Les Carnets Nivernais du Développement Durable. L eau, notre patrimoine commun. Agir pour le préserver.
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- Gabrielle Bouchard
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1 Les Carnets Nivernais du Développement Durable L eau, notre patrimoine commun. Agir pour le préserver
2 Une synthèse documentaire préparée par les services du Conseil Général Coordination : Service Information - Documentation - Conseil Impression : Service Conception Graphique et Imprimerie du Conseil Général de la Nièvre sur papier issu des forêts gérées durablement Mai 2013
3 INTRODUCTION... 5 I LA TERRE : LA PLANETE BLEUE... 6 A) L eau sur la terre...6 B) L eau est indispensable à la vie...8 C) Inondations, sécheresses, changements climatiques connaître pour agir?...9 II L EAU, UNE RESSOURCE FINIE A PARTAGER A) Répartition déséquilibrée dans le monde B) L eau, source de conflits C) Des usages multiples et pas toujours cohérents D) L utilisation de l eau pour la production d énergie E) L eau et l industrie F) L eau et l agriculture, l irrigation G) L eau dans l habitation : les usages domestiques H) Mesurer l impact d une activité sur la ressource en eau - l empreinte eau III UN CADRE POUR UNE POLITIQUE DE L EAU A) Une réglementation européenne B) En France, un arsenal réglementaire au service de la protection et de la gestion de l eau C) Les Schémas Directeurs d Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE), les Schémas d Aménagement et de Gestion de l Eau (SAGE) IV LA GESTION DE L EAU : DES ENJEUX FONDAMENTAUX ET DES DISPOSITIONS LEGISLATIVES, ORGANISATIONNELLES ET FINANCIERES A) Le rôle essentiel des Agences de l Eau B) L ONEMA le bras armé du ministre de l écologie C) La police des eaux : une compétence de l Etat pour faire respecter les règles de droit D) Les collectivités locales, au cœur de la politique de l eau E) L eau produit marchand V LES ENJEUX D UNE POLITIQUE DE L EAU CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE DES DOCUMENTS ET DES SITES INTERNET CONSULTES Articles et ouvrages Sites internet
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5 L eau fait partie du patrimoine commun de la nation 1. 1 Extrait Code de l Environnement article L
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7 INTRODUCTION Les questions liées à la ressource en eau sont devenues primordiales. Elles font souvent l actualité : pour un projet de barrage qui met en péril l équilibre d une région, lorsque des prélèvements ou des rejets dans un fleuve génèrent un conflit, quand la concomitance de sécheresses sur plusieurs régions de la planète entraîne la baisse du niveau mondial de production de produits agricoles. Assèchements, pollutions, disparitions d espèces aquatiques, eutrophisation, accélération de montées d eau, etc. les atteintes aux milieux aquatiques sont très souvent liées aux activités humaines. Des activités, des comportements, des aménagements génèrent des dommages qui, trop souvent, peuvent être qualifiés d irréversibles. L eau est l élément essentiel qui caractérise la planète Terre. Et, avant tout chose, elle est indispensable à la vie. La préservation de l eau doit constituer une priorité, à l échelle planétaire, comme à l échelle très locale. Mais comment aborder cette question de l eau? Entre la vision planétaire qui laisse quelquefois peu de place à l optimisme et la vision plus locale où nous oublions quelquefois le confort que représente l eau. L eau est une ressource précieuse et fragile et ses usages sont multiples. Les enjeux liés à l eau, élément naturel et vital pour l homme, sont très nombreux : - des enjeux sociaux pour un accès à l eau pour tous à un prix supportable. C est aussi l eau créatrice d emplois liés à la gestion, à l adduction, au traitement, à la restauration des zones humides, des cours d eau - des enjeux économiques par la nécessité de réduire les consommations et les impactssur le milieu tout en maintenant un niveau de production. Mais aussi au regard d une meilleure valorisation de la ressource. Le développement d une technicité sur les thématiques des économies d eau et de la réduction des pollutions