Le pacte civil de solidarité
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- Pierre Soucy
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1 Le pacte civil de solidarité CHAPITRE 2 Le pacte civil de solidarité (pacs) est défini dans le Code civil comme «le contrat conclu entre deux personnes physiques majeures de sexe différent ou de même sexe pour organiser leur vie commune» (art ). Institué par la loi du 15 novembre 1999 et réformé par la loi du 23 juin 2006, ce nouveau mode de conjugalité obéit donc à un régime juridique particulier. À la différence du concubinage, simple union de fait, le PACS constitue par définition un contrat. Mais il ne s agit pas d un contrat ordinaire compte tenu de son objet : organiser la vie commune d un couple. Il offre ainsi à ses bénéficiaires un véritable cadre juridique tant patrimonial que personnel dont les applications jurisprudentielles restent encore aujourd hui isolées. 01 Cons. const., 9 novembre TGI Lille ord., 5 juin Civ. 1 re, 24 février Civ. 1 re, 20 février 2007 (2 arrêts) 36
2 28 L ESSENTIEL DE LA JURISPRUDENCE CIVILE FAMILLE 1 Cons. const., 9 novembre 1999 Extraits : «Considérant que si les députés auteurs de la première saisine soutiennent que la loi méconnaîtrait les règles du "mariage civil et républicain" en "instituant une nouvelle communauté de vie", les dispositions relatives au pacte civil de solidarité ne mettent en cause aucune des règles relatives au mariage ; (...) Considérant que les députés et les sénateurs requérants font grief à l article nouveau du Code civil de porter atteinte au "principe d immutabilité des contrats" en permettant une rupture unilatérale du pacte civil de solidarité sans qu aucune cause ne soit invoquée ; Considérant que ne sont pas contraires aux principes constitutionnels ci-dessus rappelés les dispositions de l article nouveau du Code civil qui permettent la rupture unilatérale du pacte civil de solidarité. La prise d effet de celle-ci intervenant en dehors de l hypothèse du mariage, trois mois après l accomplissement des formalités exigées par le législateur et qui, dans tous les cas de rupture unilatérale y compris le mariage réservent le droit du partenaire à réparation : que toute clause du pacte interdisant l exercice de ce droit devra être réputée non écrite ; que la cessation du pacte à la date du mariage de l un des partenaires met en œuvre le principe de valeur constitutionnelle de la liberté du mariage ; Considérant que sous cette réserve le grief tiré d une atteinte aux principes fondamentaux du droit des contrats doit être écarté ; (...) Considérant enfin, que le partenaire auquel la rupture est imposée pourra demander réparation du préjudice éventuellement subi, notamment en cas de faute tenant aux conditions de la rupture : que dans ce dernier cas l affirmation de la faculté d agir en responsabilité met en œuvre l exigence constitutionnelle posée par l article 4 de la Déclaration des droits de l homme et du citoyen de 1789, dont il résulte que tout fait quelconque de l homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ; Considérant qu il résulte de ce qui précède que les dispositions relatives à la rupture unilatérale du pacte civil de solidarité ne sont contraires ni au principe de la dignité de la personne humaine, ni à aucun autre principe de valeur constitutionnelle ; (...) Considérant que les députés et les sénateurs requérants soutiennent qu en se limitant à appréhender la situation de deux personnes qui veulent organiser leur vie commune et en faisant silence sur la situation des enfants qu elles pourraient avoir ou qui pourraient vivre auprès d elles, le législateur a porté atteinte aux dispositions des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ; Considérant qu il était loisible au législateur d instaurer le pacte civil de solidarité sans pour autant réformer la législation relative au droit de la filiation ni celle portant sur la condition juridique du mineur : que les règles existantes celles relatives aux droits et devoirs des parents au titre de l autorité parentale, s appliquent, comme il a été précédemment indiqué aux enfants dont la filiation serait établie à l égard de personnes liées par un pacte civil de solidarité ou de l un seulement des partenaires d un tel pacte ; qu en cas de litige relatif à l autorité parentale le juge aux affaires familiales conserve sa compétence que dans ces
3 CHAPITRE 2 Le pacte civil de solidarité 29 conditions, le grief allégué manque en fait. (...) Sont déclarés conformes à la Constitution sous les réserves et compte tenu des précisions ci-dessus énoncées, les articles 1 à 7 et 13 à 15 de la loi relative au pacte civil de solidarité. Portée La loi du 15 novembre 1999 qui a institué le pacte civil de solidarité (PACS) est l aboutissement d une longue étape. Le texte adopté définitivement le 13 octobre 1999 a été soumis au Conseil constitutionnel. La décision de ce dernier, rendue le 9 novembre 1999, a déclaré la loi conforme à la Constitution. Cependant, de nombreuses réserves d interprétation ont été formulées par le Conseil qui ont pu être analysées par certains comme une véritable réécriture du texte. La décision du Conseil constitutionnel et des réserves qu elle contient doit être analysée par référence aux modifications apportées au PACS par la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Seuls trois points seront ici analysés. - Sur la nature contractuelle du PACS Selon l article du Code civil, le PACS se présente sous la forme d une relation de nature exclusivement contractuelle : c est «un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune». Ainsi défini, le PACS s analyse comme une convention, distincte de l institution du mariage. