L engagement en pratique des gestionnaires de cas
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- Élodie Lafleur
- il y a 8 ans
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1 L engagement en pratique des gestionnaires de cas Cyrille Lesenne Président de l'association Française des Gestionnaires de Cas (AFGC) Samuel Lesplulier Vice Président de l AFGC La gestion des cas La gestion de cas constitue un nouveau champ de compétences créé dans le cadre du plan Alzheimer A l'issu de la première cession de formation 2009/2010, les professionnels ayant obtenu le D.U., déployés sur les 17 expérimentations MAIA, ont souhaité créer une communauté de pratique. C'est ainsi qu'est née l'association Française des Gestionnaires de Cas (AFGC). P. 1
2 Les gestionnaires de cas sont des professionnels dédiés au suivi intensif, personnalisé au long cours des personnes en perte d'autonomie en situation dite «complexe». Les critères de complexité retenus concernent une population présentant souvent des troubles cognitifs et du comportement ainsi que d'autres alertes sanitaires, sociales ou environnementales. Au cœur de cette démarche, il y a la personne suivie, la recherche de son adhésion, la construction d une réponse en lien avec ses besoins, désirs et projet de vie, quel que soit son état de santé. L évaluation multidimensionnelle couvre les champs médical/social et médicosocial, elle est globale et, après analyse, permet d établir un Plan de Services Individualisé (PSI). Le PSI permet au gestionnaire de cas la mise en place et le suivi des soins, aides et services corrélés à l ensemble des besoins de la personne suivie. Cas concret Situation de Mlle B : Mlle a 74 ans. Elle est d origine Algérienne et vit en France, dans la même commune, depuis 50 ans. Elle est venue en France avec ses patrons chez qui elle était employée de maison. Elle est célibataire et sans enfants, et vit seule dans un appartement du parc HLM. La situation de Mlle B nous a été signalée par le Centre Local d Information et de Coordination (CLIC), qui lui-même avait été interpellé par un élu de la Mairie, suite à des «plaintes du voisinage». Le CLIC se posait des questions quant à l existence de troubles du comportement chez Mlle B, sans savoir s il s agissait de troubles cognitifs, ou plutôt d une pathologie psychiatrique, et sans pouvoir inscrire Mlle dans un parcours de soins du fait de son refus. Plusieurs éléments clefs, relatifs à la gestion de cas : P. 2
3 - Le temps qu il a fallu au gestionnaire de cas pour établir une relation de confiance avec Mlle B : au départ, Mlle ne m ouvrait pas la porte, et il m a fallu trouver des «stratégies» de compensation pour pouvoir accéder à son domicile (il n y a qu en l appelant au téléphone lorsque je me trouvais devant sa porte qu elle acceptait alors de m ouvrir). Puis, il a fallu passer régulièrement au domicile pour qu elle me repère, et qu elle se souvienne finalement de son gestionnaire de cas. - Accepter de ne rien pouvoir mettre en place dans un premier temps (la non action) malgré les demandes pressantes des partenaires (mise en place d aide à domicile, hospitalisation), et respecter ainsi le rythme de Mlle B : dans la fonction de gestionnaire de cas, il est important de recueillir les demandes des uns et des autres, mais de toujours savoir se positionner et ne pas céder aux demandes de ceux-ci (que tout se mette en place le plus vite possible). Il est essentiel de respecter la personne suivie, ses choix, ses envies, ses craintes et réticences. C est en les prenant en compte qu une relation de confiance peut aussi s instaurer, ce qui permettra peut-être, le jour venu, une meilleure prise en charge à domicile. - Compréhension de la situation à travers le recueil de l histoire de vie de la personne : histoire familiale, culture S agissant de Mlle B, il m a été important de connaître son histoire de vie : Elle a pu me parler de son rapport à la religion, qui n impacte pas son quotidien, ce que ne comprend pas toujours une partie de sa famille. Elle évoque souvent le décès d un ancien employeur, qu elle nomme comme ayant été sa «mère», et qu elle a très mal supporté. Elle explique que c est depuis ce «choc» qu elle «est malade». - Organiser des temps de concertation avec les acteurs clefs (professionnels, famille, entourage ) : Pour que des orientations soient prises, il a été nécessaires d organiser des temps de concertation, où étaient présents le médecin traitant, le gestionnaire de cas, l office HLM, un élu de la mairie, le CLIC, l assistante sociale de secteur... Sans cette concertation, aucune décision n auraient été prise. C est ensemble qu une cohérence dans les réponses apportées peut être envisagée. A partir de cette rencontre, nous avons pu mettre en place un suivi par le psychiatre du CMP, et par les IDE du CMP, afin d étayer le diagnostic et la prise en charge médicale. P. 3