peut également contribuer à l essor économique ; - des enjeux environnementaux au centre des préoccupations : la préservation des ressources en eau, des écosystèmes aquatiques, de la qualité de l eau représentent une priorité ; - des enjeux culturels et vitaux : l eau, base et ressourcement de toutes formes de vie. Dans cette perspective la question de la gouvernance est posée, avec l idée de la définition du rôle de chaque acteur, adaptée aux problématiques et au contexte local, avec des objectifs bien définis et mesurés dans le but d une amélioration continue pour préserver ce bien commun et indispensable à toute vie sur terre. 5
8 I) La terre : la planète bleue A) L eau sur la terre Parce que l eau est mise à notre disposition sans retenue, on en oublie parfois combien elle est essentielle à la vie sur terre. Des grands bassins océaniques d où elle s évapore, l eau régule en effet la température et le climat de la planète tout en offrant à la faune et à la flore des habitats d une très grande variété. Vue depuis l espace, la Terre paraît bleue, flottant telle une pierre précieuse dans une immensité noir de jais. C est la réflexion de la lumière solaire sur les océans qui donne à notre planète cet aspect de gemme bleue et, dans notre système solaire, elle est la seule à posséder de l eau à l état liquide en de telles quantités. Cette eau fut le berceau de la vie sur terre durant la majeure partie de son histoire, qui s étend sur 4,6 milliards d années. Les premières formes de vie de simples assemblages de molécules organiques ont évolué dans l eau et y sont restées, baignant dans une espèce de «soupe nutritive primitive» maintenue à une température propice. Puis la vie a évolué et s est diversifiée au cours des millénaires. Poissons, vers, amphibiens, reptiles, oiseaux, mammifères et toutes sortes de plantes ont commencé leur voyage évolutif dans les océans. D après ce que nous savons, c est la présence de l eau ainsi que certaines propriétés de notre planète qui ont permis cette éclosion de la vie. [4 ] La terre est appelée la planète bleue. Comme le montrent les photographies prises depuis l espace, le bleu est sa couleur dominante : la mer couvre les quatre cinquième de sa surface. Le volume d eau sur terre peut être exprimé en kilomètres cubes (1 km 3 =1 milliard de m 3 ). Il est estimé à millions de km 3. Ce volume reste constant, il demeure identique à ce qu il était lors de la formation des océans sur terre, il y a de cela plus de quatre milliards d années. Mais l eau sur la terre, c est 97,3 % d eau salée. Le volume d eau douce ne représente 41 millions de km 3 dont 29,5 millions sont gelés, autour des pôles. L eau inscrite dans ce mouvement perpétuel qu est le cycle de l eau représente environ 11,5 millions de km 3. La situation de l eau dans le monde - éléments clés En 2030 : 40 % d augmentation de la consommation d eau par individu. Quantité d eau douce renouvelable et disponible par habitant : : m : m : m 3 Population mondiale : : 2,5 milliards : 6 milliards : 8 milliards Villes > 10 millions d habitants : : : : 50 Source : rapport mondial pour le développement humain (PNUD)
9 La plus grande part de cette eau est contenue dans le sol. Le volume d eau des nappes souterraines est d environ 8 millions de km 3. L eau est présente dans des lacs ( km 3 ), dans les sols ( km 3 ), dans l air ( km 3 ), dans les fleuves et rivières ( km 3 ), dans les organismes vivants ( km 3 ). [3] [4] L eau suit un cycle constant autour de la Terre. Lorsque le Soleil chauffe la surface des océans, de la vapeur d eau s élève et forme des nuages. Ces derniers sont poussés par les vents et, quand les conditions sont réunies, ils se condensent et relâchent l eau sous forme de pluie, de neige ou de grêle. Ce processus, transformant l eau liquide des océans en gaz atmosphérique puis de nouveau en liquide, est connu sous le nom de «cycle hydrologique». Il est essentiel pour la vie sur les terres émergées qui, sans cela, seraient toutes stériles. 7
