Philippe BANCE Président du Conseil scientifique international du CIRIEC CREAM - Normandie Université
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1 Séminaire UEsers du 12 décembre 2014 La libéralisation des SIEG et leur privatisation en Europe Philippe BANCE Président du Conseil scientifique international du CIRIEC CREAM - Normandie Université 1
2 Sommaire 1. La notion de SIEG et son évolution 2. Le processus de libéralisation progressive des SIEG 3. Une conception téléologique de l ouverture à la concurrence qui a contrarié l évaluation des SIG 4. L analyse des résultats de la libéralisation sur critères institutionnels : diversité sectorielle et nécessité de contextualiser 5. Le nécessaire élargissement de l analyse d impact de la libéralisation aux missions et aux politiques publiques 6. Mettre en place des évaluations pluralistes, multicritères, prospectives et stratégiques 2
3 De la notion de Service d intérêt économique général Une notion européenne issue du traité de Rome, voulant se différencier du concept de service public Des «activités de service marchand remplissant des missions d intérêt général et soumises de ce fait par les Etats membres à des obligations spécifiques de service public» (Livre vert de 2003) : une définition en creux pour exercer des missions d intérêt général donnant lieu à des obligations de service public (dérogatoire/ concurrence) Les secteurs concernés au premier chef : poste et télécommunications, transports (aérien, ferroviaire, locaux), électricité, gaz, eau 3
4 à son usage et évolution dans l UE Des secteurs pour lesquels, dans un premier temps, l UE «laisse faire» les Etats membres : des monopoles publics sous contrôle d Etats qui sont d accord pour cela, une légitimation néoclassique du monopole naturel public (Allais), des fonctions de régulation macroéconomiques contracycliques de grande ampleur Après l Acte unique de 1986, une logique de libéralisation portée par l UE et la commission européenne dans la perspective d instaurer le marché unique de 1993 : une chasse aux aides nationales et aux dérogations à la concurrence, un contrôle tatillon sur les entreprises publiques réduisant fortement leur capacité à exercer des missions d intérêt général La question centrale de la compatibilité de l exercice de missions d intérêt général avec la concurrence : des jurisprudences de la CJCE (Corbeau 1993, Almelo 1994, Altmark 2003), autorisant de déroger à la concurrence puis des réglementations (paquets Monti-Kroes 2005 et Almunia 2012) limitant et précisant les aides d Etat autorisées Un élargissement de la notion de SIEG depuis 1996 et surtout le livre vert de 2003 aux activités non marchandes (SNEIG) introduisant les SSIG et le concept plus globalisant de SIG : une source potentielle d extension de la logique concurrentielle au activités pour l heure non marchandes 4
5 Le processus d ouverture à la concurrence Des libéralisations s opérant par des directives européennes successives adoptées secteur par secteur, à commencer par les télécommunications. Les télécommunications : après le livre vert de 1987, les directives de 1988 séparant opérateur et régulateur, de 1990 d ouverture à la concurrence de certains services à valeur ajoutée, de 1996 d ouverture totale des services et des infrastructures L énergie : directives de 1992, puis de 1996, ouvrant puis élargissant à la concurrence le marché de l électricité en 1999 ; la libéralisation est étendue au gaz en 2000 Le ferroviaire : livre blanc en 1996 sans rejeter un service public du rail pour le réseau ; directive de 1991 séparant gestionnaire d infrastructure et de transport en 2001, premier paquet ferroviaire d ouverture progressive à la concurrence, qui débute en 2005 par le fret pour s étendre aux voyageurs (en 2010 en France) Le postal : directives de 1997, 2002, 2006 libéralisant progressivement les services express, les colis, les lettres de plus de 350 g puis de 100g puis de 50g et pour finir de tout le courrier en
6 Une conception téléologique contrariant l évaluation des SIEG Par delà des évaluations sectorielles, des évaluations européennes horizontales des SIEG initiées au début de la décennie 2000 : évaluation de 2001; guide méthodologique de 2002 puis évaluations sur cette base de 2004 à 2006 Une démarche foncièrement auto-légitimatrice de la politique de l UE en 2001, moins nettement sur les rapports de 2004 à 2006 mais toujours réelle : une commission européenne juge et partie en matière d évaluation L enrayement du processus d évaluation suite aux débats européens sur les SIG et le traité constitutionnel européen : une volonté de maintenir le cap de la politique européenne de libéralisation Une finalité qui reste d actualité : construire étape par étape un marché concurrentiel en encadrant strictement les compensations pour missions d intérêt général (cf. les paquets Monti-Kroes puis Almunia) 6
7 Une ouverture à la concurrence plus lente et de moindre ampleur que souhaitée par la Commission Il ne faut pas confondre libéralisation au plan réglementaire et ouverture effective à la concurrence. Il existe des formes très différentes de mise en concurrence : sur le marché et pour le marché, par comparaison entre monopoles et entre entreprise, sur des périmètre d activité variable, sur des structures de marchés variables L ouverture à la concurrence sur le marché s effectue souvent en France tardivement et lentement : les transpostions des directives sont tardives et leur effets parfois limitées du fait notamment des transformations en profondeur que cela implique, des remises en cause et de l ancrage de la notion de service public, de conséquences non désirées (sociales, de maillage territorial ). La libéralisation est propice à la captation de rentes de situation sur le marché national, notamment par les opérateurs historiques disposant d une bonne image et souhaitant se déployer rapidement à l international avec l ouverture des marchés. 7
8 et la nécessité de contextualiser et de raisonner secteur par secteur Au regard des attendus européens, le processus de libéralisation est très différent d un secteur à l autre dans les conditions de sa mise en œuvre : - la révolution technologique des télécommunications, facteur d ouverture à la concurrence, de disparition du monopole naturel et de baisses de prix, mais aux résultats non transposables - Dans les chemins de fer, une ouverture limitée pour le fret, tardive pour le transport de voyageurs, suivie d une remise en cause de la désintégration verticale - Dans le secteur postal, une faible ouverture à la concurrence en particulier dans un cœur de métier en régression (la contrainte dite de participation) - Dans le secteur électrique, une ouverture des marchés limitée du fait de coûts d entrée élevés sur le marché et de faibles marges de manœuvre pour faire jouer la concurrence. 8
9 Le besoin d évaluer la capacité des SIG à s inscrire dans des missions de politique publique Au-delà des seuls attendus classiques de la libéralisation de l UE, il conviendrait aussi d évaluer les effets de la libéralisation : - sur la capacité des autorités publiques à impliquer activement les SIEG dans le cadre des missions d intérêt général : le contrôle des aides d Etat peut susciter une autolimitation, empêcher le déploiement de stratégies industrielles ou coopétitives - sur l aptitude des SIG à assumer des missions de service public du fait du tarissement des ressources publiques et de l impossibilité pour les opérateurs de pratiquer des subventions croisées. 9
10 Le besoin d évaluations pluralistes, multicritères, prospectives et stratégiques Comment évaluer les SIG pour leur conférer la plus meilleure utilité sociale? En conférant aux évaluations les caractéristiques d être : - participatives, impliquant les différentes parties prenantes - multicritères pour appréhender les performances classiques et les spécificités propres des SIG ainsi que leur capacité à répondre aux missions d intérêt général - source de diagnostic opérationnel et d aide à la réflexion stratégique et prospective sur l action publique. 10
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