4 - Assurer un retour des actions menées auprès de tous : dans cette situation, il est très important d assurer ce retour. Ainsi, tout le monde se sent concerné et entendu. Les voisins ont notamment besoin de ce retour, qui leur permet aussi d être rassuré et de voir que la situation n est pas laissée à l abandon. Avec le médecin traitant, il nous est arrivé de nous rendre au domicile d une voisine afin de lui expliquer les actions mises en place, dans le respect du secret professionnel et du secret médical. - Créer un partenariat privilégié avec le médecin traitant : dans la situation de Mlle B, le partenariat avec le médecin traitant est essentiel. Sa mobilisation a permis de trouver des réponses adaptées et adaptables à chaque étape du parcours de Mme. Nous travaillons ensemble et cette collaboration étroite permet une souplesse dans la gestion de la situation, même en temps de crise (hospitalisation, opposition de Mme). Le médecin a su prendre en compte la situation dans sa globalité, et intégrer toutes les données, même sociales et environnementales. Je peux compter sur lui et le solliciter à tout moment, pour la révision du traitement notamment. Il me reconnait comme étant le référent de la situation. - Être présent lors des épisodes d hospitalisations : Mlle B a été hospitalisée suite à une chute à son domicile, un dimanche. Le médecin m ayant tout de suite avertie, j ai pris contact avec l hôpital dès le lundi. Avec le médecin traitant, nous avons permis que Mlle soit hospitalisée dans le bon service, soit le service de gériatrie. Je me suis rendue au cetre hospitalier, et j ai pu rencontrer l infirmière, le gériatre, l assistante sociale du service. Grâce à ma connaissance de la situation et à l utilisation de l Évaluation Multidimensionnelle, j ai pu transmettre des informations clefs au gériatre, qui lui ont permis de prendre en charge Mlle B différemment : les données médicales (suivi psy, le traitement en place, les résultats du scanner), son analphabétisme (à prendre en compte dans le cadre des tests type MMS), son histoire de vie et sa composition familiale. Grâce à ce travail de partenariat, nous avons pu organiser le retour à domicile de Mlle B de façon efficace et cohérente. P. 4
5 - Accompagnement lors des étapes clefs en général : Accompagnement chez le Juge des Tutelles pour une adaptation de la mesure au plus proche des besoins : type de mesure (tutelle? Curatelle?), qui assurera la protection? (tuteur familial, mandataire judiciaire privé, service ou association tutélaire)/accompagnement à certains rendez-vous médicaux auprès de spécialistes (psychiatre), toujours pour la retransmission d informations clefs. - Co-responsabilisation des partenaires (professionnels, famille, entourage au sens large) : il est important de mobiliser chaque partenaire, à son niveau de responsabilité, qu il s agisse de la famille, des voisins, du médecin, de l infirmière libérale. Chacun doit savoir pour quelle mission il intervient afin de se situer dans le système, mais aussi connaître et reconnaître celle de l autre, ce qui permettra de respecter la place de chacun. Cette notion de co-responsabilité peut parfois prendre sa source lors des temps de concertation. - Rôle d advocacy : nous avons un rôle important à tenir pour faire entendre la voix de la personne suivie. Dans le cas de Mlle B, ce rôle a été plus qu essentiel lors de son hospitalisation. En effet, dans un premier temps, le gériatre n envisageait pas de retour à domicile, mais plutôt un placement en institution. Mlle B, quant à elle, signifiait son envie de rentrer à son domicile. Cependant, elle était très désorientée (elle croyait être en Algérie), et cette confusion n était pas pour rassurer l équipe. Mais pour avoir pris le temps de parler avec Mlle B, je savais que ce qu elle voulait, c était retrouver son chez-elle, son appartement, ses repères. En transmettant un certain nombre d éléments rassurant à l équipe hospitalière (entourage aidant, implication forte du médecin traitant, tutelle en cours, démarches d inscription en établissement en cours), celle-ci a alors revu sa perception de la situation, et nous avons alors pu répondre à la demande de Mlle B. - Avoir une bonne connaissance des services de son territoire : dans la gestion de cette situation, il est primordial que j aie une bonne connaissance des services existants sur le territoire, afin de répondre au mieux aux besoins de Mlle B. Il s agit aussi bien d une connaissance des dispositifs légaux et extra-légaux (protection juridique, droits sociaux, renouvellement du titre de séjour), que des services d aides à domicile (SAD, SSIAD, portage des repas, infirmières libérales), ou encore des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. P. 5
6 - Planification des services et suivi de cette planification : Le GC, tout au long de son évaluation de la situation, doit être en mesure de planifier les services qui répondront aux besoins repérés, et devra s assurer de leur mise en place et du déroulement de cette mise en place. Dans le cas de Mlle B, la situation n est pas figée. A son retour à domicile, nous avions mis en place des aides 3 fois par jour, qui ont répondues aux besoins les premiers jours, mais qui ont vite envahies Mlle B. Il a donc fallu revoir à la baisse le niveau d aides à domicile pour que Mme continue de les accepter. P. 6
7 Cette situation illustre bien à la fois les enjeux de la gestion de cas et met en avant les spécificités de ce nouveau champ de compétences. Aujourd'hui la gestion de cas a besoin de professionnels compétents et ces derniers ont besoin de soutien et de supervision pour pouvoir travailler de cette manière. Les situations complexes auxquelles doivent faire face les gestionnaires de cas, la nécessité de trouver le juste positionnement face aux divers intervenants, aux familles, aux personnes suivies, le travail face au refus d'aide et de soin et aux troubles du comportement, tout cela se faisant au domicile, dans l'intimité des personnes suivies, amène de nombreux questionnements. L'AFGC souhaite permettre à travers l'échange et le renforcement d'une communauté de pratique naissante les accompagner dans ces réflexions, que toujours, à notre sens, les accompagnants doivent continuer à se poser. P. 7
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