que tu as modifié ce que tu aurais pu lui faire si cet incident entre guillemets ne s était pas déroulé au début de la séance? Alors euh pour le coup non parce que je fais toujours très attention au soin que je fais. On est là pour s occuper des gens, qu ils aient un sale caractère ou pas, qu on soit d accord avec eux ou pas, on n est pas là pour juger quoique ce soit. Là pour le coup je pense même que c est nécessaire des fois d hausser un peu le ton surtout chez ces gens-là qui ont un bon caractère du fait de la chronicité. Après moi mon soin je l ai fait de la même manière, de manière stérile, je reste concentré sur le poids à perdre, sur le bain du dialysat, je sais pourquoi on est là. On va dire que je ne pense pas que le soin aurait pu être A part la relation avec le patient mais je ne pense pas qu il aurait pu être mieux fait ou moins bien fait. Bizarrement à la fin de la séance il s est excusé en plus et m a dit qu il avait un fort caractère donc je pense que sur le coup j ai bien fait de faire baisser la tension. De toute manière on marche à l instinct et à un moment donné c est à nous de gérer une situation, des fois on fait des bons choix, parfois des mauvais. On peut les regretter pour éviter de les reproduire si on pense que cela n était pas la bonne méthode mais une fois que c est fait c est comme ça quoi. Est-ce qu il t arrive de réfléchir à ce qu il a pu se passer avec les patients du coup afin de t améliorer, d améliorer ta pratique? Oui tout le temps, t es toujours en train de revenir sur des expériences bah que t as vécu et de toute manière, enfin ça c est flagrant mais il y a des choses qui vont t arriver une fois deux fois la troisième fois tu aurais beaucoup plus de maitrise et de recul sur la situation et tu vas la gérer donc c est sûr que l expérience joue énormément. Des situations que tu as déjà rencontrées en général la fois d après tu percutes beaucoup plus vite et les conséquences sont forcément moins importantes. C est même très important dans ce métier, le vécu des situations, il faut les retenir. Tu parlais de ta jeune expérience professionnelle puisque tu as obtenu ton diplôme en 2020, penses-tu que ta relation avec le patient pourrait-être amenée à évoluer avec une plus grande expérience professionnelle dans quelques années? Euh fiou pour le coup la relation avec le patient je ne pense pas parce que je suis infirmier depuis 2020 mais je travaille à l hôpital depuis 18 ans en fait, avec des années d aide-soignant dans des services différents, un peu de chirurgie, de maison de retraite, de réanimation, donc des services différents avec une relation aux patients différente aussi. Donc la relation avec le patient ce n est pas tout à fait pareil quand même mais avec les années on arrive quand même à se faire une expérience. Après en dialyse bizarrement c est un service qui m a je me suis retrouvé un petit peu on apprend toujours quand même. Je me souviens par exemple à l I.F.S.I. en psychiatrie, c était un lieu que je ne connaissais pas, la première fois que je suis arrivé en stage je me suis dit que bon normalement en termes de relation aux patients ça devrait bien se passer avec mon expérience de l hôpital mais euh ils m ont complètement déstabilisé au premier quart d heure, une distance, tout était différent. Ils m ont totalement déstabilisé. Et ici aussi car certains connaissent leur pathologie le soin l environnement et même tes collègues mieux que toi. Donc quand t arrives, t as beau avoir une petite expérience, ils te montrent quand même qu eux ils en ont une aussi et que tu ne vas pas Donc euh bon Est-ce que tu verrais plus l expérience comme quelque chose de positif ou de négatif par rapport au soin que tu prodigues au patient du coup avec l expérience, au bout de quelques années? Euh oui ça t apporte quand même quelque chose de positif parce que tu es toujours plus serein dans les situations de soin avec des années d expérience plutôt que quand t es novice. Tu as un peu moins de pression. Quand tu IV

59 arrives dans un service c est une fonction où tu as beaucoup de responsabilités quand même et des fois on ne s en rend pas compte. Après, ça va jusqu à un certain point. On va dire qu il faut toujours Moi pour avoir changé plusieurs fois de services, je pense que l expérience peut te servir. Il y a un moment donné où si tu te lasses du service dans lequel t es, ça peut être délétère. Parce que euh enfin c est Quand t arrives quand un service il y a toujours un côté intéressant, il y a toujours une pression mais c est une pression positive, elle t oblige à essayer d étudier un peu les choses, c est vrai que c est excitant, ça fait flipper mais c est très stimulant quoi. Après tu acquiers une expérience donc tu vas être un peu plus sur le confort sur certaines choses mais tu vas pouvoir en explorer d autres. Après il y a aussi ta vie personnelle qui rentre en jeu. On a des boulots où on donne énormément de nous donc il faut penser à maintenir un équilibre donc des fois l expérience ça t apporte un confort agréable. A certains moments t aimes bien rentrer dans un service où t es confiant car t es un peu moins en forme que d habitude. Et après, euh c est un avis complètement subjectif mais il y a des filles qui ont des années d expérience dans un service, qui n en sont jamais parties par peur de quitter ce confort mais du coup qui sont complètement lassées du service dans lequel elles sont. Et là je pense que du coup l expérience peut être délétère pour le patient car ton soin technique tu vas le gérer mais ta relation au patient, vu que tu es lassé de ton boulot, elle va forcément se répercuter. Tu seras moins agréable malgré toi et le patient va le ressentir. Tu parlais de soins techniques et de relationnel, et quand tu as évoqué la situation où la subjectivité que tu avais accordé au patient a impacté le soin tu m as expliqué que tu as tout de même pu réaliser ton soin technique correctement. Est-ce que tu aurais quelque chose à dire par rapport au soin relationnel? Au moment du soin ou pas? Pendant le soin, mais aussi de manière générale le lien entre le soin technique et le soin relationnel dans la prise en charge d un patient. Ce qui est super dur dans cette situation c est que là c était un problème de relation, il y a eu une tension qui est montée entre le patient et moi mais ça aurait pu être un acte technique raté. Tu sens que le patient est assez agacé mais il a des aiguilles dans le bras donc il faut réagir en gardant son sang-froid. Ce qui est super dur dans ces situations là en fait c est que tu sens qu il y a une adrénaline qui monte parce que t es un peu agacé de la situation, car ça ne s est pas passé comme il faut. Tu as toujours ici ce temps qui pèse énormément et ce patient qui te le fait ressentir et il faut que toi tu arrives à passer au-delà de tout ça, rester concentré sur ton soin technique car une erreur d asepsie pourrait être assez dangereuse ici avec les cathéters donc au moment où il se passe ce clash, le plus dur c est ça, de passer outre, de te concentrer sur ton soin et de le faire du mieux que tu peux. Après euh la relation, ce que je pourrais te dire en général ou sur cette situation-là? Ça peut être de manière générale dans ta prise en soin du patient, le relationnel que tu y accordes. Moi c est quelque chose de primordial. Dans mon cursus donc j ai fait quelques années d aide-soignant et c est un métier où on a beaucoup plus de temps relationnel avec les patients, mais en tant qu infirmier tu as beaucoup moins de temps à accorder au relationnel, tu vois plus de patients mais par contre tu es beaucoup plus limité dans ta façon de leur parler. C est quelque chose que je pense que j ai gardé de mon ancienne fonction. Ça fait un an et demi de diplôme et j ai un peu plus de mal je pense que certains collègues qui ont fait que la formation d infirmier, car ils sont beaucoup plus, pas expéditifs mais en médecine je le ressentais beaucoup plus ça. Je les pensais très efficaces dans leur manière de faire pour la distribution des médicaments, les soins techniques, ça dépotait vraiment beaucoup mais par contre ils prenaient beaucoup moins de temps en communication avec le patient car on a une charge de travail énorme. Et moi euh je débordais toujours sur mon temps personnel, je terminais toujours à une heure pas possible mais pour moi je ne peux pas brancher une perfusion et ne pas parler à un patient. Je ne sais pas moi mais on met des médicaments dans les veines aux gens et on ne peut pas ne pas leur parler et leur expliquer ce qu on fait. Ton soin technique va toujours mieux se passer si tu expliques à la personne qui tu es, où elle est, ce que tu lui fais. Il faut toujours commencer par ça. Dire bonjour, il faut entretenir quelque chose. Est-ce que tu penses que cela permet de rendre ton soin d une plus grande, d une meilleure qualité? Oui oui oui. Oui oui, tout le temps. Il faut Après les patients sont différents, tu vas voir la différence entre les patients pour qui la pointe d humour va passer et ça va les détendre direct pour le soin que tu vas lui faire, et quelqu un qui arrive, qui sait déjà que tu vas lui mettre des aiguilles dans le bras. Il y a certaines personnes qui redoutent le moment, qui n en ont pas dormi de la nuit même. C est toujours mieux d un peu apaiser les choses euh après enfin il faut s adapter, c est un peu un feeling avec un patient Il y a des gens que leur parler trop ça va les gaver. Ils sont là pour être soignés. Il y a un petit feeling qui se fait quand même et c est à toi de le sentir mais il faut quand même détendre la situation, expliquer le soin, avoir un contact avec le patient avant de faire ce que tu as à lui faire. Et même pour toi sinon on se déshumanise complètement, on fait des soins à la chaine. Ici ce qu on fait c est très protocolisé, c est tant de patients, mais après tu vas te trouver dans d autres services avec une vingtaine à charge et si tu ne leur parles plus, tu mets juste des aiguilles dans des oranges quoi «rires». Ça devient des objets quoi! Tu soignes des personnes. C est quelqu un qui a une histoire, qui a peut-être un statut et une importance et qui arrive dans ton domaine, l hôpital, et là elle est complètement déstabilisée et elle dépend V

60 presque complètement de toi. Quand tu te retrouves de l autre côté ça te fait drôle aussi. On soigne des gens mais on ne sait pas, ce sont peut-être des directeurs souvent j attaque la discussion en leur demandant leur profession. Ça aide un peu à te rendre compte de la personne que c est et en fait tu t aperçois qu il y a des gens que oui, peut-être qu à l extérieur ils ont un charisme, ils n aiment pas montrer rien, ne serait-ce qu un peu de faiblesse et ici ce ne sont pas du tout les mêmes personnes. Il faut y aller cool avec eux. Et du coup, une dernière question car tu viens de me dire que ce ne sont pas des objets. Est-ce que tu penses qu il est toujours possible de subjectiver le patient ou est-ce qu au contraire il t arrive de le considérer comme objet de soin? Bah tout de suite tu penses à la situation d urgence. En situation d urgence tu vas tu vas enfin Si le patient n est vraiment pas bien ça dépend l urgence mais Si tu vois qu elle angoisse, qu elle n est vraiment pas bien, tu sens que cela ne va pas aller, tu cherches à la rassurer en lui disant qu on va s occuper d elle, qu il va y avoir beaucoup de monde autour mais que cela va aller, et après tu te concentres sur ton urgence. Là tu te fermes complètement en fait c est con à dire mais tu vas à l essentiel. Je sais qu ici on va arrêter l UF on va envoyer un bolus on va prendre une tension on va remonter les jambes. Je ne sais pas il peut se passer plein de trucs. Ça dépend de ta situation d urgence aussi. Un arrêt cardiaque tu ne vas pas commencer à discuter avec la patiente «rires». Là il n y a plus de relation quoi, on y va. Donc euh forcément la situation d urgence la question du sujet je ne dis pas que le patient devient un objet mais tu vas faire des soins invasifs, tu vas agir sur son corps Tu vas agir sur un corps voilà. Mais tu ne vas pas chercher à rentrer en relation. Toi ton seul objectif c est de faire revenir la personne, de ne pas la perdre. Peut-être que dans ces moments-là tu te détaches complètement du patient. C est vraiment un organisme euh voilà un corps avec des fonctions on va dire, des fonctions vitales sur lesquelles tu vas agir. Moi j ai fait quelques années en tant qu aide-soignant en réa et ce sont des choses que tu ressens énormément dans ces services-là. Mais il faut agir comme ça. Et en plus ce sont des moments tellement intenses et éprouvants que tu ne pourrais pas A certains moments il faut rester technique, se baser sur le soin que tu fais, un peu se détacher justement du patient et de la relation que tu as avec pour pouvoir se concentrer sur ce que tu fais. Et dans les services techniques comme l hémodialyse et la réa tu le retrouves énormément ça. Quand on est en soin stérile par exemple, que tu branches un cathéter, tu discutes un peu mais moi à un moment je me ferme et je me concentre vraiment sur ce que je fais. Et c est plaisant un peu hein ça fait du bien de te retrouver dans ta bulle, t es en stérile, t agis sur ton soin stérile, tu réfléchis, et après tu peux reprendre une conversation. Mais ouais tout ce qui est les soins techniques et les soins d urgence il peut t arriver de complètement oublier la relation avec le sujet mais il faut car tu ne peux pas perdre de temps dans ces moments-là. Très bien, est-ce que tu aurais quelque chose à ajouter. Non C est pas évident euh la question du sujet, je ne sais pas si je suis allé là où tu voulais aller mais euh non enfin ce que je finirai par dire c est qu il te faut toujours C est des fonctions qui sont très infirmier c est un boulot où tu fais énormément de choses, c est très intéressant parce que tu vas avoir des soins techniques, tu vas faire plein de choses différentes dans plein de services différents. Ça va être des poses de sonde nasogastrique, sonde à demeure, ça va être un cathéter une prise de sang C est tellement varié et tu vas avoir beaucoup de soin relationnel aussi, où on donne beaucoup de nous. Des patients qui sont angoissées et tu vas passer un temps fou à essayer de les déstresser. Je ne sais pas moi mais au moment de donner les médicaments il faut discuter avec eux, si tu sens qu il y a un truc il faut crever l abcès, il faut qu ils se sentent le mieux possible. La situation qu ils vivent n est jamais on ne vient pas à l hôpital pour se faire plaisir. A partir du moment où tu viens à l hôpital déjà c est que ça ne va pas. Il ne faut jamais oublier ça et toujours ouais essayer de discuter avec les gens, il ne faut pas se fermer. Moi je sais que le jour où je ne retrouverai plus ça, que je ne me régalerai plus à discuter avec les gens, que ce soient des personnes jeunes ou âgées, là je pense qu il faudra changer de boulot, vraiment, sinon je ne vois pas trop l intérêt ouais voilà c est tout. Non mais c est vrai que ce sont des fonctions sur lesquelles tu peux t orienter parce que t aimes la pharmaco, la technicité des soins, je sais que la réanimation, bosser en stérile ici, les machines avec les différents paramètres, c est très technique vraiment mais il ne faut pas faire ce boulot que pour ça. Il ne faut pas oublier que ce sont des êtres humains avec un psychique et que ce n est pas qu un corps, il faut discuter avec les gens quoi voilà. Je te remercie. Et bien de rien, bon courage pour retranscrire! «rires» VI

61 IDE 2 : Claire en Hémodialyse Quel âge as-tu? Euh 37. En quelle année as-tu obtenu ton diplôme d infirmière? En Depuis combien travailles-tu en hémodialyse? Alors euh en hémodialyse je suis arrivée en avril 2016 donc ça fait 6 ans quasiment. Et avant ça dans quels services as-tu travaillé? J ai commencé pendant 8 ans j ai fait des soins intensifs cardiaques et j ai fait du bloc coro donc en cardiologie pour la pause de pacemaker et euh tout ce qui est épreuve d effort tout le plateau technique de cardio. J ai fait 8 ans de cardio et après la naissance de mon premier fils je suis partie en libéral pendant 2 ans et demi. L expérience en libéral ne s est pas passée comme je voulais, je n ai pas trouvé l expérience très intéressante au niveau professionnel et j ai eu des déconvenues au niveau des collègues. Je trouvais que c était trop attrait à l argent, c était trop lié euh j avais l impression de ne plus visualiser le soin mais que vraiment tout était rattaché à combien on allait gagner, aux impôts, ça ne m a pas plu. Et en plus j arrivais d un service très technique donc euh où tu travailles beaucoup quand même avec de l équipe et tout et en libéral je me suis sentie très seule quoi. Donc c était pas super quoi. Et donc à la suite tu es rentrée en hémodialyse? J ai demandé une réintégration car j avais pris une dispo et ils m ont mis en hémodialyse par choix. Ils m ont proposé autre chose mais j ai demandé l hémodialyse car c était assez technique et parce que euh c était quand même euh avec un suivi de patients assez concret. Je trouvais que la perspective du patient chronique finalement ça pouvait être intéressant même si au début ça me faisait très peur et finalement ça me plait et je me plais dans ce service et dans le contact aux patients qu on revoit quoi, où on a vraiment un suivi, une connaissance des patients avec tous les inconvénients que cela engendre mais il y a aussi des avantages et même beaucoup d avantages. D accord et bien première question, est-ce que tu pourrais me définir ce qu est selon toi le soin? Parce que tu as parlé du soin du coup. Alors euh pour moi, depuis jeune j ai orienté tout mon cursus scolaire vers la psychiatrie. J aimais beaucoup le contact en psychiatrie, parler avec les patients, j aimais comprendre pourquoi ils étaient malades, qu est-ce qui les avait amené là. Et pour moi il n y a pas vraiment de soin, il y a une prise en charge. On prend soin des gens mais pour moi on ne soigne aucune maladie. Ça a vraiment été une réflexion importante et mon mémoire de fin d étude je l ai fait sur la prise en charge du corps dans la psychose. Pour moi ce qu on voit dans les maladies psychiatriques c est que justement on ne soigne pas mais on prend soin des gens, on les prend en charge mais on ne va pas forcément les guérir et dans le soin technique euh psychosomatique c est pareil, on ne soigne pas les gens d un infarctus, on prend en charge un infarctus, on pose un stent, on débouche une artère mais ça ne va pas les guérir de leur maladie coronarienne. On met un traitement dessus mais pour moi de partout où on va on ne guérit pas, on prend en charge une maladie et un patient avec son vécu mais on ne guérit nulle part quoi. Et en hémodialyse bah voilà on prend en charge, on essaie de les amener vers la greffe mais même la greffe ça a des conséquences aussi ça n est pas magique et c est pas sans conséquences. Donc le soin qu est-ce que c est? C est difficile comme question «rires». Oui c est une prise en charge du patient dans sa globalité et justement ce qui est difficile ici c est de prendre le patient dans son intégralité car le patient vient pour l hémodialyse mais souvent il n a plus de médecin traitant et il nous considère nous comme son médecin traitant éventuellement et on va essayer de tout prendre en charge, de son diabète à son hypertension et à sa maladie rénale car tout est lié. C est pas un patient pour une pathologie. Toutes les pathologies sont liées donc il faut essayer de prendre en charge un petit peu tout. Ici ce qui est plus facile c est qu on les voit trois fois par semaine pendant une très longue période donc on arrive des fois à les prendre en charge de manière un petit peu plus globale en connaissant leur diabète en connaissant leur traitement anti-hypertensif et en connaissant la manière dont ils vivent à la maison, est-ce qu ils sont autonomes, est-ce que des gens les prennent en charge à la maison, est-ce qu ils ont des aidants de la famille ou des voisins, et tout ça on peut arriver à le connaître. On a une démarche de soin permanente ici quoi. On le fait assez systématiquement, on les connait assez bien, même des fois trop bien et voilà quoi c est un petit peu plus facile pour les prendre en charge correctement je trouve, que dans un service où tu les vois Comme en cardio où je travaillais avant, qu ils arrivent en urgence, tu ne les connais pas, tu ne sais pas quelle est leur histoire de vie et des fois tu ne les revois plus jamais quoi alors que nous on les suit, tu sais comment ça se passe, si une séance se passe mal tu peux aller les revoir à la séance d après. On a un peu toute la prise en charge quoi. On les envoie nous faire leurs examens dermato endocrino donc la prise en charge ici elle peut être optimale je trouve pour le patient, mais après il faut qu il en ait envie aussi parce que des fois le VII