10 L eau est un liquide unique. Tandis que la plupart des corps augmentent de volume lorsqu on les chauffe et se contractent sous l action du froid, l eau réagit différemment. Lorsqu elle gèle, son volume s accroît de 9 % et sa densité diminue en conséquence, c est pourquoi la glace flotte. Si ce n était pas le cas, nous ne reconnaîtrions pas notre planète. La glace sombrerait au fonds des lacs, des mers et des océans, loin de la chaleur solaire. Les grands courants océaniques n existeraient pas, et les eaux chaudes tropicales ne remonteraient plus vers les régions polaires. Les tropiques seraient alors extrêmement chauds, les pôles glacés en permanence et les régions tempérées gelées une grande partie de l année. L eau est également un excellent solvant qui dissout tout particulièrement les sels. Le chlorure de sodium, par exemple, est fait d un ion sodium (Na+) et d un ion chlore (CI-), aux charges opposées importantes. Ces ions établissement des liens très forts donnant des cristaux de sel. Faiblement chargées, les molécules d eau sont attirées par ces charges et se mettent en grappe autour des ions de sel, affaiblissant leurs liens. Peu à peu, les cristaux se séparent et flottent librement parmi les molécules d eau : le sel est dissous. Enfin, l eau a une grande capacité à conserver la chaleur. Les océans stockent la chaleur des radiations solaires durant le jour et en été ; ils la perdent durant la nuit et en hiver. Comme le processus de réchauffement et de refroidissement de l eau est beaucoup plus lent que celui des terres, il en résulte que les océans ont un impact important sur elles en réduisant les écarts de températures, qui, sans cela, passeraient d un extrême à l autre. C est pourquoi les régions côtières ont un climat plus tempéré (océanique) que les terres situées au centre des continents (climats continentaux). De plus, les courants océaniques concourent à transporter la chaleur autour de la planète. Ainsi, si notre planète n était pas recouverte d océans, elle connaîtrait des températures brûlantes le jour et glaciales la nuit. [4 ] B) L eau est indispensable à la vie L eau est indispensable à toute forme de vie. Elle est présente dans tout organisme vivant, animal ou végétal. Sans eau toute forme de vie disparaît. Elle est le principal constituant de notre corps. La part de l eau contenue dans un organisme représente 75% chez un nourrisson. Ce chiffre descend avec l âge de l individu : elle est voisine de 55 % chez un vieillard. Elle est présente partout dans notre corps mais sa concentration varie en fonction des organes : elle n est que de 1% dans l ivoire des dents, mais de 90 % dans le plasma sanguin. 8
11 L eau apporte des sels minéraux (sodium, potassium, calcium, fer, magnésium et phosphore) et des oligo-éléments (iode, cuivre, fluor, chlore, zinc, cobalt, sélénium et manganèse). Ces éléments chimiques sont présents en quantité importante dans notre corps dont ils représentent 4 % du poids et un apport régulier est indispensable pour compenser les quantités que notre corps élimine. Une eau, des eaux Les caractéristiques d une eau est aussi celle des éléments qu elle contient. A ce titre des vertus de certaines sources sont connues depuis l antiquité. L eau du robinet constitue ainsi une source non négligeable de sels minéraux et d oligoéléments. En effet, dans son parcours naturels au contact des roches et du sol. Selon les régions, l eau présente des teneurs différentes pour ces différents composants. Elle sera riche en calcium dans les régions calcaires, mais très pauvre dans les régions granitiques. Elle peut être aussi très ferrugineuse dans certaines régions. [24] [26] L eau, vecteur de maladies Il aura fallu attendre le 19 e siècle pour comprendre, avec Pasteur, que l eau pouvait aussi transmettre des maladies, dont certaines pouvaient être mortelles. L eau représente sur une grande partie de la planète le premier vecteur de mortalité. L eau insalubre provoquerait plusieurs millions de victimes chaque année. Les maladies hydriques, notamment le choléra, les hépatites, la typhoïde tuent chaque année. Le nombre d enfants tués chaque année par la diarrhée est estimé à 1,5 millions. [24] [17] B) Inondations, sécheresses, changements climatiques connaître pour agir? Des évolutions notables à attendre du fait du changement climatique Les