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel indique que «les dispositions générales du Code civil relatives aux contrats et aux obligations conventionnelles auront par ailleurs vocation à s appliquer, sous le contrôle du juge, sauf en ce qu elles ont de nécessairement contraire à la présente loi ; qu en particulier, les articles 1109 et suivants du Code civil relatifs au consentement, sont applicables au pacte civil de solidarité». Ainsi, pour la Haute instance, le droit commun des contrats constitue bien la référence en matière de pacte civil de solidarité. En conséquence, le consentement doit exister et être exempt de vices. - Sur les incidences du PACS sur l état civil et la filiation Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a constaté que la «loi est sans incidence sur les autres titres du Livre I er du Code civil, notamment ceux relatifs aux actes d état civil, à la filiation adoptive et à l autorité parentale, ensemble des dispositions dont les conditions d application ne sont pas modifiées par la loi déférée». Ainsi, le statut civil de chacun des partenaires ne se trouve pas modifié par la conclusion d un pacte : pas d incidence sur le nom, aucune sur la nationalité (hormis les incidences par ricochet en matière de délivrance d un titre de séjour).
4 30 L ESSENTIEL DE LA JURISPRUDENCE CIVILE FAMILLE Cependant, le désir de progéniture est omniprésent chez presque tous les couples homosexuels. Pour autant, pour ces derniers, la voie de l adoption est fermée puisqu elle n est accessible qu à un couple marié ou à une personne seule mais non à un couple de concubins qu il soit hétérosexuel ou homosexuel. Quant à l accès à une assistance médicale à la procréation, il n est autorisé qu à un couple formé d un homme et d une femme. Il reste que l instauration du PACS contribue à favoriser la demande de reconnaissance de ce que l on appelle l homoparentalité. Si la Cour de cassation s est fermement opposée à l adoption simple d un enfant par le partenaire du parent biologique, elle a en revanche admis la possibilité d une délégation partielle de l autorité parentale au profit de la femme avec laquelle la mère biologique est liée par un PACS. - Sur la rupture unilatérale du PACS Devant le Conseil constitutionnel, a été critiquée la possibilité de rupture du PACS par la volonté d une seule des parties. Le Conseil a rejeté le grief d atteinte au principe de sauvegarde de la dignité humaine que causerait, selon les auteurs de la saisine, une faculté de rupture unilatérale assimilable à une répudiation. Pour le Conseil, «le pacte civil de solidarité est un contrat étranger au mariage». En conséquence, sa rupture unilatérale ne saurait être qualifiée de «répudiation». Pour tempérer la cruauté de la dissolution unilatérale du PACS, le législateur a d ailleurs précisé que, faute d accord entre les partenaires, le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, «sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi» (art , al. 11, C. civ.). Comme il ne saurait y avoir faute à rompre, il en résulte, selon le Conseil constitutionnel que «le partenaire auquel la rupture est imposée pourra demander réparation du préjudice éventuellement subi notamment en cas de faute tenant aux conditions de la rupture». Ainsi que le souligne la Haute juridiction, «l affirmation de la faculté d agir en responsabilité met en œuvre l exigence constitutionnelle posée par l article 4 de la Déclaration des Droits de l homme et du citoyen de 1789, dont il résulte que tout fait quelconque de l homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer». Les auteurs de la saisine avançaient aussi que ce droit de rupture unilatérale portait atteinte à la règle traditionnelle de l immutabilité des conventions. Sur ce point, le Conseil considère que la liberté qui découle de l article 4 de la DDHC de 1789 justifie qu un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l un ou par l autre des cocontractants, mais sous une double condition : d une part, que l information du cocontractant soit effective et, d autre part, qu il puisse obtenir réparation du préjudice résultant de conditions de la rupture. Il estime que cette double condition est remplie pour le PACS. La loi du 15 novembre 1999
5 CHAPITRE 2 Le pacte civil de solidarité 31 imposant un préavis et réservant un droit à réparation, ses dispositions ne portent nullement atteinte aux principes fondamentaux du droit des contrats. Le Conseil insiste ainsi sur la nécessaire transparence qui doit entourer la cessation des relations contractuelles, de même que sur la possibilité de mettre en jeu la responsabilité civile afin de réparer les conséquences dommageables d une rupture abusive. Pour aller plus loin CA Douai, 27 fév : tant la lettre que l esprit des textes donnent compétence au juge du contrat, c est-à-dire le tribunal de grande instance, pour statuer sur les conséquences de la rupture d un PACS.
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