62 patient dialysé n est pas toujours voilà quoi. On leur en demande peut-être un peu trop par rapport à ce qu ils veulent. On leur demande de venir faire des examens. Ils en ont marre parce qu ils viennent trois fois par semaine à l hôpital et c est déjà lourd pour eux donc c est un p tit peu complexe. D accord, euh est-ce que tu pourrais me définir du coup ce qu est selon toi la subjectivation du patient dans le soin? Le rendre sujet tu veux dire? Oui Bah euh pour moi c est qu ils comprennent un peu leur maladie donc c est souvent le cas des patients chroniques. Ils connaissent très bien l hôpital, ils connaissent très bien la dialyse, ils connaissent très bien euh comment ça se passe et du coup ils sont très exigeants face à ce qu on leur explique et ce qu on leur fait, si on doit leur prescrire un examen un geste ou si on doit l hospitaliser ils vont vraiment être des sujets acteurs de leurs soins. Parfois ils vont refuser, parfois il faudra négocier un p tit peu avec eux pour leur faire comprendre l intérêt de l examen ou du soin et faire qu ils l acceptent et qu ils comprennent l intérêt. Euh qu est-ce qu on peut faire? Bah euh parfois la prise en charge hospitalière bah tu rentres dans la chambre tu leur dis à quelle heure ils doivent se réveiller tu leur dis à quelle heure ils doivent se laver tu leur dis à quelle heure ils doivent prendre leurs cachets même si ce n est pas du tout leurs habitudes de vie à la maison. Donc pour moi les rendre sujet du soin c est déjà leur faire accepter, essayer de composer avec le patient donc par exemple si c est un patient qui est plus du matin bah d essayer de voir avec lui pour le prendre en charge dans la mesure du possible ses soins en fonction de ce qu il veut. Par exemple nous on essaie de mettre les gens ceux qui préfèrent être de matin le matin, ceux qui préfèrent être de nuit on essaie de les laisser le plus possible la nuit quand c est gérable par rapport aux autres intervenants qu ils ont à la maison. Pour moi ça passe beaucoup par l acceptation du soin. Les rendre sujets c est aussi les rendre acteurs. Par exemple les faire participer au soin. Euh ici tu sais comment ça se passe, on les fait peser, ils se lavent le bras, ils s installent, parfois ils mettent leurs casques pour écouter la télé, ils savent comment marche la dialyse, ils peuvent même être amenés à te demander de changer les réglages si cela ne lui convient pas. Et euh du coup bein ça fait aussi partie du jeu quoi. Tu ne fais pas que comme tu penses être bien, tu fais aussi avec le patient et vu que le patient comprend ce que tu lui fais bah il faut prendre en compte ce qu il te dit sinon il n acceptera pas complètement son soin. Et ça ce serait bien si on expliquait un petit peu plus aux gens ce qu on leur fait dans la globalité. Quand moi je vais faire un examen ou un bilan parce qu on m a trouvé une masse ou quoi que ce soit, si on ne m explique rien Par exemple j ai fait une IRM du genou il n y a pas longtemps mais on ne t explique pas vraiment, on te dit juste que ça va faire du bruit. Mais on ne te dit pas combien de temps ça va durer, et ça m a énormément angoissé en plus moi j ai très peur quand on me fait des soins à moi car je vois l envers du décor donc c est vrai que j ai trouvé qu on m avait très peu expliqué, qu on m avait mis dans ce tunnel et que ça faisait énormément de bruit quoi. Et je me suis pensée combien de temps ça va durer, est-ce que je vais faire une crise d angoisse, est-ce que je vais me taper la honte devant tout le monde. Ça m a inquiété quoi. Et quand tu passes de l autre côté tu te rends vraiment compte de comment on parle aux gens et comment on leur explique les choses. Et ça peut engendrer de la colère, de l incompréhension et peut-être l arrêt des soins. Du coup que tu as eu cette expérience de patient on va dire, est-ce que tu penses que toi il t arrive d avoir une réflexion sur ta pratique pour l améliorer en fait? Euh oui. Moi il m arrive souvent de réfléchir mais c est aussi par rapport à des expériences qui sont arrivées à des proches. Du coup moi je fais toujours attention à comment je présente les choses, j essaie toujours d avoir un bon rapport avec les gens. Tout à l heure on a une patiente qui est arrivée extrêmement stressée car elle s était faite grondée entre guillemets par ses ambulanciers la dernière fois, euh elle a contracté le COVID donc elle est sensée attendre à l étage. Ils ont une prise en charge particulière au niveau de l ambulance et le fait qu elle soit descendue et qu elle se soit mise avec un autre patient, ça a nécessité un nettoyage particulier de l ambulance et donc là je me suis assise avec elle, elle aime beaucoup parler de cuisine, c est quelqu un qui cuisine beaucoup, je l ai détendue, ça m a pris deux minutes, et maintenant ça se passe super bien et elle dort quoi. Mais c est vrai que c est quelqu un avec qui on est amené parfois à lui donner du Seresta pour la calmer car elle a des crises d angoisse et si tu ne prends pas en compte son profil d angoisse, ça va partir crescendo et la dialyse va mal se passer. Moi je sais que par rapport à une expérience personnelle je fais très attention à comment je parle aux patients, à comment je leur explique les choses, et j essaie d être peut-être trop même empathique avec les patients mais je pense que c est important pour la qualité des soins. Moi j ai une peur panique des piqures et quand je vais faire une prise de sang ou avant le vaccin je mets de l Emla. Et pour moi la prise en charge douleur est catastrophique. Si les gens se moquent de moi avec mon patch je m en fiche et je peux le comprendre, tout comme je le mets à mes enfants pour pas qu ils aient mal et voilà. On est en 2022 et je pense qu on peut faire des p tits trucs pour essayer que ça fasse moins mal. Du coup quand les gens sont stressés j essaie de le prendre en compte car s ils sont comme ça c est surement qu ils ont une raison de l être, qu ils ont vécu quelque chose quand ils étaient petits, et prendre en compte leur histoire de vie. Ça c est vachement important dans la prise en VIII

63 charge du patient. Tu vas pas prendre en charge quelqu un euh deux personnes de la même manière, pour moi c est impossible, on est un peu des schizophrènes et on s adapte aux gens euh avec leurs histoires, on s adapte aux médecins, on s adapte aux collègues et surtout aux patients. Mais on doit un peu changer tout le temps notre manière d être. On ne va pas parler de la même manière quoi. On prend forcément en compte le patient donc le rendre sujet du soin euh forcément tu vas prendre en compte la personne qu il est et son histoire de vie. D accord, alors, pourrais-tu me raconter une situation, vécue ici ou ailleurs puisque tu as de l expérience, où la subjectivité que tu as accordé au patient a impacté le soin que tu lui prodiguais? Euh oui. Je peux reposer la question mais tu peux réfléchir il n y a pas de soucis. Oui oui j ai compris. Je réfléchis à un exemple que tu peux utiliser. La dialyse c est un bon exemple quand même. Euh bein Une situation où quand ça s est passé bah du coup le soin que tu lui as fait a été modifié, tu ne l as pas réalisé Que ce soit dans un sens positif ou négatif? Euh oui, si tu as une idée dans un sens comme dans l autre je peux l entendre bien-sûr. Euh on a un patient où on a eu une expérience où il est arrivé en crise. C est un patient qui a une maladie psychiatrique avec un traitement de fond. Il est pas placé, il a des auxiliaires de vie avec lui. Il est dialysé, il est diabétique. Tout un régime qui lui est demandé et pour le diabète et pour la dialyse. Et euh donc ça arrive parfois qu il arrive un peu en crise mais c est pas non plus il n entend pas des voix mais il se mets à quatre pattes et il fait le lion. Donc une fois il était très haut, il était très énervé depuis quelques jours déjà, et euh il est arrivé en faisant le lion, en faisant le ninja, en tapant dans les murs et il était très en colère. Et euh on s est détachés pour aller lui parler avec une autre infirmière et en fait on a été toutes les deux là-bas. On lui a parlé le plus calmement possible. Il avait perdu sa maman peu de temps avant donc c était très compliqué pour lui car l institution et les médecins voulaient le placer car ils pensaient qu il n arriverait pas à vivre seul, comme il vivait avec sa mère avant. Bref ce jour-là il a fallu vingt minutes pour parler avec lui pour que la dialyse soit possible vu qu il a des aiguilles dans le bras pendant quatre heures, s il est agité, s il n est pas compliant il ne va pas accepter le soin et il va s arracher les aiguilles, ou il va bouger. On ne va pas le contentionner pour qu il dialyse non plus, et il avait déjà raté la moitié de sa dialyse précédente donc il fallait vraiment qu on lui enlève de l eau pour pas qu il soit en œdème pulmonaire. Et euh ce jour-là le fait d avoir réussi à capter son attention, à lui parler, à ce qu il redescende et le fait qu il nous connaisse bien, qu il adhère à ce qu on fait d habitude pour lui, qu il comprenne qu on n est pas là pour lui faire du mal, ça a été vraiment euh.. très.. très salvateur pour la suite de la dialyse. Après euh j ai un autre exemple de soin. On a une dame qui est arrivée c est un exemple qui m a énormément marqué en cardiologie quand j étais jeune diplôme. Donc j étais en remplacement au bloc cardio et c est une dame de 103 ans qui est arrivée en bloc auriculo-ventriculaire complet donc son cœur battait à 30. Elle avait besoin d un pacemaker rapidement. Une dame qui avait à priori toute sa tête et qui nous disait qu elle ne voulait pas de pile quand on lui a expliqué. Elle parlait tout à fait clairement. Elle avait à priori toute sa tête dans le peu d entretiens qu on a pu faire et euh Ça a été très compliqué pour moi parce qu on n a pas pris en compte ce que la patiente a dit. On lui a mis la pile à 103 ans parce que ses enfants demandaient qu on la sauve, ce que je peux comprendre, ce n est pas évident de voir mourir ta maman. Et on n a absolument plus pris en compte sa parole parce qu elle était âgée. Et quand on est âgé et qu on est dans un lit, souvent les gens ne nous écoutent plus. Alors qu auparavant elle s occupait d elle-même très bien. Et ce qui avait été compliqué pour moi c était la suite de la prise en charge car elle m en voulait de ne pas m être interposée plus avec le médecin. Elle n'avait plus confiance en personne dans l équipe parce qu on lui avait mis la pile de force. Or cette dame est quand même décédée trois jours, mais elle est partie avec une pile toute neuve et je pense que le fait qu elle n ait pas du tout adhéré au soin.. Elle ne voulait pas du tout de pacemaker parce que pour elle c était un acharnement car elle ne pouvait plus mourir or pour elle à 103 ans elle estimait qu elle avait bien vécu et que c était son heure. Donc euh ça a été difficile et ça m a vachement marqué parce que j avais 22 ou 23 ans et je trouvais qu elle avait l air d avoir sa tête et de comprendre ce qu elle risquait si elle n avait pas de pile, mais on m a répondu que sa famille veut ça et qu au vu de son âge elle n avait probablement plus sa tête. Sauf qu après elle n avait plus confiance en nous, elle s arrachait tout. Mais elle n était pas démente, elle ne voulait pas les soins. Du coup dès qu elle s agitait on prenait ça pour de la démence alors que vraiment elle était claire dans son regard et ses propos et elle te disait qu elle n avait pas confiance en nous, qu on avait fait les choses sans la prendre en compte et qu elle n adhérait plus du tout à rien quoi. Toi ton soin du coup dans cette situation-là tu l as senti Comment tu l as ressenti du coup pour ne pas t influencer en termes de qualité? Moi j ai trouvé que c était vide de sens ce qu on faisait, parce qu elle était âgée, parce qu elle avait conscience qu elle pouvait mourir et qu elle l acceptait et parce que quelque part on n écoutait plus du tout la personne à cause de son âge, parce qu elle était dans un lit et parce que sa famille avait appelé le SAMU. Et c'était même IX

64 pas elle qui avait appelé le SAMU. Moi je me suis sentie maltraitante de lui avoir d'avoir contribué alors c'est pas moi qui lui ai mis le pacemaker mais d'avoir contribué à sa prise en charge je me suis sentie presque On force quelqu'un à faire un soin dont il ne veut pas, et qui en plus n'a pas marché parce que de toute façon quelque part s'il adhère pas du tout au soin Après ce matin il y avait une situation très intéressante c'est une dame qui a une dialyse péritonéale depuis 15 ans, qui fait donc les dialyses chez elle depuis 15 ans, elle se gérait toute seule pour la dialyse, elle n avait pas besoin d'infirmières libérales tout se passait bien et là, suite à une chute à son domicile, elle a fait une péritonite mais je sais pas exactement comment ça s'est passé, mais là quand elle vient en dialyse elle arrive et elle nous dit qu'elle nous déteste. Ça a commencé ce matin comme ça, elle m'a dit je vous déteste et puis au bout d'un moment elle a fini par s'adoucir parce qu'elle a vu que je ne m'énervais pas, que je restais calme avec elle et tout ça et ça a été finalement dans la matinée. Elle a fini par me dire qu'elle supportait pas la dialyse, que elle supportait pas le fait de dépendre de nous pour faire les soins, que elle aimait pas se lever, que ce matin on l'avait que les ambulanciers l avaient sorti du lit, qu'ils l avaient pressé pour qu'elle arrive à l'heure à l'hôpital, que nous on l'a pressé pour se peser, que nous on l a pressé pour lui prendre la tension, et que elle vivait ça tout comme une agression. Que en gros elle avait fait ses soins pendant 15 ans, qu'elle était autonome, qu'elle avait pas besoin de nous, et que là d'un coup elle pouvait rien gérer seule. Et je trouvais que ça c'était intéressant pour travailler parce que quelque part tant qu'elle adhèrera pas à la dialyse je pense que ça marchera pas quoi. Parce qu'en plus de ça il y a des gens qui vont le prendre pour eux qui vont peut-être se sentir viser eux directement, alors que ce qu'elle veut pas c'est de devoir dépendre de nous quoi. Déjà elle aime pas sa maladie, et elle aime pas le fait d'être malade, elle aime pas le fait d'avoir besoin 3 fois par semaine d'une dialyse, et euh finalement en partant elle m'a dit merci pour cette matinée, elle m'a remercié parce que je m'étais présentée parce que je m'étais jamais occupée d elle et finalement ça s'est pas trop mal passé. Elle m'a dit bon bah ça a pas été si long, elle est arrivée à s'endormir mais elle a quand même verbalisé très clairement que elle supportait pas de venir à l'hôpital parce que elle était plus considérée comme une personne, il fallait qu'on prenne la tension, il fallait qu'on la pèse, il fallait qu'elle arrive à telle heure, il fallait que ouais Et c'était contraignant pour elle de plus gérer elle-même sa maladie. Du coup que tu parles de ne plus être considérée comme une personne, est-ce que tu penses que dans certaines situations, et si oui lesquelles et pourquoi, il est possible de ne plus considérer les patients comme des sujets de soins mais comme des objets de soins? Est-ce que tu penses qu il est toujours possible de subjectiver le patient? Euh J'ai été hospitalisé pour mon accouchement et pour mon grand ça a été par césarienne donc j'avais plus le droit de me lever, j'étais sondée, et mon fils a eu un problème à la naissance il est parti en néonat donc on m'a enlevé mon enfant et en plus vu que j'étais infectée, j'avais pas le droit de descendre. Il est parti vite pour sa santé mais du coup j'avais pas le droit de me lever, j'avais pas le droit de faire ma toilette, j'étais sondée, je pouvais même plus pisser seule tu vois, donc oui j'ai senti que j'étais un objet de soins alors que je sais que c'était pour moi et que c'était pour ma santé mais euh la néonat a fait prendre des photos avec mon mari du bébé et tout ça, et quand mon mari est arrivé avec les photos j'avais la rage encore plus alors que c'était gentil de m'envoyer des photos, mais j'étais en colère parce que j'avais pas mon fils, parce que je pouvais pas aller le voir, et parce que je pouvais rien faire. Quand tu rentres à l'hôpital c'est très très compliqué euh les personnes elles ouvrent la porte de ta chambre, elles tapent mais elles attendent pas que tu répondes, elles viennent te réveiller, on vient te prendre la tension dans la nuit pendant que tu dors, on allume la lumière alors que t'es endormi, que t'as mis très très très très très longtemps à t'endormir on t'a mis une chemise d'hôpital sauf que t'as pas envie d'être en chemise d'hôpital, et voilà tu partages des fois ta chambre avec quelqu'un avec qui t'as pas du tout envie de partager ta chambre, et voilà les horaires euh je comprends aussi que Voilà je travaille depuis 2006 donc je comprends qu on puisse pas faire tout à la carte en fonction du patient, mais je trouve que oui on dépersonnalise beaucoup les patients. Le fait de mettre une chemise d'hôpital bah déjà on t enlève un peu ce côté, parce que tes habits, le fait de te coiffer de te pomponner voilà c'est ce que c'est ce qu il y a moins avec la dialyse parce que les patients ils arrivent de chez eux donc parfois maquillés euh très pomponnés, qui font attention à elles et des patientes qui arrivent avec les manucures qui ont 85 ans mais qui sont ultra pomponnées, qui vont chez l esthéticienne chaque semaine et voilà à l'hôpital tout ça tu peux pas l avoir. Tu peux l avoir très très difficilement et encore que en long séjour. Et toi dans ta pratique est-ce que tu il t'arrive d'objectiver parfois des patients? Par la force des choses oui, parce que par exemple on me dit de brancher 4 patients entre 7h15 et 8h donc forcément à un moment donné je vais pas pouvoir respecter exactement ce que le patient voudrait donc oui je vais être aussi Je vais pas pouvoir tout le temps écouter ce que le patient voudrait, ou je vais forcément respecter ce que l'institution me demande parce qu il faut mettre 4 patients dans un temps imparti et que après derrière on rebranche d'autres patients et que ça va avoir des conséquences sur toute la journée. Donc oui parfois on respecte pas les horaires que le patient voudrait avoir, parfois on ne respecte pas les gens à côté de qui il ne voudrait pas être ou à côté de qui il voudrait être. On peut pas faire à la carte quoi, ça c'est sûr que c'est pas X

65 possible tout le temps mais euh ça m'est déjà arrivé de brancher des patients qui ne voulaient pas être branchés parce que le médecin me dit non mais là il a clairement besoin de dialyse et ça c'est très difficile parce que quelque part tu sais que tu respectes pas ce que le patient voudrait mais que tu sais aussi que c'est ce qu'il faut faire pour que le patient aille mieux entre guillemets parce que c'est pas toujours le cas et c'est pas toujours aussi simple, mais c'est ça m'est déjà arrivé notamment pour la patiente de 103 ans à qui on a mis un pacemaker, de me dire que je fais quelque chose contre sa volonté. Et ça tu le fais tout le temps en fait, dans le soin quotidien, même si moi je travaille pas en secteur classique, de rentrer leur faire la toilette parce que c'est ton tour, de leur donner le cachet parce que ben t'arrives à cette chambre, d'aller les amener à la radio parce qu'on t'a demandé de le faire voilà Après il y a d'autres sujets délicats comme la transfusion où parfois il y a des gens qui refusent la transfusion et là c'est pareil tu te rends compte qu'on n'a pas recherché l'acceptation du patient des fois avant. Quand les culots arrivent, le patient il te dit non mais moi je refuse toute transfusion ça veut bien dire que le médecin lui a pas dit qu'il allait être transfusé, donc on l'a pas forcément fait prendre part à son soin. Donc c'est un débat permanent sur le soin. D'accord Tu as eu ton diplôme du coup en 2006, on est en 2022, ça fait quelques années que tu travailles en tant qu infirmière. Comment vois-tu l'évolution, qu elle soit positive ou négative, de ta relation avec les patients avec cette expérience du coup? Est-ce que l'expérience professionnelle a un peu impacté ta relation au patient dans le soin que tu prodigues? Est-ce que ça a changé quelque chose? Quand je t'ai dit qu'on était un peu des schizophrènes c'est parce que avec le temps tu arrives à déceler les patients Après je pense pas que ça soit que avec l'expérience. Je pense que quand j'étais jeune diplômée, on a déjà en nous ou pas, même s'il faut pas parler de vocation enfin moi à mon époque il fallait pas parler de vocation c'était un mot qu il ne fallait pas utiliser mais je pense qu'ils sont bien contents qu'il y ait des gens qui aient des vocations pendant la crise du COVID parce que sinon ils se seraient trouvés beaucoup plus dépeuplés que ce qu'ils se sont trouvés. Et moi personnellement je pense que j'ai une vocation, je sais que j'aime les patients et je sais que même en 2006 j'arrivais déjà à parler aux patients, j'avais moins de patients agressifs que certaines collègues qui vont peut-être un peu moins écouter le patient, qui vont peut-être moins rechercher l'acceptation dans le soin et voilà t'as des gens qui vont plus attirer d'agressivité mais qui comprennent pas pourquoi. Moi je pense que si tu recherches l'acceptation du patient pour le soin, le soin va bien se passer. Après si d'emblée tu l'as pas et qu'il faut imposer le soin pour que le patient survive, c'est un autre débat. Mais euh Je pense que même en 2006 j'avais déjà un bon relationnel. Après oui au fur et à mesure des années tu arrives à détecter avec quel patient il va falloir plus se parler, avec d'autres ils ne vont pas vouloir que tu les préviennes quand tu piques, voilà avec l'expérience tu vas un peu plus voir les profils de patients, mais je pense qu'il y a déjà d'emblée des gens qui ont plus le relationnel ou la vocation, appelle ça comme tu veux, mais qui vont avoir plus de facilité dans le soin que d'autres. Et t'as des gens à contrario qui vont tout le temps attirer l'agressivité, et ça va entraîner ça en fait, l'agressivité va entraîner l'agressivité, la personne soignante va devenir encore plus agressive avec le patient d'après, et ça va faire que dans ta journée la personne elle va se sentir persécutée alors qu en fait elle attire un peu ça. Dans ton approche, dans ton bonjour aux patients, en demandant comment allez-vous, tu vas des fois induire un comportement, que la situation va mal se passer. Mais du coup avec l'expérience que tu as pu acquérir, est-ce que il peut t'arriver enfin est-ce que ça a modifié quelque chose dans soin? Parce que là tu parles d'acceptation du patient et ça c est quelque chose que t'avais déjà pris en compte en 2006 quand t'avais ton diplôme Un peu moins quand même. Donc ça c'est quelque chose que t'as développé, mais au niveau de ton attitude, de ta posture, de ta manière de considérer le patient, je te donne plein d'idées de pistes, mais est-ce que tu penses que l'expérience a modifié quelque chose? Dès le départ par rapport à mon histoire de vie, j'ai toujours recherché l'acceptation du patient dans le soin, j'ai toujours eu cette démarche là parce que j ai mon histoire de vie et que voilà je trouve ça trop violent quand on t'impose des soins, ou quand on en impose à ta famille sans t'expliquer pourquoi alors que c'est important d expliquer. C'est vraiment quelque chose qui m'a marqué moi quand j'étais adolescente et du coup j'ai voulu être soignante aussi pour ça, pour me dire que j'essaierai de pas faire ça aussi ou j'essaierai de faire mieux en tout cas et même si voilà. Je suis pas sûre que le fait d'avoir un peu plus d'expérience ça ait changé... J'ai peut être amélioré mon approche du patient, j'arrive plus à déceler une situation qui va devenir problématique qu'avant, je vais peut-être avoir plus de pistes pour désamorcer une situation difficile, mais euh je pense que la recherche de l'acceptation dans le soin je l'avais déjà à 19 ans quoi, ou à 21 ans déjà pendant mes études, je l'avais déjà parce que j'avais mon vécu et voilà. Je pense qu'il y en a qui l'ont pas, ou qui prennent vraiment le soin comme étant important comme étant presque militaire et comme étant salvateur. Moi je pense que, comme je t'ai dit au début, on prend en charge des gens on prend soin des gens on n'est pas vraiment là pour les soigner. Du coup Pour moi c'est différent. Je viens sauver personne quoi. J'ai orienté tout vers la psychiatrie parce que pour moi la prise en charge psychiatrique elle est très importante aussi. Quand le patient va se sentir bien il va faire moins de crise, XI