effets du changement climatique, visibles depuis plusieurs dizaines d années à l échelle planétaire, s observent aussi à l échelle nationale. Depuis 1980, la hausse des températures estivales est de 2,3 C en moyenne, avec une forte croissance de la variabilité, et l évapotranspiration en plaine a augmenté de 20 % à 30 % 2. En revanche, on ne note pas d évolution des précipitations moyennes annuelles, même si des tendances significatives (hausse ou baisse) apparaissent à l échelle saisonnière. Or, la poursuite du réchauffement climatique devrait faire peser des contraintes importantes sur les ressources en eau disponibles en France (en matière de quantité et de qualité). La majorité des modèles prospectifs utilisés et présentés dans le dernier rapport du GIEC 3 de 2008 table sur un réchauffement compris entre 1,4 et 2 C en moyenne 2 Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (2012), Le climat change. Agissons! La lettre aux élus, n 13, juin Le Groupe d experts intergouvernemental sur l évolution du climat a pour mission d évaluer les informations d ordre scientifique, technique et socioéconomiques nécessaires afin de mieux comprendre les risques du changement climatique liés à l activité humaine, afin de cerner ses conséquences et les moyens de s y adapter ou de l atténuer. 9
12 annuelle d ici 2050 en France 4. De plus, malgré les incertitudes en termes de répartition dans le temps et dans l espace, la quasi-totalité des projections disponibles indique, sous la latitude métropolitaine, une tendance à la baisse des précipitations moyennes, surtout en été et à l automne. Par conséquent, il est quasi certain que ces évolutions climatiques conduisent à une diminution des ressources en eau disponibles. Les incertitudes demeurent cependant sur les baisses effectives à attendre. Les simulations disponibles indiquent, selon les résultats fournis par BRL Ingénierie, une baisse globale du débit moyen annuel des cours d eau entre 10 % et 40 % sur toute la métropole d ici 2050, du fait de l augmentation significative de l évapotranspiration potentielle couplée à la diminution prévue des précipitations annuelles, ce qui induit une hausse de l aridité des bassins versants et une baisse générale de leur productivité. En outre, toujours selon BRL Ingénierie, une baisse générale des débits d étiage pour la majorité des bassins de la métropole serait à prévoir (5 % à 65 % de baisse pour le débit mensuel minimal quinquennal sec), ainsi qu une augmentation des jours d étiage dans l année 5. On peut également s attendre à ce que les épisodes de sécheresse deviennent plus intenses, plus longs et plus étendus spatialement 6. Enfin, s il faut rester très prudent sur une possible régionalisation des résultats, on peut distinguer des zones du territoire national potentiellement plus vulnérables que d autres. C est le cas par exemple pour les bassins Adour-Garonne et Seine-Normandie, qui nécessiteront une surveillance particulière dans les années à venir. [7] [28] Réduire l aléa hydraulique et les inondations À l origine des conséquences dommageables se trouve le phénomène de débordement d une inondation, qu il s agisse d un débordement de cours d eau, de mer, de nappe phréatique ou encore d un ruissellement en surface qui ne peut s infiltrer à l occasion de fortes pluies localisées ou généralisées. Historiquement et traditionnellement, pour lutter contre les inondations, on a cherché à retenir les eaux dans des barrages ou des réservoirs, dans des situations favorables au sein d un bassin versant et, quand c est possible, de gérer en temps réel la capacité de stockage, et donc de diminution de la crue, qu offrent de tels ouvrages. Dans ce cas, il faut pouvoir disposer d un dispositif d observation des cours d eau en temps réel et de modélisation de la propagation des crues et de l effet des ouvrages. Cette lutte a aussi conduit à construire des protections par digues et murettes, localisées sur les enjeux humains les plus sensibles, en particulier des villes (ce fut l âme même de la politique nationale décidée par la loi du 28 mai 1858 relative à l exécution des travaux destinés à mettre les villes à l abri des inondations, à la suite des crues généralisées de 1856 ayant 4 Selon les scénarios d émission de gaz à effet de serre A2 et B2 5 En hydrologie, l étiage correspond statistiquement à la période de l année où le débit d un cours d eau atteint son point le plus bas. 6 Travaux réalisés par le groupement BRL Ingénierie-Irstea-Météo-France dans le cadre du projet Explore 2070 (conclusions à paraître). 10
13 touché 55 départements français). Aujourd hui, la construction des ouvrages de protection présente certaines limites telles que l atteinte au paysage, les coûts importants générés par l entretien courant et les gros travaux sur ces ouvrages. De plus, plusieurs exemples de ruptures de digues démontrent que ces ouvrages n apportent pas la protection totale attendue par la population. En effet, la lutte contre les crues et les inondations est efficace tant que les ouvrages réussissent à retenir et contenir les eaux. Elle est limitée par le volume maximal de stockage des barrages ou la hauteur maximale des protections : son efficacité est réelle, mais limitée à certains niveaux de crue et certains évènements. Elle n est donc pas totale. Elle peut aggraver même la situation de plusieurs manières citées à titre d exemple : - les barrages, qui estompent le début d une crue et laissent croire aux communes situées en aval que la crue n est pas si grave, peuvent aussi se trouver pleins au moment du maximum et donc n avoir aucune efficacité ; - en cachant le début de la crue, ils raccourcissent les délais de réaction face à un évènement qui apparaît alors plus prompt à passer d un niveau bas à son niveau maximal ; - les digues et protection peuvent voir survenir une crue d une importance telle qu elle dépassera le sommet de l ouvrage et provoquera une inondation. Cette inondation peut être beaucoup plus grave et soudaine qu un simple débordement progressif de cours d eau, si la protection vient à céder par l effet de l érosion du ruissellement de l eau passant par-dessus l ouvrage. Les protections mal entretenues ou mal conçues peuvent aussi rompre ou laisser passer de l eau, avant que l eau atteigne le sommet. Elles conduisent aussi à accumuler l eau de pluie tombée sur l espace qu elles protègent si des systèmes d exhaure correctement dimensionnés, et donc coûteux, ne sont pas prévus en cas de pluie. La réalisation de protection reste d actualité et représente des coûts d investissement et de fonctionnement de plus en plus lourds pour les territoires exposés. À titre d exemple, on constate que les propriétaires des terrains protégés par une digue participent généralement à hauteur maximale de 10 % aux coûts d investissement et à hauteur maximale de 20 à 25 % aux charges annuelles d entretien de ces ouvrages. Il faut donc faire appel à la solidarité locale, départementale, régionale et nationale (en particulier par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit Fonds Barnier ). Cela justifie que des analyses coût-bénéfice de ces ouvrages soient désormais exigées pour juger de la pertinence de leur réalisation. [8] 11
14 Parer aux manques d eau en dessalant l eau de mer. Une fausse bonne idée Les usines de désalinisation sont de plus en plus nombreuses dans le monde. Elles ne sont d ailleurs pas le privilège de régions arides, à l exemple du moyen orient (Arabie Saoudite, Koweit, etc.). Elles sont présentes en Afrique du Nord (Algérie, Lybie) mais également en Europe du sud (Grèce, Espagne, Italie). Une usine a par exemple été créée à Beckton à l est de Londres. L installation produit m 3 par jour. La technique employée est celle de l osmose inverse. Le procédé repose sur la mise en place d une pression d un côté d une membrane. La différence de concentration entre l eau de mer, d un côté de la membrane semi-poreuse, et l eau douce, de l autre côté, provoque une différence de pression osmotique qui engendre un déplacement de l eau à travers la membrane. Ainsi le procédé peut transformer 70 % de l eau extraite en eau douce. Les 30 % restants sont très concentrés en éléments minéraux. Cette technique éprouvée a des inconvénients : - elle nécessite beaucoup d énergie ; - elle génère une saumure, rejetée en mer. Ce rejet peut provoquer des déséquilibres dans le milieu naturel marin ; - son coût demeure élevé. Ainsi ne peut-elle être généralisée. Le développement de cette technique ne peut être considéré comme une solution à l aggravation des phénomènes de sécheresse. [11] 12