66 il va avoir besoin de moins d hospitalisations et ça va mieux se passer pour lui, et quelque part ben on est autant efficaces que quelqu'un qui va faire des chimios et qui va soigner un cancer. Donc du coup c'est vraiment le prendre soin pour moi, et l'acceptation du soin est vachement importante tout le temps. Alors tu n'es pas allée vers ce côté-là mais c'est quelque chose dont j'aurais juste aimé avoir ton point de vue la dessus puisque t'as quand même des années d'expérience. Que penses-tu du lien entre l'expérience professionnelle et la banalisation des patients? Alors euh Quand j'ai fait mes études on m'a dit tu t habitueras aux décès, tu t habitueras à la maladie, tu t habitueras à la souffrance Honnêtement je ne me suis habituée à rien. Je vois quelqu'un mourir, ça me fait toujours de la peine, je vois quelqu'un souffrir ça me laisse pas indifférente, et banaliser les soins Je pense que le jour où tu le fais tu deviens voilà Je pense que c'est pas une bonne chose de banaliser un soin, de banaliser ben voilà une prise de sang, de banaliser une hospitalisation. Pour moi tout ça c'est très lourd de sens. Et je ne pense pas que mon expérience professionnelle elle est changée ça. Et le jour où ça change, je pense que justement tu cherches plus l'approbation des patients mais je suis pas sûre que ça ait un lien avec l'expérience, je pense que ça vient aussi de la personne et de son vécu quoi. D'accord. Enfin pour moi je ne banalise pas un soin. Quand on met quelqu'un en dialyse, il va falloir lui expliquer que ça va être 3 fois par semaine, que le cathéter il va le garder, que la fistule il va falloir aller faire un acte chirurgical. Parfois les médecins, aussi pour le patient accepte le soin, ils leur disent pas forcément tout quoi. Le patient il te dit ça va durer combien de temps bah en fait ça va durer toute la vie quoi. Mais parfois on leur a mis le cathéter, on leur a pas expliqué, on leur a parlé de la greffe mais pour eux la greffe c'est dans 2 mois quoi. Ils n avaient pas compris qu'ils allaient se retrouver branchés à la machine 3 fois par semaine pendant 4h donc euh Après je comprends aussi que pour un médecin ils essaient un peu des fois pas de tricher mais de ne pas dire toute la vérité dès le départ pour que le patient accepte le soin, parce qu'on n'a pas tous la même connaissance médicale mais voilà parfois ils cachent un peu des choses ou ils ne disent pas forcément tout au patient pour que ça se passe mieux. D'accord, est-ce que tu as quelque chose à ajouter? C'est un sujet très intéressant! Je pense que t'as choisi plein de profils différents de soignants. Après il y a vraiment des collègues à moi qui sont de très bonnes soignantes et qui vont faire des soins beaucoup plus militaires, parce que pour elles c'est important que la personne ait son soin dans la totalité. Voilà je sais que moi je vais plus m'adapter aux patients, je vais peut-être moins appliquer protocolairement la prescription parce que pour moi quand tu perds l'acceptation du patient justement bah tu perds le patient quoi. Et quelqu'un qui va appliquer la prescription tout bien pour faire comme on lui a dit au diplôme, euh quelque part aussi elle va avoir une autre attitude que ce que voilà Chaque soignant va avoir une attitude différente, et c'est ça qui est difficile dans notre profession, parce qu'il faut que tu t'adaptes aux patients, faut que tu t'adaptes au médecin, faut que tu t'adaptes à l aide-soignante, faut que tu t'adaptes aux autres collègues infirmières, et voilà. Et parfois bah des fois on met plus de temps à s'adapter à la collègue aide-soignante ou à la collègue infirmière, que à s'adapter au patient. Parce que tu vas avoir quelqu'un de plus tranché, ou qui ne va pas avoir la même vision du soin que toi, qui va vouloir absolument respecter la prescription à la lettre et elle aura raison peut-être parce que c'est ce qui est demandé par le médecin donc normalement on est juste là pour un décret d'application en fait. Mais voilà, en vrai du coup il y a les gens qui vont se mettre plus souvent en difficulté. D'accord. Après c'est pas pour autant que ce sont des mauvais soignants. Bien-sûr, chacun à sa manière de travailler. Ça va être euh voilà, des gens qui vont passer moins de temps à rechercher l acceptation du patient et qui vont plus appliquer la prescription. Après ça fait des patients des fois qui sont en crise, ou qui ne viennent plus parce qu'ils ne veulent plus voir telle personne, ou quand ils voient que c est telle infirmière bah ils repartent parce qu'ils savent que mais que justement ils ne pourront pas être acteurs, donc ils préfèrent partir et pas avoir la dialyse, que de faire la dialyse dans ces conditions quoi. Et bien je te remercie. Je t'en prie. C'est un sujet compliqué. [L infirmière m a demandé de reprendre l enregistrement car elle souhaitait aborder autre chose.] Quand j étais jeune diplômée, j'ai eu ma mamie à moi dans mon service de cardiologie qui rentrait pour angine de poitrine donc probablement des sténoses coronariennes et tout, et ma mamie ne voulait pas de coronarographie, elle était tout à fait capable de comprendre qu'elle allait avoir un infarctus, qu'elle allait peutêtre mourir d'un arrêt cardiaque, mon grand-père est mort cardiaque aussi donc pour moi c'était pas toujours évident d'être en cardiologie parce que ça me ramenait beaucoup de choses d'avant aussi. Je travaillais à ce moment-là en salle de coro donc les médecins, en croyant bien faire ils ont voulu prendre en charge ma mamie en disant qu on va lui déboucher ses artères, on va lui sauver la vie et tout, alors que ma mamie et mon papa et XII

67 ma tatie ne voulaient pas non plus qu'elle ait sa coronarographie parce qu elle ne voulait pas d'acharnement de soins, et que en plus à cause du diabète il fallait l'amputer des 2 jambes, elle avait des gangrènes voilà et elle était en train de devenir aveugle. Et ma mamie c'était une ancienne paysanne, elle aimait être dans les terres. Pour elle être amputée des 2 jambes et être aveugle c'était pas possible. Donc elle était tout à fait d'accord pour mourir d'un infarctus, ça ne la dérangeait pas. Ma famille s'est opposée à la coronarographie et ma mamie s'est opposée à la coronarographie sauf que l'info est pas passée, je sais pas pourquoi. J'étais en salle de coro cet après-midi, et le médecin avec qui j'étais me dit qu on va prendre quelqu'un d'important juste après. Alors je lui dis «Ah bon on va prendre qui?». Et je dis que non on va pas la prendre, sauf qu ils m ont dit non mais il faut vraiment le faire, elle va peut-être pas mourir de son infarctus, elle va peut être juste avoir une insuffisance cardiaque, ça va être pire, elle va être en OAP, donc par force un peu ils l'ont amené sur la table de coro. Elle a fait un OAP massif, on n'a jamais pu lui faire la coronarographie. Mais moi j'ai eu ma mamie qui s'est attachée à mon cou et qui m'a dit je me noie. Elle était en OAP massif, il a fallu l'aspirer et tout ça enfin Ça a été très très dur et en fait tout ça parce qu ils voulaient absolument la sauver en fait. Y compris pour me faire plaisir je pense, pour mettre un point d'honneur à déboucher ses artères, à lui sauver la vie sauf que bah ils allaient s'occuper du cœur mais ils n allaient pas prendre en compte le fait qu'elle allait être aveugle et qu'elle allait être amputée derrière. Donc là quelque part aussi ça a été vraiment un truc qui a marqué ma carrière je pense à vie, plus d'autres choses qui se sont passées dans mon enfance, mais qui font que pour moi l'acceptation de la personne dans le soin elle est capitale. Au final il a fallu la ramener très vite aux soins intensifs là où elle était avant, et finalement elle est décédée 3 mois après, dans un hôpital plus près de chez elle, avec de l'oxygène certes, mais elle a fait son infarctus et elle est partie du cœur quoi comme elle voulait. Elle n a pas été amputée, elle ne s'est pas vue diminuer mais voilà, c'est quelque chose qui avait toujours été clair dans ma famille, une famille un peu de paysans. On ne voulait pas d'acharnement donc pour moi c'est très facile, quand les gens refusent des soins je peux le comprendre parce que j'ai été élevée dans un milieu qui adhère pas tellement aux soins quoi. C'est des gens qui vont pas voir le médecin très souvent, qui vont pas forcément être bien suivis, qui vont pas forcément bien prendre les médicaments qu'on leur dit parce que on leur a pas forcément expliqué pourquoi et qu'on n'a pas cherché leur approbation justement. Et la coro ça a été très très très douloureux pour moi de la voir quand même sur la table alors qu'en plus j'avais une expérience de moins de 6 mois de diplôme. D où le fait que la considération du patient est quelque chose qui pour toi est évident. Enfin, c'est pas quelque chose qui est venu avec l'expérience professionnelle mais plus l'expérience personnelle du coup. Voilà je pense que c'est un tout en fait. Dans l'approbation du soin, je pense que c'est vraiment un tout, de ce que tu es en fait toi en tant que soignant, et de ce que le patient est en tant que soigné. Et voilà c'est pour ça que des fois ça va très bien le faire et y a d'autres fois où ça va pas marcher, parce que on a chacun notre histoire et que bah en tant que soignant parfois on dématérialise beaucoup le patient. On lui dit à quelle heure il doit manger, on lui dit à quelle heure il doit se laver, on lui dit à quelle heure il doit prendre ses médicaments, à quelle heure il va avoir son examen, on lui dit non vous êtes à jeun sans forcément leur expliquer pourquoi et parfois bah c'est très violent pour le patient et on va se retrouver avec des gens qui vont pas accepter les soins parce qu on a pas su leur expliquer, qu'on n'a pas pris le temps de leur expliquer qu'est-ce que ça allait impliquer pour l'examen, qu'est-ce que ça allait impliquer l'opération, est-ce que je vais être endormi complètement ou pas. Voilà c'est quelque chose qui m'agace et qui marque un peu mon expérience professionnelle depuis le début et mon expérience personnelle effectivement ça c'est sûr que je pense qu'on a tous notre histoire et que voilà, c'est clairement quelque chose d'important pour moi l'approbation du patient dans le fond c'est très très important. Et ça l a toujours été en fait par rapport notamment à cette expérience là, mais même sans ça je pense que quand j'ai fait mes années d'études, j'ai été marqué parfois par le fait qu'on oublie un peu, qu'on allume la lumière alors qu'ils sont endormis, c'est des trucs qui te marquent en fait. Quand t'es jeune et quand t'arrives, que tu sois jeune ou pas, mais quand ça arrive ben ça te choque, alors que quand t'es dans le soin tout le temps il y en a certains qui ont un peu tendance à oublier que ben il y a un patient dans le lit, y'a un patient dans la chambre, qu'il a peutêtre pas forcément envie que tu rentres, et notamment aussi le jour où j'ai été hospitalisé moi pour la césarienne quand les gens rentrent dans ta chambre sans te prévenir qu ils vont rentrer, ou qu'on vient te réveiller en ouvrant la porte en la tapant sur le mur alors que t'es endormie et que t'as pas dormi de la nuit parce que ton gamin il a pas dormi enfin C'est des choses un peu Tu les prends pas forcément mal mais tu te dis que oui voilà ils rentrent dans 25 chambres le matin, ils vont pas faire du détail dans chacune. Alors que finalement ça te prend guère plus de temps Toi ça t'a permis de réfléchir en fait, de le transposer sur ta propre pratique du coup. Oui voilà. Après j'ai été toujours dans des services à quotient, c'est-à-dire qu aux soins intensifs j'avais 4 patients maximum en charge, en hémodialyse j'en ai 4 tout le temps en charge maximum, quand j'étais en libéral j'en avais un en charge, et quand j'étais en salle de coro ou au bloc j'en avais un tout le temps. Donc j'ai jamais été soumise à la pression d'avoir 15 ou 30 patients à gérer. Ça c'est quelque chose que j'ai jamais connu moi, j'ai toujours été dans des services soit ultra techniques, soit au domicile et donc on a que 4 patients en charge, entre XIII

68 guillemets que 4. Donc ça permet quand même aussi de prendre un peu plus en compte le patient, et bien sûr de faire des soins peut-être un peu plus adaptés à chacun, encore que ce soit pas toujours possible hein parce qu'il faut quand même comprendre que par exemple sa rebranche derrière ou qu'il faut libérer le bloc pour le patient d'après ou qu aux soins intensifs bah c'était pas toujours à la carte non plus. Mais par exemple si le patient à 10h il ne veut pas se laver bah tu peux très bien le laver à 11h00, ça va pas changer ta journée. Et le travail en 12h permet un peu ça aussi, c'est-à-dire que quand j'étais aux soins intensifs on a eu une période où on était en 12h et on se rendait compte qu'on pouvait laver certains patients l'après-midi et pas le matin. Quand t es en 12h tu organises ta journée différemment. Si t'as pas fait tous les pansements et toutes les toilettes le matin c'est pas si grave en fait, nous c'est institutionnel on a l'habitude de les faire le matin mais en fait y a des gens chez eux qui se lavent le soir. C est un bon exemple aussi du fait que ben on prend pas en compte la personne alors qu'en fait on peut s'adapter en 12h par exemple. On a le temps de s'adapter pour faire une toilette l après-midi ou de faire un pansement l'après-midi. Oui, s'adapter c'est un mot que tu as dit dès le début au final. Donc là tu peux ça te permet Enfin je me permets juste de redire ce que tu dis mais de ça te permet de vraiment pouvoir adapter au final ton soin et même le soin de manière générale en fait, la prise en soin du patient, et ça c'est quelque chose qui permet de le rendre plus sujet qu objet du coup, de pouvoir s'adapter à lui dans sa globalité et que lui du coup il adhère beaucoup mieux au soin. Il y a un truc qui est vachement aussi difficile pour le patient quand il est hospitalisé c'est l'alimentation. Là on a un patient qu'on connaît, qui est chronique, qui vient en dialyse mais qui d'habitude vient de chez lui, et là il a fait une chute et il vient d'être opéré. Il est hospitalisé, il a attrapé le COVID pendant son hospitalisation à priori et bah là il mange plus quoi. Donc on lui met les poches de complément alimentaire, il ne prend pas les compliments alimentaires per os et en fait il est en train de se dénutrir alors que c'est quelqu'un qui mange très bien mais il trouve ça tellement pas bon qu'à part le petit déjeuner bah il mange rien. Et du coup ben forcément la convalescence ça va être plus longue parce que ben il mange moins, il marche moins, il est dénutri donc il va avoir peut être des escarres plus facilement et du coup peut-être que aussi l'amélioration par exemple de l'alimentation pendant l'hospitalisation ça pourrait être aussi un axe d'amélioration. Des patients qui mangent mal bah c'est des patients dénutris qui vont moins vite guérir. Il y a plein de structures qui essaient de faire des efforts sur ça. Tu t adaptes à la personne de manière à ce qu'il adhère plus en fait, parce que forcément il va mieux guérir quoi si il mange mieux, s'il dort mieux, s il se sent mieux il va aller mieux plus vite et il va pouvoir rentrer chez lui plus vite. Et en fait c'est vrai que pendant des années on n a pas fait attention à ça du tout quoi, et encore maintenant quand tu vois ce qu on sert aux patients, on est loin du compte quoi. C'est vrai que quand nous on est hospitalisé t'es dégoûté de ce qu'on t'emmène quoi. Je travaille ici depuis 2006, quand j'ai accouché en 2012 j'avais pas conscience vraiment de qu on servait aux patients et quand tu reçois le plateau pour toi tu te dis voilà heureusement que je suis en maternité et que les gens ils m amènent à bouffer quoi. Voilà peut-être que ça complète, que ça peut t'aider. Je te remercie. XIV