15 II) L eau, une ressource finie à partager. A) Répartition déséquilibrée dans le monde La situation d un pays au regard des ressources en eau peut être évaluée par l indice d exploitation, le volume par habitant et le degré d indépendance. L indice d exploitation est la part de l eau prélevée pour l ensemble des besoins d un pays, par rapport au volume annuel moyen des apports naturels. Il peut aller de 1 % au Venezuela à plus de 100 % en Arabie Saoudite et en Libye. La France, avec 20 %, se situe dans la moyenne des pays industrialisés. Le volume des ressources naturelles va de moins de 500 m³/habitant/an (Malte, Israël...) à plus de m³/habitant/an (Norvège, Gabon, Canada...). La France, comme l Allemagne, la Chine, la Turquie ou le Mexique, est considérée comme bien pourvue puisqu elle se situe dans la fourchette de 2000 à 5000 m³/habitant/an. L Egypte, les Pays-Bas ou l Irak, par exemple, dépendent fortement des ressources en eau d origine externe, respectivement 99 %, 89 % et 65 %. En 2007, plusieurs régions affichaient leur vulnérabilité, souffraient de «stress hydrique», voire étaient déjà en situation de pénurie (Afrique saharienne, Afrique Australe, Moyen Orient, Asie centrale, au centre de l Inde... [25] On parle de «stress hydrique» dès le moment où l eau disponible et accessible ne suffit plus à couvrir les besoins des utilisateurs. La France fait partie des pays privilégiés : les quantités d eau utilisées restent minimes au regard des quantités «offertes» par la nature. Les usages de l eau qui représentent 13
16 environ 32 milliards de m 3 s inscrivent dans un cycle de l eau où les volumes en jeu sont considérables : les précipitations représentant environ 440 milliards de m 3. Méfions nous cependant des «comptabilités de l eau». La réalité est aussi celle d une grande disparité dans l espace et dans le temps. Aussi l utilisation de l eau doit-elle respecter certaines règles. Elle nécessite souvent d importants aménagements (barrages, canaux, forages, ) qui ne sont pas sans incidences sur la ressource elle-même, mais également sur le milieu naturel. B) L eau, source de conflits Le mot «rivalité» découle directement du mot rivière. A l origine des rivaux étaient des communautés différentes qui cohabitaient autour d une même rivière, sans aucune connotation négative ou guerrière. Les difficultés à partager cette ressource, source avant tout de tensions, ont fait basculer le sens du mot. Ainsi, depuis très longtemps, les rivalités liées à l eau sont fréquentes. Du conflit de voisinage à ce que l on pourrait appeler des guerres de l eau, les sources de désaccord sont nombreuses. Elles peuvent être liées à des pollutions : les décisions d implantation de certaines industries sont de plus en plus influencées par des facteurs environnementaux, que ce soit pour se rapprocher des ressources les moins chères ou pour aller dans les pays pratiquant une sorte de moins-disant écologique. Les exemples dans le monde sont nombreux. Citons en quelques uns : - les Etats-Unis disent subir les effets de la pollution du Rio Grande par le Mexique sur leur agriculture. Le Mexique de son côté dénonce le fait que les Etats-Unis «retiennent» la plus grande partie des eaux du Colorado par des barrages et des canaux ; - quatre pays, la Syrie, la Jordanie, Israël et la Palestine se disputent des ressources en eau parmi les plus faibles au monde. Le Jourdain et sa source, sur le plateau du Golan, vidé de ses eaux par Israël et la Jordanie, se réduit aujourd hui à un mince filet d eau. Le Yarmouk, son affluent, retenu dans les innombrables barrages syriens, n irrigue plus la Jordanie ; - le «Grand Projet Anatolien» prévoit la construction de 21 retenues d eau sur le Tigre et l Euphrate. Irakiens et Syriens protestent car la Turquie va non seulement s accaparer des ressources qu ils utilisaient mais surtout se doter d un moyen de pression politique : en cas de tensions avec ses voisins, elle pourrait tout bonnement interrompre le cours de ces fleuves pendant plusieurs mois ; - pour la culture du coton, le Tadjikistan et le Kirghizistan surexploitent les fleuves qui arrosent le Kazakhstan, l Ouzbékistan et le Turkménistan. Comme ces trois derniers 14
17 pays sont d importants producteurs de gaz, de pétrole et de charbon, on assiste à un chantage sur l eau et l énergie entre ces voisins d Asie centrale ; - gourmande en eau et en énergie, la Chine construit des barrages sur le Mékong. En aval, une baisse de débit serait fatale aux rizières vietnamiennes et assècherait plusieurs régions thaïlandaises. Il existe cependant des cas où renforcement de l intégration régionale et coopération en matière de lutte contre la pollution vont de pair : en premier lieu la gestion des grands fleuves européens, Rhin et Danube. La pression sur les ressources en eau ne peut que s accroître. Les raisons sont nombreuses : - la population croît et de façon mal répartie. On recense dans le monde vingt-quatre mégapoles de plus de dix millions d habitants. Ce nombre ne peut qu augmenter. Ce sont autant de lieux où l utilisation d une ressource renouvelable devient de plus en plus difficile, voire quelquefois impossible ; - les surfaces irriguées augmentent, pour faire face à la demande de la population ; - les déforestations et les grands aménagements ont des conséquences sur le fonctionnement du cycle de l eau, et donc sur les ressources disponibles ; - les dégradations de la qualité de l eau liées à des activités industrielles, ou d exploitation de ressources souterraines (exemple des sables bitumineux) sont très fréquentes ; - l évolution climatique a des conséquences négatives sur les ressources en eau douce : changement de régime des cours d eau lié à la réduction des glaciers, salinisation des nappes littorales, etc. [24] C) Des usages multiples et pas toujours cohérents Il est coutume de répartir les usages par grand type de fonctions, qui sont cependant difficilement comparables : 1. énergie, 2. artisanat et industrie, 3. agriculture, 4. usages domestiques (eau potable). La répartition entre ces usages est extrêmement variable en fonction des régions. Par ailleurs il faudrait distinguer les quantités prélevées et celles réellement utilisées. Ainsi, à l échelle de la France, l énergie représente la plus grosse part des prélèvements. Mais l eau est en grande partie restituée. L agriculture qui représente 11 % des prélèvements s attribue la plus grande part des volumes consommés. 15
18 Les prélèvements et consommations d eau en France Domaine % des volumes prélevés Ces chiffres diffèrent beaucoup de ceux d une «moyenne mondiale» : sur une grande partie de la planète l agriculture représente le premier usage de l eau. Le chiffre de 80 % est avancé pour les pays du sud. L évolution constatée en France ces dernières années est celle d une réduction des consommations d eau : - dans l industrie elle est en grande partie due à la récession des activités industrielles consommatrices d eau, telles les aciéries, les raffineries, etc. ; - pour l irrigation la succession d années sèches et les difficultés de commercialisation de certaines filières freine les projets d expansion ; - les habitants, au regard des factures d eau, réduisent leurs consommations d eau, grâce à du matériel économe, à la récupération d eau de pluie, en évoluant dans leurs pratiques journalières. [9] D) L utilisation de l eau pour la production d énergie % des volumes consommés Energie 59 % 3 % Industrie 12 % 5 % Agriculture 11 % 68 % Eau potable 18 % 18 % Source Commissariat Général du Développement Durable. L énergie hydraulique est utilisée depuis l antiquité. La force d un courant d eau est utilisée directement en tant que moteur. C est le cas des moulins à eau. L eau est également utilisée pour la production d électricité avec l installation d une turbine. Elle représente dans beaucoup de pays la source principale de production d énergie. En France elle représente environ de 3 % de la production totale d énergie. C est une énergie renouvelable. Mais cet usage de l eau pour produire de l énergie nécessite en général la création d un barrage, ce qui n est pas sans conséquences sur les aspects environnementaux (continuité écologique, réchauffement de l eau, perturbation des espèces, etc.) ainsi que sur des aspects sociaux (impact sur les activités humaines, pour les grands barrages déplacement de populations, etc.). 16