69 IDE 3 : Gwenaëlle en Réanimation Polyvalente Bonjour, on va commencer par la présentation sachant que ton prénom sera modifié dans la retranscription de l entretien. Alors, quel âge as-tu? 35 ans. Donc pour la présentation, en quelle année as-tu obtenu ton diplôme d'infirmière? En Depuis combien de temps travailles-tu en réanimation du coup? Euh 5 ans et demi. Et avant? Avant j'ai fait 9 mois d'hémodialyse et quasiment un an un peu plus d'un an en cardio néphro endocrino sur le pool de nuit et hémodialyse de nuit. D'accord alors pourrais-tu me définir rapidement ce qui est selon toi le soin? Euh rapidement le soin pour moi c'est apporter apporter à un patient c est apporter quelque chose à un patient pour lui permettre d'aller mieux. C'est-à-dire euh le soin c'est vraiment pour moi le concept de soigner c'est à dire que ça va être le fait de soulager sa douleur mais aussi lui faire sa toilette parce que il en est dans l'incapacité ou il a besoin d'aide. Ça peut être invasif non invasif et malheureusement des fois le soin peut être douloureux aussi mais c'est toujours dans un but d'aider le patient à aller mieux et à lui amener quelque chose de positif. Mais ouais je dirais que c'est ça. D'accord et pourrais-tu me définir ce qu'est donc la subjectivation du patient, le patient considéré comme sujet de soins dans ta prise en charge? Pour moi le patient c'est un être à part entière déjà ce n'est pas un objet c'est à dire si j'ai choisi ce métier c'est parce que j'aime l être humain foncièrement et euh je pense que voilà pour moi le patient c'est un être humain à part entière et on doit s'adapter à chaque personne. Comment tu peux t'adapter par exemple? Comment je peux m'adapter Je m'adapte déjà selon euh J'ai la chance de travailler en réa donc en fait sur un patient donc réveillé, ce qui est pas souvent le cas mais quand on en a donc, quand on réveille nos patients par exemple nous on va adapter l'heure des repas c'est-à-dire que si le patient il a faim je ne sais pas moi il veut déjeuner à 10h plutôt qu'à 8h on va le faire. Un patient qui n'aura pas dormi de la nuit qui est réveillé, alors intubé ou non, mais qui est réveillé, s'il a pas dormi de la nuit et que finalement le matin il dort un peu bah moi je suis tout à fait d'accord de lui faire une toilette plutôt 11h00 du matin que à 7h ou 8h00 si y a pas Voilà je m'adapte vraiment je peux me permettre dans mon travail si mon patient est stable et si mon secteur est stable d'adapter ma prise en charge aux patients. Nous on fait ce qu'on appelle des nurses pour les 4h avec un programme de mobilisation active parce que nos patients sont souvent Enfin une fois qu'on les réveille ils ont souvent des neuropathies liées à la réanimation donc du coup pendant leur coma et post coma on mobilise leurs membres toutes les 4h pour rappeler au cerveau qu'il y a des muscles qui faut pas qu'il les oublie. Donc tu vois par exemple nous la journée en a une kiné qui est là toute la journée, son but est de réhabiliter les patients au niveau respiratoire mais aussi au niveau musculaire, et si la kiné est passée je vois pas le Enfin si elle a fait travailler le patient au niveau mobilité et que moi derrière je dois le nurser parce que c'est 16h c'est l'heure des nurses c'est l heure qu'on les réinstalle pour le soir, bon bah je vais pas lui faire la mobilisation par exemple. Il a bossé avec la kiné c'est ridicule d'aller C'est mon point de vue mais c'est ridicule d'aller le remobiliser alors qu'elle vient de le faire travailler et que oui elle aura beaucoup mieux bossé que moi quoi. Sinon euh voilà je place toujours le patient, si je le peux, au cœur ma prise en charge. Vraiment ça va être lui et ses défaillances, parce que bah nous on travaille avec les défaillances et l'urgence, et ça va être lui qui va être le centre de la prise en charge. Tu disais que ce n'est pas un objet mais du coup est-ce qu'il t'arrive de considérer le patient comme un objet de soins finalement? Est-ce qu'il y a certaines situations qui t'obligent à le considérer comme un objet de soins et si oui pourquoi et comment ça se passe? Alors oui parce que quand on reçoit des patients à l'entrée ils sont forcément critiques donc les prises en charges d'entrée en réanimation, malheureusement pour les patients on les objectivise effectivement et ils deviennent des objets parce que ben la prise en charge ça va être souvent euh régler le problème mais quand on reçoit un patient on l installe dans la chambre, on l équipe, on est déjà 4 ou 5 autour de lui si vraiment il est un vrai patient de réanimation, donc on va être 2 infirmiers 2 aides-soignants et un voir 2 médecins, donc ça fait beaucoup de monde autour de lui. Donc on l'installe dans sa chambre, on l'équipe c'est à dire on lui pose des électrodes, la tension, et à ce moment-là on va lui dire Monsieur ou Madame on vous prend en charge mais après le patient il passe complètement après, c'est à dire qu on parle entre nous. Nous, tout ce qui nous intéresse, c'est horrible de dire ça mais c'est ce qui fait qu'on est efficaces et que la prise en charge va être efficace, c'est à dire c'est sa tension, ses pulsations, son état de conscience, comment il arrive, qu'est-ce qu'on fait, où est-ce que le médecin va poser les voies, l'artère radiale ou fémorale, la voie centrale en radiale ou fémorale, le champ, qui fait XV

70 quoi, les sédations, est-ce qu'on l intube ou est-ce qu'on l intube pas Parfois les patients se retrouvent avec des champs sur la tête parce que ils sont en train de poser les vois en jugulaire donc là bon bah voilà donc Donc c'est sûr que le patient à l'entrée c'est un objet, on le prévient, on lui dit que voilà il y aura beaucoup de monde autour de lui et qu on va parfois un peu l oublier mais on le prend en charge, on est là et on le remet au centre de la prise Alors il est au centre de la prise en charge mais pas comme une personne à part entière, c'est-à-dire que s'il est agité nous le but ça va être de l'endormir pour qu'il puisse tolérer cette prise en charge, s'il est comateux bon ben là en l'occurrence malheureusement voilà Parfois on va être obligé d induire de la douleur pour voir son état de conscience pour savoir son Glasgow et savoir est-ce qu'on va l intuber. Voilà c'est quand même quelque chose de de très intensif et si tu commences à réfléchir à toute la chose derrière et suivant son motif d'entrée en plus, tu vas commencer à être empathique et c'est ce qui fait que l empathie, je pense à mon sens, que l empathie dans une situation d'urgence fait en sorte que tu es un peu plus long. En tout cas le fait que tu fasses entrer tes émotions en jeu ça te perturbe et je crois que tu es moins efficace clairement. On a de l empathie pour nos patients mais c'est pour ça que dès qu'il y a quelqu'un que tu connais ou une situation qui t atteint trop, tu n'es plus objectif. Et malheureusement tu n'es plus objectif pour ce patient et pour tes patients derrière. J'ai vécu une situation il y a peu de temps où une personne que je connaissais est arrivée en réanimation, et bien que je connaissais l'état de santé de cette personne, que je savais où il allait, simplement c'était ma vie personnelle qui rencontrait ma vie professionnelle et ça m'a vraiment perturbé. J'ai fait des erreurs, alors bénignes parce que j'ai une expérience en réanimation qui fait que j'ai pu rattraper mes erreurs ou en tout cas mes retards de prise en charge ou mes retards d'anticipation parce que c'est ça la réanimation c'est toujours anticiper le pire, qui fait que du coup il n y a pas eu de problème pour le patient. Mais je me suis rendue compte que mon affect du coup J'ai été affecté par cette situation et ça a forcément affecté mon travail parce que j'avais la tête, même si je me suis jamais occupé de ce patient parce que je ne voulais pas, j'avais la tête là et pas là où j'étais, et ça c'est pas bon. Donc considérer le patient comme un objet c'est mal dans un concept soignant parce qu'on est là pour aider la personne, pour lui apporter enfin pour être bien traitant c'est à dire pour lui rapporter forcément quelque chose de meilleur enfin le but c'est de les sortir de l'hôpital, de les guérir entre guillemets et qu ils rentrent chez eux et qu ils continuent leur vie alors qu un objet finalement tu le laisses là, tu reviens, tu t'en fiches un peu, donc c'est un peu deux concepts qui sont complètement éloignés pour moi. Toi qui travailles en réanimation avec des personnes qui peuvent être réveillées ou endormies, comment peux-tu les considérer comme sujets de soins? Comment tu arrives à les considérer comme sujets de soin quand ils sont justement endormis? Pas simple. Pas simple parce que bah tu as tendance à oublier le patient et bah c'est vrai que quand tu travailles en binôme avec ta collègue et que tu es auprès d'un patient qui est dans le coma bon la conversation est vite tournée finalement. C'est aussi d'avoir un patient qui communique avec toi qui fait que c'est un sujet et non pas un objet. Alors après bon bah c'est vrai que quand les patients sont complètement comateux moi je leur parle (Son téléphone a sonné). Donc le patient dans le coma je le considère comme sujet de soins parce que, même si c'est compliqué, je lui parle en fait. Je lui dis je vais vous mobiliser, je vais vous tourner, je vais vous laver, je vais vous aspirer, euh quel jour on est, souvent voilà. Alors plus quand ils sont en phase de réveil voilà mais même quand ils sont sédatés et curarisés et tu sais qu'il n'y aura aucun échange, moi je lui parle en tous cas. Après il y a quelque chose d'annexe qui te permet de savoir que ton patient est un sujet, c'est ton hémodynamique, c est tes scopes en fait, parce qu un patient sédaté curarisée n'est pas censé normalement être hypertendu, il n est pas censé pousser sur son respi. Du coup le respi va alarmer voilà Ton patient tu vas voir qu il dort mal donc tu reviens au patient lui-même parce que bah quand tu vas le retourner il va monter sa tension le respi va sonner donc ça veut dire qu'il est mal curarisé qu'il pousse sur son respirateur or il n est pas censé pousser alors qu'il est curarisé donc ça veut dire que ton patient déjà s il est hypertendu alors qu il est sédaté profondément et curarisé quand tu le tournes, c'est qu'il dort pas bien. Donc c'est terrible il faut vite euh enfin il faut voir avec le médecin parce qu'un patient qui dort pas alors qu'il est curarisé mais c'est horrible! Ça veut dire que c est en gros le Looked-in Syndrome c'est comme si t'avais fait un AVC du tronc et à ce compte-là t'es conscient de tout ce qui se passe autour de toi mais tu peux rien faire et ça c'est le pire donc on est très attentifs à ça sur le fait par exemple que ben hop tu le tournes il monte sa fréquence cardiaque c est bizarre tu vois il va y avoir toutes ces choses-là. Alors après ça passe par une annexe mais voilà. Après euh on peut aussi, alors je vais parler d'autre chose, mais le patient on le considère aussi comme sujet quand on prend en charge des prélèvements multi organes donc c'est des gens qui vont aller donner leurs organes. On réanime un corps pour donner des organes alors qu'on sait qu'il n'y a plus de vie dans ce corps et là tu prends en charge ce patient alors qu'il est en mort encéphalique mais pour d'autres patients, et ça c'est et ça c'est vachement sympa je trouve enfin c'est terrible parce que tu as la mort d'un côté t'as une famille endeuillée t'as une histoire de vie complètement voilà Mais à côté de ça je trouve qu'ils font le plus beau cadeau qu'ils puissent faire parce qu'ils acceptent le prélèvement d'organes qui va aller à d'autres personnes et là c'est complètement fabuleux parce que ben finalement cette personne en perdant la vie pour X ou Y raison va finalement aller sauver d'autres personnes XVI

71 ou en tout cas va permettre à des gens de vivre mieux notamment euh bah les prélèvements de reins se font énormément c'est des organes qui se greffent très très bien et ben un patient qui ne sera plus hémodialysé 3 fois par semaine mais qui va être greffé rénal, bah c'est génial parce que sa qualité de vie à lui, c'est ça le soin aussi c'est faire ça pour profiter aux autres. Est-ce que tu aurais une situation à me raconter où la subjectivité que t'as accordée au patient a impacté justement le soin que tu réalisais, où en le considérant comme sujet de soin ton soin a été modifié. Euh oui. On a une jeune fille en ce moment qui fait une encéphalopathie auto-immune et c'est terrible parce qu'elle est jeune, les jeunes c'est toujours compliqué surtout les petits jeunes comme ça enfin bon voilà c'est une histoire en plus un peu compliquée parce que ça a débuté en décembre et elle revient finalement chez nous en rapprochement familial et ce qui est terrible c'est que ben là elle récupère à priori 80% de ses capacités mais quand on se renseigne un peu sur la longévité de sa maladie ça va évoluer et au final on se demande un peu comment ça va évoluer. Si tu veux, quand je suis arrivée et que j'ai vu la chambre et la famille, déjà je me dis Alors quand tu vois des familles hors horaires de visite tu te dis punaise ils vont décéder donc il y a des soirs où t'as pas forcément envie de faire un décès déjà, et là en l'occurrence non. En gros bon ben voilà prendre en charge cette jeune ça m'a fait beaucoup de peine de la voir comme ça et du coup euh ben j'ai été moins euh moins cadrante dans mon soin parce qu'elle a un désordre neurologique donc après voilà, et malheureusement voilà c'est Enfin le fait que je lui laisser de la latitude je pense qu'elle a pu euh ça n'a pas fait du bien à la prise en charge. J'ai pas voulu la brusquer pour la tourner, pour lui changer le drap, tout ça mais finalement moi je me suis faite mal au dos, ça a fait mal au dos à l'aide-soignante et elle ça lui a rien apporté de plus. Et à part moi mon mal-être face à cette petite jeune de 23 ans tu vois voilà euh bon. Je pense que le soin c'est aussi être incisif, c'est aussi savoir trancher et dire bah non il faut faire comme ci comme ça même si même si t as 23 ans et que ta situation me fait beaucoup de peine mais c'est apporter un soin de qualité. Au final bah je ne lui ai pas apporté cette qualité à ce moment-là. Comment tu peux apporter un soin de qualité, qu'est ce qui te permettrait de dire que ton soin est de qualité du coup? Ça c'est très compliqué après c'est Mon soin il va être de qualité parce que je sais pas mais par exemple mon patient quand je vais lui poser une perfusion de manière propre bah il développe pas de sepsis sur sa voie centrale. Ça pour moi c'est un soin de qualité. Euh mon patient quand il est réveillé et je le mets au fauteuil et finalement on arrive à l extuber parce qu'on l'a mis 3 jours de file au fauteuil intubé et donc on l'a rééduqué au niveau diaphragmatique ben une fois qu'il est extubé, qu'il y a une VMI, qu il y a un Optiflo en relais c'est un soin de qualité parce qu'on est arrivé à avancer. Mais ça peut être un soin de qualité aussi dans le sens où ben on est arrivé à la prise en charge la plus globale qu'on puisse apporter, on a donné tout ce qu'on avait, malheureusement ben le patient il va pas s'améliorer il va au contraire se dégrader et un soin de qualité c'est aussi permettre une fin de vie correcte au patient et bah là c'est une réunion éthique avec des limitations thérapeutiques évoquées par les médecins et toute l'équipe paramédicale, c est un non acharnement thérapeutique et c'est un soin comme un autre qui amène malheureusement au décès du patient mais si le patient il meurt dans la dignité et sans douleur bah c'est un soin de qualité aussi malheureusement, on arrive à apporter quelque chose, une fin de vie correcte et je pense que ça n'a pas de prix. Tu parlais d éthique, est-ce qu'il t'arrive d'avoir une réflexion sur ta pratique justement pour essayer de l'améliorer? Oui je me questionne beaucoup. Il y a des périodes qui sont plus propices à d'autres mais oui je me demande toujours est-ce que j'ai bien fait, qu'est-ce que je fais mal, j'essaie globalement enfin j'essaie globalement de toujours m'intéresser à ce que je fais, de toujours donner un sens à ma pratique en comprenant ce que je fais et en n hésitant pas à échanger avec mes collègues, avec mes pairs. Tu as obtenu ton diplôme en 2015 donc tu as quand même acquis une certaine expérience, est-ce que d'après toi la relation avec le patient évolue avec ton expérience professionnelle? Est-ce que ton expérience modifie ta manière de considérer le patient? Je pense que je considère plus le patient qu à mes débuts d'infirmière juste dans le sens où au début t'es un peu obnubilée par ton rôle infirmier c'est-à-dire ne rien oublier, penser à tout ce que tu dois faire, checker euh voilà. Donc maintenant tout ça moi c est acquis, c'est-à-dire que bah je pose une VVP je sais le geste, faire mes tours c'est acquis et du coup je peux me recentrer beaucoup plus sur mon patient et sur ma pratique avec lui. En tous les cas il y a des choses que je ne réfléchis plus, c est-à-dire mes dilutions de traitements enfin moi c'est très technique tout ce que je fais mais à côté de ça si tu n'as pas acquis ces gestes techniques c'est-à-dire tes dilutions de différents médicaments bon bah voilà n'importe quel antibiotique je sais globalement dans quoi le passer. Au début quand je suis arrivée, j'étais focus sur mes dilutions de Noradré, mes dilutions d antibio, mes dilutions de tout. Et en fait je ne savais pas, et ne rien oublier surtout Neuro Respi Cardio voilà c'était euh J'oubliais le patient complètement. Et maintenant et ben je remets le patient. Maintenant je suis à l'aise enfin je peux parler au patient et à côté de ça regarder son scope en me disant «Ah il est polypnéïque attention je vais peut-être ramener XVII

72 le chariot de réa». Enfin tu vois il y a plein de choses comme ça et je pense que oui au bout de 7 ans j'arrive à plus mettre le patient au centre de ma prise en charge que à mes tout débuts en tant qu infirmière. Alors, une avant-dernière question, comment dire donc toi pour toi l'expérience professionnelle est plutôt quelque chose de positif mais si je te parle de banalisation du patient avec l'expérience, qu'est-ce que tu en penses? Alors je pense que ça peut arriver dans des moments On vient de vivre une pandémie et tu vois les patients COVID clairement on en a Enfin nous en tous cas Enfin moi j en ai un peu plein mon gonfle parce que bah voilà la prise en charge du COVID en plus n est franchement pas intéressante par rapport à tout ce qu'on fait bon voilà c'est pénible, c'est pas intéressant pour nous. Mais effectivement il y a ce danger, c'est que bah tu vas travailler tu vas travailler finalement tu fais pas, enfin tu banalises ton truc et c'est compliqué parce que parce que tu rencontres des gens tu peux être blasé un peu de tout aussi parce que bah surtout quand tu travailles dans des situations comme ça tu vois toujours X ou Y raison et malgré tout X ou Y situation du moins, toujours les unes plus graves que les autres, et t es un peu blasé du truc. Il faut toujours se dire que oui effectivement il y a pire dans la vie mais c'est pas grave, lui c'est moins dur mais c'est sa situation, il faut essayer de se recentrer et je pense que le jour où t'es blasé de ton travail, où tu banalises le patient, il faut changer de service, il faut te mettre en danger et repartir dans une situation autre, vraiment. D'accord, est-ce que tu aurais quelque chose à rajouter? Non euh j'espère que tu auras matière à réfléchir. Je te remercie. XVIII

73 IDE 4 : Emma en Réanimation Polyvalente Bonjour, alors pour commencer peux-tu me donner ton âge s'il te plaît? 24 ans. En quelle année as-tu obtenu ton diplôme d'infirmière? En 2020, juillet Depuis combien de temps travailles-tu en réanimation? Depuis 3 mois, début janvier. Et avant ça dans quels services est-ce que tu as travaillé? Alors après l'obtention de mon diplôme en juillet 2020 j'ai attaqué dans une clinique où j'étais sur le pool pendant 4 mois j'ai fait ça, donc sur le pool je faisais le service de cardiologie d USIC je faisais du bloc fibro je faisais de la salle de réveil. Et après j'ai intégré l'hôpital public où j'ai fait un service de soins intensifs respiratoires. C'était où on récupérait les patients prématurément extubés de réanimation pour les garder sous une surveillance respiratoire donc les patients COVID et après j'ai intégré le service de pneumologie et du coup depuis janvier je suis en réanimation. Donc tu as fait pas mal de services, tu as pas mal d'expériences différentes quand même! «rires» Ok alors pour la première question est-ce que tu pourrais me définir rapidement ce qu'est selon toi le soin? Oula c'est très vaste du coup ça comme définition! Je pense que le sens est très vaste. C'est du moment que t'es dans le soin, du moment que tu fais du bien à la personne, du moment que tu as pour vocation d'aider une personne que ce soit sur un plan on va dire technique avec des soins qui vont pouvoir lui apporter un bénéfice sur sa santé mais ça peut être également des discussions qui vont pouvoir lui permettre d'aller mieux sur un plan psychologique, ça peut être des gestes qui peuvent réconforter je pense que le soin c'est voilà c'est du moment que tu vas apporter un bénéfice à une personne et un mieux-être sur la personne que ce soit sur le plan physique comme psychologique, enfin c'est vraiment très vaste. D accord et du coup qu'est-ce que pourrait être selon toi la subjectivation du patient, le patient qui est considéré comme sujet de soins? Comment est-ce que tu définirais ça? Je pense que on passe dans la subjectivation du patient quand on arrête justement d'avoir cette envie d'apporter quelque chose à l'autre et qu'on agit un peu on va dire mécaniquement, quand on va ne serait-ce que retranscrire juste des prescriptions médicales ou quand on va juste voilà faire ce qui nous est demandé sans regarder le patient qu'il y a derrière, sans essayer d'englober vraiment toute la prise en charge en arrêtant justement de se poser la question de qu'est-ce que je pourrais apporter au patient pour qu'il aille mieux. Je pense qu'on est dans une subjectivation du patient quand on se dit juste «bon bah je viens au travail je vais juste lui distribuer ses médicaments peu importe là où on exerce» et basta. Alors pour toi subjectiver le patient ce serait euh... la définition que tu en donnes ce serait dans le sens de ne pas le prendre en compte en tant qu humain? Oui je pense que c est ça. Quand tu dis subjectiver un patient ce serait le considérer comme un objet de soins du coup c'est ça? Hum. Alors à l'inverse si tu devais le considérer comme sujet de soins comment est-ce que tu pourrais vraiment mettre en avant le côté sujet de la personne et pas seulement objet de soins? Euh Je crois que je suis en train de m'embrouiller toute seule en fait, je crois que je suis en train de m'embrouiller toute seule «rires». Pas de soucis, alors du coup comment est-ce que tu pourrais considérer un patient comme sujet dans ton soin? Alors voilà comme je disais au début c'est vraiment le prendre dans son intégralité, savoir ne pas prendre en compte uniquement ce pourquoi le patient est hospitalisé et pas forcément qu en structure hospitalière, mais ce pourquoi on doit le prendre en charge. C est le prendre dans son intégralité, savoir voilà s'il en est arrivé là qu'est-ce qui s'est passé, est-ce qu'il y a d'autres soucis en dehors des soucis somatiques ou psychiatriques, est-ce qu'il y a d'autres choses à prendre en compte, est-ce que voilà Je pense que c'est prendre le patient dans toute l'intégralité. Et à l'inverse du coup si tu le considères plus comme un objet de soins, plutôt que comme sujet de soins dans son intégralité Je pense que voilà ça sera plus agir sur eux mécaniquement. Pour moi ça sera juste voilà, prendre la pathologie, distribuer, enfin faire ce qui nous est demandé et pas chercher plus ce qui pourrait apporter aux patients un plus. Est-ce que tu pourrais me raconter une situation alors tu peux réfléchir un petit peu mais une situation où la subjectivation que tu as accordé au patient, donc quand tu l'as vraiment considéré comme un sujet de soins, et bien justement ça a impacté ton soin de façon positive ou négative? Mais un moment où tu l'as vraiment considéré comme sujet donc que tu l'as pris en compte dans son intégralité. XIX

74 C'est pour ça que je me suis embrouillée, pour moi c'était dans l objectivation du patient mais pas dans la subjectivation du patient. Alors une prise en charge où justement ça a eu un impact Après je pense que c'est très patient dépendant. Je pense que des fois y'a des patients avec qui il va se passer quelque chose et ils vont peut-être plus facilement vouloir s'ouvrir qu à d'autres moments, mais je dirais un patient qui m'a plus On va dire enfin une prise en charge où du coup ça a été on va dire bénéfique dans la prise en charge de subjectiver le patient Alors oui c'était un patient qui avait la cinquantaine. Il était rentré pour un hémothorax, c'était en service de pneumologie, et en fait il s est avéré au cours du temps que c'était un cancer qui avait métastasé et que, enfin bref c'était un truc un peu nul pour lui, et il était très très fermé et du coup on n arrivait pas à avancer sur sa prise en charge parce qu il n arrivait pas à nous parler. On le prenait en charge on va dire du côté somatique on essayait de faire en sorte qu'il aille mieux sur un plan somatique mais ça n avançait pas parce qu il se laissait aller, il perdait de plus en plus de poids, il était complètement fermé à la discussion, et en fait à force d essayer de lui parler, de lui laisser le temps, d'un coup il s'est ouvert. Il m'a raconté toute sa vie, il s'est énormément confié à moi sur son état, sur exactement les douleurs qu'il ressentait parce qu'il n osait pas en parler, et surtout son passé, sur le pourquoi est-ce qu'il n'osait pas parler de toutes ces douleurs qu'il ressentait, parce que c'était un ancien alcoolique, qu il avait eu une cirrhose à cause de ça, parce qu'il se droguait avant, parce qu il avait tout un passé qui était très compliqué qu'il n assumait plus forcément parce que ça correspondait plus à son mode de vie actuel. Et c'est vrai qu'en fait du moment où il s'est ouvert la prise en charge a complètement changé parce qu on pouvait traiter à la fois et ses douleurs et son point de vue psychologique et c'est vrai que d'un coup il a eu l envie de se battre et de recommencer à vouloir reprendre ses traitements, à vouloir attaquer une chimiothérapie, à vouloir se refaire opérer, alors qu'avant on était en cassure au niveau de ce soin parce qu'il se disait qu'en fait tout ça il l'avait mérité et que c'était un peu de sa faute ce qui lui arrivait et que s'il mourait bah c'était tant pis pour lui parce qu il l avait bien cherché. Oui d'accord je vois. Alors à l'inverse de sujets de soins, est-ce que tu penses qu'il t'arrive de considérer des patients comme objets de soins et si oui dans quel cas et pourquoi en fait? Est-ce que dans ta pratique tu les considères parfois comme objets de soins plus que comme sujets de soins? Alors je pense que malheureusement je pense que ça peut arriver et c'est horrible de dire ça mais je pense que ça peut arriver quand justement il y a des difficultés relationnelles. Je pense que quand il y a des difficultés relationnelles on a moins envie de creuser tout le penchant qu'il y a autour, que ce soit quand le patient peut être violent ou agressif en sachant très bien ce qu'il fait en étant complètement conscient et avec toute l empathie du monde qu on n arrive pas à comprendre le pourquoi du comment. Je pense que là on n a pas forcément envie d'arriver à creuser, d essayer de le prendre en charge dans sa globalité, on a juste envie que l'épisode aigu passe et qu'il rentre chez lui. Alors des situations des situations où ça m'est arrivé J essaie de réfléchir, surtout qu en étant jeune diplômée et qu on a encore de la patience, on essaie que cela nous arrive le moins possible, mais là j'en n ai pas. Mais je vais raconter une situation bah c'est la situation que j'ai raconté hier à ta collègue, où on va dire que le patient était objet de soins. Ça m'est arrivé il y a peu de temps, c'était il y a 2 semaines, en plus ça fait peu de temps que je suis en service de réanimation donc je n'ai pas encore énormément toutes les capacités de savoir le pourquoi du comment. Il y a une patiente qui est rentrée pour une IMV avec une forte alcoolémie, elle était à 10g je crois, elle avait 47 ans, elle avait pris énormément de benzodiazépines donc elle avait été retrouvée le matin par son fils. Elle était en hypothermie bref elle a fait arrêt sur arrêt et quand elle est arrivée dans le service on savait déjà qu elle allait mourir. Au niveau cérébral il n y avait plus rien, enfin y a plus rien qui allait Et en fait on savait qu'elle allait mourir mais comme du coup sur le service les médecins étaient trop occupés pour prendre des décisions alors que toute la famille avait été prévenue que de toute façon elle allait mourir et tout ça, j'ai passé ma nuit a changé juste des seringues sachant qu'elle allait mourir Donc là on se dit qu au final ce qu'on fait ça ne sert à rien car c'est juste de la maintenir en vie sur une nuit pour que demain ils puissent prendre des décisions. Là oui du coup on ne cherche pas trop à savoir le pourquoi, ou ce qui s'est passé dans sa vie Là c'est vraiment plus un patient objet parce qu'on se dit bah on la maintient en vie pour que demain ils puissent prendre des décisions. Et du coup cette relation entre la personne soignante et enfin entre toi du coup et la personne soignée, est-ce que tu pourrais m'en parler un petit peu de la relation que tu crées avec tes patients? De manière générale? Oui de manière générale puisque tu m'as dit tout à l'heure que des fois tu pouvais être amenée à objectiver les patients quand la relation ne se passait pas forcément extrêmement bien. «Rires» J'aimerais croire que de manière générale je suis une personne euh à qui les patients aiment bien se confier. En fait là du coup ça manque un petit peu parce que c'est vrai qu'en réanimation ils ne sont pas très communicants en tous cas c'est une communication très différente même si on se surprend à apprécier un regard un contact ou malgré les tuyaux dans la bouche. Mais de manière générale oui je suis une personne qui essayait de leur rendre le sourire le plus possible et c'est vrai que des fois je pouvais peut-être être pas trop empathique avec eux mais euh j'essaie de toujours donner le sourire à mes patients, d essayer de toujours avoir la XX

75 petite blague qu'il faut pour essayer de leur remonter le moral, j essaie de dédramatiser leur situation même si c'est pas moi qui la vit et que je sais très bien que c'est dur, que ce soit pour eux comme pour leur entourage, et que en général quand ils sont hospitalisés c'est compliqué pour eux donc voilà Est-ce que tu penses que toi, tu es encore jeune diplômée même si t'as eu quand même plusieurs expériences dans des services, mais est-ce que tu penses qu'avec plus d'expérience professionnelle cette relation elle va être amenée à changer? Est-ce que tu penses qu'avec l'expérience, donc là je te demande juste de te projeter et de faire une supposition, mais est-ce que tu penses qu'avec plus d'expérience tu aurais une relation différente avec tes patients? J'aimerais à croire que non parce qu'on se dit que de toute façon ce métier c'est le plus beau et qu'on aimerait être comme ça toute notre vie, mais du coup quand je vois des collègues qui sont diplômés depuis 10 ou 15 ans et qui sont, ils le disent eux-mêmes plus du tout comme ils étaient avant, et que c'est triste à dire mais en plus de ça euh ben moi j'ai été diplômée dans un moment un petit peu compliqué, un petit peu compliqué parce que c'est vrai que mine de rien cette épidémie COVID elle a fait énormément de mal aux soignants, à l'hôpital ou aux cliniques enfin au soin de manière générale parce qu elle n a pas fait du mal qu à l'hospitalisation générale mais aussi à la psychiatrie hein! C'est vrai qu'il y a un épuisement qui est de plus en plus tôt, qui arrive de plus en plus tôt chez les soignants, et c'est vrai que je pense que ça peut engendrer déjà un mal-être de soi donc des soignants qui peut du coup se répercuter sur la relation et sur donc j'aimerais croire que non mais je sais pas si je pourrais supporter dans 10 ou 15 ans toute la souffrance qu'on peut voir, tout ça et je sais pas si je pourrais pas amener à faire un burn-out J'aimerais croire que non et que je serai toujours comme ça et je changerai pas, mais quand on voit tout ce qu'il se passe c est un gros point d interrogation! J'ai été amené à lire du coup pour mon mémoire et j'ai lu sur la banalisation en fait du patient avec l'expérience professionnelle. Est-ce que quand tu me dis que tu aimerais ne pas changer c'est justement parce que tu aimerais ne pas banaliser le patient avec plus d'expérience? C'est ça. J'en discutais avec mes collègues il y a quelques temps où elle me disait que elle, malgré qu elle ne soit pas non plus une diplômée depuis très longtemps je crois que ça fait 5 ou 6 ans qu'elle est diplômé, mais elle me disait que ça lui arrivait encore de pleurer sur des décès de patients en réanimation parce que elle se dit que voilà il y a des décès qui marquent plus que d'autres c'est des prises en charge qui nous ont marqué ou voilà. Et il y a un infirmier qui lui est diplômé depuis 20 ans peut être, qui dans le service depuis 15 ans, qui lui a dit «mais arrête tu dois te blinder parce que sinon tu ne t'en sortiras jamais» et lui du coup il n'a plus aucune émotion face à la mort d'un patient ou voilà. Et elle me disait mine de rien les anciens ils te diront toujours qu il faut se blinder au maximum et arrêter de voir le patient comme si en gros c'était quelqu'un de notre famille ou notre ami et qu'on n a pas à pleurer la mort des patients. Et mine de rien je pense que ça c'est de plus en plus le cas. Moi c'est pareil j'ai suivi une patiente pendant plus d'un an c'était une chronique et elle est morte à 45 ans j'ai fait sa toilette mortuaire, j'ai vu ces filles qui sont venues la voir, sachant que moi je l'ai connu elle était trachée mais on arrivait à communiquer, on avait on avait créé une sorte de relation soignant soigné qui était assez intéressante et quand elle est décédée c'est vrai que ça m'a fait quelque chose. Et j'ai dit à mes collègues que je crois que je pourrais pleurer là parce que bah mine de rien ça m'a affecté, et elle m a dit «bah non en fait t'as pas pleuré parce que ta patiente est décédée, nous si on devait pleurer à chaque fois». Oui certes, des décès j en ai fait encore et encore et encore depuis que je suis diplômée mais c'est vrai qu'il y a des décès qui touchent plus que d autres, et dans tous les cas je pense que le jour où un décès ne m'affectera plus ou que une prise en charge qui se passe mal ne m affectera plus, je pense que je n'aurai plus ma place dans les soins parce que justement on manquera de cette chose qui fait dire qu on est encore dans le soin. Est-ce que tu pourrais me parler de la qualité de tes soins justement. Qu'est-ce qu'une prise en charge de qualité pour toi? Qu'est-ce que tu peux mettre en place? Comment est-ce que t'essaies de rendre ta prise en charge de qualité? «Rires» En plus c'était la certification hier! J'aimerais à croire que pour rendre ma pratique de qualité, en dehors de dire qu on fait des gestes techniques comme une prise de sang c'est super, une pause de cathéter et tout trop bien Je pense que voilà moi j axerai la qualité de ma pratique justement sur le prendre soin et de manière holistique. J'aime à croire que j'essaie de m'intéresser à tous les plans de mes patients pour essayer de prendre soin au maximum, donc plus sur le prendre soin que sur le faire soin en fait. D accord, est-ce que du coup il t'arrive d'avoir une réflexion un peu sur ta pratique pour essayer de de garder une pratique de qualité, de pouvoir peut-être t améliorer dans certaines situations que t'as vécu? Tout le temps! Tout le temps! Bah surtout là dans un service comme ce que j'ai intégré là récemment le service de réanimation, où ça arrive que les patients merdouillent fréquemment. Après je vais aller voir des collègues plus expérimentés en me disant ben là est-ce que j'ai fait quelque chose de mal, qu'est-ce que tu aurais fait à ma place, qu'est-ce que je peux faire pour anticiper ce genre de choses, qu'est-ce que je dois faire pour optimiser ma pratique. Là ce serait plus sur les plans techniques d essayer d'avoir des conseils des anciens ou du corps médical ou des aides-soignantes parce que les aides-soignantes mine de rien dans des services en tout cas comme la XXI

76 réanimation elles ont énormément d'expériences, de visu que nous on n'a pas forcément surtout en étant nouvel arrivant dans un service comme ça, et c'est surtout voilà en parler avec les collègues, avec le corps médical, savoir ce qu'on pourrait faire au final pour améliorer la pratique, ou ce qu'on pourrait anticiper quand il y a telle ou telle chose qui se passe. Donc ça j'essaie de le faire tout le temps. Est-ce que toi en réanimation avec des patients qui sont amenés à être sédaté en fait, à être sédaté, intubé et ventilé Comment est-ce que tu fais en fait pour essayer de toujours le considérer comme un sujet de soins? Est-ce que tu y arrives? Est-ce que au contraire du coup que tu n'as pas de relation il est plus un objet de soin pour toi? Comment est-ce que tu vois le soin dans ce contexte-là? Mais mine de rien on garde toujours une relation comme je te le disais, du coup la relation est différente parce qu'elle n est pas forcément communicante étant donné qu'ils sont intubés. Après quand ils ne sont pas curarisés, parce qu'ils peuvent être sédaté mais non curarisés, là forcément on va être d'autant plus attentifs, alors du coup ça sera plus une communication physique parce qu'on va justement comme je disais, essayer de capter un regard, essayer d'être le plus attentif possible au moindre mouvement, essayer voilà euh on va avoir une communication différente parce qu'on va essayer au contraire de capter des moments d éveil donc ça apprend à bien connaître le patient déjà quand il est sédaté pour pouvoir mieux le comprendre quand il va se réveiller, pour savoir exactement est-ce que là c'était un signe d'éveil ou pas, donc c'est une communication qui est différente mais après on le voit toujours comme sujet enfin moi en tout cas je le vois toujours comme sujet de soin parce que justement c'est le fait de connaître le patient qui va te permettre d'avoir un œil sur ce qu'il est en train de se passer au moment de son réveil, surtout que t'as toujours la famille qui est très présente surtout dans des services comme ça où ils s inquiètent d'autant plus donc le fait de voir la famille, d'avoir les photos, on a l'impression de connaître plus sa vie que dans peut-être d'autres services. Juste avant de finir, est-ce que tu pourrais me reparler un petit peu de tout ce qui est soins relationnels par rapport aux soins techniques dans ta pratique en fait, quelle part tu donnes un peu aux soins relationnels parce que tu es en réanimation qui est un service réputé pour la pratique en fait, la technicité des gestes etc Comment est-ce que tu gères tout ce relationnel en fait avec les patients? Comment est-ce que tu arrives à apporter du relationnel encore dans tes prises en soins? On va dire que justement comme c est un service qui est très technique les patients ils sont d'autant plus angoissés de ce qui va se passer quand ils sont conscients, donc au contraire ils ont besoin d encore plus d'écoute et de communication que dans d'autres services. Mine de rien, quand t'es réveillé avec un tuyau dans la gorge, que toi tu arrives et que tu veux l'aspirer, que tu sais que ça va le faire tousser et le mettre entre guillemets en vrac, je pense que t'as d'autant plus besoin de communiquer pour que le soin se passe d'autant mieux en fait. Il faut dire que «bon bah voilà là je vais venir je vais devoir vous faire ça, il va se passer ça, ça va se passer comme ça» pour essayer de l'anticiper en fait, et puis qu'il puisse s'apaiser un petit peu avant de le faire. Super, as-tu quelque chose à rajouter? C'est bon pour moi. Je te remercie. XXII

77 ANNEXE 4 : ANALYSE DES ENTRETIENS Code couleur dans l analyse des entretiens : Hémodialyse Réanimation Polyvalente Moins de 2 ans d expérience en tant qu IDE Nathan Emma Plus de 5 ans d expérience en tant qu IDE Claire Gwenaëlle THEMES + questions Sousthèmes Cadre de références Verbatime LE SOIN Questions : Pourriez-vous me définir rapidement ce qu est selon vous le soin? Pouvez-vous me raconter une situation où la subjectivité que vous avez accordé au patient a impacté le soin que vous réalisiez? Le soin / les soins Sens différent de «soin» au singulier ou au pluriel. Soins = «actes de sollicitude, de prévenance envers quelqu un, actions par lesquelles on s occupe de la santé, du bien-être physique, matériel et moral d une personne» (CNRTL), les soins relèvent d un métier et sont fait dans un contexte professionnel par des soignants. Soin = «souci, [à la] préoccupation [relative] à un objet, une situation, un projet auquel on s intéresse» (CNRTL), attitude, attention particulière. «répondre à un besoin [ ] physique ou psychique [ ] à une personne [ ] souffrante». «pour moi il n y a pas vraiment de soin, il y a une prise en charge. On prend soin des gens mais pour moi on ne soigne aucune maladie.» «c est une prise en charge du patient dans sa globalité» «C est pas un patient pour une pathologie. Toutes les pathologies sont liées donc il faut essayer de prendre en charge un petit peu tout.» «le soin pour moi [ ] c est apporter quelque chose à un patient pour lui permettre d'aller mieux. C'est-à-dire euh le soin c'est vraiment pour moi le concept de soigner c'est à dire que ça va être le fait de soulager sa douleur mais aussi lui faire sa toilette parce que il en est dans l'incapacité ou il a besoin d'aide. Ça peut être invasif non invasif et malheureusement des fois le soin peut être douloureux aussi mais c'est toujours dans un but d'aider le patient à aller mieux et à lui amener quelque chose de positif.» «c est ça le soin aussi c est faire ça pour profiter aux autres» «Je pense que le soin c'est aussi être incisif, c'est aussi savoir trancher et dire bah non il faut faire comme ci comme ça même si même si [ ] ta situation me fait beaucoup de peine mais c'est apporter un soin de qualité.» «c est très vaste du coup ça comme définition! Je pense que le sens est très vaste. XXIII

78 C'est du moment que t'es dans le soin, du moment que tu fais du bien à la personne, du moment que tu as pour vocation d'aider une personne que ce soit sur un plan on va dire technique avec des soins qui vont pouvoir lui apporter un bénéfice sur sa santé mais ça peut être également des discussions qui vont pouvoir lui permettre d'aller mieux sur un plan psychologique, ça peut être des gestes qui peuvent réconforter je pense que le soin c'est voilà c'est du moment que tu vas apporter un bénéfice à une personne et un mieux-être sur la personne que ce soit sur le plan physique comme psychologique, enfin c'est vraiment très vaste.» Faire du soin / prendre soin / soins techniques / soins relationnels Faire du soin = soins techniques, objectivation du patient. Prendre soin = soins relationnels, considération du patient par le soignant, attention particulière à la situation particulière vécue par le patient. «en hémodialyse le soin va être plus ou moins le même, en gros parce que quand même il y a des différences» «cela nécessite de la concentration» «je fais toujours très attention au soin que je fais. On est là pour s occuper des gens» «Après moi mon soin je l ai fait de la même manière, de manière stérile, je reste concentré sur le poids à perdre, sur le bain du dialysat, je sais pourquoi on est là. On va dire que je ne pense pas que le soin aurait pu être [ ] mieux fait ou moins bien fait.» «là c était un problème de relation [ ] mais ça aurait pu être un acte technique raté» «rester concentré sur ton soin technique [ ] te concentrer sur ton soin et de le faire du mieux que tu peux» «en tant qu infirmier tu as beaucoup moins de temps à accorder au relationnel, tu vois plus de patients mais par contre tu es beaucoup plus limité dans ta façon de leur parler.» «très efficaces dans leur manière de faire [ ] les soins techniques, ça dépotait vraiment beaucoup mais par contre ils prenaient beaucoup moins de temps en communication avec le patient car on a une charge de travail énorme» «je ne peux pas brancher une perfusion et ne pas parler à un patient [ ] on ne peut pas ne pas leur parler et leur expliquer ce qu on fait. Ton soin technique va toujours mieux se passer si tu expliques à la personne qui tu es, où elle est, ce que tu lui fais. Il faut toujours commencer par ça.» «A certains moments il faut rester technique, se baser sur le soin que tu fais, un peu se détacher justement du patient et de la relation que tu as avec pour pouvoir se concentrer sur ce que tu fais.» XXIV