19 L eau est par ailleurs au cœur du fonctionnement des centrales thermiques de production d électricité : centrale nucléaire, centrale à gaz, à fuel ou à charbon. La consommation en eau d une centrale nucléaire s effectue avant tout au niveau du circuit de refroidissement. L eau refroidie est réutilisée mais un prélèvement dans le milieu est effectué pour compenser la quantité d eau évaporée. Pour une tranche de 900 MW le circuit de refroidissement nécessite un débit de l ordre de 40 m 3 /s. Le débit prélevé est égal à cette valeur pour un circuit ouvert. Il est de l ordre de 2 m 3 /s pour un circuit fermé. [22] E) L eau et l industrie L eau constitue l élément principal de nombre de formes d industries et artisanats. Depuis l antiquité l eau est utilisée dans la fabrication du papier, du cuir, du métal, etc. Aujourd hui les aciéries, les industries agro-alimentaires, les papeteries, les tanneries, les raffineries, les industries chimiques, etc. utilisent des quantités importantes d eau. Les prélèvements pour l industrie peuvent poser des problèmes quantitatifs. Mais ce sont peut-être les problèmes de dégradation de la qualité de l eau qui sont les plus prégnants : l eau est plus ou moins contaminée dans les processus industriels et trop souvent encore l eau restituée au milieu naturel provoque des dégradations de ce milieu. En France les pollutions liées aux activités industrielles ont fortement régressé pour deux raisons : 1. les efforts consentis par les entreprises qui consomment moins d eau et réalisent des traitements des eaux avant rejet ; 2. la très forte régression et les délocalisations des activités industrielles les plus polluantes (industries métallurgiques, raffineries, tanneries, etc.). F) L eau et l agriculture, l irrigation La principale utilisation de l eau est aujourd hui l irrigation des cultures. L irrigation absorbe ainsi 73 % de l eau douce utilisée dans le monde, devançant largement l industrie et la production d énergie (21 %), et les foyers des particuliers (6 %). Les terres irriguées ne représentent que 15 % des cultures mondiales mais produisent 40 % des ressources alimentaires de l humanité. Elles se développeront pour augmenter la productivité des terres et nourrir la planète. 17
20 Elle est indispensable à la culture de certaines plantes. Par ailleurs dans de nombreuses régions l agriculture ne peut être envisagée sans irrigation. En France l irrigation s est développée à partir du 16ème siècle, avec la création de canaux dans le midi. Elle s est toutefois cantonnée au midi de la France jusqu à l arrivée des premiers systèmes sous pression, dans les années soixante. L irrigation s est développée entre 1970 et Les superficies équipées (susceptibles d être irriguées) ont triplé sur cette période. [17] [18] Aujourd hui la surface irriguée en France est voisine de 1,5 million d hectares, soit près de 6 % de la Surface Agricole Utile (SAU). L irrigation est pour moitié celle des maïs grain et semence. Les agriculteurs irriguent également hectares de maïs fourrage. L irrigation concerne par ailleurs certaines cultures qui n étaient que rarement irriguées avant les années quatre-vingt. Il peut s agir dans le grand bassin Parisien de cultures industrielles (betterave industrielle, pomme de terre de conservation) ou de légumes pour lesquelles l exigence de régularité dans le rendement et la qualité amène les agriculteurs à s équiper. Les superficies irriguées sont principalement localisées en Aquitaine, dans les vallées de la Garonne et du Rhône, en Beauce, en Poitou-Charentes et en Pays de la Loire. Onze départements de ces zones cumulent ainsi 45 % des superficies irriguées. Les plus importants sont le Gers, le Lot-et- Garonne et les Landes avec des superficies irriguées de à hectares chacun. 18
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