79 «Et tu discutes un peu mais moi à un moment je me ferme et je me concentre vraiment sur ce que je fais. Et c est plaisant un peu hein ça fait du bien de te retrouver dans ta bulle, t es en stérile, t agis sur ton soin stérile, tu réfléchis, et après tu peux reprendre une conversation.» «beaucoup de soin relationnel aussi, où on donne beaucoup de nous. Des patients qui sont angoissées et tu vas passer un temps fou à essayer de les déstresser» «on les prend en charge mais on ne va pas forcément les guérir et dans le soin technique euh psychosomatique c est pareil, on ne soigne pas les gens d un infarctus, on prend en charge un infarctus, on pose un stent, on débouche une artère mais ça ne va pas les guérir de leur maladie coronarienne.» «on prend en charge une maladie et un patient avec son vécu mais on ne guérit nulle part» «On a une démarche de soin permanente ici» «Moi je pense que, comme je t'ai dit au début, on prend en charge des gens on prend soin des gens on n'est pas vraiment là pour les soigner. Du coup Pour moi c'est différent. Je viens sauver personne quoi.» «c est vraiment le prendre soin pour moi, et l acceptation du soin est vachement importante tout le temps» «Après il y a vraiment des collègues à moi qui sont de très bonnes soignantes et qui vont faire des soins beaucoup plus militaires, parce que pour elles c est important que la personne ait son soin dans la totalité.» «c est très technique tout ce que je fais» «traiter à la fois et ses douleurs et son point de vue psychologique» «quand il y a des difficultés relationnelles on a moins envie de creuser tout le penchant qu il y a autour» «comme c est un service qui est très technique les patients ils sont d'autant plus angoissés de ce qui va se passer quand ils sont conscients, donc au contraire ils ont besoin d encore plus d'écoute et de communication que dans d'autres services.» «en dehors de dire qu on fait des gestes techniques comme une prise de sang [ ] XXV

80 j axerai la qualité de ma pratique justement sur le prendre soin» «j'essaie de m'intéresser à tous les plans de mes patients pour essayer de prendre soin au maximum, donc plus sur le prendre soin que sur le faire soin» Relation soignantsoigné Deux intervenants entrent en relation : le soignant et le soigné. «rencontre entre deux personnes, c est-à-dire deux caractères, deux psychologies particulières et deux histoires» (Manoukian In Paillard, C., 2018, p. 349). Evolution relation soignantsoigné dans la société contemporaine avec prise en compte du patient dans sa globalité physique et mentale. Distance dans le soin : proximité distanciée, relation responsable, relation de confiance. Sollicitude : «A la recherche d une hypothétique bonne distance, la sollicitude doit permettre au soignant d être bienveillant tout en permettant à autrui de demeurer luimême» (Svandra, P., 2009, p. 3). Relation asymétrique : prise en otage du soignant par la «ce sont des patients qui ont besoin d avoir confiance en les soignants, ils sont amenés à me revoir et j ai un peu des preuves à faire auprès d eux. J aime bien faire en sorte que cela se passe bien». «des services différents avec une relation aux patients différente aussi. Donc la relation avec le patient ce n est pas tout à fait pareil quand même» «en psychiatrie, [ ] je me suis dit que bon normalement en termes de relation aux patients ça devrait bien se passer avec mon expérience de l hôpital mais euh ils m ont complètement déstabilisé au premier quart d heure, une distance, tout était différent.» «beaucoup de responsabilités» «c est quelque chose de primordial» «Dire bonjour, il faut entretenir quelque chose.» «Il y a un petit feeling qui se fait quand même et c est à toi de le sentir mais il faut quand même détendre la situation, expliquer le soin, avoir un contact avec le patient avant de faire ce que tu as à lui faire.» «tout ce qui est les soins techniques et les soins d urgence il peut t arriver de complètement oublier la relation avec le sujet mais il faut car tu ne peux pas perdre de temps dans ces moments-là.» «je me plais dans [ ] le contact aux patients qu on revoit après» «Elle n avait plus confiance en personne dans l équipe parce qu on lui avait mis la pile de force.» «elle te disait qu elle n avait pas confiance en nous, qu on avait fait les choses sans la prendre en compte et qu elle n adhérait plus du tout à rien quoi.» «elle a fini par s adoucir parce qu elle a vu que je ne m énervais pas, que je restais calme avec elle» «je sais que j aime les patients et je sais que même en 2006 j arrivais déjà à parler aux patients» XXVI

81 souffrance de la personne soignée. Sentiments d affectivité, don de soi. «je considère plus le patient qu à mes débuts d'infirmière juste dans le sens où au début t'es un peu obnubilée par ton rôle infirmier c'est-à-dire ne rien oublier, penser à tout ce que tu dois faire, checker» «Maintenant je suis à l aise enfin je peux parler au patient et à côté de ça regarder son scope» «J'aimerais croire que de manière générale je suis une personne [ ] à qui les patients aiment bien se confier.» «en réanimation ils ne sont pas très communicants en tout cas c'est une communication très différente même si on se surprend à apprécier un regard un contact» «je suis une personne qui essayait de leur rendre le sourire le plus possible et [ ] j'essaie de toujours donner le sourire à mes patients, d essayer de toujours avoir la petite blague qu'il faut pour essayer de leur remonter le moral, j essaie de dédramatiser leur situation même si c'est pas moi qui la vit et que je sais très bien que c'est dur, que ce soit pour eux comme pour leur entourage» «Mais mine de rien on garde toujours une relation comme je te le disais, du coup la relation est différente parce qu'elle n est pas forcément communicante étant donné qu'ils sont intubés.» «Après quand ils ne sont pas curarisés [ ] ça sera plus une communication physique parce qu'on va justement comme je disais, essayer de capter un regard, essayer d'être le plus attentif possible au moindre mouvement, essayer voilà euh on va avoir une communication différente parce qu'on va essayer au contraire de capter des moments d éveil donc ça apprend à bien connaître le patient déjà quand il est sédaté pour pouvoir mieux le comprendre quand il va se réveiller, pour savoir exactement est-ce que là c'était un signe d'éveil ou pas, donc c'est une communication qui est différente mais après on le voit toujours comme sujet» «elle était trachée mais on arrivait à communiquer, on avait [ ] créé une sorte de relation soignant soigné qui était assez intéressante» XXVII

82 Qualité soin du «[une] démarche qui doit permettre de garantir à chaque patient la combinaison d actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains à l intérieur du système de soins» (Santé Publique). 5 indicateurs : efficacité, sécurité, réactivité, accès et efficience. Notions d accueil, d écoute, de disponibilité, de créativité des soignants, de connaissances de nature scientifique, d habilités techniques pour un soin de qualité et pour considérer le patient dans son entièreté. Notion subjective, dépend de l appréciation de chacun. Différence entre qualité du soin et qualité de soins. «pour moi je n avais pas passé une dialyse de qualité par rapport à lui parce que bah voilà quand on essaie de s imaginer un peu leurs quotidiens ils ne sont pas là non plus pour se faire pourrir par un infirmier.» «je me suis sentie maltraitante [ ] d avoir contribué à sa prise en charge» «On a un peu toute la prise en charge [ ] donc la prise en charge peut être optimale je trouve pour le patient, mais après il faut qu il en ait envie aussi» «Mon soin il va être de qualité parce que [ ] par exemple mon patient quand je vais lui poser une perfusion de manière propre bah il développe pas de sepsis sur sa voie centrale. [ ] mon patient quand [ ] on arrive à l extuber parce qu'on l'a mis 3 jours de file au fauteuil intubé [ ] c'est un soin de qualité parce qu'on est arrivé à avancer. Mais ça peut être un soin de qualité aussi dans le sens où ben on est arrivé à la prise en charge la plus globale qu'on puisse apporter, on a donné tout ce qu'on avait, malheureusement ben le patient il va pas s'améliorer il va au contraire se dégrader et un soin de qualité c'est aussi permettre une fin de vie correcte au patient et bah là c'est une réunion éthique avec des limitations thérapeutiques [ ], c est un non acharnement thérapeutique et c'est un soin comme un autre qui amène malheureusement au décès du patient mais si le patient il meurt dans la dignité et sans douleur bah c'est un soin de qualité aussi malheureusement, on arrive à apporter quelque chose, une fin de vie correcte et je pense que ça n'a pas de prix.» «J'aimerais à croire que pour rendre ma pratique de qualité, en dehors de dire qu on fait des gestes techniques [ ] j axerai la qualité de ma pratique justement sur le prendre soin et de manière holistique. J'aime à croire que j'essaie de m'intéresser à tous les plans de mes patients pour essayer de prendre soin au maximum, donc plus sur le prendre soin que sur le faire soin en fait.» XXVIII

83 Valeurs attitudes soignantes et Valeurs soignantes : bienveillance, patience, douceur, attention, tolérance, compassion, empathie, respect, sollicitude, dignité. Valeurs morales du soignant : valeurs personnelles + valeurs professionnelles acquises en formation et avec l expérience. Professionnalisme : «un tout fondé essentiellement sur l exigence morale de la personne elle-même désignée sous le nom de conscience personnelle» (citée par Patrick Thominet, 2011, p. 36). Attitude = un état d esprit envers une valeur. Lien entre attitude et valeur. Attitude fondée sur l expérience. Attitudes infirmières aussi importantes que le traitement prodigué. Attitudes soignantes : empathie, compréhension, compassion, authenticité, confiance. «Chaque soignant va avoir une attitude différente, et c est ça qui est difficile dans notre profession.» Bienveillance : «ils prenaient beaucoup moins de temps en communication avec le patient car on a une charge de travail énorme. Et moi euh je débordais toujours sur mon temps personnel, je terminais toujours à une heure pas possible mais pour moi je ne peux pas brancher une perfusion et ne pas parler à un patient.» «je me suis assise avec elle, elle aime beaucoup parler de cuisine, c est quelqu un qui cuisine beaucoup, je l ai détendue, ça m a pris deux minutes, et maintenant ça se passe super bien et elle dort» «le soin pour moi c'est [ ] apporter quelque chose à un patient pour lui permettre d'aller mieux» Patience : «J avais un souci de branchement avec un premier patient et le deuxième patient que je devais brancher voyait que ça allait être un peu plus long pour lui et du coup il a commencé à souffler souffler souffler et je l entendais râler. Donc moi je devais me concentrer sur la ponction de quelqu un, régler les soucis» «en fait à force d essayer de lui parler, de lui laisser le temps, d'un coup il s'est ouvert. Il m'a raconté toute sa vie, il s'est énormément confié à moi» «surtout qu en étant jeune diplômée et qu on a encore de la patience» Douceur : «C est tellement varié et tu vas avoir beaucoup de soin relationnel aussi, où on donne beaucoup de nous. Des patients qui sont angoissées et tu vas passer un temps fou à essayer de les déstresser.» «Si tu vois qu elle angoisse, qu elle n est vraiment pas bien, tu sens que cela ne va pas aller, tu cherches à la rassurer en lui disant qu on va s occuper d elle, qu il va y avoir beaucoup de monde autour mais que cela va aller» «On lui a parlé le plus calmement possible.» «Il faut dire que «bon bah voilà là je vais venir je vais devoir vous faire ça, il va se XXIX

84 passer ça, ça va se passer comme ça» pour essayer de l'anticiper en fait, et puis qu'il puisse s'apaiser un petit peu avant de le faire.» Attention : «Selon le patient à qui on le fait c est toujours différent car il faut qu on adapte son soin à cette personne, savoir ce qu elle ressent, savoir dans quel état elle est sur le moment, enfin voilà il faut il faut essayer d éviter d être en mode automatique en fait et de considérer tous les patients comme les mêmes.» «je fais toujours très attention au soin que je fais» «on les voit trois fois par semaine pendant une très longue période donc on arrive des fois à les prendre en charge de manière un petit peu plus globale en connaissant leur diabète en connaissant leur traitement anti-hypertensif et en connaissant la manière dont ils vivent à la maison» «moi je fais toujours attention à comment je présente les choses» «je me suis assise avec elle, elle aime beaucoup parler de cuisine, c est quelqu un qui cuisine beaucoup, je l ai détendue, ça m a pris deux minutes, et maintenant ça se passe super bien et elle dort» «je fais très attention à comment je parle aux patients, à comment je leur explique les choses» «je place toujours le patient, si je le peux, au cœur ma prise en charge.» Tolérance : «On est là pour s occuper des gens, qu ils aient un sale caractère ou pas, qu on soit d accord avec eux ou pas, on n est pas là pour juger quoique ce soit.» «essayer de composer avec le patient donc par exemple si c est un patient qui est plus du matin bah d essayer de voir avec lui pour le prendre en charge dans la mesure du possible ses soins en fonction de ce qu il veut.» «on va adapter l'heure des repas» Compassion : «Si tu vois qu elle angoisse, qu elle n est vraiment pas bien, tu sens que cela ne va pas aller, tu cherches à la rassurer en lui disant qu on va s occuper d elle, qu il va y avoir XXX

85 beaucoup de monde autour mais que cela va aller» Empathie : «j essaie d être peut-être trop même empathique avec les patients mais je pense que c est important pour la qualité des soins» «si tu commences à réfléchir à toute la chose derrière et suivant son motif d'entrée en plus, tu vas commencer à être empathique et c'est ce qui fait que l empathie, je pense à mon sens, que l empathie dans une situation d'urgence fait en sorte que tu es un peu plus long. En tout cas le fait que tu fasses entrer tes émotions en jeu ça te perturbe et je crois que tu es moins efficace clairement.» «On a de l empathie pour nos patients mais c'est pour ça que dès qu'il y a quelqu'un que tu connais ou une situation qui t atteint trop, tu n'es plus objectif.» «Je pense que quand il y a des difficultés relationnelles on a moins envie de creuser tout le penchant qu'il y a autour, que ce soit quand le patient peut être violent ou agressif en sachant très bien ce qu'il fait en étant complètement conscient et avec toute l empathie du monde qu on n arrive pas à comprendre le pourquoi du comment.» «quand elle est décédée c'est vrai que ça m'a fait quelque chose. Et j'ai dit à mes collègues que je crois que je pourrais pleurer là parce que bah mine de rien ça m'a affecté» Respect : «Il ne faut pas oublier que ce sont des êtres humains avec un psychique et que ce n est pas qu un corps» «ça m'est déjà arrivé de brancher des patients qui ne voulaient pas être branchés parce que le médecin me dit non mais là il a clairement besoin de dialyse et ça c'est très difficile parce que quelque part tu sais que tu respectes pas ce que le patient voudrait mais que tu sais aussi que c'est ce qu'il faut faire pour que le patient aille mieux» «je vais pas pouvoir respecter exactement ce que le patient voudrait [ ] ou je vais forcément respecter ce que l'institution me demande parce qu il faut mettre 4 patients dans un temps imparti [ ]. Donc oui parfois on respecte pas les horaires que le patient voudrait avoir, parfois on ne respecte pas les gens à côté de qui il ne voudrait pas être ou à côté de qui il voudrait être. On peut pas faire à la carte quoi, ça c'est sûr que c'est pas possible tout le temps mais euh ça m'est déjà arrivé de brancher des patients qui ne voulaient XXXI

86 pas être branchés parce que le médecin me dit non mais là il a clairement besoin de dialyse et ça c'est très difficile parce que quelque part tu sais que tu respectes pas ce que le patient voudrait mais que tu sais aussi que c'est ce qu'il faut faire pour que le patient aille mieux» «si j'ai choisi ce métier c'est parce que j'aime l être humain foncièrement et euh je pense que voilà pour moi le patient c'est un être humain à part entière et on doit s'adapter à chaque personne.» Dignité : «si le patient il meurt dans la dignité et sans douleur bah c'est un soin de qualité aussi malheureusement, on arrive à apporter quelque chose, une fin de vie correcte et je pense que ça n'a pas de prix.» Compréhension : «Ils sont tous différents, ils peuvent vivre les choses différemment.» «On leur en demande peut-être un peu trop par rapport à ce qu ils veulent. On leur demande de venir faire des examens. Ils en ont marre parce qu ils viennent trois fois par semaine à l hôpital et c est déjà lourd pour eux donc c est un p tit peu complexe.» «Un patient qui n'aura pas dormi de la nuit qui est réveillé, alors intubé ou non, mais qui est réveillé, s'il a pas dormi de la nuit et que finalement le matin il dort un peu bah moi je suis tout à fait d'accord de lui faire une toilette plutôt 11h00 du matin que à 7h ou 8h00» Confiance : «et ce sont des patients qui ont besoin d avoir confiance en les soignants» «Et ce qui avait été compliqué pour moi c était la suite de la prise en charge car elle m en voulait de ne pas m être interposée plus avec le médecin. Elle n'avait plus confiance en personne dans l équipe parce qu on lui avait mis la pile de force.» «ce jour-là le fait d avoir réussi à capter son attention, à lui parler, à ce qu il redescende et le fait qu il nous connaisse bien, qu il adhère à ce qu on fait d habitude pour lui, qu il comprenne qu on n est pas là pour lui faire du mal, ça a été vraiment euh.. très.. très salvateur pour la suite de la dialyse.» «Sauf qu après elle n avait plus confiance en nous, elle s arrachait tout. Mais XXXII

87 elle n était pas démente, elle ne voulait pas les soins. [ ] elle te disait qu elle n avait pas confiance en nous, qu on avait fait les choses sans la prendre en compte et qu elle n adhérait plus du tout à rien» Autonomie : «Pour moi ça passe beaucoup par l acceptation du soin. Les rendre sujets c est aussi les rendre acteurs. Par exemple les faire participer au soin. Euh ici tu sais comment ça se passe, on les fait peser, ils se lavent le bras, ils s installent, parfois ils mettent leurs casques pour écouter la télé, ils savent comment marche la dialyse, ils peuvent même être amenés à te demander de changer les réglages si cela ne lui convient pas.» Humanisme / humanitude Humanitude = concept anthropologique nous faisant voir les racines de notre condition humaine. Permet de mettre en avant des comportements soignants qui prennent en compte l humain. Bon équilibre psychologique pour le patient : bien-être et conservation de ses capacités humaines. 3 piliers de l approche d humanitude : le toucher, le regard et la parole. Humanisme = concept philosophique montrant l importance de la place de l homme dans le monde. Objectifs : Mettre en avant la place centrale de l humain dans les soins, que ses valeurs «Moi j aime bien leur demander comment la séance précédente s est passée pour avoir des idées sur la séance qui va se produire et là je n avais aucune info, il s est complètement fermé.» «une séance où la personne est renfermée sur elle-même qu elle ne te donne aucune information et que limite elle est en boule tout le long à attendre qu on la débranche et qu elle s en aille, pour moi ce n est pas possible je ne peux pas soigner comme ça.» «je ne peux pas brancher une perfusion et ne pas parler à un patient». «tu vas voir la différence entre les patients pour qui la pointe d humour va passer et ça va les détendre direct pour le soin que tu vas lui faire, et quelqu un qui arrive, qui sait déjà que tu vas lui mettre des aiguilles dans le bras.» «J aimais beaucoup le contact en psychiatrie, parler avec les patients, j aimais comprendre pourquoi ils étaient malades, qu est-ce qui les avait amené là» «Et ça ce serait bien si on expliquait un petit peu plus aux gens ce qu on leur fait dans la globalité.» «C est aussi d avoir un patient qui communique avec toi qui fait que c est un sujet et non pas un objet» «Donc le patient dans le coma je le considère comme sujet de soins parce que, même si c'est compliqué, je lui parle en fait. Je lui dis je vais vous mobiliser, je vais vous tourner, je vais vous laver, je vais vous aspirer, euh quel jour on est, souvent voilà. Alors plus XXXIII

88 humaines soient au-dessus de toutes les autres valeurs, que le patient soit protégé et qu on prenne en compte sa dignité et son autonomie. La valeur du geste n est plus uniquement liée à son aspect technique. quand ils sont en phase de réveil voilà mais même quand ils sont sédatés et curarisés et tu sais qu'il n'y aura aucun échange, moi je lui parle en tous cas.» «en fait à force d essayer de lui parler, de lui laisser le temps, d'un coup il s'est ouvert. Il m'a raconté toute sa vie, il s'est énormément confié à moi sur son état» «en réanimation ils ne sont pas très communicants en tous cas c est une communication très différente même si on se surprend à apprécier un regard un contact» «Après quand ils ne sont pas curarisés [ ] ça sera plus une communication physique parce qu'on va justement comme je disais, essayer de capter un regard, essayer d'être le plus attentif possible au moindre mouvement, essayer voilà euh on va avoir une communication différente parce qu'on va essayer au contraire de capter des moments d éveil donc ça apprend à bien connaître le patient déjà quand il est sédaté pour pouvoir mieux le comprendre quand il va se réveiller, pour savoir exactement est-ce que là c'était un signe d'éveil ou pas, donc c'est une communication qui est différente mais après on le voit toujours comme sujet» «justement comme c est un service qui est très technique les patients ils sont d'autant plus angoissés de ce qui va se passer quand ils sont conscients, donc au contraire ils ont besoin d encore plus d'écoute et de communication que dans d'autres services» XXXIV

89 LA SUBJECTIVA- TION DU PATIENT DANS LE SOIN Questions : Pourriez-vous me définir rapidement ce qu est selon vous la subjectivation du patient? Pouvez-vous me raconter une situation où la subjectivité que vous avez accordé au patient a impacté le soin que vous réalisiez? Subjectivité des intervenants de la relation et subjectivation du patient Relation soignant-soigné = rencontre de deux subjectivités. Il faut s adapter à la subjectivité et donc la singularité de chaque patient, avec sa vulnérabilité car il est en demande d aide et d humanité. Le fait de soigner ne correspond pas simplement au soin de quelque chose mais au soin de quelqu un. On ne peut pas considérer la maladie sans le malade. Personnalisation des actes infirmiers en fonction des besoins du malade et pour s accorder à son point de vue, respecter ses prises de décisions, donc sa subjectivité. «Je n arrive pas à comprendre le truc. [ ] La dimension de sujet elle est juste au fait que ce soit un être humain c est ça?» «chaque patient est différent. Ils vont avoir [ ] une histoire de vie différente, un âge qui peut être différent, [ ] il y en a qui vont vivre le soin de manière différente aussi.» «Selon le patient à qui on le fait c est toujours différent car il faut qu on adapte son soin à cette personne, savoir ce qu elle ressent, savoir dans quel état elle est sur le moment, enfin voilà il faut il faut essayer d éviter d être en mode automatique en fait et de considérer tous les patients comme les mêmes. Ils sont tous différents, ils peuvent vivre les choses différemment.» «c est s adapter aux sujets» «ils arrivent avec de forts caractères et avec une idée du soin» «j aime bien leur demander comment la séance précédente s est passée pour avoir des idées sur la séance qui va se produire» «les patients sont différents, tu vas voir la différence entre les patients pour qui la pointe d humeur va passer et ça va les détendre direct pour le soin que tu vas lui faire, et quelqu un qui arrive, qui sait déjà que tu vas lui mettre des aiguilles dans le bras.» «Tu soignes des personnes. C est quelqu un qui a une histoire, qui a peut-être un statut et une importance et qui arrive dans ton domaine, l hôpital» «il faut discuter avec eux [ ] il faut qu ils se sentent le mieux possible.» «Il ne faut pas oublier que ce sont des êtres humains avec un psychique et que ce n est pas qu un corps, il faut discuter avec les gens» «où on a vraiment un suivi, une connaissance des patients avec tous les inconvénients que cela engendre mais il y a aussi des avantages et même beaucoup d avantages» «on les voit trois fois par semaine pendant une très longue période donc on arrive des fois à les prendre en charge de manière un petit peu plus globale en connaissant leur diabète en connaissant leur traitement anti-hypertensif et en connaissant la manière dont ils vivent à la maison, est-ce qu ils sont autonomes, est-ce que des gens les prennent en charge à la maison, est-ce qu ils ont des aidants de la famille ou des voisins, et tout ça on peut arriver à le connaître» «on les connait assez bien, même des fois trop bien et voilà quoi c est un petit peu XXXV

90 plus facile pour les prendre en charge correctement je trouve» «c est qu ils comprennent un peu leur maladie donc c est souvent le cas des patients chroniques.» «ils sont très exigeants face à ce qu on leur explique et ce qu on leur fait [ ] ils vont vraiment être des sujets acteurs de leurs soins.» «pour moi les rendre sujet du soin c est déjà leur faire accepter, essayer de composer avec le patient donc [ ] de voir avec lui pour le prendre en charge dans la mesure du possible ses soins en fonction de ce qu il veut.» «Pour moi ça passe beaucoup par l acceptation du soin. Les rendre sujets c est aussi les rendre acteurs. Par exemple les faire participer au soin.» «Tu ne fais pas que comme tu penses être bien, tu fais aussi avec le patient et vu que le patient comprend ce que tu lui fais bah il faut prendre en compte ce qu il te dit sinon il n acceptera pas complètement son soin. Et ça ce serait bien si on expliquait un petit peu plus aux gens ce qu on leur fait dans la globalité.» «quand les gens sont stressés j essaie de le prendre en compte car s ils sont comme ça c est surement qu ils ont une raison de l être, qu ils ont vécu quelque chose quand ils étaient petits, et prendre en compte leur histoire de vie.» «Tu vas pas prendre en charge [ ] deux personnes de la même manière, pour moi c est impossible, [ ] on s adapte aux gens [ ] avec leurs histoires, on s adapte aux médecins, on s adapte aux collègues et surtout aux patients. Mais on doit un peu changer tout le temps notre manière d être. On ne va pas parler de la même manière quoi. On prend forcément en compte le patient donc le rendre sujet du soin euh forcément tu vas prendre en compte la personne qu il est et son histoire de vie.» «ce jour-là le fait d avoir réussi à capter son attention, à lui parler, à ce qu il redescende et le fait qu il nous connaisse bien, qu il adhère à ce qu on fait d habitude pour lui, qu il comprenne qu on n est pas là pour lui faire du mal, ça a été vraiment [ ] très salvateur pour la suite de la dialyse.» «tant qu elle adhèrera pas à la dialyse je pense que ça marchera pas quoi» «elle m a remercié parce que je m étais présentée parce que je m étais jamais occupée d elle et finalement ça s est pas trop mal passé» «Moi je pense que si tu recherches l'acceptation du patient pour le soin, le soin va bien se passer.» XXXVI

91 «Dans ton approche, dans ton bonjour aux patients, en demandant comment allez-vous, tu vas des fois induire un comportement, que la situation va mal se passer.» «c est important d expliquer» «je sais que moi je vais plus m'adapter aux patients, je vais peut-être moins appliquer protocolairement la prescription parce que pour moi quand tu perds l'acceptation du patient justement bah tu perds le patient quoi.» «il faut que tu t'adaptes aux patients, faut que tu t'adaptes au médecin, faut que tu t'adaptes à l aide-soignante, faut que tu t'adaptes aux autres collègues infirmières, et voilà. Et parfois bah des fois on met plus de temps à s'adapter à la collègue aide-soignante ou à la collègue infirmière, que à s'adapter au patient.» «pour moi l acceptation de la personne dans le soin elle est capitale» «Dans l'approbation du soin, je pense que c'est vraiment un tout, de ce que tu es en fait toi en tant que soignant, et de ce que le patient est en tant que soigné. Et voilà c'est pour ça que des fois ça va très bien le faire et y a d'autres fois où ça va pas marcher, parce que on a chacun notre histoire et que bah en tant que soignant parfois on dématérialise beaucoup le patient.» «on a que 4 patients en charge, entre guillemets que 4. Donc ça permet quand même aussi de prendre un peu plus en compte le patient, et bien sûr de faire des soins peutêtre un peu plus adaptés à chacun» «Tu t adaptes à la personne de manière à ce qu'il adhère plus en fait, parce que forcément il va mieux guérir quoi si il mange mieux, s'il dort mieux, s il se sent mieux il va aller mieux plus vite et il va pouvoir rentrer chez lui plus vite.» «Pour moi le patient c'est un être à part entière déjà ce n'est pas un objet [ ] si j'ai choisi ce métier c'est parce que j'aime l être humain foncièrement et euh je pense que voilà pour moi le patient c'est un être humain à part entière et on doit s'adapter à chaque personne.» «adapter l heure des repas» «je m'adapte vraiment je peux me permettre dans mon travail si mon patient est stable et si mon secteur est stable d'adapter ma prise en charge aux patients.» «je place toujours le patient, si je le peux, au cœur ma prise en charge. Vraiment ça va être lui et ses défaillances, parce que bah nous on travaille avec les défaillances et XXXVII

92 l'urgence, et ça va être lui qui va être le centre de la prise en charge.» «C'est aussi d'avoir un patient qui communique avec toi qui fait que c'est un sujet et non pas un objet. [.] Donc le patient dans le coma je le considère comme sujet de soins parce que, même si c'est compliqué, je lui parle en fait.» «Après il y a quelque chose d'annexe qui te permet de savoir que ton patient est un sujet, c'est ton hémodynamique, c est tes scopes en fait» «le patient on le considère aussi comme sujet quand on prend en charge des prélèvements multi organes [ ]. On réanime un corps pour donner des organes alors qu'on sait qu'il n'y a plus de vie dans ce corps et là tu prends en charge ce patient alors qu'il est en mort encéphalique mais pour d'autres patients, et ça c'est et ça c'est vachement sympa je trouve» «Il faut toujours se dire que oui effectivement il y a pire dans la vie mais c'est pas grave, lui c'est moins dur mais c'est sa situation, il faut essayer de se recentrer» «Je pense que on passe dans la subjectivation du patient quand on arrête justement d'avoir cette envie d'apporter quelque chose à l'autre et qu'on agit un peu on va dire mécaniquement» «Je crois que je suis en train de m'embrouiller toute seule en fait» «le prendre dans son intégralité, savoir ne pas prendre en compte uniquement ce pourquoi le patient est hospitalisé et pas forcément qu en structure hospitalière, mais ce pourquoi on doit le prendre en charge. C est le prendre dans son intégralité, savoir voilà s'il en est arrivé là qu'est-ce qui s'est passé, est-ce qu'il y a d'autres soucis en dehors des soucis somatiques ou psychiatriques, est-ce qu'il y a d'autres choses à prendre en compte [ ] Je pense que c'est prendre le patient dans toute l'intégralité.» «et en fait à force d essayer de lui parler, de lui laisser le temps, d'un coup il s'est ouvert. Il m'a raconté toute sa vie, il s'est énormément confié à moi sur son état» «Et c'est vrai qu'en fait du moment où il s'est ouvert la prise en charge a complètement changé parce qu on pouvait traiter à la fois et ses douleurs et son point de vue psychologique» «moi en tout cas je le vois toujours comme sujet de soin parce que justement c'est le fait de connaître le patient qui va te permettre d'avoir un œil sur ce qu'il est en train de se passer au moment de son réveil, surtout que t'as toujours la famille qui est très présente surtout XXXVIII

93 dans des services comme ça où ils s inquiètent d'autant plus donc le fait de voir la famille, d'avoir les photos, on a l'impression de connaître plus sa vie que dans peut-être d'autres services.» Vulnérabilité et compassion du soignant «le soin se situe à l endroit exact de la rencontre des vulnérabilités» (Svandra, P., 2009, p. 3). La vulnérabilité du soignant est touchée par celle du patient en souffrance. Effets nocifs de la compassion : une personne de plus qui souffre. «C est quelqu un [ ] qui arrive dans ton domaine, l hôpital, et là elle est complètement déstabilisée et elle dépend presque complètement de toi.» «qu il y a des gens que oui, peut-être qu à l extérieur ils ont un charisme, ils n aiment pas montrer rien, ne serait-ce qu un peu de faiblesse et ici ce ne sont pas du tout les mêmes personnes. Il faut y aller cool avec eux.» «Si tu vois qu elle angoisse, qu elle n est vraiment pas bien, tu sens que cela ne va pas aller, tu cherches à la rassurer en lui disant qu on va s occuper d elle, qu il va y avoir beaucoup de monde autour mais que cela va aller.» «La situation qu ils vivent n est jamais on ne vient pas à l hôpital pour se faire plaisir. A partir du moment où tu viens à l hôpital déjà c est que ça ne va pas. Il ne faut jamais oublier ça» «Je vois quelqu'un mourir, ça me fait toujours de la peine, je vois quelqu'un souffrir ça me laisse pas indifférente» «on a une patiente qui est arrivée extrêmement stressée» «j essaie d être peut-être trop même empathique avec les patients mais je pense que c est important pour la qualité des soins.» «elle supportait pas le fait de dépendre de nous pour faire les soins» «et si tu commences à réfléchir à toute la chose derrière et suivant son motif d'entrée en plus, tu vas commencer à être empathique et c'est ce qui fait que l empathie, je pense à mon sens, que l empathie dans une situation d'urgence fait en sorte que tu es un peu plus long. En tout cas le fait que tu fasses entrer tes émotions en jeu ça te perturbe et je crois que tu es moins efficace clairement. On a de l empathie pour nos patients mais c'est pour ça que dès qu'il y a quelqu'un que tu connais ou une situation qui t atteint trop, tu n'es plus objectif. Et malheureusement tu n'es plus objectif pour ce patient et pour tes patients derrière.» «c'était ma vie personnelle qui rencontrait ma vie professionnelle et ça m'a XXXIX

94 vraiment perturbé. J'ai fait des erreurs» «prendre en charge cette jeune ça m a fait beaucoup de peine [ ] et du coup [ ] j ai été moins [ ] cadrante dans mon soin» Eléments empêchant la subjectivation du patient Argent, technique, pouvoir, fatigue, routine, conditions de travail difficiles, sentiment de manque de temps des soignants, peu de considération, noncoopération des patients, matériel insuffisant ou inadapté, Ça a pour conséquence de se centrer sur la maladie et non le malade. «comme c est un service qui est très technique les patients ils sont d'autant plus angoissés» «c est vrai que des fois je pouvais peut-être être pas trop empathique avec eux mais euh» «en général quand ils sont hospitalisés c est compliqué pour eux» «J avais un souci de branchement avec un premier patient et le deuxième patient que je devais brancher voyait que ça allait être un peu plus long pour lui et du coup il a commencé à souffler souffler souffler et je l entendais râler.» «Tu as toujours ici ce temps qui pèse énormément et ce patient qui te le fait ressentir et il faut que toi tu arrives à passer au-delà de tout ça» «Dans mon cursus donc j ai fait quelques années d aide-soignant et c est un métier où on a beaucoup plus de temps relationnel avec les patients, mais en tant qu infirmier tu as beaucoup moins de temps à accorder au relationnel, tu vois plus de patients mais par contre tu es beaucoup plus limité dans ta façon de leur parler.» «tout ce qui est les soins techniques et les soins d urgence il peut t arriver de complètement oublier la relation avec le sujet mais il faut car tu ne peux pas perdre de temps dans ces moments-là.» «Je trouvais que c était trop attrait à l argent [ ] j avais l impression de ne plus visualiser le soin mais que vraiment tout était rattaché à combien on allait gagner, aux impôts, ça ne m a pas plu.» «qu ils l avaient pressé pour qu elle arrive à l heure à l hôpital, que nous on l a pressé pour se peser, que nous on l a pressé pour lui prendre la tension, et que elle vivait ça tout comme une agression.» «il faut mettre 4 patients dans un temps imparti» «soumise à la pression d avoir 15 ou 30 patients à gérer» «sa rebranche derrière [ ] il faut libérer le bloc pour le patient d après» XL

95 «ils vont pas faire du détail dans chacune. Alors que finalement ça te prend guère plus de temps» «On vient de vivre une pandémie» «je pense que le jour où t'es blasé de ton travail, où tu banalises le patient, il faut changer de service, il faut te mettre en danger et repartir dans une situation autre, vraiment» «C'est vrai qu'il y a un épuisement qui est de plus en plus tôt, qui arrive de plus en plus tôt chez les soignants, et c'est vrai que je pense que ça peut engendrer déjà un mal-être de soi donc des soignants qui peut du coup se répercuter sur la relation» Objectivation du patient Biomédecine, objet-maladie, tend à faire du malade un simple objet de soin avec l universalisation des soins par l Evidence Based Medecine, l importante place des statistiques, la standardisation des prises en charge plutôt que de les individualiser. Vocabulaire employé : observation des signes cliniques, histoire de la maladie, prise en charge. Actes qui oublient le patient sur lequel ils sont pratiqués : maitrise technique. Les soignants ont tendance à faire davantage des soins que ce qu ils prennent soin car ils occultent le patient. «il n a pas décollé un mot pendant le branchement [ ] et là je n avais aucune info, il s est complètement fermé [ ] je branchais un patient, alors que c était pour lui à la base. On les soigne quoi.» «C est bien d être cadré un peu mais une séance où la personne est renfermée sur elle-même qu elle ne te donne aucune information et que limite elle est en boule tout le long à attendre qu on la débranche et qu elle s en aille, pour moi ce n est pas possible je ne peux pas soigner comme ça.» «Et même pour toi sinon on se déshumanise complètement, on fait des soins à la chaine [ ] et si tu ne leur parles plus, tu mets juste des aiguilles dans des oranges quoi [ ]. Ça devient des objets quoi!.» «tout de suite tu penses à la situation d urgence. [ ] Si le patient n est vraiment pas bien ça dépend l urgence mais [ ] tu te fermes complètement en fait c est con à dire mais tu vas à l essentiel.» «Un arrêt cardiaque tu ne vas pas commencer à discuter avec la patiente [ ]. Là il n y a plus de relation quoi, on y va. Donc euh forcément la situation d urgence la question du sujet je ne dis pas que le patient devient un objet mais tu vas faire des soins invasifs, tu vas agir sur son corps Tu vas agir sur un corps voilà. Mais tu ne vas pas chercher à rentrer en relation. Toi ton seul objectif c est de faire revenir la personne, de ne pas la perdre. Peut-être que dans ces moments-là tu te détaches complètement du patient. C est vraiment un organisme euh voilà un corps avec des fonctions on va dire, des fonctions vitales sur lesquelles tu vas agir.» XLI

96 «Bah euh parfois la prise en charge hospitalière bah tu rentres dans la chambre tu leur dis à quelle heure ils doivent se réveiller tu leur dis à quelle heure ils doivent se laver tu leur dis à quelle heure ils doivent prendre leurs cachets même si ce n est pas du tout leurs habitudes de vie à la maison.» «elle a quand même verbalisé très clairement que elle supportait pas de venir à l'hôpital parce que elle était plus considérée comme une personne, il fallait qu'on prenne la tension, il fallait qu'on la pèse, il fallait qu'elle arrive à telle heure, il fallait que ouais Et c'était contraignant pour elle de plus gérer elle-même sa maladie.» «j'avais pas le droit de me lever, j'avais pas le droit de faire ma toilette, j'étais sondée, je pouvais même plus pisser seule tu vois, donc oui j'ai senti que j'étais un objet de soins alors que je sais que c'était pour moi et que c'était pour ma santé» «les personnes elles ouvrent la porte de ta chambre, elles tapent mais elles attendent pas que tu répondes, elles viennent te réveiller, on vient te prendre la tension dans la nuit pendant que tu dors, on allume la lumière alors que t'es endormi, que t'as mis très très très très très longtemps à t'endormir on t'a mis une chemise d'hôpital sauf que t'as pas envie d'être en chemise d'hôpital, et voilà tu partages des fois ta chambre avec quelqu'un avec qui t'as pas du tout envie de partager ta chambre, et voilà les horaires» «on dépersonnalise beaucoup les patients. Le fait de mettre une chemise d hôpital bah déjà on t enlève un peu ce côté» «Par la force des choses oui, parce que par exemple on me dit de brancher 4 patients entre 7h15 et 8h donc forcément à un moment donné je vais pas pouvoir respecter exactement ce que le patient voudrait» «On peut pas faire à la carte quoi» «ça m'est déjà arrivé de brancher des patients qui ne voulaient pas être branchés parce que le médecin me dit non mais là il a clairement besoin de dialyse et ça c'est très difficile» «tu le fais tout le temps en fait, dans le soin quotidien, même si moi je travaille pas en secteur classique, de rentrer leur faire la toilette parce que c'est ton tour, de leur donner le cachet parce que ben t'arrives à cette chambre, d'aller les amener à la radio parce qu'on t'a demandé de le faire» «Après ça fait des patients des fois qui sont en crise, ou qui ne viennent plus parce qu'ils ne veulent plus voir telle personne, ou quand ils voient que c est telle infirmière XLII

97 bah ils repartent parce qu'ils savent que mais que justement ils ne pourront pas être acteurs, donc ils préfèrent partir et pas avoir la dialyse, que de faire la dialyse dans ces conditions quoi.» «en tant que soignant parfois on dématérialise beaucoup le patient. On lui dit à quelle heure il doit manger, on lui dit à quelle heure il doit se laver, on lui dit à quelle heure il doit prendre ses médicaments, à quelle heure il va avoir son examen, on lui dit non vous êtes à jeun sans forcément leur expliquer pourquoi et parfois bah c'est très violent pour le patient et on va se retrouver avec des gens qui vont pas accepter les soins parce qu on a pas su leur expliquer, qu'on n'a pas pris le temps de leur expliquer qu'est-ce que ça allait impliquer pour l'examen, qu'est-ce que ça allait impliquer l'opération» «ils vont pas faire du détail dans chacune. Alors que finalement ça te prend guère plus de temps» «on prend pas en compte la personne alors qu'en fait on peut s'adapter en 12h par exemple.» «il trouve ça tellement pas bon qu'à part le petit déjeuner bah il mange rien. [ ] l'amélioration par exemple de l'alimentation pendant l'hospitalisation ça pourrait être aussi un axe d'amélioration. Des patients qui mangent mal bah c'est des patients dénutris qui vont moins vite guérir.» «les prises en charges d'entrée en réanimation, malheureusement pour les patients on les objectivise effectivement et ils deviennent des objets parce que [ ] quand on reçoit un patient on l installe dans la chambre, on l équipe, on est déjà 4 ou 5 autour de lui si vraiment il est un vrai patient de réanimation» «on l'installe dans sa chambre, on l'équipe c'est à dire on lui pose des électrodes, la tension, et à ce moment-là on va lui dire Monsieur ou Madame on vous prend en charge mais après le patient il passe complètement après, c'est à dire qu on parle entre nous. Nous, tout ce qui nous intéresse, c'est horrible de dire ça mais c'est ce qui fait qu'on est efficaces et que la prise en charge va être efficace, c'est à dire c'est sa tension, ses pulsations, son état de conscience, comment il arrive, qu'est-ce qu'on fait, où est-ce que le médecin va poser les voies, l'artère radiale ou fémorale, la voie centrale en radiale ou fémorale, le champ, qui fait quoi, les sédations, est-ce qu'on l intube ou est-ce qu'on l intube pas» «c'est sûr que le patient à l'entrée c'est un objet, on le prévient, on lui dit que voilà XLIII

98 il y aura beaucoup de monde autour de lui et qu on va parfois un peu l oublier mais on le prend en charge, on est là et on le remet au centre de la prise Alors il est au centre de la prise en charge mais pas comme une personne à part entière» «Parfois on va être obligé d induire de la douleur pour voir son état de conscience pour savoir son Glasgow et savoir est-ce qu'on va l intuber.» «considérer le patient comme un objet c'est mal dans un concept soignant parce qu'on est là pour aider la personne, pour lui apporter enfin pour être bien traitant c'est à dire pour lui rapporter forcément quelque chose de meilleur enfin le but c'est de les sortir de l'hôpital, de les guérir entre guillemets et qu ils rentrent chez eux et qu ils continuent leur vie alors qu un objet finalement tu le laisses là, tu reviens, tu t'en fiches un peu, donc c'est un peu deux concepts qui sont complètement éloignés pour moi.» «Pas simple parce que bah tu as tendance à oublier le patient et bah c'est vrai que quand tu travailles en binôme avec ta collègue et que tu es auprès d'un patient qui est dans le coma bon la conversation est vite tournée finalement.» «Je pense que voilà ça sera plus agir sur eux mécaniquement. Pour moi ça sera juste voilà, prendre la pathologie, distribuer, enfin faire ce qui nous est demandé et pas chercher plus ce qui pourrait apporter aux patients un plus.» «je pense que malheureusement je pense que ça peut arriver et c'est horrible de dire ça mais je pense que ça peut arriver quand justement il y a des difficultés relationnelles. Je pense que quand il y a des difficultés relationnelles on a moins envie de creuser tout le penchant qu'il y a autour» «j'ai passé ma nuit a changé juste des seringues sachant qu'elle allait mourir Donc là on se dit qu au final ce qu'on fait ça ne sert à rien car c'est juste de la maintenir en vie sur une nuit pour que demain ils puissent prendre des décisions. Là oui du coup on ne cherche pas trop à savoir le pourquoi, ou ce qui s'est passé dans sa vie Là c'est vraiment plus un patient objet parce qu'on se dit bah on la maintient en vie pour que demain ils puissent prendre des décisions.» XLIV

99 Expérience professionnelle : banalisation du patient, meilleures gestion des émotions Pratique quotidienne, habitudes des soignants, routine oublie de la personne soignée, objectivation, banalisation du patient. Banaliser le patient c est oublier sa singularité, son caractère unique voir son humanité. Cette négligence ne correspond pas à une intention malfaisante mais est due à un oubli, un manque de réflexion quant à la finalité des soins. Le soignant va apprendre à maitriser ses émotions pour ne plus se sentir submerger : le savoir-être et le savoirfaire s équilibrent. «c est sûr que l expérience joue énormément. Des situations que tu as déjà rencontrées en général la fois d après tu percutes beaucoup plus vite [ ]. C est même très important dans ce métier, le vécu des situations, il faut les retenir.» «certains connaissent leur pathologie le soin l environnement et même tes collègues mieux que toi. Donc quand t arrives, t as beau avoir une petite expérience, ils te montrent quand même qu eux ils en ont une aussi» «ça t apporte quand même quelque chose de positif parce que tu es toujours plus serein dans les situations de soin avec des années d expérience plutôt que quand t es novice. Tu as un peu moins de pression.» «je pense que l expérience peut te servir. Il y a un moment donné où si tu te lasses du service dans lequel t es, ça peut être délétère.» «Quand t arrives quand un service il y a toujours un côté intéressant, il y a toujours une pression mais c est une pression positive, elle t oblige à essayer d étudier un peu les choses, c est vrai que c est excitant, ça fait flipper mais c est très stimulant quoi. Après tu acquiers une expérience donc tu vas être un peu plus sur le confort sur certaines choses mais tu vas pouvoir en explorer d autres. [ ] des fois l expérience ça t apporte un confort agréable. A certains moments t aimes bien rentrer dans un service où t es confiant car t es un peu moins en forme que d habitude» «il y a des filles qui ont des années d expérience dans un service, qui n en sont jamais parties par peur de quitter ce confort mais du coup qui sont complètement lassées du service dans lequel elles sont. Et là je pense que du coup l expérience peut être délétère pour le patient car ton soin technique tu vas le gérer mais ta relation au patient, vu que tu es lassé de ton boulot, elle va forcément se répercuter. Tu seras moins agréable malgré toi et le patient va le ressentir.» «avec le temps tu arrives à déceler les patients Après je pense pas que ça soit que avec l'expérience. Je pense que quand j'étais jeune diplômée, on a déjà en nous ou pas, même s'il faut pas parler de vocation enfin moi à mon époque [ ] c'était un mot qu il ne fallait pas utiliser mais [ ] moi personnellement je pense que j'ai une vocation, je sais que j'aime les patients et je sais que même en 2006 j'arrivais déjà à parler aux patients» «Après oui au fur et à mesure des années tu arrives à détecter avec quel patient il va falloir plus se parler, avec d'autres ils ne vont pas vouloir que tu les préviennes quand tu XLV

100 piques, voilà avec l'expérience tu vas un peu plus voir les profils de patients, mais je pense qu'il y a déjà d'emblée des gens qui ont plus le relationnel ou la vocation, appelle ça comme tu veux, mais qui vont avoir plus de facilité dans le soin que d'autres.» «J'ai peut être amélioré mon approche du patient, j'arrive plus à déceler une situation qui va devenir problématique qu'avant, je vais peut-être avoir plus de pistes pour désamorcer une situation difficile, mais euh je pense que la recherche de l'acceptation dans le soin je l'avais déjà à 19 ans quoi, ou à 21 ans déjà pendant mes études, je l'avais déjà parce que j'avais mon vécu» «Quand j'ai fait mes études on m'a dit tu t habitueras aux décès, tu t habitueras à la maladie, tu t habitueras à la souffrance Honnêtement je ne me suis habituée à rien [ ] et banaliser les soins Je pense que le jour où tu le fais tu deviens voilà Je pense que c'est pas une bonne chose de banaliser un soin, de banaliser ben voilà une prise de sang, de banaliser une hospitalisation. Pour moi tout ça c'est très lourd de sens. Et je ne pense pas que mon expérience professionnelle elle ait changé ça. Et le jour où ça change, je pense que justement tu cherches plus l'approbation des patients mais je suis pas sûre que ça ait un lien avec l'expérience, je pense que ça vient aussi de la personne et de son vécu quoi.» «Quand t'es jeune et quand t'arrives, que tu sois jeune ou pas, mais quand ça arrivait ben ça te choque, alors que quand t'es dans le soin tout le temps il y en a certains qui ont un peu tendance à oublier que ben il y a un patient dans le lit, y'a un patient dans la chambre, qu'il a peut-être pas forcément envie que tu rentres» «si tu commences à réfléchir à toute la chose derrière et suivant son motif d'entrée en plus, tu vas commencer à être empathique et c'est ce qui fait que l empathie, je pense à mon sens, que l empathie dans une situation d'urgence fait en sorte que tu es un peu plus long. En tout cas le fait que tu fasses entrer tes émotions en jeu ça te perturbe et je crois que tu es moins efficace clairement.» «je considère plus le patient qu à mes débuts d'infirmière juste dans le sens où au début t'es un peu obnubilée par ton rôle infirmier c'est-à-dire ne rien oublier, penser à tout ce que tu dois faire, checker» «je pense que oui au bout de 7 ans j'arrive à plus mettre le patient au centre de ma prise en charge que à mes tout débuts en tant qu infirmière.» «il y a ce danger [ ] tu banalises ton truc et c'est compliqué parce que [ ] tu XLVI

101 rencontres des gens tu peux être blasé un peu de tout aussi parce que bah surtout quand tu travailles dans des situations comme ça tu vois toujours X ou Y raison et malgré tout X ou Y situation du moins, toujours les unes plus graves que les autres, et t es un peu blasé du truc. [ ] je pense que le jour où t'es blasé de ton travail, où tu banalises le patient, il faut changer de service, il faut te mettre en danger et repartir dans une situation autre, vraiment.» «surtout qu en étant jeune diplômée et qu on a encore de la patience» «quand je vois des collègues qui sont diplômés depuis 10 ou 15 ans et qui sont, ils le disent eux-mêmes plus du tout comme ils étaient avant [ ] c'est triste à dire» «il y a un épuisement [ ] qui arrive de plus en plus tôt chez les soignants, et c'est vrai que je pense que ça peut engendrer déjà un mal-être de soi donc des soignants qui peut du coup se répercuter sur la relation» «J'aimerais croire que non et que je serai toujours comme ça et je changerai pas, mais quand on voit tout ce qu'il se passe c est un gros point d interrogation!» «il y a un infirmier qui lui est diplômé depuis 20 ans peut être, qui dans le service depuis 15 ans, qui lui a dit «mais arrête tu dois te blinder parce que sinon tu ne t'en sortiras jamais» et lui du coup il n'a plus aucune émotion face à la mort d'un patient ou voilà. Et elle me disait mine de rien les anciens ils te diront toujours qu il faut se blinder au maximum et arrêter de voir le patient comme si en gros c'était quelqu'un de notre famille ou notre ami et qu'on n a pas à pleurer la mort des patients.» «il y a des décès qui touchent plus que d autres, et dans tous les cas je pense que le jour où un décès ne m'affectera plus ou que une prise en charge qui se passe mal ne m affectera plus, je pense que je n'aurai plus ma place dans les soins parce que justement on manquera de cette chose qui fait dire qu on est encore dans le soin.» XLVII

102 Relecture éthique de sa pratique soignante Importance d un soin nourri de sens, c est la responsabilité du soignant sur qui compte le patient. Le soin ne peut être éthique que si son unique visée est le patient et sa subjectivation dans le soin. Ethique = démarche réflexive en quête du préférable, un face à face de consciences, agir dans l appréciation et l évaluation de ce qui peut être considéré comme bon. Une relecture éthique du quotidien des soins permet d éviter la banalisation du patient. «des fois on fait des bons choix, parfois des mauvais. On peut les regretter pour éviter de les reproduire si on pense que cela n était pas la bonne méthode» «Oui tout le temps, t es toujours en train de revenir sur des expériences bah que t as vécu [ ] mais il y a des choses qui vont t arriver une fois deux fois la troisième fois tu aurais beaucoup plus de maitrise et de recul sur la situation et tu vas la gérer» «Moi je sais que le jour où je ne retrouverai plus ça, que je ne me régalerai plus à discuter avec les gens, que ce soient des personnes jeunes ou âgées, là je pense qu il faudra changer de boulot, vraiment, sinon je ne vois pas trop l intérêt» «Moi il m arrive souvent de réfléchir mais c est aussi par rapport à des expériences qui sont arrivées à des proches. Du coup moi je fais toujours attention à comment je présente les choses, j essaie toujours d avoir un bon rapport avec les gens.» «Oui je me questionne beaucoup. Il y a des périodes qui sont plus propices à d'autres mais oui je me demande toujours est-ce que j'ai bien fait, qu'est-ce que je fais mal, j'essaie globalement enfin j'essaie globalement de toujours m'intéresser à ce que je fais, de toujours donner un sens à ma pratique en comprenant ce que je fais et en n hésitant pas à échanger avec mes collègues, avec mes pairs.» «Tout le temps! Tout le temps! [ ] je vais aller voir des collègues plus expérimentés en me disant ben là est-ce que j'ai fait quelque chose de mal, qu'est-ce que tu aurais fait à ma place, qu'est-ce que je peux faire pour anticiper ce genre de choses, qu'est-ce que je dois faire pour optimiser ma pratique. Là ce serait plus sur les plans techniques d essayer d'avoir des conseils des anciens ou du corps médical ou des aides-soignantes parce que les aides-soignantes mine de rien dans des services en tout cas comme la réanimation elles ont énormément d'expériences» XLVIII

103 Notions nouvelles «on les connait assez bien, même des fois trop bien» Claire évoque les patients chroniques qu elle prend en soin et le fait qu elle les connait très bien. Cela peut enclencher une réflexion quant au fait que la chronicité peut être un atout, ou un frein, à la subjectivation du patient dans son soin lorsque le soignant le connait trop bien. «certains connaissent leur pathologie le soin l environnement et même tes collègues mieux que toi. Donc quand t arrives, t as beau avoir une petite expérience, ils te montrent quand même qu eux ils en ont une aussi» et «un bon caractère du fait de la chronicité» Il introduit la notion d expérience du patient, du fait de la chronicité de sa maladie. Le soignant n est plus le seul à avoir de l expérience dans les soins prodigués. «les aides-soignantes mine de rien dans des services en tout cas comme la réanimation elles ont énormément d'expériences» L expérience provient également des collègues de travail, on peut apprendre d eux également. Le travail en équipe est d autant plus important. «t'as toujours la famille qui est très présente surtout dans des services comme ça où ils s inquiètent d'autant plus donc le fait de voir la famille, d'avoir les photos, on a l'impression de connaître plus sa vie que dans peut-être d'autres services» Elle introduit la place de la famille dans le soin, dans un service aussi anxiogène que la Réanimation. La famille permet alors aux soignants de subjectiver d avantage le patient, en ayant d avantage d informations sur lui, ce qui permet de pouvoir le considérer comme sujet de soin. «C'est aussi d'avoir un patient qui communique avec toi qui fait que c'est un sujet et non pas un objet. [ ] Donc le patient dans le coma je le considère comme sujet de soins parce que, même si c'est compliqué, je lui parle en fait. [ ] Alors plus quand ils sont en phase de réveil voilà mais même quand ils sont sédatés et curarisés et tu sais qu'il n'y aura aucun échange, moi je lui parle en tous cas.» Gwenaëlle évoque un nouvel élément pouvant rendre plus difficile la subjectivation du patient dans le soin. Elle évoque le cas du patient sédaté et intubé, voire curarisé, et le fait que le soignant sait qu il n aura pas de contact avec ce dernier. XLIX

104 ANNEXE 5 : AUTORISATION DE DIFFUSION AUTORISATION DE DIFFUSION DU TRAVAIL DE FIN D ÉTUDES Annexe de la procédure relative à la conservation et à la diffusion des TFE. Ne peut être diffusé qu un travail de fin d études ayant obtenu une note supérieure ou égale à 15/20 à l écrit, sous réserve d être sélectionné par l équipe pédagogique. Remarque : aucun étudiant ne peut s opposer à la conservation (archivage) par l E.R.F.P.P. de son travail de fin d études en version papier (5 ou 10 ans) et en version numérique (illimitée). Je soussignée (Prénom, NOM) : Laura GARCIA Promotion : I.F.S.I Autorise, sans limitation de temps, l I.F.S.I. - E.R.F.P.P. G.I.P.E.S d Avignon et du Pays de Vaucluse à diffuser le travail de fin d étude que j ai effectué en tant qu étudiant en soins infirmiers : «Entre sujet et objet de soin, quelle place pour le patient?» En version papier (au centre de documentation de l E.R.F.P.P.) oui non En version numérique - PDF (sur le catalogue en ligne du centre de documentation) oui non Je soussigné(e), déclare avoir été informé(e) des conditions d intégration, de diffusion et de conservation de mon travail de fin d études par l E.R.F.P.P. G.I.P.E.S. d Avignon et du pays de Vaucluse et les accepter sans limite de temps. Ces conditions sont précisées dans la procédure relative à la conservation et à la diffusion des TFE consultable en annexe du cahier des charges du travail de fin d étude. Avignon, le 19 mai 2022 Signature : L

105 Entre sujet et objet de soin, quelle place pour le patient? Le soin résulte de la rencontre entre le soignant et le soigné. De cette rencontre naît une relation, dans laquelle le patient peut être considéré comme un sujet ou un objet de soin. Plusieurs situations vécues au cours de ma formation m ont amené à me questionner sur cette distinction de considération du patient. Au travers de ce travail, je cherche donc à comprendre de quelle manière la subjectivation du patient impacte le soin. Pour essayer d y répondre, j ai effectué des lectures qui m ont mené à réfléchir sur la différence entre le soin relationnel et technique, la relation soignant-soigné, les valeurs associées au soin et sa qualité, mais également la différence entre la subjectivation et l objectivation du patient, et le lien avec l expérience professionnelle des soignants. Après cela, j ai réalisé des entretiens semi-directifs auprès d infirmiers, nouvellement ou plus anciennement diplômés. Les réponses apportées lors des entretiens m ont ainsi permis de réaliser l importance qu ils portent à la subjectivation des patients, même s il semble que leur objectivation soit nécessaire dans certaines situations. Leur différence d expérience professionnelle ne semble pas avoir d impact quant à leur volonté de considérer le patient comme sujet de soin, même si elle semble plus aisée. Selon eux, la subjectivation du patient passe en grande partie par une communication verbale, ce qui m interroge quant à la prise en soin d un patient inconscient. De ce fait, je continuerai ce travail en m orientant sur le service de réanimation et la subjectivation du patient sédaté et curarisé. Nombre de mots : 244 Mots-clés : subjectivation, soin, relation soignant-soigné, expérience professionnelle, communication verbale. Between subject and object of care, what place for the patient? Care results from the encounter between the carer and the patient. From this encounter borns a relationship, in which the patient can be considered as a subject or object of care. Several situations experienced during my training to be a nurse have led me to wonder about this distinction of consideration of the patient. Through this work, I seek to understand how the subjectivation of the patient impacts care. To try to answer them, I have done readings that have led me to reflect on the difference between the relational and technical care, the relationship between the carer and the patient, the values associated with care and its quality, but also the difference between the patient s subjectivation and objectification, and the link with the professional experience of carers. Then, I conducted semi-structured interviews with nurses, newly or earlier graduated. The answers given during the interviews allowed me to carry out the importance they attach to the patients subjectivation, even if it seems that their objectification is necessary in some situations. Their difference in professional experience doesn t seem to have any impact on their willingness to consider the patient as a subject of care, even if it seems easier. According to them, the patient s subjectivation is largely through verbal communication, what makes me wonder about taking care of an unconscious patient. Therefore, I will continue this work by focusing on the intensive care unit and the subjectivation of the sedated and curarized patient. Number of words : 242 Keywords : subjectivation, care, relationship between the carer and the patient, professional experience, verbal communication.

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